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Full text of "Revue des études grecques"

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SUADUN^ 


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REVUE 


DES 


ÉTUDES    GRECQUES 


Les  n'-uiiions  du  Corriitr  ont  lieu  a  TÉcolc  des  Beaux-Aits,  à  quatre  heures,  le 
premier  jeudi  non  férié  de  chaque  mois:  tous  les  membres  de  la  Société  ont  le 
droit  d"v  assister  et  ont  voix  consultative.  Elles  sont   interrompues  pendant  les 

mois  dacrit.  (if  septendtro  et  d'octobre. 

I^a  bil)liothèque  de  l'Association  (Sorbonne,  salle  des  conférences  de  grec,  au 
rez-(le-cliaussée)  est  (iiiveilf  le  mardi  de  4  h.  à  5  h.  1/2,  et  le  samedi  de  2  à  4  h. 


Les  communications  à  l'Association,  les  deman(Jes  de  renseignements,  les 
ouvrants  ollerts  à  la  bibliothèque,  doivent  être  a<lressés,  franc  de  port,  44,  rue 
de  Lille,  viic. 

Les  manuscrits  destinés  à  la  Revue,  ainsi  que  les  ouvrages  envoyés  pour 
compte  rendu,  doivent  être  adressés  à  M.  Gustave  Glotz,  rédacteur  en  chef  de 
la  Revue,  librairie  Leroux,  28,  rue  Bonaparte,  vi^. 


Les  membres  de  l'Association  sont  priés  de  vouloir  bien  envoyer  le  montant  de 
leur  cotisation,  en  un  mandat  poste,  h  M.  Henri  Lebèguf,  agent  bibliothécaire 
de  TAssociation,  44,  rue  de  Lille,  vii«. 

Tout  membre  qui,  après  deux  ans,  n'aura  pas  payé  sa  cotisation,  sera  consi- 
déré comme  démissionnaire.  , 


REVUE 


DES 


ÉTUDES  GRECQUES 

PUBLICATION   THIMKSTKIKLLE 

DE  l/ASSilCIATION  PHIIR  L'RNCHlIlliifiKMUNT  \)ll  ETODES  liitKtQOES 

(Reconnue  établissement  d'utilité  publique  par  décret  du  7  juillet  1869) 


lOUE   XXX 


ANNEE      1917 


PARIS 
MAISON    ERiNESÏ    LEROUX,    ÉDITEUR 

28,  RUE  BONAPARTE,  VI^ 

1917 


/O 


ACTES  DE  L'ASSOCIATION 


N°  458.  Séance  du  9  novembre  1916. 

Présidence  de  M,  Maurice  Croiset. 

Membres  nouveaux.—  MiM.  Paul  Langeard,  ancien  élève  de  l'École  des  Chartes, 
présenté  par  MM.  Lebègue  et  Omont. 

Maurice  Lacroix,  membre  de  l'École  française  d'Athènes,  présenté  par 
MM.  Glotz  et  Michon. 

Georges  Mathieu,  professeur  de  première  au  Lycée  de  Besançon,  présenté  par 
MM.  Bourguet  et  Haussoullier. 

Communication.  —  M.  Louis  François.  Dion  Chrysoslome  critique  d'art  et  le 
Zeus  d'Olympie.  Le  texte  de  Dion  est  un  des  rares  témoignages  un  peu  explicites 
que  nous  possédions  au  sujet  du  Zeus  de  Phidias.  D'où  le  succès  qu'il  a  obtenu 
auprès  de  tous  les  historiens  de  l'art  hellénique.  Mais  quelle  est  sa  valeur? 
Est-ce  l'impression  toute  fraîche  d'un  témoin  oculaire  ?  N'est-ce,  au  contraire, 
qu'une  amplification  oratoire  ?  L'étude  des  sources  de  VOlympicos  {Or.  XII) 
nous  éclairera. 

D'abord  le  sujet  du  discours  n'est  pas  la  seule  glorification  de  Phidias.  Dion  y 
examine,  à  la  suite  du  Portique,  le  problème  de  l'origine  de  la  notion  du  divin 
parmi  les  hommes.  Elle  est  double,  êfxœuToç  ou  innée,  sttîxtt.toç  ou  acquise. 
Cette  svvoia  smxTï\TO<;  elle-même  se  divise  en  trois  ysviaeiç  secondaires,  Tzoïr^'ZiXTi, 
vo[xtviT,,  6T,[xioopytx^  xal  tzIckj-z-.-kï],  cette  dernière  n'étant  qu'un  cas  particulier  de 
la  première.  On  arrive  donc  à  une  division  tripartite  de  la  philosophie  théolo- 
gique :  è'fjLcpuToç,  voîxixT^,  tcoititixt^i,  qui  est  consacrée  dans  le  moyen  Portique. 
Dion  est  donc  jusqu'ici  purement  stoïcien. 

Il  ne  l'est  pas  moins  dans  l'éloge  de  Phidias.  L'artiste,  par  sa  bouche,  com- 
mente en  pur  stoïcien  l'expression  de  son  Zeus.  L'énumération  des  cognomina 
du  dieu  et  leur  commentaire  sont  tout  stoïciens.  C'est  une  sorte  de  litanie  de 
Zeus  agrémentée  d'instructions.  On  en  trouve  un  premier  crayon  chez  Cléanthe 
qui  célèbre  en  Zeus  le  ttoXuwvujj.oç.  Elle  est  tout  au  long  dans  le  Ilepl  xoafxou  du 
Ps.  Aristote,  ouvrage  mi-stoïcien  mi-aristotélicien.  Dion  la  reprend  trois  autres 
fois  dans  les  II.  [âaaiXetaç  1,  III,  IV.  vElius  Aristide  la  reproduit  au  grand  com- 
plet dans  son  Hymne  à  Zeus.  C'est  donc  un  vieux  cliché  stoïcien,  variante  du 
locus  connu  sur  le  souverain  idéal,  et  que  Dion  plaque,  sans  scrupule,  sur  le 
Zeus  de  Phidias. 

REG,  XXX,  1917,  n»  137.  a 


—  il  — 

Toutefois,  le  fait  même  est  instructif.  Le  Zeus  stoïcien  est  le  dieu  qu'adorent, 
en  somme,  tous  les  hommes  éclairés  avant  la  difï'usion  du  christianisme.  C'est 
un  dieu  bon,  un  dieu  providence,  et  c'est  lui  que  les  stoïciens  se  plaisent  à 
reconnaître  chez  Phidias. 

MM.  Salomon  Reinach  et  Maurice  Croiset  présentent  des  observations. 

Propositions  de  M.  Marguerite  de  la  Cliarlonie  (cf.  n»  456.  Séance  du  8  juin 
1916).  Le  secrétaire-adjoint  en  donne  lecture,  et  le  Président  les  met  en  discus- 
sion. On  adopte  les  conclusions  suivantes  : 

/re  proposition^  concernant  les  pertes  faites  par  nos  confrères  en  la  personne 
de  leurs  proches  parents  morts  à  l'ennemi. 

On  estime  qu'une  communication  de  ce  genre  ne  peut  faire  l'objet  d'un  statut 
et  doit  être  laissée  à  l'appréciation  du  président. 

2^  proposition.  Requête  au  gouvernement  pour  sauvegarder  l'élite  intellec- 
tuelle de  la  France. 

Cette  proposition  est  écartée,  la  requête  dont  il  s'agit  excédant  nos  attribu- 
tions et  notre  compétence. 

j'e  proposition.  Pétition  réclamant  une  plus  grande  place  pour  les  humanités, 
et  en  particulier  pour  l'étude  de  tout  ce  qui  touche  à  l'hellénisme. 

Remis  à  la  prochaine  séance,  pour  que  l'auteur  de  la  proposition  la  motive  et 
la  précise. 

4e  proposition.  Qu'il  soit  consacré  à  l'art  et  à  l'archéologie  hellènes  des  réu- 
nions supplémentaires,  afin  d'introduire  plus  largement  dans  notre  Association 
les  artistes,  les  ouvriers  d'art  et  l'élément  féminin. 

Ce  vœu  de  propagande  peut  être  retenu;  mais  on  n'estime  pas  pouvoir  en 
faire  entrer  l'application  dans  le  règlement. 

5e  proposition.  Érection  d'une  statue  à  A.  Chénier.  " 

Les  moyens  nous  manquent  pour  faire  aboutir  ce  vœu. 

6^  proposition.  Imposer  à  ceux  qui  veulent  devenir  membres  de  l'Association 
une  déclaration  indiquant  leur  lieu  de  naissance  et  celui  de  leurs  parents. 

On  estime  que  nous  devons  faire  confiance  aux  parrains  et  que  la  mesure 
proposée  pourrait  avoir  pour  eux  quelque  chose  de  désobligeant. 

iNo  459.  Séance  du  7  décembre  1916. 

Présidence  de  M.  Meillet. 

Membres  décédés. —  MM.  L,  Bellanger,  docteur  ès-lettres,  professeur  au  lycée 
d'Auch,  membre  ordinaire  de  l'Association  depuis  1892. 

Georges  Paspati,  d'Athènes,  membre  donateur  depuis  1888. 

Le  marquis  Melchior  de  Vogué,  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres  et  de  l'Académie  française.  Président  de  la  Société  des  Agricul- 
teurs de  France.  M.  le  Président  retrace  la  carrière  diplomatique  et  scientifique 
de  notre  confrère,  qui  faisait  partie  de  l'Association  depuis  1875. 

Communication.  —  M.  Pierre  Jouguet.  Les  magistratures  dans  les  métropoles 
égyptiennes  au  ii^  siècle  ap.  J.-C,  d'après  les  papyrus  de  la  collection  Rylands. 

La  bibliothèque  de  Mrs  Rylands  à  Manchester,  qui  contient  plus  de  7,000  ma- 
nuscrits en  langues  diverses,  possède  une  belle  collection  de  papyrus  grecs. 
M.  A.  S.  Hunt  a  publié  en  1911   les   textes   littéraires  :  à  la  fin  de  1914  il  a 


—  in  — 

donné,  avec  la  collaboration  de  M.  V.  Martin  et  de  M.  Johnson  un  volume  de 
documents.  Plusieurs  de  ces  textes  ont  apporté  des  renseignements  sur  l'organi- 
sation des  métropoles,  au  ii^  siècle  après  J.-C.  On  sait  que,  si  l'on  met  à  part  les 
citoyens  romains,  peu  nombreux,  l'Egypte  comprenait  trois  classes  de  popula- 
tion :  les  citoyens  des  cités  grecques,  la  population  hellénique  de  la  /ojpa,  privi- 
légiée à  l'égard  de  la  capitation,  et  la  population  indigène,  dont  la  sujétion  est 
marquée  précisément  parce  qu'elle  est  frappée  de  ce  tribulum  capilis.  A  ces 
trois  classes  de  populations  répondaient  trois  sortes  de  comnmnes  :  les  citoyens 
appartenaient  à  l'une  des  quatre  cités  d'Egypte;  les  indigènes  vivaient  surtout 
dans  les  bourgs;  les  Hellènes  du  nome  se  rattachaient  aux  métropoles.  C'est  sur 
les  àpya[  par  qui  sont  administrés  ces  Hellènes  du  nome  que  les  pap.  Rylands 
nous  apportent  les  renseignements  les  plus  nombreux.  Le  pap.  8G  mentionne  le 
xoivov  des  cosmètes  ;  le  n»  11  jette  une  lumière  assez  vive  sur  la  désignation  aux 
àoyixi.  Cette  désignation  est  faite  par  les  cosmètes  (ou  les  magistrats  de  l'ordre  de 
la  magistrature  à  pourvoir).  Aucun  tirage  au  sort,  ni  agrément  par  l'épistratège 
ou  autre  représentant  du  pouvoir  central.  Cérémonie  du  couronnement  par  le 
stratège;  mais  ce  n'est  qu'une  cérémonie  :  le  stratège  n'intervient  pas  dans  le 
choix. 

Il  est  frappant  de  voir  que  ni  le  xo-.vèv  des  archontes  ni  celui  des  cosmètes  ne 
sont  nommés.  Peut-être  ne  sont-ils  pas  encore  créés.  Mais  on  ne  peut  rien 
affirmer.  11  reste  que  seules  interviennent  les  magistratures  municipales,  ce  qui 
contraste  avec  ce  que  nous  savons  des  liturgies  des  bourgs  pour  lesquelles  les 
propositions  des  comogrammates  sont  revues  parle  stratège,  puis  par  l'épistra- 
tège (qui  tire  les  candidats  au  sort).  11  y  a  donc  une  différence  essentielle  entre 
àpj^oLi  et  XsiToupyîat.  M.  Jouguet  essaie  une  explication  du  terme  èTzikoyyoï.  Les 
éditeurs  en^font  un  synonyme  de  magistrats  contraints  à  la  charge,  ou  de  ma- 
gistrats àTT:o5e5eî,Y[xévoi.  Le  mot  parait  faire  allusion  à  un  tirage  au  sort  :  on 
devait  tirer  au  sort  les  tours  de  service.  Les  sir^Xoyxoi  seraient  ceux  qui, 
nommés  et  couronnés,  seraient  disponibles  pour  ce  tirage  au  sort. 

No  460.  Séance  du  11  janvier  1917. 

Présidence  de  M.  Meillet. 

Membre  décédé.  —  M.  l'Abbé  Emmanuel  Auvray,  membre  donateur  depuis  1892. 
II  avait  publié  pour  la  première  fois,  d'après  six  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  le  texte  des  Pleurs  de  Philippe  le  Solitaire. 

Communication.  Observations  sur  les  Phéniciennes  d'Euripide.  —  M.  Pierre 
Roussel  cherche  les  raisons  qui  ont  pu  déterminer  Euripide  à  introduire  dans 
sa  tragédie  un  chœur  de  jeunes  filles  tyriennes.  Les  scoliastes  ont  fait  valoir 
qu'elles  pouvaient  plus  librement  présenter  des  observations  à  Étéocle.  La  cri- 
tique moderne  a  été  moins  indulgente  pour  le  poète  :  Decharme  parle  du  «  vice 
capital  de  la  conception  de  ce  chœur  »;  Wilcken  dit  qu'Euripide  a  cherché  un 
effet  de  surprise;  mais  ses  observations  à  ce  sujet  sont  fort  peu  concluantes. 
M.  Roussel  attire  l'attention  sur  les  vers  301-2  <ï>oivt<jaav  poàv  xXûouaa.  Boav  dési- 
gne, non  le  parler  phénicien,  mais  un  chant  modulé  à  la  manière  de  la  Phénicie. 
Athénée  nous  parle  des  Y(yypoc,  flûtes  courtes  aux  sons  aigus  et  plaintifs  qu'em- 
ploient les  Phéniciens  :  ces  flûtes,  nous  dit-on,  sont  aussi  en  usage  chez  les 


—    IV   — 

Cariens.  On  sait  d'ailleurs  que  Carie  et  Phénicie  sont  assez  souvent  confondues. 
Aristophane  fait  allusion  à  cette  musique  étrangère  (Kapixwv  a'jTvTiîiaTwv,  Greji. 
1302).  Ce  fait  peut  donc  trouver  son  application  dans  les  Phéniciennes  d'Eu- 
ripide. 

Le  poète  peut  avoir  eu  également  une  raison  particulière  d'introduire  ce  chœur 
dans  sa  tragédie.  Ces  jeunes  filles  sont  envoyées  de  Tyr  en  offrande  à  Apollon  : 
elles  seront  hiérodules  de  son  temple.  On  sait  que,  dans  certaines  circonstances, 
des  jeunes  filles  étaient  ainsi  envoyées  pour  expier  un  sacrilège  et  détourner  la 
colère  d'un  dieu.  Nous  savons  par  Diodore  et  par  Quinte-Curce  qu'entre  409  et 
404,  dans  une  expédition  de  Phéniciens  en  Sicile,  une  statue  d'Apollon  avait  été 
enlevée  et  transportée  à  Tyr.  Ne  pourrait-on  pas  expliquer  l'introduction  d'un 
chœur  de  Phéniciennes  dans  la  tragédie  d'Euripide  en  supposant  que  des  jeunes 
filles  avaient  été  envoyées  à  Delphes  (par  Athènes)  pour  aller  apaiser  la  colère 
du  dieu  ? 

MM.  Maurice  Crbiset,  Bourguet,  P.  Girard,  Puech,  Meillet  présentent  des  obser- 
vations. 

N°  461.  Séance  du  1"  février  1917. 

Présidence  de  M.  Meillet. 

Membres  nouveaux.  —  M.  R.  Jardillier,  professeur  au  Lycée  de  Rochefort,  pré- 
senté par  MM.  Glotz  et  Robin. 

Le  laboratoire  de  philologie  et  d'histoire  de  l'Université  de  Copenhague, 
présenté  par  MM.  Heiberg  et  Lebègue. 

Communications.  —  M.  l'Abbé  d'Alès.  Noie  de  lexicographie  byzantine.  M.  l'Abbé 
d'Alès  observe  que  les  sanctuaires  dédjés  à  la  navayia  sont  innombrables  et  que 
les  lexiques  sont  très  pauvres  sur  ce  mot.  Sophoclis  cite  six  exemples  ;  mais 
certains  d'entre  eux,  par  exemple  ceux  de  Saint  Hippolyte  et  de  Saint  Méthode, 
sont  empruntés  à  des  écrits  apocryphes  d'époque  assez  basse,  et,  à  l'analyse, 
tout  cet  article  de  dictionnaire  ne  laisse  rien  de  solidement  acquis.  Nous  savons 
qu'Eusèbe  emploie  Tcavay^a  au  sens  adjectif:  pour  le  substantif,  nous  ne  sommes 
pas  documentés. 

Il  existe  une  Doctrina  Patrum,  florilège  patristique  composé  vraisemblablement 
pour  le  Concile  de  681.  llavayfa  ne  figure  pas  dans  les  54  exemples  des  appella- 
tions de  la  Vierge  :  le  vocable  n'était  donc  pas  entré  dans  l'usage.  Nous  voyons, 
d'autre  part,  dans  la  Sigillographie  de  Schlumberger  que  Ilavay^a  est  très  fréquent 
au  xi«  siècle.  L'efflorescence  de  ce  vocable  se  place  donc  entre  700  et  1000,  et 
ceci  fournit  un  critère  pour  dater  les  textes  byzantins. 

MM.  Meillet,  Glotz,  Fougères,  Bourguet,  Maurice  Croiset  présentent  des  obser- 
vations. 

M.  Edmond  Pottier.  L'enseignement  par  les  musées.  M.  Pottier  signale  un 
article  sur  ce  sujet,  publié  en  septembre  1916,  par  le  Bulletin  du  Musée  métro- 
politain de  New-York.  Les  ciceroni  des  Musées  sont  insuffisants  et  donnent  des 
idées  fausses.  Comment  pourrait-on  avoir  de  bons  guides?  Ne  pourrait-on  créer 
un  office  auquel  le  public  s'adresserait  pour  en  trouver  ?  L'École  du  Louvre  pour- 
rait servir  à  les  recruter.  Rien,  jusqu'ici,  n'a  été  fait  chez  nous  en  ce  sens,  tandis 
qu'en  Amérique  et  en  Angleterre  on  a  déjà  créé  un  bureau  de  guides  qui  se  met 


en  relations  avec  les  écoles.  Il  y  a  là  une  organisation  que  nous  aurions  intérêt 
à  étudier. 

Nous  aurions  ainsi  le  moyen  de  visiter  raisonnablement  un  musée,  et  d'échap- 
per à  ce  «  museumfag  »,  cet  «  éreintement  du  Musée  »,  inévitable  à  ceux  qui  se 
promènent  sans  but.  M.  Arthur  W.  Dow  nous  propose  de  visiter  le  Musée  avec 
une  idée  directrice,  p.  ex.  l'étude  du  portrait,  et  M^'^  Elisabeth  Withraore  nous 
montre  comment  un  guide,  s'arrêtant  avec  nous  devant  un  objet,  pourrait  : 
1»  étudier  sa  destination,  son  histoire,  sa  forme;  2»  étudier  l'objet  au  point  de 
vue  de  l'art. 

M.  Pottier  lit  un  article  écrit  par  M'^^  Ethel  Spiller  à  propos  d'une  expérience 
faite  sur  des  enfants  :  cette  expérience  a  permis  de  recueillir  des  observations 
intéressantes  sur  l'attrait  que  des  collections  d'art  peuvent  avoir  pour  l'enfant 
des  rues. 

M.  Pottier  se  demande  si  ces  organisations  et  ces  expériences  ne  nous  mon- 
trent pas  une  voie  où  l'on  pourrait  entrer  pour  faire  l'éducation  du  public. 

MM.  Michon,  Fougères,  de  Ridder,  Meillet  et  M^e  Massoul  présentent  des 
observations. 

No  462.  Séance  du  1er  mars  1917. 

Présidence  de  M.  Meillet. 

Membres  décédés.  —  Le  Président  fait  part  de  la  mort  de  deux  confrères  qui  se 
sont  montrés  très  dévoués  à  l'Association,  MM.  Périclès  Hadgi-Lazzaro,  vice- 
consul  des  Etat-Unis  à  Salonique,  et  0.  J.  Jasonidis,  de  Chypre,  membre  de 
l'Association  depuis  1870. 

Membres  nouveaux.  —  MM.  Léon  Brunschvicg,  maître  de  conférences  à  la  Sor- 
bonne;  Lévy-Wogue,  Professeur  de  Première  au  lycée  Janson  de  Sailly,  pré- 
sentés par  MM.  Milhaud  et' Robin, 

Communication. —  M.  Salomon  Reinach.  Un  portrait  mystérieux .,}A..  S.  Reinach 
cherche  à  résoudre  un  problème  de  l'iconographie  antique;  il  s'agit  d'une  tête 
de  vieillard,  bouche  ouverte,  dont  on  connaît  trente  exemplaires  dépourvus 
d'inscriptions  et  découverts  en  Italie.  Le  plus  beau  a  été  trouvé  dans  la  Villa 
des  Pisons  à  Ilerculanum.  Dans  un  seul  exemplaire  la  tête  est  ceinte  d'une 
couronne  de  lierre.  Quel  est  ce  portrait?  Celui  de  Sénèque  le  philosophe? 
L'hermès  de  Socrate-Sénèque  ruine  cette  hypothèse.  Presque  tous  les  archéo- 
logues ont  vu  dans  ce  vieillard  un  poète,  et,  de  préférence,  un  poète  de  l'époque 
alexandrine.  On  l'a  attribué  à  Myron  de  Thèbes.  Trois  caractères  de  ce  portrait 
se  dégagent  nettement  : 

10  La  figure  est  agreste  et  hirsute. 

20  L'homme  est  d'un  grand  âge. 

30  II  est  célèbre,  ainsi  qu'en  témoigne  le  grand  nombre  des  répliques. 

On  écarte  d'abord  Calliraaque,  Théocrite,  Philiscos.  L'hypothèse  Philémon,  pro- 
posée par  Studniczka,  paraît  digne  d'intérêt  :  elle  est  pourtant  insoutenable.  En 
effet,  lo  Philémon  n'est  pas  en  si  grand  honneur  à  Rome;  2<*  il  devrait  être  repré- 
senté imberbe,  comme  son  contemporain  Ménandre;  car  il  ne  fut  pas,  ainsi  qu'Ho- 
mère, célèbre  dans  sa  vieillesse.  D'autre  part,  le  caractère  inquiet  et  tourmenté 
de  ce  pseudo-Sénèque  ne  permettrait  pas  de  penser  à  un  portrait  d'Homère. 


VI   — 

Serait-ce  un  poète  de  la  vieille  Grèce? 

Arndt  a  proposé  Archiloque.  Mais  celui-ci  mourut  jeune,  dans  la  guerre  entre 
Chalcis  et  Érétrie.  Furtwangler  songeait  à  Hipponax,  mirae  foeditatis.àii  Pline; 
mais  cette  hypothèse  ne  répond  pas  non  plus  aux  conditions  du  problème. 

L'original  devait  être  un  poète  et  un  penseur,  avec  tendance  à  la  satire; 
d'autre  part,  la  couronne  dionysiaque  de  lierre  nous  engage  à  choisir  parmi  les 
scéniques.  Il  faut  exclure  Aristophane,  chauve  comme  Eschyle;  il  faut  renoncer 
à  Cratinos,  peu  célèbre  chez  les  Romains.  Reste  donc  un  nom  qui  n'a  pas  été 
proposé  :  celui  du  vieux  poète  sicilien  Épicharme.  Il  aurait  donné  son  premier 
drame  à  36  ans  et  serait  mort  à  90  ou  97  ans.  Ennius  et  Cicéron  l'admirent,  et 
sa  place  est  éminente  dans  la  philosophie  et  à  la  scène.  Et  ce  n'est  pas  à  tort 
que  nous  le  voyons  accolé  à  Ménandre  dans  un  double  hermès  :  Horace  ne  dit-il 
pas  en  deux  vers  qui  se  suivent  : 

Dicilur  Afrani  toga  convertisse  Menandro  ; 
Plautus  ad  exemplar  Siculi  properare  Epicharmi. 
Ce  qu'a  fait  Horace,  le   sculpteur   de   la  villa  Albani  pouvait  le  faire.  L'hypo- 
thèse n'est  pas   définitive;  mais,  dans  l'état  actuel  de  notre  connaissance,  elle 
est  vraisemblable. 

MM.  Collignon,  Michon,  Fougères,  Meillet,  Pottier,  Robin  présentent  des 
observations. 

iNo  463.  Séance  du  19  avril  1917. 

Présidence  de  M.  Meillet. 

Le  Président  communique  une  lettre  de  notre  confrère  M.  Henri  Boucher, 
publiciste,  qui  lui  a  fait  connaître  «  qu'il  a  pris  des  dispositions  pour  laisser 
à  notre  Association  une  somme  annuelle  devant  être  affectée  à  la  publication  de 
textes  grecs  peu  connus  et  à  leur  traduction  simultanées  ».  Le  Président,  qui  a 
insisté  auprès  de  notre  confrère  pour  être  autorisé  à  nous  communiquer  cette 
nouvelle,  exprime  à  M.  Henri  Boucher  les  vifs  remerciements  de  l'Association. 
Cet  exemple  ne  manquera  pas  d'être  suivi,  et  nous  devons  à  notre  confrère 
une  profonde  reconnaissance  pour  le  bien  qui  doit  revenir  à  notre  Association  de 
cette  généreuse  initiative. 

Membres  décédés.  —  MM.  le  commandant  F.  Schlegel,  membre  donateur  depuis 
1906,  et  véritable  ami  de  nos  études  ;  l'abbé  Gonnet,  chanoine  honoraire,  pro- 
fesseur aux  facultés  catholiques  de  Lyon.  Le  Président  rappelle  sa  thèse  sur 
le  Comparatif,  et  exprime  les  regrets  que  cause  à  l'Association  la  mort  de  ce 
savant  distingué. 

Séance  générale  et  réunions  de  la  Commission  des  prix.  —  La  Commission  des 
prix  s'est  réunie  le  10  et  le  24  mars  :  elle  entendra  le  rapport  du  Secrétaire- 
adjoint  le  5  mai.  La  séance  générale  annuelle  est  fixée  au  24  mai. 

Communication.  —  M.  Pernot  entretient  l'Association  du  poète  ionien 
André  Kalvos,  Le  nom  de  Kalvos  est  connu  des  lettrés  ;  mais  ses  œuvres  sont 
peu  lues.  Elles  se  composent  seulement  de  vingt  odes,  publiées  pour  la  première 
fois  en  1824  et  1826  et  traduites  en  français  par  deux  sinologues,  Stanislas  Julien 
et  Pauthier.  M.  Pernot  en  donne  des  extraits  et  en  fait  ressortir  le  mérite  lit- 
téraire. Deux  choses  frappent  chez  Kalvos   :  sa  complète  stérilité  poétique  à 


VII   — 

partir  de  1826,  et  son  originalité.  La  première  peut  s'expliquer  par  le  caractère 
de  l'auteur  et  par  le  milieu  dans  lequel  il  a  vécu  pendant  la  plus  grande  partie 
de  sa  vie;  son  originalité  consiste  dans  le  choix  des  rythmes,  la  nature  un  peu 
archaïque  de  la  langue,  la  sobriété  de  l'expression,  l'élévation  de  la  pensée. 
Comme  Chénier,  Kalvos  fait  des  vers  antiques  sur  des  pensers  nouveaux.  Par 
certains  côtés  il  rappelle  aussi  Ronsard  et  Lamartine.  On  peut  le  considérer 
comme  un  des  meilleurs  poètes  de  la  Grèce  moderne. 

MM.  CoUignon,  M.  Groiset,   P.  Girard,  Glotz  et  Meillet  présentent  des  obser- 
vations. 


No  464.  Assemblée  générale  du  24  mai  1917. 

Présidence  de  M.  Meillet. 

Discours  du  Président.  —  A  l'expiration  de  son  année  de  présidence,  M.  Meillet 
se  félicite  d'avoir  pu,  grâce  à  ses  fonctions,  suivre  de  près  les  travaux  de  notre 
Société,  et  remercie  ses  collaborateurs  du  bureau.  Après  avoir  rendu  hommage 
aux  glorieux  sacrifices  des  jeunes  gens,  il  rappelle  les  pertes  cruelles  qu'a  faites 
l'Association  dans  la  personne  de  MM.  Gaston  Maspero,  Delbos,  Paspati,  Bel- 
langer,  Hadgi  Lazzaro,  Jasonidis,  le  marquis  Melchior  de  Vogué,  l'abbé  Auvray, 
le  commandant  Schlegel,  l'abbé  Gonnet. 

M.  Meillet  rappelle  que  l'année  1917  est  celle  du  cinquantenaire  de  notre  Asso- 
ciation. —  Il  termine  son  allocution  en  envoyant  notre  salut  à  ceux  des  Hellènes 
qui  s'associent  volontairement  à  la  dure  lutte  où  nous  avons  été  contraints,  et 
en  faisant  entrevoir  le  rôle  de  notre  Association  dans  la  société  nouvelle  que 
préparent  nos  douloureuses  épreuves. 

Rapport  du  Secrétaire- adjoint.  Le  Secrétaire-adjoint  donne  lecture  du  Rapport 
sur  les  travaux  et  concours  de  1916-1917.  Le  prix  Zographos  est  partagé  entre 
M.  Henri  Alline  pour  son  Histoire  du  texte  de  Platon  et  M.  Armand  Delatte  pour 
ses  Études  sur  la  littérature  pythagoricienne. 

Deux  prix  Zappas  (celui  de  1916  ayant  été  réservé)  sont  attribués  l'un  à 
M.  Emile  Boisacq  pour  son  Dictionnaire  étymologique  de  la  langue  grecque, 
l'autre  à  M.  C,  Rados  pour  son  ouvrage  sur  La  bataille  de  Salamine.  M.  G.  Ma- 
thieu reçoit  une  médaille  d'argent  pour  son  étude  sur  La  Constitution  athénienne 
d'Aristote. 

Renouvellement  du  Bureau  et  du  Comité.  —  Le  scrutin  donne  les  résultats  sui- 
vants : 

1er  Vice-Président:  le  général  Arthur  Boucher. 

2e  Vice-Président:  M.  Victor  Bérard. 

Secrétaire-archiviste  :  M.  P.  Mazon. 

Secrétaire-adjoint  :  M.  G.  Dalmeyda. 

Trésorier  :  M.  J.  Maurice. 

Trésorier-adjoint  :  M.  H.  Lebègue. 

Membres  du  Comité  :  MM.  Meillet,  Monceaux,  François,  R.  Pichon,  Colàrdeau, 
Robin,  Sartiaux,  G.  Millet. 

M.  Maurice  Croiset,  premier  Vice-Président,  passe,  de  droit,  Président  pour 
l'année  1917-1918. 


—    VIII    — 

Rapport  financier.  —  M.  Henri  Lebègue,  Trésorier-adjoint,  donne  lecture  d'un 
Rapport  sur  la  situation  financière  de  FAssociation.  Ce  rapport  est  approuvé. 

N»  465.  Séance  du  7  juin  1917. 

Présidence  de  M.  Maurice  Croiset. 

Allocution  du  Président.  — ^  M.  Maurice  Croiset  commence  par  rendre  hommage 
au  président  sortant,  M.  A.  Meillet.  11  remercie  l'Association  du  témoignage  de 
confiance  qu'elle  lui  a  donné  en  l'appelant  pour  la  seconde  fois  à  la  présidence  ; 
sans  doute  l'Association  a-t-elle  voulu,  dans  l'année  de  son  cinquantenaire,  unir 
le  passé  à  l'avenir.  Ce  cinquantenaire  ne  saurait  être  fêté  parmi  tant  de  deuils 
cruels  :  nous  vivons  une  vie  d'expectative. 

Après  la  victoire  décisive  beaucoup  de  questions  se  poseront  qui  auront  pour 
nous  un  grand  intérêt,  notamment  celle  de  l'éducation  et  de  l'enseignement  : 
nous  nous  souviendrons  alors  que  nous  ne  sommes  pas  seulement  une  Société  de 
lettrés,  que  nous  devons  agir  et  encourager  nos  études.  M.  Maurice  Croiset  promet 
de  mettre,   dans  ces  travaux,  tout  son  dévouement  au  service  de  l'Association. 

Membre  décédé.  —  M.  Ernest  Leroux,  éditeur.  Il  nous  était  attaché  par  des  liens 
particuliers,  et  sa  perte  est  vivement  ressentie  par  tous  nos  confrères. 

Lectures.  —  Le  Secrétaire-adjoint  donne  lecture  de  deux  études  de  M,  P.  Grain- 
dor,  maître  de  conférences  à  l'Université  de  Gand.  La  première  est  relative  au 
passage  de  Lucius  Verus  à  Athènes.  D'après  Foucart,  Dittenberger  et  von  Domas- 
zewski,  Lucius  Verus  aurait  été  initié  aux  mystères  d'Eleusis  en  165,  au  retour  de 
son  expédition  contre  les  Parthes.  Pour  M.  Graindor,  l'événement  est  de  162,  à 
l'aller  et  non  au  retour  de  cette  expédition. 

La  seconde  étude  se  rapporte  a  l'archontat  de  Philopappos.  Cet  archontat  est 
placé  par  Dittenberger  entre  90  et  100,  par  rapprochement  de  /G,  III,  78  et  1020  : 
dans  chacune  de  ces  inscriptions  figure  un  Philopappos  :  c'est  en  les  identifiant 
qu'on  établit  la  date.  M.  P.  Graindor  montre  que  celui  du  n»  1020  est  différent  de 
celui  du  n"  78.  Les  indices  chronologiques  qu'on  ne  peut  plus  tirer  de  1020 
peuvent  être  demandés  aux  Suixiroaiaxà  irpoSXVitJLaTa  de  Plutarque,  de  date  jusqu'à 
présent  incertaine,  et  que  M.  Graindor  place  vers  91-2.  L'archontat  du  Philopap- 
pos du  monument,  qui  y  est  mentionné,  ne  saurait  être  postérieur  à  91  et  peut 
remonter  jusqu'à  75,  mais  doit  se  placer  plus  près  de  91  que  de  75.  L'autre  Philo-- 
pappos  —  peut-être  parent  du  premier  —  fut  archonte  après  celui  du  monument 
et  mourut  en  charge. 

MM.  Maurice  Croiset,  Bloch,  Glotz  et  Bourguet  présentent  des  observations. 

No  466.  Séance  du  5  juillet  1917. 

Présidence  de  M.  Maurice  Croiset. 

Le  Président  a  le  plaisir  de  communiquer  une  lettre  de  Paul  Mazon,  désigné 
pour  un  rapatriement  prochain  et  qui  espère  être  à  Paris  dans  le  courant  du 
mois. 

Membre  décédé.  — M.  Armand  Lélioux,  chef  honoraire  du  Service  de  la  Sténo- 
graphie du  Sénat,  membre  de  l'Association  depuis  1879. 

Membre  nouveau.  —  M.  Victor  Martin,  privat-docent  à  l'Université  de  Genève 
présenté  par  MM.  Maurice  Croiset  et  Paul  Mazon. 


-^   IX   — 

Communications.  —  M.  F.  Sartiaux.  ^archéologie  française  en  Asie-Mineure  et 
les  fouilles  de  Phocée. 

Les  fouilles  de  Phocée  et  les  entreprises  archéologiques  françaises  en  Asie- 
Mineure  de  1913  n'ont  pas  seulement  un  intérêt  scientifique  :  elles  ont  une  portée 
nationale.  Elles  inaugurent  une  reprise  en  Asie-Mineure  de  l'activité  scientifique 
de  la  France,  qui,  après  avoir  été  la  grande  initiatrice,  a  presque  complètement 
cédé  la  place  aux  autres  pays,  et  notamment  à  l'Allemagne,  depuis  environ  trente 
ans. 

Si  l'on  passe  en  revue  les  grands  domaines  de  l'archéologie  anatolienne,  on 
constate  presque  partout  que  l'initiative  a  été  française  pendant  les  trois  pre- 
miers quarts  du  xix^  siècle,  et  que  l'exploitation  des  premiers  travaux  a  été 
l'œuvre  des  étrangers.  Le  domaine  des  Hittites  a  été  découvert  par  Texier  (1835) 
et  par  Perrot  et  Guillaume  (1861)  :  les  grands  résultats  sont  anglais  (Garstang)  et 
surtout  allemands  (Winckler);  le  déchiffrement  des  textes  commencé  par  Winc- 
kler  est  dû  à  l'autrichien  Hrozny.  En  Crète,  la  France  avait  pris  à  bail  le  terrain 
où  s'élevait  le  fameux  palais  minoen  de  Cnossos  :  c'est  Evans  qui  a  exécuté  les 
grands  travaux;  en  Asie-Mineure,  les  vestiges  mycéniens  entrevus  par  Lecheva- 
lier  et  par  Choiseul-Gouffier  ont  été  étudiés  par  Hoggarth,  Leaf,  Dôrpfeld  et 
Wiegand. 

Pour  l'archéologie  hellénique  :  Assos  a  été  deux  fois  concédée  à  la  France  en 
1838  et  en  1864  :  ce  sont  les  Américains  qui  ont  fait  les  fouilles  ;  Perganie  a  été 
explorée  par  Huyot  (1818)  et  par  Texier  (1833)  :  c'est  Curtius,  Human  et  Dôrpfeld 
qui  l'ont  ressuscitée;  Sardes  a  été  explorée  par  la  France  :  ce  sont  les  Améri- 
cains qui  ont  mis  au  jour  le  temple,  les  bijoux  et  les  inscriptions  lydiennes.  Il 
en  est  de  même  à  Mytilène,  Samos,  Magnésie  du  Méandre,  Priène,  Héraclée  du 
Latmos,  Milet,  Didymes.  A  Didymes,  non  seulement  nos  travaux  ont  été  repris 
par  les  Allemands,  mais  ils  ont  été  exécutés  avec  notre  propre  matériel. 

Ces  entreprises  allemandes  dans  les  grandes  vallées  anatoliennes  font  partie 
de  la  grande  œuvre  de  conquête  politique,  économique,  commerciale  et  scienti- 
fique de  l'Allemagne  en  Orient,  dont  la  période  de  croissance  (depuis  1885)  et 
l'apogée  coïncident  avec  notre  déclin.  Elles  ont,  par  leur  importance,  leur  coor- 
dination, la  continuité  de  leurs  efforts  et  leur  unité  de  direction,  un  caractère 
tout  différent  des  entreprises  françaises,  isolées,  éphémères,  et  privées  de 
ressources. 

-  Le  programme  institué  en  1913,  à  la  suite  de  Tinscription  au  budget  d'un  petit 
crédit  annuel,  est  venu  réagir  heureusement  contre  cette  situation  déplorable. 
Quatre  chantiers  ont  été  créés  par  la  Commission  des  fouilles  en  Asie-Mineure,  à 
Sidon,  à  Konia,  à  Aphrodisias  et  à  Phocée,  et  un  cinquième,  par  l'École  fran- 
çaise d'Athènes,  à  Notium,  le  port  de  Colophon.  M.  F.  Sartiaux  rappelle  les  résul- 
tats de  sa  première  campagne  à  Phocée  en  1913,  et  donne  des  renseignements  et 
des  détails  inédits  sur  les  fouilles  de  sa  seconde  campagne  de  1914,  qui  a  été  si 
tragiquement  interrompue  par  les  massacres  turcs  et  l'expulsion  des  grecs  otto- 
mans de  toute  la  région. 

Lorsqu'il  sera  parlé  des  conditions  de  la  paix,  il  importe  :  de  ne  pas  oublier 
les  populations  grecques  d'Asie-Mineure,  arrachées  de  leur  foyer,  et  dont  le 
retour  à  Phocée  —  œuvre  de  stricte  équité  —  présente  un  réel  intérêt  au  point 


de  vue  des  recherches  archéologigues;  que  les  concessions  accordées  à  la  France 
en  1913  soient  renouvelées,  elles  crédits  inscrits  au  budget  de  11.  P.  maintenus. 
Il  serait  même  désirable  que  nos  entreprises  en  Asie-Mineure  et,  en  général, 
nos  entreprises  scientifiques  en  Orient  fussent  mieux  coordonnées  et  qu'on  leur 
donnât  toute  l'ampleur  nécessaire  à  notre  influence.  Quelques  avantages  que  nous 
confèrent  les  arrangements  de  la  paix,  si  nous  n'employons  pas  de  meilleures 
méthodes,  il  est  inévitable  que  l'Allemagne  reprenne  la  situation  privilégiée 
qu'elle  a  su  acquérir  en  moins  de  trente  années  dans  un  pays  où  l'influence,  le 
prestige,  les  traditions  françaises  étaient  prédominants. 

M.  Fougères  présente  des  observations  :  il  pense  que  la  responsabilité  de 
l'inaction  française  en  Asie-Mineure  incombe  au  pouvoir  central  qui  n'a  pas  suf- 
fisamment protégé  les  intérêts  français  dans  un  pays  où  l'insécurité  avait  rendu 
le  séjour  très  difficile.  Il  est  d'avis  qu'il  n'y  a  pas  lieu,  pour  coordonner  nos 
eflorts,  de  chercher  d'autre  organe  que  l'École  française  d'Athènes. 

M.  Sartiaux  objecte  que  cette  insécurité  n'existait  pas  le  long  des  côtes  jus- 
qu'à une  assez  grande  profondeur  à  l'intérieur  des  terres,  et  que,  en  fait,  les 
entreprises  archéologiques  des  autres  pays  ont  grandement  prospéré  depuis  le 
dernier  quart  du  siècle  dernier.  Il  ne  voit  aucune  objection  à  ce  que  ce  soit 
l'École  française  d'Athènes  qui  coordonne  les  efforts  archéologiques  de  la 
France  en  Asie-Mineure;  mais  il  estime  qu'elle  n'a  ni  le  personnel  ni  les  crédits 
suffisants  pour  le  faire  et  qu'elle  doit,  en  conséquence,  être  fortement  aidée 
par  le  pouvoir  central  et  les  initiatives  extérieures. 

D'autres  observations  sont  présentées  par  M.  Maurice  Croiset. 

Le  geste  du  rhapsode  et  le  texte  homérique.  —  M.  Victor  Bérard  rappelle  un 
certain  nombre  de  passages  des  poèmes  homériques  où  les  mots  appellent  le 
geste;  par  exemple  au  chant  III  de  Vlliade  lorsque  Hélène  et  Priam  sont  sur  le 
rempart,  v.  118  ouxô;  y'  'Atp£(St,ç,  v.  192  slV  àys  jxoi  xal  tovSs  :  on  voit  dans 
ce  passage,  alterner  ouxoç  et  oos.  Au  l^^  chant  de  VOdijssée,  v,  345  tï>ôpxuvOi;  [xèv 
8S'  saxl  );i[j.T|V,  puis  'fi5'  £>.a(T, ...  touto  Se  xoi  airsoç...  toùto  8è  Nf,ptxov.  Ces  nota- 
tions peuvent  nous  servir,  au  besoin,  à  l'établissement  du  texte  :  le  v.  191  du 
chant  II  de  YOdyssée  : 

npfj^ai  5'  ï)X.'K-T\c,  ou  XI  Suvfiaexat,  eïvsxa  xôivSe 
qui  manque  dans  certains  manuscrits,  est  écarté  par  des  éditeurs  et,  d'ailleurs, 
diversement  interprété.  Pour  les  uns,  xwvSs  désigne  les  prétendants;  d'autres 
expliquent  s'îvsxa  xwvSs  «  en  raison  de  tes  conseils  ».  Pour  M.  Bérard  xwvSe 
marque  un  geste  d'Eurymaque  montrant  les  deux  aigles  qui  viennent  de  passer 
au-dessus  de  l'assemblée  et  qui  disparaissent  à  l'horizon.  Ainsi  interprété,  ce 
vers,  plein  de  mouvement  et  d'énergie,  ne  saurait  plus  nous  être  suspect.  — 
M.  Bérard  commente  d'autres  passages,  tels  que  Odyssée  XV,  174,  et  III,  377  ; 
dans  ce  dernier  vers  nous  devons  rétablir  le  geste  montrant  la  région  du  ciel 
où  vient  de  disparaître  Athéna. 

MM.  Maurice  Croiset,  Th.  Reinach,  d'Eichthal,  P.  Girard,  présentent  des  obser- 
vations . 


ASSEMBLÉE   GÉNÉRALE   DU  24  MAI   1917 


ALLOCUTION  DE  M.  MEILLET 

PRÉSIDENT    DE    L'ASSOCIATION 


Messieurs, 

C'est  une  de  vos  manières  d'encourager  les  études  grecques 
que  de  mettre  de  temps  en  temps  à  votre  tête  un  profane  qui 
s'est  efforcé  de  cultiver  un  coin  de  votre  vaste  domaine.  Vous 
venez  d'accorder  cette  faveur  à  un  linguiste,  et  vous  m'avez 
donné  ainsi  occasion  de  m'instruire  à  vos  séances,  d'entendre 
des  communications  sur  les  sujets  les  plus  variés,  de  suivre 
vos  discussions  où  l'élégance  et  l'aisance  de  la  forme  n'en- 
lèvent rien  à  la  solidité  du  fond. 

En  cette  nouvelle  année  de  guerre,  notre  société  a  vécu. 
Nos  séances  ont  été  fréquentées,  et,  par  les  soins  de  notre  secré- 
taire-adjoint, M.  Dalmeyda,  elles  ont  conservé  leur  intérêt 
habituel.  M.  Glotz  a  poursuivi,  sans  fléchir,  la  continuation  de 
notre  Revue.  Les  circonstances  ont  restreint  nos  ressources, 
sans  qu'il  ait  été  possible  de  restreindre  sensiblement  les  dé- 
penses; M.  Lebègue,  dans  la  mesure  du  possible,  a  maintenu  de 
l'ordre  dans  nos  finances.  L'Association  remercie  ces  Mes- 
sieurs de  toute  la  peine  qu'ils  ont  prise  pour  elle. 

La  guerre  a  si  fort  éprouvé  dès  l'abord  les  jeunes  de  notre 


—    XII    

société  que  je  n'ai  pas  aujourd'hui  de  nouvelles  pertes  de  guerre 
à  déplorer  parmi  nos  confrères.  Mais  la  jeunesse  de  France 
a  continué  de  se  sacrifier;  nous  nous  associons  à  la  douleur 
de  ceux  de  nos  confrères  dont  les  fils  ont  été  tués  ou  ont  été 
cruellement  meurtris.  Leur  deuil  est  le  nôtre.  La  naissance 
d'un  ordre  nouveau  continue  de  se  préparer  dans  le  sang.  La 
beauté  de  la  cause  pour  laquelle  se  sacrifient  les  combattants 
ennoblit  leur  sacrifice  sans  diminuer  notre  douleur. 

Cependant  la  mort  indifférente  continue  d'atteindre  nos 
membres  anciens.  Notre  société  a  fait,  cette  année  encore,  des 
pertes  graves. 

Nous  avons  appris  la  mort  de  trois  de  nos  confrères  grecs, 
M.  Georges  Paspati,  d'Athènes;  M.  John  Jasonidis,  de  Chypre; 
M.  Périclès  Hadji  Lazzaro,  de  Salonique  ;  tous  trois  membres 
donateurs  de  notre  association.  Nous  ressentons  vivement  la 
perte  de  ces  grands  hommes  d'affaires  qui  sont  l'honneur  et  la 
force  de  la  Grèce  moderne,  et  qui,  comme  M.  Hadji  Lazzaro  en 
particulier,  ont  su  voir  de  quel  côté  devait  se  tourner  leur 
nation. 

Ici  aussi  les  études  grecques  ont  perdu  des  amis  fidèles  :  le 
commandant  Schlegel  qui,  dès  le  lycée,  s'était  intéressé  particu- 
lièrement à  la  Grèce;  L.  Bellanger,  docteur  es  lettres  et  profes- 
seur au  lycée  d'Auch;  le  philosophe  Victor  Delbos,  à  qui  l'étude 
de  la  philosophie  moderne  ne  faisait  pas  oublier  les  origines 
grecques  de  notre  pensée;  le  marquis  Melchior  de  Vogiié,  dont 
la  large  activité  s'est  intéressée  à  tant  de  choses  et  qui  a  estimé 
que,  parmi  les  devoirs  que  lui  imposait  sa  haute  situation  dans 
la  société  française,  celui  de  marquer  aux  études  grecques  l'in- 
térêt qu'il  leur  portait  n'était  pas  le  moindre;  l'étude  qu'il 
a  faite  avec  tant  de  succès  de  l'épigraphie  des  anciens  peuples 
de  langue  sémitique  le  mettait  du  reste  en  contact  étroit  avec  la 
Grèce. 

L'abbé  Emmanuel  Auvray  a  été  l'un  des  premiers  élèves  des 
conférences  de  grec  à  l'École  des  Hautes  Etudes.  Il  a  fait  le 
premier  travail  de  philologie  grecque  que  l'École  des  Hautes 


XIII    — 


Études  ait  diplômé,  en  1874,  une  édition  soignée  d'un  texte 
byzantin,  Les  pleurs  de  Philippe  le  Solitaire.  L'abbé  Auvray  a 
été  ainsi  un  initiateur  dont  l'exemple  a  été  heureusement  suivi 
depuis. 

L'abbé  Gonnet  a  été,  lui  aussi,  l'un  des  premiers  élèves  de 
rÉcole  des  Hautes  Etudes.  Sous  l'influence  de  notre  ilhistre 
confrère,  Michel  Bréal,  il  a  fait  en  1876  une  thèse  de  doctorat 
sur  les  degrés  de  signification  en  grec  et  en  latin,  où  il  a  su  tenir 
compte  à  la  fois  du  sens  et  de  la  forme  qui  sert  à  l'exprimer  et 
qui  a  été  l'un  des  premiers  travaux  originaux  de  grammaire 
comparée  publiés  en  France. 

Si  l'abbé  Auvray  et  l'abbé  Gonnet  ont  été  parmi  les  premiers 
élèves  de  l'École  des  Hautes  Études,  Gaston  Maspero  a  été  le 
premier  maître  que  s'est  adjoint,  dès  1869,  le  petit  groupe  des 
fondateurs.  De  Rougé,  qui  l'avait  désigné,  avait  su  discerner  la 
valeur  du  jeune  savant  qui  n'avait  alors  que  23  ans.  Par  ses 
travaux,  Maspero  se  montrait  aussitôt  un  maître;  en  1872,  il 
soutenait  la  première  thèse  d'égyptologie  qu'ait  vu  la  Sorbonne  ; 
en  1874,  à  28  ans,  il  devenait,  au  Collège  de  France,  titulaire 
de  la  chaire  d'égyptologie.  On  a  vu  alors  ce  que  peut  donner 
un  homme  tel  que  Maspero,  quand,  dès  la  première  jeunesse, 
on  sait  lui  fournir  le  moyen  de  se  livrer  tout  entier  à  la 
science  qu"'il  cultive  et  de  former  à  son  tour  des  jeunes  gens. 

Maspero  était  élève  à  l'École  Normale  quand  il  s'est  mis  à 
étudier  l'égyptologie,  et  c'est  un  helléniste,  Egger,  qui  l'a 
adressé  à  M.  Rougé.  Il  avait  une  forte  culture  classique  quand 
il  est  venu  à  l'orientalisme.  Et  il  a  été  des  premiers  à  montrer, 
comme  tant  d'autres  l'ont  fait  depuis  avec  éclat,  de  quel  prix 
est  l'humanisme  pour  un  orientaliste. 

Là  connaissance  des  choses  classiques  qu'avait  Maspero  n'a 
pas'  seulement  accru  son  talent  d'exposition  et  sa  largeur  d'es- 
prit. Elle  lui  a  permis  de  tirer  parti  des  données  grecques.  A 
l'époque  de  l'empire  achéménide,  l'Egypte  s'est  ouverte  en 
quelque  mesure  aux  Grecs.  Et,  après  qu'Alexandre  a  eu  conquis 
l'empire  achéménide,  une  dynastie  de  langue  et  de  civilisation 


XIV   — 

grecques  a  régné  sur  TEgypte.  Grâce  h  ces  contacts  entre  la  Grèce 
et  l'Egypte,  F  histoire  d'Egypte  a  ainsi  des  sources  grecques.  Mas- 
pero  discernait  parmi  les  documents  égyptiens  tout  un  groupe 
qui,  dès  une  date  ancienne,  indique  l'existence  d'une  chronique 
familière  coexistant  avec  l'histoire  authentique.  Hérodote  en  a 
recueilli  des  échos  ;  dans  toute  une  série  de  volumes  de  notre 
Annuaire^  Maspero  a  donné  des  fragments  curieux  d'un  com- 
mentaire sur  le  livre  II  d'Hérodote;  au  lieu  d'accabler  Hérodote 
sous  sa  supériorité  d'égyptologue  connaissant  des  documents 
auxquels  l'historien  grec  n'a  pas  eu  accès,  il  lit  avec  sympathie 
le  vieux  chroniqueur,  il  fait  ressortir  ce  qu'il  y  a  d'utile  dans 
les  données  fournies  par  lui,  il  tire  parti  de  ces  indications. 
Ailleurs,  au  contraire,  il  éclaire  au  moyen  de  données  égyp- 
tiennes des  faits  grecs;  la  divinisation  d'Alexandre  est  en  Grèce 
chose  inexplicable  ;  Maspero  montre,  dans  V Anmmire  de  l'Ecole 
des  Hautes  Études,  pour  1897,  comment,  en  Egypte,  Alexandre 
est  devenu  un  dieu  par  le  fait  même  qu'il  succédait  aux  Pha- 
raons. Ainsi,  même  sans  pénétrer  dans  le  domaine  réservé  de 
l'égyptologie,  les  hellénistes  peuvent  entrevoir  ce  qu'il  y  avait 
chez  Maspero  d'ampleur  de  connaissances,  de  don  de  combi- 
naison joints  à  une  acuité  singulière  de  la  vision  et  au  sens 
de  la  réalité. 

La  mort  qui  a  surpris  Maspero  en  juin  1916  l'a  empêché 
d'achever  le  travail  où  il  comptait  exposer  ses  vues  sur  la  gram- 
maire égyptienne.  Ce  grand  travailleur  a  eu  du  moins  le  bon- 
heur de  mourir  en  pleine  activité  ;  ni  les  premières  crises  du 
mal  qui  devait  l'emporter,  ni  la  mort  de  son  dernier  fils,  Jean 
Maspero,  tué  à  l'assaut  de  Yauquois,  n'avaient  pu  faire  plier  sa 
volonté  de  travailler  jusqu'au  bout.  Et  il  est  tombé  un  jour,  à 
son  poste  de  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions. 

Cette  mort  est  pour  nous  un  grand  exemple.  Ceux  à  qui 
l'âge  a  enlevé  l'honneur  de  prendre  part  à  la  grande  guerre  oii 
se  crée  un  monde  nouveau  voient  dévasté  par  des  morts  glo- 
rieuses le  champ  de  leurs  pacifiques  études.  Les  élèves  sur  les- 


XV 


quels  ils  comptaient  pour  continuer  le  travail  après  eux  dis- 
paraissent les  uns  après  les  autres  ;  et,  pour  un  maître,  c'est 
mourir  en  partie  que  de  voir  mourir  les  jeunes  maîtres  qui 
allaient  prendre  sa  place.  Au  moment  où  ils  commençaient  à 
entrevoir  le  repos,  les  anciens  doivent  assurer  la  tradition  de  la 
science,  et  tenir  pendant  un  temps  la  place  des  jeunes  disparus, 
en  attendant  que  des  forces  fraîches  puissent  les  relever. 

Nos  études  ne  serviront  guère  à  la  restauration  matérielle 
de  notre  pays  qui  absorbera,  dans  les  années  prochaines,  le 
principal  de  nos  forces.  Toutefois  les  études  grecques  ne  sau- 
raient être  simplement  curiosité  d'historien  ou  élégance  d'huma- 
niste ;  comme  toute  science  historique,  elles  doivent  expliquer 
le  présent  et  préparer  l'avenir.  Maintenant  que  chaque  semaine 
apporte  un  grand  événement  nouveau,  maintenant  que  se  réa- 
lisent en  quelques  jours  des  changements  décisifs  pour  l'avenir 
du  monde,  l'étude  de  la  Grèce  est  plus  nécessaire  que  jamais. 

Il  y  a  vingt-cinq  ans,  Ernest  Renan  présidait  le  banquet  où 
l'on  fêtait  le  vingt-cinquième  anniversaire  de  la  fondation 
de  notre  association.  Il  disait  :  «  Il  y  a  dans  l'histoire  un 
miracle,  Messieurs,  c'est  la  Grèce  antique.  Oui,  cinq  cents  ans 
environ  avant  J.-C.,  acheva  de  se  dessiner  dans  l'humanité  un 
type  de  civilisation  si  parfait,  si  complet,  que  tout  ce  qui  avait 
précédé  rentra  dans  l'ombre.  C'était  vraiment  la  naissance  de 
la  raison  et  de  la  liberté.  »  Or,  voici  que  de  nouveau,  devant 
nos  yeux  terrifiés  par  le  présent,  mais  émerveillés  par  la  vision 
de  l'avenir,  apparaît  une  humanité  transformée. 

L'heure  n'est  pas  aux  fêtes.  Nous  ne  pouvons  célébrer 
notre  cinquantième  anniversaire.  Mais,  du  malheur  où  nous 
sommes  plongés,  voici  qu'émerge  peu  à  peu  un  miracle  qui 
sera  pareil  au  miracle  grec.  Nul  ne  sera  aussi  prêt  à  devancer 
par  l'esprit,  par  le  cœur  ce  renouveau  du  monde  que  ceux  qui, 
comme  vous,  ont  médité  sur  le  passé  de  la  Grèce. 

Dans  notre  ascension  pénible  vers  un  monde  nouveau,  nous 
aurions  été  heureux  d'avoir  pour  alliés  ceux  qui  perpétuent 
parmi  nous  l'usage  de  la  langue  grecque.  Le  grand  homme 


XVI   — 

d'État  qui  avait  réussi,  il  y  a  peu  d'années,  à  faire  entrer  dans 
le  royaume  de  la  Grèce  tant  de  ses  compatriotes  demeurés  sous 
le  joug  étranger,  Tavait  compris  ;  il  est  venu  à  nos  côtés,  avec 
les  meilleurs  de  ses  compatriotes  ;  et  notre  x\ssociation  qui  a 
toujours  travaillé  à  rapprocher  le  peuple  grec  du  peuple  français 
est  heureuse  de  saluer  ceux  qui  volontairement  se  sont  associés 
à  la  dure  lutte  où  ils  ont  été  contraints.  Mais  M.  Venizelos 
n'a  pas  rencontré  chez  ses  compatriotes  l'appui  nécessaire  qu'il 
aurait  fallu  pour  faire  prévaloir  à  Athènes  sa  politique  à  larges 
vues.  Une  cour  où  dominent  les  influences  étrangères,  des  poli- 
ticiens jaloux  à  qui  les  intérêts  de  leurs  coteries  dissimulent 
leurs  devoirs  envers  leur  nation  ont  sacrifié  les  intérêts  de 
l'hellénisme  et  ceux  de  l'humanité  \  Peut-être  que  la  consti- 
tution du  royaume  de  Grèce  avait  trop  peu  coûté  aux  Grecs  : 
nous  le  savons  par  l'héroïsme  de  la  Grèce  antique,  nous  le 
voyons  par  les  comhats  d'aujourd'hui,  la  liberté  ne  se  reçoit 
pas  comme  un  don,  elle  se  conquiert. 

Si,  à  la  lumière  de  l'histoire  de  l'antiquité  que  nous  étu- 
dions, nous  savons  comprendre  le  sens  des  événements  pré- 
sents, nous  aurons  célébré  vraiment  l'anniversaire  de  notre 
société  ;  car  nous  l'aurons  préparée  à  prendre  sa  part  de  l'effort 
immense  qu'il  faudra  faire  demain. 


(1)  Depuis  que  ces  paroles  ont  été  prononcées,  M.  Venizelos  a  repris  la  direc- 
tion du  gouvernement  grec,  et  la  Grèce  s'est  mise  à  sa  place  naturelle,  aux  côtés 
des  Alliés.  Le  vœu  exprimé  ici  a  été  exaucé  presque  aussitôt  qu'il  a  été  formulé. 
On  ne  s'en  réjouira  nulle  part  plus  que  dans  notre  Société.  —  A.  M. 


RAPPORT  DE  M.  G.  DALMEYDA 


SECRETAIRE-ADJOINT 


SUR   LES   TRAVAUX   ET  LES    CONCOURS    DE    L'ANNEE  1916-1917 


Messieurs, 

Votre  Commission  des  prix  ne  saurait  trouver  sa  tâche 
ingrate  quand  les  ouvrages  qui  s'offrent  à  son  examen  sont 
aussi  solides  el  varies  de  matière  qu'ils  l'ont  été  celte  année. 
Un  dictionnaire  étymologique,  l'histoire  d'un  texte,  des  tra- 
vaux sur  les  croyances  morales  et  philosophiques  de  la  Grèce 
ancienne,  un  essai  de  méthode  historique,  des  recherches 
techniques  sur  une  bataille,  tels  sont  les  sujets  des  ouvrages 
couronnés  en  votre  nom  :  on  ne  saurait,  je  pense,  les  souhai- 
ter plus  divers;  mais  surtout  il  n'en  est  aucun  qui  n'éveille 
un  vil'  intérêt  en  raison  des  faits  ou  des  auteurs  qu'il  met  en 
cause. 

Le  prix  Zographos  est  partagé  entre  M.  Henri  Alline,  pour 
son  Histoire  du  Texte  de  Platon^  et  M.  Armand  Delalte  pour 
ses  Etudes  sur  la  Littérature  pythagoricienne .  L'ouvrage  de 
M.  Alline  est  le  remaniement  d'un  mémoire  auquel  l'Acadé- 
mie des  Inscriptions  avait,  en  1913,  décerné  le  prix  Bordin. 
L'auteur  en  offre,  aujourd'hui,  une  rédaction  complétée  et 
renouvelée.  Les  modèles  ne  lui  manquaient  pas  :  il  le  recon- 
naît lui-même  avec  bonne  grâce.  Et,  néanmoins,  la  tâche 
restait  singulièrement  difficile  ;  car  M.  Alline  ne  voulait  pas  se 

REG,  XXX,  1917,  n»  137.  b 


—    XVIII    

borner  à  énumérer  des  matériaux  historiques;  il  voulait  tenter 
((  de  restituer  l'activité  de  ceux  qui  conservèrent,  transcri- 
virent, éditèrent  et  lurent  le  texte  de  Platon  ».  On  se  rend 
compte  des  difficultés,  constamment  renouvelées,  qui  se  pré- 
sentaient à  chaque  étape  de  celte  recherche.  Reviser  un  classe- 
ment de  manuscrits,  le  corriger,  montrer  aux  éditeurs  de 
l'avenir  une  voie  meilleure,  c'est  affaire  d'attention  scrupu- 
leuse et  de  jugement,  et  M.  AUine  l'a  très  heureusement  fait 
dans  la  dernière  partie  de  son  ouvrage;  mais  quelle  autre  dif- 
ficulté de  prendre  pour  ainsi  dire  le  texte  à  sa  naissance  et  de 
reconstituer  «  le  public  »  du  philosophe  !  Ce  sont  d'abord  ces 
éristiques  mégariens  à  qui  Platon  lit  ses  premiers  dialogues  et 
prête  sans  doute  ses  manuscrits  dont  on  fait  des  copies  privées. 
Mais  bientôt  ce  public  va  s'étendre  et,  bon  gré,  mal  gré,  Pla- 
ton devra  se  laisser  vendre  par  les  libraires.  Dès  lors  coexis- 
tent nécessairement  des  textes  authentiques,  soigneusement 
revisés  par  des  diorthotes^  et  des  copies  vulgaires,  pleines  de 
fautes  ou  corrigées  arbitrairement.  En  sorte  que,  pour  quel- 
ques-uns de  ses  lecteurs,  se  posent,  du  vivant  même  de  Platon, 
les  mômes  problèmes  que  pour  nous.  On  sait  toutefois  que, 
si  certains  documents  nous  donnent  quelque  idée  des  mau- 
vaises copies,  la  bonne  tradition  nous  a  été,  par  heureuse  for- 
tune, transmise  assez  fidèlement. 

Il  est  intéressant  de  suivre  dans  leurs  détails,  avec  M.  Al- 
line,  les  circonstances  et  les  moyens  qui  favorisent  alors  la 
diffusion  de  la  pensée  platonicienne  :  un  service  de  copistes 
semble  s'organiser  et  Philippe  d'Oponte  le  dirige  sans  doute  à 
un  certain  moment;  hors  de  l'Attique,  les  œuvres  de  Platon 
sont  répandues  par  les  soins  de  ses  amis  et  disciples,  et  parti- 
culièrement de  cet  Hermodore  que  la  raillerie  du  poète  comique 
n'a  pas  épargné.  Ce  bon  Sicilien  se  faisait-il  un  devoir  profi- 
table de  vendre  à  ses  compatriotes  les  dialogues  de  Platon? 
En  admettant  même  qu'il  ait  poussé  trop  loin  l'amour  du 
lucre  —  et  comment  l'affirmer?  —  il  servait  la  pensée  de  son 
maître,  et,  s'il  commit  le  péché  d'avarice,  encore  eût-il  pu  dire 


XIX 


avec  vérité  que  ses  acheteurs  recevaient  beaucoup  plus  qu'ils 
ne  donnaient. 

L'étude  de  M.  AUine  se  présente  avec  une  suite  claire  et 
logique  :  elle  procède  par  étapes  et  délimite  certaines  périodes 
dont  une  œuvre  ou  une  méthode  marque  nettement  le  carac- 
tère. C'est  d'abord,  vers  314,  la  grande  édition  académique,  à 
laquelle  Xénocrate  prit  sans  doute  une  assez  grande  part  :  ce 
n'est  en  aucune  manière  une  édition  critique,  mais  un  texte 
pur  et  soigné  :  l'exégèse  du  texte  de  Platon  doit  en  précéder  la 
critique;  les  fragments  de  papyrus  découverts  dans  le  Fayoum 
en  1889  et  1890  vont  nous  permettre  de  nous  représenter  avec 
précision  l'état  du  texte  dans  la  première  moitié  du  ni^  siècle, 
et  c'est  vers  la  fin  de  ce  même  siècle  qu'Aristophane  de  Byzance 
va  donner  une  édition  alexandrine  disposée  par  trilogies  et 
pourvue  de  signes  critiques;  au  premier  siècle  avant  notre  ère 
l'édition  atticienne,  qui  paraît  être  un  rajeunissement  de  l'édi- 
tion alexandrine,  est  classée  par  Derkyllidès  suivant  l'ordre 
tétralogique,  et  cette  classification  est  acceptée  et  complétée 
par  Thrasylle  (au  temps  de  Tibère)  soit  dans  une  édition  de 
Platon,  soit  dans  une  introduction  à  sa  doctrine.  Puis  viennent 
les  travaux  de  l'Ecole  néo-platonicienne  :  c'est  d'elle  que  paraît 
issu,  probablement  au  vi^  siècle,  l'archétype  de  notre  tradition 
médiévale.  Suit  une  période  de  négligence  et  de  torpeur  jus- 
qu'à la  Renaissance  byzantine  du  ix®  siècle.  Photios  est  à  la 
tête  de  cette  renaissance,  il  dirige  une  sorte  de  séminaire  phi- 
lologique, et  c'est  sous  sa  forte  impulsion  que  s'accomplit  le 
grand  travail  qui  donne  naissance  à  nos  meilleurs  exemplaires 
de  Platon.  Dès  lors,  le  mouvement  suscité  ne  s'arrête  plus; 
le  nombre  des  manuscrits  s'accroît  sans  cesse;  la  controverse, 
transportée  en  Occident,  maintient  toujours  agissantes  l'œuvre 
et  l'influence  de  Platon.  Ce  sera  l'époque  des  manuscrits  secon- 
daires et, -enfin,  des  premières  éditions  imprimées. 

Ce  qui  frappe  dans  cette  étude,  si  délicate,  si  complexe,  et 
dont  l'entreprise  même  était  courageuse,  ce  sont  des  qualités 
qu'il  est  trop  rare  de  trouver  unies  :  attention  scrupuleuse  aux 


XX    

détails  et  vues  d'ensemble,  pi'udence  de  méthode  et  large  con- 
ception du  sujet.  M.  Alline  traile  ses  textes  et  critique  ses 
témoignages  avec  la  plus  grande  circonspection  ;  la  nature 
même  du  sujet  le  forçait  à  recouiir  quelquefois  à  Thypothèse  : 
il  le  fait  avec  une  extrême  sagesse,  qui  entraîne  presque  tou- 
jours l'assentiment.  Et,  d'autre  part,  toute  cette  rigueur  vigi- 
lante appliquée  à  l'histoire  du  texte  ne  laisse  pas  perdre  de 
vue  les  destinées  de  l'œuvre  dans  les  grandes  cités  d'Alexan- 
drie, d'Antioche,  de  Pergame,  de  Rhodes  ;  les  vicissitudes  du 
texte  nous  sont  expliquées  par  toutes  les  causes  déterminantes, 
depuis  la  plus  technique  —  le  développement  du  livre  —  jus- 
qu'à la  plus  générale  :  l'histoire  de  la  pensée  grecque.  M.  Al- 
line souhaitait,  dans  son  avant-propos,  d'intéresser  à  la  fois 
les  érudits,  ses  camarades  de  travail,  et  aussi  quelques  amis 
de  l'hellénisme,  curieux  «  de  suivre  la  transmission  d'une 
riche  pensée  antique  à  travers  les  siècles  ».  Ce  succès  peut 
être  tenu  pour  certain  ;  et  puisque  l'auteur,  deux  fois  cité  à 
l'ordie  du  jour,  retourne  en  ce  moment  au  front,  après  s'être 
remis  de  deux  blessures,  notre  Association,  qui  sait  ce  qu'elle 
peut  attendre  de  lui,  joint  à  ses  éloges  pour  le  lauréat  tous  ses 
vœux  pour  le  bon  combattant. 

M.  Armand  Delatte,  membre  étranger  de  l'Ecole  française 
d'Athènes,  se  consacre,  depuis  plusieurs  années  déjà,  à  l'étude 
des  textes  orphiques  et  pythagoriciens.  Tâche  pénible,  s'il  en 
fut.  Il  s'agit,  en  effet,  d'attribuer  exactement  sa  part  à  chacune 
des  deux  sectes  et  de  faire,  dans  cette  masse  étoulfante  de 
témoignages  et  de  documents  relatifs  au  pythagorisme,  assez 
de  coupes  claires  pour  dégager  l'arbre  primitif.  M.  Delatte 
apporte  à  ces  dures  recherches  une  application  patiente  et 
allègre  qui  nous  fait  marcher  de  bonne  humeur  à  sa  suite. 
L'objet  des  études  qu'il  nous  donne  est,  d'ailleurs,  d'un  grand 
intérêt  :  les  unes  tendent  à  reconstituer  certains  monuments 
de  la  littérature  pythagoricienne;  les  autres  à  marquer  cer- 
taines étapes  dans  l'évolution  de  la  doxographie.  Et,  dans  la 
pensée  de  l'auteur,  les  unes  et  les  autres  sont  des  travaux  pré- 


XXI 


paratoires  à  une  publication  dos  i'ragaionts  dos  Pythagoriciens. 

Les  problèmes  très  divers  que  M.  Delaltc  s'applique  à  re'sou- 
dre  nous  font  entrer  plus  avant  dans  la  connaissance  d'une 
doctrine  que  le  verbalisme  et  la  superstition  ont  pu  gàtei*  quel- 
quefois, mais  qui  est  pourtant  admirable  de  profondeur  philo- 
sophique et  de  pureté  morale.  A  cet  intérêt  principal  s'en  ajoute 
un  autre,  qui  est  presque  constaaiment  renouvelé  :  chacune  de 
ces  recherches  pose  une  question  de  méthode  et  en  illustre  la 
solution.  Voici  la  lettre  du  pythagoricien  Lysis  au  pythagori- 
cien Ilipparque.  M.  Delatte  nous  montre  d'abord  (ju'il  en  a  été 
conservé  deux  versions,  ce  que  la  critique  n'avait  pas  discerné 
jusqu'ici.  D'autre  part,  un  remaniement  de  cette  lettre,  déjà 
connu  des  auteurs  de  Diogène  Laërce,  semble  antérieur  au  pre- 
mier siècle  avant  J.-G.  M.  Delatte  pourra  donc  substituer  à  des 
hypothèses  désormais  chancelantes  uue  conclusion  beaucoup 
plus  vraisemblable  :  la  lettre  de  Lysis  aurait  été  remaniée 
pour  servir  de  préface  à  ces  fameux  «  Trois  livres  »  de  Pytha- 
gore  que  Philolaos,  tombé  dans  la  misère,  aurait,  selon  la 
légende,  vendus  à  Dion  de  Syracuse,  de  qui  Platon  les  aurait 
reçus. 

De  cette  suite  de  raisonnements,  souple  et  rigoureuse  à  la 
fois,  certains  résultats  se  font  jour  qui  sont  d'assez  grande  con- 
séquence pour  l'histoire  de  la  Société  et  de  la  tradition  pytha- 
goriciennes. Si  la  lettre  de  Lysis  est  un  document  du  iv^  siècle, 
il  est  intéressant  de  constater  la  force  de  l'esprit  traditionna- 
liste  et  l'importance  que  garde  encore  la  règle  du  Secret.  Mais 
là  ne  se  borne  pas  la  leçon  de  cette  étude.  On  sait  dans  quel 
discrédit  est  tombée  depuis  longtemps  toute  la  littérature  épis- 
tolaire  :  le  réquisitoire  de  Bentley  au  sujet  des  Lettres  de 
Phalaris  semblait  lui  avoir  porté  le  coup  de  grâce.  On  tend  à 
revenir  aujourd'hui  de  cette  hypercritique  :  certains  documents, 
même  reconnus  pour  apocryphes,  peuvent  avoir,  dans  la  tra- 
dition littéraire,  une  importance  bien  supérieure  à  celle  de  tels 
documents  authentiques.  Enfin,  l'étude  du  remaniement  de  la 
lettre  de  Lysis  nous  montre  avec  quelle  désinvolture  certains 


XXII   — 


Alexandrins  traitent  les  monuments  littéraires.  Autre  leçon 
dont  M.  Delatte  nous  invite  à  tirer  profit. 

C'est  encore  un  heureux  essai  de  méthode  que  Toriginale 
étude  sur  Un  discours  sacré  pijthagoricien.  En  comparant  les 
fragments  de  ïimée  de  Tauroménium  avec  ceux  d'Aristoxène  de 
ïarente,  et  en  constatant  les  grandes  ressemblances  qu'offrent 
leurs  exposés  des  doctrines  et  des  pratiques  pythagoriciennes, 
M.  Delatte  a  été  conduit  à  l'hypothèse  d'une  source  commune, 
d'un  lepoç  Aoyo;,  poème  en  dialecte  ionien,  développant  une 
exhortation  du  maître  à  son  disciple.  Il  s'agit  donc,  en  relevant 
les  fragments  cités  et  en  éclairant  les  témoignages  les  uns  par 
les  autres,  de  déterminer  la  nature  du  poème,  son  contenu  et, 
sinon  son  auteur,  du  moins  sa  date.  Ce  Discours  est  tout  ensem- 
ble un  catéchisme  philosophique  et  moral  et  la  Règle  d'un 
fondateur  de  Société.  Pythagore  n'en  est  vraisemblablement  pas 
l'auteur,  mais  plus  d'un  indice  donne  à  croire  qu'il  est  anté- 
rieur à  la  fin  du  v®  siècle.  Avec  une  sagacité  prudente,  M.  De- 
latte, après  avoir  dégagé  le  noyau  du  poème,  en  complète  la 
reconstitution  par  les  témoignages  d'époque  plus  récente,  et 
recherche  enfin  quels  sont  les  fragments  du  Upoç  Xôyoç  qui  ont 
pu  être  recueillis  dans  les  Vers  dorés  :  le  travail  de  mosaïque 
connu  sous  ce  titre  est,  en  effet,  assez  gauchement  exécuté 
pour  qu'on  puisse  encore  distinguer  les  parties  anciennes  de 
l'ouvrage. 

En  poursuivant  cette  recherche,  M.  Delatte  est  amené  à 
éclairer  fort  utilement  certaines  questions  historiques  ou  litté- 
raires. C'est  ainsi  que  dans  sa  première  et  dans  sa  dernière 
études  il  nous  parle  de  ce  schisme  qui,  vers  la  fin  du  v®  siècle, 
met  aux  prises  deux  sectes  rivales,  les  Mathématiques  et  les 
Acousmatiques  :  les  premiers,  les  «  gens  d'étude  »,  sont  des 
savants  et  des  rationalistes  ;  les  autres,  partisans  de  la  Révé- 
lation (àxoÙT[jLaTa)  sont  des  traditionalistes  et  des  dévots  supersti- 
tieux. Rien  de  plus  obscur  que  l'origine  de  ces  deux  sectes  : 
celle  des  acousmatiques  représente-t-elle  plus  exactement  le 
fond  primitif  de  la  doctrine?  On  peut  le  supposer,  et  M.  Delatte, 


—    XXIII    — 

en  étudiant  leur  Catéchisme  montre  la  survivance  de  celte 
recherche  rie  l'essence,  qui  est,  pour  Aristote,  un  des  traits 
notahles  du  pythagorisme  ;  mais  l'auteur  sait  se  garder  des 
affirmations  téméraires,  et  nous  lui  sommes  déjà  reconnais- 
sants de  ce  qu'il  nous  apporte  de  nouveau  et  de  certain.  Qu'il 
s'agisse,  en  effet,  de  questions  de  détail  ou  de  vues  générales, 
d'expliquer  des  superstitions,  telles  que  l'étrange  interdiction 
des  fèves,  ou  de  montrer,  par  l'étude  des  traités  arithmolo- 
giques,  le  lien  qui  rattache  la  mystique  pythagoricienne  à 
l'apologétique  judéo-chrétienne,  la  contribution  de  M.  Delalte 
est  variée  et  considérable.  L'historien  de  la  littérature  s'arrêtera 
particulièrement  à  ce  qui  concerne  Platon  et  Homère.  D'inté- 
ressantes observations  seront  à  recueillir,  sur  l'allégorie  de 
l'âme  dans  le  Phèdre^  et  sur  la  Vision  de  Er  le  Pamphylien, 
empruntées  sans  doute  l'une  et  l'autre  aux  apocalypses  du  vi^  et 
du  v^  siècles.  Et  le  chapitre  où  nous  est  montré  le  zèle  des 
Pythagoriciens  dans  l'exégèse  des  poèmes  homériques  est  un 
des  plus  instructifs  et  des  plus  attrayants  du  volume.  La  Société 
pythagoricienne  s'était  d'abord  scandalisée  des  récits  d'Homère  : 
bientôt  elle  trouva  le  moyen  de  réconcilier  le  poète  avec  la 
morale  et  la  science  :  elle  ne  dédaigna  pas,  dit  joliment 
M.  Delatte,  «  ces  jeux  savants  oii  la  part  de  la  niaiserie  et  du 
mensonge  est  égale  à  celle  des  bonnes  intentions,  et  qui  trans- 
forment des  légendes  délicieusement  humaines  en  récits  stu- 
pides,  honnêtes  et  édifiants  ».  Nous  les  verrons  donc  dégager  la 
moralité  de  la  déplorable  aventure  de  Pandaros,  chercher  dans 
Homère  la  justification  de  leur  règle  du  silence  et  de  leur 
croyance  à  la  métempsycose,  tenir  les  dieux  pour  des  allégories, 
tenter  des  interprétations  symboliques  de  l'antre  des  Nymphes 
(conçu  comme  une  image  du  monde)  et  de  l'épisode  des  Sirènes. 
Enfin,  c'était  aussi  une  manière  de  sauver  Homère  que  de 
recourir  à  l'interpolation,  et,  si  la  description  des  châtiments 
infernaux  au  chant  XI  de  V Odyssée  doit  être  tenue  pour  inter- 
polée, il  y  a,  semble-t-il,  d'assez  bonnes  raisons  de  soupçonner 
une  main  pythagoricienne. 


XXIV  — 


Tel  est  le  livre,  riche  de  faits  et  de  vues  personnelles  que 
nous  donne  M.  Delatte.  Il  est  d'excellent  augure  pour  les 
travaux  que  nous  annonce  l'auteur.  Gomme  l'ouvrage  de 
M.  AUine,  il  va  figurer  avec  honneur  dans  la  Bibliothèque  de 
l'Ecole  des  Hautes-Etudes.  Une  note  qui  se  lit  dans  l'un  et 
l'autre  volumes  nous  fait  savoir  qu'en  raison  des  circonstances 
la  thèse  a  été  imprimée  sans  que  l'auteur  en  ait  pu  voir  les 
épreuves.  M.  Delatte,  citoyen  belge,  s'est  trouvé,  en  effet, 
détenu  à  Liège  après  l'invasion  allemande,  et  a  fait  pour 
rejoindre  l'armée  des  efforts,  qui,  nous  l'espérons,  ne  sont  pas 
restés  vains.  Le  jeune  savant,  on  le  voit,  a  plus  d'un  beau 
titre  à  notre  sympathie. 

C'est  à  un  de  ses  compatriotes,  M.  Emile  Boisacq,  professeur 
à  l'Université  de  Bruxelles,  que  votre  Commission  attribue 
un  des  deux  prix  Zappas  dont  elle  disposait  cette  année,  celui 
de  1916  ayant  été  réservé.  La  Belgique  est  à  l'honneur  et  rien 
ne  saurait  nous  être  plus  agréable.  Il  y  a  onze  ans,  dans  son 
Rapport  de  1906,  notre  regretté  Amédée  Ilauvette  signalait  la 
première  livraison  du  Dictionnaire  étymologique  de  la  langue 
grecque  dont  M.  Boisacq  entreprenait  la  publication.  L'im- 
pression du  volume  vient  de  s'achever  pendant  l'occupation 
allemande  de  la  Belgique.  Aussi  ne  songerons-nous  pas  à  tenir 
rigueur  à  M.  Boisacq  de  quelques  lacunes  que  son  Avant- 
propos  nous  prie  d'excuser.  11  est  certain.  Messieurs,  que  le 
dictionnaire  très  clair  et  maniable  que  vous  récompensez  rece- 
vra bon  accueil  des  hellénistes.  Depuis  l'ouvrage  de  Curtius 
(1879),  bien  que  dans  le  domaine  de  Tétymologie  des  vues 
nouvelles  se  soient  fait  jour,  il  n'a  pas  été  publié  de  véritable 
dictionnaire  étymologique  du  grec  :  l'ouvrage  de  Prellwitz 
n'est  qu'un  lexique  très  sommaire  ;  sa  deuxième  édition,  parue 
il  y  a  douze  ans,  peut  rendre  des  services;  mais  son  mérite 
n'a  rien  de  décourageant.  Le  grand  ouvrage  de  Léo  Meyer 
(1901-2)  est  incommode  et  confus  :  l'auteur  —  sans  aucune 
ironie  —  a  donné  le  titre  modeste  et  attirant  de  Manuel  à  ces 
qujatre  gros  volumes  à  qui   la  critique  a  fait  un  accueil  assez 


XXV 


froid  :  Meyer  avait,  en  effet,  négligé  pendant  trente  ans  de 
suivre  le  mouvement  des  idées  et  semblait  se  plaire  à  décla- 
rer inexplicables  des  faits  dont  la  solution  pouvait  raisonna- 
blement passer  poui'  acquise.  C'est  un  excès  fâcheux,  et  cepen- 
dant il  est  peu  de  domaines  scientifiques  où  la  part  de  Tobscur 
et  de  Fincertain  soit  plus  grande  qu'en  étymologie.  Une  partie 
du  vocabulaire  grec  nous  est  lettre  close  et  resle  rebelle  à 
toutes  les  tentatives  que  Ton  a  faites  pour  y  voir  de  l'indo- 
européen.  Le  scepticisme  aurait  beau  jeu  à  relever,  dans  les 
loyaux  aveux  des  linguistes,  tous  les  idiomes  ignorés  dont  on 
a  trouvé  des  vestiges  à  Lemnos,  à  Praisos,  à  Gypre,  pour  ne 
rien  dire  des  monuments  crétois  dits  «  minoens  »  du  second 
millénaire  avant  Tère  chrétienne,  ni  du  macédonien  ni  du 
thrace,  dont  on  ne  possède  pas  une  ligne.  «  Des  langues 
parlées  dans  la  péninsule  grecque  avant  l'invasion  hellé- 
nique, on  ne  sait  rien  »,  dit  nettement  M.  Meillel,  dans  son 
Aperçu^  et  il  met  en  défiance  ceux  qui  seraient  tentés  d'attri- 
buer à  l'indo-européen  ce  qui  risque  d'être  «  égéen  »,  c'est-à- 
dire  langue  inconnue. 

M.  Boisacq  n'a  pas  fermé  les  yeux  sur  ces  difficultés  ni  sur 
ces  lacunes;  mais  il  ne  s'est  pas  laissé  rebuter,  sachant  quels 
féconds  résultats  donne  un  maniement  de  plus  en  plus  judi- 
cieux de  la  méthode  comparative.  Le  temps  est  loin  oii  les 
essais  de  cette  méthode  étaient  l'objet  des  sarcasmes  de 
Gottfried  Hermann;  plus  équitable  que  le  fougueux  «  despote 
de  Leipzig  »,  M.  Boisacq  reconnaît,  de  son  côté,  ce  que  les 
linguistes  doivent  aux  leçons  et  aux  exemples  de  la  saine 
critique  des  textes  :  le  salut  est,  à  ses  yeux,  dans  la  combinai- 
son des  deux  méthodes,  à  laquelle  les  plus  beaux  livres  publiés 
depuis  vingt  ans  doivent  leur  valeur  et  leur  influence. 

C'est  donc.  Messieurs,  dans  un  excellent  esprit  que  M.  Boi- 
sacq a  poursuivi  son  dur  labeur.  Sa  doctrine  est  sage  :  les 
principaux  éléments  des  problèmes  nous  sont  exposés,  et  les 
solutions  aventureuses  sont  délibérément  rejetées.  Est-ce  à 
dire  qu'on  ne  pût  souhaiter  un  départ  plus  net  encore  entre 


XXVI    

les  étymologies  certaines  et  les  douteuses,  un  contact  plus 
étroit  avec  les  textes,  une  tentative  plus  poussée  (vous  en  avez 
eu,  ici-même,  un  magistral  exemple)  pour  suivre  l'histoire  des 
mots  entre  la  période  indo-européenne  et  le  grec  historique  ? 
on  n'est  guère  tenté  d'insister  sur  ces  réserves  quand  l'auteur 
—  qui  les  prévoit  —  nous  dit  «  qu'il  lui  sera  peut-être  donné 
un  jour  de  faire  plus  et  mieux  ».  C'est  là  le  vrai  langage  d'un 
homme  de  science.  Tel  qu'il  est  aujourd'hui,  ce  dictionnaire 
est  le  bienvenu  et  rendra  de  grands  services.  Il  nous  est 
agréable  de  constater  ce  qu'il  doit  à  la  science  française,  et 
particulièrement  au  maître  de  nos  études  linguistiques  ; 
l'auteur  nous  dit  lui-même  la  dette  de  reconnaissance  qu'il  a 
contractée  envers  M.  A.  Meillet,  et  nous  sentons,  en  efPet, 
dans  tout  le  cours  de  son  travail,  cette  saine  influence  qu'il  a 
reçue  pour  son  plus  grand  bien.  Si  nous  songeons,  d'autre 
part,  que  M.  Boisacq,  qui  nous  donnait,  il  y  a  vingt-cinq  ans, 
des  travaux  tels  que  la  traduction  d'Hérondas  et  Y  Étude  sur  les 
dialectes  doriens^  a  dû,  par  la  suite,  disputer  son  temps  à  un 
enseignement  très  chargé,  très  divers,  et  qui  l'éloignait  de  sa 
grande  entreprise,  nous  lui  saurons  d'autant  plus  gré  d'avoir 
su  mener  à  bonne  fm  ce  travail  considérable,  pleinement  digne 
de  la  récompense  qu'il  reçoit  de  vous. 

L'étude  de  M.  G.  Rados  sur  La  bataille  de  Salamine,  qui 
reçoit  également  un  prix  Zappas,  demandait,  pour  être  traitée 
selon  le  dessein  conçu  par  l'auteur,  de  l'intelligence  histo- 
rique, de  la  sûreté  dans  le  maniement  des  textes,  un  sérieux 
savoir  technique.  L'heureuse  union  de  ces  qualités  a  bien 
servi  M.  Rados.  Esprit  curieux  et  ouvert,  ainsi  que  l'atteste  la 
variété  de  ses  ouvrages  qui  vont  de  l'histoire  strictement  scien- 
tifique au  conte  populaire,  bon  helléniste,  il  avait  encore,  pour 
traiter  à  fond  son  sujet,  l'avantage  d'être  expert  en  histoire  et 
en  sciences  navales  ;  il  a  professé  l'histoire  à  l'Ecole  navale  de 
Grèce  et  publié  de  nombreuses  études  sur  la  marine  ancienne 
et  moderne  ;  plus  d'un,  parmi  nous,  a  pu  voir  avec  quelle 
compétence  il    avait,  à  l'Exposition  maritime  de  Bordeaux, 


XXVII    — 

en  1907,  organisé  la  section  hellénique,  dont  la  partie  rétros- 
pective était  d'un  grand  intérêt.  La  méthode  qu'il  suit  dans 
son  étude  sur  Salamine  est  sage  et  réaliste  :  il  étudie  scrupuleu- 
sement les  textes,  sachant,  comme  il  le  dit  «  que  leur  mépris 
peut  mener  loin  »  ;  mais  il  a  moins  d'égards  pour  les  «  rai- 
sonnements »  dont  cette  page  d'histoire  a  été  fâcheusement 
encombrée  ;  il  s'efforce  de  reconstituer  les  faits  en  conformité 
avec  les  moyens  d'action  dont  disposait  la  marine  grecque  du 
V®  siècle,  et  en  profitant  aussi  de  l'expérience  professionnelle 
«  en  ce  qui  concerne  les  lois  immuables  qui  régissent  l'action 
sur  mer  ».  Cette  méthode  sûre  ne  peut  donner  que  d'excel- 
lents résultats. 

L'étude  est  logiquement  conduite  :  la  composition  en  pour- 
rait être  plus  serrée;  mais  elle  se  justifie,  et  l'auteur  a  visible- 
ment souci  de  bien  lier  ses  chapitres  de  manière  à  présenter 
une  démonstration  continue.  Il  commence  par  la  critique  de 
ses  sources,  et  l'on  remarquera  l'étude  très  poussée  qu'il  fait  de 
la  valeur  documentaire  du  récit  d'Hérodote  :  il  note  l'étonnante 
sûreté,  et  même  l'intelligence  profonde  avec  laquelle  l'historien 
décrit  les  combinaisons  stratégiques,  les  formations  tactiques, 
l'ordre  de  bataille  des  armées  ;  il  relève  l'heureux  emploi  de  la 
langue  technique,  la  justesse  des  considérations  militaires  ou 
navales.  Après  avoir  mis  en  lumière  le  rôle  de  la  marine  dans 
les  conflits  entre  Grecs  et  Asiatiques,  M.  Rados,  dans  une  étude 
minutieuse,  vivante,  très  personnelle  après  tant  d'autres,  nous 
décrit  la  trière,  ce  navire  «  tout  en  muscles  »  dont  il  montre, 
ou  plutôt  exalte  l'agilité,  la  souplesse,  la  redoutable  puissance 
de  choc. 

Des  considérations  sur  la  tactique  navale  du  v'  siècle,  sur 
les  effectifs  de  terre  et  de  mer  que  pouvaient  mettre  en  ligne 
les  belligérants,  sur  le  haut  commandement  grec  et  barbare, 
terminent  une  riche  et  précise  introduction  au  récit  du  combat 
lui-même;  un  livre  de  transition  nous  rappelle  la  suite  des 
faits  depuis  le  jour  où  la  flotte  perse  appareille  et  cingle  vers 
THellespont,  jusqu'au  moment  où  les  passes  de  l'Œta  étant  for- 


—    XXVIII    — 

cées,  la  flotte  grecque  ne  peut  <(  rester  en  Fair  »  à  Artémision 
et  se  replie  vers  la  côle  de  l'Attique  et  vers  Salamine.  C'est 
ainsi  que  M.  Rados  nous  amène,  bien  préparés,  au  récit  de  la 
bataille  décisive. 

Dans  le  récit  de  cette  bataille,  d'une  suite  très  nette,  et  que 
les  discussions  précises  éclairent  sans  le  ralentir,  deux  études 
particulières  compteront  pai  ini  les  mieux  venues  de  l'ouvrage  : 
ce  sont  celles  qui  sont  consacrées  à  l'établissement  de  la  date 
et  aux  questions  topographiques.  On  sait  qu'il  est  difficile  de 
fixer  avec  exactitude  le  jour  de  la  bataille.  Certains  historiens 
s'efforcent  de  démonti'er  qu'elle  fut  livrée  à  peu  près  à  l'époque 
de  la  pleine  lune  ;  d'autres  repoussent  vigoureusement  cette 
thèse.  Les  recherches  de  M.  Rados  l'amènent  très  près  des 
conclusions  de  Busolt,  c'est-à-dire  à  la  date  du  28  ou  du 
29  septembre.  En  ce  qui  regarde  les  opérations,  il  est  d'un  très 
grand  intérêt  de  suivre  de  près  avec  l'auteur  les  répercussions 
que  certaines  études  de  topographie  ou  même  des  théories 
géologiques  peuvent  avoir  sur  la  reconstitution  du  combat. 
Rien  de  moins  aride  que  les  pages  où  M.  Rados  mesure  la  lar- 
geur des  passes,  la  hauteur  des  fonds,  et  nous  rapporte  les 
observations  personnelles  qu'il  a  faites  sur  place.  La  ligne  du 
rivage  est-elle  restée  fixe  pendant  les  temps  historiques?  Le 
détroit,  il  y  a  vingt-quatre  siècles,  était-il  moins  large  qu'au- 
jourd'hui? M.  Rados  signale  les  théories,  les  confronte  avec  les 
faits,  et  ne  reconstitue  la  bataille  qu'après  s'être  assuré  qu'il  a, 
pour  s'orienter,  des  points  fixes  et  reconnus. 

Tel  est,  Messieurs,  ce  livre  plein  d'intérêt,  et  je  dirai  même 
d'attrait.  Lui  reprocherons-nous  ceitains  défauts  qui  sont  la  très 
minime  rançon  de  tant  de  mérite?  Il  pourrait  être  plus  serré, 
nous  l'avons  dit  ;  un  Laconien  l'eût  critiqué,  et  la  vaste  érudi- 
tion de  l'auteur  peut  l'entraîner  à  des  rapprochements  ou  à  des 
parallèles  (tel  celui  de  Thémistocle  et  de  Richelieu)  qui  sem- 
blent rompre  un  instant  l'unité  de  ton  et  de  caractère  de  son 
étude.  Mais  cette  étude  est  sincère  et  vivante;  le  style  a  de  la 
couleur;  le  récit  est  porté  d'un  mouvement  continu  et  même 


XXIX 


dramatique  (les  pages  qui  peignent  la  veillée  des  armes  et  le 
branle-bas  de  combat,  ordonné  par  Kurybiade  en  sont  des 
exemples  fi'appants)  ;  le  savoir  tecbniquc  laisse  toute  sa  spon- 
tanéité au  tempérament  de  l'auteur,  et  le  souille  ardent  de  la 
Dédicace  à  la  Marine  française  anime  le  livre  tout  entier;  enfin 
toute  Fétude  témoigne  d'un  heureux  effort  pour  rattacher  les 
conclusions  particulières  aux  lois  qui  les  dominent.  Salamine 
est,  pour  M.  Kados,  le  premier  grand  exemple  histoiique  de  la 
chute  d'un  grand  empire  qui  n'a  pas  la  maîtrise  de  la  mer. 
«  Presque  toujours,  ajoute-t-il,  les  grandes  ères  ont  été  ouvertes 
ou  fermées  par  la  clé  mystérieuse  que  détiennent  les  escadres 
dominatrices  des  flots  qui  entourent  les  continents  ».  C'est  une 
conclusion  qu'on  ne  contestera  pas  à  M.  Rados. 

Les  jugements  portés  sur  la  Constitution  athénienne  d'Aristote 
sont,  vous  le  savez,  étrangement  divers  :  tel  critique  y  voyait 
«  un  papyrus  évangile  »  ;  un  autre  a  regardé  l'ouvrage  comme 
«  la  plus  grande  désillusion  du  siècle  ».  M.  Georges  Mathieu  a 
pensé  que,  pour  bien  apprécier  sa  nature  et  sa  valeur,  il  conve- 
nait de  serrer  de  près  la  méthode  suivie  par  Aristote  dans  la 
discussion  des  textes,  la  manière  dont  il  utilise,  fond  ou  sépare 
les  renseignements  de  sources  diverses  qu'il  recueille  ou  fait 
recueillir.  L'examen  de  l'ouvrage  nous  découvre-t-il  une  unité 
ou  une  pluralité  de  tendances  politiques?  Et,  s'il  y  a  plusieurs 
tendances,  quelle  en  est  l'origine?  Telle  est  la  recherche  que 
poursuit  M.  Mathieu  en  examinant  successivement  les  différentes 
périodes  de  l'exposé  d'Aristote.  Pour  l'époque  antérieure  à  Solon, 
Aristote,  ne  disposant  que  de  matériaux  insuffisants  et  douteux, 
a  recours  à  la  méthode  inductive  :  il  juge  le  passé  d'après  des 
survivances  présentes  :  les  institutions  de  son  temps  lui  sont 
des  indices  ou  des  témoignages  de  ce  qui  existait  dans  l'ancienne 
Athènes.  A  partir  de  Solon,  l'historien  peut  utiliser  des  ouvrages 
d'un  caractère  tout  différent  de  celui  de  ces  chroniqueurs  qu'on 
appelle  les  iVtthidographes;  mais  ces  ouvrages  sont  inspirés  de 
préoccupations  qui  ne  sont  pas  purement  historiques  :  l'histoire 
est,  pour  les  partis,  non  pas  une  fin,  mais  un  moyen.  Parmi 


—    XXX 


ces  traditions  partiales,  on  en  peut  reconnaître  une  qui  est 
favorable  à  la  démocratie  ;  Aristote  y  puise  de  moins  en  moins 
dans  le  cours  de  son  exposé,  mais  il  ne  la  sacrifie  jamais  com- 
plètement. D'autre  part,  rinfluence  de  sources  oligarchiques  est 
aisée  à  constater.  Mais  ne  trouvons-nous,  ici,  qu'une  seule  tra- 
dition? M.  Mathieu  croit  pouvoir  distinguer  :  une  tradition  oli- 
garchique pamphlétaire,  qui  procède  par  attaques  directes, 
brutales,  contre  les  chefs  démocrates;  et  une  tradition  oligar- 
chique doctrinaire  qui  affecte  la  forme  de  discussions  théoriques 
des  institutions  athéniennes.  Cette  dernière  tradition  peut 
venir  du  groupe  de  Théramène;  l'autre,  du  groupe  de  Gritias, 
sinon  de  Gritias  lui-même. 

Aristote  se  trouve  ainsi  en  présence  de  traditions  contradic- 
toires :  sa  méthode  consiste  alors  à  les  concilier,  à  les  fondre, 
à  former  une  sorte  de  version  moyenne.  De  là  des  disparates  et 
des  ditïicultés  que  vient  encore  aggraver  l'inachèvement  de 
l'ouvrage.  On  ne  s'étonnera  donc  pas  que  M.  Mathieu  nous 
persuade  d'avoir  sur  sa  valeur  historique  une  opinion  prudente 
et  de  rechercher  constamment  la  tradition  dont  s'inspire  Aris- 
tote. Mais  l'imperfection  même  de  la  Constitution  athénienne 
n'est  pas,  semble-t-il,  pour  déplaire  à  son  critique  :  elle  nous 
amène  à  mieux  connaître  la  littérature  politique  d'Athènes  à  la 
fin  du  v^  siècle  :  plus  achevé,  l'ouvrage  aurait  moins  d'intérêt. 

M.  G.  Mathieu  a  bien  su  conduire  ces  recherches  délicates. 
Qu'il  s'agisse  de  mettre  en  lumière  des  disparates  ou  des 
mélanges  de  traditions  —  en  ce  qui  regarde,  par  exemple, 
l'histoire  d'Harmodios,  le  rôle  d'Aristide,  la  politique  et  la  mort 
d'Ephialte  — ,  le  livre  nous  fait  toujours  apprécier  la  même 
finesse  et  la  même  sûreté.  Votre  Commission  des  prix  l'a  jugé 
digne  d'obtenir  une  médaille  d'argent. 

Messieurs,  à  ces  envois  que  vous  avez  récompensés  viennent 
s'ajouter,  comme  chaque  année,  les  travaux  de  ceux  qui  ont 
donné  l'exemple  et  les  modèles.  Trois  de  vos  anciens  présidents 
vous  offrent  des  études  qui  reçoivent  même  accueil  que  leurs 
devanciers  :  M.  Michon,  dont  l'intérêt  pour  notre  Association 


XXXI    


est  toujours  actif  et  présent,  vous  offre  un  beau  travail  sur 
V Apollon  de  Chercliell\  M.  Oinont  publie  les  lettres  et  les  rap- 
ports écrits  par  Minoïde  Mynas  sur  ses  missions  en  Orient 
(1840-1855).  On  sait  que  ce  Grec  qui,  fuyant  la  persécution,  vint 
chercher  en  France  une  nouvelle  patrie,  a  rapporté  de  ses  mis- 
sions plus  de  deux  cents  manuscrits  et  doit  surtout  sa  notoriété 
à  la  découverte  des  Fables  de  Babrios  et  du  Traité  de  la  gym- 
nastique de  Philostrate.  Ses  lettres  et  rapports  sont  une  utile 
source  d'information  soit  pour  l'étude  des  manuscrits,  soit  pour 
les  explorations  futures.  M.  Omont  publie  également  la  brève 
notice  du  même  auteur  sur  l'organisation  des  monastères  du 
Mont  Athos  et  sur  les  coutumes  et  le  caractère  de  ses  moines. 
—  Vous  aurez  plaisir  à  recevoir  de  M.  Glotz  le  dernier  Bulle- 
tin d'Histoire  grecque  de  la  Revue  historique  :  il  y  est  rendu 
compte  des  publications,  tant  françaises  qu'étrangères,  de  1911 
à  1914.  Je  n'ai  pas  à  vous  redire  le  prolit  que  vous  trouverez 
dans  ces  analyses  riches  et  drues,  dans  cette  critique  qui, 
maniant  avec  une  aisance  égale  les  divers  instruments  de  l'his- 
toire, nous  montre  avec  sûreté  ce  qu'un  livre  a  de  vivant,  ou 
lui  porte  l'objection  décisive.  —  A  ces  noms  de  présidents- 
évergètes  nous  joindrons,  par  une  anticipation  permise,  celui 
du  général  Arthur  Boucher.  Vous  savez  ce  que  nous  devons  de 
vues  personnelles  sur  la  Tactique  g^^ecque  àVoriginede  l'histoire 
militaire  et  sur  l'itinéraire  des  Dix-Mille  au  glorieux  soldat  de 
l'Yser.  Son  expérience  de  chef  le  sert  encore  de  la  façon  la  plus 
heureuse  dans  son  étude  sur  La  bataille  de  Platées  d'après 
Hérodote.  Il  nous  montre  l'habileté  sage  de  Mardonius,  digne 
d'honneur  dans  sa  défaite,  et  les  fautes  égoïstes  de  Pausanias 
qui  n'avait  pas  mérité  sa  victoire;  c'est  l'amour  des  Athéniens 
pour  la  liberté,  leur  esprit  d'offensive,  leur  confiance  dans 
l'arme  de  main,  qui  a  fixé  le  sort  de  cette  bataille.  Et,  dans  une 
conclusion  d'un  beau  souffle,  le  général  A.  Boucher  met  en 
relief  les  grandes  lois  qui  doivent  présider  à  la  défense  natio- 
nale, et  la  méthode  qui  doit,  selon  sa  juste  expression,  «  orga- 
niser »  le  courage  du  soldat. 


XXXII    — 

D'autres  envois  méritent  de  vous  être   signalés  :  M.  Colar- 
deau  corrige  d'une  manière  ingénieuse  et  sûre  le  texte  d'Epic- 
tète  ;  M"''  S.  Renkin  nous  fait  don  de  la  Grammaire  élémentaire 
du  grec  moderne  parlé  qu'elle  destine  aux  étudiants,  aux  voya- 
geurs et  au  corps  expéditionnaire  d'Orient.  M.  Gabriel  Millet 
nous  otTre  les  deux  dernières  monographies  de  la  série  que  la 
revue  V Art  et  les  Artistes  consacre   aux  œuvres   d'art  et  aux 
monuments   atteints  par  la  guerre.  Ces  études  concernent  la 
Serbie  et  la  Roumanie,  c'est-à-dire  deux  des  trois  nations  alliées 
qui  doivent  à  Byzance  leur  art  religieux.  L'illustration  de  ces 
études,  en  grande  parlie  inédite,  et  les  recherches  personnelles 
de  notre  confrère,  qui  a  visité  les  églises  de  Serbie,  de  Vieille- 
Serbie  et  de  Macédoine,  intéresseront  à  la  fois  le  grand  public 
et   l'historien   de    Tart.    Enfin   nos    confrères    étrangers    vous 
envoient  des  travaux  dont  je  ne  puis  faire,  ici,  qu'une  simple 
mention  :  M.  RoyJ.  Deferrari  (Pjinceton),  L'atticisme  de  Lucien, 
Morphologie  du  verbe;  notre  lauréat,  M.  Rados,  Les  Souliotes  et 
les  Aimatoles  de  l'Heptanèse  et  Les  Grecs  de  Napoléon,  Nicolas 
Tsesmélis;  M.  Arvanitopoullos,  des  Inscriptions  de  Thessalie  et 
des  Fouilles  de  Macédoine;  M.  Dragoumis,  une  suite  à  la  Chro- 
nique de  Morée.  —  Une  place  à  part  doit  être  faite  aux  travaux 
de  nos  confrères  de  Barcelone  dont  l'ardeur  ne  se  ralentit  pas. 
L'Institut  de  langue  catalane  poui'suit  activement  la  publica- 
tion de  sa  Bibliothèque  grecque  et  latine  (textes  et  traductions) 
et  parcourt  tout  le  domaine  de  la  littérature,  des  poèmes  homé- 
riques à  la  patrologie.  Parmi  tant  d'intéressants  volumes,  je 
signalerai  la  charmante  plaquette  qui  contient  le  Poème  d'Héro 
et  Léandre  attribué  à  Musée,  publié  et  traduit  par  M.  Lluis  Se- 
galà.  Ce  savant,  qui,  avec  M.  Cosme  Parpal,  dirige  le  vaillant 
etfort  catalan,  a  pu,  dans   un  éloquent  discours   prononcé   à 
l'université  de  Barcelone,  faire  avec  une  juste  fierté  l'historique 
des  études  grecques  dans  sa  province  et  constater  qu'avec  le 
xx^  siècle  commence  une  renaissance  classique  en  Catalogne. 
Nulle  part,  Messieurs,  ce  mouvement  ne  trouvera  plus  de  sym- 
pathie que  parmi  vous. 


XXXIII 


Tels  sont,  Messieurs,  les  travaux  que  votre  Commission  a  cru 
devoir  vous  signaler  ou  récompenser  en  votre  nom.  Ils  attestent 
la  vitalité  de  nos  études,  et  notre  Association  qui  accomplit  en 
1917  sa  cinquantième  année,  peut  faire  avec  satisfaction  le 
compte  des  résultats  acquis  dans  ce  demi-siècle,  et  regarder 
l'avenir  avec  pleine  confiance.  De  jeunes  forces  se  révèlent 
dont  on  peut  attendre  beaucoup  :  elles  vont  trouver  un  champ 
d'activité  dans  cette  publication  de  textes  grecs  et  latins 
accompagnés  de  traductions  qui,  longtemps  souhaitée  avant  la 
guerre  et  devenue,  depuis,  «  une  obligation  nationale  »,  s'or- 
ganise en  ce  moment  même.  Si,  comme  on  l'a  dit,  les  ressources 
de  la  science  française  doivent  y  prendre  conscience  d'elles- 
mêmes,  on  peut  être  assuré  du  succès  de  cette  œuvre,  à  laquelle 
l'Association  des  Études  grecques  promet  de  s'employer  de  tout 
son  dévouement. 


REG,  XXX,  1917,  n»  137. 


RAPPORT  DU  TRÉSORIER-ADJOINT 


C'est  pour  la  troisième,  et  j'espère  pour  la  dernière  fois,  que 
je  vous  soumets  le  rapport  de  notre  situation  financière.  L'an 
prochain  notre  sympathique  trésorier  sera  parmi  nous,  j'y 
compte  fermement.  Nous  avons  de  honnes  nouvelles  de 
M.  Maurice  dont  la  santé  est  excellente.  Il  attend  impatiem- 
ment comme  nous  le  jour,  prochain  peut-être,  qui  libérera  nos 
contrées  du  Nord  et  de  l'Est  de  la  souillure  de  l'ennemi. 


I.  État  comparatif  des  Recettes  en  i9i ô  et  19i6. 


A.  Intérêts  de  capitaux 

1915 

10  Rente  Devilie  3  o/o 500    » 

20  Coupons  de  158  obligations  Ouest.  2,268    » 
3»  Coupons    de    1   obligation  Egypte 

unifiée 20  80 

4»  Coupons  de  17  obligations  Midi...  244  80 

S»  Coupons  de  26  obligations  Est 368  40 

6°  Coupons  de  25  obligations  Fusion  3,808  45 

nouvelle 330     »! 

1°  Coupons  de    3  obligations   Ouest-  I 

Algérien 43  20 

8®  Coupons  de  1  obligation  4  o/o  Or-  I 

léans n  80 

90  Intérêts  du  compte  courant 15  45  , 

B.  Subventions  et  dons  divers. 

10°  Subvention  du  Ministère  de  l'Ins- 
truction publique 300    » 

11°  Don  de  TUniversité  d'Athènes  (1). .  »    » 

12»  Dons  pour  l'illustration  de  la  Revue.  »    » 


300     » 


1916 

500    »  \ 
2,244  62 

20  60 
242  20 
364  70 

329  50 

42  70 

17  80 
20  65 


300     .) 

»  M 

»         » 


3,782  77 


300 


(1)  L'Université  d'Athènes  n'a  pas  payé  les  subventions  dues  en  1913, 1914,  1915 
et  1916. 


XXXV   

C.  Cotisations,  ventes,  recettes  diverses. 

1913  1916 

130  Cotisations   des  membres  ordinai-  \ 

res 2,740    >>  J                     2,580 

14°  Souscriptions   de  membres   dona-  J  2,826  90        200     »  \  2,780 

teurs »     »  \ 

150  Vente  de  publications  et  médailles .  86  90  /                           »    » 


Totaux 6,935  35  6,862  77 


II.  État  comparatif  des  Dépenses  en  1915  et  1916. 

A.  Publications. 

1«  Revue  des  Études  grecques 3,032    »  j  2,836    »  \ 

2»  Secrétaire  adjoint  à  la  rédaction  de    .               [3,032    ».  [3,036    » 

la  Revue »    »  )  200    »  ) 

B.  Encouragements. 

30  Prix  Zographos 500    »J  500    »] 

40  Prix  classiques 188  25  [     688  25  201  25  [     70125 

50  Concours  typographique »    »  )  »    »  ) 

C.  Frais  généraux. 

6°  Impressions  diverses 53  80  i  76  80  \ 

70  Loyer,  impositions  et  assurances  (1)           »    »  1  »    » 

8°  Service  du  palais  des  Beaux-Arts. .         90     «    j  90    » 

90  Service  de  la  bibliothèque 1,000    »  I  l-,000    » 

10°  Droits  de  garde  et  frais  divers  à  la  I 

Société  Générale* 75  90  f  84  09' 

11»  Distribution  de  publications 409  20  /  2,022  65  383  38  /  2,342  62 

120  Recouvrement  de  cotisations 88  95  l  84  40  1 

130  Frais  de  bureau,  correspondance  et                  I  1 

divers 235  60  1  298  50   ] 

140  Nettoyage,  éclairage  et  chauffage .         67  50   !  72  60    j 

1 50  Médailles »    »  »    »   1 

160  Achat  et  reliures  de  livres 170          ^  252  85' 

Totaux 5,742  90  6,079  87 

(1)  Le  terme  d'octobre  1914  restait  à  payer.  (Les  impositions  et  les  assurances 
avaient  dû  être  payées).  En  1915  et  en  1916  nous  n'avons  rien  payé  de  ce  poste 
647,60  (=  323,80  X  2)  malgré  nos  instances  réitérées. 


—    XXXVI   — 


///.  Budget  sur  ressources  spéciales. 

1'  Fondation  Zappas. 

Recettes  de  Texercice  1915  :  500  francs. 

Le  montant  du  prix  en  1916  n'a  pas  été  distribué. 

2*  Don  P.  Milliet. 
Ce  fonds  était  au  1"  janvier  1914  de 2,524  10 


IV.  Mouvement  des  fonds  en  1916. 

1°  Solde  en  caisse  au  31  décembre  1915 4,045  52 

2°  Recettes  en  1916  (tableau  nM) 6,862  77 

3"^  Rente  Zappas  en  1916 500     » 

11,408  29 
r  Sorties  de  caisse  (tableau  n°  II) 6,079  87 

11  reste  donc  en  caisse,  au  31  décembre  1916.. .     7,390  90 
somme  qui  se  décompose  ainsi  : 

Solde  à  la  Société  Générale 7,220  68 

En  caisse  de  l'agent  bibliothécaire 170  22 

7,390  90 


XXXVII    — 


Prévisions  pour  1917. 

V.  Recettes  prévues  pour  1917 . 
A.  Intérêts  de  capitaux. 

r  Rente  Deville  3  0/0 500     » 

2°  Coupons  de  151  obligations  Ouest.  2,244  62 
3°  Coupon    de    1    obligation    Egypte 

Unifiée 20  60 

4°  Coupons  de  1  obligation  d'Orléans 

4  0/0 17  80 

5°  Coupons  de  17  obligations  Midi. .  .  242  20  /  ^''^^^  *^ 

6"  Coupons  de  26  obligations  Est. ...  364  70 
7"  Coupons  de  25  obligations  Fusion. 

nouvelle 329  50 

8°  Coupons    de    3   obligations    Ouest 

Algérien 42  70  j 

3,762  12 

(Ces  chiffres  ne  sont  qu'approximatifs,  en  raison  de  l'augmen- 
tation d'impôts  mise  en  vigueur  à  partir  du  1"  janyier  1917.) 

B.   Subventions  et  dons  divers. 


9°  Subvention  du  Ministère  de  l'Ins- 
truction   publique 

10*»  Don  de  l'Université  d'Athènes.... 


truction   publique 300     »  [     300     » 


4,062  12 
C.  Cotisations  et  ventes. 

11°  Cotisations  des  membres  ordinaires.     2,580     ^\  ey  carx 
12°  Vente  de  publications 80     » 


Total 6,722  12 


»/ 


—   XXXVIII    ^- 

VI.  Dépenses  prévues  pour  19i7 . 

i°  Impression  dun°  132  (compte  sup- 
plémentaire) et  des  n°"  juillet- 
septembre  et  octobre-décembre 
de  la  Revue 1 ,946 

2"  Une  année  de  la  Revue,  moins  le  ^  4  326 

dernier  numéro 1,680 

3°  Illustration  de  la  Revue 500 

4"  Secrétaire  adjoint  à  la  rédaction 

A^Xdi  Revue 200 

B.  Encouragements. 

5**  Prix  Zographos 

6°  Prix  classiques 

C.  Frais  généraux. 

7**  Impressions  diverses. 

8°  Loyer,  impositions,  assurances. . . 
9°  Service  du  palais  des  Beaux- Arts. 

10*»  Service  de  la  Bibliothèque ,       1,000 

11°  Droits  de  garde  et  frais  divers  à 

la  Société  Générale 

12°  Distribution  de  publications 

13°  Recouvrement  de  cotisations 

14°  Frais  de  bureau,  correspondance 

et  divers 

15^  Nettoyage,  éclairage  et  chauffage. 

16°  Médailles. . . 

17°  Reliure  et  achat  de  livres. ...... 


18°  Le  déficit  sera  de  mille  quatre  cent  quatre- 
vingt-deux  francs  soixante-huit  centimes. 

Total 1,482  68 

Henri  Lebègue. 


1000 
250 

1,250  » 

70 

» 

323  80 

90 

» 

,000 

» 

90 

» 

450 

» 

>  2,628  80 

90 

» 

275 

» 

70 

» 

20 

» 

150 

»_ 

8,204  80 

6,722  12 

quatre- 

0 


LES  NOUVEAUX  FRAGMENTS  D  ANTIPBON  ' 


Les  nouveaux  fragments  publiés  dans  le  onzième  volume  des 
Oxyrhynchos  Papyri  ont  été  signalés  à  l'Académie  des  Inscrip- 
tions dès  leur  apparition  par  M.  Théodore  Reinach.  Je  vou- 
drais y  revenir  pour  examiner  quelques-uns  des  problèmes 
qu'ils  soulèvent.  Les  savants  éditeurs  anglais,  .dans  la  notice 
précise  et  solide  qu'ils  ont  mise*  en  tête  des  fragments,  ont 
déjà  indiqué  plus  d'un  rapprochement  utile  et  esquissé  cer- 
taines conclusions.  Ils  n'ont  pu  cependant  qu'effleurer  le  sujet. 
Quelle  est  au  juste  la  signification  philosophique  des  idées 
exprimées  par  Antiphon?  Gomment  se  relient-elles  aux  frag- 
ments déjà  connus?  Quelles  indications  nouvelles  peut-on  tirer 
du  texte  soit  pour  l'histoire  de  la  pensée  grecque,  soit  pour 
celle  de  la  littérature  ?  Il  reste  sur  tous  ces  points  des  obscuri- 
tés. Je  voudrais  essayer,  de  les  éclaircir,  ou  tout  au  moins  de 
déterminer  avec  précision  la  nature  des  problèmes  à  résoudre. 

Et  d'abord,  un  mot  sur  l'origine  des  fragments.  Ces  quelque 
trois  cents  lignes,  dont  chacune  est  très  courte,  sont  conser- 
vées sur  deux  morceaux  de  papyrus  distincts.  L'un  de  ces  mor- 
ceaux, que  les  éditeurs  ont  placé  le  second,  ne  comprend  que 
trente-trois  lignes  à  peu  près  complètes,  et  des  vestiges  insi- 
gnifiants  de   ce  qui  suivait.  Dans  le  premier  morceau,  cent 


(1)  Communication  faite  à  TAcadémie  des  Inscriptions  dans  ses  séances  des 
6  et  13  octobre  1916. 

REG,  XXX,  1917,  n»  136.  1 


J,  ALFHED    CHOISEÏ 

quatre-vingt-dix  lignes  environ  sont  pres(jue  intactes;  le  reste 
est  plus  ou  moins  mutilé.  Il  est  d'ailleurs  évident  que  les  deux 
morceaux  faisaient  partie  d'un  môme  développement.  Il  est 
certain  aussi  que  le  tout  provient  du  IIspl  à\rfidcf.ç  d'Antiphon. 
Celle  détermination  résulte  avec  évidence  d'une  phrase  déjà 
citée  par  Ilarpocration  coaime  tirée  de  cet  ouvrage.  L'Anti- 
phon  qui  a  composé  le  Ilepl  aArfieicf.;,  est  celui  qu'on  appelle  «  le 
sophiste  »,  pour  le  distinguer  de  «  l'orateur  »,  et  à  qui  l'on 
attribue  ordinairement  tout  ce  qui  nous  est  parvenu  sous  le 
nom  d'Antiphon  en  dehors  des  discours  judiciaires.  J'aurai  à 
levenir  tout  à  l'heure  sur  cette  distinction  et  à  montrer  com- 
bien elle  est  fragile.  Pour  le  moment,  je  veux  seulement  fixer 
une  date.  Antiphon  dit  «  le  sophiste  »  est  exactement  contem- 
porain d'Antiphon  de  Rhamnonte,  dit  «  l'orateur  ».  Xénophon 
nous  le  montre  en  elfet,  dans  les  Mémoi^aôles,  discutant  à  plu- 
sieurs reprises  avec  Socrate,  et  Diogène  Laërce,  faible  autorité 
d'ailleurs,  va  jusqu'à  faire  de  lui  l'adversaire  par  excellence  de 
Socrate.  Il  s'agit  donc  d'un  Athénien  qui  écrivait  au  temps  de 
la  guerre  du  Péloponnèse,  c'est-à-dire  à  une  époque  de  l'atti- 
cisme  qui  joue  un  rdle  capital  dans  l'évolution  de  la  pensée 
grecque,  et  dont  il  nous  reste  d'ailleurs  assez  peu  d'écrits  en 
prose,  en  dehors  de  l'histoire  de  Thucydide.  C'est  assez  dire 
combien  les  moindres  reliques  des  ouvrages  de  ce  temps  sont 
précieuses.  Or  les  nouveaux  fragments  sont  une  addition  no- 
table à  ceux  que  nous  possédions  déjà  sous  le  nom  d'Antiphon. 

I 

L'idée  générale  du  morceau  est  celle  de  l'opposition  entre  la 
nature  (cpûo-Lç)  et  la  loi  (v6|jlo;).  Cette  opposition  porte  sur  deux 
points  qui  sont  très  clairement  distingués.  Le  premier  est  reja- 
tif  au  caractère  de  la  sanction,  le  second  à  celui  des  prescrip- 
tions de  l'une  et  de  l'autre.  Le  premier  point  est  traité  dans  le 
début  du  premier  fragnient;  le  second,  dans  le  reste  du  môme 
fragment  et  dans  le  deuxième.  Chacun  de  ces  développements 


LES    NOUVEAUX    FRAGMENTS    D  ANTIPHON  S 

est  suivi  avec  netteté,  et  les  articulations  du  laisonnement,  le 
progi'ès  de  la  pensée,  sont  encore  visibles  malgni  les  lacunes. 

Voici  d'abord  le  début,  que  je  traduis  à  partir  de  la  sixième 
ligne,  les  cinq  premières  étant  mutilées  : 

«  La  justice  <consiste>  à  observer  toutes  les  lois  de  la  cité 
«  dont  on  est  citoyen.  Observer  la  justice  est  pour  un  homme 
«  la  conduite  la  plus  conforme  à  son  intérêt  personnel  (jjiàÂ'.a-Q' 
«  eauTw  ^u[i.cp£p6vTco;),  si  c'est  devant  témoins  qu'il  se  soumet  à 
«  la  grandeur  des  lois  (si  uLs-cà  [jiapTupwv  toÙ;  voijlo'j^  usyaAous 
«  ayot.)  ;  sans  témoins,  (son  intérêt  est  d'obéir)  à  la  nature  ». 

Que  signilie  ce  passage?  Est-ce  un  appel  immoral  au  mépris 
de  la  loi?  En  aucune  façon.  Nous  y  reviendrons  tout  à  l'heure 
pour  éclaircir  cette  idée  de  l'intérêt  personnel  mêlée  ici  d'une 
manière  un  peu  obscure  à  la  discussion.  Mais  poursuivons 
d'abord  la  lecture  du  texte  afin  de  mieux  voir  la  continuité  du 
raisonnement. 

Ce  qui  est  de  la  loi,  en  effet,  est  contingent  (sTitOexa)  ;  ce  qui  est  de 
la  nature  est  nécessaire  (àvay/aTaj.  Ce  qui  est  de  la  loi  est  conven- 
tionnel, non  réel  (ô[j.oXoYYj6£VTa,  où  cûjvxa).  Ce  qui  est  de  la  nature,  au 
contraire,  est  réel  et  non  conventionnel.  C'est  pourquoi  l'homme 
qui  transgresse  la  loi,  s'il  échappe  aux  regards  de  ceux  qui  ont  éta- 
bli la  convention,  échappe  à  la  honte  et  au  châtiment;  sinon,  non. 
Au  contraire,  dans  les  choses  qui  sont  établies  par  la  nature,  si 
l'on  fait  violence  à  ce  qui  est  possible  (1),  on  a  beau  échapper  aux 
regards  de  tous  les  hommes,  le  mal  n'en  est  pas  moins  grand,  et, 
quand  même  on  aurait  tous  les  hommes  pour  témoins,  il  ne  serait 
pas  plus  grand.  Car  le  dommage  en  ce  cas  résulte,  non  de  l'opinion 
(8tà  86^av),  mais  de  la  réalité  (Si'  àXy^esiav). 

Ici,  aucun  doute  ne  subsiste  sur  la  pensée  de  l'auteur.  11  ne 
juge  pas  ;  il  ne  prêche  pas;  il  énonce  simplement  un  fait,  et  ce 
fait  est  aussi  capital  qu'incontestable  :  c'est  qu'il  y  a  des  actes 
dont  les  conséquences  ne  dépendent  ni  des  lois  humaines  ni 


(1)  Je  lis  (ligne  45)  èav  xt,    et  non   sotv  xe,  faute  amenée   par  le   voisinage  des 
deux  sacv  Ts  qui  suivent. 


4  ALFRED    CROISET 

de  la  présence  de  témoins,  mais  qui  entraînent  par  eux-mêmes, 
soit  en  bien,  soit  en  mal,  des  suites  nécessaires  et  des  sanc- 
tions inévitables.  En  d'autres  termes,  à  côté  des  lois  de  la  cité, 
il  y  a  des  lois  naturelles,  au  sens  moderne  et  purement  scien- 
tifique du  mot,  c'est-à-dire  des  rapports  constants  entre  les 
cboses,  et  ces  rapports  ont  un  caractère  de  nécessité  (àvayxaTa) 
que  ne  présentent  pas  les  lois  établies  par  le  législateur.  Cel- 
les-ci, bonnes  ou  mauvaises,  lésultcnt  d'une  volonté  collective, 
c'est-à-dire  d'une  convention  (oijLoXoYTiBÉvûa)  ;  les  lois  de  la 
nature  résultent  de  la  force  des  choses  et  d'une  réalité  souve- 
raine {oi  klrfieicLy) . 

L'idée  scientifique  des  lois  de  la  nature  ainsi  entendues 
n'était  pas  nouvelle  en  Grèce  à  cette  date  :  mais  c'est  la  pre- 
mière fois  que  nous  en  trouvons  dans  la  littérature  une  expres- 
sion théorique  aussi  nette,  surtout  appliquée  aux  actions 
humaines.  De  bonne  heure,  la  régularité  de  certains  phéno- 
mènes naturels  s'était  imposée  à  l'attention  des  Grecs.  De  bonne 
heure  aussi,  le  fait  qu'une  faute  est  ordinairement  une  sottise 
et  que  la  vertu  est  une  bonne  uff'aire  leur  était  apparu.  Le  cou- 
pable, déjà  dans  Homère,  est  un  homme  «  qui  ne  sait  pas  », 
aii^piç,  v/iut.o;,  àTào-8a}vOç.  Mais  l'explication  de  ces  faits  était 
essentiellement  théologique.  La  régularité  des  phénomènes  de 
la  nature  résultait  de  la  volonté  constante,  sans  doute,  mais 
toujours  libre  de  se  modifier,  d'un  dieu  préposé  à  ces  phéno- 
mènes, ou  tout  au  plus  de  la  volonté  obscure  d'une  MoTpa  ou 
d'une  Erinnys.  Quant  aux  fautes,  si  la  punition  ne  venait  pas 
toujours  d'une  volonté  divine  particulière,  c'est  qu'elle  avait 
en  ce  cas  un  caractère  d'imprudence  que  l'expérience  journa- 
lière de  la  vie  suffisait  à  mettre  en  lumière.  Les  physiologues 
d'Ionie  sont  les  premiers  créateurs  de  la  notion  scientifique  de 
loi  naturelle.  Puis  Anaxagore  la  fortifie  et  la  répand  dans  le 
milieu  athénien,  et  l'on  sait  avec  quelle  vivacité,  dans  le  Pke- 
don,  Platon,  par  la  bouche  de  Socrate,  lui  reproche  de  n'avoir 
vu  dans  le  monde  qu'une  sorte  de  mécanisme  d'oii  les  causes 
finales  et  tovite  volonté  libre  sont  exclues.  La  tradition  qui  fait 


LES    NOUVEAUX    FRAGMENTS    D  ANTIPHON  h 

de  Thucydide  un  (5lève  d'Anaxagore  exprime  à  sa  manière  une 
vérité  très  importante  :  Thucydide,  en  etTet,  ne  veut  expliquer 
les  phénomènes  historiques  que  par  les  causes  secondes,  comme 
disent  les  philosophes,  et  il  exclut  absolument  toute  recherche 
de  la  cause  première,  toujours  incertaine  et  arbitraire  à  ses 
yeux.  De  là,  entre  Hérodote  et  lui,  une  difl'érence  qui  est  un 
abîme.  Mais,  si  Thucydide  parle  assez  souvent  de  la  nature 
(cpûtnç),  il  n'avait  pas  à  faire  de  théorie  philosophique  propre- 
ment dite,  de  sorte  qu'on  ne  trouve  pas  chez  lui  l'équivalent 
du  passage  d'Antiphon  que  nous  venons  de  citer.  Gorgias  ou 
Protagoras  avaient-ils  eu  l'occasion  d'exprimer  cette  concep- 
tion? Rien,  dans  ce  qui  nous  reste  d'eux,  n'en  porte  la  trace, 
et  l'hypothèse  d'ailleurs  serait  peu  vraisemblable  ;  car  Gorgias 
était  surtout  un  rhéteur,  et  Protagoras,  avec  son  relativisme 
sceptique,  devait  attacher  peu  d'importance  à  la  liaison  néces- 
saire des  phénomènes.  Antiphon  est  donc  le  premier,  dans 
l'état  de  nos  connaissances,  chez  qui  nous  trouvions  l'idée  de 
loi  naturelle  formulée  avec  une  entière  netteté  et,  on  peut  le 
dire,  avec  une  netteté  définitive. 

Notons  aussi,  à  propos  de  ce  passage,  qu'il  nous  fait  com- 
prendre par  où  les  nouveaux  fragments  pouvaient  se  rattacher 
logiquement  au  ll£pl  aAyiQeLaç.  A  lire,  en  effet,  l'ensemble  de  ces 
morceaux  d'une  manière  un  peu  rapide,  on  est  d'abord  frappé 
de  la  place  qu'y  occupent  les  considérations  relatives  à  la 
législation  des  cités,  et  l'on  ne  voit  pas  bien  la  raison  de  ces 
développements  dans  un  ouvrage  surtout  consacré,  comme  le 
prouvent  les  fragments  antérieurement  connus,  à  des  spécu- 
lations géométriques,  physiques  ou  métaphysiques.  Mais  les 
lignes  que  nous  venons  de  traduire  nous  donnent  le  mot  de 
l'énigme.  Ce  qu'Anliphon  dit  ici  de  la  loi  naturelle  devait,  en 
effet,  dominer  toute  étude  sur  la  réalité  des  choses  (TOpl  a.Xr\^d(x.q) 
et  le  terme  même  qu'il  emploie  pour  caractériser  ce  qui  vient 
de  la  nature  (Si'  àXTiGst-av)  nous  rend  sensible  l'unité  essentielle 
de  l'ouvrage  :  avant  d'entrer  dans  le  détail  des  théories  parti- 
culières, il  convenait   de  marquer  d'une   manière  précise  ce 


b  ALFRED    CROISET 

caractère  do  nécessité  qui  différencie  tout  d'abord  les  lois  de  la 
nature,  objet  de  son  livre,  des  lois  conventionnelles,  œuvre  des 
sociétés  humaines. 

II 

Arrivons  à  la  deuxième  dilTérence  signalée  par  Antiphon 
entre  les  unes  et  les  autres,  c'est-à-dire  au  désaccord  qu'il 
aperçoit  entre  leurs  prescriptions  respectives,  a  La  justice  des 
lois,  dit-il,  est  très  souvent  en  hostilité  avec  la  nature  »  (xà  r,oWk 
Twv  y.cLTk  vojjiov  ôî,xa'lcov  TtoXéjji'.a  t?,  cpùo-s',  xs^Tai),  et  cela  mérite 
examen  (txÉ'Uç).  L'examen  qu'il  en  fait  se  développe  en  une 
série  de  phrases  courtes,  incisives,  relevées  de  yXwa-o-aî.,  comme 
disaient  les  Grecs,  c'est-à-dire  de  mots  archaïques  ou  poétiques. 

Vient  d'abord  un  joli  couplet  sur  la  minutie  de  la  législation, 
qui  prétend  tout  diriger  : 

Il  y  a  des  lois  pour  prescrire  aux  yeux  ce  qu'ils  doivent  voir  ou 
ne  pas  voir;  aux  oreilles,  ce  qu'elles  doivent  entendre  ou  ne  pas 
entendre;  à  la  langue,  ce  qu'elle  doit  dire  ou  ne  pas  dire;  aux  pieds, 
où  ils  doivent  aller  ou  ne  pas  aller;  à  l'esprit,  ce  qu'il  doit  désirer 
ou  ne  pas  désirer. 

Et  toutes  ces  prescriptions,  comme  les  interdictions  corres- 
pondantes, ne  sont  nullement  réglées  sur  les  vœux  de  la 
nature;  au  contraire.  Selon  la  nature,  vivre  est  un  bien, 
mourir  est  un  mal.  Mais  dans  la  vie,  la  loi  impose  à  l'homme 
une  foule  de  prétendus  biens  qui  sont  des  maux  en  réalité. 
Venait  ensuite,  à  ce  qu'il  semble,  un  passage  symétrique  sur 
la  mort;  il  n'en  reste  que  de  faibles  traces;  puis  quelques 
exemples  des  désavantages  que  la  loi  impose  à  celui  qui  la 
respecte  et  dont  l'homme  injuste  est  affranchi.  Sans  traduire 
littéralement  tout  ce  passage,  oii  certaines  lacunes  rendent 
obscur  l'enchaînement  des  phrases,  il  suffira,  pour  en  montrer 
la  signification  générale,  d'en  détacher  quelques  aphorismes 
où  la  pensée  se  condense.  «  Les  biens,  selon  la  loi,  dit-il,  sont 
autant  de  chaînes  imposées  à  la  nature.  Au  contraire,  les  biens 


LES    NOUVEAUX    FRAGMENTS    D  ANTIPHON  7' 

selon  la  nalure  sont  libres  »,  L'expression  ici  peut  sembler  en 
conlradiclion  avec  ce  rju'il  disait  plus  haut  de  la  nécessité  qui 
règne  dans  la  natui'e;  mais  la  contradiction  n'est  qu'apparente  : 
il  s'agissait  plus  haut  de  l'enchaînement  des  elTets  et  des  causes; 
il  s'agit  ici  des  instincts,  des  désirs,  qui  naturellement  sont 
hostiles  à  toute  contrainte.  —  «  Donc,  poursuit-il,  selon  la 
droite  raison  (ooBw  ).6yw,  c'est  l'expression  de  Protagoras),  il 
n'est  pas  vrai  que  ce  qui  cause  de  la  peine  (toc  àXyjvovTa)  con- 
vienne à  la  nature  (ovivYiT»,  t7]v  cpuo-'.v)  mieux  que  ce  qui  cause  de 
la  joie  (to  £'jcppa(vovTa).  Donc  aussi  il  est  faux  qu'une  chose  soit 
plus  utile  en  donnant  de  la  peine  (À'jrroGvTa)  que  du  plaisir 
(riùovzcf.) .  Car  le  véritable  bien  (to  y.'krfihç  ^'j'xoipoy)  doit  non  pas 
blesser,  mais  être  utile  (w'ijeXs'iv)  ». 

Il  est  impossible  de  lire  ce  passage  oi^i  les  mots  qui  signifient 
joie,  plaisir,  avantage,  utilité,  sont  accumulés  comme  à  plaisir 
ainsi  que  leurs  contraires,  et  où  ces  quasi-synonymes  sont 
employés  presque  indifféremment  les  uns  pour  les  autres,  sans 
imaginer  ce  que  Socrate  devait  penser  de  cette  imprécision  de 
langage  et  quelle  prise  elle  offrait  à  son  ij'onie.  Il  semble  qu'on 
l'entende,  devant  un  exposé  de  ce  genre,  demander  grâce  pour 
son  défaut  de  mémoire,  dire  qu'il  saisit  mal  le  sens  de  tous 
ces  mots,  qu'il  les  trouve  obscurs,  qu'il  a  besoin  de  se  les  faire 
expliquer  un  à  un.  Et  alors,  d'interrogation  en  interrogation, 
il  eût  amené  son  interlocuteur  à  convenir  que  certains  plaisirs 
pouvaient  n'être  pas  utiles,  que  certaines  peines  pouvaient 
n'être  pas  réellement  dommageables,  et  qu'en  somme  il  fallait 
y  regarder  de  plus  près  avant  de  trancher  des  questions  aussi 
difficiles.  Rien  ne  fait  mieux  comprendre  que  ce  morceau  authen- 
tique d'un  sophiste  réputé  l'à-propos  du  rôle  de  Socrate,  et 
combien  sa  dialectique,  qui  nous  semble  parfois  fatigante  par 
sa  subtilité,  a  rendu  de  services  à  la  pensée  grecque  en  l'obli- 
geant à  se  mieux  analyser.  A  côté  de  Socrate,  d'ailleurs,  Pro- 
dicus  servait  à  sa  manière  la  môme  cause.  Par  son  goût  un  peu 
pédantesqué  pour  l'étude  des  synonymes,  il  contribuait  à  faire 
de  la  langue  usuelle  un  instrument  de  précision,  capable  de 


8  ALFRED    CROISET 

s'adapter  aux  oxigencos  do  Tesprit  critique.  Anliphon  n'en  est 
pas  encore  arrivé  là. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  qui  ressort  du  moins  de  ce  morceau, 
c'est  justement  la  facilité  avec  laquelle  l'écrivain  mêle  ces  idées 
de  plaisir,  d'utile,  de  bien,  ou  au  contraire  de  douleur,  de  dom- 
mage, de  mal,  et  le  rapport  étroit  qu'il  établit  dans  chacun  de 
ces  groupes  entre  des  choses  qui  lui  paraissent  à  peu  près  iden- 
tiques. Cela  suffît  à  indiquer  dans  une  certaine  mesure  la  ten- 
dance générale  de  ses  doclrines.  La  nature,  comme  la  loi,  pres- 
crit à  l'homme  comme  fin  de  ses  actions  l'utilité  ;  mais,  tandis 
que  la  loi  subordonne  celte  utilité  à  mille  restrictions  qui  enchaî- 
nent la  liberté  de  Tindividu,  la  nature,  au  contraire,  suivant 
Antiphon,  n'admet  comme  utile  que  ce  qui  est  agréable  et 
exempt  de  peine. 

La  fin  du  premier  fragment  comprend  un  développemeni 
spirituel  où  Antiphon  poursuit  son  réquisitoire  en  montrant 
que  la  loi,  qui  s'occupe  de  tant  de  choses,  n'arrive  même  pas, 
malgré  tous  ses  efforts,  à  réparer  le  mal  qu'elle  fait,  ce  qui  lui 
enlève  la  seule  excuse  qu'elle  pût  invoquer.  Un  homme,  dit-il, 
qui  a  subi  un  tort  n'a  qu'une  ressource,  qui  est  de  traîner  son 
adversaire  devant  un  tribunal.  Mais  là  même  il  n'a  sur  lui 
aucun  avantage  décisif,  bien  qu'il  soit  la  victime  et  l'autre 
l'agresseur.  Il  accuse,  mais  son  adversaire  peut  nier.  Les  lignes 
suivantes  sont  mutilées;  cependant  on  entrevoit  qu'Antiphon 
y  décrivait  en  connaisseur  certaines  roueries  de  la  défense,  et 
notamment,  semble-t-il,  celle  qui  consiste  à  accuser  à  son  tour. 
Mais  le  passage  est  trop  altéré  pour  qu'on  puisse  essayer  une 
restitution. 

Le  second  fragment  enfin  est  dirigé  contre  les  distinctions 
arbitraires  qui  se  fondent  sur  la  naissance  ou  sur  la  race  :  nou- 
velle variété  de  violence  faite  à  la  nature  par  les  lois  ou  par 
les  mœurs.  Ici  encore  quelques  lacunes,  mais  qui  laissent  sub- 
sister plusieurs  phrases  vigoureuses  et  expressives  : 

<Ceax  qui  sortent  d'une  illustre  maison, >  nous  les  respectons 
et  les  vénérons;  et  ceux  qui  sont  d'humble  naissance,  nous  n'avons 


LES    NOUVEAUX    FRAGMENTS    D  ANTIPHON  y 

pour  eux  ni  considération  ni  respect.  En  cola,  les  uns  à  l'égard  des 
autres,  nous  sommes  des  barbares  (p£6apêapu)[j.£0a).  Car  la  nature 
nous  fait  naître  tous  pareils,  tous  indifféremment  barbares  ou 
grecs.  » 

Suivent  des  mots  mutilés,  mais  dont  le  sens  général  peut  se 
rétablir  à  peu  près  ainsi  :  «  Car,  pour  tout  ce  qui  se  rapporte 
aux  lois  nécessaires  de  la  nature,  tous  les  hommes  sont  sem- 
blables. A  en  juger  sur  les  choses  naturelles,  »  (ici  le  texte 
reprend  :)  «  rien  ne  détermine  parmi  nous  le  grec  ou  le  bar- 
bare ;  tous  nous  respirons  l'air  par  la  bouche  et  par  les 
narines;  tous...  »  La  lin  de  la  phrase  manque;  le  reste  du 
papyrus  ne  contient  plus  que  quelques  lettres  isolées. 

On  reconnaît,  dans  cette  énergique  déclaration,  la  première 
forme  du  mot  célèbre  d'Alcidamas  :  «  la  nature  ne  fait  pas 
d'esclaves.  » 

Telle  est,  dans  son  ensemble,  la  rude  et  parfois  éloquente 
attaque  dirigée  par  Antiphon,  d'un  point  de  vue  naturaliste, 
contre  la  loi.  Reste  à  savoir  quelle  en  est  au  juste  la  portée,  si 
elle  implique  une  condamnation  radicale  de  la  société  et  de  sa 
morale,  ou  si  elle  comporte  une  interprétation  différente. 

III 

Toute  théorie  qui  oppose  aux  lois  de  la  cité  d'autres  lois  fait 
d'abord  songer  aux  àypauTa  v6|jt.Liji.a  de  VAxitigone  de  Sophocle, 
aux  àypaooj.  v6|jt.o',  dont  il  est  si  souvent  question  chez  les  écri- 
vains postérieurs,  et  les  éditeurs  anglais  n'ont  pas  manqué  de 
faire  ce  rapprochement.  Ils  ont  eu  raison,  mais  il  faut  ajouter 
que  la  ressemblance  est  en  général  plus  extérieure  que  pro* 
fonde. 

La  «  loi  non  écrite  »  à  laquelle  obéit  Anligone  est  la  loi  des 
dieux,  aypaïcxa  Bswv  v6|jL(.|jLa,  donc  une  loi  religieuse  plus  forte 
que  celle  d'un  tyran,  mais  surtout  plus  morale  et  capable  d'im- 
poser à  la  conscience  le  sacrifice  volontaire  de  la  vie.  Celle  loi 
divine  n'a  guère  de  rapport  avec  la  loi  naturaliste  d'Antiphon, 


10  ALFRED    C  ROI  SET 

dont  le  caractère  général  est  manifestement  de  faire  une  large 
place  à  ce  qu'il  appelle  le  plaisir,  la  joie,  Tutililé,  dans  un  sens 
assez  égoïste,  fort  peu  idéaliste,  el  nullement  religieux. 

Ce  qui  s'appelle  ensuite  aypacpoi  vouot.,  depuis  Platon  etXéno- 
plîon  jusqu'à  Anaximène  de  Lampsaque  (auteur  présumé  de 
la  Rhétoriqîie  à  Alexandre),  c'est  ce  que  le  spiritualisme  appelle 
la  «  morale  naturelle  »,  c'est-à-dire  l'ensemble  des  règles  que 
la  conscience,  en  dehors  de  toute  législation  positive,  prescrit 
à  chaque  homme  en  tout  pays,  et  qui,  bien  loin  d'être  en  con- 
tradiction avec  le  pi'incipe  de  la  loi  écrite,  c'est-à-dire  avec  les 
idées  de  devoir  et  d'obligation,  les  complètent  au  nom  d'une 
moralité  plus  haute,  plus  universelle,  plus  impérative,  par 
exemple  en  ce  qui  concerne  les  devoirs  des  enfants  envers  les 
parents  et  les  relations  de  famille  en  général. 

Ces  lois  non  écrites  sont  quelquefois  données  comme  venant 
de  la  nature  (cpuo-iç),  mais  d'une  nature  toute  pénétrée  de  mora- 
lité et  fort  différente  de  celle  d'Antiphon. 

Aussi  l'idée  d'une  sanction  naturelle,  au  sens  oii  Antiphon 
la  définit  et  la  décrit  dans  le  premier  fragment,  est-elle  à  peu 
près  étrangère  à  la  conception  des  avpacpoi  v6tj.o!.,  qui  sont 
essentiellement  sous  la  protection  ou  des  dieux,  ou  de  la  cons- 
cience morale,  ou  de  l'opinion. 

Chose  curieuse,  Xénophon  parle  quelque  part  des  àypacpot. 
vouLO'.  et,  à  ce  propos,  il  s'exprime  sur  la  sanction  naturelle  dans 
des  termes  qui  rappellent  Antiphon.  Dans  la  discussion  sur  la 
justice,  entre  Socrate  et  Hippias  [Mémor.,  IV,  4,  19-22),  il  fait 
dire  à  Socrate  que  la  véritable  justice  (to  oUaiov),  quelquefois 
différente  de  la  légalité  (to  vôtjL!.ijiov),  a  ce  caractère  d'entraîner 
pour  celui  qui  la  viole  une  peine  qui  est  la  conséquence  directe 
et  infaillible  de  l'acte,  et  il  cite  un  exemple  tout  à  fait  natura- 
liste. Comme  Xénophon  connaissait  Antiphon  et  qu'il  lui  a 
môme  donné  une  place  dans  les  Mémorables^  c'est  probablement 
à  lui  qu'il  a  emprunté  celte  idée,  qui  tranche  si  vivement  sur 
la  couleur  ordinaire  de  son  inspiration  propre,  llâtons-nous 
d'ajouter  qu'il  l'a  d'ailleurs  adaptée  bien  vite  aux  exigences  de 


i 


LES    NOUVEAUX    FRAGMENTS    D  ANTIPllON 


il 


sa  piété,  en  déclarant  qu'une  si  belle  harmonie  entre  Tacte  et 
ses  conséquences  était  une  chose  toute  divine  :  c'est  en  somme 
à  ses  yeux  une  harmonie  de  plus  dans  une  nature  toute  har- 
monieuse et  providentielle.  Par  là,  sa  pensée  se  sépare  profon- 
dément de  celle  d'Antiphon,  et  se  rattache  au  contraire  à  la 
tradition  courante  sur  les  ayoacpoL  v6'^.o'..  Ce  n'est  donc  pas  de  ce 
côté  qu'il  faut  chercher  des  analogies.  ^ 

Les  comparaisons  qui  s'offrent  à  l'esprit,  quand  on  lit  les 
nouveaux  fragments,  sont  toutes  différentes.  On  songe,  par 
exemple,  soit  aux  théories  de  Calliclès  dans  le  Gorgias,  soit  à 
la  morale  du  plaisir  telle  qu'Aristippe  l'a  formulée.  Calliclès, 
on  le  sait,  nie  toute  morale  traditionnelle  et  proclame,  au  nom 
de  la  nature,  le  droit  de  la  force,  la  morale  des  lions  et  des 
maîtres,  contre  celle  des  moutons  et  des  esclaves.  Aristippe,  au 
nom  de  la  nature  aussi,  assigne  pour  fm  à  l'homme  le  plaisir; 
mais,  comme  il  admet  que  le  plaisir  a  besoin  d'être  gouverné 
par  la  raison,  il  reconstruit  une  morale  qui  aboutit  à  des  règles 
pratiques  assez  voisines  de  toutes  les  règles  morales  tradition- 
nelles. Quelle  est,  de  ces  deux  routes,  celle  qui  se  rapproche  le 
plus  de  la  direction  suivie  par  Antiphon? 

Si  nous  n'avions,  pour  en  juger,  que  les  nouveaux  fragments, 
l'hésitation  serait  permise.  Car,  bien  qu'on  y  trouve  certaines 
atténuations  à  ce  qu'il  y  a  d'antisocial  en  apparence  dans  d'au- 
tres passages,  ces  atténuations  sont  plutôt  des  indices  que  des 
preuves.  Par  exemple,  il  ne  dit  pas  que  toutes  les  lois  soient 
en  contradiction  avec  la  nature,  et  il  semble  trouver  injuste 
que  la  victime  soit  sans  défense  contre  son  agresseur  :  nous 
sommes  loin  de  Calliclès.  Mais  d'autre  part  les  paroles  où  il  est 
dit  que  les  biens  selon  la  nature  sont  pleinement  agréables, 
qu'ils  sont  libres  des  chaînes  (^eo-pià)  que  la  loi  impose,  tout 
cela  rend  un  son  quelque  peu  anarchique  et  nous  embarrasse. 

Heureusement,  nous  avons  une  autre  ressource  pour  saisir 
dans  sa  véritable  signification  la  pensée  d'Antiphon  :  il  suffit 
pour  cela  d'éclairer  les  nouveaux  fragments  à  l'aide  de  ceux 
que  nous  possédions  déjà  du  flepl  6[jLovoia;  et  du  noA'.Ti.x6ç.  Car 


12  ALFRED    CROISET 

CCS  deux  ouvrages,  quoi  qu'on  pense  d'ailleurs  de  la  personna- 
lité d'Antiphon,  sont  incontestablement  du  même  auteur  que  le 
Ilepl  àÀTiBsta;  ;  jamais  personne  n'en  a  douté  dans  l'antiquité. 
C'est  donc  un  droit,  ou  plutôt  un  devoir  pour  la  critique  d'y 
chercher  un  supplément  de  lumière  sur  la  doctrine  d'Antiphon. 
Or  il  semble  bien  que  cette  comparaison  nous  permette 
d'aboutir  à  une  conclusion  assez  précise. 

On  trouve,  dans  le  Ilspl  ojjiovoia;  (1),  comme  dans  les  nouveaux 
fragments,  deux  sons,  deux  notes  quelque  peu  ditrérentes,  l'une 
plus  individualiste,  l'autre  plus  sociale  et  morale,  mais  avec 
des  nuances  plus  fondues,  qui  permettent  de  passer  de  l'une  à 
l'autre  sans  heurt  et  de  les  concilier.  Le  tout,  d'ailleurs,  a  de 
la  grandeur  et  du  charme  à  la  fois,  dans  la  pensée  comme  dans 
le  style. 

La  vie  humaine,  suivant  le  IIsol  ojjiovo'laç,  est  médiocre;  elle 
n'offre  que  des  biens  faibles  et  peu  durables,  traversés  de 
grandes  peines,  et  elle  finit  vite,  comme  une  faction  d'une 
journée  après  laquelle  il  faut  passer  le  mot  d'ordre  à  un  autre 
(fragm.  132,  133).  La  plupart  des  hommes  l'ignorent,  se  pré- 
parant sans  cesse  à  vivre  et  ne  vivant  pas,  gaspillant  sans 
compter  le  plus  précieux  des  biens,  le  temps,  comme  s'ils  pou- 
vaient, la  partie  finie,  jeter  de  nouveau  les  dés  (126,  127,  137, 
122).  L'avare,  occupé  d'économiser  sans  cesse  pour  un  avenir 
qui  ne  viendra  pas,  est  un  sot  (à  ce  propos,  jolie  fable  de 
l'avare  qui  enfouit  son  trésor  et  qui,  un  jour,  trouve  à  sa  place 
une  pierre,  128). 

Il  faut  donc  jouir  tout  de  suite  et  rendre  sa  vie  aussi  agréable 
que  possible.  Mais  comment? 

On  se  marie  pour  être  heureux  :  on  s'apprête  en  réalité 
mille  soucis  et  mille  tristesses.  Ici  encore  une  fort  belle  page, 
où  le  souci  égoïste  de  la  tranquillité  personnelle  se  relève  par 


(1)  Je  dis  IlÉpt  ôîxovo(a;  pour  abréger.  Car  la  répartition  des  fragments  entre  le 
llepi  ô[iovotaç  et  le  noXtxivcôç  est  impossible  pour  la  plupart,  et  les  fragments 
attestés  du  noXirixôç  sont  rares  et  peu  importants.  Je  renvoie  aux  chiffres  de 
Téd.  de  Blass  (Teubner). 


LES    NOUVEAUX    FRAGMENTS    d'aNTIPHON  13 

un  sentiment  très  délicat  de  la  peine  qu'on  éprouve  à  voir  tan- 
tôt son  affection  déçue,  tantôt  les  difficultés  de  la  vie  étendues 
à  ceux  qu'on  aime.  «  Pour  moi,  xlit-il,  si  j'avais  un  autre  moi- 
môme,  je  ne  pourrais  plus  vivre....  Et  s'il  survient  des  enfants, 
alors  tout  n'est  plus  que  soucis  ;  la  fraîclie  allégresse  de  l'àme 
disparaît  (sÇoLysTai.  to  V£OT'/;Tt.ov  a-xipTTip.a  tyÎ;  yva)p.rjç),  et  le  visage 
n*est  plus  le  môme  )>  (131). 

L'amitié  est  un  bien  plus  sûr.  «  Les  nouveaux  amis  sont  très 
chers,  et  les  anciens  plus  encore  »  (135  a).  Mais  la  plupart  des 
hommes  font  de  leurs  amis  «  les  flatteurs  de  leur  richesse  et  les 
courtisans  de  leur  fortune  »  (109).  —  H  y  a  bien  de  la  délica- 
tesse, on  le  voit,  chez  cet  égoïste  mélancolique. 

Il  y  a  aussi  de  la  sagesse.  11  loue  la  tempérance  et  la  maî- 
trise de  soi.  «  Rien,  dit-il,  de  plus  conforme  à  la  droite  raison 
(oùSèv  opBoTspov  ;  comparer  avec  TopSoç  Xoyo;  des  nouveaux  frag- 
ments) que  la  tempérance  (aw^poo-ûvYi),  qui  enseigne  à  Thomme 
de  se  cuirasser  (ottiç  £jjia)pàTT£!.  aùxo;  sauTov)  (1)  contre  l'attrait 
immédiat  de  la  passion  ;  celui  qui  s'abandonne  à  sa  passion  du 
moment  choisit  le  pire  au  Ijeu  du  meilleur  »  (129;  cf.  encore 
130). 

Cette  maîtrise  de  soi  maintient  la  paix  entre  les  hommes. 
Avant  d'attaquer  son  voisin,  il  faut  se  demander  si  l'on  ne 
court  pas  à  son  propre  mal.  L'espérance  aveugle  est  une  illu- 
sion, source  de  mille  maux  (4  29). 

Ailleurs,  il  déclare  expressément  que  Tanarchie  (àvapyia)  est 
le  plus  grand  mal  qui  puisse  affliger  l'humanité.  D'oii  la  néces- 
sité de  l'éducation  (-rcaiSsuT!.;),  qui,  en  formant  les  enfants  à 
l'obéissance,  les  prépare  à  la  vie  (135).  L'éducation  est  une 
chose  capitale,  comme  en  agriculture  le  labourage  et  les 
semailles  (134). 

Il  me  semble  qu'après  la  lecture  de  tous  ces  passages,  on  ne 
peut  plus  douter  du  vrai  sens  des  nouveaux  fragments.  Anti- 
phon,  certes,  y  déclare  que   la  loi  fait  souvent  violence  à  la 

(1)  Je  lirais  plutôt  liti'fpâcraei. 


14  ALFHED    CROISET 

iialure,  laquelle  tend  au  plaisir.  11  indique  en  outi"e  avec  force 
que  les  sanctions  de  la  loi  ont  un  caractère  essentiellement  dif- 
férent de  celles  de  la  nature.  Mais  il  ne  résulte  nullement  de 
là  ni  que  la  société,  qui  fait  les  lois,  soit  radicalement  mau- 
vaise, ni  que  le  plaisir,  conseillé  par  la  nature,  doive  s'affranchir 
de  toute  règle.  Antiphon  pensait  sans  doute,  comme  Aristote, 
que  l'homme  est  un  !^o)ov  7îo).!.-:!.x6v,  à  qui  la  société  est  néces- 
saire, et  il  a  dit  quelque  part,  dans  le  Ikpl  àX-z^Bsia;  môme,  que 
la  raison  (yvwijLTj)  était  la  souveraine  maîtresse  du  coi'ps  pour  la 
santé,  pour  la  maladie  et  pour  tout  le  reste  (81).  Il  ne  profes- 
sait donc  pas,  dans  le  Ilcpl  àXr.Bs'la;,  une  doctrine  différente  de 
celle  du  llepl  ojjLOvoiaç. 

Ce  qui  reste  vrai,  cependant,  c'est  que  ce  côté  de  prudence 
pratique  et  politique  est  moins  visible  dans  les  nouveaux  frag- 
ments que  dans  les  autres.  On  ne  s'en  étonnera  pas  si  l'on 
songe  d'abord  que  ce  sont  des  fragments,  donc  une  image  par- 
tielle de  sa  pensée  ;  ensuite  qu'il  est  ici  un  pur  théoricien,  un 
théoricien  de  la  nature  avant  tout,  qu'il  a  dû  par  conséquent 
céder  à  cette  tendance  habituelle  qui  fait  qu'en  théorie  on  est 
toujours  tenté  d'abonder  dans  son  propre  sens,  surtout  si  l'on 
est  un  brillant  écrivain  et  qu'on  vise  à  frapper  fort.  Antiphon 
s'est  peut-être  quelque  peu  grisé  lui-même  de  ses  théories, 
comme  il  arrive  à  un  Rousseau,  à  un  Diderot,  quand  la  verve 
les  prend  et  les  jette  dans  le  paradoxe.  Mais  ce  serait  une 
erreur,  je  crois,  de  voir  en  lui,  d'après  ces  nouveaux  textes,  un 
autre  homme  que  celui  que  nous  faisaient  connaître  les  mor- 
ceaux déjà  connus. 


IV 


Reste  une  dernière  question,  plus  délicate  et  plus  douteuse. 
Quel  est  donc  cet  Antiphon,  qu'on  appelle  «  le  sophiste  »,  et 
sur  (^uoi  se  fonde  la  tradition  généralement  admise  qui  le  dis- 
tingue de  son  grand  homonyme,  Antiphon  de  Rhamnonle?  Elle 


LES    NOUVEAUX    FHAGMENTS    D  ArSTIl*HON  lo 

se  fonde  sur  des  téiiioigaages  et  aussi,  je  crois,  sui'  des  impres- 
sions de  nature  diverse.  Voyous  ce  que  cela  vaut. 

Les  témoignages  d'abord.  Ils  se  ramènenl  à  un  fexte  de  Xéno- 
phon  et  à  un  autre  d'IIermogcne. 

Xénoplîon,  dans  les  Mémorables  (I,  G),  rapportant  trois 
entretiens  de  Socrate  avec  Antiphou,  l'introduit  sous  ce  nom  : 
'AvTLcpcôv  6  0-0 'X)LC7T/i«;.  11  cst  évidcut  que  si  Xénoj)hon,  contraire- 
ment à  son  habitude,  ajoute  au  nom  propre  cette  désignation, 
6  G"ocp',TTris,  c'est  pour  distinguer  celui-ci  d'un  homonyme. 
Lequel?  On  songe  aussitôt  à  Antiphon  de  Hhamnonte.  On 
oublie  qu'il  y  avait  alors  à  Athènes  un  certain  nombre  d'autres 
Antiphon,  dont  un  en  particulier  était  célèbre  :  je  veux  dire 
Antiphon  le  poète  tragique,  qu'Aristote  cite  à  plusieurs 
repi'ises  et  qui  était  aussi  connu  par  ses  mots  spirituels  et  mor- 
dants que  par  ses  vers.  Cet  Antiphon  le  tragique,  (jui  mourut, 
dit-on,  à  Syracuse,  victime  de  Denys  le  tyran,  est  appelé  par 
Aristote  'AvT'/iJwv  6  Troi/iv/J;  (juand  le  contexte  ne  suffit  pas  à  le 
désigner  clairement.  Il  est  à  noter,  au  contraire,  que  le  môme 
Aristote,  citant  à  deux  reprises  les  ouvrages  du  prétendu 
sophiste,  l'appelle  simplement  'AvTt.,p(ov,  sans  le  distinguer  de 
l'oi'ateur.  Il  est  donc  permis  de  croire  que  la  locution  de  Xéno- 
phon,  'AvTt.cpcov  6  a-o'^'.T--/-;,  se  justifie  suffisamment  par  le  désir 
de  montrer  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  du  poète  tragique. 

Ajoutons  que,  si  Xénophon  voulait  distinguer  l'orateur  et  le 
sophiste,  l'expression  6  (jo'fKJTfiç,  était  bien  mal  choisie  :  le  nom 
du  père  ou  du  dème  eût  été  beaucoup  plus  clair.  Car  l'épithète 
de  o-ocpia-Tr^ç,  au  sens  grec  du  mot,  convenait  aussi  bien  à  Anti- 
phon de  Rhamnonte  qu'au  prétendu  sophiste.  Nous  avons  pris 
l'habitude  de  voir  surtout  dans  Antiphon  de  Rhamnonte  un 
grand  orateur  et  un  homme  d'Etat.  Mais,  pour  les  Athéniens  du 
v^  siècle,  il  était  un  sophiste.  En  effet,  suivant  Thucydide,  il 
ne  parlait  pas  lui-même  devant  les  tribunaux  et  devant  le 
peuple;  il  était  professeur  d'éloquence  et  logographe,  et,  en 
cette  qualité,  suspect  au  peuple,  (jui  se  méfiait  des  parleurs  de 
métier  à  cause  de  leur  Tîavoupyla.  Un  contemporain,  Platon  le 


16  ALFRED    CROISET 

comique,  dans  sa  comédie  intitulée  Pisandre^  l'avait  même 
attaqué  pour  les  sommes  excessives  qu'il  extorquait  à  ses 
clients  (1)  :  autre  signe  distinctif  du  métier  de  sophiste,  auquel 
ce  reproche  était  communément  adressé.  La  tradition  qui  fait 
de  lui  le  maître  de  Thucydide  en  particulier  se  fonde  sur  une 
allusion  du  Ménexène  qui  ne  peut  guère  avoir  un  autre  sens. 
Ajoutons  enfin  qu'Hermogène,  dans  le  passage  oii  il  essaie  de 
distinguer  l'orateur  et  le  sophiste,  les  appelle  tous  deux  des 
sophistes  :  Suo  oà  ol  o-o'x» !.aT£Ùa-avT£i;.  On  voit  ce  qui  reste  du  pré- 
tendu témoignage  de  Xénophon. 

Mais  les  entretiens  même  que  Xénophon  rapporte  entre 
Socrate  et  Antiphon  sont-ils  de  nature  à  contredire  ce  que  nous 
pouvons  savoir  de  l'orateur?  C'est  plutôt  le  contraire.  Dans 
les  deux  premiers  entretiens,  Antiphon  reproche  à  Socrate  la 
simplicité  de  sa  vie  et  la  gratuité  de  son  enseignement.  Ce 
genre  de  critique  s'accorde  assez  bien  avec  l'opinion  que  la 
comédie,  comme  nous  venons  de  le  voir,  exprimait  sur  le  compte 
de  l'orateur,  qu'elle  raillait  sur  sa  cpàapvup'la.  Dans  le  troisième 
entretien,  Antiphon  demande  à  Socrate  comment  il  peut  avoir 
la  prétention  de  former  des  citoyens,  lui  qui  reste  étranger  à  la 
vie  publique.  Ce  reproche  serait  moins  à  sa  place  dans  la  bouche 
d'un  sophiste  occupé  de  physique  et  de  métaphysique  que  dans 
celle  d'un  homme  qui  fut,  au  dire  de  Thucydide,  l'âme  de  la 
conjuration  des  Quatre-Cents. 

Passons  au  témoignage  d'Hermogène.  Ce  qui  donnerait 
d'abord  à  celui-ci  une  apparence  d'autorité,  c'est  qu'il  semble 
s'appuyer  sur  l'opinion  du  savant  Didyme..  Mais  quelle  était  au 
juste  l'opinion  de  Didyme?  «  Il  y  a  eu,  dit  Hermogène,  plusieurs 
Antiphon,  ainsi  que  le  rapporte  entre  autres  le  grammairien 
Didyme  et  que  le  montre  l'histoire,  et  parmi  eux,  deux  qui 
exercèrent  le  métier  de  sophiste.  »  Si  Didyme  affirmait  simple- 
ment qu'il  avait  existé  plusieurs  Antiphon,  son  affirmation  n'a 
pour  nous  aucun  intérêt.  S'il  a  réellement  dit  qu'il  y  avait  eu- 

(,1)  Vita,  17,  pi  Philostrate,  p.  17. 


LES    NOUVEAUX    FRAGMENTS    d'aNTIPHON  17 

deux  sophistes  de  ce  nom,  reste  k  savoir  s'il  affirmait  la  chose 
sur  des  preuves  positives  ou  si  c'était  là  de  sa  part  une  simple 
conjecture  déterminée  par  des  raisons  de  goût,  d'appréciation 
littéraire.  Or,  nous  pouvons  être  sûrs  que  Didyme  n'avait  donné 
aucun  fait  incontestable  à  l'appui  de  son  opinion,  si  tant  est 
qu'il  eût  réellement  émis  cette  opinion.  Ce  qui  le  démontre, 
c'est  la  perplexité  d'Hermogcne  qui  n'arrive  pas,  même  après 
la  prétendue  affirmation  de  Didyme,  à  savoir  ce  qu'il  en  doit 
penser.  11  est  clair  qu'il  n'en  sait  pas  plus  que  nous  sur  ce  point, 
et  c'est  faute  de  faits  précis  qu'il  en  était  réduit  à  chercher  dans 
des  considérations  littéraires  des  motifs  de  se  décider.  Or  ces 
raisons  mêmes  étaient  des  plus  faibles  et,  sans  entrer  à  ce  sujet 
dans  une  discussion  fastidieuse,  on  peut  affirmer  hardiment 
que,  s'il  avait  connu  un  seul  fait  décisif  en  faveur  de  la  thèse 
des  deux  Antiphon,  il  se  serait  épargné  la  peine  de  nous  tracer 
le  tableau  assez  naïf  de  ses  doutes  inextricables. 

Il  est  aussi  queslion  parfois  d'un  Antiphon  interprète  de  pro- 
diges et  de  songes  [-zepoLzoŒy.ônoç  xal  ovs'.poxpLTTjç)  qu'on  identifiait 
volontiers  avec  le  sophiste.  S'il  a  réellement  existé  un  person- 
nage de  cette  sorte,  il  n'a  pu  avoir  rien  de  commun  avec  l'au- 
teur du  Ilepl  alfi^eltxq,  et  nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper. 

Au  total,  par  conséquent,  on  peut  dire  que  nous  n'avons  pas 
un  seul  témoignage  précis  en  faveur  de  l'existence  d'un  sophiste 
notable,  homonyme  et  contemporain  d' Antiphon  de Rhamnonte. 
D'où  vient  donc  qu'une  tradition  si  douteuse  s'est  si  généra- 
lement accréditée?  Probablement  d'abord  de  la  difficulté  ins- 
tinctive qu'on  éprouve  à  admettre  chez  un  même  homme  deux 
formes  d'activité  assez  différentes  pour  aboutir  d'une  part  à  la 
composition  d'un  ouvrage  de  philosophie  naturaliste  et  dé 
l'autre  à  une  conspiration  politique.  C'est  le  même  sentiment 
qui  a  créé  Sénèque  le  tragique  à  côté  de  Sénèque  le  philosophe. 
Une  seconde  raison  de  cette  croyance,  c'est  peut-être  quelque 
différence  entre  l'idée  qu'on  se  fait  d'Antiphon  de  Rhamnonte, 
comme  homme  et  comme  écrivain,  d'après  le  portrait  de  Thu- 
cydide,  et  celle  que   paraissent  donner  de  lui  les  écrits  dits 

REG,  XXX,  1917,  n»  136.  2 


18  ALFREb    CROISET 

sophistiques.  Mais  ces  difîérences,  à  les  bien  regarder,  ne  sont 
que  des  nuances  facilement  explicables.  Voyons  l'homme 
d'abord.  Thucydide,  dans  le  célèbre  portrait  du  livre  VIII  (68),. 
dit  qu'Antiphon  n'était  inférieur  en  vertu  à  aucun  Athénien  de 
son  temps  (àpsTf,  oùoevoç  SsuTepo;).  Eloge  qui  serait  singulier, 
appliqué  à  l'auteur  d'une  conjuration  politique  sanglante  et 
blâmée  par  Thucydide  lui-même,  s'il  ne  signifiait  simplement 
que  la  vie  privée  d'Antiphon,loin  d'être  celle  d'un  conspirateur 
vulgaire,  d'un  aventurier  politique,  était  celle  d'un  honnête 
homme  entouré  de  considération.  Les  passages  du  ïkpl  6|jLovo{a; 
cités  plus  haut,  sur  la  maîtrise  de  soi-même,  sur  les  atTections 
de  famille,  sur  les  amis,  nous  font  voir  dans  l'auteur  de  l'ou- 
vrage un  homme  dont  Thucydide  pouvait  louer  la  valeur  mo- 
rale. Quant  à  ses  idées  philosophiques,  il  y  a  un  accord  bien 
remarquable,  ainsi  que  nous  Favons  vu  tout  à  l'heure,  entre 
la  doctrine  historique  de  Thucydide  et  la  théorie  du  Ilspl  à^rj- 
ôeUç  sur  la  loi  naturelle. 

Pour  le  style,  Hermogène  insiste  beaucoup  sur  la  différence 
qu'il  trouve  entre  celui  des  discours  judiciaires  d'Antiphon, 
plus  simple,  plus  voisin  du  langage  usuel,  et  celui  des  œuvres 
sophistiques,  où  il  trouve  un  style  tendu,  sentencieux,  visant 
à  la  grandeur,  et  tombant  parfois  dans  l'obscurité.  Bien  que 
le  style  des  plaidoyers,  à  Athènes,  fût  en  effet  par  principe 
plus  simple  que  celui  des  morceaux  destinés  à  la  lecture,  il  est 
difficile  d'admettre  sans  réserve  la  distinction  trop  absolue 
d'Hermogène,  qui  exagère  ici  dans  les  deux  sens.  Il  dit  en  outre 
que  le  style  des  ouvrages  sophistiques  lui  paraît  ressembler 
plus  que  celui  des  discours  judiciaires  au  style  de  Thucydide, 
et  il  cite  à  ce  propos  le  passage  du  Ménexene  où  Antiphon  est 
donné  comme  le  maître  de  Thucydide,  sans  s'apercevoir  que 
l'Antiphon  dont  parle  Platon  est  Antiphon  de  Rhamnonte 
expressément  désigné  par  le  nom  de  son  dème,  et  non  le  pré- 
tendu Antiphon  le  sophiste  à  qui  lui-même  est  tenté  d'attribuer 
les  ouvrages  en  question.  Laissons  donc  de  côté  tout  ce  verbiage 
incohérent.  Il  est  évident  qu'Antiphon  ne  pouvait  écrire  tout  à 


LES    NOUVEAUX    FHAGMENTS    d'aNTIPHON  19 

fait  du  môme  style  des  plaidoyers  et  des  œuvres  d'école.  Mais 
il  est  non  moins  certain  que  si  l'on  examine  de  près  ces  deux 
styles,  on  les  trouve  moins  dilï'érents  l'un  de  Faulre  que  ne  sont 
par  exemple,  chez  Thucydide,  les  récits  et  les  discours,  ou  chez 
Platon  telle  partie  d'un  dialogue  et  telle  autre.  Kn  outre  on  y 
relèverait  sans  peine  des  mots,  des  locutions,  des  habitudes 
de  phrase  qui  se  rencontrent  d'une  manière  frappante  dans  les 
deux  genres  d'écrits.  Il  n'y  a  donc  aucune  contradiction  décisive. 
Suit-il  de  là  que  nous  devions  considérer  Antiphon  de  Rham- 
nonte,  sans  doute  possible,  comme  Tunique  auteur  de  tous  ces 
écrits?  En  matière  littéraire,  une  affirmation  de  ce  genre  n'est 
possible  que  si  elle  est  appuyée  sur  des  faits  extérieurs  bien 
établis.  Tout  ce  que  j'ai  essayé  de  démontrer,  c'est  que  le  per- 
sonnage d'Antiphon  le  sophiste  est,  jusqu'à  uouvel  ordre,  une 
entité  drès  problématique,  et  que  les  nouveaux  fragments,  en 
dehors  de  leur  intérêt  propre,  ont  encore  le  mérite  de  nous 
apporter  quelques  bonnes  raisons  de  ne  pas  ajouter  trop  vite 
un  nom  de  plus  à  la  liste  des  écrivains  grecs. 

Alfred  Croiset. 


LES  SEPT  DERNIERS  CHAPITRES 

DE  L''A0HNAlilN   nOAlTElA 


ORGANISATION  DES  TRIBUNAUX,  À  ATHÈNES,   DANS  LA 
SECONDE  MOITIÉ  DU  IV^  SIÈCLE) 


Au  moment  de  sa  publication,  en  1891,  I' 'ABrivaiwv  TioXi-zda. 
était  à  la  fois  privée  de  son  début  et  lamentablement  mutilée 
dans  sa  dernière  partie.  Depuis,  le  début  n'a  pas  été  retrouvé; 
et  il  semble  d'ailleurs  avoir  manqué  déjà,  vers  la  fin  du 
f""  siècle  de  notre  ère,  au  scribe  à  qui  nous  devons  le  papyrus 
de  Londres.  Mais  la  fin  de  l'ouvrage  a  eu  un  meilleur  destin  : 
quelques  fragments  nouveaux  y  ont  été  ajoutés;  on  s'est  con- 
vaincu qu'il  n'y  existe  aucune  lacune,  comme  on  l'avait  craint 
d'abord,  entre  le  troisième  et  le  quatrième  rouleau,  c'est-à-dire 
entre  les  chapitres  63  et  64  ;  et  surtout,  grâce  aux  efforts  com- 
binés des  savants  de  tous  pays,  on  est  parvenu,  sauf  pour  une 
colonne  unique  (la  XXXIV"),  à  en  rétablir  le  texte  de  façon  à 
peu  près  satisfaisante.  On  peut  le  lire  aujourd'hui  dans  plu- 
sieurs éditions- (1)  ;  mais  il  n'en  existe  pas,  du  moins  à  ma  con- 
naissance, de  traduction  française  (2);  et  j'ai   cru   remarquer 

(1)  Kenyon,  Supplément  à  l'Aristote  de  rAcadémie  de  Berlin,  vol.  111,  pars  11, 
1903;  —  Blass-Thalheim  (co/Zec/io?i  Teubner),  1909;  —  Sandys,  2>"e  édit.  (à  la 
fois  critique  et  exégétique),  Londres,  1912. 

(2)  Celles  de  MM.  Th.  Reinach  et  Haussoullier,  parues  dès  1891,  sont  naturel- 
lenaent  fort  incomplètes  à  partir  du  chap.  64.  Je  remonte  ici  au  chap.  63,  bien 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    l/'AeHNAIQN    nOAITEIA  21 

que,  pour  cette  raison  sans  doute,  les  étudiants  de  nos  Facul- 
tés utilisaient  rarement  les  derniers  chapitres  de  l"AQYivai(ov 
TToXiTsta.  Le  présent  article  est  destiné  à  les  leur  rendre  plus 
abordables. 

Dans  ces  quelques  pages,  les  difficultés  sont  assez  nom- 
breuses :  elles  tiennent  à  la  fois  à  la  forme  et  au  fond. 

Pour  ce  qui  est  de  la  forme  d'abord,  très  vite  elle  donne 
l'impression  de  notes  hâtives  plutôt  que  d'une  rédaction  défi- 
nitive. Il  est  vrai,  la  nature  du  sujet  devait  entraîner  une  cer- 
taine monotonie  dans  l'exposition.  Toutefois,  Aristote  abuse 
peut-être  un  peu  des  mômes  tours  :  par  exemple.  Il  y  a  dans  les 
tribunaux  (63,  2,  e^o-oâo'l  eio-!,  ;  64,  2,  v.rrl  xavovi^sç;  67,  2,  e'.o-l  xXs- 
tj^ùSpat.  ;  68,2,  J;f,cpo'l  s'.o-!.;  68,3,  sItI  àucpope^.ç  oùo)^  et  surtout 
C'est  pour  obliger  à.  C'est  pour  empêcher  de  (68,  3,  oTtwç  jjlTj 
XàQiTi  ;  wo-Ts  auT/iV  piovïiv  y^wpsw  ;  69,  1,  ottwç  eùap'lQpiYiTO'.  wo-t.;  64,  4, 
t!v'  sic  olov  av  ^vày^TTj  tXiit^  ;  65,  1,  l'va  àvayxaiov  r^  ajTw  ;  68,  2,  llva 
•]>-/|cp'lÇwvTa!.  ;  64,  2,  "va  [jlti  xaxoupy^  ;  66,  1,  l'va  ariSspi'la  upostSrj  ; 
66,  2,  l'va  jjLYiSsiç  Tcapao-xsuàÇr,  ;  68,  2,  Iva  piri  à|JLcpoT£pas  Xa^jcêàvaio-i  ; 
68,  3,  Iva  fjLTi  S'Jo  suL^àXXri).  Les  précautions  sont  multipliées,  à 
Athènes,  à  propos  de  l'affichage  des  tablettes,  de  la  désignation 
des  tribunaux,  de  la  répartition  des  présidents,  du  réglage  de 
la  clepsydre,  de  la  distribution  des  bulletins  de  vote,  du  vote 
lui-même  et  du  paiement  du  triobole.  Chaque  fois  qu'il  en  a 
été  indiqué  une  nouvelle,  le  paragraphe  se  termine  par  une  de 
ces  formules,  qui  ont  évidemment  l'avantage  de  nous  marteler, 
pour  ainsi  dire,  l'idée  de  la  nécessité  pour  le  législateur  d'une 
défiance  perpétuelle,  mais  qui  aussi,  comme  tous  les  refrains, 
risquent,  à  la  longue,  de  devenir  agaçantes.  —  Aristote  ne 
s'inquiète  pas  davantage  de  la  répétition,  coup  sur  coup,  d'un 
même  mot  :  trois  fois  l'xao-Toç  au  début  de  66,  2;  quatre  fois 
Xajji.6àv£t.v  à  la  fin  de  68,  2  ;  quatre  fois  TrapaSiôovai  ou  aTioSiSova!. 
dans  65,  4;  et  encore  les  deux  à-rcoB^Sova!.  ont-ils  des  sens  diffé- 


quUl  appartienne  encore  au  troisième  rouleau,  pour  donner  d'un  bloc  tout    ce 
qui  concerne  Torganisation  des  tribunaux. 


22  G.    COLIN 

reiits,  rendre  et  payer  (1).  —  Je  passe  sur  les  accords  faits 
d'après  le  sens,  non  d'après  la  grammaire.  Chacun  d'eux  n'a 
rien  de  trop  insolite;  leur  fréquence  pourtant  est  remarquable 

(p.  ex.,  63,  3,   sàv  Tii;  ouàt^Tj  olç   p-r,   £^£a-T',v  ;   64,  i,   ol  oixadTal... 

a'jTcp  ;  65,  2-3,  6  0£  Aaêwv sla-sX-riXuBoTSç  ;  66,  2-3,  Tj  àp-^^'À)  'r\  £'J)£<t- 

TTjX'jia....  Tiapà  TouTwv  ;  etc.).  Ce  ne  sont  là  encore  que  des 
détails  sans  inconvénients  pour  l'intelligence  du  sens. 

Il  est  déjà  plus  fâcheux  de  trouver  l'article  défini  là  où  l'idée 
manque  de  précision.  C'est  un  tour  cher  à  Aristote  ;  ainsi,  63,  2, 
£'.;  TÀiV  'jBp'lav  £u.êàXXovTa'.  ;  63,.;,  £7:£',ôàv  6  ^t(7^o^k'Zf\q  ÏTzviCk^- 
pcoo-T)  ;  64,  1,  8'.aa'£'la-avT0ç  toG  UTry^péTOU  ;  64,  4,  eXxej.  £x  T7\q  uBpia;. 
L'auteur  entend  probablement  :  l'hydrie  qui  convient  ou  qui 
reste  libre^  le  thesmothète  ou  l'appariteur  désigné  pour  le  rôle 
dont  il  s  agit  \  mais  nous,  qui  comptons  sur  lui  pour  nous  ins- 
truire, nous  en  sommes  réduits  à  traduire  par  une  des  hydries, 
un  thesmothète,  ?/??.  appariteur,  etc.  (2). 

Une  autre  source  de  difficultés,  c'est  que,  dans  ces  sept  cha- 
pitres, certains  mots  usuels  se  trouvent  pris  dans  des  accep- 
tions variables.  x\insi  8!.xaa-:7]p(.ov  désigne  tantôt  le  bâtiment  du 
tribunal  (63,  5,  £7ï£Qt,x£  £cp'  £xaa-TOv  10  o(.xao-:'/,pt.ov  to  ypàjJLpia),  tan- 
tôt le  jury  qui  y  siège  (64,  g,  o^amp  av  [JisXArj  Ta  S',xaa"Ty]p'.a  TcXvipw- 
Ovio-eo-Qat),  tantôt,  plus  spécialement,  un  jury-type  de  500  mem- 
bres (68,  1,  Taiç  |ji£yia":at.s  [ypacpais]  a-uv(.xv£"iTat.  £lç  'Jj'  xa'.  â  Tpia  8t.xaT- 
T-/ipt.a)  ;  et  deux  de  ces  acceptions  peuvent  être  réunies  dans  un 
seul  paragraphe  (63,  2),  voire  dans  une  seule  phrase  (66,  1).  — 
De  môme,  xAYipwTYip'.ov  signifie,  suivant  le  contexte,  la  salle  où 
Ion  procède  à  des  tirages  au  sort  (64,  i^  tXnX  xavovLO£s  ttévte  £v 
Ixào-Tw   Tcôv    xXyipwTTipLwv)   ou  \urne  nécessaire    en   pareil  cas 


(1)  Tout  ce  paragraphe  est  particulièrement  malheureux  :  ditô  tt,?  cpuXf.ç  éxaa- 
Tif)î  irapaStSdaai  (ils  emportent  du  bureau  de  chaque  tribu)  xi  xiêtixia...  sv  w  (pas- 
sage du  pluriel  au  singulier)  kvîctti  xi  ôvd;jLaxa  xf,ç  'juXf.ç  xi  ôvxa  (où  sont  les 
noms  des  membres  de  la  tribu  qui  figurent)  ;  et  là-dessus  vient  un  xaGxa  qui  ne 
se  rapporte  ni  à  xiêwxia  ni  à  6v6[xaxa. 

(2)  Nous  sommes  moins  surpris  de  l'expression  (63,  3)  eîç  xô  Sixaaxfiptov  etaa- 
ystai,  parce  que  nous  disons  de  mniie,  en  français,  déférer  au  tribunal  ;  cepen- 
dant, là  non  plus,  rien  ne  nous  indique  quel  est  le  tribunal  compétent. 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    L^ABBiNAIilN   nOAITEIA         23 

(66,  i,  TiOeTaL  £v  TO)  TTOWTO)  Tcov  oixaTTripUiv  p'  xXripwTTipia)  (d).  — 
Ou  encore  [JLÉpoç  répond,  au  ch.  63,  4  (vevéfjLYivrai  xaxà  cpuXàç  oixa 
jAÉpiri  ol  of.xaTTa'1)  aux  sections  héliastiques^  et,  au  ch.  69,  t  (àrco- 
Xa|jLêàvouo-',  tov  •jlitOov  £v  tw  piépe'.  ou  iXoL/ov  cxa^Toi),  à  quelque 
chose  de  tout  autre,  probablement  un  groupe  de  deux  tribus^ 
constitué,  à  chaque  jour  d'audience,  pour  faciliter  le  paiement 
du  triobole. 

Par  contre,  ailleurs,  plusieurs  ternies  s'appliquent  à  une 
môme  personne  ou  à  un  même  objet.  Quand  il  s'agit  de  dési- 
gner les  jurés  de  service  pour  une  journée,  les  opérations, 
réparties  en  dix  bureaux,  sont  présidées  par  l'un  des  neuf 
archontes  ou  le  secrétaire  des  Ihesmothètes  ;  ce  président  est 
appelé  indifféremment 6  9£a'[i.oO£T7i;(64,  i),  6  apy(i)v(64,  3),  6  oLpyiù'/ 
6  £cp£TT7ix(o;  (64,  4)  (2).  —  Même  synonymie  entre  ypàjjL|jLa  et 
o'Toi.y£wv.  A  la  rigueur,  il  est  parfois  possible  de  les  distinguer  : 
ypà{xaa  aurait  le  sens  de  signe  graphique  quelconque,  et  o-to».- 
'^£lov  de  caractère  de  f  alphabet  à  son  rang  normal  (63,  4,  ypàjjL[jLa 
£v  Twv  <TTor/£'l(ov  [AS'/p'.  Tou  K)  (3).  Mais,  le  plus  souvent,  ypàu-ua 
est  simplement  une  lettre,  comme  crTot.y£iov  (63,  5,  £7t£',oàv  £7rt.- 
xXïipwTY]  xà  ypàuL|jLaTa,  à  ôe^  7:poa-7rapaT'lQ£a'8ai.  to1!ç  o(.xa(TT/ip'lo'.ç)  ;  et, 
du  reste,  il  y  a  des  cas  où  l'équivalence  des  deux  termes  appa- 
raît de  façon  manifeste  (cf.  63,  2  :  ÈyyéypaTTTrat.  £v  Tal^  ^aXàvoi;  twv 

(TT0!.y£i(OV    àuO   TOtJ    £v8£xàT0U   TO'J    A,     Ct    64,    i  '.    £Xx£l    jBàXaVOV    £X   T?!^ 

uSpiaç,  àviywv  t6  ypàuiaa)   (4). 


(1)  11  est  très  possible  d'ailleurs  que  les  urnes  utilisées,  sous  le  nom  de  •ù<r\oiù- 
T-i^pta,  pour  la  désignation  des  présidents,  se  confondent  avec  les  GSpîat  qui  ont 
servi  d'abord  pour  le  tirage  au  sort  des  jurés. 

(2)  Mais,  au^chap.  66,  1,  Tvaj^ôvxs^  twv  OsGrjjLoOexwv  6ûo  ne  s'applique  qu'aux  Ihes- 
mothètes proprement  dits;  (cf.  59,  1  et  5,  rapproché  de  59,7). 

(3)  Dans  64,  1,  je  ne  trouve  pas  d'explication  satisfaisante  pour  justifier  l'accu- 
mulation des  deux  mots  (sitsiSàv  £|j.6â)vW(T'.  xà  rtvaxia  ô'-î  t6  xiêojxtov,  s'f'  ou  5v  \ 
ÈTriYSTpaM-fJ-évov  xôypafxtxa  xô  otùxô  oiiep  ïtO.  xw  Ttivaxîw  sjxlv  aûxw  xwv  axoi/s^tov).  A 
mou  avis,  la  phrase  gagnerait  également  en  facilité  et  en  clarté,  si  on  en  sup- 
primait les  trois  derniers  mots. 

(4)  Une  fois,  Aristote  emploie  vpijxjxa  comme  synonyme  de  ixépoî,  section 
héliasiique  désignée  par  une  lettre  (63,  4,  xapaiiXTi^iu);  taot  èv  kxdixi^  xw  vpiijLaaxt). 
La  même  expression  se  rencontre  déjà  dans  Aristophane  {Plut.,  1167). 


2i4  G.    COLTN 

Voici  maintenant  des  tours  bien  elliptiques  (1)  :  64,  3,  oxav 
£{AêàXr)  Toùç  x'jêo'j;,  quand  il  a  mis  les  cubes  (en  nombre  voulu, 
dans  une  des  hydries)  ;  ibid.,  tt^v  o^Vf\v  xAvipoi,  il  tire  au  sort 
(les  jurés  de)  la  tribu;  63,  2,  ^axTr^pia'-  TrapaTiQsvTa».  otoitcso  ol 
8r.xaa-Tafl,  on  dispose  des  bâtons  en  nombre  égal  à  celui  des  jurés 
(que  la  tribu  doit  fournir  ce  jour-là).  On  y  saisit  du  moins  la 
pensée  de  l'auteur.  Mais  on  peut  hésiter  sur  le  sens  exact  de 
(60,  2)  irapaXaaêàvât.  o-ju^oXov  5-r|uioa-'la  (2).  'Ev  iCù  uptoxco  tcov  owa- 
(jzr\^uù^^  (66,  1)  manque  pour  nous  de  netteté.  N£V£jjiT,vTat.  xaToc 
'^uAaç  Séxa  \kkor^  ol  8',xaTTa'l  est  quelque  peu  amphibologique  (3). 
Kt  j'attribue  de  même,  non  pas  certes  à  une  erreur,  mais  à  un 
défaut  d'expression,  le  fait  que,  dans  Tinventaire  du  matériel 
nécessaire  au  tirage  au  sort  des  jurés,  Aristote  mentionne  seu- 
lement deux  hydries,  là  où  nous  en  attendons  vingt,  à  savoir 
deux  par  tribu  (63,  :>)  (4). 

Ce  n'est  pas  tout.  Trop  souvent  Aristote  emploie  des  verbes 
sans  préciser  leur  sujet  (64,  u  £it£'-5àv  s^éArj  xoù;  xuêo'jç  [s.-ent. 
l'archonte];  67,5,  l^vXt  tw  ô'atpYicp'.o-jjiw  tco  ôsuTspw  [s.-ent.  le 
juré  préposé  aux  clepsydrejs,  ou  des  pronoms  qui  ne  se  rappor- 
tent à  aucun  mot  exprimé  dans  leur  voisinage  immédiat  (64,  4, 
v/  sic  olov  av  'k^yy^  sItlt]  [ôixacrTvipLov  vient  deux  lignes  plus  bas]; 
66,  3,  Tiapà  TOjTcov  àTToXajjL^àvouT!.  To  TTpôypajjLtjL'x  [il  faut  penser  aux 
présidents  des  tribunaux,  bien  qu'on  vienne  de  parler  d'autres 
personnes];  65,4,  'o^;  zW-r^yorri  TaGÎTa  aTroo'.Sova',  [TaÙTa  doit 
représenter  ik  Tct.vàx!.a  assez  éloigné]  ;  64,  2,  outoç  xa'AsiTai.  etjLirrlx- 


(1)  Ta  ypa)[xaTa,  pour  dire  les  cî<6es  peints  aux  couleurs  des  tribunaux,  consti- 
tuait sans  doute  une  locution  du  langage  courant. 

(2)  La  fin  du  mot  5ifi[[jL07Îa]  est  une  restitution;  mais  elle  est  garantie  par  le 
scol.  d'Aristophane  [Plut.,  278),  qui  cite  textuellement  Aristote.  Le  mot  a  dû 
paraître  obscur,  même  aux  anciens  ;  car  nous  retrouvons  ailleurs  la  même 
phrase  modifiée  (par  exemple,  Suidas,  s.  v.  JâaxxTipia  xal  aû[jL6o>vov  •  èXdtjjiSavov 
irapi  Tôiv  ST;[jLOjta>v  vTrT,p£Tà>v  a'j[jL6oXov;  —  scol.  Aristophane,  Plut.  277,  lxà(TT({) 
<yû{j.6oAov  ôîSoxai  ST,jxôaiov. 

(3)  Le  scoL  d'Aristoph.  [Plut.  277)  comprend,  à  tort,  que  chaque  tribu  répond 
aune  section  héliastique.  De  même,  la  rédaction  de  63,1  n'est  pas  très  heu- 
reuse :  la  même  idée  est  exprimée  d'une  façon  beaucoup  plus  claire  au  ch.  59,7. 

(4)  Cf.  la  note  à  la  traduction  de  ce  passage. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNATi2N   nOAlTFIA         25 

T7)ç  [entendre  :  c'est  ce  juré  qui  est  l'afficheur]).  Dans  l'exposé 
d'un  mécanisme  aussi  compliqué,  il  eût  élé  souhaitable  de  ne 
laisser  place  à  aucune  hésitation,  Or  nous  ne  sommes 
pas  seuls  à  nous  sentir  embarrassés  :  déjà,  pour  nous  en  tenir 
aux  deux  derniers  exemples,  le  copiste  de  notre  papyrus  a  été 
troublé  par  le  TauTa  de  65,  4  (1)  ;  et  I'ojtoç  de  64,  2,  a  été  inter- 
prélé  à  contre-sens  par  Hésychius  (s.  v.  euiTryixTTjç)  et  par  le 
lexique  de  Bekker  {Anecd.,  p.  258,  21),  qui  font  de  Tafficheur 
le  premier  un   appariteur,  et  le  second  un  thesmothète. 

Nous  n'avons  envisagé  jusqu'ici  que  les  négligences  de  lan- 
gue ou  de  style  ;  on  voit  qu'elles  peuvent  déjà  contribuer,  pour 
leur  part,  à  créer  au  lecteur  des  difficultés.  Mais,  si  de  la 
forme  nous  passons  au  fond,  la  disposition  même  adoptée  par 
Aristote  est  loin  de  nous  satisfaire  toujours.  Sans  doute,  les 
anciens  n'avaient  pas  l'habitude  de  rejeter  au  bas  des  pages  ou 
à  la  fin  du  livre  les  développements  accessoires  qu'ils  jugeaient 
à  propos  d'ajouter  sur  certains  points;  ils  les  introduisaient 
donc,  à  mesure  qu'ils  en  avaient  besoin,  dans  la  trame  même 
de  leur  texte.  Cependant,  de  la  part  d'un  esprit  aussi  clair, 
aussi  ordonné  qu'Aristole,  on  pouvait  s'attendre,  semble-t-il,  à 
voir  se  succéder  suivant  un  plan  logique  les  détails  qu'il  veut 
bien  nous  donner  sur  l'organisation  des  tribunaux  d'Athènes. 
Or  ce  n'est  pas  précisément  le  cas. 

D'abord,  il  ne  s'interdit  nullement  les  parenthèses  qui  inter- 
rompent la  suite  de  ses  explications.  Le  chapitre  63,  entre 
autres,  nous  en  oITre  un  exemple  très  net.  Aristote  est  entré 
immédiatement  en  matière,  et  s'est  mis  à  décrire  le  matériel 
qui  va  elre  utilisé  dans  un  instant  ;  tout  à  coup,  il  s'avise  qu'il 
n'a  rien  dit  des  conditions  indispensables  pour  être  juré  ni  des 
tablettes  des  héliastes.  Il  en  parle;  puis  il  revient  aux  opéra- 
tions auxquelles  on  procède,  le  matin  des  jours  d'audience. 

Plus  souvent  encore,  il  lui  arrive  d'indiquer  l'usage  fait  de 
tel  ou  tel  objet  avant  d'en  avoir  seulement  mentionné   l'exis- 

(1)  Cf.  aussi  la  note  au  passage  correspondant  de  la  traduction. 


26  Tt.  colin 

tence.  Ainsi,  on  glisse  les  tablettes  d'identité  dans  les  rainures 
des  tableaux  préparés  pour  les  recevoir  (64,  2)  ;  on  jette  les 
cubes  dans  une  hydrie  (64,  3)  ;  on  remet  aux  jurés  un  bâton  de 
la  couleur  du  tribunal  où  ils  doivent  siéger  (65,  1)  :  il  n'a  été 
question  auparavant  ni  des  tableaux  à  rainures,  ni  des  cubes, 
ni  des  couleurs  dont  sont  peints  les  linteaux  des  tribunaux. 
De  môme,  au  ch.  65,  4,  les  appariteurs  apportent  les  boîtes 
contenant  les  noms  des  jurés  à  ceux  d'entre  eux  qui  seront 
chargés  de  payer  le  triobole  ;  et  ceux-ci  ne  sont  élus  qu'au 
chap.  66,  3- 

Là  môme  oii  Aristote  s'aperçoit  de  ces  anticipations  fâcheuses, 
il  se  met  fort  peu  en  peine  pour  y  remédier.  P.  ex.,  au  ch.  65,  i, 
dès  que  le  juré  a  tiré  son  gland,  il  nous  le  montre  déjà  péné- 
trant dans  son  tribunal,  et  y  fianchissant  la  grille  de  l'enceinte 
qui  le  séparera  du  public.  Mais  il  a  omis  de  parler  du  bâton  et 
du  jeton  de  présence  que  Fhéliaste  doit  encore  recevoir  aupa- 
ravant; il  répare  donc  cet  oubli.  Là-dessus,  de  nouveau  notre 
juré  s'installe  à  sa  place  (65,  ^).  Mais  tout  n'est  pas  dit  sur  les 
opérations  à  accomplir  dans  les  bureaux  des  tribus;  on  retourne 
encore  en  arrière  ;  et,  au  cbap.  66,  2,  pour  la  troisième  fois, 
nous  voyons  les  jurés  arriver  à  destination. 

Sur  d'autres  points,  Aristote  disperse  à  plusieurs  endroits 
des  renseignements  que  nous  aimerions  à  trouver  réunis  : 
c'est  le  cas,  en  particulier,  pour  ce  qui  concerne  le  triobole 
(ch.  65,  4;  66,  3;  69,  2).  —  Ou  bien,  après  avoir  donné  une  cer- 
taine série  d'explications,  il  en  laisse  de  côté  d'autres  du  même 
genre,  qui  les  compléteraient  ou  qui  en  formeraient  le  pendant. 
Ainsi,  puisqu'il  décrit  le  matériel  en  usage  dans  les  locaux  oii 
sont  nommés  les  jurés  de  service  (63,  2),  pourquoi  ne  pas  en 
faire  aularit  à  propos  des  salles  d'audience?  Pourquoi,  à  pro- 
pos des  premiers,  mentionner  les  entiées,  les  doubles  chambres, 
les  boîtes,  les  hydries,  les  bâtons  et  les  glands,  et  ne  rien  dire 
alors  des  tableaux  à  rainures  ni  des  cubes?  pourquoi  spécifier 
le  nombre,  non  l'usage  des  boîtes  de  la  première  série,  et  l'usage, 
non  le  nombre  des  boîtes  de  la  seconde?  pourquoi  nous  faire 


LES    SEPT    DERNIEHS    CHAPITRES    DE    l' WBUNA IL2N    FIOAIIKIA         27 

savoir  tout  de  suite  que  la  première  hydrie  recevra  les  glands, 
et  ne  pas  ajouter  également  que  les  cubes  iront  dans  la 
seconde  (1)  ? 

Il  n'y  a  encore  que  demi-mal  quand  nous  pouvons,  au  prix 
d'un  certain  effort,  compléter  un  passage  par  un  autre.  Mais  le 
plus  fâcheux  pour  nous,  c'est  que,  plus  d'une  fois  aussi,  Aris- 
tote  n'expose  que  d'une  manière  incomplète,  ou  môme  laisse 
tout  à  fait  de  côté  des  points  qui  nous  intéresseraient  (2).  Par 
exemple,  nous  lui  aurions  su  gré  d'une  description  plus  précise 
des  tableaux  à  rainures  (64,  -2),  des  clepsydres  (67,  2),  ou  de  ce 
support,  plus  ou  moins  semblable  à  un  candélabre,  où  sont 
déposés  les  bulletins  de  vote  (68,  4).  On  est  resté  assez  long- 
temps avant  de  se  rendre  compte  de  la  façon  dont  les  cubes, 
blancs  et  noirs,  désignent  ou  récusent  les  jurés  par  séries  (64,  3). 
Des  difficultés  subsistent  à  propos  de  la  répartition  des  prési- 
dents (66, 1)  ou  du  cérémonial  qui  règle  les  votes  successifs  des 
jurés  (69,  2).  Kt  nous  en  sommes  réduits  aux  hypothèses  sur  la 
façon  dont  les  Athéniens  sont  distribués  dans  les  sections  hélias- 
tiques  (63,  4)  ou  sur  le  procédé  qui  sert  à  tirer  les  lettres  attri- 
buées à  chaque  tribunal  (63,  5). 

Je  n'ai  pas  épuisé  la  liste  des  exemples  de  ce  genre  (3).  J'en  ai 

(i)  11  serait  peut-être  imprudent  de  vouloir  tirer  argument  du  cliapitre  67, 
étant  donnée  la  part  considérable  des  restitutions  que  j'y  introduis.  Cependant 
j'ai  peine  à  croire  qu'il  ne  prêtait  pas  aux  mêmes  critiques,  et  qu'Aristote  avait 
pu  y  faire  tenir  tout  ce  que  nous  désirons  y  trouver.  A  mon  avis,  la  mention  des 
arrêts  de  la  clepsydre  l'ayant  amené,  après  les  actions  privées,  à  parler  des  grands 
procès  politiques,  les  actions  publiques  moins  importantes  étaient  un  peu  perdues 
de  vue  :  je  cherche  en  vain  où  auraient  été  indiqués  les  volumes  d'eau  auxquels 
elles  avaient  droit.  —  A  propos  de  ces  volumes,  ceux  des  actions  privées  sem- 
blent limiter  le  temps  accordé  à  chaque  partie,  et  les  onze  amphores  des  grandes 
causes  s'appliquer  à  la  journée  entière,  —  Les  divisions  du  jour  légal  devaient 
manquer  de  netteté,  à  en  juger  d'après  les  indications  assez  confuses  des  sco- 
liastes.  —  Et  enfin,  nous  avons  bien  la  composition  des  divers  jurys  pour  les 
actions  publiques  (68,  1)  ;  ceux  des  actions  privées  sont  passés  sous  silence,  du 
moins  dans  ce  passage. 

(2)  Le  défaut  contraire,  la  prolixité,  est  extrêmement  rare  chez  lui.  Je  ne  vois 
qu'un  seul  exemple  à  en  citer  :  au  ch.  66,  i,  il  aurait  pu  être  plus  bref  sur  le 
maniement  des  cubes  employés  pour  assigner  aux  magistrats  les  jurys  qu'ils 
auront  à  présider. 

(3)  Cette   étude    était    achevée    quand  j'ai  eu  connaissance    du    mémoire    de 


28  ^^-    COLIN 

assez  dit,  je  pense,  pour  justifier  le  plan  que  je  compte  adopter 
dans  celte  étude.  Avant  tout,  il  convient  de  traduire  exactement 
notre  auteur.  Je  me  dispense  d'en  reproduire  le  texte  ;  car  les 
dernières  éditions  diffèrent  peu  les  unes  des  autres  ;  et  d'ailleurs, 
n'ayant  pas  vu  moi-même  le  papyrus,  je  n'ai  ni  les  moyens  ni 
la  prétention  de  faire  mieux  (1).  Sauf  avis  contraire,  je  suis  le 
texte  de  Blass-Thalheim;  je  donne,  en  note,  mon  opinion  sur 
les  passages  qui  présentent  des  variantes  de  quelque  importance  ; 
et  j'essaie  de  combler  approximativement  la  grandB  lacune  du 
chapitre  67. 

Pour  les  difficultés  de  détail,  je  ne  crois  pas  nécessaire  de 
joindre  à  la  traduction  un  commentaire  perpétuel.  Je  me  borne, 
dans  le  français  même,  à  ajouler  entre  parenthèses  les  mots 
qui  me  paraissent  indispensables  pour  bien  taire  comprendre 
la  pensée  d'Aristote,  ou  du  moins  pour  préciser  la  façon  dont 
je  l'interprète. 

Mais,  cela  fait,  si  nous  voulons  tirer  des  renseignements 
fournis  par  l' 'AQv^varlwv  'zo)j/zda.  tout  le  parti  possible,  on  ne 
jugera  pas  inutile  sans  doute  de  les  grouper  dans  un  ordre  plus 
méthodique,  plus  conforme  à  nos  habitudes  modernes.  Nous 
nous  efforcerons  donc  de  nous  représenter,  à  notre  manière,  la 
série  des  opérations  qui  devaient  se  succéder  à  Athènes,  un  jour 
d'audience,  vers  323.  Ce  sera  le  meilleur  moyen  de  rendre  hom- 
mage à  Aristote  pour  tout  ce  qu'il  nous  a  appris,  comme  aussi 
de  constater  les  points  obscurs  qu'il  a  laissé  subsister.  Nous 
n'arriverons  pas  à  résoudre  toutes  les  ditïîcultés  ;  mais  ce  sera 
|)eut-être  déjà  quelque  chose  de  les  avoir  classées  et  précisées  (2). 

Mathieu,  AristoLe,  Constitulion  d'Athènes^  Etude  sur  la  méthode  suivie  par  Aris- 
tote dans  la  discussion  des  textes  (Bibl.  de  TEc.  des  Hautes-Etudes,  fasc.  216, 
1915).  L'auteur  n'y  envisage  que  la  première  partie.  Il  aboutit  à  cette  conclusion 
que  T'Ae.  tioI.  est  sûrement  d'Aristote,  mais  que  c'est  une  oeuvre  inachevée  et 
non  revue,  «  l'ébauche  déjà  fort  travaillée  d'un  livre  interrompu  par  la  mort  ». 
L'examen  des  derniers  chapitres  me  donne  bien  la  même  impression. 

(1)  J'adopte  la  disposition  typographique  de  la  traduction  de  M.  Haussoullier, 
qui  a  l'avantage  d'une  grande  clarté. 

(2)  L'  'Aôï^vafcov  Tzokiitlx  a  suscité  un  très  grand    nombre  de   travaux  :  on  en 
trouvera  la  liste  en  tête  des  éditions  de  Thalheim  et  de  Sandys.  Parmi  ceux  qu« 


I 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAI12N    IIOAITEIA  29 


I.  Traduction  des  chap.  63-69  de  T'AO.  iroX. 

CHAPITRE    LXÏII 

§  \ .  Magistrats  préposés  à  la  constitution  des  jurys.  — 
§  2.  Dispositif  du  tirage  au  sort.  —  §  3.  Conditions  requises 
pour  être  juré.  —  §  4.  Les  tablettes  d'identité.  —  §  3.  Tirage 
de  la  lettre  assignée  à  chaque  tribunal. 

4.  —  Les  jurés  sont  tirés  au  sort  par  les  neuf  archontes, 
chacun  opérant  pour  sa  tribu,  et  par  le  secrétaire  des  thesmo- 
thètes  pour  la  dixième. 

2.  —  Il  y  a,  dans  les  tribunaux,  dix  entrées,  une  par  tribu  ; 
vingt  salles  pour  le  tirage  au  sort,  deux  par  tribu  ;  cent  petites 
boîtes,  dix  par  tribu  ;  une  seconde  série  de  petites  boîtes,  des- 
tinées à  recevoir  les  tablettes  d'identité  des  jurés  que  le  sort 
a  désignés  (pour  la  journée);  et  (vingt)  hydries,  deux  (par 
tribu)  (1).    En   outre,  on  dispose  près  de  chaque   entrée  des 


j'ai  vus,  je  mentionnerai  à  part  la  dissertation  de  Teuscl),  De  sorlilione  judicum 
apiid  Athenienses  (Gottingen,  1894),  faite  sous  la  direction,  et  sans  doute  pai-fois 
avec  le  secours  de  Wilamowitz  ;  le  long  excursus  publié  par  Keil  dans  son 
Anonymus  arqeniinensis  (Strasbourg,  1902)  sous  le  titre  Zum  athenischen 
Gerichlswesen,  p.  225-269;  et  la  série  des  articles  de  Photiadis  dans  Vx^r^S.  (XIV, 

1902,  -irspl   xTvTjpwCTetoç    vcal  -kaTiPojtswî  twv    fj/aaorxixwv    6r/taa"tT,pîcov,  p.  241-276;  XV, 

1903,  Ttspî  Tfj?  T|Xia7Twv  [xiuôo'f opôtç  xal  xwv  StxaTTixwv  au[j.Sô)^wv,  p.  3-28;  XVI,  1904, 
Tiepl  Tf,i;  6La;jL£[xeTp7itJ.£VTri;  f,[xépa;  xal  T?,?  8txaaTtxf,ç  x>.£(];ûSpaç,  p.  3-87). —  L'ouvrage 
de  Lipsius,  Das  allische  Rec/it  und  Rechtsverfahrea  est  encore  en  cours  de  publi- 
cation (Leipzig,  1905,  1908,  1912);  cf.,  pour  ce  qui  nous  intéresse  ici,  les  chap.  3 
et  4  du  premier  volume,  die  Geschworenengerichle  et  die  GerichlshÔfe,  p.  134-175. 
—  Dans  le  Dictionnaire  des  antiquités,  Tarticle  Dikastai  (Caillemer)  reste  utile  à 
consulter;  mais  il  est  antérieur  à  la  publication  de  V  'AOTjva(ajv  iroXiTsia;  voir  les 
articles  Sortitio  et  Thesmolhétai  (Glotz). 

(1)  Le  texte,  pris  à  la  lettre,  devrait  sentendre  de  deux  hydries  en  tout;  or  il 
en  faut  manifestement  vingt,  puisque  le  tirage  au  sort  des  jurés  se  fait  dans  les 
dix  tribus  à  la  fois.  MM.  HaussouUier  et  Reinach,  dans  leurs  traductions,  ont 
essayé  de  supprimer  la  difficulté  en  mettant  le  point  avant  xal  uSpia-.  ^ûo.  Mais 
si,  dans  la  phrase  suivante,  on  comprend  bien  que  les  bâtons  soient  placés  prés 
de  la  porte  (rappariteur  les  remettra  ainsi  aux  jurés,  au  moment  où  ils  sortiront 


30  G.    COLIN 

bâtons  en  nombre  égal  à  celui  des  jurés  (que  la  tribu  doit 
fournir);  et,  dans  l'une  des  bydries,  on  met  autant  de  glands 
qu'il  y  a  de  bâtons.  Les  glands  sont  mai'qués  des  lettres  de 
Talphabet  à  partir  de  la  onzième,  le  A  ;  on  emploie  autant  de 
lettres  qu'on  doit  constituer  de  jurys. 

3.  —  Peuvent  être  jurés  tous  les  citoyens  âgés  de  trente  ans 
révolus,  à  condition  de  n'être  pas  débiteurs  du  Trésor  public 
ou  déchus  de  leurs  droits  civiques  (pour  toute  autre  raison). 
Quiconque  essaie  de  siéger  sans  en  avoir  le  droit  est  poursuivi 
par  voie  de  dénonciation  et  déféré  au  tribunal.  S'il  est  reconnu 

•coupable,  les  juges  ont  à  fixer  la  condamnation  supplémen- 
taire qu'il  leur  semble  mériter,  pénalité  ou  amende.  En  cas  de 
condamnation  pécuniaire,  il  doit  être  maintenu  en  prison 
jusqu'à  ce  qu'il  ait  acquitté  complètement  à  la  fois  la  dette 
antérieure  qui  a  motivé  la  dénonciation  et  la  nouvelle  amende 
que  lui  a  intligée  le  tribunal. 

4.  —  Chaque  juré  a  sa  tablette  (d'identité);  elle  est  en  buis. 
Elle  porte  son  nom,  précisé  par  celui  de  son  père  et  celui  de 
son  dème,  et,  en  plus,  un  signe  graphique,  qui  est  un  des 
caractères  de  l'alphabet,  de  A  à  K.  En  effet,  dans  chaque  tribu, 
les  jurés  sont  répartis  en  dix  sections,  et  leur  nombre  est  à 
peu  près  égal  dans  chacun  des  groupes  ainsi  désignés  par  une 
lettre. 

5.  —  Quand  un  des  thesmothètes  a  tiré  au  sort  les  lettres 
qui  doivent  être  appliquées  à  la  porte  des  tribunaux  comme 
signe  distinctif  supplémentaire  (pour  la  journée),  un  appa- 
riteur les  prend,  et  va  placer  sur  chaque  tribunal  celle  que  le 
sort  lui  a  attribuée. 


pour  se  rendre  dans  leurs  tribunaux),  les  hydries,  elles,  sont  nécessaires  aux 
opérations  du  tirage  au  sort,  et  ce  n'est  pas  près  de  la  porte  qu'on  en  a  besoin. 
Je  conserve  donc  la  poncH^uation  des  éditeurs,  mais  en  admettant  qu'Aristote  s'est 
mal  exprimé. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    l/ 'ABUNAlLiN    lIOAlTEfA         31 


CHAP1TRK   LXIV 

1 .  Dans  chaque  trihu^  première  réparti  lion  des  taldettes 
{par  sections  héliastiques).  Désignation  des  afficheurs.  — 
§  2.  Affichage  des  tablettes.  —  i:^  3.  Tirage  au  sort  des 
jurés  de  la  journée.  — §4.  Répartition  des  jurés  dans  les 
divers  tribunaux.  —  §  5.  Nouveau  classement  des  tablettes 
[par  tribunaux) . 


1.  —  Les  petites  boîtes  qui  vont  par  séries  de  dix  sont  dépo- 
sées en  face  de  lentrée  réservée  à  chaque  tribu  ;  elles  sont 
marquées  des  caractères  de  l'alphabet  d'A  à  K.  Quand  chaque 
juré  a  jeté  sa  tablette  dans  la  boite  portant  le  même  signe  qui 
ligure  sur  cette  tablette  (comme  lettre  de  section),  —  c'est  un 
caractère  de  l'alphabet,  —  Tappariteur  secoue  bien  les  boîtes, 
et  de  chacune  d'elles  le  thesmothèle  tire  une  tablette. 

2.  —  Ainsi  se  trouve  désigné  (le  juré)  appelé  rafïicheur.  Il 
afïiclie  les  tablettes,  (dans  Tordre  où  elles  sortent)  de  la  boîte  (de 
sa  section),  sur  le  tableau  à  rainures  marqué  du  même  signe 
que  cette  boîte.  On  le  nomme  par  la  voie  du  sort  pour  éviter, 
en  n'ayant  pas  toujours  le  même  afficheur,  les  risques  de 
fraude.  Il  y  a  cinq  tableaux  dans  chaque  salle. 

3.  —  Après  avoir  mis  les  cubes  (en  nombre  voulu  dans  une 
des  hydries),  l'archonte  tire  au  sort  (les  jurés  de)  la  tribu  dans 
les  deux  salles  successivement.  Les  cubes  sont  en  bronze;  il  y 
en  a  de  noirs  et  de  blancs.  Autant  il  faut  désigner  de  jurés  (pour 
la  journée),  autant  on  met  de  cubes  blancs,  (ou,  du  moins),  on 
en  met  un  par  cinq  tablettes  (à  retenir)  ;  on  observe  la  même 
proportion  pour  les  cubes  noirs  (un  par  cinq  tablettes  à 
rejeter). 

4.  —  Quand  (l'archonte)  a  extrait  tous  ses  cubes  (1),  l'huis- 

(1)  Je  préfère  ici  la  restitution  d'Haussoullier  sf^A-ri]  à  celle  de  Blass  £[^aipTi]. 
En  effet,  le  présent  indiquerait  que  l'huissier  proclame  les  jurés  élus  à  mesure 
que  Tarchonte  tire  un  cube.  Dans  ce  cas,  d'abord  xoù^  Xayx,âvovTaî  serait  peut- 
être  plus  naturel  que  toù;  etXTixoTaç.  Mais  surtout,  comme  le  juré,  aussitôt  pro- 


32  G.    COLIN 

sier  proclame  les  jurés  que  le  sort  a  désignés.  Chaque  afficheur 
est  aussi  compris  (de  droit)  dans  ce  nombre.  Le  juré  ainsi 
proclamé  vient,  à  l'appel  de  son  nom,  tirer  un  gland  de  (l'autre) 
hydrie;  il  le  tend  alors,  la  lettre  en  l'air,  pour  le  montrer 
d'abord  à  l'archonte  qui  préside  (le  bureau  de  la  tribu).  Celui- 
ci,  après  l'avoir  vu,  jette  la  tablette  du  juré  dans  la  petite  boîte 
marquée  du  môme  caractère  de  l'alphabet  que  le  gland  :  c'est 
pour  l'obliger  à  se  rendre  au  tribunal  que  le  sort  lui  a  assigné, 
non  à  celui  qui  lui  plaît,  et  pour  empêcher  qu'il  ne  soit  pos- 
sible de  grouper  dans  un  jury  qui  on  veut. 

5.  — L'archonte  a  pour  cela  auprès  de  lui  autant  de  petites 
boîtes  qu'il  y  a  de  jurys  à  constituer  ;  elles  portent  chacune  une 
lettre,  répondant  à  celles  qui  ont  été  attribuées  par  le  sort  aux 
divers  tribunaux. 

CHAPITRE    LXV 

§  1.  Les  bâtons  aux  couleurs  des  tribunaux.  —  §  2.  Les  jetons 
de  présence.  —  §  3.  Reinise  de  leurs  tablettes  aux  héliastes 
éliminés.  —  §  4.  Transfert  dans  chaque  tribunal  des  boites 
contenant,  par  tribu ^  les  tablettes  des  jurés  de  service. 

1.  —  Le  juré  doit  encore  présenter  son  gland  à  l'appariteur 
avant  d'aller  (à  son  tribunal)  et  d'y  franchir  la  grille  (de  l'en- 
ceinte réservée  au  jury)  (1).  L'apparitoui"  lui  donne  alors  un 
bâton  de  la  couleur  du  tribunal  qui  porte  la  même  lettre  que 
son  gland.  On  l'oblige  par  là  à  entrer  au  tribunal  que  le  sort 
lui  a  assigné;  car,  s'il  veut  pénétrer  dans  un  autre,  la  fraude 

clamé,  vient  tirer  son  gland,  il  en  résulterait  une  confusion  de  manœuvre  bien 
mal  commode  :  l'appariteur  devrait  s'occuper  en  même  temps  de  i'hydrie  aux 
cubes  et  de  I'hydrie  aux  glands,  tandis  que  l'archonte,  de  son  côté,  devrait,  en 
même  temps  aussi,  tirer  les  cubes  et  répartir  les  tablettes  dans  les  boîtes  de  la 
seconde  série.  Il  y  avait  avantage,  je  crois,  à  ne  pas  mêler  les  deux  ordres 
d'opérations.  —  En  comprenant  le  texte  comme  je  le  fais,  je  termine  le  §  3  avant 
èTcs'.Sàv  S'  è^éVf,  toù;  x"j6ou;;,  au  lieu  de  la  continuer  jusqu'à   ô  Se  %kr\^v.^. 

(1)  Le  texte  de  cette  fin  de  ligne  n'est  pas  sûr  :  la  lecture  six'  £[îaép/sTa'.,  èvxôç 
iw]v  TT.ç  x'.yxXtôoi;  serait  peut-être  la  plus  satisfaisante.  Le  sens  est  clair;  mais,  de 
toute  façon,  la  rédaction  de  la  phrase  ne  paraît  pas  très  heureuse. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITHES    DE    L"AeHNAK2N   ÎIOAITEIA         33 

est  démontrée  par  la  couleur  de  son  bâton.  Il  faut  dire,  en  effet, 
que  les  tribunaux  ont  chacun  le  linteau  de  leur  porte  peint 
d'une  couleur  (particulière)  (1). 

2.  —  Avec  ce  bâton,  le  juré  se  rend  au  tribunal  qui  a  en 
même  temps  la  même  couleur  que  son  bâton  et  la  même  lettre 
que  son  gland.  Lorsqu'il  y  est  entré,  il  reçoit  des  mains  du 
fonctionnaire  que  le  sort  a  désigné  pour  cet  office  un  jeton  (de 
présence)  frappé  par  l'Etat. 

3.  —  Après  quoi,  muni  de  leur  gland,  de  leur  bâton  [et  de 
leur  jeton,  les  jurés  du  jour  prennent  place]  (2)  dans  leur  tri- 
bunal :  telles  sont  les  formalités  de  leur  installation.  Quant  à 
ceux  que  le  sort  a  écartés,  les  afficheurs  leur  rendent  leurs 
tablettes. 

4.  —  D'autre  part,  les  appariteurs,  qui  sont  des  esclaves  pu- 
blics, emportent  (du  bureau)  de  chaque  tribu  les  petites  boîtes 
(de  la  seconde  série)  ;  il  y  en  a  une  pour  chacun  des  tribunaux; 
elles  contiennent  respectivement  les  noms  (des  membres)  de  la 
tribu  qui  y  siègent.  Ils  doivent  les  remettre  aux  (jurés)  désignés 
par  le  sort,  au  nombre  [de  cinq]  par  tribunal,  pour  rendre 
(leurs  tablettes)  à  leurs  collègues  (3).  Ces  hommes  auront  ainsi 
le  moyen  de  faire  l'appel  pour  payer  le  triobole. 


(1)  Bien  que  cette  dernière  phrase,  dans  toutes  les  éditions,  fasse  déjà  partie 
du  §  2,  je  la  joins  ici  au  §  1,  auquel  elle  se  rattache  étroitement. 

(2)  11  manque  sans  aucun  doute,  à  cet  endroit,  quelque  chose  dans  le  texte  du 
papyrus.  Il  me  paraît  probable  que  le  jeton  était  rappelé  en  même  temps  que 
le  bâton,  puisque  tous  deux  ensemble  formaient,  pour  ainsi  dire,  les  insignes 
du  juré  en  fonctions  (cf.  Dém.,  Cour.,  210;  Suidas,  s.  v.  ^ocxxT^pCa  vtal  atifjtpoXov  ; 
Bekker,  ^necd.,  p.  185,4).  D'autre  part,  toïç  6' iTtoXayxâvouai,  dans  le  second 
membre  de  phrase,  appelle  à  tout  le  moins  un  [xsv  dans  le  premier.  J'admets 
donc  que  le  copiste  a  sauté  une  ligne  entière,  et,  je  lis  t^,v  te  ^aXocvov  ^al  tV 
PaxTT,p(av  [xal  tô  au[x6o>vov  è'xovtsç,  xa9(Çou<Ti  [xèv]  Iv  tw  Sixaatï^pîij).  Je  ne  restitue 
pas  GÎ  [ièv  Xaj^dvceî  xa9(^ou<Tt,  pour  ne  pas  dépasser  la  longueur  moyenne  des 
lignes.  Quant  au  pluriel  xaôiÇouai,  alors  que  le  sujet  dans  la  phrase  précédente 
(6  8è  Xa^tôv)  est  au  singulier,  il  est  imposé  par  le  participe  elaeXfiXuOoTe;  à  la 
ligne  suivante.  —  Sur  les  doutes  que  peut  soulever  la  mention  du  gland  dans  ce 
passage,  on  trouvera  une  note  dans  la  seconde  partie  de  cette  étude  (§  8,  A). 

(3)  Je  considère  les  mots  xà  Trivivcta  comme  une  glose  destinée  à  expliquer 
le  pronom  xotûTa,  peu  clair,  en  effet,  de  la  ligne  précédente.  Le  copiste  de  notre 
papyrus  l'aura  fait  à  tort  entrer  dans  le  texte,  en  se  trompant  d'ailleurs  d'une 

REG,  XXX,  1917,  no  136.  3 


34  G.    COLIN 

CHAPITRE    LXVI 

§  i .  Désignation  des  présidents.  —  §  2.  Tirage  an  sort  des  jurés 
préposés  aux  clepsydres^  au  scrutin^  et  au  paiement  du  trio- 
hôte.  —  §  3.  Indications  de  service  pour  cette  dernière 
opération. 

1.  —  Quand  tous  les  jurys  sont  constitués,  on  dispose,  dans 
le  bureau  de  la  première  tribu,  deux  urnes,  avec  une  double 
série  de  cubes  de  bronze,  les  uns  peints  aux  couleurs  des  tri- 
bunaux (qui  vont  fonctionner  ce  jour-là),  les  autres  portant 
inscrits  les  noms  des  magistrats  (qui  peuvent  les  présider).  Alors 
deux  des  thesmothèles,  tirés  au  sort,  mettent  séparément  les 
deux  sortes  de  cubes  (dans  les  urnes)  :  l'un  met  dans  la  pre- 
mière les  cubes  de  couleur,  Tautre  dans  la  seconde  les  noms 
des  magistrats.  Dès  que  le  premier  magistrat  est  sorti  au  tirage, 
l'huissier  proclame  qu'il  aura  à  sa  disposition  le  tribunal  éga- 
lement désigné  le  premier  par  le  sort;  le  deuxième  magistrat  a 
le  deuxième  tribunal;  et  ainsi  de  suite  pour  les  autres.  C'est 
afm  qu'aucun  magistrat  ne  sache  d'avance  quel  tribunal  il  aura; 
chacun  doit  accepter  celui  que  le  sort  lui  assigne. 

2.  —  Une  fois  les  juges  arrivés  à  destination  et  répartis  entre 
les  diverses  salles  d'audience,  dans  chaque  tribunal  le  magis- 
trat qui  a  la  présidence  tire  une  tablette  de  chacune  des  boîtes 
(apportées  par  les  appariteurs),  de  manière  à  avoir  dix  noms, 
un  par  tribu.  Il  met  ces  tablettes  dans  une  onzième  boite  vide; 
en  les  tirant  au  sort,  il  désigne  les  cinq  jurés  dont  les  noms 
sortent  les  premiers  pour  s'occuper  l'un  de  l'eau  (des  clep- 
sydres), les  quatre  autres  des  bulletins  de  vote.  On  veut  ainsi 
empêcher  que  personne  ne  puisse  suborner  ni  le  juré  préposé 
aux  clepsydres  ni  ceux  qui  manient  les  bulletins  de  vote,  et  qu'il 
ne  se  produise  dans  tout  cela  aucune  fraude. 

ligne;  du  même  coup,  il  aura  omis  le  chiffre  qui  venait  après  àpiOixtÔ,  et  qui  du 
reste,  sur  l'original,  était  peut-être  indiqué  simplement  par  une  lettre.  Le  chiffre 
cinq  nous  est  fourni  par  le  chapitre  suivant,  §  3. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAK2N   nOAITEIA         35 

3.  — Les  cinq  derniers,  dont  le  nom  n'est  pas  sorti,  reçoivent 
(des  présidents)  le  tableau  de  service  indiquant  la  façon  dont 
le  triobole  sera  payé,  et  l'endroit  où  chaque  tribu  le  touchera, 
au  tribunal  même,  après  le  prononcé  des  jugements.  De  la  sorte, 
en  se  retirant,  les  jurés  percevront  leur  salaire  par  petits 
groupes  (1),  au  lieu  de  se  presser  en  grflnd  nombre  au  même 
endroit  et  de  se  gêner  les  uns  les  autres. 

CHAPITRE  LXVII 

§  1.  Appel  des  causes  :  leur  nombre  par  audience.  —  §  2.  Les 
clepsijdres  :  quantités  d'eau  accordées  pour  les  actions  privées. 
—  §  3.  Arrêt,  ou  non,  de  la  clepsydre,  pendant  la  lecture  des 
pièces.  —  §  4.  Le  jour  légal ^  employé  pour  les  grands  procès 
politiques  :  sa  durée  et  ses  divisions.  —  §  5.  Cas  des  procès 
sujets  à  estimation. 

1.  —  Toutes  ces  dispositions  étant  prises,  on  appelle  les 
causes  :  causes  privées,  si  c'est  jour  d'audience  pour  les  actions 
privées;  —  dans  ce  cas,  leur  nombre  dépend  de  l'importance 
des  divers  procès  (jugés  dans  la  même  journée)  conformément 
à  la  loi  (2),  et  les  parties  s'engagent  toutes  deux  par  serment 
à  ne  pas  parler  en  dehors  du  sujet;  —  causes  publiques,  si 
l'audience  est  consacrée  aux  actions  publiques,  et  alors  on  n'en 
expédie  qu'une  seule. 

2.  —  Il  y  a  (dans  chaque  tribunal)  des  séries  de  clepsydres 
munies  de  petits  tuyaux  d'écoulement;  on  y  verse  l'eau  qui 


(1)  Je  supprime  la  virgule  après  xat'  ôX{you(;,  de  façon  à  faire  porter  ces 
deux  mots  sur  Xaêwci.  La  phrase  y  perd  en  symétrie  ;  mais  il  est  assez  manifeste 
qu'Aristote  n'a  rien  des  préoccupations  d'un  Isocrate. 

(2)  Les  éditeurs  ne  s'accordent  pas  sur  la  lecture  de  ce  passage.  Après  tw 
àptOfJLw,  Wilcken  déclare  certaines  les  lettres  ...vn;  Kenyon  ne  les  distingue  pas,  et 
croit  voir  5"  é^.  Il  me  semble,  avec  Thalheim,  que  le  nombre  des  causes  à  juger 
dans  la  même  journée  doit  varier  selon  leur  importance  et  leur  nature  (cf.  le  §  2). 
J'adopte  donc,  bien  que  la  construction  soit  un  peu  dure,  le  texte  tw  àptOfxw  ô<: 
àv  ^  svtà«TTwv  Twv  Sixtôv.  On  remarquera  d'ailleurs  qu'à  la  fin  de  l'ouvrage,  Aristote 
n'indique  pas  davantage  qu'on  tranche,  dans  chaque  journée,  un  nombre  fixe 
de  procès  (69,  2  :  èiïsiSàv   aôxoï<;  ^  6e8txa(j}jLcva  xà  i%  xwv  vôfxwv). 


36  G.    COLIN 

doit  limiter  la  durée  des  plaidoiries.  On  en  accorde  (à  chaque 
partie)  une  de  dix  pots  pour  les  procès  au-dessus  de  cinq  mille 
drachmes,  avec  une  de  trois  pots  pour  la  réplique;  une  de  sept 
pots  pour  les  procès  (de  mille)  à  cinq  mille  drachmes,  avec 
une  de  deux  pots  (pour  la  réplique);  une  de  cinq  pots  pour  les 
procès  au-dessous  de  mille  drachmes,  avec  une  de  deux  pots 
(pour  la  réplique);  une  de  six  pots  pour  les  contestations  entre 
compétiteurs,  et  là  on  n'admet  pas  ensuite  de  réplique. 

3.  —  (Dans  toutes  ces  actions,  c'est-à-dire  dans  les  actions 
privées),  le  juré  que  le  sort  a  préposé  aux  clepsydres  ferme  le 
tuyau  d'écoulement  chaque  fois  que  le  greffier  doit  lire  une  loi, 
un  témoignage,  ou  quelque  texte  analogue.  Au  contraire,  s'il 
s'agit  d'un  procès  occupant  toute  la  durée  du  jour  légal  et  se 
réglant  sur  ses  divisions  (c'est-à-dire  d'un  grand  procès  poli- 
tique), il  ne  ferme  pas  le  tuyau  d'écoulement  (pour  la  lecture 
des  pièces)  ;  mais  l'accusation  et  la  défense  ont  à  leur  dispo- 
sition la  même  quantité  d'eau. 

4.  —  Elle  est  calculée  d'après  (la  longueur)  des  jours  du  mois 
Poséidon,  parce  qu'ils  peuvent  servir  de  commune  mesure  (1), 


(1)  Pour  les  §§  4  et  5  de  ce  chapitre  et  pour  le  §  1  du  chapitre  suivant,  aucun 
texte  de  lexicographe  ou  de  scoliasle  ne  permet  de  combler  avec  certitude  les 
lacunes  du  papyrus.  Or  elles  sont  fort  considérables  ;  car  il  ne  nous  reste  guère 
que  les  premières  et  les  dernières  lettres  de  chaque  ligne;  et  encore  en  est-il, 
parmi  elles,  qui  sont  indiquées  comme  douteuses,  ou  qui  ont  été  déchiffrées  de 
façons  différentes.  Les  éditeurs  ont  donc  renoncé  à  rétablir  le  passage  sous  une 
forme  suivie  ;  mais  ils  ont  proposé,  chacun  de  leur  côté,  à  un  certain  nombre 
d'endroits,  des  essais  de  restitution.  En  utilisant  leurs  conjectures,  en  les  modi- 
fiant parfois,  sans  craindre  d'en  hasarder  de  nouvelles,  il  m'a  semblé  qu'on  pou- 
vait, à  tout  le  moins,  donner  au  lecteur  une  idée  de  ce  que  contenaient  les 
trois  paragraphes  en  question,  et  aussi  de  ce  qu'il  serait  inutile  d'y  chercher. 
C'est  là  le  but  de  ma  reconstitution.  Je  l'imprime  en  caractères  typographiques 
différents,  pour  bien  indiquer  qu'il  ne  s'agit  plus  d'une  traduction  proprement 
dite.  Toutefois  je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que,  pour  limiter  mes  chances  d'er- 
reurs, j'ai  commencé  par  m'efforcer  de  remettre  sur  pied  le  texte  d'Aristote,  tel 
que  je  croyais  l'entrevoir,  en  m'astreignant  à  respecter  le  plus  possible  les 
mots  ou  débris  de  mots  relevés  sur  le  papyrus,  et  à  tenir  compte  de  la  longueur 
normale  des  lignes.  Voici,  à  titre  de  justification,  si  imparfaite  qu'elle  soit, 
cette  tentative.  J'indique  brièvement,  à  la  suite,  sur  quoi  s'appuient  mes  conjec- 
tures, quand  elles  diffèrent  de  celles  qui  avaient  déjà  été  proposées;  on  trouvera 
Torigine  des  autres  dans  les  notes  critiques  des  éditions. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAIi2N   IlOAITEfA         37 

On  fait  alors  usage  d'onze  amphores  (en  tout),  qu'on  répartit  en 
trois  fractions  ayant  chacune  son  attribution  déterminée  :  les  jurés 
s'en  réservent  une  pour  les  opérations  du  scrutin,  et  le  reste  est 


(Col.  XXXIV,  1.  7).  LXVII,  4  Aia[xeT[petTai  8è  Tipôç  Tiç  -fiiJL£]pa<;  [to]u  Ooti- 
Sewvoç  [[ATjvôi;,  ôxt  sîvat  <jû[j.[X£T]po[i,  Suvajvrat. 
Xpwvx[ai  8' à[x:pop£u<jiv  la',  oï  8]i,a[v£[j.o]vTai 

10  TaxT[à  [J-ÉpT,  y'  •  xoÛTtov  £v  [xèv  à]TroTt,[Oé]aatv  ol 

6iLx]aiT[Tal  èrA  xàç  v{;T,cpouç,  t]ô  X[otT:ôv  8']ïjov  ï- 
xaïTOi  X[a[jL6avo'jai,  ^Iv-ôiox;  '  ol  'Kpô]T£[po!,J  yàp  It- 
-ir£uSo[v   otv  £'.<;  Ppa;(ù  'Z'r\<;  Ti\i]é[pix(;  [xéjpoç  l^w- 
6£Ïv  Toùç  [ucjxÉpouç,  "Iv'  ouv  dJEi  [t'aojv  {;8wp 

15  Aa[x6a[vtoat,  8uo  X*^ptç  xaSot]  £t[aiv,  ô]  [xèv  £X£- 

poç  TOÏç  8[ttjjxoua'iv,  ô  8' ETEpoç]  To[r(;]  Cp£ÙYOu[(T]lV. 
5       'Ev  8è  TOt(;  [tlixtitoïç  àywcn,  [xspo]ç  l'[aov]  sçeÏXe 

Tw  8la^|;T,[(pto■aâ)  tw  £T£p]a),  oi[aip]£ÏTa(,  8'[-f,  •f\[x]é[p]a 
ÈTii  Toïç  [8'  •  Tt!J.T,Toi  8È  Twv  àyw]vw[v,  ojtrotç  upda- 

20  e(JTi  8£aiJL[à<;  r,  Savaxoç  -î]  dT]t,[x{a  t)  8fi[X£uai(î 

/p71[jLâT[o)v,  xal  où  x£X£Ù£t  Ô  v6|jL0î  6]ti  5(pT,  ira6£Îv 
LXVIII,  1       7^  àTroT£Ï[aai.  Ta  8e  By\ii6<7i]a  xwv  [StxJaaxT^piwv 

éaxl  :p',  [oiç  xp(v£iv  xàç  £Xaa]ao[u<;  8i86]aaiv  *  oxav 
8è  8£[ri  xàç  [xeIÇoui;  ypa^Jà;  £]iç  5  £l[a-aYaY£Îv, 

25  (Tuv[£pj(£xai    p'  StxajXTiJpta  £l[ç]  xV  -r^Xtaïav  • 

xa[r<;  8è  \i.eyiiTOLi(;  auvt]xvL£Ïxat]  eIç  cp'  xai  a 
2      xpta  [8ixa(jxT,pia. 

L.  8-9.  Scol.  Eschine,  Ambas.,  126,  xàç  r,[jLépaç  xou  noa£i8£wvo<;  [xrivà;  £xXE^ap.evoi 
u);  aujxfiLéxpoii!;  xal  8uva(j.évaî  xax£/£tv  l'vSExa  àfxcpopÉaî.  —  L.  9-10.  Harpocration,  s.  v. 
ôtot(xe{X£xpTi[jL£V7;  Tjjj.Épa'  8t£V£ij,£X0  xpîa  ii.ép-i\  xà  uSwp. —  L.  10  xaxx,  lecture 
de  Blass.  —  L.  11.  Lex.  Sabb.,iO,  18,  8t£V£[X£xo  f,  xpîxïi  (la  troisième  partie  du  jour) 
Toîç  SixdtÇouatv  elç  xô  (TX£^|/aa8aL  xt,v  4'ri90v.  —  L.  12-14.  Pour  itpdx£poi  et  uaxEpot, 
cf.  chap.  68,  4,  xoû  irpoxEpov  Xs'yovxoç,  xou  uiTBpov  Xéyovxoç,  et  maint  passage  des 
orateurs,  p.  ex.  Dém.,  Cowr.,7,  etc.  —  L.  15.  Je  me  contente,  pour  donner  à  la 
ligne  la  longueur  voulue,  d'ajouter  x^P'-'î  à  une  restitution  déjà  proposée.  — 
L.  17.  Ti[xrjxorç  àY'^'^^  rétabli  par  Photiadis,  semble  justifié  par  la  fin  du  para- 
graphe. Vers  la  fin  de  la  ligne,  avant  è^eÎXs,  j  utilise  les  lettres  a  i  lues  par  Wil- 
cken.  Kaibel  avait  cru  déchiffrer  axo;  dans  ce  cas,  je  ne  verrais,  comme  restitu- 
tion, que  u8]axd[(;  xt]  £^£ÏXs  ;  mais  ce  serait  une  indication  trop  vague  pour  le 
volume  d'eau  attribué  au  second  vote.  —  L.  19.  'EttI  xoÏ;  8';  la  division  du  jour 
en  quatre  parties  me  paraît  résulter  du  contexte.  —  L.  20.  La  ligne  dépasse  la 
•longueur  normale,  si  on  y  ajoute  t,  cpuyi^.  —  L.  21.  Pour  la  même  raison,  je  cherche 
une  formule  plus  courte  que  où  x£Îxat  è%  xôiv  vd[xa)v,  bien  que  ce  soit  celle  d'Har- 
pocration,  s.  v.  àx({i7ixo<;  àY^*^'^  ^^^  xiar.xdç.  —  L.  22.  D'après  tous  les 
textes  des  lexicographes  à  propos  du  mot  -fiXiaîa,  l'ensemble  du  paragraphe  doit 
se  rapporter  aux  actions  publiques;  je  regarde,  donc,  au  débq^ la  restitution 
8Tfi[xô(Tta  comme  à  peu  près  certaine.  —  L.  23-25.  On  pourrait  souhaiter  des  expli- 
cations plus  précises;  mais,  étant  donnés  les  mots  conservés,  je  crois  qu'Aris- 
tote  se  bornait  à  dire  que  l'importance  des  jurys  répondait  à  la  gravité  des 
causes  ;  d'où  la  gradation  $Xocaaov<;,  [xeîî^ou;,  jxEY^axaiç. 


38  G.    COLIN 

divisé  également  entre  les  parties.  C'est  justice  ;  car,  sans  cela,  ceux 
qui  parlent  les  premiers  s'efforceraient  de  resserrer  dans  une  courte 
portion  du  jour  ceux  qui  parlent  après  eux.  Aussi,  pour  assurer  tou- 
jours aux  uns  et  aux  autres  une  égale  quantité  d'eau,  a-t-on  recours 
à  deux  jarres  distinctes,  l'une  pour  les  plaignants,  l'autre  pour  les 
accusés. 

5.  —  En  cas  de  procès  donnant  lieu  à  estimation,  (le  juré  préposé 
aux  clepsydres)  prélève  d'avance,  pour  le  second  vote,  une  nouvelle 
part  (d'eau)  égale  (à  la  première),  et  le  jour  est  alors  divisé  en 
quatre.  On  entend  par  procès  donnant  lieu  à  estimation  ceux  qui 
peuvent  entraîner  la  prison,  la  mort,  la  perte  des  droits  civiques,  ou 
la  confiscation  des  biens,  sans  que  la  loi  spécifie  la  pénalité  ou 
l'amende  à  infliger. 

CHAPITRE   LXVIII 

§  1.  Nombre  des  jurés  dans  les  actions  publiques.  —  §  2.  Les 
bulletins  de  vote.  Jetons  spéciaux  délivrés  aux  jurés  pour 
constater  leur  vote.  —  §  3.  Les  deux  amphores  destinées  à 
recueillir  les  bulletins.  —  §  4.  Proclamation  de  l' huissier  \ 
manière  de  voter. 

1.  —  Dans  les  actions  publiques,  les  jurys  comprennent  cinq  cents 
membres  pour  les  causes  sans  trop  d'importance;  lorsqu'il  faut 
déférer  devant  mille  jurés  les  procès  déjà  plus  considérables,  on 
réunit  deux  jurys  dans  l'héliée  ;  pour  les  affaires  les  plus  graves,  on 
groupe  trois  jurys,  de  façon  à  arriver  à  quinze  cents  membres. 

2.  (1)  —  Il  existe  (dans  chaque  tribunal)  des  bulletins  de  vole, 
en  bronze  :  (ce  sont  des  disques)  munis  d'une  petite  tige  à  leur 
centre  ;  il  y  en  a  la  moitié  de  percés  et  la  moitié  de  pleins. 
Quand  les  plaidoiries  sont  terminées,  les  (quatre  jurés)  prépo- 
sés aux  votes  par  le  sort  remettent  à  chacun  de  leurs  collègues 
deux  bulletins,  un  percé  et  un  plein,  qu'ils  déposent  bien  en 
vue  des  parties,  afin  que  personne  ne  reçoive  deux  bulletins  de 


(1)  II  aurait  été  plus  naturel  de  ne  faire  commencer  qu'ici  le  chap.  68,  avec  les 
indications  concernant  le  vote. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAK2N   nOAITEIA         39 

même  nature,  pleins  ou  percés.  D'autre  part,  (l'esclave  public) 
désigné  par  le  sort  (pour  cette  fonction)  reprend  les  jetons  de 
présence  (1)  ;  et,  en  échange,  chaque  juré,  au  moment  oij  il 
vote,  reçoit  un  (nouveau)  jeton,  en  bronze,  marqué  de  la 
lettre  r,  qu'il  devra  rendre  pour  toucher  le  triobole.  On  veut 
par  là  obliger  tous  les  jurés  à  voter  ;  car  c'est  hi  condition 
indispensable  pour  recevoir  ce  jeton. 

3.  —  Chaque  tribunal  dispose  aussi  de  deux  amphores,  l'une 
en  bronze,  l'autre  en  bois;  elles  sont  écartées  l'une  de  l'autre, 
pour  qu'on  ne  puisse  pas  y  introduire  de  bulletin  en  fraude 
sans  être  vu.  C'est  dans  ces  amphores  que  votent  les  jurés  : 
celle  de  bronze  est  celle  qui  compte  ;  celle  de  bois  reçoit  les 
bulletins  nuls.  L'amphore  de  bronze  porte  un  couvercle  muni 
d'une  fente  assez  étroite,  pour  ne  laisser  passer  uniquement  que 
le  bulletin  (régulier)  :  il  s'agit  de  ne  pas  en  avoir  deux  pour  la 
même  personne. 

4.  —  Au  moment  où  le  scrutin  va  s'ouvrir,  l'huissier  fait  une 
première  proclamation  :  (il  demande)  si  les  parties  s'inscrivent 
en  faux  contre  les  témoignages;  car  la  chose  n'est  plus  per- 
mise, une  fois  le  vote  commencé.  Puis,  il  fait  une  deuxième 
proclamation  :  «  Le  bulletin  percé  est  pour  la  partie  qui  parle 
la  première  (le  demandeur),  le  bulletin  plein  pour  celle  qui 
parle  la  dernière  (le  défendeur)  ».  Alors  chaque  juré  prend  en 
même  temps  les  deux  bulletins  sur  leur  support,  en  appuyant 
les  doigts  sur  leurs  tiges,  sans  laisser  voir  aux  plaideurs  ni 


(1)  Le  sujet  el  le  complément  de  àiroXajjiSâvst  doivent  être  entièrement  restitués, 
et  ils  l'ont  été  de  façons  différentes.  J'adopte,  pour  l'un  et  pour  l'autre,  les  sup- 
pléments de  Thalheim.  En  effet,  du  moment  où  il  s'agit  de  délivrer  aux  jurés  le 
jeton  définitif  qui  leur  permettra  de  toucher  le  triobole,  il  paraît  naturel  de  char- 
ger de  ce  rôle  le  fonctionnaire  de  l'administration  des  finances  déjà  signalé  au 
ch.  65,  2  (ô  6è  TauTT,v  tV  dpxV  sîM^wç),  plutôt  qu'un  des  quatre  jurés  préposés 
aux  votes  (eiç  ôè  è^  aÔTwv  ô  stXfi/ax;),  qu'un  tirage  au  sort  nouveau  aurait  investi 
d'une  fonction  spéciale.  Et,  une  fois  admise  la  présence  de  cet  esclave  public, 
l'objet  qu'on  peut  le  plus  vraisemblablement  lui  remettre,  c'est  le  premier  jeton 
qu'il  avait  donné  aux  jurés,  au  moment  de  leur  entrée  dans  leur  tribunal,  donc 
xà  aua6oXa  plutôt  que  xàç  paxTTip{aç.  —  D'ailleurs,  les  jurés  déposent  en  même 
temps  leur  bâton  (cf.  69,  2);  mais  Aristote  n'en  dit  rien  ici. 


40 


G.    COLIN 


partie  creuse  la  partie  pleine  ;  il  de:pose  ainsi  le  bulletin  valable 
dans  l'amphore  de  bronze,  et  le  bulletin  nul  dans  l'amphore 
de  bois. 

CHAPITRE   LXIX 

§  1.  Dépouillement  du  scmtin^  et  proclamation  du  jugement.  — 
§  2.  Vote  pour  r estimation  de  la  peine.  Paiement  du  triobole. 

i.  —  Lorsque  le  vote  est  terminé,  les  appariteurs  prennent 
l'amphore  qui  compte  (c'est-à-dire  l'amphore  de  bronze),  et  la 
vident  sur  une  table  percée  d'autant  de  trous  qu'il  doit  y  avoir 
de  bulletins;  par  ce  moyen,  les  bulletins  valables,  étalés  en 
évidence  (1),  sont  faciles  à  dénombrer,  et  leurs  tiges,  creuses  ou 
pleines,  sont  bien  visibles  pour  les  deux  parties.  Les  (quatre 
jurés)  préposés  par  le  sort  aux  bulletins  de  vote  les  comptent 
sur  la  table,  en  séparant  d'un  côté  ceux  qui  sont  pleins,  de 
l'autre  ceux  qui  sont  creux;  et  l'huissier  proclame  les  deux 
chiffres,  en  attribuant  au  demandeur  les  bulletins  percés  et  au 
défendeur  les  bulletins  pleins.  La  majorité  des  voix  fixe  le  sort 
du  procès;  l'égalité  de  suffrages  profite  à  l'accusé. 

2.  —  Ensuite  les  jurés  procèdent  encore  à  l'estimation  de  la 
peine,  s'il  y  a  lieu  ;  pour  cela,  ils  votent  de  la  même  manière, 
en  rendant  leur  jeton  (de  bronze),  et  en  reprenant  un  bâton. 
Un  demi-pot  d'eau  est  accordé  à  chaque  partie  pour  soutenir 
son  évaluation.  Quand  les  jurés  en  ont  fini  avec  toutes  les 
affaires  (qui  leur  étaient  imposées  pour  la  journée)  conformé- 
ment aux  lois,  ils  touchent  leur  solde,  chacun  dans  le  groupe 
qui  lui  a  été  assigné  par  le  sort. 


(1)  Le  copiste,  à  cet  endroit,  à  sauté  ou  confondu  plusieurs  lettres.  On  a  pro- 
posé des  corrections  diverses,  qui  d'ailleurs,  ne  modifient  guère  le  sens  ;  celle  de 
Kaibel,  acceptée  par  Kenyon,  a  l'avantage  de  s'écarter  le  moins  du  papyrus  : 

xal  TjaÛTa,  o[t:wç]  al  xûp<^iat  Trpo>X£ÎjjLevai  eùap(6aT,[T0i  wai]. 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"A0HNAKiN   nOAITEIA  41 


II.  Reprise  méthodique  de  l'exposé   d'Aristote  (1). 

1.  Conditions  requises  pour  être  juré.  —  A  Athènes,  si  l'on 
met  à  part  les  affaires  de  meurtre  ou  d'incendie,  toutes  les 
causes,  dès  qu'elles  atteignent  quelque  importance,  sont  tran- 
chées, non  par  des  magistrats,  mais  par  de  simples  particuliers 
réunis  en  jurys.  Aucune  connaissance  spéciale  n'est  exigée 
d'eux  :  on  leur  demande  uniquement  d'être  citoyens,  d'avoir 
trente  ans  révolus,  et  de  jouir  de  la  plénitude  de  leurs  droits 
politiques  (2).  On  sait  assez  quel  était  le  goût  des  Athéniens 
pour  les  procès  :  amoureux  de  la  parole,  il  Içur  plaisait  de 
passer  leur  journée  à  écouter  des  plaideurs  ;  une  indemnité 
suffisante  leur  permettait  de  vivre  de  la  sorte,  s'ils  le  voulaient, 
sans  chercher  une  occupation  plus  active  ;  et  la  démocratie  y 
voyait  un  moyen,  fort  apprécié  d'elle,  d'exercer  vis-à-vis  de 
tous  une  véritable  souveraineté.  L'Etat  ne  devait  pas  avoir  de 
peine  à  constituer  ses  jurys. 

Au  v^  siècle,  on  avait,  semble-t-il,  fixé  un  maximum  au 
nombre  des  jurés.  Aristote  en  mentionne  6,000  en  478  (24, 3)  (3)  ; 


(1)  Mon  but,  dans  cette  seconde  partie,  est  de  coordonner  et  de  préciser  les 
renseignements  fournis  par  Aristote  sur  les  tribunaux  d'Athènes,  au  temps  où  il 
écrit,  c'est-à-dire  vers  325.  Comme  il  est  souvent  trop  concis  à  notre  gré,  sa 
lecture  soulève  bien  des  problèmes  ;  je  n'ai  cherché  à  en  esquiver  aucun;  mais 
on  ne  s'étonnera  pas  si,  plus  d'une  fois,  je  suis  obligé  de  recourir  à  des  hypo- 
thèses, ou,  du  moins,  à  des  vraisemblances.  — -  Les  renvois  sans  nom  d'auteur 
ni  d'ouvrage  répondent  à  1'  'AO^vaitov  itoXtTsîa. 

(2)  11  existe  toutefois  deux  catégories  de  procès,  où  la  loi  impose  une  condition 
supplémentaire  :  s'il  s'agit  de  délits  militaires  (insoumission,  désertion,  etc.)  ou 
de  fautes  touchant  aux  mystères,  les  jurés  doivent  être  pris  exclusivement, 
dans  le  premier  cas,  parmi  les  compagnons  d'armes  de  l'accusé  (Lysias,  c.  Alci- 
biade^  I,  5),  et,  dans  le  second,  parmi  les  initiés  (Andocide,  sur  les  mystères, 
28,  31). 

(3)  Ce  passage,  il  est  vrai,  présente  une  difficulté  ;  car  l'énumération  des 
citoyens  payés  par  l'État  y  est  faite  pour  le  temps  d'Aristide  ;  or  le  salaire  des 
jurés  ne  date  que  de  Périclès  (cf.  ci-dessous,  §  9).  On  a  donc  proposé  parfois  de 
remplacer  SixaaTa^  par  ÔTcXtrai.  La  correction  reste  arbitraire  ;  et  il  est  tout 
aussi  naturel  d'admettre  que,  dans  ce  tableau  sommaire  des  dépenses,  Aristote, 
pour  ce  qui  est  des  jurés,  anticipe  simplement  sur  l'avenir. 


42  G.    COLIN 

le  même  chiffre  se  retrouve  dans  Aristophane,  en  422  [Guêpes^ 
662);  la  coïncidence  ne  doit  pas  être  fortuite.  Mais,  vers  la  fin 
du  IV®  siècle,  il  n'en  est  plus  de  môme  ;  sous  les  réserves  indi- 
quées plus  haut,  tout  citoyen  a  le  droit  de  siéger  dans  les 
tribunaux.  Cependant  il  est  tenu  auparavant  à  une  formalité. 
Il  doit  avoir  déclaré  son  intention  de  participer  à  l'exercice  de 
la  justice,  et  s'ôtre  fait  inscrire  dans  une  des  dix  sections 
d'héliastes.  Il  reçoit  alors  une  tablette  d'identité  portant  son 
nom,  celui  de  son  père,  celui  de  son  dème,  et,  en  plus,  une 
lettre,  d'A  à  K,  qui  désigne  la  section  dont  il  fait  partie.  Il  lui 
sera  indispensable  de  l'apporter  avec  lui  chaque  jour  oii  il 
aura  le  désir  de  figurer  dans  un  jury. 

Ces  tablettes,  dit  Aristote,  sont  en  buis;  nous  n'avons  pas 
de  raison  pour  douter  de  son  témoignage  (1).  Telles  devaient 
donc  être  les  tablettes  délivrées  par  l'Etat  ;  mais,  comme  elles 
étaient  essentiellement  périssables,  bon  nombre  de  citoyens 
s'en  procuraient  d'analogues  en  bronze;  une  ou  plusieurs 
estampilles,  apposées  par  l'Etat,  attestaient  leur  authenticité. 
Nous  en  connaissons  ainsi  environ  80,  plus  ou  moins  com- 
plètes, réunies  aujourd'hui  dans  le  Corpus  diii\(\m  {IG.,  II 2, 
n^"  875  à  940;  II 5,  n°«  875  b  à  938  /).  Leur  examen  nous 
fournit  quelques  indications  utiles  :  par  exemple,  si  le  même 
citoyen  s'en  est  commandé  plusieurs  au  cours  de  son  existence, 
la  lettre  de  section  reste  la  même  (/G,  II  2,  914-915);  par 
contre,  le  père  et  le  fils,  tout  en  étant  du  même  dème,  peuvent 
appartenir  à  des  sections  différentes  {IG,  II 5,  878  b  et  911  b). 

A  défaut  de  renseignements  précis,  voici  comment  nous 
pouvons  imaginer  l'inscription  dans  les  sections.  A  mesure 
qu'ils  atteignent  leur  trente  ans,  les  Athéniens  vont  déclarer 
devant  des    magistrats    (sans  doute  chacun  dans  son  dème) 

(1)  Les  lexicographes  hésitent.  On  trouve  même  ceci  chez  Hésychius  :  iaK%o\j^ 
Tcivdxiov  •  'AÔTfivaiot  slyiO'j  sxaaTOi;  ttivoixiov  ttû^ivov.  En  tout  cas,  l'usage  des 
tablettes  de  bronze  paraît  avoir  été  très  répandu  ;  cf.  Dèm.,  c.  Boiotos,  I,  10,  12. 
—  Chose  assez  curieuse,  la  même  tablette  servait  parfois  à  plusieurs  personnes 
successivement  ;  on  effaçait  tant  bien  que  mal  le  premier  nom,  et  on  le  rempla- 
çait par  un  autre  {IG,  II  2,  887). 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAIQN   nOAlTEIA  43 

leur  désir  d'être  jurés.  Une  enquête,  facile  dans  ce  groupe 
restreint,  établit  qu'ils  remplissent  les  conditions  exigées  par  la 
loi  ;  reste  à  leur  attribuer  une  section  héliastique.  Celte  der- 
nière opération  n'a  lieu  qu'une  fois  par  an,  le  jour  où  les  jurés 
tiennent  leur  réunion  générale  pour  renouveler  le  serment  de 
rendre  la  justice  en  toute  conscience  et  en  toute  impartialité. 
Avant  la  cérémonie,  les  nouveaux  candidats  sont  présentés 
(peut-être  par  leur  démarque  aux  tbesmothètes).  La  lettre  de 
section  leur  est  assignée  par  une  combinaison  du  sort  et  de  la 
volonté  des  magistrats  ;  en  effet,  le  sort  joue  un  rôle  si  consi- 
dérable dans  toute  l'organisation  des  tribunaux  qu'il  intervient 
sûrement  ici  aussi;  mais,  d'autre  part,  les  tbesmothètes  doivent 
veiller  à  ce  que  les  dix  tribus  soient  représentées  dans  chaque 
section,  et  de  façon  à  peu  près  égale  (63,  4)  (1).  Cela  fait,  le 
juré  est,  pour  sa  vie  entière,  attaché  à  la  même  section  (2)  ; 
on  le  pourvoit  d'une  tablette  ;  il  prête  serment  avec  ses  aînés; 
et,  dès  lors,  il  est  libre  d'entrer  en  fonctions  à  la  première 
occasion. 

2.  Fixation  et  annonce  des  jours  d'audiences.  —  Les  tribunaux 
ne  siègent  pas  tous  les  jours  :  il  faut  exclure  les  jours  néfastes, 
les  jours  de  fêtes,  et  aussi,  du  moins  à  l'époque  où  nous 
sommes,  les  jours  où  se  réunit  l'Assemblée  du  peuple  (Dém., 


(1)  Il  nous  est  parvenu  trois  exemplaires  de  jetons  en  bronze,  portant,  d "un 
côté,  quatre  chouettes  en  croix  avec  le  mot  eESMO0ET£2N  sur  le  pourtour,  et, 
de  l'autre,  une  lettre  qui  est  A,  E,  et  M  ou  £.  Il  est  clair  que  le  dernier  n'a  rien 
à  voir  ici  ;  et  Svoronos  {Journ.  intern.  d'archéol.  îiumism.,  I,  1898),  reprenant 
une  idée  de  Benndorf,  les  rattache  tous  aux  assemblées  du  peuple  tenues  au 
théâtre.  Mais  ne  peut-on  pas  admettre  aussi  bien,  suivant  l'ancienne  hypothèse, 
que  les  deux  premiers,  ou  d'autres  analogues,  ont  servi  pour  répartir  les  jurés 
dans  leurs  sections  ? 

(2)  Il  est  possible  que,  vers  le  début  du  iV  siècle,  à  un  moment  où  la  popu- 
lation vient  d'être  décimée  par  la  guerre  du  Péloponnèse,  et  où  l'on  observe 
encore  l'usage  de  constituer  une  section  avec  les  membres  dune  même  tribu, 
on  ait  toléré,  pour  suppléer  à  la  faiblesse  de  certaines  sections,  l'inscription 
simultanée  dans  deux  d'entre  elles  (cf.,  en  388,  Aristoph.,  Plut.,  1166,  et  la 
tablette  IG,  II  2,  877,  où  les  lettres  A  et  H  paraissent  bien  gravées  de  la  même 
main).  Au  temps  d'Aristote,  un  citoyen  n'a  plus  le  droit  d'appartenir  qu'à  une 

-section  unique. 


44  Ct.  colin 

c.  Timocrate,  80).  iVristophane  semble  admettre  la  possibilité 
de  trois  cents  audiences  dans  l'année  {Guêpes,  662)  ;  ce  chiffre 
est  sûrement  un  maximum.  Quoi  qu'il  en  soit,  puisqu'elles 
n'ont  pas  lieu  à  dates  fixes,  il  est  indispensable  de  les  annoncer 
chaque  fois  à  l'avance  :  c'est  le  rôle  des  thesmothètes.  Aristote 
l'indique  bien  en  parlant  de  leurs  fonctions  (59,  i),  mais  sans 
ajouter  aucun  détail  sur  la  manière  dont  ils  procèdent. 

Il  fut  un  temps  oii  certains  tribunaux  étaient  affectés  régu- 
lièrement à  tel  genre  de  causes  ou  à  tels  magistrats,  et  encore 
où  la  même  section  d'héliastes,  pendant  toute  une  année, 
allait  siéger  au  même  endroit  (Aristoph.,  Guêpes,  1108;  Har- 
pocration,  s.  v.  llapàêucrTov).  Au  iv®  siècle,  il  n'en  est  plus  de 
même  :  c'est  le  sort  qui  désigne  les  jurés  de  service,  les  locaux 
oii  ils  se  rendront,  et  les  présidents  qu'ils  auront.  Dès  lors, 
quand  un  magistrat  a  terminé  l'instruction  d'une  affaire, 
entendu  les  parties,  recueilli  les  témoignages,  et  scellé  l'urne  oii 
sont  enfermées  toutes  les  pièces  du  procès,  il  avise  les  thesmo- 
thètes que  la  cause  est  en  état.  A  eux  maintenant  de  consti- 
tuer le  jury  devant  lequel  elle  sera  plaidée. 

Pour  cela,  la  loi  spécifie  que,  s'il  s'agit  d'une  action  publique, 
le  jury  sera  de  500,  1,000  ou  1,500  membres  (68,  i),  (1)  et  on  ne 
lui  soumettra  qu'une  seule  affaire  dans  la  journée  (67,  i).  En  cas 
d'action  privée,  le  jury  comprendra  200  ou  400  membres, 
suivant  que  les  intérêts  engagés  n'atteignent  pas  ou  dépassent 
1,000  drachmes  (53,  3)  (2),  et  on  sait  à  peu  près  le  temps  que 

(1)  Ce  ne  sont  là,  bien  entendu,  que  des  chiffres  ronds.  En  réalité,  il  faudrait 
leur  ajouter  une  unité;  car  les  Athéniens  avaient  coutume  de  réunir  un  nombre 
impair  de  jurés,  atin  d'éviter,  autant  que  possible,  un  partage  égal  des  voix 
(cf.  entre  autres  textes,  Dèm.,  c.  Tiynocrate,  9,  et  la  scolie  ;  Aristote,  au 
ch.  53,  3,  parle  bien  de  201  et  401  membres).  L'abstention  d'un  juré  suffisait 
d'ailleurs  à  rendre  vaine  cette  précaution  ;  le  cas  était  prévu  par  la  loi  (69,  1)  ;  et 
on  en  connaît  des  exemples,  comme  celui  que  cite  Eschine  (c.  Ctésiph.,  2.52). 
Dans  une  inscription  (/G,,  II  2,  778  fî),  les  voix  se  sont  partagées  en  100  contre 
l'accusé  et  399  pour  lui  :  il  est  plus  vraisemblable  de  supposer  deux  abstentions 
qu'un  jury  de  499  membres. 

(2)  On  trouvera,  dans  le  Dict.  des  Antiquités,  au  mot  Dikastai,  §6,  une  série 
d'exemples  relatant,  d'après  les  témoignages  anciens,  le  chiffre  des  jurys  qui 
auraient  tranché   un  assez   grand  nombre  de  procès.  Ils  concordent  le  plus 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L    AeUNAUiN   IIOAITEIA         45 

prendra  chaque  cause,  puisque  les  pajties  disposent  d'un 
nombre  de  minutes  en  rapport  avec  son  importance  (cf.  ci- 
dessous,  §  8,  /))  ;  il  n'y  a  d'incertitude  que  sur  le  nombre  des 
documents  dont  il  sera  donné  lecture  en  dehors  des  plaidoiries 
proprement  dites.  La  loi,  qui  cherche  évidemment  à  utiliser  le 
mieux  possible  le  temps  des  jurés,  a  dû  établir  des  règles  à  cet 
égard  et  stipuler,  par  exemple,  que  les  jurys  de  200  membres 
expédieront  quatre  affaires,  ou  ceux  de  400  membres  deux 
affaires  par  audience  (t).  Yoilà  déjà,  pour  les  thesmothètes, 
une  première  indication  ;  mais  ce  n'est  pas  tout.  Il  leur  faut 
attendre  qu'un  même  magistrat  leur  ait  envoyé  un  nombre  de 
causes  suffisant  pour  remplir  une  audience;  car,  sans  cette 
précaution,  le  président  étant  désigné  pour  la  journée  entière, 
il  aurait  à  diriger  certains  débats  sans  les  connaître.  D'autre 
part,  nous  verrons  plus  loin  (§  5,  D)  que  le  tirage  au  sort  des 
présidents  paraît  entraîner  l'obligation  de  ne  faire  {siéger  à  la 
fois  que  des  jurys  de  même  nature.  Enfin  il  y  a  peut-être 
aussi  des  délais  à  observer  entre  l'inscription  d'une  affaire  au 
rôle  et  la  clôture  de  l'instruction. 

Bref,  les  thesmothètes  rédigent,  un  certain  temps  à  l'avance, 
et  font  afficher  un  tableau  de  service  (Trp6vpa[Ap.a)  portant  que, 
tel  jour,  seront  jugées  les  affaires  un  tel  contre  un  tel,  tel 
sujet,  etc.,  et  qu'il  sera  constitué  tant  de  jurys  de  tant  de 
membres.  De  la  sorte,  tous  les  intéressés  se  trouvent  avertis  : 
les  parties  savent  qu'elles  doivent  se  présenter  et  être  prêles  à 
prendre  la  parole;  les  magistrats  qui  ont  fait  l'instruction  sont 
tenus  également  de  venir  pour  présider  l'audience  ;  et,  quant 
aux  citoyens  de  bonne  Volonté,  disposés  à  faire  fonction  de 
jurés,  ils  voient  s'ils  ont  besoin  de  se  présenter  en  foule,  et 
s'ils  ont  plus  ou  moins  de  chances  d'être  nommés. 

souvent,  mais  non  toujours,  avec  les  données  de  l'  'AB.  iroX.  Il  ne  paraît  pas 
douteux  qu'Aristote  reproduit  exactement  les  prescriptions  de  la  loi  ;  les  textes 
qui  le  contredisent,  à  moins  de  se  justifier  par  des  conditions  spéciales,  doivent 
être  tenus  pour  fort  suspects. 

(1)  On  ne  peut  hésiter  que  sur  le  nombre  des  affaires  à  trancher  dans  la 
même  journée;  cf.  67,  i  et  la  note. 


46  G.    COLIN 

3.  Dispositif  adopté  pour  les  tirages  au  sort  nécessaires  avant 
r ouverture  des  audiences.  —  Les  tribunaux  d'Athènes  n'étaient 
pas  tous  concentrés  dans  une  sorte  de  palais  de  justice  unique  : 
on  en  cite  tûoo;  to^;  'ztiyior.z,  ou  S',à  tcov  epjjioyXucpwv;  on  siégeait 
parfois  à  TOdéon  ou  au  Pécile  (cf.  Aristoph.,  Guêpes^  1109; 
Plut.,  Sur  le  démon  de  Socrate^  10  ;  7^,  II  2,  778  B).  Cepen- 
dant la  plupart  se  trouvaient  autour  de  l'Agora  (cf.  Lysias, 
Sur  les  biens  d'Aristophane,  55)  :  c'est  là  qu'ont  lieu,  le  matin 
des  jours  d'audiences,  les  tirages  au  sort  préliminaires  (scol. 
d'Aristoph.,  Plut.,  277). 

Les  bâtiments  sont  assez  vastes  pour  qu'on  puisse  mettre  à 
la  disposition  de  chaque  tribu  un  local  composé  de  deux  cham- 
bres, avec  entrée  spéciale  (1).  Les  membres  de  la  même  tribu 
se  trouvant  ainsi  entre  eux,  il  y  a  des  chances  pour  qu'ils  se 
connaissent,  et  les  tentatives  de  fraude  en  deviennent  tout  de 
suite  plus  difficiles  ;  quant  aux  deux  chambres,  elles  doivent 
avoir  pour  but  d'éviter  l'encombrement  et  d'accélérer  le  tra- 
vail. Un  chiffre  ou  un  écriteau  indique  sans  doute,  au-dessus  de 
chaque  entrée,  à  quelle  tribu  elle  est  destinée;  et,  comme  cer- 
taines opérations  semblent  réservées  au  bureau  de  la  première 
tribu,  il  est  probable  qu'on  observe  un  roulement  :  on  peut, 
par  exemple,  attribuer  le  premier  bureau  à  la  tribu  ayant  la 
prytanie,  les  autres  se  succédant  ensuite  dans  l'ordre  officiel. 

Dans  chaque  bureau,  en  face  de  la  porte,  on  installe  dix 
boîtes,  marquées  de  A  à  K  ;  les  citoyens  qui  désirent  siéger  y 
déposeront  leurs  tablettes  en  entrant,  chacun  dans  la  boite  qui 


(1)  On  veut  parfois  conclure  d'un  passage  d'Isocrate  {Aréopag.,  54)  que  le 
tirage  au  sort  a  lieu  en  avant  des  tribunaux,  sur  une  sorte  d'esplanade  divisée 
en  compartiments  {cf.,  p.  ex.,  Lipsius,  Das  attische  Rechl,  T,  p.  146).  Mais,  outre 
qu'une  telle  façon  de  procéder  serait  assez  peu  commode,  en  particulier  les 
jours  de  pluie,  elle  me  paraît  difficilement  s'accorder  avec  le  texte  de  1'  'A6.  ttoa. 
Quand  Aristote  parle  (63,  2)  d'etcjoSoi  eU  "cà  SixaaxT^oia,  je  ne  vois  à  cette  expres- 
sion qu'une  seule  signification  naturelle  :  des  portes  donnant  accès  dans  les 
bâtiments  des  tribunaux.  Par  contre,  il  n'y  a  pas,  je  crois,  d'inconvénients  à 
traduire,  chez  Isocrate,  Trpo  xwv  5tviacrTT,p{a)v  ■/.'kt\pov[i.évo'Ji  par  :  des  citoyens  qui 
viennent  courir  les  chances  du  tirage  au  sort  avant  l'ouverture  des  audiences. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAIQN   nOAITElA         47 

répond  à  sa  lettre  de  section.  A  l'intérieur,  on  prépare  en  outre 
d'autres  boites,  analogues  aux  premières,  et  distinguées  aussi 
par  un  caractère  de  l'alphabet,  mais,  cette  fois,  à  partir  de  A.  Il 
y  en  a  autant  qu'on  doit  former  de  tribunaux  :  on  y  mettra 
plus  tard  les  tablettes  des  jurés,  quand  ils  auront  reçu  leur 
destination. 

D'après  l'importance  des  jurys  à  constituer,  les  thesmothètes 
savent  d'avance  dans  quels  locaux  ils  devront  les  envoyer.  Or, 
sur  la  façade  de  chacun  d'eux,  le  linteau  de  la  porte  est  peint 
d'une  couleur  différente  :  Pausanias  (I,  28,  8)  nous  parle  ainsi 
du  Tribunal  rouge  et  du  Tribunal  vert,  to  ^oî.v',x!.ouv  et  to  BaToa- 
^t.ouv.  Gela  étant,  on  dispose,  près  de  la  porte  de  chaque 
bureau,  des  jeux  de  bâtons  peints  aux  couleurs  des  tribunaux. 
Leur  nombre  total  répond  à  celui  des  jurés  que  la  tribu  doit 
fournir,  soit  i/10  du  chiffre  total  ;  et,  comme  couleurs,  on  choi- 
sit celles  des  tribunaux  qui  vont  être  occupés.  Il  y  en  a  juste 
autant  de  chaque  espèce,  si  on  admet  l'hypothèse  que,  dans  la 
même  journée,  on  ne  fait  siéger  que  des  jurys  de  même  impor- 
tance. 

Suivant  le  même  principe,  on  prépare  aussi  des  séries  de 
glands,  portant  des  lettres  à  partir  de  A  (1).  Comme  pour  les 
bâtons,  il  en  faut  autant  que  de  jurés.  Bien  entendu,  on  les 
choisit  marqués  aux  lettres  des  tribunaux  appelés  à  fonctionner 
ce  jour-là  ;  et,  toujours  dans  notre  hypothèse,  on  en  prend  un 
nombre  égal  de  chaque  sorte. 

Les  opérations  du  tirage  au  sort  exigeront  encore  deux 
hydries  par  bureau  :  dans  l'une,  on  mettra  des  cubes,  blancs 
ou  noirs,  destinés  à  garder  ou  à  récuser  les  citoyens  qui  se 
présenteront  ;  dans  l'autre,  les  glands  qui  leur  assigneront  leur 
tribunal.  Aristote  mentionne  plus  loin  (66,  i)  deux  xXyipwTTipta 
servant,  dans  le  bureau  de  la  première  tribu,  au  tirage  au  sort 
des  présidents.  Gomme  cette  opération  ne  se  fait  qu'après  le 

(1)  Aristote  ne  nous  dit  pas  s'ils  sont  en  bois  ou  en  métal.  Il  ne  nous  en  est 
parvenu  aucun  ;  mais  ce  n'est  là  qu'un  indice  bien  faible  en  faveur  de  la  pre- 
mière hypothèse. 


48  G.    COLIN 

tirage  des  jurés,  j'imagine,  malgré  la  différence  des  noms, 
qu  il  s'agit  toujours  des  deux  mêmes  urnes,  utilisées  de  nou- 
veau avec  d'autres  sortes  de  cubes.  Et  je  suppose  également 
(mais,  cette  fois,  Aristote  ne  nous  fournit  pas  la  moindre  indi- 
cation) que,  toujours  dans  le  bureau  de  la  première  tribu,  une 
au  moins  de  ces  deux  mêmes  hydries  sert,  avant  toute  autre 
chose,  au  tirage  des  lettres  affectées  aux  tribunaux. 

Nous  venons  de  parler  des  cubes.  Nous  pouvons  nous  les 
représenter  comme  de  gros  dés,  en  bronze.  Il  en  faut  de  peints 
en  blanc,  en  noir,  et  aux  couleurs  des  tribunaux;  en  outre, 
d'autres  encore  sur  lesquels  on  inscrira  d'une  fois  à  l'autre 
les  noms  des  présidents.  Les  deux  dernières  catégories  peuvent 
être  préparées  à  l'avance,  puisque  les  thesmothètes  savent 
quels  tribunaux  ils  vont  utiliser,  et  quels  magistrats  ont  ins- 
truit les  causes  qui  seront  appelées.  Rien  n'empêche  non  plus 
d'estimer  le  nombre  des  cubes  blancs;  nous  verrons  tout  à 
l'heure  par  quel  calcul.  Mais,  pour  les  cubes  noirs,  il  est 
nécessaire  d'attendre  que  tous  les  citoyens  de  bonne  volonté 
soient  entrés. 

Enfin,  dans  chacune  des  vingt  chambres,  se  trouvent  cinq 
xavovtôsc,  marquées  de  A  à  E  ou  de  .1  à  K.  Aristote  néglige  de 
les  décrire.  Ce  sont  apparemment  des  sortes  de  tableaux  à  rai- 
nures, analogues,  en  beaucoup  plus  petit,  à  ceux  oii  l'on  glisse, 
dans  nos  gares,  les  écriteaux  indiquant  la  direction  ou  l'heure 
des  trains.  Ici,  on  y  introduira,  par  rangées  de  cinq,  les 
tablettes  d'identité  des  candidats  aux  fonctions  de  jurés,  à 
mesure  qu'elles  seront  tirées  des  boîtes  de  chaque  section. 
Comme  il  y  a  dix  xavovlSeç  par  tribu,  douze  rangées,  fournis- 
sant soixante  places,  suffiraient  à  recevoir  le  chiffre  maximum 
de  tablettes  auquel  on  puisse  songer,  à  supposer  qu'un  jour, 
pour  un  procès  d'un  intérêt  exceptionnel,  tous  les  Athéniens 
capables  d'être  jurés  se  présentent  à  la  fois.  Mais,  en  général, 
plusieurs  de  ces  rangées  restent  vides. 

4.  Fonctionnaires  préposés  aux  tirages  aux  sorts,  —  Le  tirage 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNA[i2N    nOAITEIA  49 

au  sort  des  jurés  a  lieu  tribu  par  tribu.  Or,  tous  les  ans,  les 
dix  tribus  ont  un  représentant  dans  le  collège  des  archontes,  à 
savoir  l'archonte,  le  roi,  le  polémarque,  un  des  six  thesmo- 
thètes,  ou  le  secrétaire  de  ces  derniers,  suivant  un  tour  de  rôle. 
Ce  sont  ces  magistrats  qui  viennent  diriger  les  opérations,  le 
matin  des  jours  d'audience,  chacun  dans  sa  tribu. 

Ils  ont  avec  eux,  dans  chaque  bureau,  un  appariteur  (uTrrjpé- 
Tf[^)  et  un  huissier  (xfipu^)  :  pour  le  premier,  Aristote  nous  dit 
expressément  que  c'est  un  esclave  public  (65,  4)  ;  il  en  est  appa- 
remment de  même  pour  le  second.  En  outre,  le  moment  venu, 
ils  désigneront  par  tribu  dix  jurés,  qui  seront  chargés  des  fonc- 
tions d'afficheurs  (£ji.TrTixTa^)  (1). 

Sans  entrer,  pour  l'instant,  dans  plus  de  détails,  nous  allons 
essayer  de  nous  rendre  compte,  point  par  point,  du  rôle  exact 
des  uns  et  des  autres. 

5.  Opérations  du  tirage  au  sort  dans  les  bureaux  des  tribus, 
—  A.  Attribution  d'une  lettre  à  chaque  tribunal,  —  Les  jours 
d'audience,  on  se  réunit  de  très  bonne  heure  sur  l'Agora  :  il 
est  maintes  fois  question,  dans  Aristophane,  de  jurés  partant  de 
chez  eux  en  pleine  nuit.  Ils  se  rendent  devant  l'entrée  réservée 
à  leur  tribu;  et,  dès  que  les  portes  sont  ouvertes,  en  pénétrant 
dans  leurs  bureaux  respectifs,  ils  commencent  par  déposer 
leurs  tablettes  dans  les  boites  portant  leur  lettre  de  section. 

La  première  opération  consiste  à  attribuer  une  lettre  à  chaque 
tribunal.  A  la  rigueur,  elle  pourrait  se  faire  avant  l'entrée  des 
jurés  ;  mais  il  est  probable  qu'on  tient  à  la  rendre  publique  : 
on  attend  donc  au  moins  la  présence  d'un  certain  nombre  de 
citoyens.  Aristote  est  très  sobre  de  détails  à  son  sujet  (63,  5). 
Comme  il  ne  parle  que  d'un  seul  thesmothète  (2),  et  sans 
spécifier  qu'il  soit  tiré  au  sort,  j'imagine  que  cette  désignation 

(1)  On  peut  supposer  qu'ils  ont  aussi  à  leur  disposition  quelques  archers  de 
la  police,  pour  maintenir  Tordre. 

(2)  Je  rappelle  qu'Aristote,  dans  son  exposé,  emploie  souvent  le  mot  e£<T[xoeÉxTi<: 
pour  désigner  un  quelconque  des  magistrats  présidant  les  bureaux  des  tribus 
(cf.  p.  23). 

REG,  XXX,  1917,  n*  136.  4 


50  <i.    COLIN 

préliminaire  des  lettres,  par  analogie  avec  celle  des  présidents 
en  dernier  lieu,  se  passe  èv  tw  upwTw  twv  §!.xao":rip'l(i)v,  c'est-à-dire 
dans  le  bureau  de  la  première  tribu  (cf.  66,  i).  A  ce  moment, 
il  est  vrai,  on  recourra  à  deux  thesmothèles  et  à  deux  urnes. 
Ici,  on  s'en  remet  au  magistrat  du  premier  bureau,  quel  qu'il 
soit.  Il  peut,  d'ailleurs,  se  tirer  d'affaire  avec  une  urne  :  il  lui 
suffit  d'y  mettre  des  cubes  aux  couleurs  des  tribunaux,  et  de 
convenir  que  le  premier  cube  indiquera  le  tribunal  auquel 
sera  affectée  la  lettre  A  ;  le  tribunal  de  même  couleur  que  le 
second  cube  aura  la  lettre  M;  etc. 

Dès  que  l'opération  est  terminée,  —  et  elle  est  fort  courte,  — 
l'appariteur  du  premier  bureau,  aidé  peut-être  par  quelques  col- 
lègues, va  afficher,  à  la  porte  de  chacun  des  tribunaux  destinés 
à  servir  ce  jour-là,  la  lettre  qui  vient  de  lui  être  assignée. 
D'après  le  scol.  d'Aristoph.  {Phit.,  277),  il  parait  s'agir  d'une 
planchette  portant,  peinte  en  rouge,  la  lettre  voulue. 

B.  Désignation  des  jurés  de  service.  —  Aristote  ne  dit  rien  du 
laps  de  temps  accordé  aux  citoyens  pour  se  présenter  dans  le 
bureau  de  leur  tribu.  Il  doit  cependant  être  limité  ;  car  on  ne 
peut  attendre  indéfiniment  les  retardataires  ;  et,  dès  l'instant  oii 
le  président  a  commencé  à  tirer  les  tablettes,  il  serait  con- 
traire à  l'équité  d'en  laisser  encore  ajouter  de  nouvelles.  Il  est 
donc  probable  qu'on  hisse  sur  l'Agora,  au  bout  d'un  mât,  un 
fanion  quelconque,  un  tyijjiewv,  semblable  à  celui  dont  parle 
Aristophane  pour  les  salles  d'audience,  en  un  temps  oii  les 
jurés  savent  d'avance  où  ils  ont  à  se  rendre  [Guêpes,  690).  A 
un  moment  donné,  on  abaisse  le  fanion  :  c'est  le  signe  qu'il  ne 
servirait  plus  à  rien  d'accourir.  Le  président  et  son  appariteur 
se  mettent  à  l'œuvre. 

L'appariteur  recueille  les  boîtes  qui  étaient  près  de  l'entrée; 
il  les  apporte  au  magistrat,  et  les  secoue  avec  soin  pour  bien 
mêler  les  tablettes.  De  chaque  boîte  le  président  tire  une 
tablette  :  les  noms  ainsi  amenés  désignent,  dans  chaque  section, 
un  juré  qui  fera  fonction  d'afficheur,  et  qui  vient  se  placer  au 
pied  de  la  xavovlç  répondant  à  sa  section.   Alors  le  président 


I 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    L    AeUNAl<)N    IIOAITEIA         51 

continue  à  extraire  toutes  les  tablettes,  depuis  la  boîte  A  jus- 
qu'à la  boîte  K.  A  mesure  qu'il  les  tire,  il  les  passe  aux  afficheurs 
successifs;  et  ceux-ci,  en  suivant  l'ordre  ainsi  déterminé  par  le 
hasard,  les  glissent  dans  les  xavovLosç  par  rangées  horizontales 
de  cinq.  Tous  les  noms  se  trouvent  ainsi  en  évidence,  et  il  est 
impossible  désormais  d'en  modifier  l'ordre  arbitrairement  (1). 
Cela  fait,  dans  une  des  hydries  on  met  des  cubes  blancs  et 
des  cubes  noirs.  Le  texte  d'Aristote  est  peu  clair  à  cet  endroit  ; 
à  la  dissertation  de  Teusch  revient  l'honneur  d'en  avoir  donné 
l'explication,  je  crois,  définitive.  Pour  gagner  du  temps,  les 
Athéniens  ont  décidé  de  trancher  d'un  seul  coup  le  sort  de 
cinq  tablettes.  Il  faut  donc  préparer  non  pas  autant  de  cubes 
blancs  que  la  tribu  doit  fournir  de  jurés,  et  autant  de  cubes 
noirs  qu'il  est  nécessaire  d'en  récuser,  mais  seulement  le  cin- 
quième de  ces  chifïres.  Supposons  qu'on  ait  besoin,  pour  la 
journée,  de  1,200  jurés;  chaque  tribu  en  a  120  à  fournir;  on 
songe  donc  à  24  cubes  blancs.  En  réalité,  il  en  faut  deux  de 
moins,  parce  que  les  dix  afficheurs  sont,  de  droit,  membre  des 
jurys,  soit  22  cubes  dans  le  cas  présent.  Pour  les  cubes  noirs, 
ils  répondent  à  la  différence  entre  le  nombre  des  tablettes 
déposées  et  celui  des  jurés  à  fournir.  S'il  est  venu  200  membres 

de  la  tribu,  il  faudra  - — ~  "^    =  16  cubes  noirs-.  Comme  ce 

o 

calcul  est  établi  pour  l'ensemble  de  la  tribu,  les  sections  se 
compensent  l'une  l'autre  (2). 

L'hydrie  étant  garnie  des  cubes  voulus,  le  président  se  trans- 
porte tour  à  tour  dans  chacune  des  deux  salles  ;  l'appariteur  le 
suit  avec  l'hydrie.  A  mesure  qu'il  tire  un  cube,  il  règle  le 
sort  des  cinq  jurés  d'une  rangée.  On  prend,  bien  entendu,  ces 

(1)  On  fixe  les  noms  sur  les  tableaux  à  rainures  pour  éviter  les  déplacements  de 
faveur,  comme  ceux  qu'Aristophane  signale  sur  les  rôles  du  recrutement  au  mo- 
ment des  levées  partielles.  A  la  fin  des  Cavaliers,  c'est  une  des  réformes  dont 
Démos  reconnaît  la  nécessité  (v.  1369  :  oùSeli;  xatà  airouSàç  [xsxe-fypacpTiacTa'.). 

(2)  Aristote  ne  prévoit  pas  du  tout  le  cas  où,  dans  ane  tribu,  il  se  présenterait 
un  nombre  de  citoyens  inférieur  à  celui  dont  on  a  besoin.  La  passion  des  Athé- 
niens pour  les  procès  faisait  peut-être  paraître  chimérique  une  pareille  hypo- 
thèse. Mais,  si  c'est  un  oubli,  rien  ne  nous  indique  d'après  quelles  règles  on 
recourait  alors  aux  autres  tribus. 


52  Ct.  colin 

rangées  dans  l'ordre  où  elles  ont  été  constituées.  Admettons 
qu'il  sorte  d'abord  un  cube  noir,  l'afficbeur  n'a  qu'à  retirer  les 
cinq  tablettes  de  la  première  rangée  et  à  les  mettre  provisoi- 
rement de  côté.  S'il  vient  ensuite  un  cube  blanc,  les  cinq  juros 
de  la  seconde  rangée  sont  assurés  de  siéger  ;  et  ainsi  de  suite. 

Ici  on  pourrait  se  demander  si  les  jurés  désignés  par  les 
cubes  blancs  viennent  chercher  tout  de  suite  le  gland  qui  leur 
indiquera  leur  tribunal.  J'ai  déjà  expliqué  pourquoi  la  chose, 
en  pratique,  me  paraît  assez  difficile  (1).  Je  suppose  donc  qu'on 
en  finit  d'abord  avec  le  tirage  des  cubes,  l'afficheur  se  bornant 
à  enlever  les  tablettes  des  jurés  récusés.  Il  ne  reste  plus  main- 
tenant, sur  les  xavov'lSs;,  que  les  noms  des  jurés  de  service. 

C.  Répartition  des  jurés  entre  les  tribunaux.  —  Le  président 
et  son  appariteur  refont  encore  le  tour  des  xavovlSsç;  mais,  cette 
fois,  l'appariteur  tient  l'hydrie  o\\  sont  les  glands,  et  un  autre 
employé,  sans  doute  l'huissier,  porte  une  série  de  boîtes 
marquées  aussi  des  lettres  à  partir  de  A.  L'huissier  appelle, 
les  uns  après  les  autres,  les  noms  qu'il  lit  sur  les  xavovlSeç. 
Chaque  juré,  ainsi  proclamé,  vient  tirer  un  gland  dans  l'hydrie, 
et  il  le  montre,  la  lettre  en  l'air,  au  président.  En  même  temps, 
celui-ci  reçoit  des  mains  de  l'afficheur  la  tablette  correspon- 
dante extraite  de  la  xavoviç  ;  sur  le  vu  du  gland,  il  la  jette  dans 
la  boîte  de  même  lettre.  Le  juré  sait  désormais  à  quel  tribunal 
il  est  affecté  (2)  ;  mais  il  doit  encore  attendre  une  dernière 
formalité  avant  de  s'y  rendre.  Quand  le  tirage  des  glands  est 
terminé,  l'appariteur  se  place  près  de  la  porte;  chaque  juré, 
en    sortant,    lui    présente    son  gland,    comme   il  a  fait  pour 


(1)  Cf.  dans  la  traduction,  la  note  au  ch.  64,  §  4. 

(2)  Pour  ces  deux  tirages  au  sort,  Aristote  emploie  toujours  le  même  terme, 
Xaj^etv.  Je  me  demande  si,  en  réalité,  ils  ne  se  distinguaient  pas  par  deux  expres- 
sions différentes,  \<xytX^  et  àirox>v'r\p(ii)6f,vai;  car  c'est  ainsi  que  j'interpréterais 
volontiers  un  passage  de  Démosthène  souvent  cité,  mais  compris  de  façons  diffé- 
rentes (c.  Aristogiton,  I,  27).  «  Tous  les  Athéniens,  dit-il,  viennent  de  se  présenter 
au  tirage  au  sort,  et  tous,  je  le  sais  bien,  désiraient  être  désignés  pour  ce  tri- 
bunal. Vous  seuls  cependant  êtes  nos  juges;  pourquoi?  Parce  qu'un  premier 
tirage  a  fait  de  vous  les  jurés  du  jour;  puis  un  second,  plus  restreint,  vous  a 
envoyés  ici  »  (8tt  ikiyfve^  sit'  àiîexXripwÔTiTs). 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"A0HxNAfi2N    nOAITEIA         53 

l'archonte;  il  reçoit  alors  un  bàlon  dont  la  couleur  répond  au 
môme  tribunal  que  la  lettre  inscrite  sur  le  gland. 

On  voit  de  quelles  précautions  la  loi  athénienne  entoure  la 
nomination  des  jurés.  Vers  la  fin  du  iv*  siècle,  ils  ne  savent 
pas,  le  matin  môme  de  Taudience,  à  quel  tribunal  ils  siégeront; 
c'est  le  sort  qui  en  décide  seul  ;  les  magistrats  eux-mômes 
n'y  peuvent  rien.  Le  jeton,  et  surtout  le  bâton,  empochent 
toute  tentative  de  fraude  à  l'entrée  des  locaux  désignés.  Et  on 
a  môme  prévu  le  cas  où  deux  jurés  s'accorderaient  pour 
échanger  leur  jeton  et  leur  bâton  ;  car  les  tablettes  réparties, 
tribu  par  tribu,  dans  les  boîtes  marquées  aux  lettres  des  tribu- 
naux fournissent  la  liste  exacte  des  jurés  de  chacun  d'eux. 

Les  opérations  sont  terminées  dans  les  bureaux  des  tribus, 
en  ce  qui  concerne  les  jurés.  On  peut  donc  remettre  leurs 
tablettes  à  ceux  qui  ont  été  éliminés  :  c'est  ce  que  font  les 
afficheurs,  dès  que  les  xavovlSsç  sont  vides. 

Z>.  Tirage  au  sort  des  présidents.  —  Heste  à  répartir  les  prési- 
dents ;  ici  encore  nous  nous  heurtons  à  des  incertitudes. 
D'abord,  oii  a  lieu  cette  répartition?  Aristote  dit  :  sv  tw  TrpwTto 
Twv  B'.xao-TYip'lwv  ;  l'expression  est  amphibologique.  Elle  pourrait 
signifier  dans  le  tribunal  A;  mais,  comme  il  n'est  pas  forcé- 
ment sur  l'Agora,  il  paraît  peu  pratique  d'obliger  tous  les 
présidents  à  se  transporter  dans  un  quartier  peut-ôtre  éloigné, 
alors  que  la  plupart  d'entre  eux  auront  sans  doute  ensuite  à 
revenir  sur  l'Agora.  D'ailleurs,  sans  se  déranger,  on  a  sur 
place  tout  le  matériel  voulu,  du  moins  les  deux  urnes  et  les 
cubes  aux  couleurs  des  tribunaux.  Enfin,  comme  l'opération 
doit  être  publique,  et  qu'elle  n'intéresse  pas  seulement  les 
membres  du  tribunal  A,  je  suppose  que,  par  to  TtpwTov  twv 
StxaffTTipflwv,  il  faut  entendre  le  bureau  de  la  première  tribu,  oii 
un  certain  nombre  de  jurés  peuvent  aisément  passer  avant  de 
se  rendre  à  leur  poste. 

Le  tirage  en  question  n'est  cependant  pas  fait  par  le  prési- 
dent de  ce  bureau.  Nous  avons  admis  qu'on  lui  abandonnait 
celui  des  lettres  à  attribuer  aux  divers  tribunaux;  car  ce  détail, 


54  G.    COLIN 

en  somme,  était  sans  grande  importance.  Mais,  à  présent,  on 
a  recours  à  deux  des  six  thesmothètcs  proprement  dits  (1)  ;  et 
encore  a-t-on  soin  de  tirer  au  sort,  chaque  fois,  ceux  d'entre 
eux  qui  doivent  opérer.  Dans  une  urne,  ils  mettent  des  cubes 
peints  aux  couleurs  des  locaux  désignés  pour  la  journée  ;  dans 
l'autre,  des  cubes  où  sont  inscrits  les  noms  des  magistrats  qui 
ont  instruit  les  affaires  à  juger.  Simultanément,  ils  tirent 
chacun  un  cube;  le  magistrat  dont  le  nom  sort  d'un  côté 
est  affecté  au  tribunal  dont  la  couleur  est  amenée  de  l'autre. 
Les  choses  semblent  très  simples  ainsi.  Pourtant,  si  on  y 
réfléchit,  elles  entraînent,  comme  conséquences,  des  règles  dont 
Aristote  ne  dit  rien.  En  effet,  nous  regardons  comme  une  chose 
nécessaire  que  les  débats  soient  dirigés  par  le  magistrat  à  qui 
la  loi  a  confié  l'instruction,  et  non  par  un  magistrat  quelconque 
qui  ignorerait  tout  de  la  cause.  Le  tirage  au  sort  des  présidents 
est  donc  limité  strictement  aux  fonctionnaires  qui  ont  suivi 
les  affaires  figurant  sur  le  TcpoyoatjLjjia  du  jour  :  ils  ne  savent  pas 
d'avance  quel  jury  on  leur  donnera  ;  mais  ils  sont  sûrs  de 
siéger,  et  il  est  entendu  que  leurs  dossiers  les  suivront  là  où 
on  les  enverra.  Dès  lors,  nous  sommes  pris  dans  un  dilemme  : 
comme  les  jurys,  suivant  leur  composition,  ne  peuvent  con- 
naître que  de  causes  déterminées,  ou  bien  on  procède  à  une 
série  de  tirages  destinés  à  nommer  successivement  les  prési- 
dents des  jurys  de  200,  400,  500  membres,  etc.  ;  ou  bien  il  n'y 
a  qu'un  seul  tirage  ;  mais  alors,  dans  la  môme  journée,  les 
différents  jurys  ont  la  même  importance.  En  l'absence  de  toute 
indication  sur  ce  point  dans  F'ASyivaiwv  ttoaitsU,  la  seconde 
hypothèse  paraîtra  sans  doute  la  plus  naturelle. 

6.  Dispositif  et  matériel  des  salles  d'audience.  —  La  réparti- 
tion des  jurés  et  des  présidents  étant  terminée,  nous  nous  trans- 
portons maintenant  dans  les  salles  d'audience.   Aristote    ne 

(1)  Aristote  est  extrêmement  net  sur  ce  point  :  qu  il  s'agisse  d'actions  privées 
ou  publiques,  la  répartition  des  jurés  entre  les  présidents  est  une  attribution 
des  thesmothètes;  cf.  59,  1  et  5). 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AftHNAK>N   nOAITEIÂ  55 

s'arrête  pas  à  les  décrire,  comme  il  a  fait  précédemment  pour 
les  bureaux  de  vote.  C'est  encore  une  lacune  à  combler. 

Je  passe  très  vite  sur  la  disposition  môme  des  locaux.  On  sait 
assez  qu'ils  comprennent  une  enceinte  réservée,  entourée  de 
barrières  (SpucpaxTO'.),  oii  l'on  pénètre  par  une  porte  grillagée 
(xLyxX'lç).  C'est  là  la  place  des  jurés;  ils  viennent  s'asseoir  sur 
plusieurs  rangées  de  bancs  de  bois  (d'oii  l'expression  d'Aris- 
tophane, Guêpes^  89,  s~l  toù  TrpwTou  \uKou)  recouverts  de  nattes 
((|;t.àQt.a).  Deux  estrades  ([37]|jLaTa)  reçoivent  les  parties,  avec  les 
personnes  qui  les  assistent.  Une  troisième  supporte  apparem- 
ment le  fauteuil  du  président  :  c'est  là  que  sont  prononcées  les 
plaidoiries,  que  comparaissent  les  témoins,  et  qu'en  dernier  lieu 
sont  déposés  et  comptés  les  bulletins  de  vote.  Enfin  une  statue 
du  héros  Lycos,  représenté  sous  la  forme  d'un  loup,  complète 
généralement  le  décor  du  tribunal. 

Les  jours  d'audience,  on  a  besoin,  en  outre,  d'un  matériel 
assez  compliqué,  dont  une  portion  doit  être  apportée  du  dehors, 
tandis  qu'une  aulre  peut  être  conservée  sur  place.  Dans  le  pre- 
mier groupe  nous  retrouvons  d'abord  les  boites,  numérotées 
à  partir  de  A,  où  l'on  a  classé,  tribu  par  tribu,  les  tablettes  des 
jurés  désignés  pour  les  divers  tribunaux.  Chacun  en  reçoit  donc 
dix,  marquées  à  sa  lettre  ;  et  il  lui  en  faut  de  plus  une  onzième, 
vide,  pour  de  nouvelles  opérations  de  tirage  au  sort. 

Ensuite,  deux  catégories  de  jetons  ((7y[jLêoXa)  serviront  à  cons- 
tater, d'une  part,  que  les  jurés  sont  arrivés  à  temps  pour  assis- 
ter à  tous  les  débats,  et,  d'autre  part,  qu'ils  ont,  à  la  fin, 
exprimé  leur  sentence.  Sur  l'aspect  des  premiers  Aristote  ne 
nous  fournit  aucun  renseignement  :  tout  au  plus,  de  l'expres- 
sion 7rapaAap.êàv£'.  cru jjiêoXov  Sri[ji.oa-'la  (65,  2)  peut-on  conclure 
qu'ils  portent  quelque  empreinte  ofticielle.  Pour  les  seconds, 
il  spécifie  (68,  2)  qu'ils  sont  en  bronze,  et  timbrés  d'un  r  rap- 
pelant le  triobole,  contre  lequel  ils  seront  finalement  échangés; 
aucun  spécimen  ne  nous  en  est  parvenu.  Quant  aux  premiers,  il 
est  bien  séduisant  de  les  identifier  avec  de  petits  disques  de 
plomb    dont  on  connaît  quelques  échantillons,  et  qui  offrent. 


56  G.    COLIN 

sur  une  face,  une  chouette  entourée  de  deux  branches  d'olivier 
(c'est-à-dire  le  revers  habituel  du  triobole  d'Athènes),  et,  de 
l'autre,  une  lettre  de  l'alphabet.  Comme  ces  lettres,  dans  les 
exemplaires  conservés,  sont  toujours  antérieures  au  A,  il  est 
impossible  d'y  voir  les  lettres  des  tribunaux;  par  contre,  il 
n'est  guère  satisfaisant  d'invoquer  à  leur  sujet  les  sections 
héliastiques,  puisque  les  jurés  dans  les  salles  d'audience,  ne 
sont  plus  classés  par  sections.  On  a  donc  proposé  de  les  rap- 
porter, eux  aussi,  aux  divisions  du  théâtre,  quand  l'xAssemblée 
du  peuple  y  tient  ses  séances  (Cf.  Svoronos,  art.  cité).  La  pré- 
sence d'une  urne  sur  un  de  ces  jetons  reste  cependant  un  argu- 
ment sérieux  en  faveur  de  l'ancienne  hypothèse.  L'emploi  du 
plomb  s'expliquerait  bien  par  le  désir  d'éviter  toute  confusion 
avec  les  jetons  de  bronze  marqués  du  T.  Et,  comme  la  même 
difficulté  résultant  des  lettres  antérieures  au  A  se  reproduit 
également  à  propos  des  bulletins  de  vote,  je  me  demande  si, 
dans  les  deux  cas,  elle  ne  s'expliquerait  pas  par  une  précaution 
supplémentaire  contre  les  tentatives  de  fraude.  Jetons  et  bul- 
letins ont  toujours  la  même  forme  ;  seulement  il  en  existerait 
plusieurs  séries  distinguées  par  des  lettres;  on  changerait  les 
séries  d'un  jour  à  l'autre,  comme,  dans  nos  théâtres,  on  varie 
les  contremarques  de  sortie  :  ce  serait  une  façon  de  contrôler, 
en  cas  de  besoin,  l'honnêteté  des  [urés. 

S'il  en  est  ainsi,  nous  admettrons  encore  que  les  bulletins  de 
vote  sont  apportés  du  dehors  pour  chaque  audience,  sans  doute 
par  les  appariteurs  des  thesmothètes.  Ce  sont  des  disques  de 
bronze  percés  d'une  petite  tige,  tantôt  pleine,  tantôt  creuse. 
Sur  une  face  sont  inscrits  les  mots  «J^rlcpoç  SyijjLocrla;  sur  l'autre, 
on  a  gravé  une  lettre  (1).  Il  faut  autant  de  bulletins  de  chacune 
des  deux  sortes  que  le  jury  compte  de  membres. 

Le  reste  du  matériel  peut,  au  contraire,  séjourner  à  demeure 


(1)  Sur  treize  exemplaires  cités  par  Lechat  {BCH.,  XI,  1887,  p.  210),  onze  por- 
tent des  lettres  antérieures  au  A;  les  deux  autres  ont  un  M.  Si  on  admet  que  ces 
lettres  servaient  simplement  à  distinguer  des  séries,  la  présence  des  M  ne  soulève 
aucune  difficulté. 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    l"A0BNAIQN   nOAITEIA         57 

dans  les  tribunaux.  Pour  que  les  parties  soient  à  môme  de 
constater  que  tous  les  jurés  reçoivent  bien  un  bulletin  de  cha- 
que espèce,  on  les  dépose,  dit  Arislole  (68,  J  sur  un  XuyvsTov, 
qu'il  ne  décrit  d'ailleurs  aucunement.  C'est  sans  doute  un  sup- 
port plus  ou  moins  analogue  à  ceux  qu'on  utilise  d'ordinaire 
pour  les  lampes.  Peut-être  y  en  a-t-il  à  plusieurs  branches,  de 
façon  à  servir  pour  plusieurs  jurés  à  la  fois.  Nous  en  sommes 
la-dessus  entièrement  réduits  aux  hypothèses. 

Les  opérations  de  vote  exigeront  encore  deux  amphores,  l'une 
en  bois,  l'autre  en  bronze;  dans  la  première  les  jurés  se  débar- 
rassent du  bulletin  qu'ils  annulent;  dans  la  seconde  ils  dé- 
posent celui  qu'ils  veulent  faire  compter.  Afin  d'éviter  qu'on 
n'en  glisse  indûment  deux  d'un  coup  dans  l'urne  de  bronze, 
celle-ci  est  munie  d'un  couvercle,  probablement  métallique, 
où  une  fente  étroite  laisse  juste  la  place  nécessaire  au  passage 
d'un  seul  bulletin. 

Pour  le  dépouillement  du  vote,  on  se  sert  de  planchettes  spé- 
ciales (aêaxs;)  percées  d'autant  de  trous  qu'il  y  a  de  jurés.  Sur 
chaque  trou  un  met  un  bulletin,  en  groupant  en  haut  les  bul- 
letins pleins,  en  bas  les  bulletins  creux,  ou  réciproquement. 
Les  tiges  se  dressent  forcément  en  l'air;  les  intéressés  peuvent 
d'un  coup  d'oeil  contrôler  l'exactitude  de  la  répartition;  et  il 
suffit  de  compter  les  rangées  de  chaque  sorte  pour  connaître 
très  vite  le  chiffre  des  votes  émis  dans  un  sens  ou  dans  l'autre. 
Les  vides,  s'il  y  en  a,  dénoncent  sur  le  champ  les  abstentions. 

Le  dernier  objet  dont  il  nous  reste  à  parler  est  peut-être  celui 
auquel  les  auteurs  font  le  plus  souvent  allusion  (1)  ;  et  cepen- 


(1)  Dans  les  plaidoyers,  il  suffit  de  rappeler  des  locutions  comme  av  èyX^P^  '^^ 
OSwp  (Dém.,  c.  Leocharès,  45),  ou^,  ixavdv  [xot.  tô  'jSwp  laxî  (id.,  c.  Stéphanos,  1,  47), 
Trpôç  ôXtyov  uSwp  dvayxaî^ôixsvoi;  Xsvsiv  (id.,  c.  Spoiidias,  30),  oùx  êvSéystai  Ttpôç  xè 
aû6'  OStop  el-jreîv  (id.,  c.  Aphobos,  I,  12),  àvayxa^O!J.ai  5tà  t6  ôXîyov  £Ïva{  [xot  xo  'jSwp 
TrapaXntsTv  (id.,  c.  Boiotos,  II,  38),  etc.  Ces  expressions  sont  si  bien  entrées  dans 
le  langage  courant  qu'on  les  retrouve  mêuie  dans  des  discours  fictifs,  comme 
YAntidosis  d'Isocrate  (320).  Parler  en  se  réglant  sur  la  clepsydre  est  le  trait 
caractéristique  des  tribunaux,  par  opposition  à  TAssemblée  du  peuple  (Alci- 
damas,  Sur  les  sophistes,  4)  ou  aux  écoles  des  philosophes  (Platon,  Théétète^ 
172  D,  201  B). 


58  G-    COLIN 

dant  nous  le  connaissons  fort  mal  :  c'est  la  clepsydre  (1).  Aristote, 
dont  tous  les  lecteurs  savaient  évidemment  à  quoi  s'en  tenir,  se 
borne  à  dire  que  la  clepsydre  est  munie  d'un  petit  tuyau  d'écou- 
lement, et  qu'on  y  verse  de  l'eau  en  quantité  voulue  pour 
régler  la  durée  des  plaidoiries.  Mais  d'oii  lui  venait  son  nom, 
et  couiment  était-elle  faite?  nous  sommes  bien  embarrassés 
pour  arriver  sur  ce  sujet  à  quelque  précision. 

La  mention  la  plus  ancienne  que  nous  ayons  d'une  clepsydre 
se  trouve  dans  des  vers  d'Empédocle  cités  par  Aristote  [de  la 
Respiration,  ch.  vu).  Il  s'agit  alors  d'une  sorte  de  jouet  scien- 
tifique dont  s'amusent  les  petites  filles  :  il  consiste  en  un  vase 
de  bronze  fermé  de  toutes  parts  (sauf  dans  le  fond,  qui  est  percé 
d'un  certain  nombre  de  trous),  et  surmonté  d'une  poignée 
creuse,  au  sommet  de  laquelle  a  été  aussi  ménagée  une  petite 
ouverture.  Si  on  plonge  ce  vase  dans  l'eau  en  dégageant  l'ou- 
verture de  la  poignée,  l'air  s'échappe  par  le  haut,  et  le  vase  se 
remplit;  qu'on  mette  le  doigt  sur  l'ouverture,  on  peut  retirer 
le  vase  sans  qu'il  se  vide.  La  manœuvre  inverse  permettrait  de 
le  vider  ou  empêcherait  de  le  remplir.  Le  hasard  nous  a  conservé 
plusieurs  vases  de  terre  rappelant,  avec  des  perfectionnements 
plus  ou  moins  ingénieux,  celui  dont  parle  Empédocle;  et,  dans 
la  même  catégorie,  on  peut  encore  faire  rentrer  des  sortes  de 
pipettes  en  métal,  qui  ont  dû  servir  à  puiser  des  liquides  dans 
de  grands  vases. 

Là,  le  terme  de  clepsydre  s'explique,  si  l'on  veut,  par  ce 
qu'avait  sans  doute  d'un  peu  mystérieux,  au  v''  siècle,  cette 
application,  pourtant  fort  simple,  de  la  pression  atmosphérique. 
Il  se  comprend  encore  à  propos  des  horloges  à  eau,  parfois  fort 
savantes,  comme  celle  qu'imaginera,  au  in''  siècle,  Ctésibios 
d'Alexandrie,  ou  de  certaines  fontaines  auxquelles  des  dis- 
positifs tantôt  naturels,  tantôt  artificiels,  donnent  un   écou- 


(1)  Sur  la  clepsydre,  outre  l'article  déjà  cité  de  Photiadis  ('ÂÔTiva,  1904),  on  peut 
consulter  la  monographie  de  Max  C.  P.  Schmidt,  die  Entstehiing  der  anliken 
Wasseruhr  (vol.  II  d'une  collection  intitulée  Kulturhistorische  Beitrâge  ztir 
Kenntnis  des  gr.  und  rom.  Altertums)^  Leipzig,  1912. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    l"A0HNAI1>N   nOAlTEIA         59 

lement  intermittent,  rappelant  celui  des  siphons.  Mais  que 
pouvait  bien  avoir  de  secret  la  clepsydre  des  tribunaux?  Pour 
justitier  son  nom,  Photiadis  suppose  [art,  cit(')  qu'elle  renfer- 
mait précisément  un  siphon  ;  mais,  outre  qu'on  n'en  saisit  pas 
trop  Futilité,  et  qu'on  y  voit  plutôt  au  contraire  des  difficultés 
de  construction  (cf.  Schmidt,  p.  42  et  sqq.),  aucun  auteur  ancien 
n'y  fait  la  moindre  allusion.  Peut-être  oiïrait-elle  simplement 
une  vague  analogie  avec  le  jouet  d'Empédocte,  comme,  pour 
le  Xu'/yelo^  dont  nous  parlions  un  peu  plus  haut,  on  en  avait 
trouvé  une  avec  les  supports  habituels  des  lampes. 

Si  nous  recourons,  en  plus  d'Aristote,  aux  brèves  indica- 
tions des  scoliastes  ou  des  lexicographes,  la  clepsydre  des 
tribunaux  est  un  vase  percé,  à  sa  base,  d'un  tout  petit  trou, 
jjLupoTàr/i  '^'^'î  (scol.  d'Arisloph.,  A  char  n.,  693).  On  ne  se  con- 
tente pas  d'ailleurs  d'un  trou  ouvert,  par  exemple,  au  milieu 
du  fond  :  il  y  a  un  tuyau  d'écoulement,  aùX-lo-xoç  ('AQ.  uoX., 
67,  2)  ;  et  ce  tuyau  peut  être  momentanément  fermé  au  moyen 
d'un  fausset  qu'on  y  enfonce,  YjÀio-xoç  £7rupou£!.v  ttjV  xA£^|;uôpav 
(Pollux,  X,  61),  ou  d'un  robinet  qu'on  y  tourne,  xpouv'lcrxo; 
(scol.  de  Lucien,  Pêcheur,  10,  28).  Ce  vase  était-il  en  terre  ou 
en  métal?  La  première  hypothèse  est  la  plus  vraisemblable. 
Pour  le  tuyau,  au  contraire,  il  devait  être  plus  aisé  de  le  fabri- 
quer en  métal  pour  lui  donner  un  faible  diamètre;  et  surtout 
il  devait  offrir  ainsi  bien  plus  de  résistance  pour  les  manipula- 
tions fréquentes  auxquelles  il  était  destiné. 

Un  tel  appareil  est  forcément  assez  imparfait.  En  effet,  sa 
vitesse  d'écoulement  ne  restera  la  même  que  si  on  y  verse 
toujours  une  eau  également  pure  (1);  elle  augmentera  dans 
une  assez  forte  proportion  avec  la  température  (2)  ;  et,  à  moins 
de  choisir  un  vase  d'une  courbure  spéciale,  elle  diminuera  à 


(1)  Peut-être  s'astreignait-on  à  prendre  toujours  cette  eau  à  une  même  source 
(cf.  un  passage,  assez  obscur,  de  Pollux,  VIII,  113). 

(2)  Les  anciens  s'en  étaient  avisés  dès  le  temps  de  Théophraste  (cf.  Athénée, 
p.  42  B  ;  Plutarque,  Quest.  nat.,  7);  mais  la  clepsydre  était  alors  en  usage  dans 
les  tribunaux  depuis  près  d'un  siècle. 


60  ^'-    COLIN 

mesure  qu'il  restera  moins  de  liquide  (1).  Je  ne  crois  pas  que 
les  Grecs  se  soient  mis  fort  en  peine  de  toutes  ces  considéra- 
tions :  il  devait  leur  suffire  de  penser  qu'à  un  jour  donné  les 
conditions  étaient  les  mêmes  pour  les  deux  adversaires. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  clepsydre  figure  déjà  dans  les  tribunaux 
d'Athènes  avant  425  :  Aristophane  y  fait  allusion  dans  ses  Acliar- 
niens  (693),  comme  à  une  chose  d'usage  courant.  On  continue 
ensuite  à  l'employer  pendant  toute  l'époque  classique;  mais, 
au  cours  du  iv^  siècle,  il  semble  bien  qu'on  ait  modifié,  au 
moins  dans  certains  cas,  les  volumes  d'eau  limitant  les  plai- 
doiries (2),  et,  d'une  façon  générale,  qu'on  ait  augmenté  dans 
une  mesure  assez  sensible  le  débit  des  clepsydres  (3). 

Chaque  tribunal  possède  une  série  de  ces  appareils  :  Aris- 
tote  dit  bien  slo-l  xÂs^ûopa».  (67,  2)  :  il  y  en  a  sans  doute  une  de 
chaque  dimension  prévue  par  la  loi.  Il  est  probable  qu'afin 
d'éviter  toute  contestation,  on  se  sert,  dans  un  procès,  de  la 
même  clepsydre  pour  le  demandeur  et  le  défendeur.  L'eau  a  dû 
être  apportée,  avant  l'ouverture  des  débats,  dans  quelque 
grand  récipient  ;  et  peut-être,  pour  éviter  les  pertes  de  temps, 
prend-on  soin  de  remplir  à  l'avance  des  cruches  de  capacité 
connue,  les  unes  pour  l'accusation,  les  autres  pour  la  défense, 
les  autres    pour  les   opérations  du   vote.  C'est  ce  qui  semble 


(1)  D'après  Schmidt  (p.  40),  si  oq  suppose  un  vase  cylindrique  de  89ct.36  de 
haut  et  36ci  516  de  diamètre,  il  pourra  contenir  2  1/2  amphores  (98  litres)  d'eau 
qui,  avec  un  tuyau  de  lmni(î52  de  diamètre,  s'écouleront  en  9  h.  4/5.  Mais,  de  ce 
volume,  le  premier  tiers  se  videra  en  1  h.  48,  le  deuxième  en  2  h.  21,  et  le  troi- 
sième en  5  h.  39.  Il  est  vrai,  ajoute-t-il,  qu'en  employant  un  vase  de  coupe 
elliptique,  on  remédie  presque  complètement  à  cette  irrégularité;  et  les  Grecs, 
par  une  divination  merveilleuse,  réalisaient  à  peu  près  la  courbe  voulue  dans 
leurs  amphores  ! 

(2)  Démosthène  (c.  Macartatos,  8)  parle  d'une  amphore,  c'est-à-dire  12  pots, 
pour  le  discours  proprement  dit,  avec  3  pots  pour  la  réplique  ;  or  ces  chiffres, 
qu'on  les  applique  à  un  procès  au-dessus  de  5,000  drachmes  ou  surtout  à  une 
SiaStxajta,  ce  qui  est  le  cas  (cf.  §  7),  ne  répondent  pas  à  ceux  d'Aristote  (61,  2). 

(3)  Sandys  évalue  cette  différence  à  1/8  (cf.  p.  xcii  de  son  édition,  addenda). 
Les  Athéniens  n'ont  rien  changé  à  leurs  mesures  de  capacité,  comme  le  croyait 
Keil;  mais  un  pot  d'eau  aurait  répondu,  à  l'époque  de  Lysias,  au  temps  néces- 
saire pour  prononcer  80  lignes  de  texte,  et  seulement  70  à  l'époque  de  Démos- 
thène (cf.  ci-dessous,  §  8,  D). 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    l"A011NAU2N   IlOAITEIA  61 

résulter  du  passage,  malheureusement  très  mutilé  d'Aristote 
(67,4-5);  et  j'attribuerais  aussi  la  même  destination  au  Trpoyot- 
810V  dont  parle  Pollux  (X,  61). 

7.  Personnel  nécessaire  dans  les  salles  d' audience.  —  Les 
audiences,  nous  l'avons  déjà  vu,  sont  présidées  par  le  magis- 
trat qui  a  mené  l'instruction  des  causes  inscrites  au  rôle  du 
jour.  11  aura,  en  diverses  circonstances,  à  donner  des  ordres; 
il  sera  indispensable  pour  certains  tirages  au  sort  ;  surtout  il 
devra  surveiller  toutes  les  opérations,  assez  nombreuses,  qui 
vont  se  succéder  jusqu'au  soir.  Mais  il  n'aura  personnellement 
aucune  part  dans  les  débats,  ni,  en  dernier  lieu,  dans  le  pro- 
noncé de  la  sentence. 

A  côté  de  lui,  nous  retrouvons  un  ou  plusieurs  appari- 
teurs (1).  Vraisemblablement,  ce  sont  les  mêmes  esclaves 
publics  qui  figuraient  tout  à  l'heure  dans  les  bureaux  des  tri- 
bus. Ils  ont  à  porter  à  chaque  tribunal  les  dix  boîtes  qui  don- 
nent la  composition  du  jury  (65,  4)  :  ils  les  remettront  d'abord 
au  président;  ils  les  confieront  ensuite  aux  jurés  chargés  de 
payer  le  triobole.  Gela  fait,  leur  rôle  paraît  se  borner  à  vider, 
après  le  vote,  les  bulletins  sur  la  table  où  ils  doivent  être 
comptés  (69,  i).  J'imagine  donc  qu'un  seul  suffît  à  cette 
besogne.  Il  en  fallait  dix  dans  les  bureaux  des  tribus  ;  on  en 
garde  un  par  tribunal;  on  peut  rendre  aux  autres  leur  liberté, 
à  tour  de  rôle. 

Il  doit  en  être  de  même  pour  les  huissiers.  Aristote  limite 
le  rôle  du  xvipu^  à  deux  choses.  Avant  le  vote  (68,  4),  il  demande 
aux  parties  si  elles  se  proposent  d'attaquer  les  témoignages 
produits  au  procès;  puis  il  rappelle  aux  jurés  la  signification 
des  deux  bulletins  qu'on  leur  a  distribués.  D'autre  part,  une 
fois  le  scrutin  terminé  et  dépouillé  (69,  1),  il  en  proclame 
le  résultat.  Il  avait  encore,  semble-t-il,  d'autres  occasions  d'in- 


(1)  Aristote  ne  parle  pas  des  forces  de  police  destinées  à  maintenir  Tordre  ;  il 
doit  y  avoir,  dans  les  tribunaux  comme  dans  les  bureaux  de  vote,  quelques 
archers  scythes. 


62  G.    COLIN 

Icrvenir  :  par  exemple,  si,  comme  on  peut  le  croire,  l'au- 
dience commence  par  des  prières  aux  dieux  (cf.  Aristoph., 
Guêpes,  860),  l'huissier  est  tout  désigné  pour  les  réciter  à 
haute  voix  ;  de  môme,  c'est  lui  encore  qui,  sur  l'ordre  du  pré- 
sident ou  sur  le  désir  des  plaideurs,  doit  appeler  les  causes  ou 
inviter  les  témoins  à  monter  à  la  barre  ;  et  peut-être,  vers  la 
fin  du  vote,  est-il  encore  chargé  de  demander  officiellement  : 
«  Qui  n'a  pas  déposé  son  bulletin?  qu'il  se  lève  »  (cf.  Aristoph., 
Guêpes,  752). 

Chaque  tribunal  a  également  son  greffier  (ypa|ji;jt.aT£uç).  Au 
cours  des  plaidoiries,  il  lit  toutes  les  pièces  qu'on  lui  réclame 
(67,  3);  il  recommence  sa  lecture,  si  les  jurés  le  veulent  ainsi 
(Esch.,  c.  Ctésiphon,  492).  Et  nous  pouvons  supposer,  qu'au 
début  de  chaque  affaire,  il  leur  donne  communication  de  l'acte 
d'accusation  rédigé  par  le  demandeur  et  de  la  réfutation  (àvxt.- 
Ypacpy])  du  défendeur  (1). 

Au  moment  des  opérations  préliminaires  du  matin,  on  a 
tiré  au  sort  cent  citoyens,  pour  leur  faire  remplir  les  fonctions 
d'alficheurs  :  dans  chaque  tribunal,  on  désigne  dix  jurés  de  la 
même  façon,  un  par  tribu,  pour  des  emplois  spéciaux  :  ils  sont 
préposés  un  aux  clepsydres,  quatre  aux  votes,  et  cinq  au  paie- 
ment du  triobole  (66,  4.3).  La  mission  du  premier  ne  laisse  pas 
d'être  assez  délicate  :  sous  le  contrôle  du  président,  il  choisit, 
dans  la  collection  des  clepsydres,  celles  qui  vont  être 
employées,  et  prépare  à  l'avance  les  quantités  d'eau  fixées 
par  la  loi  pour  les  plaidoiries  et  pour  le  vote  (ou  les  votes)  des 
jurés.  S'il  s'agit  d'un  procès  privé,  il  se  tient  prêt  à  arrêter  la 
clepsydre,  dès  que  l'orateur  s'interrompt  pour  faire  lire  une 
pièce;  quand  celui-ci  a  terminé,  il  vide  l'eau,  s'il  en  reste  (2). 


(1)  Chez  les  orateurs,  il  est  parfois  désigné  expressément  (Lyc,  c.  Lèocrate, 
77,  H4);  mais,  parfois  aussi,  une  même  phrase  vise,  sans  que  la  distinction 
soit  marquée,  d'abord  l'huissier,  et  ensuite  le  grefïier  (p.  ex.,  Esch.  Ambassade, 
83,  127). 

(2)  C'est  à  lui  que  s'adressent  des  interpellations  comme  :  au  5'  lirO^aêe  xô 
uSwp  (Dém.,  c.  Stéphanos,  1,  8;  c.  Conon,  36;  c.  Euhoulides,  21;  Isée,  hér.  de 
Pyrrhos,  12;  hér.  de  Ménéclès,  34);  xa{  jxoi  êiti);a6£  tô  u5u)p  (Lysias,  c.  Pancléorij 


LES    SEPT   DERNIERS'  CHAPITHES    DE    L"AeiJNAI<)N   IIOAITEIA  63 

Et,  sans  doute  aussi,  il  veille,  en  disposant  son  appareil,  à  le 
placer  de  telle  sorte  que  les  parties  et  le  président  puissent 
facilement  se  rendre  compte,  à  tout  moment,  du  niveau  de 
l'eau  (1). —  Le  rôle  des  jurés  préposés  aux  votes  est  plus  facile  : 
quand  les  plaidoiries  sont  terminées,  ils  n'ont  qu'à  distribuer  à 
chaque  juré  un  bulletin  plein  et  un  bulletin  creux,  et,  après 
le  vote,  à  trier  sur  la  planchette  à  trous  les  bulletins  de  l'am- 
phore de  bronze.  —  Quant  aux  cinq  derniers,  à  l'issue  de  Tau- 
dience,  ils  se  rendront  aux  endroits  désignés  par  le  président, 
et  chacun  aura  à  remettre  leur  salaire  à  ses  collègues  de  deux 
tribus,  en  ayant  soin  d'ailleurs  d'exercer  un  double  contrôle  ; 
nous  y, reviendrons  tout  à  l'heure. 

Reste  à  signaler  un  fonctionnaire  qui  a  bien  aussi  son  impor- 
tance, mais  dont  Aristote  ne  précise  pas  la  qualité,  6  tl\T^y^ùi<; 
TauTYiv  T^v  ^p'/jriv  (60,  2)  '  il  est  chargé  de  distribuer  aux  jurés 
leur  jeton  de  présence,  quand  ils  arrivent  dans  le  local  oii  ils 
doivent  siéger.  Suidas  (s.  v.  SaxTirip'la  xal  o-ujjLêoXov)  l'appelle  un 
esclave  public.  Son  renseignement  est  très  vraisemblable  ;  car 
les  Athéniens  en  employaient  un  grand  nombre  dans  toutes 
sortes  de  services;  et,  en  particulier,  il  ne  leur  déplaisait  pas 
d'en  placer  comme  aides,  mais  sans  doute  aussi  un  peu  comme 
surveillants^  auprès  de  ceux  de  leurs  magistrats  qui  avaient  à 
manier  les  deniers  publics  (cf.  Dém.,  Chers. ^  47;  c.  Androtion., 
70).  Nous  devons  donc  avoir  affaire  ici  à  un  employé  subal- 
terne de  l'administration  des  finances.  Il  en  faut  un  par  tribu- 
nal ;  on  remarquera  que,  lui  aussi,  a  été  tiré  au  sort.  Appa- 
remment, c'est  le  même  personnage  qui,  au  moment  du  vote 
(68,  2),  fait  aux  jurés  l'échange  de  leur  jeton  de  plomb  contre 

4,  8,  11,  14);  ou  i\iox  xô  'j6o)p  (Dém.,  p.  Phormion,  62;  c.  Nausimachos,  28).  Le 
TTopvoêofjitô;  d'Hérondas  ne  manque  pas  non  plus  de  faire  allusion  à  l'arrêt  de  la 
clepsydre  (11,  42  :  xxl  au,  tV  ôrcTiV  ^ujov  xf,?  >cXsi|/ûSp'r);,  .SAxtaxe,  [lé/pi;  ou  s^xr^). 
(1)  Peut-être  la  clepsydre  est-elle  simplement  déposée  au  pied  de  l'estrade 
d'où  l'on  parle,  de  sorte  que  le  regard  plonge  aisément  à  l'intérieur;  car  rien 
ne  nous  autorise  à  supposer  un  système  de  flotteur  et  d'aiguille  indicatrice  se 
déplaçant  à  l'extérieur,  comme  dans  l'horloge  de  Ctésibios.  En  tout  cas,  le  plai- 
deur sait  à  quoi  s'en  tenir  :  témoin  des  expressions  telles  que  (Dém.,  c.  Stépha- 
nos,  I,  86)  00/  îxavôv  ov  x6  uSwp  ôpw  [xot. 


64  G-    COLIN 

le  jeton  de  cuivre.  Et,  bien  qu'Aristote  n'en  dise  rien,  je  sup- 
pose que  c'est  lui  encore  qui,  à  la  fin  de  l'audience,  verse  aux 
cinq  citoyens  désignés  à  cet  effet  la  somme  nécessaire  pour 
payer  le  triobole. 

8.  L'audience.  —  A.  Amvée  des  jurés  ;  le  jeton  de  présence.  — 
Après  toutes  ces  explications  préliminaires,  nous  pouvons 
maintenant  nous  représenter  sans  trop  de  peine  ce  qui  va  se 
passer  dans  chaque  tribunal.  D'abord,  les  jurés  arrivent  des 
bureaux  de  leurs  tribus.  A  leur  entrée,  l'esclave  public  rele- 
vant de  l'administration  des  finances  leur  remet  le  jeton  de 
présence  que,  suivant  l'hypothèse  émise  plus  haut,  nous  appel- 
lerons le  jeton  de  plomb  (1).  Nous  ne  savons  pas  combien  de 
temps  leur  était  accordé  pour  faire  le  trajet  d'un  lieu  à  l'autre; 
mais  il  suffisait  sans  doute,  pour  éviter  les  retards  excessifs, 
de  spécifier  à  l'avance  que  la  distribution  des  jetons  de  pré- 
sence cesserait  à  un  moment  déterminé,  par  exemple,  quand  le 
président  aurait  fini  de  préparer  son  ordre  du  jour. 

B.  Installation  du  président;  rédaction  de  son  t^^ô^^cl^y-^-  — 
En  elîet  celui-ci,  avant  d'ouvrir  l'audience,  a  un  certain  nom- 
bre de  détails  à  régler.  Ainsi,  d'après  une  indication  fugitive 
d'Arislote  (66,  3),  il  commence  par  examiner  la  salle  mise  à  sa 
disposition,  et  choisit  cinq  endroits  qui  lui  semblent  commodes 
pour  le  paiement  du  triobole;  il  les  désigne  sans  doute 
par  des  lettres,  et  ensuite  il  indique  quelles  sont  les  tribus 
qui,  deux  par  deux,  viendront  y  toucher  leur  salaire.  Evidem- 
ment, il  recourt  au  sort  pour  cela  :  il  n'a  qu'à  mettre  les  noms 
des  dix  tribus  dans  la  boîte  vide  qu'il  a  à  sa  disposition;  les 


(1)  Ou  pourrait  se  demander  si,  à  ce  moment,  les  jurés  ne  se  débarrassent  pas 
de  leur  gland.  En  effet,  il  n'en  sera  plus  question  par  la  suite  :  le  bâton  et  le 
jeton  sont  cités  seuls  comme  les  insignes  de  leur  fonction  (cf.  Dém.,  Cou7\,  210, 
et  les  lexicographes),  et  Aristote  aussi  ne  parle  plus  que  de  ces  deux  objets  au 
moment  du  vote  (69,  2).  Seulement,  à  moins  de  supposer,  dans  65,3,  une  altéra- 
tion du  texte  plus  forte  encore  que  celle  dont  nous  avons  déjà  dû  admettre  la 
nécessité  (cf.  la  note  à  la  traduction  de  ce  passage),  il  semble  bien  que  les  jurés 
ont  gardé  le  gland  en  slnstallant  à  leur  place. 


LES    SEPT    DERNIEHS    CHAPITHES    DE    L"AeUNAIi>N    IlOAITEIA  6.^ 

deux  tribus  dont  les  noms  sortent  les  premiers  iront  à  l'empla- 
cement A,  les  deux  suivantes  à  reLuplacement  B,  etc.  Tout 
cela,  aussitôt  arrêté,  est  transcrit  sur  un  ordre  du  jour  que  le 
président,  dit  Aristote,  donne  aux  cinq  jurés  chargés  du  paie- 
ment. Les  choses  se  passeraient  donc,  en  somme,  comme  au 
Sénat,  quand  l'épistate  des  prytanes  remet  aux  proédres  et  à 
leur  épistate  particulier  un  uporp a [jijjia  pour  la  prochaine  réunion 
du  Sénat  ou  de  l'Assemblée  (44,  2).  Ici  cependant  je  me  demande 
s'il  n'y  avait  pas  intérêt  à  afficher  en  même  temps  l'ordre  du 
jour  ;  car,  pour  éviter  la  confusion,  il  est  utile  que  les  jurés 
soient  informés  de  l'endroit  où  ils  auront  à  se  présenter  pour 
recevoir  leur  triobole  (1). 

C.  Désignation  des  jurés  investis  d'une  fonction  spéciale.  — 
Jusqu'ici  la  présence  de  tous  les  jurés  n'était  pas  encore  indis- 
pensable :  il  suffisait  qu'il  en  fût  arrivé  un  certain  nombre 
pour  que  les  premières  opérations  du  président  fussent  à  l'abri 
de  tout  soupçon.  Mais,  à  présent,  ils  doivent  tous  être  là;  car 
le  président  va  attribuer  à  dix  d'entre  eux,  comme  nous  l'avons 
vu,  des  fonctions  spéciales.  Pour  cela,  dans  chacune  des  dix 
boîtes  que  l'appariteur  lui  a  apportées  il  prend  une  tablette,  et 
la  jette  dans  la  onzième  boîte  ;  il  a  ainsi  un  représentant  de 
chaque  tribu.  On  agite  les  tablettes  :  la  première  qui  sort  dési- 
gne le  juré  qui  s'occupera  des  clepsydres  ;  les  quatre  suivantes, 
les  jurés  préposés  aux  votes;  les  cinq  dernières,  ceux  qui  effec- 
tueront les  paiements.  Le  premier  juré  se  met  immédiatement 
à  choisir  ses  clepsydres  et  à  préparer  les  quantités  d'eau  vou- 
lues. Les  autres  n'ont  rien  à  faire  pour  l'instant  ;  tout  au  plus, 
peuvent-ils  s'assurer  qu'on  leur  donne  bien  leur  nombre  exact 
de  bulletins  de  vote,  ou  se  rendre  compte  de  l'endroit  où  ils 
s'installeront,  une  fois  l'audience  terminée.  Je  ne  sais  si  l'appa- 
riteur remet  tout  de  suite  aux  cinq  derniers  les  boîtes  contenant 


(1)  De  même,  si,  dans  la  journée,  il  y  a  plusieurs  causes  à  juger,  un  autre 
tirage  au  sort  décide  sans  doute  encore  de  l'ordre  où  elles  passeront  ;  et  on  doit 
l'annoncer  publiquement,  afin  que  les  plaideurs  voient  à  peu  près  l'heure  où  ils 
ont  besoin  de  se  trouver  au  tribunal. 

REG,  XXX,  1917,  n»  136.  5 


66  G.    COLIN 

les  tablettes  d'identité;  mais  il  est  peu  probable  que  la  somme 
représentant  le  salaire  des  jurés  leur  soit  confiée  si  longtemps 
à  Tavance. 

D.  Les  plaidoiries  ;  évaluation  approximative  du  temps  qui 
leur  est  accordé.  —  Tous  ces  préparatifs  étant  terminés,  on 
appelle  les  causes.  En  principe,  la  loi  athénienne  oblige  les 
plaideurs  à  défendre  eux-mêmes  leurs  intérêts  ;  mais,  en  fait, 
chacun  est  libre  de  faire  composer  son  discours  par  un  avocat 
de  profession  (Xoyoypàcpoç)  ;  et,  de  plus,  si  même  ainsi  on  ne  se 
sent  pas  trop  sûr  de  soi,  on  a  toujours  la  ressource  de  se  faire 
assister  par  un  ou  plusieurs  amis  (o-uvyiYopot.)  qui,  sous  couleur 
de  compléter  l'argumentation,  prononceront  le  véritable  plai- 
doyer, ou  qui,  par  l'autorité  attachée  à  leur  personne,  produi- 
ront sur  l'esprit  des  juges  une  impression  favorable.  Ce  sont  là 
choses  bien  connues,  et  Aristote  n'en  dit  même  pas  un  mot. 

En  revanche,  il  nous  fournit  des  précisions  qui  nous  man- 
quaient sur  les  limites  oii  la  loi  renferme  les  plaidoiries.  A 
vrai  dire,  il  mentionne  seulement  les  volumes  d'eau  qu'on 
verse  dans  la  clepsydre  ;  mais,  comme  il  est  évident  que  cette 
eau  sert  à  marquer  des  durées  déterminées,  on  s'est  ingénié  à 
trouver  le  moyen  de  convertir,  au  moins  d'une  façon  approxi- 
mative, les  unités  de  volume  en  unités  de  temps.  Keil,  en  par- 
ticulier, dans  son  Anonymus  argentinensis,  est  arrivé,  à  cet 
égard,  à  des  résultats  intéressants. 

Il  procède  de  deux  façons  :  d'abord  par  voie  empirique.  Il 
prend  une  cinquantaine  de  discours  prononcés,  à  Athènes,  à 
une  date  ne  s'écartant  pas  trop  de  celle  oîî  écrit  Aristote.  D'une 
part,  d'après  la  nature  du  sujet,  il  sait  la  quantité  d'eau  à 
laquelle  l'orateur  avait  droit;  d'autre  part,  il  compte,  dans  une 
édition  donnée  (celle  des  Oratores  attici  de  Baiter-Sauppe)  le 
nombre  de  lignes  de  ces  discours.  Il  n'y  a  pas,  bien  entendu, 
à  attendre  une  concordance  parfaite  :  tel  orateur  a  pu  ne  pas 
profiter  entièrement  du  temps  dont  il  disposait  ;  tel  autre  se 
sera  restreint  pour  permettre  à  un  o-uwiYopoç  de  parler  avec  lui 
dans  la  même  cause  ;  ailleurs,  un  plaidoyer  aura  été  retouché 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeUNAli2N    IIOAITEIA  67 

et  augmenté  après  coup.  Keil  cependant  constate  une  moyenne 
assez  fixe  :  dans  la  seconde  moitié  du  iv^  siècle,  un  pot  d'eau 
aurait  répondu  à  70  lignes  de  texte.  Ce  premier  point  acquis, 
il  n'y  a  plus  qu'à  constater  le  temps  nécessaire  pour  pronon- 
cer les  70  lignes.  Keil  a  répété  maintes  fois  l'expérience  ;  il  y 
mettait  4  minutes  1/3.  Ce  temps,  dit-il,  est  un  peu  long;  un 
Grec  d'origine,  et  surtout  un  orateur  exercé,  avait  chance  de 
prononcer  plus  vite.  Mais  il  ne  faut  pourtant  pas  le  réduire 
outre  mesure  ;  car  le  débit  oratoire  ne  doit  pas  être  trop  préci- 
pité. Bref,  il  conclut  à  l'équivalence  suivante  : 

I  pot  d'eau  =    70  lignes  de  texte  =     4  minutes 
^  1  amphore  (12  pots)  =840  —  =  48        — 

II  s'agit  maintenant  de  chercher  une  contre-épreuve.  On  part 
alors  de  l'rifjLspa  5t.a|jL£|jL£TpT,[ji£|jL7i.  Il  est  assez  difficile  de  trouver, 
en  français,  l'équivalent  exact  de  cette  expression.  Aujourd'hui, 
pour  régler  nos  occupations,  nous  divisons  le  temps  d'une  ma- 
nière constante  :  nous  comptons  douze  heures  de  jour  et  douze 
heures  de  nuit,  comme  si  nous  étions  toujours  au  moment  de 
l'année  où  le  soleil  reste  juste  aussi  longtemps  au-dessus  et 
au-dessous  de  l'horizon;  nous  faisons  usage  du  joui'  équinoxial. 
Les  astronomes  grecs  ne  l'ignoraient  pas  :  ils  le  nommaient 
T,[jL£pa  i(r7^[jL£pi.v7]  ;  mais  ils  étaient  seuls  à  s'en  servir.  Dans  la 
pratique  courante,  on  s'en  tenait  au  jour  apparent^  c'est-à-dire 
au  temps,  très  variable  suivant  les  saisons  (ni^ipa  xaip'.xv]),  où 
le  soleil  est  visible  au-dessus  de  l'horizon.  Dans  les  tribunaux, 
l'essentiel,  puisqu'on  n'y  usait  pas  de  la  lumière  artificielle, 
était  d'adopter  un  jour-type  dont  la  longueur  pût  se  retrouver 
d'un  bout  de  l'année  à  l'autre;  on  le  choisit  naturellement  en 
hiver,  au  mois  Poséidon,  qui  répond  à  peu  près  à  Décembre 
dans  notre  calendrier  (67,  4)  :  c'est  l'rifjilpa  8t.ajjL£[jL£Tp7i{jL£V7i,  la 
durée  maximum  des  grands  procès,  à  Athènes  (1);  je  l'appel- 
lerai le  jour  judiciaire  ou  jour  légal. 

(1)  Son  nom  lui  vient  sans  doute  de  sa  division  en  fractions  bien  définies,  qui 
limitent  strictement  chaque  phase  du  procès. 


68  G.    COLIN 

On  a  donc,  de  divers  côtés,  prié  des  astronomes  de  calculer 
quelle  était  à  Athènes,  au  iv'  siècle,  la  durée  du  jour  le  plus 
court.  Les  réponses  ont  difï'éré  légèrement  :  9  h.  25  min.  8/10 
(Photiadis),  9  h.  28  (Keil),  9  li.  48  (Schmidt).  Peu  importe 
d'ailleurs;  les  anciens  ne  paraissent  pas  s'être  souciés  de  tant 
de  précision  ;  il  leur  sulFisait  d'avoir  constaté  que  les  jours 
ne  varient  guère  en  Décembre,  qu'ils  sonb  alors  plus  courts 
qu'en  aucun  autre  mois,  et,  qu'en  prenant  leur  longueur 
moyenne,  on  a  une  commune  mesure  applicable  en  tout 
temps  (1). 

Les  procès  qui  remplissent  ce  jour  légal  ont  droit  à  11 
amphores  d'eau  (67,  4,  avec  les  notes  justifiant  les  restitutions). 
On  s'est  demandé,  il  est  vrai,  (car  certains  textes,  comme 
Esch.  Ambass.,  126,  prêtent  à  discussion)  s'il  faut  entendre  11 
amphores  en  tout  ou  pour  chaque  plaideur.  La  réponse  aujour- 
d'hui ne  saurait  être  douteuse  :  outre  qu'on  se  représente  mal 
une  clepsydre  assez  grande  pour  contenir  433  lit.  34,  on  est 
forcé,  dès  qu'on  admet  11  amphores  pour  l'accusation,  autant 
pour  la  défense,  sans  compter  quelque  chose  en  plus  pour  le 
vote  des  jurés,  de  donner  comme  équivalent  de  temps  à  l'am- 
phore une  durée  deux  ou  trois  fois  plus  petite  que  celle  dont 
parlait  Keil  ;  et  il  devient  impossible,  dans  des  intervalles 
réduits  à  proportion,  de  réciter  aucun  des  discours  parvenus 
jusqu'à  nous.  Nous  tiendrons  donc  pour  bien  établi  que  les  11 
amphores  correspondent  à  l'ensemble  des  débats. 

Je  relève  encore  une  remarque  ingénieuse  de  Keil  :  le  chiffre 
de  11  amphores  lui  paraît  assez  singulier;  une  division  duodé- 
cimale serait,  dit-il,  beaucoup  plus  conforme  aux  habitudes 
grecques.  La  chose  n'est  pas  inconciliable  avec  les  renseigne- 
ments fournis  par  les  auteurs  anciens.  Ainsi,  un  scoliaste  d'Es- 
chine  [Ambass.^  126),  après  avoir  exposé  la  division  du  jour  entre 


(1)  Notons  d'ailleurs  qu'avant  et  après  Theure  exacte  où  le  soleil  franchit  l'ho- 
rizon, régnent  encore  une  aube  et  un  crépuscule  dgnt  une  partie  au  moins  peut 
être  utilisée;  le  jour  légal,  de  9  h.  1/2  environ,  à  parler  strictement,  s'étendrait 
sans  trop  de  peine,  en  pratique,  jusqu'à  10  heures. 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    l"A0HNAK2N   IlOATTEIA  69 

l'accusateur  et  Taccusé,  ajoute  ces  mots  :  toGto  oï  kizo  [ji.»,â;  ojpaç. 
Il  s'est  donc  déjà,  depuis  le  matin,  écoulé  une  heure  quand 
l'accusateur  prend  la  parole.  Dès  lors,  ne  peut-on  pas  admettre 
que  la  journée  répondait  en  réalité  à  12  amphores?  la  durée  de 
la  première  amphore  a  servi  à  la  nomination  des  jurés  et  du 
président;  l'audience,  dans  le  tribunal,  dispose  seulement  des 
onze  dernières.  Dans  cette  hypothèse,  les  résultats  auxquels  la 
méthode  empirique  avait  d'abord  amené  Keil  sont  pleinement 
confirmés  :  une  amphore  se  vidant  en  48  minutes,  une  journée 
de  12  amphores  comprendra  576  minutes,  soit  9  h.  36,  durée 
fort  admissible,  nous  l'avons  vu,  pour  un  jour  du  mois 
Poséidon. 

Nous  pouvons  maintenant  traduire  en  minutes,  avec  une 
approximation  très  suffisante,  les  volumes  d'eau  indiqués  par 
Aristote.  Pour  les  actions  privées,  il  est  très  précis  (67, 2)  ;  il 
faut  seulement  ajouter  que  les  chiffres  donnés  par  lui  se  rap- 
portent à  chacune  des  deux  parties,  non  à  l'ensemble  des 
débats  (1). 


Procès  au-dessus  de  5.000  dr. 

(    10  pots: 

=  32111.83  (2): 

=  40  minutes 

=  700  lignes 

réplique 

{     3     - 

9  lit.  85 

12      — 

210      — 

de  5,000  à  1,000  dr. 

1     2     - 

22  lit.  98 

28      — 

490      — 

réplique 

6  lit.  57 

8       — 

140      — 

au-dessous  de  1 ,000  dr. 

5     - 

16  lit.  41 

20       — 

350       — 

réplique 

9     

6  lit.  57 

8       — 

140       — 

ôiaôixaatat 

!•- 

19  lit.  70 

24       — 

420       — 

(pas  de  réplique) 

Ajoutons,  bien  que  le  renseignement  se  trouve  à  un  autre 

(1)  il  semble  même  que  si,  dans  un  procès,  il  y  a  plusieurs  demandeurs  dont 
les  intérêts  sont  distincts,  chacun  d'eux  a  droit  à  la  quantité  d'eau  prévue  par  la 
loi  (Dém.,  c.  Macartatos,  8).  Par  contre,  si  une  partie  se  fait  assister  par  des 
(Tuvi/^Yopot,  ou  si  elle  provoque  des  adversaires  à  une  discussion,  aucun  supplé- 
ment de  temps  ne  lui  est  accordé  pour  cela  (cf.  Dinarque,  c.  Démosth.^  U4  : 
irapa8{8wjjLt  t6  uSwp  xotç  dOvXoiç  xaT-fiyôpoiç;  —  Dém,,  c.  Euboulidès,  61  :  IttI  tou  I[jloO 
36aToç  oatiç  poû>^$Tai.  xoûxwv  xivavxia  [xapxupr.aaxw  ;  —  id.,  Cour.^  139  :  vûv  Ssi- 
^dtxw  èv  xw  è[xw  udaxt;  etc.).  Je  rappelle  enfin  que,  dans  les  actions  privées,  le 
temps  nécessaire  à  la  lecture  des  pièces  ou  à  l'audition  des  témoignages  n'est 
pas  compris  dans  le  nombre  de  minutes  prévu  pour  les  plaidoiries. 

(2)  Pour  la  transposition  des  anciennes  mesures  de  volume  en  mesures  mo- 
dernes, j'adopte  les  chiffres  de  Hultsch,  Griech.  und  rôm.  Métrologie. 


70  G.    COLIN 

endroit  (69,  2),  que,  dans  les  procès  privés  ou  publics,  on  accorde 
à  chaque  partie  un  demi-pot  d'eau  pour  s'expliquer  sur  l'éva- 
luation de  la  peine  : 

1/2  pot  =  1  lit.  64  =  2  minutes  =  35  lignes  (1). 

Pour  les  actions  publiques,  Aristote  ne  semble  avoir  envi- 
sagé que  le  cas  des  procès  occupant  toute  la  durée  du  jour. 
Sans  doute,  il  nous  a  avertis  qu'on  ne  juge  jamais  plus  d'une 
action  publique  dans  la  môme  audience  (67,  1).  Néanmoins,  il 
doit  y  en  avoir  d'importance  différente,  puisqu'on  prévoit  pour 
elles  des  jurys  de  500,  1000  ou  1500  membres  (68,  1),  et  il  n'est 
guère  vraisemblable  que  la  longueur  des  discours  ne  soit  pas 
graduée  en  conséquence,  comme  pour  les  causes  privées  (2). 
Mais  nous  n'avons  là-dessus  aucun  renseignement,  et  nous 
sommes  obligés  de  nous  en  tenir  aux  grands  procès  politiques. 

Si  mes  restitutions  ne  m'ont  pas  induit  en  erreur  (67, 4-5),  il 
importe  de  distinguer  parmi  eux  les  procès  sujets  ou  non  à 
estimation,  tljjltito'I  et  k'c'i^ri'zoï.  Le  second  cas  est  le  plus  simple  : 
les  11  amphores  accordées  pour  les  débats  seraient  partagées 
eu  trois  parties,  vraisemblablement  égales  (3  amph.  2/3),  une 
pour  l'accusation,  une  pour  la  défense,  une  pour  le  vote.  Au 
contraire,  dans  les  procès  T!.pLT,To{,  les  jurés,  ayant  en  perspective 
deux  votes  successifs,  se  seraient  réservé  d'avance  deux  parts. 
J'imagine  qu'ils  n'accaparaient  pas  à  eux  seuls  les  2/3  de  la 
séance  :  la  journée  se  serait  plutôt,  je  crois,  divisée  cette  fois 
en  quatre  fractions,  répondant  chacune  à  2  amph.  3/4  (3).  Nous 
arriverions  ainsi  à  ce  résultat  : 

(1)  Il  ne  nous  est  parvenu,  chez  les  orateurs,  aucun  exemple  de  ces  petits  com- 
pléments au  discours  proprement  dit.  Le  second  discours  de  Socrate,  dans 
V Apologie  de  Platon  (ch,  25-28),  en  serait  un;  mais  il  est  clair  que  Platon  ne  se 
fait  pas  scrupule  de  dépasser  les  limites  imposées  par  la  clepsydre. 

(2)  Tous  les  lexicographes  s'accordent  pour  limiter  l'emploi  de  r-f,|j.épa  Sta[xe- 
(lETpTijAévTi  aux  procès  politiques  les  plus  importants  :  lex.  Sabb.  10,  18,  oî  to(vuv 
SfjiJLoaioi  xai  tXcyiXoi  àyôivei;  irpôç  toOto  tô  uSwp  tjywvé^ovto  ;  —  Harpocr.,  s.  v.  5ta- 
[xeaeTpr.jxÉvri  ■f,[J.£pa  •  irpôî  ôè  touto  ([xéxpov  xi  CSatoç)  Tiywv^ÇovTO  ol  |jLsyiaTOi  xal  irspl 
Twv  [xey^ŒTwv  àywvei;  ;  —  scol.  Esch.,  Ambass.,  126,  toïç  irspl  twv  [j.ey{(jTwv  àywviÇo- 
[xévoiç  Si-r^petTO  i]  tjixépa. 

(3)  La  répartition  par  tiers  est  souvent  mentionnée  par  les  lexicographes  ou 
les  scoliastes  (mêmes  références  qu'à  la  note  précédente).  La  division  par  quart 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAmN    IIOAITEIA  71 

Procès     àxtfj.rjXot     :   \ 

3  parts  /  ^  ^^       g    ^j^g  _  ^^^  j.  j.  ^3  _  2  jj  gg  _  jQgQ  jj 

(accusation,   defen-  l 
se,  vote)  ) 

Procès    Ti(jLriToî    :     \ 

\-^^^^^  ,„  2  amph.  9  pots  =  108  lit.  33  =z  2  h.  12  =  2310  lignes 

(accusation,  deien-  ( 

se,  2  votes)  ) 

Bien  entendu,  dans  ce  genre  de  procès,  où  Ton  prévoit  l'em- 
ploi de  la  journée  entière,  on  n'arrête  pas  la  clepsydre  pour  la 
lecture  des  pièces  (67,  3),  et  on  n'admet  pas  non  plus  de  répli- 
que (cf.  Dém.  Ambass.^  213)  (1). 

A  titre  de  vérification,  je  signalerai  la  tentative  de  Photiadis 
[art.  cité,  'AQ-^vâ,  1904)  pour  se  rendre  compte  du  temps  dont 
les  jurés  ont  besoin.  Il  table  sur  un  jury  de  500  membres  :  avec 
raison,  semble-t-il  ;  car,  si  on  en  réunit  deux  ou  trois  dans 
rhéliée,  il  y  a  chance  pour  qu'on  les  fasse  voter  séparément, 
comme,  dans  le  procès  des  généraux  des  Arginuses,  le  peuple, 
consulté  tout  entier,  vote  cependant  par  tribus  (Xén.,  Hellén,, 
I,  7,  9).  Voici  le  résumé  de  ses  calculs  : 

i  distribution  des  bulletins  de  vote 
vote  des  jurés  (10  par  minute) 
dépouillement  du  scrutin 
pertes  de  temps  quelconques 

i  reddition  des  jetons  et  reprise  des  bâtons 
nouvelle  distribution  des  bulletins 
deuxième  vote 
deuxième  dépouillement  du  scrutin 
discours  sur  l'estimation  et  pertes  de  temps  15    — 

Tout  cela  évidemment  ne  va  pas  sans  une  part  d'incertitude. 


a  peut-être  été  entrevue  par  un  des  scoliastes  d'Eschine,  Ambass.,  126  (SiTipsÏTo  r\ 
fi[Aépa,  Tcal  I8I60TO  aÔTT.ç  T,[i,ijy  (xèv  tw  vcaxTiyopw,  f,atau  8è  tw  àicoXoyoufxévo)  '  xal 
SiejASTpeiTO  TÔ  ÎJSwp  8aov  litapvcst  tlç  '^à<;  oipaç  toO  -r^fxÎTOUç  jJLÉpouç  tî^ç  T,[jL^paç);  mais 
son  explication,  on  le  voit,  manque  de  clarté.  Nulle  part  je  ne  trouve,  posée 
bien  nettement,  la  distinction  entre  les  àywveç  •ziiir^xoi  et  à-ziii.r\'zoi  ;  et  pourtant 
elle  avait  dû  être  faite  par  Aristote. 

(1)  Mais,  si  plusieurs  personnes  sont  comprises  dans  la  même  accusation,  elles 
ont  droit  chacune  à  une  journée  de  débats  :  c'est  illégalement  que  les  généraux 
des  Arginuses  ont  été  condamnés  en  bloc  (cf.  Xén.,  Hellén.,  I,  7,  19,  23,  28,  34). 


20  min.^ 

1 

50    — 
10    — 

■ 
total:  th.  28 

8    — 

20  min. 

20    —  1 

50    — 

total  :  1  h.  55 

10    - 

72  G.    COLIN 

Il  paraît  cependant  en  résulter,  si  on  adopte  notre  répartition, 
que,  dans  les  procès  TijjiriToi,  les  jurés  doivent  trouver  sans 
peine  le  temps  nécessaire  à  toutes  leurs  opérations,  et  que, 
dans  les  procès  aTLjjiYiTO',,  ils  en  ont  beaucoup  de  reste.  Malgré 
tout,  je  ne  crois  pas,  pour  ces  derniers  en  particulier,  qu'il 
soit  possible  de  tirer  autre  chose  du  texte  d'Aristote  (67,  4).  Et, 
pour  les  procès  tiu.yito'1,  outre  qu'Arislole  (67,  5)  a  bien  Fair 
d'indiquer  une  répartition  du  jour  différente  de  la  précé- 
dente, nous  arrivons,  pour  l'ensemble  des  deux  votes,  à  une 
durée  supérieure  à  celle  du  tiers  de  l'audience  (3  h.  23  au  lieu 
de  2  h.  56)  (1). 

De  ces  calculs  assez  ardus  nous  pouvons  au  moins  tirer  une 
conclusion  d'ordre  littéraire.  Nous  possédons,  on  le  sait,  quatre 
discours  écrits  à  l'occasion  de  grands  procès  politiques,  ceux 
d'Eschine  et  de  Démosthène  sin^  l' Ambassade  et  sur  la  Couronne, 
Considérons  leur  longueur  : 

,     ,         ,      (  Démosthène  3076  lignes 

Ambassade    {  ^    .  .  ,„^^    ^ 

Eschine  1699     — 


,  Eschine  2457     — 

Couronne      \  ^,        ,,  ,  .,._. 

démosthène  2589    — 


C  Es( 
(  Dé] 


Gomme  ce  sont  des  procès  tiijlyito'I,  ils  ne  devraient  avoir,  au 
maximum,  que  2310  lignes.  Il  y  en  a  donc  trois,  sur  quatre,  qui 
ont  été  plus  ou  moins  retouchés.  La  chose  est  frappante  sur- 
tout pour  le  discours  de  Démosthène  sur  l'Ambassade  :  c'est  une 
confirmation  curieuse  de  l'impression  qu'il  donne  à  la  lecture, 
surtout  dans  la  seconde  partie,  d'une  série  de  développements 
assez  faiblement  enchaînés   entre  eux;   la  critique  ancienne 


(1)  La  démonstration  de  Photiadis  serait  encore  plus  concluante,  telle  qu'il  la 
donne,  parce  que,  dans  le  temps  réservé  aux  jurés,  il  faut  rentrer,  avec  celui  de 
leur  vote,  celui  de  leur  tirage  au  sort.  Il  s'appuie  pour  cela  sur  un  passage  de  Xéno- 
phon,  relatif  au  procès  des  généraux  des  Arginuses  {Hellén.,  T,  7,  23).  J'ai  peine  à 
croire  qu'on  ait  compté  de  la  sorte  dans  les  tribunaux  du  iv«  siècle,  où  l'élection 
des  jurés  est  indépendante  de  l'audience  elle-même.  —  On  remarquera,  d'autre 
part,  que  Photiadis  regarde  les  onze  amphores  comme  remplissant  la  totalité  du 
jour  légal  ;  pour  lui,  le  tiers  d'une  journée  (3  amph.,  8  pots)  est  de  3  h.  8  min., 
et  le  quart  (2  amph.  9  pots)  de  2  h.  21.  Par  suite,  une  amphore,  dans  ses  calculs, 
répond  à  51  min.  4/10). 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAIQN   nOAITEIA  73 

n'avait  pas  tort  d'y  pressentir  une  surabondance  suspecte. 
Quant  à  l'oiïre  que  fait  Eschinc  dans  le  môme  procès  [Ainbass.^ 
126)  de  mettre,  si  on  veut,  des  esclaves  à  la  torture,  elle  ne 
devait  pas  être  très  sérieuse;  car  les  citations  et  les  témoignages, 
dont  il  use  en  assez  grand  nombre,  suffisaient  sans  doute  à 
absorber  à  peu  près  tout  le  temps  que  son  discours  laissait 
disponible. 

E.  Vote  des  jurés.  —  Dès  que  les  plaidoiries  sont  terminées, 
on  passe  au  vote  :  il  n'y  a  ni  résumé  des  débats  par  le  prési- 
dent, ni  délibération  préalable  des  jurés  entre  eux.  En  effet,  le 
rôle  du  président,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué,  se 
borne  à  veiller,  sans  aucune  initiative  personnelle,  à  ce  que 
tout  se  passe  régulièrement  dans  son  tribunal  ;  et,  d'autre 
part,  avec  des  jurys  aussi  nombreux,  on  désire  éviter  des  dis- 
cussions qui  risqueraient  fort  vite  de  se  prolonger  outre  me- 
sure ou  de  devenir  tumultueuses  (Platon,  Lois^  IX,  p.  876  a-b\ 
Aristote,  Politique^  II,  5,  8-9) •  Les  quatre  jurés  désignés 
d'avance  pour  cet  office  se  mettent  donc  sur  le  champ  à  dis- 
tribuer leurs  bulletins;  et,  aussitôt  après,  les  jurés,  quittant 
leurs  bancs  (1),  défilent  sur  l'estrade  centrale  pour  y  apporter 
leur  vote. 

Le  scrutin  est  secret.  C'est  un  lieu  commun,  chez  les  ora- 
teurs, de  rappeler  à  leurs  juges  que,  si  personne  dans  l'assis- 
tance ne  doit  savoir  pour  qui  ils  ont  pris  parti,  les  , dieux  du 
moins  ne  l'ignoreront  pas  (Lysias,  c.  Eratosthène^  91;  Dém., 
Ambass.^  239;  Lycurgue,  c.  Léocrate,  146;  etc.).  Il  faut  une 
époque  de  troubles  violents  pour  qu'on  ose  déroger  à  cet  usage; 
de  là  l'indignation  de  Lysias,  quand  il  raconte  [c.  Agoratos,  37) 
comment  les  Trente  faisaient  voter  les  sénateurs  :  deux  tables 
étaient  préparées  devant  eux,  et,  sous  leurs  yeux,  à  découvert, 

(1)  Un  scoliaste  d'Aristophane  {Guêpes,  752)  prétend  que  l'huissier  passait  dans 
les  bancs  pour  recueillir  les  votes  des  jurés.  Il  est  contredit,  pour  le  v«  siècle, 
par  le  passage  même  d'Aristophane  (cf.  aussi,  même  pièce,  349).  Au  jv^  siècle,  le 
procédé  n'a  pas  changé  (cf.  Dém,,  Ambass.,  311  :  Ssî  ...  ly^P^  xoû  .Qr.îxaxo;  èwzTM 
iipo<ïeX6(5v6'    è'x«aTOv    ujxtôv     tV    ôai'av    xal    T->iv    5'.)caîav    ^j/fi-^ov    uitèp   'i:-r\<;   TiarpiSoç 


74  G-    COLIN 

on  devait  apporter  un  bulletin  unique  sur  l'une  ou  sur  l'autre 
pour  condamner  ou  pour  absoudre. 

En  laissant  môme  de  côté  cet  abandon  tout  momentané  des 
traditions,  la  manière  de  voter  a  varié  plusieurs  fois,  à  Athènes, 
du  v'  au  iv''  siècle.  Au  temps  d'Aristote,  chaque  juré  reçoit 
deux  bulletins,  l'un  creux,  en  faveur  du  demandeur,  l'autre 
plein,  en  faveur  du  défendeur.  Sur  une  table,  il  trouve  deux 
amphores,  l'une  en  bois,  l'autre  en  bronze  ;  il  est  tenu  de 
laisser  un  bulletin  dans  chacune  d'elles  ;  on  a  eu  soin  de  les 
écarter,  pour  vérifier  plus  aisément  son  double  mouvement 
(68,  3).  L'amphore  de  bois  est  là  simplement  pour  recueillir 
les  bulletins  nuls;  l'amphore  de  bronze  est  celle  qui  compte. 
Quand  tous  les  jurés  ont  passé,  on  fait  le  dépouillement  de 
son  contenu,  à  l'aide  de  la  tablette  percée  de  trous;  on  ne 
semble  plus  s'inquiéter  de  l'amphore  de  bois.  Enfin,  l'huissier 
proclame  le  résultat.  Tout  cela  est  bien  expliqué  par  Aristote  ; 
et  j'en  ai  déjà  parlé  en  décrivant  le  matériel  en  usage  dans  les 
tribunaux,  ou  en  signalant  toutes  les  personnes  qui  ont  un  rôle 
à  y  jouer  (cf.  ci-dessus,  §§  6  et  7).  Sans  y  revenir  ici,  je  vou- 
drais seulement  signaler  quelques  dilïicultés  que  laisse  subsis- 
ter r  'A8'rivai(i)v  uoX'.TS'la. 

D'abord,  Aristote  n'envisage  que  le  cas  où  deux  opinions, 
sans  plus,  sont  en  présence.  Or,  il  peut  arriver  que,  dans  une 
même  affaire,  soient  engagées  un  nombre  plus  considérable  de 
personnes  ayant  des  intérêts  distincts  :  nous  en  connaissons  un 
exemple  à  propos  de  cet  héritage  d'Hagnias,  dont  il  est  ques- 
tion à  la  fois  dans  Isée  et  dans  Démosthène.  Il  y  avait  là  cinq 
plaideurs,  dont  quatre  présentaient  des  revendications  diffé- 
rentes. On  disposa  alors  quatre  urnes  devant  les  jurés  ;  et,  au 
dire  de  Démosthène,  ils  se  trouvèrent  fort  embarrassés,  et  se 
décidèrent  assez  au  hasard  (Dém.,  c.  Macartatos^  10;  Isée, 
hérit.  d'Hagnias^  2\).  Leur  donna-t-on  à  chacun  trois 
bulletins  creux  et  un  plein,  le  dernier  devant  indiquer  seul 
pour  qui  ils  se  décidaient?  nous  l'ignorons.  Mais,  de  toute 
nécessité,  il  fallait  procéder  d'une  façon  particulière;  et,  sans 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAI<2N   IIOAITEIA  75 

doute,    des  occasions  analogues  se   présentaient  de    temps  à 
autre  (1). 

Môme  dans  les  procès  ordinaires,  nous  ne  sommes  pas  sans 
être  un  peu  embarrassés,  si  nous  voulons  nous  rendre  un 
compte  exact  des  mouvements  des  jurés  au  moment  du  vote. 
En  effet,  d'une  main  qui  est  probablement  la  droite,  ils  tiennent 
le  bulletin  qu'ils  vont  déposer  dans  l'amphore  de  bronze;  et, 
pour  qu'on  ne  puisse  pas  savoir  si  c'est  le  plein  ou  le  creux, 
ils  appuient  le  pouce  et  un  autre  doigt  sur  les  deux  extrémités 
de  la  tige  centrale  (68,  4).  Admettons,  à  la  rigueur,  qu'ils 
serrent  l'autre  bulletin  dans  la  paume  de  la  même  main.  Mais 
ils  ont  encore  autre  chose  à  apporter  avec  eux  ;  car  on  leur  a 
distribué  successivement  un  gland,  un  bâton  et  un  jeton  de 
présence;  et  nous  avons  dû  admettre  qu'ils  gardent  le  tout 
pendant  la  durée  de  l'audience  (cf.  p.  64,  note)  :  voilà  de  quoi 
remplir  leur  main  gauche  ;  et  ils  ne  sont  pas  apparemment  sans 
éprouver  quelque  gêne  pour  se  débarrasser  séparément  de  tant 
d'objets.  Aristote  là-dessus  ne  nous  fournit  aucune  explication; 
et  nous  en  sommes  encore  réduits  à  imaginer  nous-mêmes 
comment  les  cht)ses  se  passent.  Derrière  la  table  surmontée 
des  deux  amphores  sont  installés  sans  doute  le  président  (peut- 
être  assisté  de  son  appariteur)  et  l'esclave  public  appartenant  à 


(1)  Par  contre,  je  ne  suis  pas  convaincu  que  le  discours  cojitre  Léocrate  nous 
oblige  à  admettre  un  mode  de  scrutin  contraire  à  celui  que  décrit  Aristote.  Dans 
sa  péroraison,  Lycurgue  y  parle  de  deux  urnes,  dont  l'une  sera  celle  de  la  trahi- 
son et  l'autre  celle  du  salut  d'Athènes  (149  :   u[iwv  è'>taaTov  y^^\  vofxCî^stv ,  Suoîv 

xa5(axoiv  x£t[xsvoiv,  t6v  [xèv  itpoSojîai;,  xôv  8è  (TtoTTiptai;  elvat).  Assurément,  prise  à  la 
lettre,  cette  phrase  devrait  signifier  que  les  jurés  vont  se  présenter  avec  un  bul- 
letin unique,  et  qu'ils  le  déposeront  à  droite  ou  à  gauche,  suivant  qu'ils  veulent 
sauver  ou  perdre  Léocrate.  Mais,  outre  qu'on  ne  voit  plus  comment  serait  sauve- 
gardé, dans  ces  conditions,  le  secret  du  vote  (et  Lycurgue  vient  d'en  faire  expres- 
sément mention  un  peu  plus  haut,  au  §  146),  le  discours  est  si  voisin  de  la  date 
de  la  composition  de  1'  'A6Tiva{a)v  icoXixeb  (il  a  été  prononcé  très  peu  avant  330)  que 
j'ai  peine  à  admettre  entre  les  deux  textes  un  tel  désaccord.  J'aime  mieux  adopter, 
pour  les  paroles  de  Lycurgue,  une  explication  un  peu  plus  recherchée.  Pour 
entraîner  les  jurés,  il  feint  d'être  persuadé  qu'ils  vont  tous  voter  contre  Léocrate  : 
ainsi  l'urne  de  bois,  avec  tous  ses  bulletins  pleins  annulés,  marquera  la  répro- 
bation universelle  contre  un  traître,  et  l'urne  de  bronze,  remplie  de  bulletins 
creux,  sauvera  la  patrie  à  l'appel  de  l'accusateur. 


76  G.    COLIN 

l'administration  des  finances.  Le  juré  remet  d'abord  au  prési- 
dent son  gland  et  son  bâton  (c'est  la  preuve  qu'il  était  bien 
désigné  pour  siéger  dans  ce  tribunal),  puis  à  l'employé  des 
finances  son  jeton  de  plomb  (on  constate  ainsi  qu'il  est  arrivé 
pour  le  commencement  des  débats  (1).  Cela  fait,  il  dépose  ses 
deux  bulletins  (2)  ;  et,  du  môme  employé  des  finances,  il  reçoit 
un  nouveau  jeton,  en  cuivre  cette  fois  et  marqué  du  F,  destiné 
à  attester  qu'il  est  venu  voter  (3). 

Si  le  procès  exige  ensuite  une  estimation  de  la  peine,  chaque 
juré,  avant  de  regagner  sa  place,  rend  son  jeton  de  cuivre  et 
reprend  un  bâton  (69,  2).  Il  n'est  plus  question  du  gland  ni  du 
jeton  de  plomb;  à  cela  près,  le  second  vote  se  fait  dans  les 
mêmes  formes  que  le  premier. 

Aristote  ne  nous  dit  rien  non  plus  de  la  façon  dont  on  pro- 
cède quand  il  y  a  plusieurs  causes  dans  la  même  audience.  Là 
aussi,  les  jurés  certainement  reprennent  un  bâton  entre  chaque 
vote  :  c'est  le  symbole  de  leurs  fonctions.  Nous  admettrons 
encore  sans  difficultés  qu'ils  laissent,  une  fois  pour  toutes, 
leur  gland  et  leur  jeton  de  plomb,  comme  dans  le  cas  précé- 
dent. Mais,  pour  le  jeton  de  cuivre,  il  paraît  indispensable,  au 
contraire,  de  leur  en  donner  un  après  chaque  cause  ;  car  c'est 
le  seul  moyen  de  vérifier,  en  dernier  lieu,  s'ils  ont  apporté, 
suivant  les  prescriptions  de  la  loi,  leur  suffrage  dans  toutes 
les  affaires.  Us  ne  toucheraient  donc  leur  triobole  que  sur  la 
présentation  d'autant  de  jetons  de  cuivre  qu'on  a  jugé  de  procès 
dans  la  journée. 

(1)  Sur  le  rôle,  à  ce  moment,  de  l'esclave  public  relevant  de  radministration 
des  finances,  cf.  68,  2,  et  la  note  à  la  traduction  du  passage  visé.  —  Pour  le  pré- 
sident, on  lit,  dans  une  des  scolies  à  Aristoph.,  Plut.,  277,  l'va  èVaaxoç  xa0'  éairé- 
pav,  d-TToSiSoùç  To>  Ttpuxâvst  tt.v  paêSov,  ...  C'est  une  autorité  bien  faible;  mais  le 
renseignement,  en  lui-même,  n'a  rien  d'invraisemblable. 

(2)  La  forme  même  des  amphores,  profondes  et  à  col  assez  étroit,  suffit  à  em- 
pêcher le  public  de  se  rendre  compte  du  vote  des  jurés.  Si  l'amphore  de  bronze 
a  un  couvercle,  c'est  pour  éviter  qu'on  ne  puisse  y  glisser  en  fraude  deux  bulle- 
tins d'un  coup  (68,  3). 

(3)  Tous  les  témoignages  anciens  (Bekker,  Anecd.  gr.,  185,  4  ;  Suidas,  s.  v. 
paxTTip(a  xal  <ju[jl6oXov;  scol.  Aristoph.,  Plut.,  277)  confondent  les  deux  jetons.  La 
distinction  est  cependant  très  nette  chez  Aristote. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    l"A0UNAI1>N   IIOAITEIA         77 

Notons  enfin  qu'en  aucun  cas  les  jurés  n'ont  la  faculté  d'ex- 
primer, à  leur  gré,  Tavis  qui  leur  semble  le  meilleur  :  ils  sont 
tenus  d'opter  entre  les  conclusions  du  demandeur  et  celles  du 
défendeur;  et  pourtant  on  peut  supposer  que,  la  plupart  du 
temps,  les  deux  intéressés  sont  au-dessus  ou  au-dessous  de 
l'appréciation  la  plus  équitable.  Le  système  athénien,  excluant 
d'avance  toute  solution  modérée,  n'était  pas  sans  inconvénients; 
on  lui  doit,  par  exemple,  pour  une  bonne  part,  la  mort  de 
Socrate.  Celui-ci  n'avait  d'abord  été  déclaré  coupable  qu'à  une 
assez  faible  majorité  (probablement  280  voix  contre  221).  Le 
jury  ne  semblait  donc  pas  acharné  à  sa  perte,  et  il  est  permis 
de  supposer  qu'il  se  serait  volontiers  contenté  d'une  peine  moins 
grave  ;  mais  alors  la  loi  ne  lui  laissa  le  choix  qu'entre  la  mort, 
demandée  par  les  accusateurs,  et  les  honneurs  du  Prytanée, 
réclamés  par  Socrate.  Le  résultat  était  inévitable  (1). 

9.  Le  salaire  des  jurés.  —  Quand  le  rôle  des  affaires  est 
épuisé,  il  reste  à  payer  aux  jurés  leur  salaire;  car  ils  le  reçoi- 
vent avant  de  sortir,  dans  le  tribunal  môme  où  ils  ont  siégé 
(66,  s). 

Leurs  fonctions  n'avaient  pas  toujours  été  rétribuées.  Insti- 
tuées par  Solon,  elles  sont  demeurées  gratuites  pendant  un 
siècle  et  demi,  jusqu'à  Périclès.  Aristote  (27,  3)  explique  sa 
réforme  par  une  pensée  assez  mesquine  :  Périclès,  dit-il,  n'ayant 
pas  une  fortune  suffisante  pour  lutter  de  générosité  avec  Ci- 
mon,  imagina  de  faire  aux  Athéniens  des  largesses  avec  leur 
propre  argent,  en  payant  sur  le  budget  de  l'Etat  les  juges  et 

(1)  Dans  VApologie  de  Platon,  Socrate,  après  avoir  d'abord  déclaré  qu'il  se 
juge  digne,  plus  que  bien  d'autres,  d'être  nourri  au  Prytanée,  finit,  il  est  vrai, 
par  consentir  à  payer  une  amende  de  30  mines,  pour  laquelle  il  offre  des  garants. 
Cette  proposition  ne  pouvait  guère  faire  oublier  la  précédente.  Mais,  si  elle  eût 
été  produite  seule,  elle  était,  je  crois,  de  nature  à  satisfaire  les  juges;  car  un 
demi-talent  représente  une  somme  considérable,  et  nous  connaissons  des  accusés 
qui  se  sont  tirés  d'affaire  avec  des  amendes  insignifiantes.  Ainsi,  Polyeuctos  du 
déme  de  Ku8avTÎ5at,  dans  un  procès  d'illégalité,  en  a  été  quitte  pour  25  drachmes 
(Hyper.,  p.  Euxénippos,  18);  or,  ce  personnage  (dont  il  est  question,  à  diverses 
reprises,  dans  les  orateurs  et  dans  les  inscriptions)  était  assurément  moins  pau- 
vre que  Socrate. 


78  fi.    COLIN 

les  sénateurs.  On  peut  supposer  à  Périclès  des  vues  plus  pro- 
fondes et  plus  honorables  :  sincèrement  désireux  d'assurer  au 
peuple  la  suprématie,  il  s'était  sans  doute  convaincu  que,  pour 
faire  de  la  démocratie  une  réalité  au  lieu  d'une  fiction,  il 
fallait  donner  aux  citoyens  pauvres  le  moyen  de  prendre  part, 
comme  les  autres,  aux  affaires  publiques  ;  de  là  le  principe, 
couramment  admis  aujourd'hui,  d'une  indemnité  pour  ceux  qui 
consacrent  leur  temps  au  service  de  l'Etat.  C'était  alors  une 
grave  innovation,  et  Périclès  d'ailleurs  semble  y  avoir  apporté 
une  certaine  réserve  :  on  a  même  supposé  qu'il  s'était  contenté 
d'abord  de  fixer  à  une  obole  l'indemnité  des  jurés.  Mais,  dès  le 
début  de  la  guerre  du  Péloponnèse,  on  arrive  déjà  à  deux 
oboles  ;  et,  en  425,  Gléon  établit  le  triobole.  Ici  encore,  on  ne 
manquait  pas  de  bonnes  raisons  à  faire  valoir  pour  justifier 
cette  rapide  progression  :  en  particulier,  la  guerre  dévastait 
presque  tous  les  ans  les  campagnes  de  l'Attique;  les  paysans 
refluaient  en  ville  ;  les  tribunaux  leur  procuraient  un  gagne- 
pain.  Malheureusement,  les  meilleures  intentions  n'évitent  pas 
les  abus  :  il  n'est  guère  douteux  que  l'appât  du  triobole  n'ait 
exercé  très  vite  un  fâcheux  attrait  sur  une  trop  grande  partie 
de  la  population  ;  et,  sans  parler  des  plaisanteries  d'Aristo- 
phane, x\ristote,  lui  aussi,  constate,  comme  résultat,  une  baisse 
sensible  du  niveau  moyen  des  jurys.  Bref,  le  salaire  des  tribu- 
naux devint  comme  le  symbole  de  la  démocratie  triomphante; 
à  chaque  révolution  oligarchique,  qu'il  s'agisse  des  Quatre-Cents 
ou  des  Trente,  il  est  immédiatement  supprimé*,  mais  c'est  pour 
reparaître  peu  après  (1);  et,  au  temps  d'Aristote,  il  est  tou- 
jours de  trois  oboles  comme  à  celui  de  Gléon  (68,  2). 

Avant  la  découverte  de  l'AQ'ova'lwv  TcoÀiTS'la,  on  ne  savait  pas 
trop  si  le  triobole  était  payé  aux  jurés  pour  l'ensemble  d'une 

(1)  Je  me  contente  ici  d'indications  très  générales;  je  nai  pas  à  entrer  dans 
les  difficultés  que  soulèvent  les  variations  de  ce  salaire  à  la  fin  du  v^  et  au  com- 
mencement du  iv^  siècle.  Ainsi,  il  est  possible  qu'entre  les  Quatre-Cents  et  les 
Trente,  il  ait  été  réduit  à  2  oboles  ;  et  on  s'est  demandé,  bien  que  la  chose  reste 
fort  douteuse,  s'il  n  a  pas  été  élevé  à  4  oboles  vers  396-380.  Sur  tout  cet  historique, 
cf.  Lipsius,  das  attische  Recht^l,  p.  162  et  sqq. 


LES    SEPT   DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAIi2N    nOAITEIA         79 

audience  ou  pour  chaque  cause  examinée  par  eux.  Plusieurs 
lexicographes  paraissaient  bien  trancher  la  question  dans  le 
premier  sens  (par  exemple,  Suidas  et  Photius,  s.  v.  Auxou  oexàç  • 
àcpwpioTo  oLÙitù  TpiwêoXov  TTJs  '^^-^p^ç);  uiais  Lucien  affirmait  le 
contraire  {Double  accus. ^  12  :  6  [aio-Bo;  TpiwêoAov  sxàa-r/i?  ^''xr,ç; 
iôid.,  33).  Aujourd'hui,  le  traité  d'Aristote  ne  laisse  subsister 
aucun  doute  :  le  triobole  répondait  au  travail  d'une  journée 
entière  (1).  C'est  le  cas  pour  tous  les  salaires  mentionnés  au 
ch.  62,  2  ;  et  la  dernière  phrase  de  l'ouvrage  est  encore  plus 
explicite,  s'il  est  possible  (69,  2  '-  sTreiSàv  auTo^ç  ^  BsSixaG-piéva  Ta 
£x  Twv  vojjL'iiv,  àuoXajjiêàvoua-i  tov  pit-o-Bov).  Ce  n'est  pas  l'unique 
fois  011  Lucien  est  convaincu  de  connaître  assez  mal  les  insti- 
tutions de  l'ancienne  Athènes. 

L"A9yiva(ajv  7zoXn:sioL  nous  fournit  surtout  des  précisions  nou- 
velles sur  la  façon  dont  on  touchait  le  triobole.  Ici  encore,  la 
loi  a  multiplié  les  précautions.  L'argent  est  apporté  par  un 
esclave  public  tiré  au  sort;  mais  celui-ci  ne  le  distribue  pas 
lui-même;  il  ne  le  donne  même  pas  au  président;  il  le  remet  à 
cinq  membres  du  jury,  désignés,  eux  aussi,  par  le  sort; 
(cf.  ci-dessus,  §  7).  Ce  sont  eux  qui  paient  leurs  collègues,  après 
une  double  vérification  :  d'abord,  chaque  juré  est  tenu  de  pré- 
senter un  ou  plusieurs  jetons  de  cuivre,  constatant  qu'il  a  pris 
part  à  tous  les  votes  de  la  journée  (cf.  §  8,  E);  puis  il  dit  son 
nom  et  sa  tribu  :  sa  tablette  doit  se  retrouver  dans  les  boîtes 
apportées  par  l'appariteur,  et  on  la  lui  rend  en  le  payant 
(65,  4)  (2).  Une  seule  phrase  soulève  des  difficultés  :  les  jurés. 


(1)  Aussi,  au  dire  d'Aristophane,  les  démagogues  étaiient-iis  sûrs  de  se  rendre 
populaires  en  proposant  de  renvoyer  les  jurés  après  l'examen  d'une  seule  cause 
[Caval.,  50  ;  Guêpes,  594). 

(2)  Pour  faire  exactement  tous  ces  paiements,  il  eût  fallu  beaucoup  de  petite 
monnaie;  on  en  manquait  parfois  à  Athènes,  comme  chez  nous.  On  donnait  alors 
une  drachme  pour  deux  jurés.  Le  procédé  n'était  pas  sans  inconvénients  :  on 
allait  changer  la  pièce  au  marché  ;  mais,  si  la  nuit  approchait,  il  se  trouvait  des 
héliastes  prêts  à  glisser  à  leur  camarade  trois  écailles  de  poisson  au  lieu  de  trois 
oboles.  Philocléon  a  été  un  jour  victime  de  cette  aventure.  Le  trait  est  peut-être 
de  l'invention  d'Aristophane  {Guêpes,  787)  ;  mais  il  a  bien  l'air  d'avoir  été  pris  sur 
le  vif. 


80  G.    COLIN 

dit  Aristole  (69,  2),  à7roAa[jLêàvojTt.  tov  ullo-Gov  sv  t(J)  [i-épet.  ou  IXay^ov 
£xaTTO'..  Le  sens  en  a  bien  été  vu,  je  crois,  par  Photiadis  :  il  ne 
saurait  s'agir  des  sections  tiéliastiques  ;  (car,  une  fois  désignés 
pour  tel  ou  tel  tribunal,  les  Athéniens  sont  classés  d'après  leur 
tribu  :  témoin  les  boîtes  dont  nous  parlions  à  l'instant).  Il  n'y 
a  pas  non  plus  à  songer  qu'ils  recevront  leur  salaire  dans  leur 
tribu;  (car  la  tribu  dépend  de  la  naissance,  non  du  sort;  le  mot 
eXayov  ne  s'expliquerait  pas).  Il  faut  donc  entendre  par  [xep'^ 
les  groupes  de  deux  tribus  que  le  président  a  constitués,  par 
voie  de  tirage  au  sort,  au  début  de  l'audience,  et  qu'il  a  indi- 
qués sur  son  Trp6ypa|jL|jia  (cf.  §  8,  B). 

L'argent  destiné  à  payer  le  triobole  est  fourni,  au  v''  siècle, 
par  les  colacrètes  (scol.  d'Aristoph.,  Oiseaux,  1541  :  'Apio-To- 
oàv7,ç  6  ypa|jijjiaTUo;  toutouç  [toÙç  xwXaxpIxaç]  Tai^'la;  slvai  cpT,(Tt. 
Tou  SuaG-TixoG  jji'.TÔou  ;  id..  Guêpes,  695;  Hésychius,  s.  v.  xwXa- 
xplTat.).  xiu  IV®  siècle,  ces  magistrats  ayant  disparu,  les  fonds 
sont  pris  sur  la  caisse  des  trésoriers  d'Athéna;  une  inscription 
de  l'année  325  {IG.,  II,  2,  809,  col.  a,  l.  213)  ne  laisse  aucun 
doute  à  cet  égard  :  tov  8a  |jL!.a-66v  ôiSovai  'zolç  8',xaa-TYipio!.<;  xoùç 
TajjL'laç  Twv  t1\ç  Oeou,  xaToc  tov  vouiov  (1). 

Mais  il  ne  suffit  pas  de  constater  que  les  jurés  athéniens 
reçoivent  de  l'Etat  trois  oboles  ;  l'essentiel  serait  de  savoir  ce 
que  représente  pour  eux  cette  indemnité.  Nous  ne  pouvons 
nous  en  rendre  compte  que  par  comparaison  avec  des  docu- 
ments contemporains  ;  nous  en  avons  heureusement  quelques- 
uns  (2).  Bien  entendu,  il  importe  de  distinguer  les  époques  ;  car 


(1)  De  là  vient  peut-être  l'assimilation  faite  par  Pollux  entre  les  colacrètes  et  les 
trésoriers  d'Athéna  (VIII,  97  :  Taix^ai  Tfi<;  ôsou  •  sxa);oûvTo  8è  ouxoi  xwXaxpéxai). 
Harpocration  (s.  v.  àitoSéxxai)  prétend,  d'après  Androtion,  que  les  apodectes  ont 
remplacé  les  colacrètes  dès  le  temps  de  Clisthène.  Le  renseignement  est  certai- 
nement inexact;  car  la  survivance  des  colacrètes  nous  est  attestée,  au  cours  du 
ye  siècle,  par  les  inscriptions. 

(2)  J'emprunte  tous  les  chiflres  cités  dans  ce  paragraphe  au  livre  de  Guiraud, 
La  main-d'œuvre  industrie.lle  dans  l'ancienne  Grèce  (Bibliothèque  de  la  Faculté 
des  Lettres  de  Paris,  XII,  1900),  ch.  xi,  les  salaires.  On  y  trouvera  les  références 
pour  chaque  donnée.  —  On  peut  consulter  aussi,  bien  que  les  conclusions  s'y 
dégagent  moins  nettement,  Francotte,  Llndustrie  dans  la  Grèce  ancienne,  vol.  I 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    l''A0HNAI<}N   IIOAITEfA  81 

la  vie  a  sensiblement  renchéii,  à  Athènes,  du  v®  au  iv®  siècle  ; 
on  en  a  la  preuve  soit  d'après  quelques  données  directes  (la 
farine  d'orge  se  vend  2  drachmes  le  médimne,  au  temps  de 
Socrate,  et  4  drachmes,  au  milieu  du  iv®  siècle  ;  le  blé  vaut 
3  drachmes  au  début  du  iv^  siècle,  de  5  à  6  en  329),  soit  d'après 
l'augmentation  des  salaires,  qui  est  en  corrélation  avec  la  cherté 
des  vivres  (au  v^  siècle,  un  ouvrier  gagne  couramment 
1  drachme  et  un  manœuvre  1/2  drachme  à  sa  journée  ;  en  329, 
on  paie  de  2  à  2  1/2  drachmes  et  1  1/2  drachme  pour  chacune 
de  ces  catégories).  Or,  dans  les  Guêpes  d'Aristophane,  en  422, 
quand  le  chœur  arrive  conduit  par  des  gamins,  et  que  ceux-ci 
réclament  des  figues  pour  leur  récompense,  les  héliastes  leur 
déclarent  qu'ils  ont  déjà  bien  assez  de  peine  à  entretenir  un 
ménage  de  trois  personnes  avec  leurs  trois  oboles;  ils  y  par- 
viennent cependant,  tant  bien  que  mal.  Un  peu  plus  tard,  vers 
401,  Lysias  plaide  contre  un  tuteur  infidèle;  on  est  dans  une 
maison  riche  ;  malgré  cela,  il  considère  comme  fort  exagérée 
une  somme  de  5  oboles  pour  les  frais  de  nourriture  de  trois 
enfants  mineurs.  Par  contre,  en  329,  l'Etat  fournit  à  un  groupe 
d'esclaves  publics,  pour  leur  subsistance,  3  oboles  par  jour  et 
par  tête  ;  cette  somme,  il  est  vrai,  est  calculée  pour  leur  per- 
mettre, s'ils  sottt  sobres  et  économes,  de  réaliser  un  petit  béné- 
fice, et  elle  sera  réduite  à  2  oboles,  à  Délos,  en  279.  Sans  mul- 
tiplier ces  exemples,  nous  en  conclurons  qu'à  l'époque  d'Aris- 
tophane, le  salaire  des  tribunaux,  insuffisant  peut-être,  à  lui 
seul,  pour  faire  vivre  un  ménage,  y  représentait  du  moins  un 
apport  sérieux.  Au  iv^  siècle,  il  est  beaucoup  moins  rémunéra- 
teur ;  mais  les  ressources  de  l'Etat  aussi  ont  bien  baissé  :  privé 
des  tributs  de  la  Ligue  maritime,  il  faut  admirer  plutôt  qu'il 
ait  pu  continuer  ,à  soutenir  la  charge  de  cette  dépense.  Et, 
après  tout,  les  jurés,  sans  grande  fatigue,  étaient  encore  plus 
favorisés  que  les  artisans  invalides  qui,  non  sans  formalités 

(Bibliothèque  de  la  Faculté  de  philosophie  et  lettres  de  Liège,  VII,  1900),  ch.  m 
et  IV  du  livre  II,  Des  différents  modes  de  rémunération  du  travail^  La  valeur 
réelle  du  salaire. 

REG,  XXX,  1917,  n»  136.  e 


82  G.    COLIN 

fréquemment  renouvelées  et  non  sans  risques  de  procès,  se 
voyaient  accorder,  pour  tout  subside,  1  obole  au  temps  de 
Lysias,  et  2  au  temps  d'Aristote. 

Je  me  suis  efforcé  dans  les  pages  précédentes,  d'exposer 
Tétat  actuel  de  nos  connaissances  sur  les  tribunaux  d'Athènes 
vers  325.  J'ai  recouru  parfois,  incidemmenl,  à  des  documents 
d'époque  plus  ancienne  ;  mais  mon  intention  a  toujours  été, 
pour  ne  pas  compliquer  une  étude  déjà  assez  minutieuse,  de 
m'en  tenir,  sur  chaque  point,  à  éclairer  ce  qui  se  passait  dans 
la  seconde  moitié  du  iv"  siècle  ;  je  n'ai  nullement  voulu  retra- 
cer l'histoire  des  usages  antérieurs. 

Sans  sortir  du  sujet  ainsi  compris,  il  reste  une  question  à 
nous  poser  :  à  quelle  époque  remonte  l'organisation  décrite 
dans  r  'AQïiva'lwv  izoli-zeioL?  Il  est  impossible,  je  crois,  d'y  répondre 
avec  précision  (1).  Aristote  nous  apprend  (27,5;  cf.  Diod., 
XIII,  64  ;  Plutarque,  Coriolan,  14  ;  etc.)  que  le  premier  grand 
scandale  judiciaire  fut  l'acquittement  d'Anytos  :  celui-ci,  étant 
stratège  en  409,  avait  été  envoyé,  avec  une  flotte,  au  secours 
de  Pylos  assiégée  par  les  Spartiates  ;  comme  la  mer  était  mau- 
vaise, il  revint  à  Athènes,  sans  avoir  dépassé  le  cap  Malée,  et 
Pylos  succomba.  Anytos  fut  mis  en  accusation  ;  mais  il  était 
riche  et  démocrate  ;  il  ne  fut  pas  condamné.  Il  est  donc  vrai- 
semblable que,  parmi  les  nombreuses  réformes  de  l'archontat 
d'Euclide,  en  403,  quelques-unes  s'appliquèrent  aux  tribunaux; 
et,  en  effet,  dans  les  dernières  pièces  d'iVristophane,  comme  les 
Ecclesiazousai,  en  392,  et  le  Plutus,  en  388,  nous  trouvons  des 
allusions,  qui  n'existaient  pas  dans  les  premières,  aux  sections 

(1)  Sur  ce  sujet,  on  peut  consulter  les  trois  derniers  chapitres  de  la  dissertation 
de  Teusch,  et  surtout  les  conclusions  de  Texcursus  de  Keil  {Anon.  Argentin., 
p.  265-269).  Certains  points  d  ailleurs  y  sont,  je  crois,  très  discutables.  Ainsi,  je 
ne  sais  trop  s'il  y  a  grand  chose  à  tirer  du  §  10  du  discours  c.  Boiotos  (ch,  m  de 
Teusch).  Je  ne  suis  pas  convaincu  (avec  Keilj  qu'avant  403  deux  jours  aient 
jamais  été  accordés  pour  aucun  procès  (on  n'en  prévoit  qu'un,  de  toute  façon, 
pour  les  généraux  des  Arginuses,  en  406);  et  je  me  demande  si  nous  possédons' 
des  éléments  assez  décisifs  pour  avancer  que  le  jour  légal  ait  été  calculé,  à  un 
moment  donné,  sur  le  mois  Pyanepsion  (Octobre). 


LES    SEPT    DERNIERS    C!IAPITHES    DE    L^'ABUNAItiN    MOATTEfA  83 

héliasliques  désignées  par  des  lettres  et  soumises  à  des  tirages 
au  sort  {Eccl.,  681  ;  Piui.,  277,  il6G).  Mais  ces  tirages  sont 
beaucoup  moins  compliqués  à  ce  moment  qu'ils  ne  le  seront 
plus  tard.  On  en  vient  alors  à  envisager  les  deux  autres 
époques  où,  à  notre  connaissance,  se  sont  produits  encore  des 
changements  considérables  dans  la  constitution  d'Athènes  : 
l'un,  vers  373,  quand  se  reforme  la  nouvelle  Ligue  maritime, 
l'autre,  vers  338,  après  Ghéronée.  Keil,  remarquant  l'impor- 
tance, dans  r'AQrivauov  izoIi^eIol,  des  chapitres  consacrés  aux  tri- 
bunaux, songe  à  expliquer  par  la  nouveauté  des  faits  l'intérêt 
qu'y  prend  Aristote.  11  avait  quitté  Athènes  en  347,  d'abord 
pour  voyager  de  divers  côtés,  puis  pour  devenir  le  précepteur 
d'Alexandre  ;  il  y  rentre  en  335,  quand  son  élève  entreprend 
son  expédition  contre  la  Perse  :  ce  serait  dans  cet  intervalle  de 
douze  ans  qu'aurait  été  profondément  remanié  le  régime  des 
tribunaux  athéniens.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  s'y  soit  produit 
des  transformations  ;  nous  en  avons  signalé  à  propos  de  la 
vitesse, d'écoulement  des  clepsydres  et  du  temps  accordé  pour 
les  S'.aô'.xao-'laf.  (p.  60).  Mais,  comme  l'ensemble  des  plaidoyers 
des  orateurs  attiques  ne  nous  révèle  pas,  en  somme,  d'écarts 
très  considérables  dans  la  législation,  je  serais,  pour  ma  part, 
disposé  à  faire  remonter  plus  haut  l'époque  des  grandes 
réformes.  Timidement  amorcées  en  403,  elles  auraient  été 
accomplies,  dans  leurs  parties  essentielles,  vers  375,  et,  par  la 
suite,  complétées  simplement  sur  des  points  de  détail. 

Peut-être,  à  cet  égard,  pourrait-on  tirer  argument  d'une 
curieuse  inscription  d'Eleusis,  oij,  dès  352,  nous  voyons  les 
Athéniens,  pour  consulter  l^oracle  de  Delphes,  faire  preuve 
d'une  défiance  aussi  générale,  et  adopter  des  précautions  aussi 
minutieuses  que  dans  leurs  tribunaux.  11  est  naturel  de  suppo- 
ser que,  dans  un  acte  assez  rare  de  la  vie  religieuse,  on  s'est 
inspiré  du  même  état  d'esprit  qui  régnait  couramment  dans  la 
vie  politique  ;  il  le  serait  moins,  je  crois,  d'admettre  que  toute 
cette  procédure  compliquée  ait  été  subitement  improvisée  pour 
un  cas  spécial,  et  que,  de  là,  on  se  soit  avisé  de  la  faire  passer 


84  Ct.  colin 

dans  la  loi  pour  régler  à  l'avenir  la  nomination  des  juges  et 
leurs  opérations.  Si  cette  idée  est  juste,  ce  serait  une  raison  de 
plus  pour  reporter  avant  352  l'organisation  des  tribunaux, 
telle  qu'elle  nous  apparaît  dans  Aristote. 

Quoi  qu'il  en  soit,  comme  terme  de  comparaison  avec  tout 
ce  que  nous  avons  constaté  précédemment,  l'inscription  d'Eleu- 
sis vaut  la  peine  d'être  citée.  Donc,  en  352,  on  discute  à 
Athènes  sur  l'emploi  qu'il  conviendiait  de  faire  d'un  terrain 
appelé  la  Upà  opyà;,  et  situé  sur  les  confins  de  l'Attique  et  de 
la  Mégaride.  Gomme  il  était  consacré  à  Déméter  et  à  Coré,  on 
le  laissait  auparavant  en  friche;  on  se  demande  alors  (et  l'ini- 
tiative en  revient  sans  doute  à  un  financier  pratique  comme 
Eubule)  s'il  ne  vaudrait  pas  mieux  le  mettre  en  adjudication, 
en  spécifiant,  bien  entendu,  que  le  produit  de  la  location  servi- 
rait à  entretenir  et  à  embellir  le  sanctuaire  d'Eleusis.  Avant  de 
rien  décider,  on  tient  à  demander  à  Delphes  Tavis  d'Apollon; 
or,  voici  sous  quelle  forme  on  entend  faire  la  consultation 
(/G.,  II,  5,  404  a  =  Ditt.^  n°  789,  1.  22-53). 

«  Le  secrétaire  du  Conseil  prendra  deux  lames  d'étain  de 
même  taille  et  parfaitement  semblables  ;  il  inscrira  sur  la  pre- 
mière :  «  Est-il  plus  avantageux  et  préférable  pour  le  peuple 
d'Athènes  que  l'archonte-roi  afferme  les  parties  actuellement 
en  friche  du  terrain  sacré  à  l'intérieur  des  bornes,  en  vue  de 
construire  le  Portique  et  de  restaurer  le  sanctuaire  des  deux 
déesses?  »  et  sur  la  seconde  :  «  Est-il  plus  avantageux  et  préfé- 
rable pour  le  peuple  d'Athènes  de  laisser  abandonnées,  pour 
faire  honneur  aux  deux  déesses,  les  parties  du  terrain  sacré  qui 
ne  sont  pas  cultivées  à  l'intérieur  des  bornes?  »  Quand  le  secré- 
taire aura  fait  ces  inscriptions,  il  donnera  les  deux  lames  d'étain 
à  l'épistate  des  proèdres.  Celui-ci  les  roulera  l'une  et  l'autre; 
puis,  après  les  avoir  enveloppées  de  laine,  il  les  mettra  dans 
une  urne  de  bronze,  en  présence  du  peuple;  ces  objets  seront 
tenus  prêts  par  les  prytanes.  Les  trésoriers  de  la  déesse  descen- 
dront sans  retard  dans  l'Assemblée  deux  urnes,  une  d'or  et 
une  d'argent.  Alors  l'épistate  (des  poèdres),  après  avoir  secoué 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"A0FJNA[i)N    HOAITEIA  85 

Turne  de  bron/e,  en  tirera  successivement  les  deux  lames 
d'étain;  il  déposera  la  première  dans  l'urne  d'or,  la  seconde 
dans  Turne  d'argent,  et  il  ficellera  solidement  les  deux  urnes. 
Là-dessus,  l'épistate  des  prytanes  y  apposera  le  sceau  de  l'Etat, 
et  tout  autre  Athénien  sera  libre  d'y  ajouter  également  le 
sien,  s'il  le  désire;  après  quoi,  les  trésoriers  remonteront  les 
urnes  à  l'Acropole.  Le  peuple  élira  trois  citoyens,  l'un  pris 
dans  le  Conseil,  les  deux  autres  parmi  l'ensemble  des  xAthé- 
niens,  pour  aller  à  Delphes  demander  au  dieu  suivant  laquelle 
des  deux  formules  les  Athéniens  doivent  agir  à  propos  du 
terrain  sacré,  celle  de  l'urne  d'or  ou  celle  de  l'urne  d'argent. 
Lorsque  les  envoyés  seront  revenus  d'auprès  du  dieu,  on 
redescendra  les  urnes,  et  on  lira  au  peuple  à  la  fois  la  réponse 
de  l'oracle  et  les  formules  inscrites  sur  les  deux  lames  d'étain; 
la  formule  que  le  dieu  aura  indiquée  dans  sa  réponse  comme 
plus  avantageuse  et  préférable  pour  le  peuple  d'iVthènes  réglera 
la  conduite  à  tenir  afin  de  témoigner  la  plus  grande  piété 
possible  envers  les  deux  déesses,  et  afin  que  jamais  dans  l'ave- 
nir aucune  impiété  ne  se  commette  à  propos  du  terrain  sacré 
ni  des  autres  sanctuaires  qui  sont  à  Athènes  ». 

On  peut  admirer  l'incontestable  ingéniosité  de  toutes  ces 
précautions;  mais  l'impression  la  plus  nette  qui  en  ressorte 
est  celle  d'une  défiance  poussée  à  l'extrême  vis-à-vis  de  tout 
le  monde.  Il  en  est  exactement  de  môme  à  propos  des  tribu- 
naux populaires;  et  cela  nous  remet  malgré  nous  en  mémoire 
un  certain  nombre  de  traits  qu'on  lisait  bien  dans  les  auteurs, 
mais  auxquels  on  se  refusait  à  accorder  pleine  créance.  Ainsi 
Aristophane,  entre  beaucoup  d'autres  choses,  reproche  aux 
héliastes  —  les  cppàTspsç  Tpt.coê6Xou,  comme  il  les  appelle  — 
d'obéir  aux  suggestions,  justes  ou  injustes,  des  démagogues 
{Cav.,  255);  et  il  nous  montre  Gléon  leur  ordonnant  d'arriver, 
pour  tel  jour,  avec  une  bonne  provision  de  colère  [Guêpes, 
242)  ;  mais,  répondait-on,  c'est  un  poète  comique,  et  on  ne  sait 
jamais  trop,  chez  lui,  quand  on  passe  du  portrait  à  la  charge. 
D'après  le  petit  traité  de  la  République  d'Athènes  qui  figure  à  la 


86  Ct.  colin 

suite  des  œuvres  de  Xénophon,  les  jurés,  dans  leurs  tribunaux, 
ont  bien  plus  le  souci  de  leur  intérêt  personnel  que  de  la 
justice  (1,  13);  leur  grand  nombre  est  la  seule  protection 
laissée  au  public  contre  leur  vénalité  (3,  7)  ;  mais  l'auteur  est 
manifestement  un  aristocrate  :  il  risque  d'être  injuste  pour  le 
parti  opposé.  A  en  croire  Théopompe,  dans  cette  Athènes  que 
le  dieu  de  Delphes  avait  proclamée  jadis  le  foyer,  le  prytanée 
de  la  Grèce,  on  ne  trouvait  plus,  de  son  temps,  que  des  gens  de 
théâtre,  des  matelots,  des  voleurs  d'habits,  et  encore  de  faux 
témoins,  des  sycophantes  et  des  hommes  prêts  à  certifier  toutes 
les  citations  de  fantaisie  {FHG.  Did.,  I,  p.  328,  n°  297)  ;  mais 
Théopompe  a  toujours  passé  pour  une  mauvaise  langue,  male- 
dicentissimiis  scriptor,  dit  Cornélius  Nepos.  Lysias  nous 
montre  des  juiés  menacés  de  perdre  leur  salaire,  s'ils  ne 
prononcent  pas  la  condamnation  qu'on  réclame  d'eux  [c.  Epi- 
crate^  1),  ou  des  accusés  se  vantant,  au  cours  même  du  procès, 
avant  le  prononcé  de  la  sentence,  d'avoir  acheté  une  bonne 
partie  du  tribunal  [c.  Philocrate,  02)  ;  Démosthène,  dans  ses 
exordes,  fait  allusion  plus  d'une  fois  aux  sollicitations  indis- 
crètes dont  les  jurés  sont  assaillis  au  moment  de  leur  nomina- 
tion [Ambas.  1),  et  il  ne  croit  pas  inutile  de  leur  rappeler  leur 
serment  d'impartialité  [Midienne^  4)  ;  mais,  là  encore,  on  se 
demandait  volontiers  s'il  n'y  avait  pas  une  part  à  faire  aux 
lieux  communs  oratoires. 

Aujourd'hui  que  nous  connaissons  mieux  le  règlement  même 
des  tribunaux,  tous  ces  témoignages  en  reçoivent  une  singu- 
lière confirmation.  Evidemment,  la  loi  s'emploie  de  son  mieux 
à  dépister  et  à  prévenir  les  fraudes  ;  mais,  visiblement,  plai- 
deurs, jurés,  présidents,  magistrats  et  fonctionnaires  quel- 
conques, tout  le  monde  est  impliqué  dans  la  même  suspicion. 
A  chaque  instant,  on  multiplie  les  tirages  au  sort  ;  on  ne  les 
fait,  autant  que  possible,  qu'au  dernier  moment  ;  et  les  moyens 
de  contrôle  se  doublent  presque  toujours  les  uns  les  autres. 

Dira-t-on  qu'il  y  a  là  un  luxe  de  précautions,  et  que  les 
Athéniens  auraient  pu  aisément  se  contenter  à  moins  de  frais? 


LES    SEPT    DERNIERS    CHAPITRES    DE    L"AeHNAIÛN   IlOAITEIA  87 

Nous  ignorons  ce  qui  se  serait  passé  alors  dans  les  tribunaux, 
puisque,  une  fois  établie  sous  cette  forme,  la  loi  y  était  appli- 
quée. Par  contre,  en  matière  religieuse,  nous  connaissons  un 
cas  assez  semblable  à  celui  d'Eleusis  dont  nous  parlions  tout  à 
l'heure,  mais  où  Ton  procéda  d'autre  sorte.  Quand  Philippe, 
après  Ghéronée,  eut  attribué  de  nouveau  Oropos  aux  Athé- 
niens, ceux-ci  en  partagèrent  le  territoire  en  cinq  lots,  qu'ils 
répartirent  par  le  sort  entre  leurs  tribus  groupées  deux  par 
deux.  Au  bout  de  quelque  temps,  entre  330  et  32 i,  on  eut  des 
scrupules  à  propos  d'un  de  ces  lots  :  on  se  demanda  s'il  n'avait 
pas  été  jadis  consacré  à  Amphiaraos.  Le  mieux  parut  être  de 
poser  la  question  au  dieu  lui-même  ;  et,  puisqu'il  avait  cou- 
tume de  manifester  sa  volonté,  en  songe,  à  ceux  qui  venaient 
dormir  dans  son  temple,  on  chargea  officiellement  Euxénippos, 
avec  deux  autres  citoyens,  d'aller  passer  une  nuit  dans  l'Am- 
phiaraon.  Les  Athéniens  jugèrent  suffisant,  cette  fois,  de  s'en 
tenir  simplement  à  ce  que  leur  rapporteraient  leurs  délégués  ; 
ils  eurent  tort.  Quand  on  voulut  reprendre  leur  lot  aux  deux 
tribus  qui  l'avaient  occupé,  il  y  eut  des  mécontents  ;  il  en 
résulta  des  procès  ;  et,  en  fin  de  compte,  le  malheureux  Euxé- 
nippos fut  accusé  de  s'être  laissé  corrompre  et  d'avoir  inventé 
ce  qu'il  prétendait  avoir  vu  en  songe  (Hyper.,  p.  Eux.^  3,  14- 
15)  ;  il  fut  traduit  en  justice  par  voie  d'sla-ayyeXia,  comme  s'il 
avait  mis  en  péril  la  sûreté  de  l'Etat,  et  courut  péril  de  mort. 
Était-il  coupable  ou  non?  peu  nous  importe  ici.  Nous  en 
conclurons  seulement  que  toutes  les  minuties  de  la  loi  athé- 
nienne n'étaient  que  trop  justifiées.  Puisqu'on  se  soupçonnait 
si  aisément  les  uns  les  autres,  le  mieux  était  d'agir  en  consé- 
quence ;  mais  cela  éclaire  d'un  jour  assez  fâcheux  la  moralité 
des  Athéniens  du  iv®  siècle. 

G.  Colin. 

Nancy,  Février  1916. 


ÉTUDES  D'HISTOIRE  HELLÉNISTIQUE 


SUR  LA  ((  GUERRE  CRETOISE  »  (xpy]Tixoç  r.àleu^oç) 


I 

Dans  son  excellent  Bulletiii  épigraphique  (1),  P.  Roussel, 
après  avoir  analysé  Tinte'ressant  décret  voté  par  les  auxi- 
liaires Cretois  de  Ptolémée  Philométor  (2)  en  l'honneur  de  leur 
bienfaiteur  "AvAaoç  BsoxXéouç,  citoyen  de  Kos  et  grand  dignitaire 
de  la  cour  d'Egypte,  a  noté  qu'un  "AyXaoç  0£uxA[£G;]  est  nommé 
dans  une  liste  religieuse  du  dème  d'Istlimos  (île  de  Kos)  (3). 
Cette  remarque  est  exacte.  La  famille  d'"AYAao;  HsoxXéouç 
(ou  ©suxXeuç)  est  assez  bien  connue,  mieux  que  je  ne  l'avais 
indiqué  quand  je  publiai  le  décret  des  Cretois.  Si  je  reviens 
sur  le  sujet  —  quoique  l'intérêt  en  puisse  à  bon  droit  sembler 
mince  — ,  c'est  qu'en  l'étudiant  de  près,  on  est  amené  à  éluci- 
der une  question  d'histoire  qui  ne  laisse  pas  d'être  importante. 

Dans  un  travail  déjà  ancien  (4),   l'explorateur  de  l'Asklé- 


(1)  Eev.  Et.  gr.,  XX VU  (1914),  457.  Cf.  les  remarques  que  P.  Roussel  a  bien 
voulu  consigner,  à  ma  demande,  dans  un  Bulletin  plus  récent  :  ihid.,  XXVIII 
(191S),  468. 

(2)  Publié  par  moi  dans  VArch.  fur  Papyriisforsch.,  1913,  9  sqq. 

(3)  R.  Herzog,  Sitz.-ber.  Berl.  Akad.,  1901,  479,  3;  cf.  Klio,  II,  323. 

(4)  KpriTixôç  xdX£fj.oç  [Klio,  II  (1902),  316  sqq.). 


ÉTUDES    d'histoire    HELLÉNISTIQUE  89 

pieion  de  Kos,  R.  Herzog,  a  signalé  à  l'attention  (1)  deux  citoyens 
de  Kos  mentionnés  dans  les  inscriptions  de  l'île,  qui  sont  les 
suivants  : 

1**  "AyloLoç  0£uxX[£Us]  (le  même  qui  est  nommé  plus  haul).  Il 
le  faut  probablement  identifier  avec  l'éponyme  ([jLovapyoç) 
"AyXaoç,  connu  par  les  monnaies  de  Kos  (2),  et  par  la  liste  des 
personnes  admises  au  culte  d'Apollon  Délios  que  M.  Dubois 
découvrit  à  Kalymna  (3). 

2*^  BsuxXrîç  'AyÀàou,  presque  certainement  fils  du  précédent. 
11  figure,  comme  donateur  d'une  somme  de  500  drachmes,  sur 
la  liste  des  citoyens  qui  firent,  à  Kos,  une  souscription  publique 
«  pour  le  salut  de  la  patrie  »  (4);  et  c'est  en  son  honneur  que  les 
habitants  du  dème  d'Halasarna  votèrent  le  grand  décret  retrouvé 
par  Herzog  (5).  Ce  texte  précieux  nous  apprend  que,  «  dans  les 
circonstances  les  plus  critiques  »  —  durant  deux  guerres  suc- 
cessives — ,  Theuklès  sut,  avec  la  plus  intelligente  activité, 
pourvoir  à  la  sûreté  du  dème,  exposé  aux  descentes  des  enne- 
mis, et  qu'il  le  protégea  etïicacement  contre  toute  invasion  (6). 

(1)  Ibid.,  323. 

(2)  Cf.  Paton-Hicks,  Inscr.  ofCos,  316  (n.  184),  317  (n.  204),  318  (n.  216). 

(3)  M.  Dubois,  BCH,  1884,  30   =   Collitz-Bechtel,   3593;  cf.  Paton-Hicks,  ibid., 

352  sqq.  —  A  peine  ai-je  besoin  de  rappeler  qu'à  1  époque  où  remontent  tous  les 
documents  ici  mentionnés,  Kalymna  était  rattachée  à  TÉtat  de  Kos,  dont  elle 
formait  un  dème  (cf.  Paton,  Classic.  Rev.,  1902,  102). 

(4)  Insc/\  Brit.  Mus.,  343  (avec  fausse  attribution  à  Khodes)  =  Paton-Hicks,  10 
=  Collitz-Bechtel,  3624  =  Michel,  642;  col.  c,  1.  50  :  BevcXf,?  {sic)  '\yÇKd)ou  P.  Cf. 
Herzog,  Klio,  II,  317-318. 

(5)  Herzog,  ibid.,  321-326;  cf.  G.  Cardinal!,  Riv.  di  FiloL,  1907,  8  {Creta  nel 
tramonto  delV  Ellenismo). 

(6)  Aux  mêmes  circonstances  se  rapportent,  comme  il  résulte  de  concordances 
prosopographiques  :  1°  la  liste  de  souscription  de  Kalymna  :  Inscr.  Brit.  Mus., 
298  =  Collitz-Bechtel,  3590;  cf.  Herzog,  ibid.,  318;  —  2^  le  décret  de 
Kalymna  pour  AûaavSpoî  ^otvixoç,  vainqueur  des  Iliérapytniens  au  combat  naval 
du  cap  Lakéter:  Inscr.  Brit.  Mus.,  259  =  Collitz-Bechtel,  3586  =  Herzog,  ibid., 
318-319;  —  3°  le  décret  de  Kos  (en  partie  inédit)  pour  AtoxXfi;  AswSâfxavTOî,  qui 
avait  repoussé  les  ennemis  descendus  sur  le  territoire  d'Halasarna  :  Herzog, 
ibid.,  320.  —  Il  est  possible,  mais  il  n'est  pas  démontré  à  mes  yeux,  que  le 
décret  des  noTiSaistç  (Karpathos)  pour  na[x.ptXî5a(;  'lépwvos  (Beaudouin,  BCH,  1884, 

353  =  Sylloge^,  270  =  IG,  XII,  1,  1033  =  Collitz-Van  Gelder,  4321  =  Michel,  437) 
se  rattache  au  même  groupe,  comme  le  pense,  Herzog,  ibid.,  321.  —  Pour  la  dédi- 
cace de  Nisyros  [IG,  XÏI,  3,  103),  voir  ci-après,  p.  96  et  suiv. 


90  M.    HOLLEAUX 

Il  est  évident,  à  première  vue,  que  ces  personnages  sont 
étroitement  apparentés  à  "AyXaoç  OsoxXéouç  bienfaiteur  des  Cre- 
tois; c'est  un  point  que  j'essaierai  de  préciser  un  peu  plus  loin. 


A  quelle  époque  placer  le  décret  des  Halasarnitains?  Si  l'on 
admet  l'interprétation  qu'en  a  donnée  le  premier  éditeur,  il 
daterait  de  l'année  20 j  (1). 

Il  y  est  fait,  comme  j'ai  dit,  mention  de  deux  guerres  (2). 
D'abord  (1.  6),  «  la  guerre  Cretoise  »  (6  y.pri'ziy.o;  7:6à£|jloç)  ;  puis 
(1. 12-13),  une  seconde,  qui  succéda  —  immédiatement,  semble- 
t-il  —  à  la  précédente,  et  qu'on  appelle  «  la  guerre  qui  vient 
de  naître  »  (6  o-uvso-Taxwç  tïoXsjjloç),  autrement  dit,  «  la  guerre 
actuelle  »  (3),  expression  d'oiî  il  faut  conclure  que  c'est  avant 
la  fin  ou,  au  plus  tard,  à  la  fin  de  cette  seconde  guerre  que  fut 
rendu  le  décret.  Dans  le  xpr^Tt-xoç  TroXejjio;,  Herzog  a  pensé  recon- 
naître la  guerre  que  les  P^tats  crétois,  ou  un  certain  nombre 
de  ces  États,  firent,  à  l'instigation  de  Philippe  V,  aux  Rhodiens 
et  à  leurs  alliés  (parmi  lesquels  se  trouvait  le  peuple  de  Kos) 
à  partir  de  l'année  204  (4).  Dès  lors,  «  la  guerre  actuelle  » 
serait  celle  qui  mit  aux  prises,  dans  l'été  de  201,  Philippe  et 
les  Rhodiens.  C'est,  peut-on  croire,  dans  le  temps  qui  suivit  la 
bataille  de  Ladé,  que  la  flotte  macédonienne  aurait  attaqué  l'île 


(1)  Cf.,  en  général,  Herzog,  ibid.,  327-328,  dont  je  m'écarte  sur  quelques  points. 

(2)  Et  non  de  «  deux  phases  d'une  même  guerre  »,  comme  l'a  écrit  Herzog 
{ibid.,  327).  H  résulte  d'une  communication  que  me  fit  Herzog  en  1902,  que  le 
décret  pour  Aiox);fi(;  AsoiSiiiav-coç  parle  aussi  très  nettement,  dans  sa  partie  iné- 
dite, de  deux  guerres  successives.  La  première  est  dite  ô  xp-ritixôç  7cdX£[jL0î,  la 
seconde  ô  ÈveaTaxwç  TiôXsfxoi;. 

(3)  Cf.,  dans  Polybe,  V,  104,  2;  104,  7,  un  emploi  tout  semblable  de  la  même 
locution  :  Tcpoi'8o[xévou;  —  xô  [jLeyeOo;  tou  cruvsaxwxoç  irpoî  xat^  Sûssai  ■7ro)v£[xou  —  ; 
aùxôv  T^iov  xal  xoîî  èv  'IxaXttx  auvsaxwai  TtoXéfxoi.ç  irpoué^^eiv  xôv  vouv. 

(4)  Herzog,  ibid.,  327-328.  Sur  cette  guerre,  voir,  en  dernier  lieu,  Cardinali, 
Rio.  di  Filol.,  1907  {Creta  nel  tramonto  delV  Ellenismo),  6  sqq.  ;  HoUeaux,  Klio, 
XIII  (1913),  145  sqq.  Au  premier  rang  des  États  cr*étois  ennemis  de  Rhodes  il 
faut  mettre  Iliérapytna,  comme  le  montre  l'inscription  de  Kalymna  (Collitz- 
Bechtel,  3586)  précédemment  citée. 


ÉTUDES   d'histoire    HELLÉNISTIQUE  91 

de  Kos.  Mais  ces  attaques  n'auraient  été  que  de  brève  durée. 
En  effet,  avant  l'automne,  les  escadres  unies  des  Rhodiens  et 
d'Attale  réussirent  à  enfermer  Philippe  dans  la  rade  de  Bar- 
gylia  (1).  A  ce  moment-là  se  serait  terminé  pour  les  habitants 
de  Kos  —  que  la  suite  des  hostilités  n'intéressa  nullement  — 
le  a-uv£TTaxw;  tuoâsjjlo;;  vers  ce  moment-là  aurait  été  voté  le 
décret  en  l'honneur  de  OsuxXris  'AyXàou.  Ainsi,  ce  document  et 
les  inscriptions,  assez  nombreuses,  de  Kos  et  de  Kalymna,  qui 
se  groupent  autour  de  lui  (2),  nous  mettraient  sous  les  yeux 
quelques  épisodes  des  grandes  luttes  navales  dont  la  mer  des 
Sporades  fut  le  théâtre  à  la  tin  du  ni^  siècle,  et  qui  préludèrent 
à  la  seconde  guerre  de  Rome  contre  Philippe.  Le  gain  histo- 
rique ne  serait  pas  médiocre. 

L'opinion  de  Herzog  a  rencontré  l'adhésion  générale  (3),  ce 
qui  ne  saurait  surprendre,  car  elle  paraît,  dès  l'abord,  tout  à 
fait  plausible.  Cependant  un  doute  subsiste,  un  doute  dont, 
souvent,  je  n'ai  pu  me  défendre.  Pourquoi,  dans  le  décret 
d'Halasarna,  les  mots  xpYiTuoç  uoXeiJioç  ne  désigneraient-ils 
pas,  comme  chez  Polybe,  celte  guerre  difficile  que,  vers  le 
milieu  du  n"  siècle,  probablement  en  155/4,  les  Rhodiens  sou- 
tinrent contre  les  Cretois,  et  sur  laquelle  Polybe,  Diodore  et 
Trogus  (4)  nous  ont  laissé  quelques  renseignements  clairse- 
més? Notons  que  la  question  s'est  déjà  posée  au  sujet  d'une 
inscription  bien  connue  de  Nisyros  (5),  et  qu'il  y  a  été  fait 


(1)  Pol.,  XVI,  24,  i  sqq. 

(2)  Ci-dessus,  p.  89,  note  6.  Cf.  Herzog,  ibid.,  327-328;  Cardinal!,  ibid.,  7-8. 

(3)  Cf.  Niese,  lll,  379  ;  Bouché-Leclercq,  Hist.  des  Lagides,  I,  353,  3  ;  Cardinali, 
ibid.,  5-11  ;  Holleaux,  ibid,,  143  sqq.;  W.  Otto,  P.-W.,  VII,  2599,  s.  v.  Eegesan- 
dros,^\  M.  Nicolaus,  Zwei  Beitr.  zur  Gesch.  Kônig  P/iilipps  F(diss.  Berl.  1909), 
39,  80,  etc. 

(4)  Pol.,  XXXIII,  4  {Exe.  de  virl.  et  vit.,  II,  200,  §  110  Roos);  13,  2  {Exe.  de  leg., 
I,  60,  §  33  De  Boor);  15,3  {Id.,  II,  356,  §  115);  16  {Id.,  ibid.,  §  116);  17  {Exe.  de 
sent.,  200,  §  144,  Boissev.);  Diod.  [=  Pol.],  XXXI,  37-38  {Id.,  376,  §§  368,  369 
Boissev.);  43  {Id.,  377,  §  372  Boissev.)  ;  cf.  45  {Exe.  de  virt.  et  vit.,  I,  290,  §  295 
B.  Wobst);  Trog.,  Prol.,  35.  —  Sur  cette  guerre,  Niese,  III,  324-326  (et  pour  la 
date,  324,  4);  Cardinali,  ibid.,  25  et  note  7. 

(5)  IG,  XII,  3,  103  (cf.  Hiller  von  Gârtringen,  Sitz.-ber.  Berl.  Akad:,  1895,  471 
sqq.).  Voir  ci-après,  p.  96. 


92  M.    HOLLEAUX 

deux  réponses  contradictoires.  Cette  inscription  est  une  dédi- 
cace en  l'honneur  d'un  citoyen  qui  avait  été  stratège  pendant 
la  guerre  crétoise  :  [TjTpaTayyJa-avTOç  —  xaxà  Tr6X£[jLo[v  to]v  xpyiTLXov. 
On  est  tout  de  suite  poi'té  à  croire  que  «  la  guerre  crétoise  » 
ici  mentionnée  est  la  même  dont  parle  le  déciet  d'Halasarna. 
Or,  tandis  que  Herzog,  comme  il  est  naturel,  estime  qu'il 
s'agit  encore  de  la  guerre  de  204  (1),  le  premier  éditeur  du 
texte  de  Nisyros  n'a  point  hésité  à  penser  que  par  xp-^Tixoç 
TioXsjjLOs  il  fallait  entendre  la  guerre  de  153  (2).  Il  est  clair 
que  le  décret  d'Halasarna  soulève  a  priori  une  difficulté  sem- 
blable. 

A  la  vérité,  ceux  qui  identifient  le  xp7]Tt.xo;  7zokt\koç  avec  la 
guerre  de  204  peuvent  alléguer,  en  faveur  de  leur  hypothèse, 
une  raison  très  digne  d'attention  :  c'est  que,  dans  cette  hypo- 
thèse, on  s'explique  très  bien,  comme  je  l'ai  indiqué  plus  haut, 
ce  qu'est  le  o-uvso-TDcxto;  ttoXsijloç  succédant  à  la  «  guerre  cré- 
toise »,  au  lieu  qu'on  ne  voit  pas  du  tout  ce  que  pourrait  être 
cette  «  guerre  actuelle  »,  si  la  <(  guerre  crétoise  »  se  place  en 
15o.  Du  milieu  du  ii^  siècle  à  l'époque  de  Mithradates  nous 
n'avons,  en  effet,  connaissance  d'aucune  guerre  faite  ou  soute- 
nue par  les  Rhodiens  ;  et  la  guerre  dite  o-uvsTTaxw;  7i6a£jjioç  paraît 
avoir  été  des  plus  sérieuses  :  il  serait  bien  étrange  qu'il  n'en 
subsistât  nulle  trace  dans  la  tradition  littéraire. 

Si  solide  que  soit  cette  raison,  l'on  aimerait  pourtant  à 
la  renforcer  d'autres  arguments.  C'est  ici  que  le  décret  des 
auxiliaires  crétois  de  Philométor  en  l'honneur  d"'AYXaoç  %to- 
yXiouq  nous  peut  être  de  quelque  secours. 


Ce  décret  fut  voté  tout  de  suite  après  l'expédition  faite  par 


(1)  Herzog,  ibid.,  329. 

(2)  Hiller  von  Gartringen,  ibid.  Même  opinion  chez  C.  Robert,  P.-W.,  VI,  41, 
s.  V.  Epicharmos,  3  ;  et  chez  Blinkenberg-Kinch,  Explor.  archéol.  de  Rhodes, 
3*  rapport  (1905),  71. 


KTUDES    d'hISTOIHE    HELLÉNISTIQUE  93 

Philométor  en  Cyprc  (1),  de  sorte  qu'il  est  quelque  peu  posté- 
rieur à  158  ou  à  154,  selon  l'année  où  l'on  place  celte  expédi- 
tion (2).  Quant  au  décret  d'IIalasarna,  nous  venons  de  dire 
qu'il  peut,  a  priori^  soil  appartenir  à  l'année  201,  soit  être  un 
peu  postérieur  à  155/4.  Si  l'on  admet  la  date  la  plus  récente, 
les  deux  décrets  seront  donc  quasi-contemporains.  Si  Ton  admet 
la  plus  reculée,  Tintervaile  qui  les  séparera  ne  sera  encore  que 
de  45  à  50  ans  :  d'oii  cette  conséquence  que,  même  en  faisant 
remonter  aussi  haut  que  possible,  c'est-à-dire  jusqu'en  201,  le 
décret  d'Halasarna,  il  n'y  a  pas  lieu  d'intercaler  deux  géné- 
rations entre  0£uxXf,ç  'AyXàou  et  "AyXaoç  BeoxAéouç;  c'est  une 
filiation  directe  qui  doit  avoir  uni  ces  deux  personnages. 

Ceci  posé,  rappelons-nous  que,  selon  toute  apparence,  Bsu- 
x).-r|ç  'AyAàou  eut  pour  père  cet  "Ay}.aoç  0£uxX[£uç]  qui  figure  en 
première  place  sur  la  liste  religieuse  d'Isthmos  et  qui  ne  dif- 
fère probablement  pas  du  |j.6vapyo;  éponyme  de  Kos,  "AyAao;.  Ce 
citoyen  de  Kos,  comme  l'indique  la  présence  de  son  nom  sur 
la  liste  d'Isthmos  (et  comme  l'indiquerait  aussi  son  élection 
aux  fonctions  de  p.6vapyos,  si  l'identification  avec  l'éponyme 
"AyXaoç  était  certaine),  vécut  dans  son  île  natale.  Il  ne  peut  donc 
être  le  même  qu'  "AyXaoc;  ©soxXeouç,  lequel,  comme  il  ressort  du 
décret  des  Cretois  en  son  honneur,  avait  fixé  son  domicile  en 
Egypte.  Par  suite,  il  faut  voir  dans  "Ay).aoç  BsoxXéou^  (décret  des 
Cretois),  non  point  le  père,  mais  le  fils  de  BsuxXriç  'AyXàou 
(décret  d'Halasarna). 

Il  n'est  pas  impossible  d'évaluer  avec  vraisemblance  l'âge 
approximatif  d'  "AyXaoç  ©soxXéou;  à  l'époque  oii  les  auxiliaires 
de  Philométor  le  comblèrent  d'honneurs,  c'est-à-dire  peu  après 
158  ou  154.  Ce  n'était  pas  un  vieillard  :  on  nous  dit  de  lui  qu'il 
avait  pris  part  à  l'expédition  de  Cypre  «  sans  reculer  devant  les 
dangers  ni  les  fatigues  »  (outs  x'1v8uvov  o-jts  xaxoTiaQiav  sxxsxÀt- 


(1)  Cf.  Archiv,  17.  On   lit,  aux  1.  8-9  du  décret  :  xotl  vuv  èv  xf,-.  ye^oiiévrii  xaxà 

KyTipov  jTpaTsîai... 

(2)  Cf.  Àrchiv,  17,  note  3. 


94  M.    HOLLEAUX 

x£v)  (1).  Mais  il  s'en  fallait  que  ce  fût  un  jeune  homme;  cette 
phrase  du  décret  —  t1]ç  asyLa-T/i;  Tit^rlç  xal  TrpoaYwyfiç  Ti^icojASvoç 
Ttaoà  âaadfsi;]  nToAsjxa'lw.  (2)  —  montre  qu'il  avait  fourni,  au 
service  du  roi  d'Egypte,  une  longue  carrière,  récompensée  par 
un  avancement  mérité.  Il  avait  sûrement  atteint  ou  dépassé 
la  maturité,  et  nous  lui  devons  attribuer  au  moins  quelque 
50  ans.  Cela  le  fait  naître  vers  210  ou  20S.  Si  l'on  place  en  201 
le  décret  d'Halasarna,  "AvXaoç  B£ox).£Ouç  pourra  donc  le  mieux 
du  monde  être  le  fils  de  Osu/Aris  'Ay).àou,  et  nous  aurons  ce 
stemma  très  vraisemblable  : 

"AyAaoç  I  (liste  d'Isthmos) 

©suxXrjç  (décret  d'Halasarna) 

I 
"AyAao;  II  (décret  des  Cretois). 

Mais  il  est  manifeste  que  les  choses  iront  beaucoup  moins 
bien  si  l'on  fait  descendre  le  décret  d'Halasarna  jusqu'après 
155.  "AyXaoç  B£ox>iouç  ayant  une  cinquantaine  d'années  à  cette 
époque,  ©suxXrjç  'Ay).àou,  son  père,  sera,  à  tout  le  moins,  septua- 
génaire. C'est  trop,  semble-t-il,  pour  le  rôle  si  actif  qu'on  le 
voit  jouer  pendant  la  «  guerre  crétoise  »  et  la  «  guerre  actuelle  ». 
iNotons,  au  reste,  qu'à  la  façon  dont  il  est  parlé  de  lui  dans  le 
décret  d'Halasarna,  il  parait  avoir  été,  lors  du  vote  de  ce  décret, 
d'âge  peu  avancé.  C'est  chose  remarquable  que,  ni  au  commen- 
cement ni  à  la  fin  du  texte,  il  ne  soit  fait  allusion  à  des  services 
publics  qu'il  aurait  rendus  ou  à  des  charges  qu'il  aurait  gérées 
antérieurement  aux  circonstances  où  il  vient  de  se  signaler. 
Rien  n'indique  non  plus,  quoi  qu'en  ait  pensé  l'éditeur,  que, 
durant  les  deux  guerres,  il  ait  exercé  une   magistrature  (3). 

(1)  L.  11-13  du  décret  des  Cretois. 

(2)  L.  3-4  du  même  décret. 

(3)  Herzog  [ibid.,  325)  penche  à  croire  que  Theuklès  avait  exercé  la  aTpaTïiyia. 
Mais,  si  tel  était  le  cas  —  et  la  chose  n'a  point  échappé  à  Herzog  —  cette  fonction 
devrait  être  mentionnée.  Theuklès  m'a  tout  l'air  de  n'être  qu'un  siaiple  citoyen, 
énergique  et  généreux,  qui  prend,  soit  à  Halasarna,  soit  à  Kos,  l'initiative  d'une 
série  de  mesures  de  salut  public,  et  qui  délie  volontiers  sa  bourse  pour  subvenir 


ÉTUDES    d'hISTOIKE    HELLÉNISTIQUE  9S 

11  semble  donc  qu'il  fût  au  début  do  sa  carrière.  EfTective- 
mcnt,  la   phrase   par  où   se   termine  la   formule   liorlalive  — 

OUWÇ    OUV...    ©SUxXfjs    T£    Tl>y(WV  TWV    TljjiwV    TîOA'J    7rpoQu[J.6T£pOV    aUTOV 

TtaoévriTat.  tlq  "^à  to^  ùôl^ou  yor\'7i\La,  (1)  —  est  fort  convenable  s'il 
s'agit  d'un  citoyen,  encore  jeune,  dont  le  zèle  a  besoin  d'encou- 
ragements. En  revanche,  elle  ne  s'appliquerait  guère  au  vieil- 
lard blanchi  sous  le  harnais  qu'eûl  été  BsuxAriç  'AyAaou  vers  155. 
Si  le  décret  avait  été  rendu  à  cette  date,  c'est  le  long  passé  du 
personnage  et  ses  mérites  anciens  qu'on  se  fût  complu  à  rap- 
peler; il  n'aurait  point  été  question  de  l'avenir. 

Ainsi,  l'on  va  à  l'encontre  de  toutes  les  vraisemblances  si  l'on 
place  vers  la  môme  époque  le  décret  des^  Cretois  et  le  décret 
d'Halasarna  ;  au  lieu  que  rien  absolument  ne  s'oppose  à  ce  que 
ces  documents  soient  séparés  par  un  laps  de  temps  considérable. 
Autrement  dit,  le  choix  étant  limité,  pour  le  décret  d'Hala- 
sarna, entre  l'année  201  et  une  année  postérieure  à  lo5,  c'est 
sûrement  la  date  la  plus  reculée  qu'il  faut  préférer.  Et,  par 
suite,  le  xp/^Tt-xoç  izôXz^o^  doit,  comme  l'a  cru  généralement,  être 
la  «  guerre  Cretoise  »  de  204  et  années  suivantes. 


II 


Reportons-nous  maintenant  à  l'inscriplion  dédicatoire  de 
iNisyros,  dont  j'ai  plus  haut  fait  mention;  et,  sans  avoir  égard 
au  décret  d'Halasarna,  voyons  comment  il  y  faut  interpréter 
les  mots  xp7]Tt.xô.;  tcoAsjjloç. 

Je  reproduis  ici  la  partie  intéressante  pour  nous  de  cette 
dédicace  (2)  : 


aux  besoins  du  dème  ou  de  TÉtat.  Je  ne  crois  pas  que  la  phrase  (L  16-18  du 
décret)  TreroXcxeuTat  auvfspouaav  xal  Suvaxàv  6ioîx-r;aiv  TtotT,aaîxsvo?  xt>v.  doive 
s'appliquera  un  magistrat.  Le  verbe  TtoXixeuofxai  désigne  simplement  ici  la  parti- 
cipation aux  aflaires  publiques. 

(1)  L.  39-42  du  décret  d'Halasarna. 

(2)  Les  1.  1-5  ne  renferment  guère  que  des  noms  propres,  plus  ou  moins  mutilés, 
et  sont  négligeables.  —  La  1.  15  donne  la  signature  du   sculpteur  Épicharmos 

•de  Soloi. 


96  M.     HOLLEAUX 


6  [.  .vojpa;  y.a[l  T](.jjLâT[a  'jTTsp]  toG  Trà7i7io[u] 

[TjTpaïayr^TavTOi;  £ xaTa  7i6X£|jlo[v] 

[tojv  xotjTUov  £['7rjl  'Ao- ç  xl'ajl  Tf.[[jt.]aQ£VTOç 

[uJttq  tol»  Sà[JLOU  £7r[a]ivw['.,  yp]ua-£0)'.  a-T£cpàv[(i)'.], 

iO  [TCpJOîSpiat.  £V    ToTç   àyW(7t.   oOç  TiQ£VT',   N!.(rup[!.oi] 


xal  a-TloaT£'j(7aa£VOU   [xlaToc  tïoXe 


ov 


[|ji£Tà]  vauàpy^tov  KXEwvaiou,  'Ax£a-!.[jLêp6To[u], 
Eùoà[jiOL»,   IIoo-£f.8àvt.  ApY£'lcOt. 
xal  "Ap£i  yapio-Tript.ov. 

Commençons  par  préciser  le  contenu  des  l.  7-8. 

On  a  voulu  que  la  a-Tpa-riY'la  de  N.  eût  consisté  en  un  com- 
mandement naval,  —  dans  le  «  commandement  d'une  division 
légère  de  la  flotte  »  (1);  et  c'est  pourquoi  l'on  a  proposé  les 
restitutions  o-TpaTaYrjO-avToç  £[v  vauo-'l]  (2)  et  £[v  àcppàx705,ç]  (3)  (celle- 
ci  manifestement  trop  longue),  qui  ne  sont  acceptables  ni  l'une 
ni  l'autre.  Mais  cette  interprétation  du  mot  o-TpaTayTio-a;  ne  me 
paraît  pas  exacte.  A  ma  connaissance,  les  o-Tpa-cayoL  de  l'Etat 
rhodien  —  dont  dépendait  alors  Nisyros  —  exerçaient  tou- 
jours leur  commandement  sur  terre  (4).  Celui  dont  il  s'agit  ici 
dut  être  préposé  à  la  défense  et  à  la  garde  du  territoire  de  la 
petite  île.  Remarquons,  en  effet,  que  s'il  avait  commandé  sur 
mer,  il  aurait  eu  au-dessus  de  lui  un  navarque,  lequel  eût  été 
mentionné  expressément  comme  le  sont,  aux  1.  12-13,  les 
navarques  Kléonaios,.  Akésimbrotos  et  Eudamos.  Je  sais  bien 
que,  pour  satisfaire  à  cette  nécessité,  on  a  voulu  qu'Acr[TU|JLyi- 


(1)  Herzog,  Klio,  II,  329. 

(2)  Ililler  (avec  cloute)  dans  Sitz.-ber.  Berl.  Akad.,  1895,  473;  dans  IG,  XIÎ,  3, 
103,  la  restitution  est  donnée  comme  sûre. 

(3)  Herzog,  ibid.,  328. 

(4)  Cf.  Schumacher,  De  re  -publ.  Rhodiorum,  51  ;  Van  Gelder,  Gescli.  der  ait. 
Rhodier,  252-253.  Le  titre  de  arpaTT^yôç  xwv  'PoStwv,  donné  par  Polybe  (XXXIII, 
4,  1)  à  l'amiral  Aristokratès,  qui  commandait  la  flotte  rhodienne  contre  les  Cre- 
tois en  155,  n'autorise  aucune  conclusion.  Cette  qualification,  sous  la  plume  de 
Polybe,  n'a  rien  de  technique. 


ÉTUDES    d'histoire    HELLÉNISTIQUE  97 

8yi]ç  {?),  nommé  à  la  1.  8,  Fût  un  navarque  (i).  Mais,  en  pareil 
cas,  comme  on  le  voit  par  la  I.  12,  oii  il  faut  certainement  sup- 
pléer iJL£-:à  et  non  em,  et  par  l'inscription  IG,  XII,  i,  41,  1.  5 
(<TTpaT£ua-à[ji.£vov...  xaxà  ixoXsp.ov  [xe-à  vauàpywv  xtX.),  le  texte  por- 
terait :  [Asxà  vauàpyo'j  'Ao-[TuijL/iô£u]ç  (?).  Ce  que  nous  offre  l'ins- 
cription —  £[7r]rA(r[TU[jiy]0£u]v;  (?)  —  ne  peut  être  qu'une  notation 
éponymique  :  As[tymédè]s  (?)  est  l'éponyme  de  Rhodes,  le 
prêtre  de  Hélios  (2).  Il  est  malaisé  de  dire  ce  qui  était  écrit  à  la 
suite  de  TTpaTayrjO-avxoç  ;  je  pense  toutefois  que  la  restitution  £[x 
TràvTwv],  déjà  proposée  par  Van  Gelder  (3),  a  pour  elle  de 
grandes  vraisemblances  (4). 

Les  1.  7-8  de  l'inscriplion  me  paraissent  donc  signifier  que 
A^.  fut  stratège  [£x  Tiàvrcov]  (?)  [à  Nisyros^   mais  au   nom    de 


(1)  Hiller,  Silz.-ber.  Berl.  AkacL,  1895,  473;  Biinkenberg-Kinch,  Explor.  arch. 
de  Rhodes,  3^  rapport,  71.  —  La  restitution  'A(jTu[[XTi8eu]<;  est  incertaine,  comme 
l'a  fait  remarquer  Hiller  {ibid.,  473)  ;  elle  est  cependant  admise  dans  IG,  XII,  3, 
103.  —  Hiller  [ibid.,  473),  qui  considère  le  xpT,Tivcôç  -ird^^sfxo;  de  l'inscription  de 
Nisyros  comme  identique  à  la  guerre  Cretoise  de  155,  est  frappé  de  ce  fait  que, 
lors  de  cette  guerre,  les  Rhodiens  élurent  navarque  un  citoyen  du  nom  d'Asty- 
médès  (Pol.,  XXXIII,  15,  3)  —  le  même  selon  Blinkenberg-Kinch  [ibid.,  70-71), 
qu"A<jTU[jLTi8T.(;  OsaiSrixou,  —  et  penche  à  croire  que  c'est  là  le  «  navarque  »  de  notre 
inscription.  Mais  il  résulte  du  texte  de  Polybe  qu'Astymédès  n'exerça  point  eflec- 
tivement  la  navarchie.  Il  fut  nommé  navarque  en  même  temps  qu'ambassadeur 
à  Rome  (irpsaêeuxTii;  à'jxa  xal  vaùap/oç  xaOeaxaiJLsvoç),  afin  d'avoir  droit  d'exercer, 
durant  son  ambassade,  les  pouvoirs  discrétionnaires  que  la  constitution  rho- 
dienne  attribuait  aux  navarques  (cf.  Pol.,  XXX,  5,  5).  S'il  y  eut,  pendant  la  guerre 
de  155,  un  navarque  à  la  tête  de  la  flotte  rhodienne,  ce  n'était  point  Astymédès. 
Les  indications  —  à  la  vérité,  fort  insuffisantes  —  contenues  dans  les  fragments 
de  Polybe  donneraient  du  reste  à  penser  que,  sauf  une  courte  interruption,  la 
flotte  rhodienne  n'eut  point  alors  d'autre  chef  qu'Aristokratès  (Pol.,  XXXIII,  17, 
5;  cf.  Niese,  III,  325,  6). 

(2)  Ceci  a  été  bien  vu  par  Herzog,  ibid.,  329  et  note  1.  —  Un  Astymédès,  éponyme 
de  Rhodes,  est  nommé  dans  l'inscription  honorifique  publiée  par  Hiller  [Wien. 
Jahresh.,  1901,  160),  1.  10.  Mais  ce  texte  n'est  pas  ou  n'est  guère  antérieur  à  l'année 
100.  Cet  Astymédès  doit  donc  être  distingué  de  celui  qui  aurait  été  contemporain 
de  la  guerre  crétoise.  Le  nom  d'Astymédès  se  rencontre  souvent  sur  les  timbres 
amphoriques  :  voir,  par  exemple,  M.  P.  Nilsson,  Timbres  amphoriques  de  Lindos, 
198  sqq.  (n.  140-141). 

(3)  Van  Gelder,  Gesch.  der  ait.  Rhodier,  255.  Sur  le  sens  encore  mal  défini  de 
cette  expression,  voirie  même,  ibid. 

(4)  Cf.,  par  exemple,  la  dédicace  (/G,  XII,  1,  1036)  de  Nt^ayopaî  naji.cpi>^(6a  axpa- 
xayViaaç  é[iti  x6  irépav  xa]xà  irdXejxov  éx  ita[vxo)v  xejxpixt;  — ;  et  l'inscription  IG, 
XII,  1,  701  :  —  [«îxpaJxayViTavxoç  Ix  icivxwv  [èirl  xâç]  /wpaç  xôtç  Iv  xS,  vdtffffwi. 

REG,  XXX,  1917,  n»  136.  7 


98  M.     HOLLEAUX 

rÉtat  r/iodie?i),  pendant  la  guerre  Cretoise^  l'année  oii  A[stymé- 
dè]s  (?)  était  prêtre  de  Hélios. 

Les  1.  Jl-13  rappellent  les  campagnes  navales  faites  par  le 
même  personnage.  Comme  tout  le  monde  l'a  remarqué,  les 
trois  navarques  rhodiens  nommés  dans  ces  lignes  sont  bien 
connus. 

Kiéonaios^  désigné  par  Théophiliskos  mourant  pour  être  son 
successeur,  prit  le  commandement  de  la  flotte  rhodienne  au 
lendemain  de  la  bataille  de  Ghios,  par  conséquent  dans  l'été  de 
201  (1).  Il  put  le  conserver  durant  Tannée  suivante  (200).  — 
Akésimbrotos  doit  être  considéré  comme  le  successeur  de  Kléo- 
naios.  Il  fut  appelé  aux  fonctions  de  navarque,  soit  dès  200, 
soit  en  199;  il  les  exerça  en  199  (2),  en  198(3),  et  peut-être 
encore  en  197,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  contre 
Philippe.  —  Eudamos  fut  fait  navarque  à  la  place  de  Pausis- 
tratos,  après  le  désastre  subi  par  les  Rhodiens  à  Samos,  en 
190  (4).  Il  commanda  la  flotte  rhodienne  jusqu'à  la  fin  des 
opérations  navales  dirigées  contre  Antiochos  ;  on  sait  qu'il 
vainquit  Hannibal  à  Sidé  et  qu'il  contribua  grandement  à  la 
victoire  de  Myonnésos  (5). 

Dans  Texpression  [a-:]paT£uo-a[jL£vou  [xjaxà  7r6X£|Jiov  (1.  11),  le 
mot  TtoXeuLoç  se  trouve  donc  désigner  tout  ensemble  :  1"  la 
guerre  faite  à  Philippe  par  les  Rhodiens,  alliés  d'Attale,  dans 
les  eaux  d'Asie,  en  201,  ou  plutôt  la  partie  de  cette  guerre  qui 
commença  après  la  bataille  de  Ghios;  2°  la  suite  de  la  même 
guerre,  c'est-à-dire  celle  que  les  Rhodiens,  unis  à  Attale  et 
aux  Romains,  firent  à  Philippe  ou  à  ses  alliés,  le  long  des  côtes 
de  Grèce,  de  200  à  197;  3°  la  guerre  faite  par  les  Rhodiens, 

(1)  Pol.,  XVI,  9,1. 

(2)  Liv.  (P.),  XXXI,  46,   6  (été  199);  47,  2  (automne  199). 

(3)  Liv.  (P.),  XXXII,  16,  6  (été  198);  Pol.,  XVIII,  1,  4;  cf.  2,  3-4  (automne  198). 

(4)  Liv.  (P.),  XXXVIl,  12,  9  (été  190);  15,  S  ;  22,  3;  23,  8;  Pol.,  XXXI,  10,  5.  — 
Pour  l'explication  du  fragment  de  Polybe  (XXI,  7,  5),  où  se  lisent  les  mots  najx- 
'ftXiôa;  ô  T'ov  'Po8{(ov  vaûapyoi;,  cf.  Van  Gelder,  Gesch.  der  ait.  Rhodier,  136,  3; 
Weissenborn-Mûller,  ad  Liv.,  XXXVII,  12,  9.  Le  titre  de  vaùapj^oç,  appliqué  à 
Pamphilidas,  est  certainement  impropre. 

(5)  Liv.  (P.),  XXXVIl,  23,  9  —  24,  13;  28, 10  ;  29,  6  ;  29,  9  sqq. 


ÉTUDES    d'histoire    HELLÉNISTIQUE  99 

alliés  des  Romains,  à  Antiochos  en  190,  ou,  plus  exactement, 
la  partie  de  cette  guerre  qui  commença  après  la  catastrophe 
de  Samos. 

C'est  un  fait  à  noter  que  le  personnage  dont  la  dédicace  rap- 
pelle la  mémoire,  n'avait  servi  ni  sous  Théophiliskos,  navarque 
dans  les  premiers  mois  de  201,  ni  sous  Pausislratos,  navarque 
dans  les  premiers  mois  de  190.  Il  est  probable  qu'en  201,  à  la 
suite  des  batailles  de  Chios  et  de  Ladé,  et  qu'en  190,  à  la  suite 
du  désastre  de  Samos,  lesRhodiens  se  virent  dans  la  nécessité 
de  renforcer  leurs  flottes  (1).  Ils  firent  alors  appel  à  de  nou- 
veaux contingents;  et  c'est  ainsi  que  notre  Nisyrien  reçut  ordre 
de  se  joindre  à  eux  (2). 


Lorsqu'il  publia  l'inscription  de  Nisyros,  à  une  époque  oii  le 
décret  d'Halasarna  n'était  pas  encore  connu  et  où,  par  consé- 
quent, l'expression  y.p-ri'ziy.o:;  izôlsiko:;  était  sans  exemple,  Ililler 
von  Gârtringen  se  persuada,  comme  je  l'ai  rappelé  plus  haut, 
que  ces  mots  désignaient  la  «  guerre  Cretoise  »  de  155/4.  Mais 
cette  hypothèse  se  heurte  à  de  très  graves  difficultés. 

En  premier  lieu,  elle  oblige  d'attribuer  à  JN.,  à  l'époque  du 
xpYiTuoç  TzôleiKoç,  quclquc  65  ans  ou  plus  encore  (3)  ;  car  il  n'est 
pas  vraisemblable  qu'il  eût  moins  d'une  vingtaine  d'années 
lorsqu'il  fit  campagne,  en  201,  sous  le  navarque  Kléonaios. 
Mais  est-il  croyable  que  N.  ait  été  fait  stratège  à  un  âge  si 
avancé?  —  En  second  lieu,  il  faut  supposer  (4)  que,  dans  le 
résumé  de  la  carrière  de  N.,  l'auteur  de  l'inscription  a,  non  pas 
suivi,  mais  remonté,  l'ordre  des  temps.  Il  aurait  commencé 
par  mentionner  la  oTpaxYiyLa  du  personnage  honoré,  bien  qu'elle 

(1)  Cf.  rindication  donnée  par  Polybe  pour  la  fin  de  la  campagne  de  201  (XVI, 
24,  1)  :  ôswpoiv  (Philippus)  xal  toùç  'PoSîouç  xal  "Ax-caXov  où^  oîov  SiaX-jovxaç  x^ 
vauTivcôv,  àXXà  xal  -TrpoaxXT^pouvTai;  vaO^. 

(2)  Cf.  Hiller,  Sits.-ber.  Berl.  Akad.,  1895,  473. 

(3)  Cf.  Hiller,  ihid.,  474. 

(4)  Cf.  Hiller,  ihid.,  472. 


100  M.    HOLLEAUX 

fût  de  beaucoup  postérieure  à  ses  campagnes  navales,  —  la 
plus  récente  de  celles-ci  datant  de  190,  tandis  que  la  o-rpaTriyU 
n'aurait  daté  que  de  155  ou  154.  Or,  rien  n'autorise  une  telle 
supposition.  Ce  qui,  dans  le  premier  moment,  la  peut  faire 
paraître  acceptable,  c'est  que  l'expression  a-xpaTS'jTausvou  xaxà 
TToÀEfjLOv  (1.  11)  semble  s'appliquer  à  un  simple  combattant,  et 
qu'il  serait  étrange  qu'un  ancien  stratège,  appelé  à  servir  sur 
la  flotte,  n'y  eût  pas  exercé  quelque  commandement.  Mais 
notons  d'abord  qu'une  inscription  de  Rhodes  présente  une 
rédaction  très  semblable  [IG,  XII,  1,  701, 1.  3  sqq.)  :  [o-TpajTayr]- 
o-avTO^  £x  uàvTOJV  [lizl  Taç]  yj^p'^-^  '^a;;  £v  Ta  vaTo-w!.  xal  [o-TpaTsuJo-a- 
{jlÉvou  (1)  £v  ToTç  àcppàxTOLç  xa[l  Upo9'J-:>^a-?]avTO<;  £v  Kajjisipwt,  xal 
l£007rot.rj[(TavTOs  x]al  £Ç!.£p!.a-T£uo-avTO(;  xal  v£vopL£vou  [YpaijLjjLaTÉwç 
{jLjào-Tpwv  xxX.  — ,  et  qu'il  n'est  cependant  pas  douteux  que,  dans 
ce  texte,  on  se  soit  astreint  à  suivre  l'ordre  des  temps  (2).  — 
D'autre  part,  des  mots  a":paT£j3-a[i.£vou  xaxà  7r6A£[i.ov  n'impliquent 
point  du  tout  que,  de  201  à  197  non  plus  qu'en  190,  N.  ne  fût 
qu'un  simple  soldat.  Ainsi  que  l'a  vu  lui-même  le  premier 
éditeur,  il  se  peut  très  bien  qu'il  eût  alors  été  pourvu  d'un 
commandement  (3)  :  si  ce  commandement  était  de  moindre 
importance  que,  sur  terre,  la  fonction  de  stratège,  on  s'explique 
assez  que  l'inscription  n'en  fasse  pas  mention,  d'autant  que  les 
campagnes  navales  de  N.,  campagnes  anciennes  et  lointaines 
auxquelles  s'intéressaient  peu  les  Nisyriens  qui  firent  élever  le 
monument,  n'y  sont  rappelées  qu'avec  une  concision  extrême 
et  voulue  (4).  Enfin,  on  observera  que,  dans  la  brève  énumé- 


(1)  La  restitution  [ày-r]](ja[Asvo'j,  proposée  par  Van  Gelder  {Gescli.  der  ait.  Rho- 
dier,  252),  n'est  pas  admissible;  il  faudrait  dyTicafievou  xwv  dcppivcTwv  ou  dtapaxxwv. 
Le  mot  àyT.aafxévou  semble  d'ailleurs  trop  court. 

(2)  Cela  résulte  des  1.  18-19  de  l'inscription  :  [ô  Ssîva  Ypa[jL][j.aT£Ù(;  5a[jL6aw<;  [tôv 
«utJou  àoyo^xy.  (restitution  qui  paraît  certaine).  La  dédicace  a  été  faite  lorsque  le 
personnage  honoré  était  Ypa[x|jLaT£j;  txdtaTptov  :  cette  fonction  est  donc  la  dernière 
qu'il  ait  gérée.  Cf.  Van  Gelder,  ihid.,  239.  , 

(3)  Cf.  Hiller,  ibid.,  472. 

(4)  Le  monument,  consacré  à  Nisyros,  n'a  proprement  pour  objet  que  de  célé- 
brer la  mémoire  de  N,,  ancien  stratège  de  Nisyros  et  chargé  d'honneurs,  à 
l'occasion  de  cette  magistrature,  par  le  peuple  de  la  petite  île  (l.  8-10). 


I 


ÉTUDES    d'histoire    HELLÉNISTIQUE  dOl 

ration  de  ces  campagnes,  c'est  l'ordre  chronologique  normal 
qui  a  été  suivi  :  la  navarchie  de  Kléonaios  a  précédé,  en  efl'et, 
celle  d'Akésimbrolos,  elle-même  antérieure  à  celle  d'Rudamos. 
Partant,  il  n'y  a  aucune  apparence  qu'on  ait  interverti  cet 
ordre  pour  placer  en  première  ligne  la  cr-paTriyU  de  N.  Si  on 
l'a  mentionnée  avant  ses  campagnes,  c'est  qu'elle  fut  effecti- 
vement plus  ancienne,  c'est-à-dire  antérieure  à  201. 

Tel  fut  aussi,  par  conséquent,  le  cas  de  la  guerre  appelée 
dans  l'inscription  6  y.p't]ziy.o;  TroXejjioç,  durant  laquelle  N.  exerça 
la  <JTpcL'zr^ylaL.  Cette  guerre  précéda  la  guerre  de  201  contre  Phi- 
lippe ;  ce  fut  donc  la  «  guerre  crétoise  »  qui  commença  en  204^ 
Elle  est  identique,  comme  il  s'y  fallait  attendre  et  comme  l'avait 
conjecturé  Herzog(l),  au  xpYiTuoç  ttoXejjloç  du  décret  d'Halasarna, 
texte  oià  les  mots  6  o-uvEo-Taxcoç  tcoasijios  s'appliquent  bien  à  la 
guerre  de  201.  La  concordance  est  parfaite  entre  ce  décret  et 
la  dédicace  de  Nisyros. 

De  la  distinction  établie  et  par  le  décret  et  par  la  dédicace 
entre  la  «  guerre  crétoise  »  et  celle  de  201,  il  paraît  résulter 
que  la  première  était  terminée  quand  éclatèrent  les  hostilités 
entre  les  Rhodiens  et  Philippe.  Je  me  permets  de  rappeler  que 
c'est,  à  très  peu  près,  la  conclusion  où  m'avait  amené,  il  y  a 
deux  ans  (2),  l'étude  des  décrets  des  cités  Cretoises,  en  parti- 
culier du  décret  de  la  ville  d'Eleutherna  (3),  concernant  l'ào-uXla 
de  Téos.  Dans  le  décret  d'Eleutherna,  que  j'ai  rapporté,  comme 
tous  les  actes  similaires,  à  l'année  201,  les  mots  tw  7ro)ip.(o 
^lodùieiç  (4)  désignent  certainement,  ainsi  que  je  l'avais  pensé, 
les  accords   qui   mirent  hn  au  xprjTwoç  ttôXsjaoç  (5).  Les  Etats 


(1)  Klio,  II,  329. 

(2)  Klio,  XIII  (1913),  150-153. 

(3)  CoUitz-Blass,  5177. 

(4)  Ibid.,  1.  15-16. 

(5)  Klio,  Xlll,  ibid.  —  W.  Otto  (P.-W.,  VII,  2599-2600,  s.  v.  Hegesandros,  3) 
avait  soutenu,  indépendamment  de  moi,  la  même  opinion.  Mais  c'est  à  tort  qu'il 
a  daté  de  197  les  décrets  des  villes  Cretoises,  et  qu'il  a  reporté  à  cette  année-là 
la  fin  du  xpTiTtxoç  -n:ôXe[jLoç.  Plus  que  jamais,  je  penche  à  croire  que  le  célèbre 
traité  entre  Rhodes  et  Hiérapytna  (Collitz-Bechtel,  3749)  se  place  vers  201/200, 
comme  l'ont  voulu  Gardinali  et  Herzog;  cf.  Cardinali,  ibid.,  9,  4. 


102  M.    HOLLEAUX 

Cretois  ennemis  de  Rhodes,  ou  du  moins  la  plupart  de  ces 
Etats  (1),  posèrent  les  armes,  grâce  en  partie  à  la  méditation 
d'Antiochos  III,  en  201  ou  peu  après. 


La  dédicace  de  Nisyros  donne  encore  lieu  à  quelques 
remarques  historiques. 

Gomme  le  montre  cette  dédicace,  pendant  la  «  guerre  Cre- 
toise »,  c'est-à-dire  de  204  à  201,  l'île  de  Nisyros  faisait  partie 
de  l'Etat  rhodien  ;  et  il  en  était  encore  ainsi  dans  l'été  de 
201,  après  que  Kléonaios  eut  été  élevé  à  la  navarchie,  car, 
autrement,  le  Nisyrien  qu'elle  concerne  n'eût  pu  servir  sous 
les  ordres  de  ce  navarque.  En  conséquence,  l'hypothèse  de 
Beloch  (2),  selon  laquelle  Nisyros,  conquise  par  Antigone  Doson 
dès  227,  aurait  été  par  lui  léguée  à  Philippe,  ne  peut  être 
acceptée.  A  moins  d'admettre —  chose  par  trop  invraisemblable 
—  que  Philippe  en  eût  fait  abandon,  il  est  clair  que  Nisyros  ne 
lui  appartenait  point  lors  de  son  avènement,  puisqu'il  n'en 
était  pas  maître  dans  le  courant  de  201  (3).  —  Mais,  d'autre 
part,  il  est  incontestable  qu'à  un  certain  moment,  Tîle  reconnut 
l'autorité  de  Philippe  :  la  preuve  en  est  fournie  par  la  célèbre 
lettre  du  roi  aux  Nisyriens,  dont  Hiller  a  donné  une  édi- 
tion nouvelle,  meilleure  que  celle  de  Ross  (4).  Il  est  dès  lors 


(1)  11  se  peut,  en  effet,  que  quelques-uns  d'entre  eux  aient  continué,  en  même 
temps  que  Philippe,  de  lutter  contre  les  Rhodiens. 

(2)  Beloch,  III,  2,  463,  465;  cf.  III,  1,  707.  L'hypothèse  de  ce  savant  prête 
encore  à  d'autres  objections,  relevées  en  partie  par  M.  Nicolaus,  Zwei  Beitr.^  79- 
80. 

(3)  Il  va  sans  dire  que  la  prétendue  conquête  de  l'île  par  Antigone  devient  du 
même  coup  infiniment  douteuse. 

(4)  IG,  XII,  3,  91  =  Sylloge^,2Q3  =  Michel,  43.  Il  me  paraît  évident,  comme  à 
Niese  (II,  587,  1)  et  à  Beloch  (III,  2,  463),  qu'à  l'époque  où  fut  écrite  cette  lettre 
les  insulaires  dépendaient  déjà  de  Philippe.  En  tout  cas,  il  est  sûr  que,  dans  le 
temps  qui  suivit  la  démarche  de  l'ambassadeur  Rallias,  les  Nisyriens  se  gouver- 
nèrent «  d'après  leurs  lois  traditionnelles  et  existantes  »  sous  la  suzeraineté  du 
roi  de  Macédoine.  Je  ne  conçois  pas  la  raison  des  doutes  exprimés  à  ce  sujet  par 
Herzog  [Klio,  II,  238). 


ÉTUDES    d'histoire    HELLÉNISTIQUE  103 

extrêmement  probable  que  les  habitants  de  Nisyros  durent  se 
soumettre,  de  gré  ou  de  force,  à  Philippe  avant  la  fin  de  l'été 
de  201,  peu  après  la  bataille  de  Ladé  (1),  quand  la  flotte  rho- 
dienne  en  pleine  retraite  permit  à  l'ennemi  d'opérer  librement 
sur  mer  (2),  et  quand  l'île  de  Kos  subit  les  attaques  rappelées 
dans  le  décret  d'Halasarna. 

Resterait  à  savoir  combien  de  temps  Nisyros  demeura  dans 
l'obéissance  du  roi  de  Macédoine.  Nous  l'ignorons  tout  à  fait. 
Et  je  tiens  à  signaler  que,  contrairement  à  ce  qu'on  a  cru,  la 
dédicace  publiée  par  Hitler  ne  nous  apporte  aucun  renseigne- 
ment sur  ce  point.  On  a  fait  ce  raisonnement  (3)  :  sous  la 
navarcbie  d'Akésimbrotos  (en  199  et  198),  Nisyros  recommence 
d'envoyer  des  soldats  aux  Rhodiens;  c'est  donc  que,  dès  cette 
époque,  l'île  a  cessé  de  dépendre  de  Philippe;  d'où  il  suit 
qu'elle  ne  lui  a  été  soumise  que  durant  un  temps  très  court, 
qui  a  pu  ne  point  excéder  un  an  et  demi.  Mais  la  dédicace  nous 
apprend  seulement  que  le  Nisyrien  anonyme  servit  sous  Aké- 
simbrotos  après  avoir  servi  sous  Kléonaios,  et  comme,  selon 
toute  apparence,  Kléonaios  eut  Akésimbrotos  pour  successeur 
immédiat,  il  n'y  a  nulle  raison  de  penser  que  ses  services  aient 
subi  quelque  interruption.  Partant,  la  dédicace  n'indique  aucu- 
nement qu'en  199  ou  198  les  Nisyriens  aient  fourni,  pour  la 
seconde  fois,  des  contingents  à  l'Etat  rhodien;  partant,  elle  ne 
nous  fait  rien  connaître  de  la  situation  politique  de  l'île  pen- 
dant ces  années-là.  Il  est  fort  possible  que  Nisyros  ait  obéi  à 
Philippe  depuis  l'été  de  201  jusqu'à  la  paix  générale  qui  ter- 
mina la  seconde  guerre  de  Macédoine.  L'argument  qu'on  a 
voulu  tirer  (4)  du  silence  de  Polybe,  lequel  ne  parle  pas  de 
Nisyros  dans  son  récit  des  conférences  de  Nikaia  (automne 


(1)  C'est,  d'ailleurs,  l'opinion  généralement  adoptée  :  Niese,  II,  587;  cf.  Herzog, 
ihid.,  328,  M.  Nicolaus,  Zwei  Beitr.,  79-80.  La  chronologie  de  Van  Gelder  {Gesch. 
der  ait.  Rhodier,  125,  1;  185)  est  ici,  comme  d'ordinaire,  pleine  d'incertitudes  et 
de  confusions. 

(2)  Pol.,  XVI,  10-1;  15,  3-4. 

(3)  Niese,  II,  587,  1. 

(4)  Niese,  ibid. 


104  M.    HOLLEAUX 

198)  (1),  ne  mérite  pas  qu'on  s'y  arrête  :  en  effet,  à  Nikaia,  le 
représentant  des  Rhodiens,  qui  fut  précisément  Akésimbrotos, 
n'avait  point  à  énumérer  dans  le  détail  toutes  les  prises  que 
le  roi  avait  faites  sur  eux. 

Versailles,  1915. 

M.   HOLLEAUX. 


(1)  Pol.,  XVIII,  2,  3-4. 


DION  CHRYSOSTOME  CRITIQUE  D  ART 

LE  ZEUS  DE   PHIDIAS 


Il  est  peu  de  passages  de  Dion  Chrysostome  plus  connus, 
plus  fréquemment  cités,  que  le  morceau  célèbre  de  V Olympicos 
sur  le  Zeus  de  Phidias.  Nous  ne  saurions  songer,  pour  notre 
part,  à  nous  aventurer  sur  un  terrain  qui  n'est  pas  le  nôtre,  en 
nous  mêlant  d'archéologie.  Plus  modestement,  sinon  plus  pru- 
demment, nous  nous  en  tiendrons  à  l'étude  philologique  et 
littéraire  d'un  texte  dont  la  fortune  fut  exceptionnelle.  Tous 
les  historiens  de  l'art  hellénique  lui  ont  fait  accueil.  Tous  l'ont 
orné  de  leurs  commentaires.  Faveur  unique  qu'il  doit,  moins 
peut-être  à  son  excellence  réelle,  qu'à  la  pénurie  des  docu- 
ments susceptibles  d'éclaircir  pour  nous,  un  problème  passion- 
nant entre  tous.  Pausanias,  quelques  trop  rares  monuments 
figurés,  nous  permettent  de  nous  représenter  l'ordonnance  du 
grand  œuvre;  mais  ce  qu'était  la  suprême  beauté  du  Zeus,  ils 
ne  nous  l'apprennent  point.  Il  nous  faut  la  deviner  dans  telle 
monnaie  d'Elis,  dans  telle  effigie  de  nos  musées.  Le  discours 
du  rhéteur-philosophe  nous  reste  comme  un  souvenir  du 
prodige  évanoui,  une  page  précieuse  oii  retentit  l'écho  des 
enthousiasmes  qu'il  provoquait  dans  l'âme  transportée  de  ses 
antiques  admirateurs.  A  supposer  même  que,  par  impossible, 
la  découverte  inattendue  d'une  copie  certaine  vînt  un  jour 
nous  consoler,  jusqu'à  un  certain  point,  delà  perte  de  l'original. 


i06  L.    FRANÇOIS 

V Olympicos  nous  servirait  encore  à  confronter  nos  impressions 
de  modernes  avec  celles  d'un  homme  d'autrefois,  de  ceux  qui 
ont  eu  le  bonheur  de  contempler  l'Olympien  dans  sa  gloire. 

Mais  ce  texte,  après  tout,  que  vaut-il  au  juste?  Traduit-il 
Témotion  toute  chaude,  comme  l'ont  pensé  quelques-uns,  d'un 
témoin  oculaire  (1)?  N'offre-t-il,  au  contraire,  que  de  beaux 
mots,  des  amplifications  sonores,  où  se  dilue  et  se  perd  la 
fraîcheur  du  sentiment  immédiat  et  sincère?  On  conçoit, 
quand  on  Ta  lu,  qu'entre  ces  deux  termes  extrêmes  puisse 
flotter  l'appréciation  de  la  critique.  L'entre-deux  comporte  une 
infinité  de  nuances,  selon  le  goût  littéraire  plus  ou  moins 
délicat  de  chacun,  selon  l'influence  plus  ou  moins  consciente 
qu'exerce  sur  son  jugement  l'idée,  tantôt  plus  vague,  tantôt 
plus  arrêtée,  qu'il  s'est  formée,  par  ailleurs,  du  chef-d'œuvre  de 
Phidias.  Ajoutons  que,  souvent,  on  ne  remonte  guère  au  delà 
des  citations  d'Overbeck  dans  les  Schriftqiiellen  (2).  Peut-être, 
faute  de  replacer  le  morceau  dans  l'ensemble  auquel  il  appar- 
tient, s'expose-t-on  à  en  méconnaître,  à  la  fois,  le  caractère, 
l'intérêt,  la  portée.  En  le  remettant  en  son  lieu,  en  s'efTorçant 
d'en  analyser  les  éléments,  d'en  découvrir  les  sources,  n'aurait- 
on  pas  chance  d'en  mieux  pénétrer  la  vraie  nature,  d'en  déter^ 
miner,  avec  plus  de  sécurité,  le  mérite  et  le  prix? 

D'abord,  la  glorification  du  génie  de  Phidias  est-elle  bien  le 
seul  but  du  sophiste  philosophe?  A  s'en  fier  au  sous-titre  de 
VOlyinpicos^  Tispl  t^  ç  irowTTi;  tou  Geiou  Ivvoiaç,  que  les 
éditeurs  traduisent  en  latin  De  Dei  cognitione^  le  sujet  du 
discours  serait  d'éclaircir  une  des  questions  qui  ont  le  plus 
préoccupé  le  Portique,  celle  de  l'origine  de  la  croyance  des 
hommes  au  divin.  L'Ecole  avait  sa  conception  particulière  de 
Dieu  qui  n'avait  rien  de  commun  avec  celle  des  foules.  Mais, 
avec  cet  esprit  positif  qui  lui  est  propre,  elle  constatait  que 
tous  les    hommes,   autour  d'elle,  croyaient   aux  dieux,   leur 


(1)  Petersen,  Kunst  des  Pheidias,  p.  374  sqq.;  particulièrement 

(2)  Oyerbeck,  Schriflquellen,  n»»  705-713,  surtout  712. 


DION    CHRYSOSTOME    CRITIQUE    d'aRT  :    LE    ZEL'S   DE    PHIDIAS       107 

rendaient  un  culte,  avaient  la  notion  du  divin.  Le  fait  reconnu, 
elle  tâchait  de  se  l'expliquer. 

C'est  précisément  ce  que  Dion,  en  fidèle  disciple  des  maîtres, 
fit  dans  VOlympicos.  Après  un  préambule  où  il  s'égarait  à 
dessein  en  de  longs  détours,  il  établissait  que  les  sources  de 
notre  connaissance  de  la  divinité  se  réduisent  en  somme  à 
deux,  une  idée  innée  qui  est  en  nous,  avant  toute  science  et 
toute  culture,  une  idée  seconde  et  acquise  dans  le  commerce 
des  autres  hommes. 

Celle-ci,  eirUTYiioç  xal  oC  tzk^tùy  eyviyyo'j.éy'f\  (1),  n'était  que 
le  développement  et  la  conséquence  de  la  première.  D'une  part, 
en  effet,  il  est  indéniable  que  tous  les  mortels  ont,  par  nature, 
en  tant  simplement  qu'ils  sont  doués  d'intelligence,  des  notions 
communes  sur  l'existence  et  l'essence  des  dieux,  en  particulier 
du  souverain  roi  et  guide  de  l'Univers.  Ils  les  doivent  à  leur 
parenté  avec  la  divinité  môme  ;  mais,  davantage,  au  spectacle 
d'un  monde'  admirablement  gouverné,  spectacle  qui  leur  fai- 
sait soupçonner  l'existence  d'un  démiurge  organisateur  (2). 
D'autre  part,  les  poètes  sont  venus,  puis  les  législateurs,  qui 
ont  développé,  purifié,  atTermi  ces  notions  primitives  (3). 
C'étaient  Homère,  Hésiode,  les  grands  tragiques,  postérité 
éclatante  de  ces  premiers  chantres  inspirés.  C'était  le  roi  de  la 
Plastique,  Phidias  et  sa  lignée.  C'étaient  ceux  qui  avaient 
donné  aux  mortels  des  lois;  c'étaient  surtout  les  philosophes 
qui  les  avaient  élevés  aux  spéculations  les  plus  sublimes.  «  H 
nous  faudrait,  concluait  l'orateur,  interroger  avec  soin  les 
poèmes,  les  créations  des  arts,  tout  ce  qui,  en  un  mot,  a  contri- 
bué de  quelque  façon,  à  faire  naître  et  grandir  parmi  les 
hommes,  l'idée  du  divin  »  (4). 

Donc,  trois  origines  de  la  notion  des  dieux  chez  les  mortels, 
Tpeliç    Y£V£o-£t.ç    Tïiç    Tou    Sat.jJLOv(ou    uiroXyi^j^swç,  sjjl^^'jtou,    TtoiTiTuriç, 


(1)  Dion,  XII,  39. 

(2)  Dion,  XII,  34. 

(3)  Dion,  XII,  39. 

(4)  Dion,  XII,  26. 


108  L.    FRANÇOIS 

vojjL'.xïic;  (1).  Or,  c'est  là,  ni  plus  ni  moins,  la  division  des 
parties  de  la  théologie  dans  l'enseignement  du  Moyen-Portique, 
celle  de  Panétius,  sûrement  aussi  celle  de  Posidonius  (2).  Le 
sophiste  est,  jusqu'ici,  stoïcien  orthodoxe.  Il  paraît,  il  est  vrai, 
admettre,  à  côté  de  la  ttoltituyi  ysyso-iç,  une  quatrième  source 
de  l'idée  du  divin,  ù'/]^io\jpyiy.ri  xal  7rAaa-Tî.xYi  yévso-Lç  (3).  Mais, 
pour  un  Hellène,  l'artiste  ou  le  sculpteur  «  ttoieI  »,  tout  de 
même  que  le  poète.  Qui  plus  est,  c'est  au  poète  qu'il  doit,  le 
plus  souvent,  sa  conception  des  dieux.  Phidias  en  est  le  plus 
éclatant  exemple.  A  l'entendre  parler,  par  la  bouche  de  Dion, 
il  ne  se  réclame  que  d'un  maître,  Homère  :  «  Si  je  vous  semble, 
ô  Éléens,  digne  de  blâme,  si  vous  trouvez  à  reprendre  dans 
l'image  que  je  vous  ai  léguée  du  dieu,  ne  devez-vous  pas,  tout 
d'abord,  vous  attaquer  à  Homère?  Il  n'a  pas  seulement  tracé 
de  Zeus  un  portrait  tout  pareil  à  celui  que  créèrent  les  artistes, 
dans  les  vers  où  il  parle  de  la  chevelure  de  l'Olympien,  mais 
il  nous  entretient,  dès  le  début,  du  menton  du  dieu  »  (4).  Plus 
haut,  Dion  avait  écrit  :  «  Cette  image,  la  plus  belle  et  la  plus 
agréable  à  la  divinité  de  toutes  celles  qui  se  voient  ici-bas,  fut 
l'œuvre  de  Phidias,  inspiré  de  cet  endroit  d'Homère  oii  Zeus, 
par  un  léger  froncement  des  sourcils,  fait  trembler  tout 
rOlympe  »  (5). 

On  voit  par  quel  biais  est  introduit,  dans  VOlympicos,  le 
morceau  fameux  auquel  nous  consacrons  cette  étude.  Les 
grands  sculpteurs,  comme  les  grands  peintres,  sont  les  éduca- 
teurs religieux  du  genre  humain.  Phidias  occupe,  dans  leur 
radieuse  théorie,  le  rang  le  plus  éminent.  Pourquoi  ?  Ne  serait- 
ce  pas  qu'il  est,  lui  aussi,  un  stoïcien?  Poursuivons  notre  enquête. 


(1)  Dion,  XII,  44. 

(2)  Saint  Augustin,  De  civ.  Dei,  VI,  5.  Cf.  Zeller,  Phil.  d.  Gr.,  ïll  l^, 
p.^66  ;  Schmekel,  Mittlere  Stoa,  p.  117,  sqq.  Cf.  Wendland,  Posidonius  Werk 
ir.  0ec5v,  dans  VArch.  f.  Gesch.  d.  Phil.,  1888,  I,  p.  202  sqq.;  Binder,  Dio  Chrys. 
iind  Posidonius,  p.  22. 

(3)  Dion,  XII,  44. 

(4)  Dion,  XII,  62.  <- 

(5)  Dion,  XU,  26.  . 


DION    CHRYSOSTOME    CRITIQUK    d'aHT  !    LE    ZEUS    DE    PHIDIAS       109 

Jusqu'ici  nous  étions,  avec  l'orateur,  en  pleine  Sloa.  Nous 
n'aurons  pas  à  en  sortir. 

Le  rliéteur,  —  c'est  ici  la  pièce  de  résistance  de  son  discours, 
—  imagine  une  sorte  d'apologie  de  Phidias  par  lui-même  : 
«  Mon  Zeus  est  un  dieu  paisible  dont  les  traits  respirent  par- 
tout la  douceur  qui  convient  au  maître  d'une  llellade  dont 
aucune  dissension  ne  Irouble  la  concorde.  Voyez-le,  tel  que 
je  le  dressai,  m'aidant  des  conseils  de  mon  art  et  de  la  bonne 
et  sage  cité  des  Eléens.  Pacifique  et  grave,  il  est  là,  dans  l'alti- 
tude qui  sied  à  celui  dont  la  vie  ne  connaît  point  l'inquiétude 
des  chagrins.  N'est-il  pas  le  dispensateur  de  la  vie,  le  distri- 
buteur des  biens,  le  père  commun,  conservateur  et  gardien  de 
tous  les  hommes?  N'ai-je  point  réussi,  autant  du  moins  qu'il 
était  permis  à  un  mortel  de  concevoir,  par  la  pensée,  une 
image  de  l'être  divin  dans  son  inexprimable  grandeur  et  de  la 
rendre  par  l'imitation  de  l'art? 

Rien  y  contredit-il  aucun  des  noms  que  nous  donnons  au 
dieu?  Zeus,  seul  de  tout  l'Olympe,  est  appelé  père  et  roi.  Il 
préside  aux  cités,  aux  amitiés,  aux  unions  des  hommes;  il  est 
le  protecteur  des  suppliants,  des  hôtes,  le  dieu  des  moissons  et 
des  fruits.  On  le  nomme  roi,  parce  que,  dans  sa  puissance,  il 
commande  à  tout;  père,  je  crois,  à  cause  de  sa  douceur  et  de 
sa  sollicitude;  dieu  des  villes,  dont  il  fonde  les  lois  et  oij  il 
veille  au  commun  bien  de  tous  ;  protecteur  des  familles,  à 
cause  de  la  parenté  des  hommes  et  des  dieux;  dieu  de  l'amitié 
et  de  la  société  entre  les  mortels  parce  qu'il  aime  à  les  unir  et 
ne  voudrait  entre  eux  qu'amitié,  jamais  hostilité  ni  haine;  dieu 
des  suppliants,  parce  qu'il  accueille  les  prières  et  se  montre 
propice  à  qui  l'implore,  dieu  qui  détourne  les  maux,  car  c'est 
par  lui  que  nous  les  évitons,  dieu  de  l'hospitalité,  car  on  ne 
doit  négliger  aucun  hôte  ni  regarder  aucun  homme  comme  un 
étranger,  dieux  des  biens  qu'on  possède  et  des  fruits  que  l'on 
cueille,  car,  par  lui,  naissent  les  produits  de  la  terre,  par  lui 
nous  viennent  richesse  et  opulence.  Qui  pourrait  montrer  un 
lieu  du  monde  où  on  ne  l'invoque  point  sous  ces  noms? 


ilO  L.    FRANÇOIS 

L'artiste  qui  devait  rendre  tout  cela  sans  le  secours  de  la 
parole,  par  les  seuls  moyens  de  son  art,  n'a-t-il  point  rempli  sa 
tâche?  Le  roi  qui  commande,  voilà  ce  qu'exprime  Tatlitude, 
magnifique  et  imposante  dans  sa  force,  de  mon  Zeus.  La  solli- 
citude du  père,  elle  est  dans  sa  douceur  pleine  de  bienveillance. 
Le  gardien  des  cités  et  des  lois,  on  le  reconnaît  à  son  air 
auguste  et  grave.  La  forme  humaine  que  je  lui  ai  prêtée,  sym- 
bolyse  la  parenté  des  dieux  et  des  hommes.  Le  dieu  des  amis, 
des  suppliants,  des  hôtes,  le  protecteur  des  malheureux,  tous 
ses  autres  traits  pareils,  voilà  ce  que  traduit  cet  air  de  bien- 
veillance, cette  physionomie  oii  transparaissent  humanité, 
bonté.  Enfin  le  dieu  de  la  fécondité,  source  de  tous  nos  profits, 
se  révèle  dans  cette  âme  grande  et  simple  que  manifeste  tout 
l'ensemble  de  son  image  et  qui  convenait  surtout  à  celui  des 
Immortels  qui  se  plaît  à  nous  donner  tous  les  biens. 

Voilà  ce  que  je  voulus  représenter  seloa  mes  forces,  puisqu'il 
ne  m'était  pas  permis  d'user  de  la  parole.  Quant  au  dieu  sans 
cesse  armé  de  la  foudre,  cause  des  guerres  et  des  fléaux  qui 
font  périr  les  multitudes,  qui  verse,  à  flots,  pluies  excessives, 
neiges  et  grêles  ;  qui  tend  parmi  les  nuées  son  arc  sombre  et 
fait  briller  dans  les  orages  ces  feux  étincelants,  terreur  des 
matelots;  qui  excite  à  l'ardente  et  terrible  mêlée  Grecs  et 
Barbares;  qui  rend  insatiables  de  guerres  et  de  combats  jus- 
qu'aux mortels  épuisés,  privés  de  tout  espoir;  qui  pèse  en 
sa  balance  le  destin  des  héros  ou  décide,  par  un  arrêt  de  sa 
volonté,  le  sort  des  armées  tout  entières,  mon  art  ne  me  per- 
mettait point  de  le  représenter  et,  l'aurais-je  pu,  je  ne  l'aurais 
pas  voulu  (1).  » 

Disséquons,  si  j'ose  dire,  ce  magnifique  langage.  Isolons 
d'abord  du  commentaire  qui  l'encadre  chacun  de  ces  «  cogno- 
mina  »  du  dieu  copieusement  énumérés.  Aussitôt,  nous  obte- 
nons une  sorte  de  «  litanie  »  de  Zeus.  Or  c'était,  on  le  sait,  un 
principe  de  la  Stoa,  dans  les  matières  de  religion,  de  prêter  un 

(1)  Dion,  XII,  74  à  79. 


DION    CHRYSOSTOME    CRITIQUE    d'aRT  :    LE    ZEUS    DE    PHIDIAS       111 

sens  philosophique,  ésotérique,  aux  croyances  du  vulgaire.  Un 
souci  de  ne  point  elTaroucher  les  consciences,  de  ne  point 
dérouter  les  adeptes  non  complètement  initiés,  un  désir  même 
de  fortifier,  d'exalter  dans  leurs  âmes  leurs  sentiments  de 
piété,  la  conduisait  à  prendre,  à  l'aventure,  des  allures,  non  pas 
seulement  dévotes,  mais,  bien  plus,  cléricales.  Elle  prêchait. 
Et  quel  merveilleux  parti  on  pouvait,  à  celte  fin,  tirer  de  ces 
noms  du  dieu,  consacrés  par  l'antique  usage!  Ils  étaient  autant 
de  thèmes  tout  prêts  d'  «  instructions  »,  salutaires,  profitables. 
Le  prédicateur  stoïcien  en  dévoilait  la  signification  cachée, 
toute  religieuse  et  morale,  dans  l'acception  la  plus  élevée  du 
terme.  Et  le  Zeus  des  philosophes,  sans  cesser  d'être  lui-même, 
se  rapprochait  du  commun  des  fidèles  ;  il  venait  à  eux. 

Le  Zeus  du  Portique,  en  effet,  est  toute  bienveillance,  toute 
bonté,  parce  qu'il  est  toute  providence.  Chacune  de  ces  épi- 
thètes  que  Dion,  complaisamment,  s'attarde  à  illustrer  de  son 
exégèse,  répond  à  l'un  des  innombrables  personnages  que  le 
dieu  ne  dédaigne  point  de  jouer  quand  il  pourvoit  à  chacun  de 
nos  besoins  toujours  renaissants,  toujours  impérieux,  quand  il 
préside  successivement,  mais  sans  se  lasser,  à  chacun  des 
actes  de  notre  vie.  Nulle  trace  ici,  chez  le  sophiste,  de  démons- 
tration laborieuse  et  savante  de  l'universelle  Ttpovoia  de  l'Im- 
mortel. C'est  que  son  auditoire,  plus  qu'à  demi  mondain,  n'en 
avait  cure,  et  se  déclarait  très  satisfait  que,  des  méditations  des 
sages,  on  ne  lui  apportât  que  les  résultats  tout  acquis  et,  pour 
ainsi  parler,  le  résidu  pratique. 

Dès  longtemps,  les  Stoïciens  le  savaient.  Qu'on  relise  les 
beaux  vers  de  Cléanthe  dans  l'Hymne  à  Zeus.  Le  souci  y  est 
manifeste,  d'écarter,  pour  les  profanes,  tout  vestige  de  rai- 
sonnements ardus.  Et  tout  l'essentiel  de  ce  que  le  rhéteur 
développe  avec  tant  d'amour,  s'y  trouve,  ramassé  dans  un 
raccourci  sobre  et  fort  de  la  pensée  et  du  style  qui  n'est  pas 
sans  faire  tort  à  la  muse  charmante,  mais  un  peu  trop  coquette 
de  la  prose  d'Asie.  Le  vieux  poète  chantait  en  Zeus  le  maître 
absolu  de  cet  univers  qu'il  avait  créé  et  faisait  vivre  en  le  péné- 


112  L.    FI\ANÇOIS 

trant.  Rien  au  ciel,  rien  sur  les  terres  ou  les  mers  n'arrivait, 
qu'il  n'eût  prévu,  permis,  décidé,  voulu  : 

O'JTS  xaT'  alGépt-ov  Qewv  7ï6).ov  out'  ettI  tcovtcj).  »  (1) 

Mais  surtout,  —  et  la  coïncidence  ne  peut  être  un  hasard, — 
il  célébrait,  en  l'Olympien,  le  dieu  aux  nombreux  noms,  le 
dieu  TLOÀJtovutjioç  (2).  Qu'est-ce,  au  total,  que  notre  texte  du 
sophiste,  sinon  la  paraphrase  de  cette  vigoureuse  poésie? 
Paraphrase  minutieuse,  monotone,  malgré  les  agréments  de 
la  diction,  et  qui  insiste  trop  ;  —  n'est  pas  seulement  longue, 
mais  un  peu  lourde  et  pédante,  malgré  ses  grâces. 

Dion  était-il,  de  ce  défaut,  le  seul,  le  principal  coupable?  Ne 
nous  hâtons  pas  de  lui  jeter  la  pierre.  Les  temps  héroïques 
étaient  révolus  ;  le  Portique  sacrifiait  au  goût  du  jour.  La 
sophistique  refleurissait.  Les  purs,  en  dépit  de  leurs  dédains 
pour  les  ornements  de  la  rhétorique,  étaient  bien  obligés, 
pour  s'attirer  de  nouveaux  amis,  de  les  prendre  par  leur  faible. 
L'Hymne  de  Cléanthe,  au  sein  même  de  l'Ecole,  tournait  au 
thème  à  variations.  Une  preuve  bien  curieuse  s'en  rencontre 
dans  le  Ils  pi  xoo-jjlou,  cet  ouvrage  hybride,  fils  bâtard  d'Aris- 
tote  et  de  la  Stoa.  On  y  lit,  en  belle  place,  parmi  d'autres  Toirot., 
précisément  le  morceau,  sans  doute  déjà  classique  vers  le 
temps  de  Posidonius,  sur  les  cognomina  de  Zeus  :  «  Bien  que 
Dieu  soit  unique,  il  a  beaucoup  de  noms  qu'on  lui  donne, 
d'après  tous  les  phénomènes  dont  lui-même  est  la  cause.  On 
l'appelle  Jupiter  ou  Zeus  pour  exprimer  au  moyen  de  ces  noms 
que  c'est  par  lui  que  nous  vivons.  Il  est  appelé  fils  de  Chronos 
jBt  du  Temps,  passant  d'un  âge  sans  fin  à  un  autre  âge  non 
moins  illimité.  On  l'appelle  le  dieu  qui  lance  les  éclairs  et  la 
foudre,  on  l'appelle  éthéré,  aérien,  auteur  du  soleil  et  de  la 
pluie,  à  cause  du  tonnerre  et  de  la  pluie  et  des  autres  phéno- 
mènes analogues.  On  l'appelle  le  père  des  fruits,  à  cause  des 

(1)  Cléanthe,  Hymne  à  Zeus,  v.  11  sq.  dans  Arnim,  Fragmenta,  1,  n"  537. 

(2)  Id.  Ibid.,  V.  1. 


DION    CHRYSOSTOME    CRITIQUE    d'aRT  :    LK    ZELS    DE    PHIDIAS       113 

fruits  que  porto  la  terre,  gardien  des  villes,  parce  qu'il  pro- 
tège les  cités,  générateur,  père,  créateur,  à  cause  des  bienfaits 
qu'il  répand  à  tous  ces  égards  ;  amical,  hospitalier,  guerrier, 
triomphateur,  purificateur,  combattant,  suppliant,  favoi*able, 
tous  noms  que  lui  donnent  les  poètes  ;  sauveur  et  libérateur, 
dans  le  vrai  sens  de  ces  expressions.  Pour  tout  dire  en  peu  de 
mots.  Dieu  est  à  la  fois  céleste  et  terrestre,  et  reçoit  ainsi  des 
noms  tirés  de  toute  la  nature  et  de  tous  les  phénomènes, 
€omme  étant  lui-même  la  cause  de  toutes  choses  »  (1). 

Gomment  nier  Tétroite  parenté  de  ce  texte  avec  notre  Olyyn- 
picosl  Malgré  la  médiocrité,  la  platitude,  parfois,  de  l'exécu- 
tion littéraire  du  Pseudo-Aristote,  la  ressemblance  du  fond  et 
de  la  forme  est  frappante.  Dion,  c'est  vrai,  est  muet  sur  l'éty- 
mologie  mystique  du  nom  de  Zeus,  tirée  de  ÇfiV  ;  mais  il  la 
reprend  ailleurs.  L'érudition  météorologique  de  l'aristotéli- 
cien n'accable  pas  non  plus  de  son  poids  le  plaidoyer  de  Phi- 
dias. Mais  les  pieuses  épithètes  sont  bien  les  mêmes  ;  leur  exé- 
gèse est  toute  pareille.  Il  en  peut  bien  manquer  quelqu'une 
dans  le  De  Murido  que  Dion  n'a  eu  garde  d'omettre  ou  récipro- 
ment.  Le  parallélisme  des  deux  passages  n'en  est  pas  moins 
hors  de  toute  contestation,  et  non  moins  indubitable  est  l'ori- 
gine stoïcienne,  dans  le  II.  K6a-}j.oL»,  de  cette  savante  onomas- 
tique. K(  Les  noms,  les  attributs,  la  généalogie  de  Zeus,  sont 
ici  expliqués,  dit  Zeller,  en  un  sens  tout  stoïcien  »  (2). 

Or,  il  ne  s'agit  point  du  tout,  dans  le  De  Mundo,  du  Zeus  de 
Phidias.  Serions-nous  donc  en  présence,  chez  Dion  Ghrysos- 
tome  d'un  thème  consacré  par  une  longue  tradition,  devenu 
peu  à  peu  un  «  locus  »?  Serait-ce  que  Phidias  ou  plutôt  le 
rhéteur  qui  lui  prête  son  éloquence,  exploiterait  une  de  ces 
amplifications  banales,  passées  de  l'Ecole  dans  le  magasin  d'ac- 
cessoires des  orateurs  épidictiques?  La  démonstration  serait 
complète,  si  nous  pouvions  citer  quelque  autre  parallèle,  dio- 
néen  lui  aussi,  mais  où  le  Zeus  de  Phidias  fût  hors  de  cause. 

(1)  n.  xôafxou,  vil,  1,  2,  p.  401  B.  Trad.  Barthélémy  Saint-Hilaire. 

(2)  Zeller,  Phil.  d.  Gr.  III,  l^,  p.  641. 

REG.  XXX.  l'.tlT.  n"  13ti.  ,  " 


11  i  L.     FRANÇOIS 

(le  parallèle,  il  (existe.  H  n'y  a  pas  à  aller  loin  pour  le  décou- 
vrir. Nous  n'oserions  l'intliger  à  nos  lecteurs.  Qu'ils  ouvrent  le 
premier  II.  Ba^'/Aciaç.  Voici  que  détileront,  une  fois  de  plus,  tous 
les  cognomina  de  Zeus  (1).  Trajan  est  le  modèle  des  princes, 
Jupiter  le  modèle  des  rois.  Peindre  le  portrait  de  Zeus,  c'est 
retracer  l'idéal  que  l'empereur  incarne  sur  terre.  Roi  parfait, 
le  maître  de  l'Olympe  n'est  le  meilleur  des  souverains  que, 
parce  qu'étanl  le  seul  vrai  sage,  il  est  le  seul  vrai  père.  L'exé- 
gèse de  chacun  de  ses  surnoms  est  encore  plus  complète,,  plus 
précise.  Aucun  n'est  oublié.  On  a  pu  songer  à  combler  telle 
apparente  lacune  de  VOhjmpicos  avec  le  premier  il.  Bao-t-Ae^a;. 
Ces  cognomina  de  l'Olympien  sont  si  chers  à  Dion  qu'on  les 
re verrait,  si  l'on  en  éprouvait  quelque  envie,  dans  le  11.  BaT».- 
).£'laç  III  (2)  et  que,  peul-èlre,  leur  énumération  comblerait  une 
longue  lacune  du  II.  BaT'.As-la;  IV  (3). 

Il  y  a  plus  et  mieux  ou,  plutôt,  pis  encore.  /Eli us  Aristide, 
composant  à  son  toui'  un  hymne,  mais  en  prose,  à  la  gloire  de 
Zeus,  nous  offre  une  nouvelle  édition,  —  et  quelle  édition!  — 
du  même  lieu  commun.  Sur  certains  points  même,  il  est  plus 
scrupuleusement  fidèle  que  Dion  à  la  mystique  de  l'École.  Il 
n'est  plus  d'étymologie  qui  l'arrête.  Dion,  dans  le  premier 
n.  BaTiÀs-a;,  accueillait  Zeus  dérivé  de  uv>.  /Elius  explique  doc- 
tement Aia  par  ^'.à,  la  préposition  causale  (4).  Le  dieu  n'est-il  pas 
la  cause  efficiente?  L'bymne  s'achève  en  invocation.  Voilà 
tout  le  bataillon  des  cognomina  en  bon  ordre  et  au  grand  com- 
plet :  «  £'JcpyiT/"i;,  ÈcpopOs  /.al  TCpoo-TaTr,^,  Tzp'JTav.^  xal  Tiyé[jLO)v,  Tau-'laç 
ovTwv  xal  vcycvyj^lvcjv  à-àvTwv,  ooTTip,  TTOirjTri;;,  £v  8'lxat.ç  vîxT,v 
Sîûo'jç,  àvopalo;,  TpOTuawç,  sÀs-jBip'.o;,  asO.lyj.oç,  ,3aa-',Acù;,  izokizli^^ 
xaTaêaTr;^,   'jstoç  !  (5)   » 

Résignons-nous.    Toute    cette    exégèse    des    intentions    de 


(1)  Dion,  J,  39  à  42. 

(2)  Dion,  m,  30. 

(3)  Dion,  IV,  139. 

(4)  ^lius  Aristide,  Ed.  el  Irad.  Canterus,  Genève,  1604,  1,    Eî?  A  (a,  p.  13.  A, 
(.5)  Id.  IhicL,  p.  2o  B-C,  26  A. 


DION    CHUYSOSTOME    CKITIQUE    D^AirP  :    LK    ZKLS    DIO    l'IllDIAS         I  15 

Phidias  sculptant  le  dieu  d'Olympie,  n'est  qu'un  vieux  cliclié  ; 
il  a  déjà  bien  servi,  il  servira  encore.  Ce  n'est  qu'une  variante 
d'un  autre  «  locus  »  non  moins  rabattu,  le  portrait  du  loi  idéal. 
Le  vrai  prince,  lui  aussi,  est  imposant,  mais  bon.  (^omnie  Zeus 
ne  songe  qu'à  la  félicité  des  mortels,  il  est  uniquement  sou- 
cieux du  bonheur  de  ses  sujets.  La  douceur  que  Dion  vante 
chez  l'Olympien,  j'ai  peur,  en  vérité,  qu'il  ne  la  découvre  dans 
relïîgie  de  Phidias,  que  parce  (jue  la  Rhétorique  exige  qu'elle 
soit  écrite  sur  ses  traits. 

Est-ce  à  dire,  poui'  autant,  qu'il  faille  faire  li  du  témoignage 
de  VOlympicos'^.  L'oraison,  en  dépit  de  ses  artifices,  peut-être 
à  cause  de  ses  artifices,  a  son  prix.  Elle  traduit  l'admiration, 
assez  pédante,  j'en  conviens,  mais,  après  tout,  sincère,  d'un 
orateui'  ()ui  pense  peu  par  lui-même,  mais  est  tout  imprégné 
des  opinions  du  Portique.  Le  Portique,  en  ces  temps  de  syn- 
crétisme religieux  et  philosophique,  c'est,  de  plus  en  plus, 
toute  la  Sagesse.  Le  Zens  d'Olympie^  voilà  l'expression  la  plus 
haute,  la  plus  sublime  du  sage  stoïcien,  du  sage  (|ui  est  au 
dessus  de  toutes  les  passions  hum'aines,  non  qu'il  les  ignore, 
mais  parce  qu'il  en  a  triomphé.  C'est  un  Dieu  qui  pense,  un 
Dieu  qui  veut,  mais  ne  veut  que  le  bien  des  hommes,  un  Dieu 
qui  n'aime  point  à  punir,  un  roi  qui  se  souvient  que,  seule 
de  toute  la  ruche,  la  reine  des  abeilles  n'a  point  d'aiguillon  (1). 
C'est  Zeus  prompt  à  lancer  la  foudre,  àpy.xspa'jvo;  (2),  disait 
Cléantbe,  mais  il  ne  la  brandit  que  contre  les  méchants.  Il  est, 
dans  sa  conception  nouvelle,  le  fils  de  la  pensée  hellénique  tout 
entière.  Depuis  Socrate  surtout,  depuis  Platon,  Aristote,  la 
Stoa,  il  se  révèle  par  sa  providence.  L'anthropocentrisme, 
depuis  des  siècles,  de  la  cosmologie  grecque  conduisait  à  l'idée 
de  ce  maître  de  l'Olympe,  créateur  des  mortels,  mais,  plus 
encore,  leur  sauveur  et  conservateur.  Dieu,  jadis  terrible,  est 


(1)  Dion,  IV,  62  sq.  ;  Julien,  89  d.  Voir  notre  étude,  Julien  et  Dion  Chrys.,  dans 
la  n.Ë.G^  1915,  pp.  417,  sqq. 

(2)  Cléanthe,  Hymne  à  Zeus,  V,  28. 


116  L.    FRANÇOIS 

devenu  bon  (1).  Cette  bonté,  Dion  la  lisait  au  front  du  colosse 
d'Olympie.  D'autres  l'y  adoraient  à  leur  tour.  Epictète  n'avait 
pas  assez  d'admirations  pour  le  grand  statuaire,  Quinti- 
lien  déclarait  qu'il  avait  ajouté  à  la  majesté  des  dieux  (2). 
L'Univers,  dans  son  incomparable  beauté,  est  comme  un 
temple  splendide,  résidence  de  la  divinité  (3).  Pareils  aux 
mystes  avant  l'initiation,  les  mortels  attendaient  sur  le  seuil. 
Phidias  les  avait  pris  par  la  main  et  introduits  dans  le  sanc- 
tuaire. 

L.  François. 


(1)  Voir  les  curieux  chapitres  de  Juste  Lipse,  Physiologioe  Sto'icorum  Uhri  très, 
Paris,  Plantin,  1604,  Diss.  X  et  XI,  p.  21  a,  25  b. 

(2)  Epictète,   dans  Overbeck,    Scliriftquellen,    n°   727.   Quintilien,  Inst.   Orat., 
XII,  10,  9. 

(3)  Dion,  XII,  34.  Sénèque,  Ad  Lucil.,  XC,  29. 


Bon  à  tirer  donné  le  25  septembre  1917. 
Le  rédacteur  en  chef,  Gustave  Glotz, 


Le  Puy-eii-Vela\ .  —  Imp.  l'eyriller,  Ronchon  et  Gamon,  boulevard  Garnot,  23. 


HISTOIRE  ET  BIOGRAPHIE 


(1) 


PHANIAS    D'ERESE 


II.  Aristide  et  ïhémistocle  a  Salamine. 

Trois  anecdotes  dont  l'analyse  nous  est  maintenant  possible, 
intéressent  à  la  fois  Aristide  et  ïhémistocle.  Ayant  consacré 
une  BiograjMe  spéciale  à  chacun  des  deux  personnages,  Plu- 
tarque  a  été  amené  à  nous  les  conter,  toutes  les  trois,  sous  deux 
formes,  Tnae  étendue,  l'autre  plus  résumée.  C'est  ainsi  que  la 
première,  «  L'entretien  d'Aristide  et  de  Thémistocle  à  l'occa- 
sion du  premier  stratagème  »,  nous  est  donnée  tout  au  long 
dans  la  Vie  d'Aristide,  et,  en  raccourci,  au  contraire,  dans  la 
Vie  de  Thémistocle,  tandis  que,  pour  les  deux  autres,  «  La  mise 
à  mort  des  trois  fils  de  Sandauké  après  le  coup  de  main  de 
Psyttalie  »  et  «  La  discussion  entre  Aristide  et  Thémistocle 
avant  le  second  stratagème  »,  la  Vie  de  Thémistocle  devient  le 
texte  principal. 

Dans  quelque  ordre  qu'aient  été  écrites  les  deux  biogra- 
phies (2),  il  est  donc  certain  que,  des  deux  rédactions  que  nous 
possédons  pour  chaque  anecdote,  la  forme  abrégée  n'est  pas 

(1)  Voir  tome  XXVIIT,  p.  251  et  suiv. 

(2)  Suivant  Michaelis,  De  ordine  vitarum  parallelarum  Plutarchi,  Berlin,  1875 
(pp.  45-46),  la  Vie  d'Aristide  serait  antérieure  à  la  Vie  de  Thémistocle. 

REG,  XXX,  1917,  n»  137.  9 


448  L.    BODIN 

nécessairement  postérieure  à  la  forme  complète.  Ces  deux 
rédactions  sont  cependant  toujours  étroitement  apparentées  et, 
lorsqu'il  n'y  a  pas  accord  entre  elles,  les  divergences  de  détail 
proviennent  manifestement  d'emprunts  faits,  sur  le  moment, 
par  Plutarque  à  l'ouvrage  général  —  ici  Hérodote  —  qui  lui 
sert  de  guide  et  lui  fournit  un  cadre  pour  l'ensemble  des  événe- 
ments. On  peut,  dans  ces  conditions,  admettre  que  les  trois 
historiettes  ont  conservé,  en  grande  partie,  la  physionomie  et 
l'accent  du  modèle  original  sur  lequel  elles  sont  composées. 

Ce  modèle  ne  nous  est  donné  comme  l'œuvre  de  Phanias  que 
pour  l'une  des  trois,  la  seconde.  Mais  ce  que  nous  avons  appris 
de  Phanias  permet  delui  attribuer  également  les  deux  autres. 
Nous  aurons,  pour  nous  en  rendre  compte,  à  les  étudier  de 
plus  près;  arrêtons-nous  d'abord  à  celle  qui  porte  sa  signature. 

La  mise  à  mort  des  trois  fils  de  Sandauké 

et  le  coup  de  main  de  Psyttalie. 

• 
Plutarque  vient  de  raconter  l'entrevue  de  Thémistocle  et 

d'Aristide  à  propos  du  premier  stratagème  ;  il  aborde  le  récit 
de  la  bataille  (Thém.,  XIII)  :  tandis  que  Xerxès  prend  place 
sur  une  hauteur  d'oii  il  pourra  suivre  le  combat,  Thémistocle 
offre  un  sacrifice  pour  en  assurer  le  succès.  A  ce  moment  inter- 
vient notre  anecdote  : 

«  Thémistocle  offrait  le  sacrifice  auprès  du  vaisseau  amiral  quand 
on  lui  amena  trois  prisonniers.  D'une  rare  beauté  de  visage,  ils  se 
faisaient  encore  remarquer  par  la  richesse  de  leurs  vêtements  et  de 
leur  parure.  On  les  disait  fils  d'Artayktès  et  de  Sandauké,  sœur  du 
Roi.  Le  devin  Euphrantidès  les  aperçut,  et,  comme  la  flamme  du 
foyer  s'était  élevée  haute  et  claire  du  milieu  des  victimes,  tandis 
qu'on  entendait  au  même  instant  le  présage  d'un  éternuement  à 
droite,  il  saisit  Thémistocle  par  la  main,  lui  enjoignant  de  faire  la 
consécration  des  jeunes  gens  et  de  les  immoler  tous  les  trois  à 
Dionysos  Ômestès,  en  formulant  ses  vœux  :  «  à  ce  prix,  disait-il,  le 
salut  et  tout  ensemble  la  victoire  seraient  assurés  aux  Grecs  ». 
sSurpris  de  ce  qu'avait  de  terrible  et  d'étrange  cette  consultation, 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    :    PHANIAS    d'ÉRÈSE  119 

Thémistocle  reste  étonné;  mais  la  foule,  qui  toujours,  aux  heures  de 
grave  incertitude  et  dans  les  conjonctures  difficiles,  attend  plus 
volontiers  son  salut  de  ce  qui  déconcerte  que  de  ce  qui  satisfait  la 
raison,  se  met,  tout  d'une  voix,  à  invoquer  le  Dieu,  et,  poussant  les 
prisonniers  à  Tautel,  obtient  de  force  que  le  sacrifice  s'accomplisse 
comme  le  devin  l'avait  ordonné  ». 

Plutarque  ajoute  qu'il  tient  cette  anecdote  «  de  Phanias  de 
Lesbos,  philosophe  fort  au  courant  des  ouvrages  d'histoire  ». 
Mais  de  qui  Phanias  la  tenait-il  lui-même?  Nous  l'ignorons,  et, 
faute  de  pouvoir  la  comparer  à  sa  source,  il  est  assez  difficile 
de  dire  ce  qu'il  avait  apporté  de  personnel  dans  la  façon  de  la 
conter.  On  peut  cependant  supposer  que  nous  n'avons  ici  qu'un 
résumé  :  la  scène  devait  être,  chez  lui,  plus  animée.  On  ima- 
gine assez  bien  un  dialogue  entre  Thémistocle  et  le  devin  : 
l'écrivain  psychologue  avait  là  matière  à  une  intéressante  oppo- 
sition de  caractères.  De  même  encore,  il  avait  pu  souligner  de 
quelques  traits  plus  accusés  le  contraste,  déjà  frappant,  entre 
l'emportement  irréfléchi  de  la  foule  et  l'espèce  de  timidité  ou, 
tout  au  moins,  d'indécision  que  provoquait  chez  Thémistocle, 
dans  un  moment  aussi  tragique,  le  sentiment  de  sa  respon- 
sabilité. Sans  nous  arrêter  à  de  simples  impressions,  essayons 
plutôt  de  rapprocher  les  autres  textes  relatifs  à  la  même  anec- 
dote. Deux  sont  assez  insignifiants.  L'un  est  de  Plutarque  dans 
la  Vie  de  Pélopidas  (XXI,  3)  et  n'apporte  aucune  variante  utile  : 
tout  au  plus  précise-t-il,  ce  qui  ressort  clairement  de  notre  récit, 
que  le  sacrifice  était  antérieur  à  la  bataille,  irpo  rriç  vaupiay'laç. 
L'autre  est  de  Diodore  (XI,  57,  1-5).  C'est  l'histoire  que  nous 
avons  rencontrée  précédemment  (1),  de  ce  procès  bizarre  intenté 
parMandane  à  Thémistocle  pour  lui  demander  raison  de  la  mort 
de  ses  fils.  Ephore  connaissait  évidemment  notre  légende;  mais 
gêné  sans  doute  par  l'esprit  de  superstition  barbare  dont  elle 
était  empreinte,  par  ce  qu'elle  pouvait  aussi  avoir  de  fâcheux 
pour  la  mémoire  de  Thémistocle,  il  l'avait  remaniée  et  adaptée 

(1)  R.  E.  G.,  tome  XXVIII,  p.  259-260. 


420  L.    BODIN 

à  une  situation  nouvelle  :  les  jeunes  gens  n'avaient  pas  été 
immolés  dans  un  sacrifice  ;  ils  avaient  péri  dans  la  bataille  (1), 
et  Thémistocle  n'était  responsable  de  leur  mort  qu'en  tant 
qu'il  avait  assuré  la  victoire  des  Grecs.  L'invention,  par  son 
ingénieuse  platitude,  rentre  dans  le  cercle  connu  des  concep- 
tions d'Ephore,  et  c'est  très  probablement  lui  aussi  qui,  confor- 
mément à  sa  méthode  ordinaire  de  démarcage,  avait  substitué 
le  nom  de  Mandane  à  celui  de  Sandauké.  Rien  dans  tout  cela 
ne  remonte  à  la  version  originale  que  Phanias  avait  sous  les 
yeux. 

Un  troisième  texte,  celui  que  fournit  la  Vie  d'Aristide  (IX), 
est  plus  intéressant.  L'anecdote  est,  cette  fois,  rattachée  à  l'épi- 
sode de  Psyttalie,  et  non  pas  d'une  manière  arbitraire,  par  un 
lien  extérieur,  mais  par  sa  donnée  même,  et  de  telle  façon 
qu'Aristide  se  trouve  mêlé  au  récit  :  c'est  lui  qui,  après  les 
avoir  pris,  envoie  à  Thémistocle,  pour  qu'il  en  dispose,  les  trois 
fils  de  Sandauké  (oO;  eùQùç  y.néd'^eiks.  upoç  tov  ©ejji.t.a-ToxXéa).  Quel 
est  ici  l'apport  de  Phanias  ?  Ce  que  nous  savons  par  ailleurs  de 
l'affaire  de  Psyttalie  permet  de  l'entrevoir.  Chez  Hérodote  cette 
affaire  est  présentée  purement  et  simplement  comme  une  ini- 
tiative d'iVristide  :  c'était  son  exploit  particulier,  sa  part  per- 
sonnelle de  gloire  dans  le  succès  de  la  bataille.  Eschyle  la 
concevait  de  même  :  bien  qu'il  ne  nomme  pas  Aristide,  l'impor- 
tance qu'il  donne  à  l'épisode,  le  mettant  en  relief  comme  une 
sorte  de  contre-partie  du  stratagème,  qui  aurait  parachevé  le 
désastre  perse,  en  est  la  meilleure  preuve.  Deux  autres  textes, 
postérieurs,  il  est  vrai,  mais  qui  reproduisent  certainement  une 
tradition  plus  ancienne,  racontent  les  choses  de  façon  un  peu 
différente  :  dans  Aristodèmos  (§  4),  Aristide  demande  à  Thé- 
mistocle l'armée  avec  laquelle  il  se  propose  d'opérer  (o-ToaTov 
auTov  TrÎTTio-ev  dç  to  à^ùvadSat.  toÙç  £v  t^  Wwzzci.'ks.icL)  et  Thémistocle 


(1)  Diodore  (XI,  37,  1)  dit  simplement  xa6'  ôv  xaipôv  6e(xtaT0xXf,(;  itspl  Ea>ia{j.tva 
xaTÊvau[xjt/T,a£  xôv  jtoXov  tcôv  Ilepawv.  Le  vague  de  la  formule  paraît  bien,  en  tout 
cas,  destiné  à  l'aire  oublier  la  version  du  sacrifice  et  à  dégager. la  responsabilité 
de  Thémistocle. 


HISTOIRE   ET   BIOGRAPHIE   :   PHANIAS    d'ÉRÈSE  121 

la  lui  accorde  «  tout  en  étant  son  ennemi  ».  Avec  le  scholiaste 
d'Aelius  Aristide  {in  Panath.  p.  182),  il  y  a  mieux  encore  : 
Aristide  agit  comme  collègue  de  Thémistocle  (o-jTTpàTTiyoç 
©e{jLi(7ToxX£ous).  Or  nous  verrons  (1)  que  cette  étroite  collabora- 
tion des  deux  personnages  était  déjà  dans  Ktésias.  Tout  porte  à 
croire  que  Phanias  lui  a  emprunté  l'idée  de  les  rapprocher  dans 
son  anecdote  :  son  Aristide  n'est  pas  l'égal  de  Thémistocle, 
mais  il  agit  en  accord  avec  lui,  et  quand  il  a  fait  des  prison- 
niers, il  les  lui  livre  comme  à  son  chef. 

Le  principe  adopté,  une  grosse  difficulté  se  présentait.  Dans 
toutes  nos  sources,  l'épisode  de  Psyttalie  se  déroule  au  cours  de 
la  bataille,  et,  d'après  les  meilleurs  témoignages,  à  la  fin  :  il 
est  le  couronnement  de  la  victoire.  D'autre  part,  le  sacrifice 
n'avait  de  raison  d'être  qu'avant  l'action,  et  c'est  effectivement 
avant  le  combat  naval  (irpo  ir^c,  va'jp.ay''as)  que  la  tradition  le 
plaçait.  On  ne  pouvait  établir  de  connexité  entre  les  deux  faits 
qu'en  altérant  le  premier.  Phanias  prend  délibérément  son 
parti  :  il  déplace  l'épisode  et  en  fait  un  brillant  coup  de  main 
exécuté  par  Aristide,  pendant  que  les  chefs  en  sont  encore  à  se 
disputer  (ol  [aÈv  ouv  vauap-^o»,  twv  EÀXtÎvwv  Taù-r'  supaTTOv, 
'ApiaTsiSriç  8'6pwv...).  La  transformation  s'exécute  de  la  façon  la 
plus  aisée  et  suivant  les  procédés  d'adaptation  et  de  transpo- 
sition que  la  scène  de  «  L'arrivée  en  Perse  »  nous  a  rendus 
familiers.  11  fallait  d'abord  expliquer  l'acte  d'Aristide.  Mais 
Aristide,  agissant  avant  la  bataille,  se  trouve  exactement  dans  la 
même  situation  que  ceux  des  Perses  qui,  chez  Eschyle  et  chez 
Hérodote,  recevaient,  après  le  succès  du  stratagème,  l'ordre 
d'occuper  Psyttalie  (2)  :  il  suffit  de  lui  faire  reprendre  leur  tâche 


(1)  Ci-dessous,  p.  149. 

(2)  Le  coup  de  main  d'Aristide  suppose  d'ailleurs  également  une  occupation 
préalable  de  l'îlot  par  les  Perses.  Or  on  verra,  en  étudiant  le  premier  stratagème 
(ci-dessous,  p.  130),  que,  dans  la  version  qu'on  peut  attribuer  à  Phanias,  parmi  les 
mesures  ordonnées  par  Xerxès  figure  une  occupation  des  îles  (SiaJ^waat  Ta;  vn/^jouç, 
Thém.,  Xll,  5;  xàç vt,<tou<;  xaxstj^ov,  Anst.,y\\\^2).  «  Les  îles  »  comprenaient  natu- 
rellement Psyttalie,  et  c'est  à  cette  indication  que  Phanias  se  référait  en  disant 
«  qu'elle  était  remplie  d'ennemis  (itoXsiiCwv  àvSpwv  [xsax^  ouaav)  »> . 


d22  L.    BODIN 

en  sens  inverse.  Ceux-ci  devaient  surveiller  les  abords  de  l'île 
et,  suivant  qu'ils  verraient  aborder  leurs  partisans  ou  leurs 
ennemis,  «  sauver  les  uns  et  perdre  les  autres  »  (l'va  toùç  [jlsv 
7r£p'.Tco!.£wo-t.,  TO'jç  8è  BiacpGsipwo-!.,  flérod.  76  ;  cf.  Esch.  450-54). 
Aristide  ne  leur  succède  dans  l'emploi  que  pour  guetter  à  son 
tour  ceux  que  le  courant  amène,  «  de  façon  que  nul  parmi  ses 
partisans  ne  se  perde  ni,  parmi  les  ennemis,  n'échappe  (wç 
[jLy]T£  Twv  cpL)v(i)v  TLvà  8i.acpBap-^vat.  |jl7]T£  twv  '7ioX£|jlIwv  8t.acpuY£l!v).  On 
ne  saurait,  en  vérité,  retourner  avec  plus  de  dextérité  un  texte 
pour  se  l'approprier  et  le  faire  servir  à  ses  fins. 

Mais  l'épisode  ainsi  modifié  et  rendu  vraisemblable  sous  sa 
forme  nouvelle,  il  fallait  encore  le  mettre  en  accord  avec  l'anec- 
dote. Chez  Hérodote  comme  chez  Eschyle,  et  d'ailleurs  dans 
toute  la  tradition  historique,  Aristide,  une  fois  maître  de 
Psyttalie,  faisait  mettre  à  mort  tous  les  occupants  (ewç  àitàvTwv 
£^a7r£çp8£t.pav  ^'lov,  Esch.  464,  Toùç  ïlépcaç...  xaT£cp6v£Uo-av  Tiàvra;, 
Hérod.).  Comment  pouvait-il  donc  envoyer  à  Thémistocle  les 
trois  fils  de  Sandauké?  La  difficulté  se  résout  à  peu  de  frais. 
Pour  rester  dans  la  tradition,  Aristide  fait  encore  «  tuer  tout  le 
monde  (àuéxTEtvs  TràvTaç)  »  ;  mais  pour  que  l'anecdote  reste 
possible,  «  il  excepte  certains  Perses  de  marque  qui,  prison- 
niers, gardent  la  vie  sauve  (uXtiv  oo-ot.  twv  £7rt.cpavwv  Çwvteç 
■ylXwarav)  ».  Cette  dernière  innovation  est,  en  soi,  si  simple  qu'on 
pourrait  l'attribuer  à  Plularque  lui-même.  Mais  tout  se  tient 
dans  son  récit  et  il  est  clair  que  la  série  de  divergences  qu'il 
présente  avec  les  autres  versions  de  l'affaire  de  Psyttalie 
résultent  ^logiquement  du  fait  que  le  sort  des  trois  prisonniers 
est  abandonné  à  Thémistocle  par  Aristide.  C'est  là  qu'est  l'alté- 
ration première  et  fondamentale  de  la  tradition.  Elle  est  trop 
profonde  pour  venir  de  Plutarque  :  de  la  part  de  Phanias  elle 
n'a  rien  qui  puisse  surprendre,  et  nous  allons  retrouver  dans 
les  deux  anecdotes  suivantes  la  même  tendance  à  rapprocher, 
en  les  opposant,  les  deux  personnages.  Pour  Plutarque,  la  seule 
chose  à  retenir  est  que,  bien  qu'il  ne  l'y  nomme  nulle  part,  il 
avait  certainement  utilisé  Phanias  dans  la  Vie  d'Aristide.  Celle- 


HISTOIRE   ET   BIOGRAPHIE   '.   PHANIAS    d'ÉRÈSE  123 

ci  entre  ainsi  dans  le  domaine  des  sources  auxquelles   nous 
sommes  en  droit  de  recourir  pour  la  suite  de  notre  étude. 

Entretien  d'Aristide  et  de  Thémistocle  à  l'occasion 
du  premier  stratagème. 

Avec  cette  anecdote  nous  abordons  le  premier  des  deux  frag- 
ments qui,  bien  que  restés  anonymes  chez  Plutarque,  peuvent 
être  attribués  à  Phanias,  et  c'est  précisément  la  Vie  d'Aristide 
(YIII,  2  sqq.)  qui  constitue  cette  fois  notre  source  pi'incipale. 
Tel  qu'il  s'y  présente,  le  fragment  se  réduit  à  l'entretien  d'Aris- 
tide et  de  Thémistocle  après  le  stratagème.  Plutarque  ne  s'in- 
téressant,  pour  le  moment,  qu'à  Aristide,  ne  retient  de  l'anec- 
dote que  la  partie  oii  Aristide  joue  un  rôle.  Mais  l'entretien 
suppose  le  stratagème;  Phanias  n'avait  pu  rapporter  l'un  sans 
raconter  l'autre.  La  Vie  de  Thémistocle  nous  apporte  le  com- 
plément désiré  :  l'entretien  s'y  retrouve,  en  effet,  résumé,  mais 
précédé  d'un  récit  du  stratagème.  Il  y  a  des  chances  pour  qu'en 
mettant  ce  récit  en  regard  de  la  tradition,  on  y  découvre  des 
éléments  qu'il  sera  permis  de  faire  remonter  à  Phanias. 

Les  textes  relatifs  au  stratagème  sont  extrêmement  nombreux 
et  variés  (1).  Pratiquement  on  peut  les  ramener  à  quatre  ver- 
sions, celles  d'Eschyle,  d'Hérodote,  de  Diodore  (Éphore)  et  de 
Cornélius  Nepos-Justin,  qui  seules  présentent  des  ensembles 
véritablement  ordonnés  et  construits.  Les  autres  textes  n'ap- 
portent que  des  variantes  de  détail,  manifestement  de  basse 
époquje,  et,  sauf  exception  pour  Polyen  (2),  sans  intérêt. 

De  quoi  s'agissait-il  pour  Thémistocle?  De  décider  Xerxès, 
en  lui  faisant  connaître,  sous  un  jour  d'ailleurs  vrai  ou  faux, 


(1)  Esch.,  Perses,  355  sqq.;  Hérod.,  VIH,  49-50;  56-64;  67-70;  74-76;  78-82 
Diod.,  XI,  15-17  ;  Corn.  Nepos,  Thém.,  4  ;  Frontin,  Slrat.,  II,  2, 14;  Justin,  II,  12 
Polyen,  Strat.,  I,  30,  3;  Aristodemos,  I,  1  ;  Schol.  in  Ael.  Arist.  Panathen.,^.  178 
ûir.  T.  T.,  p.  613;  [Plut.],  Reg.  et  imp.  apoph.,  ee[x.,  6. 

(2)  Il  qualifie  le  messager  d'eunuque  :  V  auTw  St'xiwoç  eûvouyoç  TcaiSaywvôi;  xoTv 
ua{8otv  (I,  30,  3  Cod.  flor.).  Cf.  I,  30,  4  (second  stratagème)  :  itsfxirsi  5^  iraXtv... 
eûvoGj^ov  dOvXov  'ApaixT^v. 


124  L.    BODIN 

les  projets  des  Grecs,  à  engager  immédiatement  et  devant  Sala- 
mine,  la  bataille  que  ceux-ci  voulaient  différer  et  livrer  ailleurs, 
ou  môme  ne  pas  livrer  du  tout.  Un  récit  complet  du  stratagème 
comportait  donc  un  exposé  de  la  situation,  le  choix  d'un  mes- 
sager, un  message,  des  mesures  prises  par  le  Roi  à  la  suite  du 
message.  C'est  sur  ces  quatre  points  que  nos  sources  divergent 
et  trahissent  des  partis-pris. 

Eschyle  est  d'une  belle  et  forte  sobriété.  Il  ne  dit  rien  de  la 
situation  et  va  droit  au  messager.  D'un  seul  trait  il  le  caracté- 
rise :  c'est  «  un  Grec  de  l'armée  des  Athéniens  ».  Même  sim- 
plicité dans  le  texte  du  message  :  «  Lorsque  la  nuit  sombre 
étendra  son  voile,  les  Grecs  ne  resteront  pas  là  :  se  jetant  sur 
les  bancs  de  leurs  navires,  ils  chercheront,  chacun  de  son  côté, 
leur  salut  dans  une  fuite  secrète  ».  L'aveuglement  de  Xerxès, 
la  folie  d'orgueil  qui  l'entraîne  n'en  sont  que  plus  saisissants. 
Il  n'examine  ni  s'il  est  bien  vrai  que  l'ennemi  soit  sur  le  point 
de  se  disperser,  ni  si  les  Perses  n'auraient  pas  intérêt  à  le 
laisser  faire  :  l'image  du  riche  coup  de  filet  que  lui  suggère  la 
jalousie  des  dieux  trouble  sa  raison.  La  race  même  du  mes- 
sager n'éveille  pas  ses  soupçons.  «  Il  ne  comprend  pas  la  ruse, 
la  ruse  d'un  Grec  (où  iuvelç  86Xov  |  "Ellr^yo^  àvôpoç)  ».  Et  tout  de 
suite,  sans  plus  demander  (euQùç  w;;  vîxouo-sv)  il  prend  la  mesure 
fatale  :  le  gros  de  sa  flotte,  sur  trois  files,  gardera  les  passes  ; 
le  reste,  «  décrivant  un  cercle,  ira  croiser  autour  de  l'île  d'Ajax 
[aWoLç  8a  xuxX(})  vïio-ov  A'iavToç  uspiÇ)  »  :  nul  d'entre  les  Grecs  ne 
doit  échapper  à  sa  destinée  de  mort.  Ainsi  le  dessein  profond  du 
poète  maîtrise  et  s'asservit  la  réalité,  et  des  éléments  qu'elle  lui 
fournit  dégage  la  haute  leçon  de  mesure  et  de  sagesse  qu'il 
entend  nous  donner. 

L'histoire  a  d'autres  lois  que  la  poésie.  Avec  Hérodote,  les 
larges  ombres  délibérément  réservées  par  Eschyle  s'évanouis- 
sent, découvrent  les  fonds,  laissent  voir  le  détail.  Abondam- 
ment documenté,  il  vise,  à  la  fois,  à  faire  entrer  dans  un  récit 
vivant  la  masse  des  témoignages  dont  il  dispose  et  à  satisfaire 
la   curiosité  méfiante  et   raisonneuse   de    son  lecteur.   Aussi 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE   :    PHANIAS    d'ÉRÈSE  125 

deviendra-t-il  tout  naliiiellement  la  source  où  puiseront  à 
pleines  mains  F^phore  et  l'auteur  inconnu  représenté  pour  nous 
par  Corn.  Népos  et  Justin.  Leurs  récits  ne  sont  —  à  part 
quelques  souvenirs  d'Kschyle  —  que  des  abrégés  du  sien,  mais 
des  abrégés  systématiques,  procédant  de  conceptions  à  priori, 
et  nous  n'avons  en  léalité  allaire,  avec  les  textes  de  caractère 
historique,  qu'à  une  seule  et  même  tradition  sous  trois  formes 
diiïérentes.  De  Tune  à  l'autre  la  diiïérence  réside  essentiel- 
lement dans  la  façon  dont  sont  présentées  les  intentions  réelles 
des  Grecs  à  la  veille  de  la  bataille. 

Pour  Hérodote,  les  Grecs  songent  uniquement  à  gagner 
Vlsthme^  afin  de  combattre  devant  le  Péloponnèse,  qui  leur 
assurera  un  refuge,  et  pour  le  Péloponnèse  (1).  Deux  objections 
se  présentent.  L'une  est  soufflée  à  Thémistocle  par  Mnésiphile 
—  qui  lui  dérobe  ainsi  le  plus  clair  de  son  mérite  —  :  une  fois 
sortis  de  Salamine,  les  Grecs  ne  vont-ils  pas  se  disperser  «  pour 
rentrer  chacun  dans  ses  foyers  (xaTa  ttoXe»,?  exao-Tot  -cpé^j^ovTat.)  »  ? 
L'autre,  Thémistocle  la  découvre  tout  seul,  mais  après  que 
Mnésiphile  lui  a  ouvert  les  yeux  sur  le  danger  :  en  abandon- 
nant Salamine,  les  Grecs  se  priveraient  de  l'avantage  que  leur 
assure,  vu  leur  petit  nombre  et  la  lourdeur  de  leurs  vaisseaux, 
l'étroitesse  du    champ   de    bataille   (èv   o-t£lv(J)  vau[jLay££!.v  Tipoç 

YIJXSWV  £0-TL,   £V    £ÙpU'/^(Op'lr)   §£  TCpOÇ  £X£'lv(i)V,   60    ^) .   DaUS    CCS  COH- 

ditions,  pour  décider  Xerxès  à  attaquer,  il  ne  suffit  pas  de  lui 
faire  connaître  le  vrai  projet  des  Grecs  :  l'objection  de  Mnési- 
phile, renouvelée  du  point  de  vue  perse  par  Artémise  (y.oLzk 
7t6X£tç  £xao-Tot  cp£uiov-:af.,  68  p),  l'inciterait  à  attendre  la  disper- 
sion de  Tennemi,  et  l'argument  stratégique  de  Thémistocle, 
également  repris  en  sens  inverse,  ne  manquerait  pas  de  le 
frapper;  il  faut  lui  faire  entrevoir  des  chances  immédiates  de 
succès.  De  là  le  texte  du  message,  qui  est,  et  ne  pouvait  être 
que  mensonger  :  a  les  Grecs  sont  divisés;  au  premier  signal 


(1)  'Avi^eiv  xàç  véaç  irpôç  tôv  'Ij6[xàv  xat  Tzpà  t%  IleXoTrovvTiffou  vauptayjsiv  (37). 
'Eç  xr\v  IleXoicdvvTiaov  iitoicXéeiv  xal  itspi  êxeCvTjç  xivSuveûeiv  (74). 


126  L.    BODIN 

d'une  attaque,  ils  se  battront  entre  eux  ».  —  Pour  accréditer  enfin 
ce  roman  les  témoignages  recueillis  par  Hérodote  lui  fournis- 
saient, en  la  personne  de  Sikinnos,  le  meilleur  des  messagers  : 
un  serviteur  de  Thémislocle,  se  présentant  en  son  nom,  répé- 
tant ses  propres  paroles,  s'autorisant  d'une  prétendue  trahison 
de  sa  part.  —  On  conçoit  que  Xerxès,  aussi  habilement  circon- 
venu, ne  manque  pas  de  donner  dans  le  panneau  :  tandis  qu'un 
détachement  perse  occupe  Psyttalie,  la  flotte,  par  une  double 
manœuvre,  s'avance,  en  décrivant  un  cercle  (xux)voù|ji.evoi),  vers 
Salamine  et,  de  son  autre  aile,  barre  le  détroit  (1).  Hostile  au 
fond  à  ïhémistocle,  nuancée  de  réserves  sur  les  sentiments  des 
Grecs,  laissant  enfin  subsister  dans  Fensemble  l'image  d'un 
Xerxès  trop  naïvement  séduit  par  la  perspective  du  coup  de 
filet,  cette  version  ne  pouvait  contenter  Ëphore.  \\  l'a  refaite 
à  sa  manière. 

Pour  lui,  les  Grecs  veulent  se  concentrer  à  l'Isthme^  sous  la 
protection  de  leur  armée  de  terre  (2).  H  n'y  a  donc  plus  à  craindre 
ni  à  espérer  qu'ils  se  dispersent  :  l'argument  de  Mnésiphile  et, 
par  contre-coup,  celui  d'Artémise,  tombent.  L'argument  de 
Thémistocle  seul  subsiste  (Tco).Xà  yàp  ttXsovsxtyJo-siv  êv  Ta^iç  o-tsvo- 
ywpiai;  Toùç  oXiyo'.ç  o-xàcseo-i  St.aY(oviÇoji.£VOUç  ':z^oc^  7roX);a7rAa(X'la(; 
vaGç)  et  acquiert  même  une  telle  force  qu'il  s'impose  d'emblée  à 
tous  les  chefs.  D'autre  part,  il  ne  risque  plus  maintenant  d'être 
repris  en  sens  inverse  par  les  Perses  :  quelque  avantage  que 


(1)  Si  difficile  qu'il  soit  à  interpréter,  le  texte  d'Hérodote  ne  prête  pas  à  la 
même  amphibologie  que  celui  d'Eschyle  et  ne  permet  pas  de  concevoir  la 
manœuvre  perse  comme  se  dessinant  autour  de  Vile  de  Salamine  (vî^aov  Aiavroç 
irepi^j.  Pour  comprendre  le  développement  ultérieur  de  la  tradition,  c'est  la  seule 
chose  qui  importe. 

(2)  Cela  ressort  plutôt  de  l'ensemble  de  la  version  de  Diodore  que  de  son 
exposé  de  la  délibération.  Celui-ci  paraît  même,  à  première  vue,  calqué  sur  celui 
d'Hérodote  (cf.  Diod.  XI,  13,  3  ;  Hérod.  VIII,  49  et  56  sqq.).  Il  s'en  écarte  cepen- 
dant légèrement  sur  deux  points  et  ces  deux  divergences  supposent  justement 
une  conception  nouvelle  des  intentions  des  Grecs  :  s'ils  veulent  gagner  l'isthme, 
c'est  parce  qu'ils  le  savent  bien  fortifié  (TETsij^iajiévou  aÙToO  xaXwi;)  ;  pour  les  en 
détourner,  Thémistocle  leur  fait  observer  qu'à  l'isthme  comme  à  Salamine,  «  la 
lutte  se  livrera  toujours  sur  mer  (eaeaOat  TreXayiov  tôv  àywva)  «  et  que  c'est  d'après 
cela  qu'il  faut  raisonner. 


HISTOIRE    ET   BIOGRAPHIE   :    PHANIAS   d'ÉRÈSE  427 

Xerxès  trouve  à  combattre  en  mer  libre,  il  peut  toujours 
considérer  qu'il  a  un  intérêt  majeur  à  prévenir  la  réunion  des 
forces  grecques.  —  Pour  décider  le  Roi  à  attaquer,  il  est,  dès 
lors,  parfaitement  inutile  de  recourir  à  des  fables  ;  qu'on  lui 
fasse  seulement  connaître  la  vérité  :  [xéXâoutiv  al  /.axà  SaXa|jLv</a 
VTÎeç  aTToSi-Spàa-xeiv  £x  twv  touwv  xal  Tipoç  tov  'Io-B^jlov  àOpo'lÇeo-Qai., 
bon  gré,  mal  gré,  il  faudra  bien  qu'il  marche.  —  Le  message 
enfin  s'accréditant  de  lui-même,  il  n'est  pas  moins  inutile  de 
compromettre  Thémistocle  par  l'envoi  d'un  homme  de  sa 
maison,  parlant  en  son  nom,  et  par  conséquent  d'utiliser  dès 
maintenant  Sikinnos:  Sikinnos  doit  rester  au-dessus  du  soupçon 
pour  devenir  l'instrument  du  second  stratagème.  Le  premier 
\enu,  pour  peu  qu'on  F  y  décide^  se  présentant  comme  ti^ansfuge^ 
suffira  à  convaincre  Xerxès  en  racontant  ce  qu'il  a  vu  :  lizti^i 
zivoL  upoç  TOV  SÉp^T^v  aÙTojjLoXT;a-ai.  —  Xerxès  est,  en  effet, 
convaincu,  et  comme  son  but  est,  avant  tout,  d'empêcher  la 
concentration  à  l'Isthme,  il  a  soin,  tout  en  faisant  engager  le 
combat,  de  détacher  en  arrière  de  Salamine,  par  une  manœuvre 
visiblement  inspirée  d'Eschyle  (1),  le  contingent  égyptien,  afin 
de  fermer  la  passe  de  la  Mégaride.  Éphore  pouvait  être  satisfait. 
D'un  seul  coup,  sans  se  brouiller  avec  la  logique,  il  avait  réha- 
bilité les  chefs  grecs,  éliminé  l'importun  Mnésiphile,  replacé 
Thémistocle  à  son  rang,  le  premier,  et  ramené  par  surcroit 
Xerxès  à  des  proportions  humaines  et  vraisemblables:  au  lieu 
du  despote  de  grand  style  que  l'art  vigoureux  d'Eschyle  pous- 
sait à  l'abîme,  affolé  d'orgueil,  aveuglé  par  les  Dieux,  nous 
n'avons  plus  devant  nous  qu'un  général  prudent,  qui,  mis  au 
courant  des  projets  de  l'ennemi,  s'empresse  de  faire  le  néces- 
saire pour  en  prévenir  l'exécution. 

La  version  Cornélius  Nepos-Justin  est  comme  la  contre- 
partie de  celle  d'Éphore  et  paraît  s'inspirer  principalement 
d'Eschyle.  Les  Grecs  maintenant  ne  songent  qu'<i  se  disperser 
et  à  rentrer  chacun  chez  eux^  on  nous  le  dit  nettement  :  cum 

(1)  Voir  p  126,  n.  1. 


128  L.    BODIN 

manere  non  auderent  et  plitrhni  hortarentur  ut  domos  suas 
discederent^  nioenibusque  se  defenderent...  (Nepos)  ;  cum^ 
deserto  bello,  ad  sua  tuenda  delabi  vellent...  (Justin).  L'argu- 
ment de  Mnésiphile  retrouve  toute  sa  force;  Thémistocle  ne 
semble  même  pas  en  avoir  d'autre  à  invoquer  :  universos 
pares  esse  posse  aiebat,  dispersas  testabatur  perituros  (Nepos). 
—  Lui  faudra-t-il  donc,  pour  décider  Xerxès,  sans  se  heur- 
ter à  l'objection  d'Artémise,  recourir  de  nouveau  au  roman? 
On  le  croirait.  Mais  il  n'est  si  bon  argument  qui  ne  se 
retourne,  celui  d'Artémise  comme  les  autres  :  «  Les  Grecs 
dispersés,  disait-elle,  il  sera  plus  facile  de  les  battre  ».  Oui, 
sans  doute,  mais  il  faudra  plus  de  temps.  C'est  précisément 
ce  que  Thémistocle  fait  dire  au  Roi  :  ses  adversaires  se 
préparent  à  fuir;  qu'il  se  hâte  donc  de  les  attaquer  pour  en 
finir  plus  vite,  qui  si  discessissent,  majore  cum  labore  et  Ion- 
qinqmore  tempore  bellum  confecturum^  cum  singulos  consec- 
tari  cogeretur  ;  qiios  si  statim  aggrederetur^  brevi  universos 
oppressurum  (Nepos).  —  Pour  le  surplus,  nos  sources  man- 
quent d'imprévu  :  le  messager,  quoique  rarement  nommé, 
reste  dans  la  tradition  d'Hérodote  ;  c'est  un  esclave  dévoué  de 
Thémistocle  [de  servis  suis  quem  habiiit  fîdelissimum,  Nepos; 
per  servum  fidum,  Justin),  et  qui  se  présente  en  son  nom  : 
la  donnée  de  la  trahison  simulée  (simulata  proditione,  Fron- 
tin)  a  survécu  malgré  Éphore.  —  Quant  aux  mesures  prises 
par  Xerxès,  il  n'en  est  plus  question.  Nous  apprenons  seulement 
que  «  sans  soupçonner  la  ruse  »  (souvenir  d'Eschyle),  il  engage 
le  combat  et  qu'il  l'engage  (survivance  inattendue  de  la  consi- 
dération stratégique)  dans  un  espace  resserré,  où  il  n'a  pas  la 
liberté  de  la  manœuvre.  L'insistance  sur  le  dévouement  du 
messager  est,  en  tout  cela,  le  seul  trait  un  peu  neuf.  Dans  l'en- 
semble de  la  version,  l'usure  de  la  tradition  est  manifeste  :  une 
idée  directrice  domine  cependant  encore  le  récit  et  lui  donne 
de  la  cohésion. 

La  version  de  Plutarque  est,  au  contraire,   essentiellement 
composite.  Débutant,   comme    à  l'ordinaire,   par  un    résumé 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    :    PHANIAS    d'ÉRÈSE  129 

d'Hérodote,  pénible  et  superficiel  (1)  ('Aâa'  ètoI...  x.  t.  a.,  Thém., 
XII,  2),  elle  ne  devient  intéressante  qu'au  moment  où  ïhémis- 
tocle  entre  en  scène  : 

«  C'est  alors  que  Thémislocle,  ne  pouvant  supporter  que  les  Grecs 
sacrifient  l'avantage  de  leur  position  dans  les  détroits  et  se  disper- 
sent chacun  dans  leurs  cités,  arrête  et  combine  l'affaire  de  Sikinnos. 
Perse  de  naissance  et  prisonnier  de  guerre,  ce  Sikinnos  lui  était 
cependant  dévoué  et  servait  de  pédagogue  à  ses  enfants.  Il  l'envoie 
secrètement  à  Xerxès,  avec  ordre  de  lui  dire  que  le  commandant  des 
i'orces  athéniennes,  Thémistocle,  prenant  son  parti,  tenait  à  l'in- 
former le  premier  que  les  Grecs  se  disposaient  à  fuir  et  lui  conseillait 
de  ne  pas  les  laisser  faire,  mais  de  profiter,  pour  les  attaquer  et 
anéantir  leur  armée  navale,  de  ce  qu'ils  étaient  séparés  de  leurs 
forces  de  terre  et  en  désarroi.  Convaincu  que  ce  message  lui  était 
adressé  de  bonne  amitié,  Xerxès  l'accueillit  avec  joie.  Sur  le  champ 
il  donne  à  ses  capitaines  l'ordre  d'équiper  à  leur  temps  le  gros  de  la 
flotte,  mais  de  détacher  immédiatement  en  haute  mer  deux  cents 
navires  pour  envelopper,  en  l'encerclant,  tout  le  détroit  et  relier  les 
îles  en  une  ceinture  continue,  de  façon  qu'aucun  ennemi  n'échappe». 

Il  n'est  pas  douteux  que  Plutarque  combine  ici  avec  le  récit 
d'Hérodote  une  version  particulière.  C'est  cette  version  qui, 
dans  notre  hypothèse,  appartiendrait  à  Phanias.  Comme  Phanias 
avait  certainement  utilisé  lui  aussi  Hérodote,  sa  part  est  assez 
délicate  à  déterminer.  Il  est  permis,  par  exemple,  d'hésiter  sur 
les  intentions  qu'il  prêtait  aux  Grecs,  mais  on  voit  tout  de  suite 
qu'il  mettait  sur  le  même  plan  les  deux  motifs  d'intervention 
de  Thémistocle,  d'un  côté,  son  argument  personnel,  base  de  la 
version  d'Ephore  :  l'importance  stratégique  des  détroits,  de 
l'autre,  l'argument  de  Mnésiphile,  très  important  chez  Hérodote, 
capital  chez  Corn.  Nepos  et  Justin  :  la  crainte  d'une  dispersion 


(1)  Superficiel  jusqu'au  contre  sens.  Hérodote  avait  écrit  :  èvôaÛTa  Kaxéêr,  olùxôç 
Sép^Tj;  litl  xàç  vea;,  èôéXiov  acpi  <su\).iii^ixi  ts  xal  ituôsaSai  xwv  èiriitXeôvTwv  xi;  yvtojJLotç 
(VIII,  61).  On  lit  ici  :  aÔTÔç  pauiXcùç  [xsxà  xoû  TîeÇoG  aTpaxou  xaxaêài;  èirl  xt,v  GâXax- 
xav  (SOpouç  oi-pÔTi.  Par  Tinadvertance  de  Plutarque,  la  visite  d'inspection  de  Xerxès 
s'est  transformée  en  une  jonction  de  ses  forces  de  terre  avec  sa  flotte. 


130  L.    BODIN 

possible  des  alliés.  La  façon  dont  les  deux  considérations  sont 
comme  condensées  dans  la  première  phrase  est  tout  à  fait  con- 
forme à  ses  habitudes  d'éclectisme.  —  Pour  le  texte  du  message, 
il  concilie  avec  la  même  adresse  aisée  les  deux  conceptions 
divergentes  d'Eschyle-Hérodote  et  d'Ephore  :  chez  Ephore, 
Thémistocle  mettait  Xerxès  en  garde  contre  un  danger,  la  con- 
centration des  forces  grecques  à  l'Isthme  ;  chez  Eschyle  et  chez 
Hérodote,  il  lui  proposait  une  tâche  séduisante  :  l'écrasement 
immédiat  et  définitif  de  l'ennemi;  en  lui  conseillant  maintenant 
£V  (jj  TapaTTOVTat.  t(5v  tteÇwv  '/ wpk  ovtsç  eTii-ôéa-ôa',  xal  ût.acpQ£ipat.  tt^v 
vauT'-xriv  SùvafjL'.v,  il  fait,  en  quelque  sorte,  les  deux  choses  à  la 
fois.  —  Relativement  au  messager  et  aux  résultats  de  son  mes- 
sage, Phanias  ne  s'était  pas  contenté  des  sources  que  nous  con- 
naissons. Le  but  de  Xerxès,  quand  il  a  été  une  fois  averti,  reste 
ce  qu'il  était  pour  Eschyle  et  pour  Hérodote  :  c'est  toujours  le 
coup  de  filet  (ottg);  sx^uyot.  [jlïiSsIç  tgjv  ttoXsul'Iwv)  ;  la  manœuvre 
d'enveloppement,  par  certains  points  tout  au  moins,  se  rattache 
encore  au  système  d'Ephore  :  comme  chez  lui,  la  mission 
«  d'encercler  la  passe  (7r£pt.êa).£a-9a(.  tov  Tropov  £v  xiJxX(j)  Tuàvra)  » 
est  dévolue  à  l'escadrille  des  deux  cents  vaisseaux  (1);  mais 
l'ensemble  des  mouvements  est  présenté  d'une  manière  nou- 
velle :  à  l'occupation  de  la  seule  île  dePsyttalie  se  substitue  une 
occupation  générale  des  îles  (2),  et  nulle  part  ailleurs  nous  ne 
retrouvons  l'ordre  donné  à  la  flotte  principale  de  «  s'équiper  à 
loisir  »  (3).  —  Admettons  que  Phanias  ait  fait  de  lui-même  ces 
modifications  assez  insignifiantes,  il  avait  certainement  trouvé 
quelque  part,  dans  une  de  ces  sources  peu  connues  qu'il  aimait, 
la  personne  de  son  messager.  Il  faut  naturellement  alléger  ici 
le  texte  de  Plutarque  de  tout  ce  qu'il  contient  d'Hérodote.  Ce 
n'est  pas  notre  Phanias  qui  aurait  baptisé  un  Perse  du  nom  de 

(1)  Diodore  dit  simplement  t6  twv  Aiyu-nTiwv  vauxixdv.  Mais  Éphore,  qui  aimait 
les  précisions  et  qui  savait  par  Hérodote  (VII,  89;  cf.  Diod.,  XI,  3,  7)  que  le  con- 
tingent égyptien  était  de  200  vaisseaux,  avait  dû  rappeler  ce  chiffre. 

(2)  Voir  p.  121,  n.  2. 

(3)  Il  peut  y  avoir  là  un  souvenir  d'Hérodote,  VIII,  70  :  àvfiYOv  xàç  vsaç  iizl  tV 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    I    PHANIAS    d'ÉRÈSE  131 

Sikinnos,  et,  s'il  avail  fait  de  ce  Perse  un  u  prisonnier  de 
guerre  »,  c'est  qu'il  avait  vu  là  un  moyen  de  l'accréditer  auprès 
de  Xerxès  :  il  s'agissait  évidemment  pour  lui,  et  pour  sa  source, 
d'un  prisonnier  de  capture  récente,  qui,  par  conséquent,  n'avait 
encore  eu  le  temps  de  devenir  le  «  pédagogue  »  de  personne.  On 
lui  restituera  sa  physionomie  originale  en  disant  simplement 
((  qu'il  était  perse,  prisonnier  de  guerre,  mais  néanmoins  dévoué 
à  Thémistocle  ». 

Vouloir  préciser  davantage  serait  imprudent  et  inutile.  Le 
stratagème  ne  nous  intéresse  qu'à  litre  accessoire,  comme  un 
complément  de  la  scène  de  l'entretien.  C'est  pour  celle-ci  seule- 
nrent  que  nous  pouvons  véritablement  parler  d'un  fragment  de 
Phanias.  Revenons  donc  au  passage  de  la  Vie  d'Aristide. 

«  Comme,  en  effet,  —  tandis  qu'autour  d^Eurybiade,  on  délibérait 
d'abandonner  Salamine  —  les  trières  des  Barbares,  ayant  pris  la  mer 
pendant  la  nuit  et  exécuté  une  manœuvre  enveloppante,  occupaient 
déjà,  et  la  passe  sur  un  front  circulaire,  et  les  îles,  personne  ne 
s'étant  aperçu  avant  lui  de  cet  encerclement,  Aristide  revint  d'Égine, 
après  avoir  traversé  à  grands  risques  les  lignes  des  vaisseaux  enne- 
mis. S'étant  rendu  de  nuit  à  la  tente  de  Thémistocle,  il  le  pria  de 
venir  seul  dehors,  et  là  :  «  Thémistocle,  lui  dit-il,  si  nous  sommes 
sages  tous  deux,  finissons  dès  ce  moment  nos  vaines  querelles  de 
jeunesse  et  nous  mettons  à  rivaliser  d'une  noble  et  salutaire  émula- 
tion pour  sauver  la  Grèce,  toi,  comme  celui  qui  commande  et  à  ton 
rang  de  général,  moi  en  t^'obéissant  et  en  t'aidant  de  mes  conseils  : 
j'aime,  en  effet,  à  apprendre  que  déjà  tu  t'es  seul  aujourd'hui  attaché 
au  parti  le  meilleur  en  demandant  qu'on  cherche,  au  plus  vite,  la 
décision  sur  mer  dans  les  détroits.  Sache  donc  que,  si  les  alliés  te 
font  de  la  résistance,  il  semble  bien  que  l'ennemi  travaille  pour  toi  : 
tout  autour  de  nous  et  jusque  par  derrière  déjà  la  mer  est  couverte 
de  navires  ennemis,  en  sorte  que  ceux-là  même  qui  s'y  refusaient, 
la  nécessité  maintenant  les  presse  de  se  montrer  vaillants  et  de  livrer 
bataille  :  il  n'y  a  plus  de  route  par  où  fuir  ».  Et  Thémistocle  lui 
répondit  :  «  J'aurais  souhaité,  Aristide,  que  tu  ne  prisses  pas  sur 
moi  l'avantage  de  cette  démarche  ;  mais  je  tâcherai  de  rivaliser  avec 
un  si  beau  commencement  et  d'avoir  ma  revanche  par  des  ?ictes  ». 


132  L.    BODIN 

En  même  temps,  il  lui  explique  la  ruse  qu'il  avait  ménagée  au  Barbare 
et  l'invite  à  entreprendre  Eurybiade  et  à  lui  faire  en  tendre  qu'il  n'était 
point  de  salut  possible  à  moins  de  se  battre  sur  mer,  ajoutant  «  qu'il 
avait  plus  de  crédit  que  lui  ».  D'où  il  advint  (oBsv)  qu'à  l'assemblée 
des  généraux,  le  Corinthien  Cléocrite  ayant  dit  à  Thémistocle  que  son 
avis  n'avait  même  pas  l'agrément  d'Aristide,  puisque  celui-ci  était 
présent  et  ne  soufflait  mot,  Aristide  répartit  qu'il  ne  se  tairait  point 
si  Thémistocle  ne  soutenait  le  parti  le  meilleur,  et  qu'il  demeurait 
coi,  non  par  quelque  sentiment  de  complaisance  pour  lui,  mais  pour 
ce  qu'il  approuvait  son  avis  ». 

Au  début,  la  longue  phrase  ordinaire  de  raccord,  pénible  et 
enchevêtrée;  à  la  fin,  une  anecdote  en  contradiction  avec  les 
données  de  l'anecdote  principale  :  nous  tenons  les  limites  de 
l'emprunt  fait  à  Phanias. 

Le  thème  est  essentiellement  le  même  que  chez  Hérodote  (1)  : 
une  conversation  entre  Aristide  et  son  ennemi  Thémistocle. 
Mais  la  nouveauté  apparaît  tout  de  suite  à  une  particularité  sur 
laquelle  les  deux  textes  de  ï Aristide  et  du  Thémistocle  s'accor- 
dent. Chez  Hérodote,  lorsqu'Aristide  arrivait,  les  généraux 
tenaient  encore  conseil  :  pour  rencontrer  Thémistocle,  il  devait 
se  rendre  au  <7\jvé^piov.  Il  se  rend  maintenant  directement  à  sa 
tente  (stcI  tyjv  (7XT|vy]v).  Si  le  texte  de  VAi^istide  nous  dit  qu'il 
l'invite  à  «  sortir  seul  pour  lui  parler  (xaAsa-aç  aùxov  sÇw  jjiovov)  », 
ce  n'est  que  par  une  négligence  de  Plutarque.  Plutarque  s'est 
souvenu  mal  à  propos  d'un  lambeau  de  phrase  d'Hérodote  : 
cTocç  ettI  to  (juvéSpLov  i^sxaXésTo  0£at.(TTox);£a.  H  nous  a,  par  bon- 
heur, conservé  dans  l'autre  biographie  le  texte  authentique  : 
Thémistocle  étant  dans  sa  tente,  les  témoins  ne  sont  plus  à 
redouter  :  «  il  vient  au  devant  de  son  visiteur  (TcpoeXOovT!.  Se  t(J) 


(1)  Éphore  est  liors  de  cause.  Pour  une  raison  difficile  à  déterminer,  peut-être 
pour  éliminer  Aristide,  il  avait  adopté  de  l'incident  une  version  toute  différente. 
C'était,  chez  lui,  un  homme  de  Samos,  envoyé  par  les  Ioniens,  qui,  tout  en 
annonçant  l'intention  où  étaient  ceux-ci  de  passer  du  côté  des  Grecs  pendant  la 
bataille,  faisait  connaître  à  Thémistocle  les  mesures  prises  par  Xerxès.  Éphore 
combinait  ainsi  différentes  indications  d'Hérodote,  la  plupart  étrangères  à  l'af- 
faire de  Salamine  (cf.  Diod.,  XI,  17,  3  et  Hérod.,  VIII,  8,  90  ;  IX,  89-90). 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    :    PHANIAS    d'ÉRÈSE  133 

0£tjL',c7Tox).£!;)  ».  Aiiisi  Ic  momcntcle  l'entiotien  aété  délibérément 
modifié  (1).  Par  là  on  a  voulu  dramatiser  la  scène.  Tant  que 
durait  le  conseil,  Thémislocle  pouvait  garder  l'espoir,  soit  de 
faire  triompher  son  avis,  soit  de  le  voir  imposé,  en  dépit  de 
toutes  les  résistances,  par  Thcureux  succès  de  son  stratagème. 
Le  conseil  terminé,  que  pouvait-il  encore  attendre?  Décidé- 
ment en  minorité  et,  à  mesure  que  les  minutes  s'écoulaient, 
comptant  de  moins  en  moins  sur  l'attaque  qu'il  avait  voulu 
provoquer,  il  ne  lui  restait  qu'à  subir  les  événements.  C'est  h 
cet  instant  suprême  que  survient  Aristide  :  l'angoisse  de  la 
situation  accroît  le  piix  de  sa  démarche. 

Or  quel  est  le  sens  de  cette  démarche?  Les  premiers  mots 
d'Aristide  nous  l'apprennent  :  «  Renonçons,  dit-il  à  Thémis- 
tocle,  renonçons  à  nos  vaines  querelles  de  jeunesse  (t/.v  xsv/iv 
xal  |jL£'.pax',w57]  o-Tao-'.v  à'-p£VT£ç)  ;  rivalisons  désormais  à  qui  saura 
le  mieux  assurer  le  salut  de  la  Grèce  ».  Il  parlait  tout  autre- 
ment chez  Hérodote  :  «  En  toute  occasion,  disait-il,  mais  en 
celle-ci  surtout,  nous  devons  rivaliser  à  qui  servira  le  mieux 
son  pays  ».  On  sent  le  chemin  parcouru  :  pour  Hérodote,  il  ne 
s'agissait  entre  les  deux  anciens  rivaux  que  de  poursuivre,  plus 
ardente  que  jamais,  une  lutte  qui  n'avait  toujours  eu  pour  but 
que  l'intérêt  commun.  Chez  Plutarque,  au  contraire,  ce  qu'Aris- 
tide propose,  c'est  la  rupture  avec  un  passé  de  querelles  sté- 
riles :   sa  démarche  est  une   démarche  de   réconciliation  (2). 


(1)  TI  résulte  de  là  que,  dans  le  résumé  introductif,  pou>vC'jo[xévwv  xwv  Tiepl  Eùpu- 
6ia(5Tiv  est  de  Plutarque,  et,  de  même,  que  Thémistocle  n'avait  pu  conseiller  à 
Aristide  «  d'entreprendre  Eurybiade  et  de  lui  faire  entendre...  etc.  ».  Entraîné 
parla  façon  dont  il  avait  résumé  le  fait,  Plutarque  s'est  encore,  sur  ce  point, 
souvenu  d'Hérodote.  La  Vie  de  Thémistocle  restitue  la  version  de  Phanias  :  Aris- 
tide est  invité  twv  'ETvXt^vwv  auvsTrtTvafJLêavsaôai  xal  o'jp.TtpoOuij.sLaôat,  ttCutiv  ïyovzcn 
[xâXXov;  l'heure  des  avertissements  est  passée  et  son  rôle  ne  peut  plus  être  que 
de  pousser  les  Grecs  à  combattre  avec  ardeur  :  êTiTjei  aTpaxYiyoùç  xal  TpiT,pâp/ouç 
iizX  tV  iJ.â/Tiv  Tiapo^ûvoiv.  —  Par  une  rencontre,  qui  n'est  peut-être  pas  fortuite, 
Aristide  fait  ici  pour  ïtiémistocle,  ce  que,  chez  Éphore  (Diod.,  XI,  14,  1),  Thé- 
mistocle fait  pour  Eurybiade. 

(2)  Ce  thème  de  «  la  réconciliation  »  avait  fourni  ou  devait  fournir  des  tradi- 
tions divergentes  :  cf.  Polyen,  Strat.,  I,  31  ;  Schol.  in  Lucian.  (Jac.  IV,  p.  235); 
Suidas,  s.  v.  'ÂptaT£(6'fi(;  ;  [Plut  ],  Reg.  et  imp.  apoph.,  'Apiax.,  3. 

REG,  XXX,  1917,  n»  137.  10 


134  L-    BODIN 

Ceci  n'explique  pas  seulement  que  l'auteur  l'ait  placée  au 
moment  oii  elle  devait  apparaître  le  plus  opportune  à  Thémis- 
toclc  :  nous  avons  en  réalité  là  Fidéc  maîtresse  de  Tanecdote, 
ce  qui  en  fait  l'âme  et  la  renouvelle. 

L'insistance  sur  les  motifs  auxquels  obéit  Aristide  est,  à  cet 
égard,  remarquable.  Hérodote  nous  fournit,  ici  encore,  un 
excellent  terme  de  comparaison.  Chez  lui,  quand  Aristide  se 
présente  devant  Thémistocle,  il  ignore  son  plan.  C'est  Thémis- 
tocle  qui  le  lui  révèle  au  cours  de  l'entretien,  et  encore  ne  le 
fait-il  qu'en  termes  très  généraux,  qui  ne  laissent  même  pas 
soupçonner  s'il  a  obéi  plutôt  à  ses  propres  conceptions  straté- 
giques qu'aux  suggestions  de  Mnésiphile,  s'il  a  voulu  pré- 
venir une  dispersion  possible  des  alliés  ou  faire  en  sorte  qu'on 
profitât  de  Favantage  des  détroits  :  «  Les  Grecs  se  refusant  à 
se  mettre  d'eux-mêmes  en  bataille,  il  fallait  les  y  amener  mal- 
gré eux  ».  Par  lui-même,  tout  ce  qu'Aristide  sait,  c'est  que  les 
Péloponnésiens  a  ont  hâte  de  porter  leur  flotte  vers  l'Isthme 
(oTt.  a-7r£u8o',£V...  àvàyeiv  Taç  véaç  Tupo;  tov  'Io-Qjjlov)  »,  et,  comme  il  a 
constaté  que  c'était  désormais  chose  impossible,  il  veut  simple- 
ment avertir  le  chef  athénien  qu'il  est  parfaitement  indifférent 
d'agiter  plus  longtemps  la  question  :  AÉyo)  Se  toi  oti  l'o-ov  eorl 
uo).Xà  T£  xal  0Â'lyaX£V£',v  7r£pl  aTcoTiAoou  Toù  £v8£Gt£v  n£Xo7:ovvri(7W'.Tt,. 
L'x\ristide  de  Plutarque  est  beaucoup  mieux  informé.  Il  sait, 
lui,  que  a  seul  Thémistocle  a  discerné  le  meilleur  parti  en  con- 
seillant de  livrer  la  bataille  dans  les  détroits  et  sans  délai  », 
et,  s'il  vient  le  trouver,  c'est  parce  qu'il  a  remarqué  que  les 
manœuvres  des  Perses  semblaient  conspirer  à  la  réalisation  de 
cette  pensée  stratégique.  Yoilà  qui  définit  très  exactement  la 
valeur  de  sa  démarche  :  d'agent  fortuit  et  occasionnel  d'infor- 
mation il  s'élève  au  rang  de  collaborateur  volontaire  de  Thé- 
mistocle :  son  mérite  en  est  accru  d'autant.  Mais,  d'autre  part, 
le  motif  qui  le  guide  est  d'ordre  supérieur  :  il  a  jugé  le  plan 
proposé  par  son  rival  et  compris  que  seul  il  pouvait  conduire  à 
la  victoire  :  c'est  vraiment  en  connaissance  de  cause  qu'il  sacri- 
fie à  l'intérêt  de  la  Grèce  ses  griefs  personnels. 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    '.    PHANIAS    d'ÉRÈSE  135 

L'anecdote  étant  ainsi  conçue,  on  comprend  sans  peine  que 
l'auteur,  tout  en  demandant  son  thème  à  Hérodote,  se  soit  ins- 
piré, pour  le  traiter,  des  données  d'Ephore  sur  l'ensemble  de  la 
situation  et  sur  les  opérations  militaires.  Kphore  avait  su  se 
débarrasser  de  Mnésiphile  :  chez  lui,  l'argument  stratégique, 
le  plan  véritablement  propre  à  Thémistocle,  était  seul  à  comp- 
ter. Or  ici  ce  plan  est  également  la  chose  importante,  sa  perfec- 
tion devenant  le  motif  déterminant  d'Aristide.  Mais  on  ne  pou- 
vait le  reprendre  à  Ephore  qu'en  se  conformant  au  reste  de 
son  exposé.  Nous  avons  déjà  vu  que  de  lui  venait,  au  moins  en 
partie,  le  texte  du  message  adressé  à  Xerxès  ;  c'est  d'après  lui 
également  que  l'encerclement  des  Grecs  est  conçu  comme  com- 
portant une  manœuvre  en  arrière  de  Salamine  :  to  yàp  ev 
xuxX({)  xal  xaTOTT^v  rfir^  TiD^ayoç  E^Tzi7:'kr\<j':of,i  vswv  TtoXejALwv. 

Ainsi  ridée  de  réconciliation  agit  de  proche  en  proche  sur 
toutes  les  parties  du  récit  et  le  transforme  jusque  dans  ses  élé- 
ments en  apparence  secondaires.  Mais  pour  estimer  à  son  prix 
l'art  avec  lequel  cette  réconciliation  est  traitée,  quelque  chose 
encore  nous  manque  :  nous  ignorons  la  nature  du  différend 
qui  séparait  Aristide  de  Thémistocle.  L'auteur  de  l'anecdote 
avait  dû  s'expliquer  sur  ce  point.  Hérodote,  lui,  se  bornait  à 
constater  qu'entre  les  deux  hommes  l'inimitié  était  profonde  : 
0£[j.'.TTOx)ia  sovTa  [jl£v  swjtw  O'j  cpO.ov,  k'^j^^^hy  Ss  Ta  aàXia-Ta  (79). 
La  même  phrase  reparaît,  mais  modifiée,  chez  Plutarque  :  oùx 
wv  o'IXoç,  àXXà  xal  8t.'  èxsivov  £^wa-Tpaxt.a-ui£voç  wo-uEp  elpr^ioLi  {Th., 
XII,  6).  Notre  auteur  admettait-il  donc  que  Thémistocle  fût 
responsable  de  l'ostracisme  d'Aristide?  Cela  ne  rendrait  d'ail- 
leurs pas  raison  de  leur  hostilité  et  n'en  serait.qu'une  consé- 
quence. En  réalité,  il  semble  bien  que  la  phrase  soit  de  Plu- 
tarque :  elle  ne  se  trouve  que  dans  la  Vie  de  Thémistocle^  et  le 
wTTOp  £'ipri-at.,  qui  l'accompagne,  nous  renvoie  à  un  chapitre 
antérieur  où  Thémistocle  était,  en  effet,  donné  comme  l'auteur 
à  la  fois  du  bannissement  d'Aristide  et  de  son  rappel.  Or  notre 
anecdote  ne  peut  admettre  ni  l'un  ni  l'autre.  Pour  le  rappel, 
c'est  évident  :  gracié  sur  l'intervention  de  Thémistocle,  Aristide 


136  L.    BODIN 

perdrait  tout  le  bénéfice  moral  de  sa  démarche,  etThémistocle 
ne  pourrait  plus  lui  dire  :  «  J'aurais  voulu  que  tu  ne  prisses 
pas,  en  cette  rencontre,  avantage  sur  moi...  ».  Pour  le  bannis- 
sement, ce  n'est  guère  moins  certain  :  l'expression  de  {jL£t.pa- 
x'.wSriç  a-Tàa-t.s,  dont  se  sert  Aristide,  éveille  plutôt  l'idée  d'un 
différend  permanent  et  complexe,  sans  conséquence  précise, 
que  celle  d'un  désaccord  aigu  et  politique  ayant  abouti  récem- 
ment à  un  vote  d'ostracisme. 

On  songe,  au  contraire,  malgré  soi,  à  ce  que  Plutarque  nous 
dit,  au  début  de  V Aristide^  en  s'appuyant  sur  des  témoignages 
anonymes,  de  l'opposition  foncière  qui,  «  dès  leur  enfance,  dans 
leurs  propos  comme  dans  leur  conduite,  qu'il  s'agit  de  jeux  ou 
d'affaii'es  sérieuses,  avait  éclaté  entre  les  deux  personnages, 
révélant  d'emblée  leuis  caractères  (evio'.  usv  ouv  cpao-iv  uaTSaç 
ovTaç  a'jTO'jç  xal  a-uvTp£cpo|jL£Vou;;,  kiz  kpyî\ç  £v  uavTl  xal  o-ttouStIç 
£yo|jL£VC|)  xal  TiaiSiàç  TrpàypiaT!.  xal  ).6y(!j  8t.acp£p£a-Qa!.  irpoç  à)0.y]Xouç, 
xal  -zkq  C2ua-£t,ç  £Ùf|i>s  uuo  ':T^^  cp!.)vOV£t.x'la;  ly,Eiv'f\ç,  àvaxaAÙ7iT£0-9at.,  Ar., 
II,  2)  ».  Cette  opposition  ne  va  d'ailleurs  qu'en  s'accentuant,  au 
cours  de  leur  carrière,  et  Plutarque,  qui  en  suit  pas  à  pas  les 
progrès,  semble  s'inspirer  d'une  source  oii  ils  auraient  été  mis 
en  parallèle.  Ils  sont  grands  tous  deux,  mais  par  des  qualités 
contraires  :  chez  Thémistocle,  c'est  un  ardent  besoin  de 
gloire  (ï,  Trpoç  ooEav  optjiT],  Th.^  III,  1),  une  ambition  sans  égale 
(ttj  cpiA0T'-ij.'la  TcàvTaç  UTiîpéêaAtv,  77i.,  V,  3  ;  cp'ja-£t.  cpiXoTip-OxaTOç, 
Th.,  XVIII,  1)  :  n'aspirant  qu'au  premier  rang,  «  il  accepte 
hardiment  de  se  faire  des  ennemis  de  ceux  qui  l'occupent  et 
spécialement  d'Aristide,  marchant  toujours  dans  des  voies 
opposées  aux  siennes  »  {Th.^  III,  1).  Aristide,  au  contraire, 
d'un  caractère  doux  (upaoc;  cpua-£{.),  né  pour  être  le  type  même 
de  l'honnête  homme  (xaXoxayaQixo;  tov  TpÔTcov),  ne  fait  rien 
pour  capter  la  faveur  non  plus  que  pour  la  gloire  (7roÀt.T£u6- 
{A£voç  où  Tupoç  x°^pt.v,  o'jSà  uGoç  So^av),  mais  cherche  unique- 
ment le  meilleur  par  des  voies  sûres  et  conformes  à  la  justice 
{Th.,  III,  3).  Antagonisme  de  tempérament,  qui  se  traduit, 
dans  l'une    et   l'autre    biographie,    en    formules   saisissantes. 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    !    PHANIAS    d'ÉRÈSE  137 

Tandis  que  Tli6mistocl(3  nous  est  présenté  comme  «  violem- 
ment porté  à  la  gloire  et,  par  ambition,  amoureux  passionné 
des  grandes  actions,  Trapàcpopoç  ttooç  86Çav  xal  upà^swv  [jLsyàXtav 
uTco  cpj.AOTiijLia?  £paTT7]ç,  Th.^  111,  4)  »,  Aristide  u  ne  pense  qu'à  se 
mettre  à  la  disposition  de  son  pays  »  et,  suivant  la  jolie 
traduction  d'Amyot  «  à  servir  la  chose  publique,  sans  en 
espérer  ou  attendre  aucun  loyer  mercenaire,  ny  d'argent,  ny 
d'honneur  et  de  gloire  (r,You[jL£vou  ypfjvat.  rr,  Tia-rpiSi  Trapéys'.v 
sauTÔv  où  ypYijjiàTwv  jjlovov  àXXà  xal  36Çt;;  Tipolixa  xal  àjjL5.<T9l  ttoXi- 
TeL»6[jL£vov,  Ar.,  111,  8,  5)  ».  Ce  dernier  trait  nous  ramène  direc- 
tement à  notre  anecdote;  mais  c'est  en  se  souvenant  de  l'en- 
semble du  parallèle  qu'on  en  appréciera  le  mérite.  Entre  deux 
hommes  d'un  caractère  si  opposé  et  ennemis  depuis  toujours 
un  rapprochement  ne  semblait  pas  chose  aisée.  Du  premier 
coup  Aristide  atteint  le  but  à  force  d'être  sincère,  c'est-à-dire 
en  restant  lui-môme.  En  même  temps  qu'il  en  impose  vrai- 
ment à  Thémistocle  par  la  générosité  de  sa  démarche,  il  trouve, 
sans  y  penser,  dans  sa  franchise  d'honnête  homme,  l'argument 
qui  touchera  le  mieux  son  amour-propre  et  sa  passion  de  la 
gloire  :  il  se  déclare  conquis  par  l'excellence  de  ses  plans.  Sur- 
pris et  flatté,  Thémistocle  perd  un  instant  contenance  et  ne 
reprend  son  assiette  qu'en  se  promettant  de  faire  mieux.  La 
scène  est  conduite  avec  une  brusquerie  aisée  qui  est  ici  la 
suprême  habileté.  Calcul  en  moins,  c'est  déjà  la  réconciliation 
de  Thémistocle  lui-même  avec  Xerxès.  On  peut  reconnaître  là, 
en  toute  certitude,  la  main  de  Phanias  ;  on  la  retrouvera  peut- 
être  mieux  encore  dans  notre  troisième  anecdote. 

Discussion  entre  Aristide  et  Thémistocle 
avant  le  second  stratagème. 

Le  stratagème  en  question  ici  est  celui  par  lequel  Thémis- 
tocle, jouant  auprès  de  Xerxès  de  la  possibilité  qu'ont  les  Grecs 
de  rompre  le  pont  de  bateaux  établi  sur  l'Hellespont,  tour  à 
tour,  suivant  les  sources,  favorise,  détermine  ou  précipite  son 


138  L.    BODIN 

retour  en  iVsie.  La  discussion  a  pour  objet  de  chercher  s'il 
vaut  mieux,  dans  l'intérêt  de  la  Grèce,  que  Xerxès  reste  ou  qu'il 
parte.  De  nouveau  nous  nous  trouvons  en  présence  d'une 
abondante  tradition  :  douze  textes,  en  dehors  de  ceux  de  PIu- 
tarque  (1).  Mais  pour  peu  qu'on  néglige  les  croisemenls  de 
détail,  inévitables  dans  une  série  qui  va  d'Hérodote  au  Byzantin 
Aristodèmos,  ces  textes  se  laissent  aisément  ramener  à  trois 
familles,  représentées  respectivement  par  Hérodote,  Diodore 
(Ephore)  et  Justin. 

L'ancêtre  commun  est  Hérodote.  Sa  version  est  assez  connue 
pour  qu'il  suffise  de  la  rappeler  brièvement.  Vaincu  sur  mer, 
Xerxès  craint  (Seio-a;)  que  les  Grecs  n'aillent  détruire  les  ponts  (2,) 
par  lesquels  il  avait  amené  son  armée  de  terre,  et  ne  lui  coupent 
ainsi  la  retraite.  Tandis  que,  pour  donner  le  change  sur  ses 
intentions,  il  feint  de  vouloir  reprendre  le  combat  et  fait  com- 
mencer, dans  cette  vue,  la  construction  d'une  jetée  entre  Sala- 
mine  et  les  côtes  de  l'Attique  (97),  sa  flotte,  sur  son  ordre,  lève 
l'ancre  en  toute  hâte  (w;  Ta-^so;  ^\yj.  exao-Toç),  avec  la  mission  de 
garder  les  ponts  et  d'assurer  son  retour  (107).  Les  Grecs  la 
poursuivent.  Arrivés  à  Andros  sans  avoir  pu  la  joindre,  ils 
tiennent  conseil.  ïhémistocle  est  d'avis  qu'on  ne  doit  point 
s'arrêter,  et  qu'il  faut,  au  contraire,  continuant  la  poursuite 
(è7i!.S!.(o5avTaç),  gagner  directement  les  détroits  pour  rompre  les 
ponts.  Mais  Eurybiade  intervient  :  «  Ce  serait  une  lourde  faute 
d'enfermer  ainsi  l'ennemi  en  Europe  et  de  le  réduire  aux  abois; 
après  son  échec,  il  ne  songe  vraisemblablement  qu'à  s'en  aller  : 
on  doit  le  laisser  fuir  »  (108).  Là-dessus,  brusquement,  Thémis- 

(1)  Hérod.,  VIII,  97  ;  103  ;  107-110;  Thuc,  I,  137,  4;  Ktés.,  Persica,  26  ;  Eschine 
le  Socratique  'AXxi6.,  frt.  i  (p.  34,  Krauss);  Diod.,  XI,  19,  5-6;  Corn.  Nepos,  Thém., 
5  et  9;  Frontin,  Stral.,  II,  6,  8;  Justin,  II,  13,  5;  Polyen,  Strat.,  I,  30,  4;  Aristo- 
dèmos, ï,  7;  Schoi.  in  Ael.  Arist.,  p.  615  ;  [Plut.],  Reg.  et  imp.  Apophth.,  Be\x..  6. 

(2)  Ce  pluriel  s'accorde  avec  la  description  du  pont  donnée  à  VII,  36  ;  Hérodote 
l'emploie  toujours  (xàç  ys'fûpaç,  VIII,  97,  108,  110  ;  xà;  «r^sSia*;,  VIII,  107  et  108), 
mais  n'est  suivi  que  par  Thucydide  (rwv  yôcpupôiv),  par  Plutarque  dans  une  phrase 
de  VAristide  (IX,  6)  et  par  une  scholie  d'Aristophane  {Cav.  84).  Partout  ailleurs, 
on  trouve  le  singulier.  Éphore  distingue  l'ensemble  du  pont  (tô  Çsûyfjia)  de  la 
chaussée  ou  tablier  (f,  yéçpupa)  qui  sert  de  passage. 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE   I   PHANIAS    d'ÉRÈSE  139 

tocle,  qui  voit  qu'il  ne  pourra  convaincre  la  majorité  des  alliés, 
fait  volte-face,  et  comme  les  Athéniens  persistent  dans  leur 
première  résolution,  il  les  en  détourne  par  un  long  dis- 
cours (109).  Tout  semble  dès  lors  devoir  se  dérouler  normale- 
ment. Xerxès,  est  si  bien  décidé  à  fuir,  qu'au  sentiment  d'Hé- 
rodote «  quand  tout  le  monde,  hommes  et  femmes,  s'y  serait 
mis,  personne,  tant  il  avait  peur^  n'aurait  pu  le  déterminer  à 
rester  (oùBs  yào  zl  7:àvT£ç  xal  Tcàîra!.  o-uvsêouÀsuov  auTw  |jl£V£',v,  £'|ji£V£ 
av,  5ox££t.v  l\).o'\  •  ojTw  xaTappo)5r,x££  (103)  ».  Les  alliés,  d'autre 
part,  ont  tous,  y  compris  les  Athéniens,  renoncé  à  lui  couper 
la  retraite.  Qu'est-il  besoin  maintenant  d'un  stratagème?  S'il 
ne  s'agissait  que  de  ramener  l'armée  perse  en  Asie,  tout  strata- 
gème serait  en  etfet  inutile.  Mais  ïhémistocle  a  d'autres  préoc- 
cupations. Il  ne  s'était  rangé  à  l'avis  d'Eurybiade  et  ne  l'avait 
imposé  aux  Athéniens  —  Hérodote  a  pris  soin  de  nous  le  dire 
—  que  pour  se  concilier,  en  vue  de  malheurs  éventuels,  la 
faveur  de  Xerxès  (110)  :  il  fallait  bien  qu'il  lui  fît  connaître  sa 
palinodie.  C'est  à  quoi  répond  le  stratagème  :  Sikinnos,  qu'on 
ne  voit  pas  sans  surprise  reparaître  dans  ce  rôle  de  messager, 
est  chargé  de  prévenir  le  Roi,  «  que  ïhémistocle,  désireux  de  le 
servir,  a  retenu  les  Grecs,  qui  voulaient  poursuivre  sa  flotte  et 
rompre  ses  ponts  de  bateaux,  et  qu'en  conséquence,  il  peut  s'en 
aller  en  toute  tranquillité  (xax'  T,a-u')(_i7iv  ttoXXtiv  xo(AiÇ£o)  ».  Bonne 
nouvelle  pour  Xerxès  que  la  peur  torturait  :  il  sait  désormais 
qu'il  n'a  rien  à  craindre  ;  mais  il  sait  aussi  qui  l'a  sauvé  et  c'est 
tout  ce  que  voulait  Thémistocle.  De  valeur  nulle  au  point  de  vue 
des  opérations  militaires,  le  stratagème  n'est  utile  qu'à  lui,  n'a 
d'intérêt  que  pour  lui  :  c'est  une  assurance  que  le  prudent  poli- 
tique contracte,  au  prix  d'une  démarche  assez  louche,  contre 
les  accidents  possibles  de  sa  carrière. 

Cette  version  ne  se  discute  pas.  Fut-on  un  ïhémistocle,  on 
ne  saurait  prévoir  les  malheurs  de  si  loin,   et,  quand  on  est 
ïhémistocle  on  montre    plus  d'esprit  :   on  ne  prétend  pas,  à 
deux  jours   d'intervalle,  tour  à  tour  duper  et  se  concilier  le, 
même  adversaire  par  le  même  procédé  et  lui  faire  prendre  au 


140  L.    BODIN 

sérieux  le  lendemain  ce  qui  n'avait  été  la  veille  qu'une  ruse 
désastreuse.  AUendons-nous  à  voir  la  tradition  corriger  Héro- 
dote. Déjà  Thucydide  (1)  n'avait  accepté  son  récit  qu'en  le 
remaniant.  Après  lui  les  transformations  se  font  plus  radicales 
et  visent,  avant  tout,  à  réhabiliter  Thémistocle.  Or  Thémistocle 
ne  pouvait  échapper  à  la  critique  que  si  le  sti'atagème  appa- 
raissait comme  imposé  par  une  nécessité  d'ordre  militaire.  Pour 
préciser,  il  fallait  de  deux  choses  Tune,  que,  le  départ  de 
Xerxès  étant  supposé  désirable  et  Thémistocle  le  jugeant 
nécessaire,  ou  bien  Xerxès  ne  songeât  pas  à  partir,  ou  bien, 
s'il  en  avait  l'intention,  que  les  Grecs  voulussent  l'en  empê- 
cher. Les  deux  solutions  ont  été  successivement  adoptées, 
déterminant,  à  côté  de  la  ti'adition  d'Hérodote,  deux  groupes 
divergents. 

C'est,  d'un  côté,  celui  que  représente  Ephore,  suivi,  cette 
fois,  très  fidèlement  par  Corn.  Nepos.  Sa  version  est  extrême- 
ment simple,  logique  et  cohérente,  cela  va  sans  dire,  et  natu- 
rellement aussi,  tout  à  la  gloire  de  Thémistocle.  Xerxès  a  été 
vaincu  sur  mer;  mais  son  armée  de  terre  reste  intacte  et  elle 
est  considérable  :  quelle  raison  aurait-il  de  partir,  et  de  quoi 
pourrait-il  être  effrayé'^.  Le  danger  est  pour  les  Grecs,  et  c'est 
eux  ((  qui  ont  pew%  à  la  pensée  de  combattre  à  terre  tant  de 


(1)  Le  texte  de  Thucydide  est,  à  la  vérité,  très  obscur  :  l'interprétation  que 
j'ai  précédemment  adoptée  [R.  E.  G.,  tome  XXVIII,  p.  257),  reste  douteuse.  En 
rapportant  Tr,v  ex  SaXa[j:rvoî  TtpoiyyeXaiv  au  second  stratagème,  on  force  le  sens 
du  mot  TTpoiyysXai;,  et  les  mots  èv.  Sa)vaij.ïvoç  présentent  avec  Hérodote  une  con- 
tradiction qu'aucun  autre  témoignage  ne  justifie.  Peut-être  vaudrait-il  mieux 
revenir  à  la  vieille  explication  d'Haacke  et  entendre  :  «  Le  texte  de  la  lettre  rappe- 
lait l'avertissement,  donné  de  Salamine,  touchant  la  retraite  (des  Grecs)  et,  de 
plus,  comment,  grâce  à  lui,  Thémistocle  —  il  s'en  attribuait  faussement  le  mérite 
—  les  ponts  de  bateaux  n'avaient  pas,  à  la  même  époque,  été  rompus.  »  Ainsi 
comprise,  la  parenthèse,  rappelant  à  la  fois,  le  piège  tendu  par  Thémistocle  à 
Xerxès  et  le  service  qu'il  lui  avait  rendu,  correspondrait  exactement  aux  deux 
parties  de  la  première  phrase  de  la  lettre  :  xaxà  txèv  tz1ei<szix...  ttoXù  S'êxt  -rtXsfu) 
àyaOa.  Mais  dans  cette  interprétation  aussi,  Thucydide  écarterait  formellement 
l'absurde  roman  du  second  message  :  ce  n'est  pas,  tant  s'en  faut,  une  raison  de 
la  rejeter  et  l'on  comprend  qu'Ad.  Bauer  {T/iém.,  p.  49)  s'y  soit  rallié.  —  La  ver- 
sion d'Eschine  le  Socratique,  bien  qu'assez  indépendante  et  difficile  à  classer,  ne 
se  distingue  pas  essentiellement  de  celle  d'Hérodote. 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    :    PHANIAS    d'ÉRÈSE  141 

milliers  d'hommes  cpoêo jtjiÉvoiv  tg)v  'P^Xavaov  usÇrj  ô'-aYwvlÇsTOa!. 
Tcpo;  Too-auTaç  [jLup',àoa;)  ».  Il  faut  donc,  de  toute  nécessité,  /«ire 
partir  Xerxès  malgré  lui.  Thémistocle  y  pourvoit  de  la  façon 
la  plus  naturelle.  Il  l'informe  «  que  Icîs  Grecs  se  disposent  à 
mettre  à  la  voile  pour  gagner  le  pont  de  bateaux  et  en  rompre 
le  tablier  [\k€^Xou<7i  TcX^ù^oLycEç  tizi  to  Çs-jyjjLa  AÙciv  t^iv  yscpupav)  ». 
Rien  de  plus  ;  mais  cela  sulJit  :  Xerxès,  qui  voit  déjà  ses 
communications  coupées,  est  pris  d'une  vive  terreur  (îuspicpoêo; 
£y£V£To)  et  décide  de  passer  au  plus  vite  d'Europe  en  Asie. 
Diodore  malheureusement  ne  nous  dit  pas  comment  le  messa- 
ger se  faisait  agréer;  Corn.  Nepos  non  plus.  11  semble  cepen- 
dant que  Thémistocle,  qui,  avant  Salamine,  était  resté  pru- 
demment dans  la  coulisse,  se  découvre  cette  fois  :  il  envoie 
«  le  pédagogue  de  ses  fils  ».  La  vraie  nouveauté  d'ailleurs  n'est 
pas  là.  Elle  est  dans  la  façon  dont  Éphore  a,  en  quelque  sorte, 
retourné  la  version  d'Hérodote  :  Thémistocle  avertit  Xerxès, 
non  plus  parce  qu'il  le  sait  effrayé  et  pour  le  rassurer,  mais 
parce  qu'il  le  sait  très  tranquille  et  pour  le  faire  partir  en 
Teffrayanl.  Militairement  inutile  tout  à  l'heure  et,  par  suite 
simplement  intéressé,  son  stratagème  est  devenu,  comme  par 
magie,  un  pur  service  rendu  à  sa  patrie,  à  l'heure  où  la  ruse 
seule  pouvait  la  sauver  d'un  péril  redoutable. 

L'autre  tradition,  celle  qu'on  retrouve,  à  quelques  variantes 
près,  dans  la  plupart  des  sources  tardives,  arrive  au  même 
résultat,  mais  par  une  voie  différente  et  avec  moins  d'origina- 
lité. De  nouveau,  comme  chez  Hérodote,  Xerxès  abattu  par  la 
défaite  [clade  perculsum,  Justin),  est  décidé  à  emmener  son 
armée  de  terre  [reliquas  copias  rex  ipse  reducere  in  regnum 
parât).  En  revanche,  contrairement  à  l'ensemble  de  la  version 
d'Hérodote,  les  Grecs  victorieux  veulent  détruire  le  pont  pour 
lui  couper  la  retraite.  Vainement  Thémistocle,  qui  voit  le 
danger,  leur  représente  quelle  folie  ce  serait  de  réduire  ainsi 
l'adversaire  au  désespoir;  ils  s'obstinent  dans  leur  projet. 
Que  faire  dès  lors  pour  prévenir  une  telle  faute,  sinon  d'aver- 
tir Xerxès  de  ce  qui  se  prépare  et  de  l'engager  à  précipiter  son 


142  L.    BODIN 

départ?  C'est  à  quoi  se  résout  Thémistocle.  Sur  la  personne  du 
messager,  nos  sources  sont  assez  avares  de  renseignements  : 
elles  se  contentent,  en  général,  de  dire  «  .qu'il  envoya  quel- 
qu'un »  ;  deux  d'entre  elles  seulement  précisent  et  encore  de 
façon  contradictoire.  Tandis  que  Justin  nous  parle  du  «  même 
serviteur  [eumdem  se^nmm)  »,  Polyen  spécifie,  —  et  nous 
verrons  tout  à  l'heure,  avec  Plutarque,  l'intérêt  de  cette 
variante  —  «  qu'il  dépêche  de  nouveau  au  Roi  un  autre 
eunuque,  Arsakès  (Tzi^izii  8r,  lïàXiv  wç  j^ao-iXéa  sùvou^ov  a)^Xov 
'Apo-àxYiv)  ».  Sur  le  texte  du  message,  au  contraire,  nul  flotte- 
ment. Ce  texte  ne  pouvait  dilTérer  beaucoup  de  celui  que  don- 
nait Ephore,  le  but  à  atteindre  restant  au  fond  le  même  que 
pour  lui.  Il  se  précise  cependant  de  façon  à  s'adapter  étroite- 
ment aux  circonstances  :  Xerxès  étant  maintenant  décidé  à 
partir,  il  s'agit  de  le  faire  arriver  avant  que  les  Grecs,  dans 
leur  entêtement,  ne  lui  aient  coupé  la  route;  l'essentiel  est 
d'obtenir  quil  se  hâte.  Justin  nous  fournit  la  formule  la  plus 
complète  :  «  certioremque  consilii  (pontis  interriimpendi)  facit 
et  occiipare  transitum  maturata  fuga  jiibet  ».  Est-il  nécessaire 
de  faire  remarquer  que  cette  nouvelle  version  du  stratagème 
est  calquée  sur  la  version  traditionnelle  du  premier?  Comme 
avant  la  bataille,  Thémistocle  ne  recourt  à  la  ruse  que  pour 
faire  imposer  par  l'ennemi  à  ses  concitoyens  une  solution 
qu'il  n'a  pu  leur  arracher  par  ses  conseils.  Invention  bâtarde, 
simple  contrefaçon  d'époque  évidemment  avancée,  mais  qui  a 
du  moins  l'avantage,  comme  la  version  d'Éphore,  de  rendre 
au  stratagème  une  véritable  utilité  et,  par  conséquent,  de 
tourner  à  la  gloire  de  Thémistocle,  ce  qui,  chez  Hérodote,  ne 
servait  qu'à  le  compromettre. 

Nos  trois  familles  étant  ainsi  constituées,  prenons  mainte- 
nant le  texte  de  Plutarque  [Thém.  XVI)  celui  qui  doit  nous 
apporter  la  version  de  Phanias  : 

«  Après  la  bataille  navale,  Xerxès,  encore  mal  résigné  à  son 
échec,  tentait,  en  fermant  la  passe  qui  le  séparait  de  Salamine, 
d'amener,   sur  des  jetées,  son   armée  de  terre  contre  les  Grecs. 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE   :   PHANIAS   d'ÉRÈSE  143 

Thémistocle,  cependant,  pour  sonder  l'opinion  d'Aristide,  affecte  de 
proposer  qu'on  fasse  voile  vers  THellespont  et  qu'on  rompe  le  pont 
de  bateaux  :  «  afin,  disait-il,  de  nous  emparer  de  l'Asie  en  Europe  ». 
Mais  Aristide,  se  révoltant  à  cette  idée,  prend  à  son  tour  la  parole  : 
«  Nous  n'avons  eu  jusqu'ici  à  combattre  qu'un  Barbare  qui  prenait 
ses  aises.  Si  nous  l'enfermons  en  Grèce  et  le  mettons  à  la  gêne,  en 
l'effrayant,  quand  il  dispose  d'armées  si  formidables,  il  ne  s'en 
tiendra  plus  à  regarder  tranquillement  le  combal,  assis  sous  un  dais 
d'or,  mais  pressé  du  danger,  mettant  tout  en  œuvre,  donnant  par- 
tout de  sa  personne,  il  rétablira  la  partie  qui  était  déjà  perdue  et 
assurera,  par  de  meilleurs  conseils,  l'ensemble  de  ses  affaires.  Ainsi 
donc,  Thémistocle,  ajoute-t-il,  ce  qu'il  nous  faut,  ce  n'est  point 
détruire  le  pont  dont  il  dispose,  mais  bien  plutôt  lui  en  construire, 
s'il  est  possible,  encore  un  autre,  et  le  chasser  en  toute  hâte  de 
l'Europe».  —  «  Mais  alors,  répond  Thémistocle,  si  l'on  est  vraiment 
d'accord  que  c'est  là  notre  intérêt,  il  est  grand  temps  d'aviser,  tous 
ensemble,  par  quelque  combinaison,  à  lui  faire  quitter  la  Grèce  le 
plus  rapidement  possible  ».  L'accord  s'étant  fait,  il  dépêche  l'un  des 
eunuques  royaux,  nommé  Arnakès,  qu'il  avait  trouvé  parmi  les  pri- 
sonniers, avec  ordre  de  dire  au  Roi,  que  «  les  Grecs,  victorieux  sur 
mer,  avaient  décidé  de  faire  voile  vers  l'Hellespont,  pour  atteindre  le 
pont  de  bateaux  et  en  rompre  le  tablier  (àvauXelv  e?;  tov  'EXXr^airovtov 
eut  xo  ^£ÙY[jLa  xai  Xuetv  xt^v  vscpjpav),  mais  que  Thémistocle,  par  intérêt 
pour  sa  personne,  l'invite  à  gagner,  sayis  perdre  de  temps  (airsjSctv), 
les  mers  de  son  obéissance  et  à  passer  en  Asie,  pendant  que  lui- 
même  suscite  des  retards  aux  alliés  et  leur  fait  différer  la  pour- 
suite ».  Pris  de  terreur  à  cette  nouvelle,  le  Barbare  se  met  en 
devoir  d'opérer  sa  retraite  au  plus  vite  ». 

La  phrase  d'introduction  n'a,  cette  fois,  ni  gaucherie,  ni 
lourdeur.  A.u  lieu  de  raccorder  l'anecdote  à  un  exposé  des 
faits  tiré  d'une  histoire  générale,  Plutarque  résume  la  situation 
d'après  l'anecdote  elle-même.  Le  projet  de  Xerxès  de  relier 
Salamine  à  l'Altique  par  une  chaussée  ne  vient  pas,  en  effet, 
directement  d'Hérodote.  Pris  ici  au  sérieux  et  présenté  comme 
le    prélude    d'une  reprise  effective   du    combat   (1),    avec    le 

(1)  L'idée  a  pu  être  suggérée  à  l'auteur  de  l'anecdote  (Phanias)  par  Ktésias  : 


144  L.    BODIN 

concours  do  rarmco  de  terre,  il  relève  d'une  conception  nou- 
velle, inspirée  à  la  fois  d'Hérodote  et  d'Ephore  et  sert  en 
quelque  sorte  de  trait  d'union  entre  leurs  deux  versions. 

Ces  deux  versions  ont  exercé  une  égale  influence  sur  l'his- 
toriette. On  retrouve  Ephore  dans  la  façon  générale  de  présen- 
ter les  faits  ;  le  motif  de  la  scène  principale,  la  discussion 
entre  Aristide  et  Thémistocle,  est  fourni  par  Hérodote,  à  cela 
près  qu'Aristide  remplace  maintenant  Eurybiade.  Ne  nous 
exagérons  pas  cependant  la  valeur  de  ces  emprunts.  Quand  on 
passe  du  texte  d'Hérodote  à  celui  de  Plutarque,  on  sent  immé- 
diatement qu'il  y  a,  ne  fut-ce  que  dans  le  ton  des  personnages, 
quelque  chose  de  changé.  Si  deux  ou  trois  mots,  comme  el 
8ox£i  TauTa  a-U|jLcp£p£!.v...  TcàvTaç  fi[j.àç...  stzeI  8s  TauTa  è'So^e,  ne. 
nous  rappelaient  qu'il  s'agit  toujours  d'une  délibération  en 
conseil,  on  croirait  plutôt  assister  à  une  conversation  d'homme 
à  homme  :  la  discussion  tourne  à  l'entretien  familier,  les 
discours  au  dialogue.  En  dépit  d'une  ressemblance  apparente 
dans  les  situations,  le  rôle  môme  des  personnages  est  entière- 
ment modifié  :  Aristide  n'est  que  de  très  loin  l'héritier  d'Eury- 
biade,  et  quant  à  Thémistocle,  il  est  à  peine  reconnaissable. 

Pour  suivre  leur  débat,  restituons  d'abord  à  ce  dernier  une 
phrase  qui  ne  se  trouve  que  dans  la  Vie  d'Aristide  :  elle  est 
trop  soignée  et  trop  bien  accordée  avec  l'ensemble  pour  ne 
pas  appartenir  à  la  version  originale  :  «  ce  qu'ils  avaient  fait 
jusque-là,  serait-il  censé  dire  à  Aristide,  était  assurément  fort 
beau  ;  mais  une  tâche  plus  belle  encore  leur  était  réservée...  », 
et  sur  ce  début  plein  de  promesses,  il  lui  propose  effective- 
ment d'aller  rompre  le  pont  «  afin,  ajoute-il,  pour  compléter 
la  séduction,  afin  de  nous  emparer  de  l'Asie  en  Europe  ».  C'est, 
à  peu  de  chose  près,  la  proposition  qu'il  soumettait  à  Eurybiade  : 
mais  chez  Hérodote,  il  parlait  sérieusement.  Ici  il  s'amuse  ;  il 
ne  veut  que  «  sonder  l'opinion  d'Aristide  »,  et  tout  ce  beau 

d'après  une  phrase  des  Persica  (26),  dont  on  retrouve  l'écho  chez  Strabon 
(IX,  1,  13)  et  chez  Aristodèmos  (I,  2),  Ktésias  avait  pris,  lui  aussi,  le  projet  au 
sérieux,  mais  en  le  rapportant  à  la  préparation  de  la  bataille  de  Salamine. 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    :    PHANIAS    d'ÉRÈSE  145 

plan  n'existe  «  qu'en  paroles  »  (à7ro7:£t.cio[jLcvoç  'Apio-TeioGu  /oyw 
Yvw[j.iQv  £Tco!.£^To).  Dès  maintenant  son  siège  est  fait  :  l'intérêt 
des  Grecs  commande  de  faire  partir  Xerxès  au  plus  tôt,  par 
n'importe  quel  moyen.  Mais  Tenlrepiise  est  scabreuse;  des 
esprits  chagrins  pourraient  y  chercher  une  ariière-pensée 
suspecte  :  l'astucieux  Athénien  trouve  plus  sûr  de  se  la  faire 
suggérer  par  un  homme  au-dessus  du  soupçon.  De  sa  volte- 
face  il  ne  reste  plus  que  l'apparence  et  comme  le  geste  : 
quand  il  paraîtra  se  rallier  aux  vues  d'Arislide,  nous  saurons 
qu'il  est  en  réalité  toujours  d'accord  avec  lui-même.  Aris- 
tide, lui,  a  l'ingénuité  candide  que  donne  la  pratique  de  la 
vertu  :  il  ne  soupçonne  rien.  A  la  seule  idée  qu'on  pourrait 
couper  la  retraite  à  Xerxès,  il  s'indigne  et  se  récrie  (SuTyspaU 
vovToç  Th.j  àvaxpaywv  Arist.).  Eurybiade  protestait  de  même, 
mais  avec  quelle  lourdeur  et  quelle  insistance  de  mauvais  goût, 
dans  la  symétrie  tendue  et  l'aide  de  son  argumentation  !  «  Que 
le  Perse,  disait-il,  coupé  de  ses  communications,  fût  contraint 
de  demeurer  en  Europe,  il  tâcherait  de  ne  pas  rester  inactif, 
parce  que,  s'il  restait  inactif,  il  ne  pourrait  ni  améliorer  sa 
situation,  ni  entrevoir  parla  suite  aucune  possibilité  de  retour, 
et  son  armée  mourrait  de  faim,  tandis  qu'au  contraire,  s'il 
tentait  un  effort  et  s'attachait  à  agir,  tout  ce  qui  formait 
l'Europe,  cités  et  peuples  les  uns  après  les  autres,  pourrait 
venir  à  lui,  soit  par  force,  soit,  en  prévenant  cette  extrémité, 
par  la  soumission,  et  il  aurait  toujours  pour  se  ravitailler  les 
récoltes  annuelles  de  la  Grèce  ».  Ce  ton  ne  saurait  convenir  à 
notre  Aristide.  Il  sait  qu'un  Thémistocle  comprend  à  demi- 
mot  et  qu'à  trop  insister  sur  les  meilleures  raisons  —  ïhéo- 
phraste  (1),  contemporain  et  compatriote  de  Phanias  en  avait 
fait  la  remarque  —  on  paraît  douter  de  la  finesse  de  son  inter- 
locuteur. Peut-être  aussi  derrière  Thémistocle  aperçoit-il  la 
galerie,  c'est-à-dire  le  lecteur,  et,  pour  lui  plaire,  il  trouve 
l'argument  pittoresque  :  «  Jusqu'ici  le  Barbare  a  pris  ses  aises 

(1)  Théophr.,  fr.  96. 


146  L.    BODIN 

(toucpwv:!.  tw  j^apêàp(j))...  ;  qu'on  le  réduise  au  désespoir,  on  ne 
le  verra  plus,  sous  un  dais  d'or,  tranquille,  comme  au  spectacle, 
devant  le  combat  (ojxst',  xaB/j jjlsvos  '^'^o  a-xvàot.  '/p^jcrj  Qsào-sTa!.  Trjv 
jjiàyyiv  £cp'  T,Tuy_'la;)  ».  Et,  de  même,  s'il  se  rencontre,  pour  con- 
clure, avec  Eurybiade,  il  y  met  plus  d'esprit  et  va  plus  ^loin 
que  lui.  L'autre  disait  :  «  Il  faut  le  laisser  fuir  jusqu'à  ce  que 
la  fuite  le  ramène  sur  ses  terres  ».  Aristide  sent  qu'il  y  a 
mieux  à  faire  ;  mais  les  ruses  ne  sont  point  de  sa  compétence  : 
pour  rendre  sa  pensée,  il  propose  de  construire  deux  ponts  au 
lieu  d'un,  ce  qui  n'est  évidemment  qu'une  façon  spirituelle  de 
passer  la  main  à  Thémistocle.  Thémistocle  l'attendait  là  :  il 
est  arrivé  à  ses  fins  et  peut  placer  son  stratagème  :  «  Mais  alors 
c'est  le  moment  ou  jamais  de  recourir  à  l'artifice  ;  cherchons 
tous  ensemble  ».  Ce  «  cherchons  tous  ensemble  »  est  admi- 
rable ;  l'artifice  n'est-il  pas  déjà  tout  trouvé?  Sans  doute  ;  mais 
il  fallait  ménager  l'auditoire.  * 

Fort  désormais  de  la  complicité  d'Aristide,  Thémistocle  fait 
avertir  Xerxès.  Dans  ÏArùtide,  Plutarque  nous  dit  «  qu'il 
envoie  de  nouveau  Arnakès,  un  eunuque  ».  Dans  le  Thémis- 
tocle, le  mot  «  de  nouveau  »  disparaît  et  les  précisions  don- 
nées sur  le  personnage  indiquent  clairement  qu'il  débute  dans 
son  rôle  ;  c'est  «  un  des  eunuques  du  Roi,  trouvé  parmi  les 
captifs,  nommé  Arnakès  ».  On  pourrait  s'en  tenir  à  cette  ver- 
sion et  rejeter  le  7rà).!.v  comme  un  souvenir  intempestif  d'Héro- 
dote. Mais  Polyen  nous  fournit  la  véritable  solution  :  «  il  envoie 
de  nouveau,  nous  dit-il,  un  autre  eunuque  ».  Complété  par 
àX).ov,  TràXiv  est  excellent;  introduits  dans  le  texte  du  Thémis- 
tocle, les  deux  mots  lui  restituent  sa  forme  primitive  :  tojjltoi 
<!7iàX!.v  à).).ov>  Tivà  T(ov  jSao-L/vUwv  eùvouywv.  Le  second  messa- 
ger, comme  le  premier,  est  un  prisonnier  perse,  et  nous  appre- 
nons —  ce  que  Plutarque  ne  nous  avait  pas  dit  —  que  le  pre- 
mier était  lui-même  déjà  un  eunuque  (i). 

(1)  Polyen  (cité  p.  1^3,  n.  2)  aurait  pu  nous  en  avertir.—  Le  choix  d'un  eunuque 
comme  messager  nous  est  expliqué  par  Hérodote  (Vlll,  105)  :  Tiapà  yàp  toÏti 
^apêapoiai  Titj.iwx£poî  elai  ol  eùvoûyot  iriatioç  eïvsxA  t%  itaa'fi;  tûv  Ivopj^twv. 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    I    PHAMAS    d'ÉRÈSE  147 

Pour  le  message,  Y  Aristide  n'est  plus  du  tout  d'accord  avec 
le  Thémislocle.  Enire  les  deux  vei'sions,  le  choix  est  cependant 
facile.  La  première  n'est  que  celle  d'Hérodote  légèrement  alté- 
rée. Thémislocle  explique  au  Roi  «  que  les  Grecs  ayant  résolu 
de  mettre  à  la  voile  pour  gagner  les  ponts  (1),  il  les  en  avait 
détournés,  désireux  qu'il  était  de  le  voir  échapper  à  sa 
perte  (2)  ».  Singulier  moyen  de  faire  fuir  Xerxès  que  de 
l'avertir  que  le  péril  est  conjuré!  Plutarque  ne  s'en  est  pas 
avisé,  puisqu'il  continue  bravement  :  «  à  cette  nouvelle, 
le  Koi  épouvanté  se  hâte  vers  THellespont  (TOoicpoêoç  ysvojjlevo; 
eùOù;  sttI  tov  'EX).ria-7rovTov  i^'KÛyz'o)  ».  En  réalité  il  avait  écrit 
vite  et  s'était  laissé  influencer  par  le  souvenir  d'Hérodote. 
Avec  la  Vie  de  Thémislocle^  la  logique  reprend  ses  droits  : 
ïhémistocle  «  conseille  au  Roi  de  regagner  en  hâte  ses  eaux 
territoriales  et  de  passer  en  Asie,  tandis  que  lui-même  suscite 
des  retards 'àw^  alliés  et  \q\xy  fait  différer  la  poursuite  [l\kTzo\v. 
jj(.£).AYi(T£'.ç  Trpo;  TYiv  0'lw^t.v)  )) .  Le  couscil  dc  «  se  hâter  »  est  en 
contradiction  formelle  avec  le  xaT'  f,a-'jyirjv  ttoXâtiv  xo|ji.iÇ£o  d'Hé- 
rodote ;  il  ne  vient  pas  d'Ephore  :  chez  Ephoie,  ïhémistocle 
avertit  Xerxès,  mais  ne  lui  suggère  rien  ;  il  remonte,  en 
revanche,  très  nettement  à  la  version  représentée  par  Justin. 
Quant  à  «  la  poursuite  »,  elle  est,  tout  au  moins,  dans  la  logique 
de  cette  même  version.  Il  va  de  soi,  en  effet,  qu'il  ne  s'agit  pas 
ici,  comme  chez  Hérodote,  d'une  poursuite  de  la  flotte  des 
Perses,  mais  d'une  poursuite  de  leur  armée  de  terre.  C'est  en 
ce  sens  d'ailleurs  que  Plutarque  avait  usé  du  mot  dans  un  cha- 
pitre antérieur  {Thém.,  V,  5)  et  c'est  en  ce  sens  encore  que 


(1)  ll>veTv  sTtl  tàî  yscpjpa;  a>p[XT,[jLévou;  est  une  sorte  de  compromis  entre  le  texte 
d'Hérodote  :  xi?  vsa;  [àouAOïxévouî  Sitôxeiv  xal  xiç  sv  'EXXr.aTtdvTo)  yscpûpaç  Xûetv,  et 
celui  de  Phanias  {Thém.,  XVI,  5)  :  toÏ?  "EXXr^ai  ôéSoxxa'.  ava-îrXsrv  eî;  tôv  'EXXr.a- 
TtovTov  èirl  TÔ  ÎJeOyjxa  xal  Xusiv  ttiV  yecpupav.  Le  pluriel  ràç  yvziûpoi^  trahit,  à  lui 
seul,  l'influence  d'Hérodote  (voir  p.  138,  n.  2).  Phanias  s'était  approprié  la  for- 
mule d'Éphore  (voir  p.  141)  :  quelques  lignes  plus  haut,  Plutarque  le  suivait 
encore  lorsqu'il  employait  l'expression  xô  î;£OYîJ.a  Staxo-lavcaç. 

(2)  aa>!;2aea'.  ,3aaiX£a  Po'jXojxevoî.  Cf.  Hérod.  110,  aoi  [àouXofxevoç  -jTioupYéeiv  et 
Eschine  le  socratique  'AXx.,  p.  34  (Kr.),  awaat  paaiXéa  xal  toù;  {xex'  èx£{vou  Tteipti- 

ÎXSVOÇ. 


148  L.    BODIN 

Thémislocle  le  reprendra  plus  tard  devant  le  Roi,  lors(]u1l  se 
vantera  d'avoir  empêché  la  poursuite  (xwA'jo-avTi  ttjv  ôiw^lv)  (1). 

Celte  nouvelle  anecdote  est  inséparable  de  la  précédente  et 
présente  avec  elle  la  plus  étroite  parenté.  Toutes  deux  "sont 
conçues  de  môme,  procèdent  d'une  inspiration  commune.  Dans 
l'une  comme  dans  Fautie,  le  stratagème  reste,  à  ce  qu'il 
semble,  chose  secondaire.  Il  n'est  qu'un  prétexte,  une  occasion 
de  mettre  Aristide  en  rapports  avec  Thémistocle,  et  d'accuser, 
en  les  opposant  l'un  à  l'autre,  leurs  ditFérences  de  physionomie 
morale.  De  là  le  caractère  de  leurs  entretiens  :  le  premier  est 
plus  intime;  il  a  lieu  en  secret,  dans  le  mystère;  le  second, 
quoique  présenté  comme  une  discussion  publique,  prend  cepen- 
dant tout  de  suite,  lui  aussi,  l'allure  et  le  ton  d'une  conversa- 
tion privée.  Dans  chacune  de  ces  deux  rencontres  les  person- 
nages sont  d'ailleurs  traités  dans  le  même  esprit,  avec  une 
égale  sympathie  :  leurs  individualités  contraires  se  précisent, 
sans  que  ni  l'un  ni  l'autre  soit  sacrifié.  De  même  que,  dans  la 
scène  de  réconciliation,  Thémistocle  se  ressaisit  à  temps  et 
reprend  son  rang  devant  Aristide,  de  même  ici,  entre  les  deux, 
l'équilibre  est  sauvegardé.  Les  rôles  sont  seulement  renversés. 
Thémislocle  a  l'initiative  :  du  premier  coup  il  a  jugé  la  situa- 
tion et  compris  ce  qu'elle  exigeait;  le  subterfuge  auquel  il 
recourt  laisse  cependant  à  Aristide  la  faculté  de  la  juger  à  son 
tour,  comme  s'il  n'avait  pas  été  devancé,  et  sa  clairvoyance 
apparaît  d'autant  plus  grande  qu'elle  échappe  au  piège  qui  lui 
était  tendu.  De  même  encore,  Thémistocle  garde  le  dernier 
mot  :  c'est  lui  qui  trouve  le  stratagème  ;  mais  il  ne  le  pro- 
duit que  sur  l'invitation  d'Aristide  et  après  que  celui-ci  a 
très  ingénieusement  fait  valoir  les  raisons  qui  le  rendaient 
nécessaire. 

Un  même  esprit  se  fait  ainsi  jour  dans  nos  deux  anecdotes  et 
non  seulement  les  relie  l'une  à  l'autre,  mais  les  rattache  encore, 
dans  une  certaine  mesure  à  la  troisième,  à  l'anecdote  des  fils 

(1)  Voir  R.  E.  G.,  tome  XXVIU,  p.  271,  n.  1. 


HlSTOItiE    ET    BIOGRAPHIE    !    PHANIAS    d'ÉHÈSE  149 

de  Sandauké.  Plutarqiic  ne  s'y  était  pas  mépris  en  les  grou- 
pant toutes  les  trois  et  à  la  suite,  dans  la  Vie  cP Aristide.  Ce  que 
rauteur  semble  avoir  voulu  nous  montrei',  c'est  Aristide  col- 
laborant avec  Thémistocle  au  salut  commun,  sacrifiant  à  la 
cause  de  la  Grèce  de  vieilles  rancunes  et  allant,  dans  son  abné- 
gation, jusqu'à  laisser  à  son  rival,  son  rang  et  ses  prérogatives 
de  chef  suprême  :  Osaio-TOxAsouç  a-TpaT/iVO'jvTOç  ajTOxpaTopo;,  Tiàvra 
<TUV£7roaTT£  xal  (TUveêoÙAE'Jsv,  ev^oçoxaTOv  stcI  (TWTTjO'la  xo'.vrj  tto'.wv  tov 
I^OtTTov  {Ar.,  VIII,  Ij.  Le  thème  n'était  vraisemblablement  pas 
de  son  invention.  Il  le  trouvait  tout  au  moins  indiqué  dans 
Ktésias.  On  lit,  en  effet,  dans  les  nspa-ixà  (1),  à  propos  du  départ 
de  Xerxès,  Kal  cpeuvs?.  SÉpÇr.ç  [iouXri  tzôlXiv  xal  -iyyr^  'Apt-o-Tsiâou 
xal  0£[jLt.(rTox£Ojç...  et  déjà,  un  peu  auparavant:  BouXri  ©Efji'.TTo- 
xXéouç  'A9T,va'lo'j  xal  'Apia":£'18ou  TO^OTa»,  àrco  KpriTr^ç  Tupoo-xaXoGvuai... 
La  collaboration  était  donc  une  donnée  traditionnelle.  Si  notre 
hypothèse  est  fondée,  si  les  deux  rencontres  d'Aristide  avec 
Thémistocle  sont,  comme  «  le  sacrifice  des  fils  de  Sandauké  », 
l'œuvre  de  Phanias,  on  voit  quel  parti  celui-ci  aurait  su  tirer 
de  cette  première  indication.  Il  se  serait  attaché  à  une  série  de 
moments  caractéristiques,  prenant  d'abord  comme  thème  la 
réconciliation  nécessaire  des  deux  ennemis  de  la  veille,  puis 
les  montrant  associés  dans  Tœuvre  commune,  une  première 
fois  à  Psyttalie  oii  Aristide  a  tout  le  mérite  du  succès  tandis 
que  Thémistocle  porte  seul  la  lourde  responsabilité  d'une  déci- 
sion particulièrement  délicate,  et  ensuite,  à  l'occasion  du  second 
stratagème,  lorsque,  par  une  coïncidence  ingénieusement  ména- 
gée, tous  deux,  sans  s'être  donné  le  mot,  se  trouvent  d'accord 
sur  la  résolution  à  prendre. 

Mais  ce  qui  invite  véritablement  à  attribuer  à  Phanias  les 
deux  anecdotes  anonymes,  ce  sont  les  analogies  frappantes 
qu'elles  présentent  avec  la  scène,  signée  celle-ci,  de  «  l'arrivée 
à  la  cour  de  Perse  ».  Entre  ces  différents  morceaux  il  y  a  comme 
une  ressemblante  générale  de  couleur  et  de  dessin  :  de  part  et 

(1)  Ktésias,  Persica,  26. 

REG,  XXX,  1917,  n»  137.  H 


150  L.    BODIN 

d'autre,  c'est  le  même  emploi  systématique  du  tour  dialogué,  le 
même  goût  du  détail  pittoresque,  nuancé  à  Toccasion  d'exo- 
tisme, le  même  art  de  raconter,  sans  appuyer,  avec  des  sous- 
entendus  et  des  réticences.  C'est  aussi  le  même  parti-pris  de 
tout  sacrifier  à  la  mise  en  valeur  des  caractères  et  la  même 
adresse  à  esquisser  les  personnages  d'un  trait  léger  ou,  plutôt 
encore,  à  les  faire  vivre  devant  nous  en  leur  prêtant,  au  moment 
voulu,  le  mot  généralement  très  simple,  mais  d'une  finesse 
aiguë,  qui  trahit  le  sentiment  intime  et  paraît  jaillir  de  la 
situation.  Mais  rien  peut-être  ne  décèle  plus  nettement  la 
communauté  d'origine  de  ces  trois  scènes  que  la  façon  dont 
elles  tranchent  sur  l'ensemble  des  tradilions  dont  elles  s'ins- 
pirent. Elles  tiennent  à  toutes  et  ne  ressemblent  à  aucune. 
L'auteur  prend  son  bien  un  peu  partout,  mais  il  excelle  à  fondre 
ses  emprunts  et  à  en  faire  quelque  chose  de  nouveau.  Quand 
il  s'arrête  à  un  modèle,  il  ne  le  copie  pas  ;  on  ne  saurait  même 
dire  qu'il  l'imite  :  il  le  transforme  dans  le  moment  même  qu'il 
paraît  le  suivre  de  plus  près.  La  lettre  de  Thémistocle,  que  lui 
fournissait  Thucydide,  a  passé  tout  entière  et  presque  mot 
pour  mot  dans  les  deux  discours  qui  la  remplacent,  et  cepen- 
dant on  ne  la  reconnaît  plus.  La  lettre  était  une  sorte  de  plai- 
doyer raisonné,  ne  visant  qu'à  convaincre  le  Roi;  les  deux 
discours  sont  de  véritables  artifices,  de  savants  manèges  pour 
gagner  son  indulgence  en  provoquant  son  admiration  et  capter 
ses  faveurs  à  force  d'esprit.  De  même,  dans  la  première  de  nos 
anecdotes,  l'entrevue  d'Aristide  et  de  Thémistocle  semble  réglée 
sur  le  récit  d'Hérodote;  elle  passe  par  les  mêmes  phases,  et 
cependant  ce  qui  n'était  chez  Hérodote  qu'un  incident  du  récit, 
agréablement  conté,  est  devenu  l'histoire  psychologique  d'une 
réconciliation.  De  même  enfin,  nous  avons  vu  avec  quelle 
légèreté  de  main,  l'auteur,  sans  presque  rien  changer  à  la 
version  d'Hérodote,  avait  su  faire  de  ce  qui  n'était,  pour  celui- 
ci,  qu'une  misérable  palinodie  de  Thémistocle,  un  simple  jeu  à 
l'égard  d'Aristide  et  la  plus  innocente  des  comédies. 

A  moins  de  nier  qu'il  y  ait  dans  le  style,  au   sens  le  plus 


HISTOIRE    ET   BIOGRAPHIE    '.   PHANIAS    d'ÉRÈSE  ISl 

large  du  mot,  dans  la  manière  d'entendre  la  composition  litté- 
raire, quelque  chose  qui  est  comme  la  marque  propre  et  recon- 
naissable  de  l'écrivain,  on  n'hésitera  pas  à  rapporter  ces  trois 
scènes  au  même  auteur,  à  notre  Phanias. 


III.  Phanias.  La  Biographie  politique. 

Sous  le  nom  de  Phanias,  Plutarque  nous  a  conservé  une 
dernière  anecdote  relative  à  Thémistocle  [Thém.  YII,  5-7). 
On  sait,  qu'au  dire  d'Hérodote,  les  Grecs,  avant  la  bataille 
d'Artémisium,  avaient,  une  première  fois  déjà,  songé  à  se  retirer 
vers  le  sud,  et  que  Thémistocle,  payé  lui-même  par  les  Eubéens, 
n'était  parvenu  à  les  en  détourner  qu'en  achetant  successive- 
ment Eurybiade  et  Adimante.  Plutarque  ne  parle  pas  d'Adi- 
mante,  résume  ce  qui,  chez  Hérodote,  concernait  Eurybiade  (1), 
et  continue  ainsi  : 

((  Du  côté  de  ses  concitoyens,  l'opposition  la  plus  vive  venait  à 
Thémistocle  d'un  certain  Architélès,  lequel  était  triérarque  du  vais- 
seau sacré,  et,  n'ayant  pas  de  quoi  payer  la  solde  de  son  équipage, 
avait  grand  hâte  de  partir  de  là.  Ce  que  voyant,  il  excita  encore 
davantage  ses  matelots  contre  lui  et  fit  si  bien  que,  se  jetant  sur 
leur  capitaine,  ils  lui  arrachèrent  son  dîner.  Comme  Architélès  là- 
dessus  se  désolait  et  s'irritait,  Thémistocle  lui  envoie  des  provi- 
sions de  pain  et  de  viande,  après  avoir  glissé  au  fond  du  panier 
un  talent  d'argent  et  en  lui  faisant  dire  de  commencer  par  dîner 
puis,  le  jour  venu,  d'avoir  à  s'occuper  de  ses  hommes,  sinon  qu'il 
le  décrierait  auprès  des  Athéniens  et  l'accuserait  d'être  payé  par 
l'ennemi.  C'est  ainsi  que  Phanias  le  Lesbien  raconte  la  chose  ». 

A  la  façon  dont  est  ordonné  le  récit  de  Plutarque,  il  semble 


(1)  Quelques  éléments  étrangers  qui  doivent  venir  déjà  de  Phanias,  troublent 
légèrement  ce  résumé  d'Hérodote.  Hérodote  ignore  le  nom  de  Pélagon,  donné  à 
l'envoyé  des  Eubéens.  Le  dessein  prêté  aux  Grecs  de  vouloir  5t|;aa6ai  neXoiro^v/^aou 
xai  Tàv  ireÇôv  axpaTÔv  xatç  vaual  TrpoaTrspiSaXéarOai  lui  est  également  étranger  et 
remonte  indirectement  à  Ephore. 


152  L-    BODIN 

que  l'histoire  d'Architélès  remplaçait  déjà,  chez  Phanias,  celle 
d'Adimante.  D'oii  celui-ci  la  tirait-il,  nous  l'ignorons,  mais  on 
devine  aisément  pourquoi  il  l'avait  adoptée.  Chez  Hérodote, 
Thémistocle  achetait  assez  brutalement  Adimanle;  il  se  montre 
ici  plus  discret  et  plus  adroit  :  il  n'envoie  de  l'argent  à  Archi- 
télès  qu'après  l'avoir  mis  à  sa  merci  en  lui  suscitant  des 
embarras,  et,  comme  il  se  méfie  du  personnage,  il  accompagne 
sa  générosité  d'une  prudente  menace.  Tout  autant  que  par 
l'inédit  de  l'anecdote,  Phanias  a  dû  être  séduit  par  l'intérêt 
psychologique  et  moral  qu'elle  présentait. 

Le  texte  de  Plutarque,  qu'on  peut  croire  abrégé,  ne  permet 
pas  malheureusement  de  pousser  plus  loin  l'analyse  de  ce  frag- 
ment. Qu'il  nous  suffise  d'y  retrouver  quelques-unes  des  ten- 
dances qui  nous  avaient  déjà  frappés  chez  notre  auteur,  et 
puisque  sa  manière  nous  est  maintenant  mieux  connue, 
essayons,  pour  conclure,  de  préciser  son  rôle  dans  l'histoire 
de  la  Biographie  politique. 

La  question  serait,  en  grande  partie,  résolue,  si  nous  savions 
à  quel  ouvrage  de  Phanias  sont  empruntés  nos  fragments. 
Quelques  lignes  encore  de  la  Vie  de  Thémistocle  (I,  2)  paraissent, 
au  premier  abord,  nous  orienter  vers  un  écrit  de  caractère 
biographique.  Il  s'agit  de  la  famille  du  grand  homme.  Après 
avoir  raconté  qu'on  le  faisait  naître  d'une  Thrace,  nommée 
Abrotonon,  Plutarque  poursuit  : 

«  Phanias  cependant  écrit  que  la  mère  de  Thémistocle  était,  non 
point  thrace,  mais  carienne,  et  qu'elle  s'appelait,  non  pas  Abro- 
tonon, mais  Eiiterpe.  Néanthès  ajoute  même  qu'elle  était  de  la  ville 
d'Halicarnasse  en  Carie  ». 

De  telles  précisions  sur  le  yévo;  d'un  personnage  sont  du 
domaine  propre  de  la  Biographie.  Gardons-nous  cependant  de 
conclure  trop  vite.  Le  renseignement  donné  par  Néanthès  ne 
se  trouvait  point  dans  son  Tcspl  evSoÇwv  àvSpwv  :  x^thénée  nous 
apprend  (XIII,  576  D),  qu'il  est  tiré  de  ses  'EXXïjVLxal  'lo-Topiat. 
Celui  qui  vient  de  Phanias  —  et,  par  suite,  tout  ce  que  nous 


HISTOIRE    ET    BIOGHAPHIE    '.    PHAiSIAS    d'ÉHÈSE  158 

avons  de  lui  sur  Thdmistocle  —  peut  avoir  une  origine 
analogue  (1).  Le  môme  problème  se  pose  à  propos  de  quelques 
emprunts  que  lui  fait  Plutarque  dans  sa  Vie  de  Salon  et  reste 
pareillement  insoluble  (2). 

Sur  Phanias  lui-môme  nous  sommes,  par  bonheur,  un  peu 
mieux  informés.  De  Suidas  nous  savons  «  qu'il  avait  été  Télève 
d'Aristote  et  qu'il  vécut  au  temps  de  la  GXP  Olympiade  et  pen- 
dant les  années  qui  suivirent,  sous  Alexandre  de  Macédoine  ». 
Celte  date  est  également  celle  que  donne  Suidas  pour  Aristoxène 
de  Tarente.  Les  deux  personnages  peuvent  donc  passer  pour 
assez  exactement  contemporains  :  la  Vie  d'Aristote  (3)  les  range 
d'ailleurs,  comme  disciples  immédiats  d'Aristote,  à  côté  de 
Théophraste,  d'Eudème,  de  Glytus  et  de  Dicéarque.  Nous  appre- 
nons enfin  par  Diogène  Laërce  et  par  le  scholiaste  d'Apollonius 
de  Rhodes  (4)  que  Phanias  était  en  relations  particulières 
avec  son  compatriote  Théophraste.  Nous  connaissons  ainsi  son 
entourage,  le  cercle  auquel  il  appartient;  nous  entrevoyons  les 
influences  qu'il  a  subies. 

x\vant  tout,  celle  du  maître,  et,  d'une  manière  générale,  celle 
de  l'Ecole.  La  variété  mônàe  de  son  œuvre  en  témoigne.  Il 
continue,  pour  sa  part,  cette  large  enquête  sur  l'histoire  litté- 
raire vers  laquelle  Aristote  avait  dirigé  ses  disciples.  Non  seule- 
ment il  écrit,  comme  tant  d'autres,  un  ÏIspl  uoltitcûv,  mais  il 
semble  même,  avec  son  Ilepl  twv  ScoxpaTixâiv,  embrasser,  un  des 
premiers,  toute  une  école  philosophique  dans  un  ouvrage  d'en- 
semble. L'histoire  politique  et  l'histoire  naturelle  attirent  en 
même  temps  et  tour  à  tour  son  activité  :  à  côté  d'un  IIspl  twv 
£v  StxsXLqi  Tupàvvwv  et  d'un  Ilepl  TrpuTavéwv  'Epeo-ltov,  on  nous  cite 
de  lui  un  Ilepl  (puxwv.  C'est  certainement  un  chercheur,  un 
érudit,   qui   mérite  l'épithète,  que  lui  décerne  Plutarque,  de 


(1)  Cf.  F.  Léo,  Die  qriechisch-rômische  Biographie^  p.  113. 

(2)  Cf.  C.  Mûller,  F.  H.  G.,  Il,  p.  293  :  «  Quare  quae  leguntur  fragm.  S-H,ex 
opère  hislorico^  cujus  titulum  nunc  ignoramus,  deprompta  esse  censeo  ». 

(3)  Vita  Marciana,  C.  9. 

(4)  Diog.,  L.,  V.  37  ;  Schol.  Apoll.  Rh.,  I,  972. 


154  L.    BODIN 

Ypa|i.jjLàT(ov  oùx  àTrewoç  la-uopLxwv.  Parmi  les  auteurs  qu'il  connaît 
bien  nous  avons  rencontré  Hérodote,  Thucydide,  Ktésias^ 
Éphore  ;  peut-être  aurions-nous  pu,  si  nous  étions  mieux  infor- 
més, nommer  Théopompe  :  nous  savons,  en  effet,  par  un 
exemple  précis  (frgt.  12  ==  Ath.,  VI,  231  E)  que  Phanias  lui 
avait  fait  des  emprunts.  Visiblement  d'ailleurs  il  recherche  les 
anecdotes  rares,  et,  pour  les  anecdotes  traditionnelles,  les 
variantes  isolées  et  peu  répandues,  ce  qui  le  suppose  au  courant 
de  toute  une  littérature,  difficilement  accessible,  de  pamphlets, 
de  mémoires,  d'histoires  locales.  Autant  qu'on  en  peut  juger 
par  les  trois  fragments  qui  nous  en  restent,  et,  en  particulier, 
par  la  charmante  historiette  d'Antiléon  et  d'Hipparinos  (frgt.  16), 
son  recueil  intitulé  Tupàvviov  àvaipso-iç  £x  TLjjiwp'laç  relevait  de 
ce  goût  marqué  pour  les  singularités  de  l'histoire. 

Parla  nature  et  l'objet  de  ses  recherches,  Phanias  se  rattache 
directement  au  péripatétisme;  il  ne  s'y  rattache  pas  moins 
étroitement  par  ce  qui  est  peut-être  le  trait  le  plus  saillant  de 
son  originalité,  son  goût  pour  les  études  de  caractères  et  la 
finesse  pénétrante  de  sa  psychologie.  A  plusieurs  reprises,  nous 
avons  pu  noter  des  points  de  contact  entre  l'esprit  de  nos  anec- 
dotes et  l'éthique  aristotélicienne.  Mais  l'influence  du  péripa- 
tétisme sur  Phanias  dépasse  ces  rapprochements  de  détail.  En 
même  temps  qu'il  a  pour  maître  l'auteur  des  'H9',xà  NuofjLà^eta, 
pour  compatriote  et  pour  ami  celui  des  Xapaxrripeç,  Phanias  vit 
dans  le  milieu  d'où  sont  sortis  les  Ilepl  piwv  d'un  Théophraste 
et  d'un  Gléarque,  le  Ilepl  'EAAàôoç  P'iou  d'un  Dicéarque,  c'est- 
à-dire  des  ouvrages  dont  l'objet  est  l'étude,  soit  théorique, 
soit  historique,  des  différents  «  genres  de  vie  ».  Toute  celte 
littérature  lui,  est  familière.  Autour  de  lui,  d'autre  part,  on 
travaille,  avec  une  activité  croissante,  à  restituer  la  phy- 
sionomie individuelle,  la  personnalité  des  écrivains,  des  phi- 
losophes, des  artistes,  et  le  mouvement  aboutit,  précisément 
de  son  temps,  avec  Arisloxène,  à  la  création  de  la  Biogra- 
phie littéraire.  La  tendance  générale,  qui  se  dessine  ainsi,  à' 
mettre  au  premier  plan  l'observation  des  caractères  et  des 


HISTOIRE    ET    BIOGRAPHIE    :    PHANIAS    d'ÉRÈSE  155 

mœurs  n'a  pas  dû  contribuer  médiociement  à  déterminer  son 
tour  d'esprit. 

Qu'un  homme  formé  à  pareille  école  aborde  l'histoire,  il  ne 
pourra  la  prendre  que  par  ses  petits  côtés  :  il  s'attachera  moins 
à  l'enchaînement  des  événements  qu'aux  événements  eux- 
mêmes,  et,  dans  ceux-ci,  moins  aux  faits  qu'aux  acteurs.  Sur 
ce  terrain  limité,  sa  curiosité  aura  le  loisir  de  s'exercer,  les 
anecdotes  se  presseront  devant  lui.  Mais  il  ne  les  acceptera  pas 
toutes  uniformément,  ni  sans  les  modifier  :  il  ne  retiendra 
que  celles  qui  peignent  l'homme  et  son  effort  ira  à  les  rendre 
plus  expressives.  C'est  bien  ainsi  que  procède  Phanias.  Nous 
touchons  là,  en  réalité,  à  sa  technique  littéraire,  et  de  nouvelles 
influences  interviennent,  qui  l'expliquent.  Le  principe  est  for- 
mulé par  Aristote  :  «  Tel  est  l'homme,  telles  sont  ses  paroles, 
ses  actions,  sa  manière  de  vivre,  sxao-Toç  oè  olôç  £a-Tt.v,  TO',auTa 
léyei  xal  TcpàxTet.  xal  outg)  Çyj  »  [Nicoîîi.  1127  a  27).  Si  le  caractère 
transparaît  dans  la  conduite,  il  suffira,  pour  peindre  l'homme 
de  rappeler  ses  façons  de  parler  ou  d'agir.  C'est  précisément  la 
théorie  que,  très  consciemment,  avant  qu'Aristote  n'en  déga- 
geât le  principe,  Isocrate  et  Xénophon  avaient  appliquée  dans 
leurs  £YX(o[i.!,a  (1).  Phanias  trouvait  chez  eux  des  devanciers  : 
il  s'inspire  de  leur  méthode,  mais  en  suivant  des  voies  diffé- 
rentefs.  Avec  lui,  ce  sont  les  personnages  eux-mêmes  qui  se 
présentent  à  nous,  qui  vivent  devant  nous.  Le  procédé  sans 
d'jiîlo  est  celui  de  tous  les  conteurs;  à  voir  cependant  avec 
quelle  science  des  effets  Phanias  le  manie,  on  ne  peut  s'empêcher 
de  songer  que,  dans  un  genre  tout  différent,  il  avait,  à  sa 
portée,  de  précieux  modèles  :  sans  parler  des  mimes^  très  en 
faveur  dans  l'École,  qui,  mieux  que  Ménandre  pouvait  lui 
enseigner   l'art  délicat  de  saisir  le  geste  et  le  mot  qui  fixent 


(1)  Isoc,  Êvag.,  65  :  tcw;  àv  xt;  tt,v  dvSptav  r^  ttjV  'fpovT.aiv  f,  aùpLitacav  xt\v  ipsTT^v 
Tr,v  Eôayopou  aavcpo'jxêpov  siriSsi^siev  r\  6tà  xoioJxwv  è'pyojv;  —  Xen.,  Agés.,  l,  6  :. 
"Ooa  ys  jj.'^iV  sv  xri  jàaTi>vs{a  Sisîtpâtaxo  vuv  ''f\Br\  5iT,yT,(T0[xai  •  aTio  yàp  xô5v  è'pywv  xaî  xoùç 
xpditouç  aùxou  xyXki<jx7.  vo[jl'î;w  xaxaSr^Xou;  è'asuôai.  Sur  cette  question,  voir  Léo, 
ouv.  cité,  pp.  87  sqq. 


156  L.    BODIN 

une  physionomie  morale,  et,  pour  amener  ce  geste  ou  ce  mot, 
de  composer  de  petites  scènes  habilement  préparées,  rapide- 
ment et  légèrement  enh^vées?  Hâtons-nous  cependanl  d'ajou- 
ter, qu'autant  que  les  citations  de  Plutarque  permettent  de 
l'apprécier,  son  style  n'a  rien  de  commun  avec  le  style  de 
Ménandre  :  il  rappelle  plutôt  celui  d'Hérodote,  avec  quelque 
chose  de  plus  alerte,  ou  encore  celui  de  Xénophon  dans  la 
Cyropédie. 

Ecrivain  de  métier,  psychologue  averti,  érudit  curieux  et  très 
informé,  Phanias  a  droit  à  une  place  assez  large  dans  l'histoire 
littéraire.  On  ne  saurait  affirmer  qu'on  lui  doive  la  création  de 
la  Biographie  politique,  comme  on  doit  à  Aristoxène  celle  de  la 
Biographie  littéraire.  Mais  cela  tient,  pour  une  bonne  part,  aux 
conditions  différentes  dans  lesquelles  les  deux  genres  devaient 
se  faire  jour.  La  Biogra[)hie  littéraire  n'avait,  pour  ainsi  dire, 
pas  d'antécédents  :  il  lui  fallait  à  la  fois  recueillir  ses  matériaux 
et  créer  ses  méthodes  et  ses  cadres.  Nous  saisissons  aisément 
le  moment  où  ce  travail  s'accomplit.  La  Biographie  politique 
s'était,  au  contraire,  peu  à  peu  formée  au  sein  de  l'Histoire. 
La  fameuse  digression  de  Théopompe  «  sur  les  démagogues 
athéniens  »,  au  livre  X  de  ses  <I>!.Af.7:7Cî.xà,  formait  vraisemblable- 
ment une  série  d'esquisses  biographiques  et  l'on  a  pu  dire  (1), 
avec  raison,  de  certains  chapitres  de  r'ABr^vaitùv  IloXtTsta  «  qu'ils 
étaient,  pour  nous,  les  plus  anciens  échantillons  de  la  Biogra- 
phie péripatéticienne  ».  Au  point  de  maturité  où  elle  était 
parvenue,  créer  la  Biographie  politique,  c'était,  en  somme,  la 
détacher  de  l'Histoire  et  lui  assurer  une  existence  à  part.  H  se 
peut  que  Phanias  n'ait  pas  été  jusque-là;  son  œuvre  n'en  mar- 
que pas  moins  un  progrès.  Non  seulement  il  multiplie,  à  propos 
d'un  même  personnage,  les  anecdotes  ;  mais  toutes  ces  anecdotes 
ont  ceci  de  commun  qu'elles  ne  visent  qu'à  faire  ressortir  des 
traits  de  caractère.  C'est  par  cette  volonté  constante  de  les 
rendre  significatives  qu'il  renouvelle  un  riche  matériel  diligem- 

(1)  Kaibel,  Stil  und  Text  der  noX.  'Ae-r^v.  7,  cité  par  Léo,  p.  109. 


HISTOIRE    ET   BIOGRAPHIE   *.    PHANIAS    d'ÉRÈSE  157 

ment  rassemblé  de  toute  part,  concentrant  dans  de  petites 
compositions  serrées  les  récits  encore  dispersés  et  trop  dis- 
cursifs d'un  Hérodote,  ranimant,  par  la  vie  que  leur  commu- 
nique son  expérience  de  la  nature  humaine,  les  pâles  et  froides 
compositions  d'un  Ephore.  S'il  n'avait  pas  écrit  une  Biographie 
proprement  dite  de  ïhémistocle,  il  avait  du  moins  créé  ce  qui 
permettrait  à  d'autres  de  le  faire,  une  sorte  de  type  de  l'anec- 
dote biographique,  l'anecdote  de  caractère. 

L.    BODIN. 


UN  HELLENISTE  DU  XVF  SIECLE 


EKELIEXCE  DE  L'AFEIMTÉ  DE  LA  LAXGUE  GRECQUE 
AVEC  LA  FRANÇAISE,  pai-  BLASSET 


Dès  les  premières  années  de  la  renaissance  des  études 
grecques  en  France,  longtemps  avant  la  publication,  en  1565, 
par  Henri  Estienne  de  son  célèbre  Traie  té  de  la  eonformité  clu 
langage  françois  avee  le  grec^  nombreux  furent  les  érudits  que 
séduisirent  les  analogies  présentées  par  les  deux  langues  (1). 
L'un  des  premiers,  en  1534,  Charles  de  Bouelles,  dans  son 
Liber  de  differenlia  mdgarium  linguarum  et  gallici  sermonis 
varietate  (2),  énumérait  plusieurs  mois  de  notre  langue,  aux- 
quels il  attribuait  une  origine  grecque.  Puis,  en  1555,  Joachim 
Perion  publiait  quatre  livres  de  dialogues  de  origine  lingîiœ 
gaUicœ  et  ejus  cum  grœca  cognatione.  L'année  suivante,  en  1556, 
Jean  Picard  donnait,  au  livre  IV  de  sa  Prisca  Celtopœdia  ['à), 
une  longue  liste  de  mots  grecs  passés  en  français,  et,  dans  le 
préambule  de  cette   liste,  il  rappelait  les  noms  des  auteurs  qui 


(1)  Voir  la  préface  de  Léon  Faugère  à  l'édition  donnée  par  lui  en  1852  du  Traicté 
de  H.  Estienne. 

(2)  Paris,  R.  Estienne,  février  1533  [1534],  in-4o. 

(3)  Joannis  Picardi    Tonleriani  de   prisca    Celtopœdia    libri  quinque.   Parisiis, 
1556,  in-40. 


UN    HELLÉNISTE    DU    XVI*    SIÈCLE  159 

l'avaient  précédé  :  «  Hujusmodi  dicliones  non  paucas  noslra  hac 
((  tempestate  observarunt  Gulielmus  Buda^us,  sua^.  œtatis  eru- 
«  ditorum  (absit  verbo  invidia)  facile  princeps,  Janus  Lascaris, 
((  Lazarus  Baïfius,  Nicolaus  Borbonius,  Guilielmus  Postellus, 
«  Garolus  Bovillus,  Jacobus  Sylvius,  quasdam  Henatus  Guil- 
«  lonius  in  Quotidianis  suis  prxlectionibus^  paucas  obiter 
«  Erasmus  Roterodamus  in  suis  Chiliadibus,  nonnullas  etiam 
«  Tusanus,  quo  tempore  stipendiis  regiis  in  palaestia  literaria 
«  militabat,  novissimeque  omnium,  cœleris  longe  plures  Joa- 
«  chimus  Perionius,  vir  in  abstrusissimis  quibusque  authoribus 
«  evolvendis  nuUi  secundus  »  (I). 

A  cette  liste  déjà  longue  peut  encore  s'ajouter  un  nouveau 
nom,  resté  jusqu'ici  à  peu  près  complètement  ignoré,  celui  de 
Blasset,  dont  l'œuvre  nous  a  été  conservée  en  un  petit  manus- 
crit recueilli  jadis  par  le  regretté  EmiJeLegrand  (2)  et  qui  porte 
aujourd'hui  le  n"  1309  dans  le  fonds  du  supplément  grec  de  la 
Bibliothèque  nationale.  C'est  un  cahier  de  vingt-neuf  feuil- 
lets (3),  intitulé  :  De  Vexellence  de  V affinité  de  la  langue 
grecque  avec  la  française^  qui,  sous  forme  de  dictionnaire 
alphabétique,  offre  une  longue  liste  de  mots  grecs,  accompagnés 
de  leur  traduction  en  finançais  et  en  latin.  Il  est  précédé  d'une 
double  dédicace,  en  vers  français  et  latins;  la  première  est 
adressée  «  A  tresnobles  et  illustres  personnes  messieurs  Dias- 
«  sorinus  Ghius  (4)  et  Gonstantinus  Gydonius  »  (o),  et  vers  la  fin 
l'auteur  nous  révèle  son  nom  : 


(1)  Pages  138-154. 

(2)  Voir  Ém.  Legrand,  Bibliographie  hellénique  (1885),  t.  I,  p.  301. 

(3)  Mesurant  180  millimètres  sur  135  et  recouverts  d'une  demi-reliure  en  maro- 
quin La  Valiière. 

(4)  Sur  Jacques  Diassorinos  on  peut  consulter  entre  autres  Ém.  Legrand,  i?i6/io- 
graphie  hellénique  (1885),  t.  1,  p.  297-302  ;  du  même.  Deux  vies  de  Jacques  Basi- 
licos  (1889),  p.  217-236;  différentes  études  de  détail  sont  indiquées  par  M.  Vogel 
et  V.  Gardthausen  dans  Die  griechischen  Schreiber  des  Millelallers  iind  der  Renais- 
sance (1909),  p.  152-154.  ' 

(5)  Sur  Constantin  Palseocappa  voir  A7inuaii-e  pou7'  l'encouragement  des  études 
grecques  en  France  (1886),  t.  XX,  p.  241-279;  Bibliothèque  de  VÉcole  des  char i:ès 
(1886),  t.  XLVII,  p.  201-207;  et  la  bibliographie  donnée  dans  l'ouvi'age  cité  de 
M.  Vogel  et  V.  Gardthausen,  p.  247-250. 


160  H.    OMONT 

Entre  lesquelz  vostre  Rlasset  présent 
Vous  vient  prier  d'accepter  son  présent, 

mais  sans  nous  renseigner  autrement  sur  sa  personne.  Dif- 
férents passages  de  cet  opuscule,  il  est  vrai,  permettent  de 
conjecturer  que  l'auteur  était  picaid  :  KatjLàpa,  une  chambre^ 
Picardi  autem  dicunt  une  cambre  (fol.  13)  ;  —  Kà[jLt.voç,  w  xà[jn.v£, 
une  cheminée^  quod  Picardi  queminée  (fol.  13  v°)  ;  —  Kùwv,  un 
chyen,  ou  un  quyen,  ut  Picardi  dicunt  (fol.  14);  —  Mol,  xol, 
moy,  toy,  quod  Picardi  dicunt  My,  ty  (fol.  18  v'')  ;  —  Xàpaç, 
un  eschelles^  ou  un  escara^  ut  Pica[r]di  dicunt  (fol.  29).  On  sait 
d'ailleurs  que  le  nom  de  Blasset,  ou  Blassel,  a  été  très  répandu 
à  Amiens  depuis  le  moyen  âge  ;  il  suffira  de  rappeler  qu'en 
1376,  un  André  Blassel  était  chapelain  de  la  cathédrale  et  que, 
sous  Louis  XIII,  Nicolas  Blasset  s'est  fait  connaître  par  de 
nombreux  ouvrages  de  sculpture,  notamment  à  la  cathédrale 
d'Amiens  (1).  Mais  sur  notre  auteur  lui-même  les  archives  sont 
jusqu'ici  restées  muettes,  de  même  que  les  écrivains  contem- 
porains. On  peut  cependant  conjecturer  que  son  opuscule,  dont 
les  premières  et  dernières  pages  sont  publiées  plus  loin  (2), 
a  été  composé  aux  environs  de  l'année  1550;  il  est  en  effet 
dédié  à  deux  Grecs  bien  connus,  Jacques  Diassorinos  et  Cons- 
tantin Palaeocappa,  qui  furent  employés  ensemble,  de  1545  à 
1555  environ,  sous  les  ordres  d'Ange  Vergèce,  à  la  rédaction 
du  catalogue  des  manuscrits  grecs  réunis  par  François  I"  dans 
la  bibliothèque  de  son  château  de  Fontainebleau  (3). 

H.  Omont. 


(1)  Voir  G.  DnTQXià^  Monographie   de  la   cathédrale  d'Amiens  (1901-1903),  t,  II, 
p.  79;  cf.  aussi  Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  Picardie^  1908,  p.  245. 

(2)  Ce  spécimen  suffira  pour  permettre  de  comparer  le  dictionnaire  de  Blasset 
avec  la  liste  publiée  par  H.  Estienne  à  la  fin  de  son  Traicté. 

(3)  Voir  Catalogues  des  manuscrits  grecs  de  Fontainebleau  sous  François  I""  et 
H«nrî // (1889),  p.  xii. 


UN    HELLÉNISTE    DU    XVI^    SIÈCLE  l6l 


De  l'eXELLENCE  de  l'affinité  de  la  langue    grecque   avec  LA  FRANÇOISE. 

A  tresnobles  et  iilusires  persoyines  messieurs 
Diassor'mus   Chius   et   Constantinus   Cydonius. 

Considérant  que  le  François  language 
De  jour  en  jour  prent  un  grand  avantage, 
Estant  orné  par  les  bons  orateurs, 
Poètes  bons  et  nouveaux  inventeurs, 
Et  que  par  tout  nostre  langue  est  illustre 
Par  bons  esprits,  qui  luy  donnent  tel  lustre, 
.  J'ay  bien  voulu  faire  ce  petit  œuvre, 

Qui  du  François  l'atTinité  descueuvre 
Avec  le  grec,  monstrant  la  dignité 
Que  nostre  langue  ha  dès  l'antiquité, 
Veu  que  des  Grecs  on  la  voit  distiller 
Par  un  commun  usage  de  parler. 
Et  pour  tousjours  vous  donner  congnoissance 
Qu'à  voz  vertus  je  doy  obéissance, 
Nobles  seigneurs,  prudents  et  gracieux, 
Cest  œuvre  mien  se  présente  à  voz  yeux 
Si  clair  voyants,  que  la  docte  Minerve 
Les  premiers  lieux  de  ses  fils  vous  réserve. 
Pour  saluer  vostre  regard  humain 
De  ce  labour  rédigé  de  ma  main. 
J'ay  extirpé  tout  ce  présent  ouvrage 
De  maint  prudent  et  docte  personnage. 
Hippocrates  m'en  a  donné  conseil 
Et  Galien,  Platon  en  cas  pareil 
Et  Lucian,  Eudoxie,  au  semblable. 
Et  Xenophon,  aucteur  bien  proffitable. 
Puis  Aristote  et  Theophraste  aussi, 
Dioscoride  en  un  mesme  souci. 
D'Aristophane,  Homère  et  Hésiode, 
De  Sophocles  j'ay  pris  conseil  commode, 
D'iEschyle  aussi,  de  Budé  et  Tusan, 
Pour  demonstrer  que  du  grec  ancian 


162  H.    OMONT 

Langue  Françoise  illustre  est  descendue 
Par  l'univers  à  présent  espandue, 
Qui  ne  sera  pas  subjecte  à  mourir 
Par  tant  d'autheurs  qui  la  feront  florir, 
Entre  lesquelz  vostre  Blasset  présent 
Vous  vient  prier  d'accepter  son  présent; 
D'aussi  bon  cueur  que  la  dextre  présente 
Bien  humblement  le  vous  offre  et  présente. 

Ad  eosdem,  de  utiliiate  linguse  grœcae. 

Quisquis  grammatices  se  percupit  esse  peritum 

Sermones  grœcos  utile  nosse  putet. 
Qui  grœcum  ignorât,  corrumpit  nomina  rerum, 

Hoc  sine  nam  rectè  scribere  nemo  potest. 
Ut  Plynii  mentem  capias,  et  scire  necesse  est 

Grœca  tibi  in  cunctis  verba  décora  plagis. 
Argumenta  placent?  Sermonibus  utere  gra3cis, 

His  sine  rhetoricam  discere  non  poteris. 
Scire  mathematicam  si  quis  fortasse  peroptat, 

Nec  vitiosa  sequi  carmina,  grseca  sciât. 
Discere  si  Christi  sacrata  volumina  quaeris, 

Notitia  ex  grsecis  fontibus  ampla  venit. 
Si  medicas  totis  amplecti  viribus  artes 

Optas,  conveniens  linguaque  graeca  tibi  est. 
Constat  enim  cunctis  grsecaindita  nomina  morbis 

Linguaque  quœ  satur  graeca  latina  nequit. 
Jura  et  quas  omnis  servat  respublica  leges, 

Fontibus  ex  graecis  nobile  nomen  habent. 
Vis  breviter  dicam  ?  Sunt  omnia  débita  Graecis, 

Virgiliumque  super  nomen  Homerus  habet. 
Si  pater  eloquii  Gicero  peperisse  videtur 

Immortale  sibi  tempus  in  omne  decus, 
Laudarunt  Graeci  fulmen  Demosthenis  omnes, 

Suadela  ornato  cujus  in  ore  fuit. 
Attica  et  immensum  lingua  est  celebrata  per  orbem 

Hujus  nec  fînem  laus  habitura  suum  est. 

"Oxi  ô   KsXxtaiJLOi;  sXXrjvtÇcov  xa^à  uoXXà  cpatvEiat. 


UN    HELLÉNISTE    DU    XVf    SIÈCLE  163 

Quod  miilla  vocabula  in  lingiia  nostra,  quœ  e  ^rœco  sermone 
translata  esse  facillimuni  est  judicare,  vei'ba  vero  et  vocabula  mère 
grœca  pauca  e  multis  succiirrunt. 

A'. 

-    'Aêpotovov,  de  l'aurone,  ou  garde-robe,  abrotonum  ;  stirpis  autem 

nomen  est. 

'   "Aêuaaoç,  un  ahystne,  abyssus,  aqua  quse  tinem  non  habet. 

'Axpo^j^épiov,  un  crochet,  fibula  in  hiimeris  aut  armillam  sonat. 

■ÀYpàcpTj,  une  agraphe,  fibula.  Hoc  autem  nomen  doctissimo  Buda^o 
mirum  visum  est,  quod  lingua  vernacula  agraphe  pro  ea  fibula 
dicit,  quœ  grœce  à^fA-r^o  xac  TtôpTia^  XiveTa'.,  quod  a  nostris  manibus 
composite  vocabulo  dictani  ait  ex  Jani  Lascaris  sententia  irapà  -rT.v 
ayav  àTTTojjLsvr/;  xal  cruvaTrTouaav,  id  est  ab  eo  quod  capturam  jungat 
tactui. 

'Ar^p,  l'air,  aer. 

'ATioaTàxrjç,  un  apostat,  qui  defecit  a  Ode  catholica  ;  hinc  àTroj^ajta, 
apostasie. 

'AxapuaTo;,  un  acaryatre,  pertinax. 

'A"/.o'j£~£,  acoutez,  audite. 

'Axo'j!j6at,  acouster,  audire. 

'AXéa,  le  haie,  tepor  et  aestivus  calor. 

"AvKjoy^  de  l'anis,  anisum.  / 

"Avr^Ôov,  de  l'aneth,  anethon. 

'ApT£[j.t(T(a,  de  Varmolse,  artemisia. 

'ApfjLovia,  arnionie,  consônantia,  accord. 

"aXç,  du  sel,  sal  ;  hinc  etiam  amiral  eum  qui  mari  prœest  dicimus, 
àiro  x?;;  àX[a.'jpac;,  id  est  salsugine  vel  re  maritima. 

'AxuÇstv,  atyser,  irritare;  hinc  illud  gallicum  :  Aiyser  le  feu,  ignem 
irritare  ;  unde  un  tyson  de  feu. 

"ApôUTov,  un  arresty  senatus-consultum  atque  principis  decretum. 

"Apsaxo;;,  ai  ap£ax£,  aresté,  placidus,  tranquillus. 

"Ay^eXo;,  un  ange^  nuncius. 

'AXX'  fco{jL£v,  allomen,  c'est-à-dire  allons  nous  en,  idque  Graecorum 
more,  abeamus. 

A'.'aTjfjLa,  aisément,  facilitas. 

A'.'aioç,  (0  a'at£,  aisié,  facilis. 


164  H.    OMONT 

'AxiTaXXstv,  atiteler,  hoc  est  parvula  nutrire  animalia. 

'AfjLapxTjiJLa,  ameiHume. 

'ApY'jptov,  argent. 

"Appr^v  xal  xô  appev,  un  ren,  aries,  vervex,  masculum  est. 

'Afxàaai,  amasser,  mittere,  coUigere. 

'ApveTaOai,  renier,  negare. 

'AxôXuxoc,  un  acolyte,  qui  non  est  prohibitus  sacra  langere  mysteria. 

'AiroaxoXoc,  un  apostre,  apostolus,  missus,  legatus. 

'AuoaxTQfjia,  apostume,  aposteme,  abscessus  humorum  in  partem 
atfectans. 

'AirorXr^çta,  une  apoplexie,  id  est  corporis  percutio  et  sensus  priva- 
tio  stupidae  mentis. 

'At^^'-vOtov,  de  l'absinte. 

"Apxoç,  artis,  panis,  imposterum  vox  est  panein  intelligentium. 

"Av6pa^,  un  anth[r]aCy  ou  charbon. 

"ATzxto,  je  hape  ;  iinperativus  :  aue,  hape,  tange  ;  infinitivus  :  àueTv, 
happer,  attingere,  hanc  autem  vocem  prseter  alias  vobis  acceptam 
refero. 

AiSoç,  xat  àuàyeo;,  hâve,  sic  comme  un  havet. 

'Ayjxyr^ixévo^^  rechigné,  tristis. 

'Afjtvo;,  un  anneau,  agnus. 

'Aj(^àx7)<;,  une  agathe,  achates,  gemma  preciosa. 

'AppaSwv,  des  arres,  arrabo,  arrhas,  pignus. 


*àvo;,  un  falos,  lucerna. 

4>aaiav6;,  un  faisant,  phasianus. 

*atvov,  un  fanon. 

*paxp'!a,  une  frairie,  hinc  confrarie. 

*tJY£Tv,  fuyr,  fugere. 

<i>ovxtov,  un  fardeau.,  onus. 

4>pevixt;,  frénésie,  mentis  aberratio. 

4>pev£Ttxa,  frénétique . 

<ï>iàXrj,  une  phiole. 

<ï>uXXov,  une  fueille. 

*XéY(i.a,  le  flegme,  pituita. 


UN    HELLÉNISTE    DU    XVl*^    SIÈCLE  165 

^av-cajia,  faniasie,  imaj^^inatio. 

^XeêoTojjLia,  phlcboloniie,  venao  sectio. 

*àvTa!7[j(.a,  un  fantasme,  portentum. 

4>po'jp6c;,  un  fourier  qui  oheut  les  logis. 

<ï>âÀacva,  une  Oalehie,  balena. 

*pta(j£'.v,  frissonne)-,  liorrere,  hinc 

*ptxr^,  un  friquel,  horror. 

*a(v£C7Tpa,  une  fenestre,  l'cnestra,  irapà  -zo  'vatvetv,  cjiiod   tit  ad   lucem 
admiltendam. 
•     4>ipat,  la  Fere,  ttÔAi;;  KcX-ixr;;. 

^opvôç,  un  four,  runuis,  ''irvo;. 

*'JY'5^,  ^('^  fan,  fagus,  arboris  iioiiieo  est,  hinc  une  figue,  àno  xoù 
cpaYsIv . 

4>'jr^,  Yuvr^  fjLîyaXr,,  im^  /"c^'e,  et  àiro  xou 

4>op£Tv,  id  est  a  ferendo  dictae  sunt  imndinœ,  les  foires,  eo  quod 
major  pars  hominiim  illuc  feratur. 

X. 

'0  y^txcov,  un  hoclon,  tunica. 

Xdtpx-/;;;,  iine  charte,  charta. 

Xatpstv,  cherer,  ou  faire  hone  chère,  gaudere. 

XoXépa,  cholere. 

Xâpa,  chère,  gaudium. 

XapîcjacyOa'.,  charasser,  gratulari. 

XdcpiJLTi,  escarmouche,  belli  sunl  principia. 

XXwpiov,  hinc  un  lorion,  vireo,  vel  suppressa  litera  a\is  auteni 
nomen  est. 

XÉ^etv,  sive  x^^'^^  chier,  honos  sit  auribus,  fundere  et  naturœ  pur- 
gandîfiobsequi,  egerere. 

XwveTov,  hinc  £Y/tov£Tov,  un  entonoir,  infundibulum. 

Xapxs,  un  eschelles,  ou  un  escara,  ut  Pica[r]di  dicunt. 

Xop8a,  une  chorde. 

XsoTTivr^,  une  chopine. 

WaXxTjpiov,    un  psallerion,   musicum  aulem  est  instrumentum  ita 
dictum,  quod  alio  nomine  vàêXov,  nablum  dicitur. 
TaXijLÔ;;,  un  psalmne^  psalmus. 

REG,  XXX,  1917,  n»  137.  12 


166  H»    OMONT 


il. 


'liOeTv,  otter,  pellere,  tollere  ;  hinc  une  hoite,  qaam  proprio  nomine 
Graeci  aTrstpioa  vocant. 

"i>pa,  une  heure,  hora,  et  spatium  temporis,  olov  xaO'  wpav. 
'iJpoXoy.ov,  î/>ie  horeloge,  horologium. 
'iixpôç,  rfe  Vocre,  el  palle  comme  un  ocre,  pallidus. 
'iiôv,  un  œuf,  ovum. 


BULLETIN  ARCHÉOLOGIQUE 


I.  —  Architecture.  Fouilles. 

Enceinte  et  temple  de  Caulonia.  —  Gaulonia  n'est  guère 
connue  que  par  ses  belles  monnaies  archaïques  au  type  d'Apol- 
lon, et  l'emplacement  même  de  la  ville  ancienne  était  ignoré 
jusqu'au  jour,  tout  récent,  où  M.  P.  Orsi  l'a  retrouvé  près  du 
cap  Stilo.  Les  fouilles  qu'il  a  poursuivies  en  ce  point  n'ont  mis 
au  jour  aucune  inscription  probante;  mais  on  ne  voit  guère  que 
Caulonia  qui  ait  pu  occuper  ce  site  à  mi-chemin  de  Locres  et 
de  Grotone.  L'enceinte  de  la  cité  est  dans  l'ensemble  assez  bien 
conservée,  et  son  périmètre,  qui,  au  moins  dans  sa  forme  der- 
nière, est  dix  fois  moins  grand  que  celui  de  Syracuse,  nous 
permet  d'étudier  la  fortification  antique,  sujet  mal  connu 
jusqu'ici  et  à  propos  duquel  M.  Orsi  a  pu  faire  à  Syracuse  des 
observations  qui  sont  encore  inédites.  Les  murs  de  Caulonia 
sont  flanqués,  à  intervalles  irréguliers,  de  tours  carrées  qui 
protègent  les  points  faibles,  dont  un  curieux  ouvrage  à  corne.  Il 
est,  à  ce  propos,  intéressant  de  constater  que  la  partie  du  front 
la  mieux  défendue  est  celle  qui  naturellement  est  la  plus  forte, 
ce  qu'explique  ingénieusement  le  mémoire  de  M.  Orsi  (1).  L'ap- 
pareil est  composé  de  deux  fronts  plus  ou  moins  réguliers,  que 
sépare  un  remplissage  de  galets  roulés.  La  solidité  du  blocage 


(1)  Mon.  Antichi,  XXIII  (1916),  p.  685-698,  De  Sanctis  ;  p.  699-948,  pi.  I-XVIII, 
g.  1-182,  P.  Orsi. 


168  A.    DE    KIDDER 

était  assurée  par  un  mortier  de  chaux,  qu'on  ne  s'attendait  pas 
à  retrouver  dans  une  fortification  datant  du  vi^  siècle  avant 
notre  ère.  —  A  l'intérieur  de  l'enceinte  les  fouilles  n'ont 
dégagé  que  des  restes  de  maisons,  assez  misérables  et  les  fon- 
dations importantes  d'un  grand  temple  dorique,  situé  en  lisière 
de  la  mer  et  précédé,  vers  le  Nord  et  le  Nord-Ouest,  par  des 
gradins  d'accès.  Une  seule  dalle  testait  des  trois  degrés  dont  se 
compose  le  stylobate,  et  des  colonnes,  comme  de  l'entablement, 
il  n'est  venu  jusqu'à  nous  que  d'insignifiants  débris.  Du  moins 
savons-nous  que  la  toiture,  à  une  certaine  époque,  était  cou- 
verte par  des  tuiles  de  marbre,  et  parmi  les  matériaux  de  cons- 
truction on  a  reconnu,  d'une  manière  certaine,  la  pierre  de 
Syracuse,  ce  qui  prouve  que  le  sanctuaire  était  d'importance 
et  qu'il  n'a  pu  être  édifié  qu'à  grands  frais. 

Fouilles  de  Céré.  —  Une  suite  d'efforts  heuioux  a  mis  au  jour, 
outre  quelques  tombes  archaïques,  une  partie  relativement 
récente  de  la  nécropole  de  Géré,  celle  oii  les  sépultures  se  sui- 
vent en  longues  files,  de  part  et  d'autre  de  grandes  allées  recti- 
lignes.  D'après  les  derniers  explorateurs,  ce  serait  à  partir  du 
IV*  siècle  qu'on  remarquerait  cette  transfoi'malion  dans  la 
distribution  des  tombes.  Au-dessus  des  chambres  sépulcrales, 
des  cippes,  de  forme  et  de  nature  diverses,  étaient  encastrés 
dans  des  dalles  horizontales,  percées  d'alvéoles.  Des  colonnettes 
indiquaient  les  morts  de  sexe  masculin;  les  avîaaTa  des  femmes 
avaient  l'aspect  de  sarcophages  ou  d'édicules,  à  deux  ou  rare- 
ment à  quatre  versants,  et  de  simples  cailloux  roulés  paraissent 
désigner  des  tombes  d'enfants  (1). 

Mohja.  —  D'intéressants  détails  nous  sont  donnés  sur  les 
fouilles  exécutées  dans  Tile  Saint  Pantaléon,  où  l'on  a  reconnu 
depuis  longtemps  l'emplacement  de  Motya.  Une  chaussée  reliait 
l'île  à  la  terre  ferme,  et  l'enceinte,  défendue  par  vingt  tours  de 
plan  rectangulaire,  avait  plusieurs  ouvertures  ou  portes,  dont 

(1)  Notiz,  d.  Scavi,  1915,  p.  347-387,  flg.  1-29,  Mengarelli  et  Nogara. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  169 

Tune  était  triple  et  dont  une  autre  ne  serait  pas  sans  rappeler 
le  Dipylon  d'Athènes.  La  nécropole  primitive,  antérieure  aux 
fortifications,  était  à  incinération,  et  le  matériel  funéraire,  très 
simple,  ne  comprenait  qu'une  poterie  locale  à  décor  géomé- 
trique et  des  vases  protocorinthiens.  Les  premières  tombes  à 
inhumation  se  trouvent  sur  la  terre  ferme  et  succèdent  aux 
précédentes.  Rion  de  phénicien  dans  les  monuments  découverts, 
ce  qui  ne  veut  pas  dire,  comme  le  remarque  justement 
M.  Pace  (1),  que  les  Phéniciens. n'aient  pas  occupé  l'île,  mais, 
comme  ils  n'avaient  pas  d'art  qui  leur  (ut  propre,  ils  trouvaient 
avantage  à  importer  et  à  vendre  des  produits  qu'ils  n'avaient 
pas  eux-mêmes  fabriqués. 

Lechaion.  —  M.  Georgiades  avait  reconnu  les  dispositions 
principales  du  port  que  Corinthe  possédait  suj*  le  golfe  de  ce 
nom.  M.  J.  Paris  (2)  rectifie  certains  détails  du  plan  dressé  par 
son  prédécesseur  et  observe  que  les  bassins  intérieurs  avaient 
une  surface  totale  d'une  dizaine  d'hectares,  soit  Je  double  de 
ce  que  nous  constatons  à  Délos  :  aucun  port  grec  ne  paraît 
avoir  eu  pareille  capacité.  Les  deux  darses  intérieures,  qui 
communiquaient  entre  elles  par  un  pertuis  de  navigation, 
devaient  avoir  chacune  une  passe  d'accès  indépendante.  Deux 
môles  s'avançant  en  pleine  mer  protégeaient  les  deux  bassins 
de  l'avant-port,  ào\x  les  navires  passaient  dans  les  darses.  Les 
quais  subsistent  encore  dans  une  partie  des  bassins  intérieurs, 
et  l'îlot  qui  se  dresse  au  milieu  de  l'un  d'eux  rappelle  celui 
que  nous  trouvons  à  Garthage. 

Nécropole  d'Eléonte.  —  Un  souvenir  pieux  s'attache  aux 
fouilles  hâtives  que  le  corps  expéditionnaire  français  a  faites 
dans  la  nécropole  d'Eléonte  (3).  La  ville  antique  n'a  jamais  eu 

(1)  Notiz.  d.  Scavi,  1915,  p.  431-446,  fig.  1-10. 

(2)  Bull.  corr.  hell.,  XXXIX  (1915),  p.  5-6,  fig.  1. 

(3)  C.  R.  Acad.  Inscr.,  1915,  p.  283-4,  et  1916,  p.  40-7,  flg.  i-3,  Pottier.  Bull, 
corr,  helL,  XXXIX  (1915),  p.  135-240  (1-106),  pi.  I-XII,  fig.  1-10,  Chamonard  et 
Gourby. 


170  A.    DE    RIDDER 

un  grand  passé  :  toute  son  importance  venait  de  son  havre  et 
de  sa  position  à  l'entrée  des  Dardanelles,  à  une  lieue  environ 
à  l'Est  du  point  oii  devait  s'élever  le  château  d'Europe.  Aussi 
ne  faut-il  pas  s'étonner  que  les  sépultures  y  aient  été  modestes 
et  sans  faste.  Pas  de  bas-reliefs,  ni  d'édicules  peints  ou  sculptés  ; 
aucune  stèle  même  n'a  été  conservée  :  rien  que  des  pithoi  et 
des  cuves  monolithes,  qui  paraissent  avoir  été  indifféremment 
employés.  Le  mobilier  funéraire  était  de  fabrication  attique 
ou  fait  à  l'imitation  des  produits  d'Athènes.  La  plus  grande 
partie  des  tombes  appartient  au  v*"  siècle  ;  mais  on  en  a  depuis 
découvert  de  plus  anciennes  :  un  certain  nombre  date  de  l'épo- 
que hellénistique,  et  l'une  des  sépultures,  au  moins,  paraît 
avoir  été  rouverte  à  l'époque  impériale. 

Sanctuaire  d'Apollon  Clarios.  —  M.  Charles  Picard  donne 
quelques  détails  sur  les  fouilles  qu'il  a  dirigées  à  Claros,  de 
concert  avec  Macridy  bey.  11  ressort  de  son  bref  exposé  que  la 
grotte  sacrée  de  l'oracle  remonte  à  une  antiquité  très  reculée, 
puisqu'on  y  a  découvert  des  fragments  de  poterie  en  terre 
grise,  non  épurée,  analogues  aux  tessons  les  plus  anciens 
d'Hissarlik  et  de  Yortan.  Le  temple  était  situé  dans  la  plaine 
et  n'a  pas  été  encore  dégagé.  Les  propylées,  flanqués  d'une 
exèdre  bien  conservée,  qui  servaient  d'accès  au  sanctuaire,  ne 
semblent  pas  remonter  plus  haut  que  le  u®  siècle  avant  notre 
ère  (l). 

Monument  des  Néréides.  —  Bien  que  le  soubassement  du 
monument  soit  encore  en  place  et  quoique  la  plus  grande 
partie  de  sa  décoration  sculpturale  soit  conservée  au  British 
Muséum,  nous  connaissons  fort  mal  la  disposition  primitive  de 
l'édifice.  Trois  essais  de  restauration  ont  été  proposés,  que 
M.  Lethaby  critique  de  très  près  et  auxquels  il  substitue  une 
hypothèse  partiellement  nouvelle.  Nous  ne  pouvons  que 
signaler  ici  son  étude,  que  n'accompagne  pas  une  illustration 

(1)  Bull.  corr.  helL,  XXXIX  (1915),  p.  32-52,  pi.  II-III,  fig.  1-5. 


BULLETIN     ARCHÉOLOGIQUE  171 

suffisante  et  qui  ne  peut  ôtre  jugée  en  connaissance  de  cause 
que  devant  les  originaux  {\).  Il  suffira  d'indiquer  que  les 
Néréides  sont  toutes  placées  par  lui  dans  les  enlrecolonnements 
du  pteron,  sans  qu'aucune  serve  d'acrotère.  Quant  à  la  date  du 
monument,  il  faudrait  la  faire  descendre  très  bas  et  jusqu'aux 
temps  d'Alexandre.  Sans  discuter  ici  cette  opinion,  nous  rap- 
pellerons simplement  que  Furlvvœngler,  qui  n'était  pas  mau- 
vais juge,  quoique  parfois  trop  absolu,  donnait  à  la  construc- 
tion un  bon  siècle  de  plus. 

La  maison  romaine.  —  La  maison  pompéienne  s'étale  le  plus 
souvent  en  largeur  et  les  pièces  principales  se  distribuent 
autour  d'un  atrium  central  d'où  elles  reçoivent  à  la  fois  Tair 
et  la  lumière  :  pas  ou  peu  d'étages,  point  de  façade,  et,  sauf 
exception,  pas  de  fenêtres.  Ce  mode  de  construction  était  à  sa 
place  là  oii  le  terrain  ne  faisait  pas  défaut  et  où  la  population 
était  limitée.  Il  n'en  était  pas  de  même  dans  des  villes  où 
l'habitat  était  très  dense,  comme  à  Rome  et  à  Ostie.  De  fait,  les 
fouilles  d'Ostie  nous  ont  appris  ce  qu'était  au  juste  cette  insula 
romaine  que  nous  ne  pouvons  guère  connaître  dans  la  métro- 
pole, bien  que  toute  trace  n'en  ait  pas,  même  à  Rome,  totale- 
ment disparu.  La  maison,  au  contraire  de  la  demeure  pom- 
péienne, s'y  développe  en  hauteur.  Les  murs,  de  0  m.  60  d'épais- 
seur, peuvent  porter  plusieurs  étages,  dont  chacun  a  4  mètres 
environ  de  haut.  Pas  d'entresol,  sinon  parfois  au-dessus  des 
boutiques.  Des  fenêtres  s'ouvrent  dans  les  façades  ou,  au  besoin, 
sur  les  cortiles  ou  courettes.  Des  escaliers,  non  plus  en  bois, 
mais  en  pierre,  mènent  aux  divers  étages.  Des  balcons,  por- 
tés par  des  poutres  en  bois  ou  sur  des  consoles  en  encorbel- 
lement, éclairent  et  grandissent  les  pièces.  Certains  portent 
des  pergolœ  et,  à  la  partie  supérieure  de  la  maison,  des  solaria 
abrités  servent  d'abris  pendant  l'hiver.  Ce  qu'Ostie  nous  fait 
ainsi  connaître,  c'est  proprement  la  maison  à  appartements,  qui 

fl)  Journ.  Hell.  Stud.,  XXXV  (1915),  p.  208-224,  fig.  1-3. 


172  A.    DE    RIDDER 

ne  servait  pas  seulement  au  l)as  peuple,  mais  à  la  bourgeoisie. 
Il  semble  qu'elle  n'ait  pas  été  inconnue  n  Pompei;  mais  elle  y 
était  l'exception,  au  lieu  qu'à  Rome,  c'était  l'inverse.  Il  devait 
y  avoir  la  même  différence  dans  l'antiquité  entre  les  deux  types 
de  demeure,  qu'il  y  en  a  de  nos  jours  entre  la  maison  à  mul- 
tiples appartements  et  l'ancien  hôtel  seigneurial,  entre  cour 
et  jardin  (1). 

Entrée  de  F  Acropole.  —  D'après  M.  Graindor  (2),  l'escalier  de 
l'Acropole  daterait  probablement  de  Claude,  les  pylônes  qui 
flanquent  la  poite  de  Beulé  pourraient  être  de  la  fin  du  iv"  siècle 
et  cette  porte  elle-même  ne  serait  pas  antérieure  au  vii^  siècle 
de  notre  ère. 

V Asclépieion  chrétien.  —  Le  titre  seul  que  M.  Xyngopoulos 
donne  à  son  mémoire  (3)  nous  aurait  empêché  d'en  faire  ici 
mention,  si  l'auteur  n'y  avait  étudié  incidemment  un  monu- 
ment célèbre  du  Louvre,  la  plaque  d'autel  de  (.harvati.  Frœh- 
ner  (4)  voyait  sur  la  tranche  de  l'imposte  une  croix  et  des 
feuilles  de  chêne.  M.  Xyngopoulos  estime  que  ce  sont  plutôt 
des  feuilles  d'acanthe  transformées  ou  mal  copiées;  mais  ses 
arguments  sur  ce  point  ne  semblent  guère  convaincants. 

L'origine  du  chapiteau  corinthien.  —  Une  corbeille  placée 
sur  une  tombe,  recouverte  d'une  tuile  plate  et  entourée  par 
les  feuilles  retombantes  d'un  plant  d'acanthe,  aurait  été,  sui- 
vant la  légende,  aperçue  par  hasard  à  Gorinthe  par  Gallimaque, 
et  les  Anciens  voulaient  que  cette  vue  fortuite  eût  donné  au 
grand  bronzier  l'idée  première  de  ce  chapiteau.  De  fait,  les 
lécythes  attiques  nous  montrent  souvent  les  acanthes  au  pied 
des  stèles  funéraires  ;  des  feuilles  ou  des   branches  détachées 


(1)  Mon.  Antichi,  XXIII  (1916),  p.  341-608,  pi.  I-VI,  fig.  1-16,  G.  Calza. 

(2)  Bull.  corr.  helL,  XXXVIIl  (1914),  p.  272-293,  fig.  1-2. 

(3)  'E'fT,[jL.   'ApxatoV,  1915,  p.  52-71,  fig.   1-22. 

(4)  Inscr.  Gr.  du  Louvre,  47,  p.  104. 


BULLETIN    ARCHÉOLOniQUE  173 

étaient  parfois  nonces  n  mi-haulenr;  d'antres  s'épanouissaient 
i\  la  partie  snpérioure  et  se  mariaient  aux  palmeltes  et  aux 
acrol(>ros  terminales.  Lo  conronnemeTil  cJes  sièles  et  des 
colonnes  mortuaires  se  rapproche  ainsi  de  ce  qui  sera  plus 
tard  le  chapiteau  corinthien,  et  il  a  pu  y  avoir  transition  d'une 
forme  à  l'autre;  mais  les  exemples  rappelés  et  groupés  par 
M.  Homolle  (1)  ne  sont  pas  décisifs,  et  il  faut  attendre  que  des 
découvertes  ultérieures  nous  mettent  sur  la  voie  des  origines 
immédiates  et  directes.  Il  est  plus  aisé  d'expliquer  pourquoi 
l'on  a  donné  le  nom  de  corinthien  à  ce  genre  de  chapiteaux. 
Gallimaque,  qui  passait  pour  leur  inventeur,  était  un  toreuti- 
cien,  et  les  textes,  comme  l'aspect  métallique  de  ce  chapiteau, 
nous  apprennent  qu'il  fut  d'abord  coulé  et  ciselé,  avant  d'être 
imité  et  traduit  en  pierre  et  en  marbre.  Or  les  Anciens  ont 
cru,  à  une  certaine  époque,  qu'il  n'était  bon  bronze  que  de 
Corinthe  et  c'est  sans  doute  la  raison  pour  laquelle  ils  pla- 
çaient dans  cette  ville  l'invention  de  Gallimaque.  Si  nous  con- 
naissions, même  par  une  mauvaise  réplique,  la  lampe  d'or 
de  l'Erechtheion,  tout  poi-te  à  croire  qu'on  y  verrait  paraître, 
peut-être  en  haut  de  la  fameuse  tige  de  palmier,  l'un  des 
premiers  modèles  que  les  Grecs  aient  connus  du  chapiteau 
corinthien. 

IL  —  Sculpture. 

L'anthropométrie  dans  la  sculpture  grecque.  —  Bien  que 
l'art  grec  prenne  son  point  de  départ  dans  l'observation  directe 
de  la  nature,  il  n'est  pas,  à  proprement  parler,  réaliste.  Aussi 
la  science  et  l'élude  des  proportions  y  jouent-elles  dès  le  début 
et  continueront-elles  toujours  d'y  jouer  un  grand  rôle,  ce  qui 
ne  saurait  étonner  ceux  qui  se  rappellent  la  veitu  mystérieuse 
que  les  nombres  avaient  pour  les  Anciens.  Il  n'est  pas  douteux 
que  certains   sculpteurs  grecs,   sinon   tous,  n'aient  réduit   la 

(1)  Rev.  archéoL,  1916,  II,  p.  17-60,  fig.  1-23. 


174  A.    DE    RIDDER 

figure  humaine  à  des  dimensions  et  à  des  mesures  déterminées  : 
le  canon  de  Polyclète  codifiait  les  relations  des  membres  et  des 
diverses  parties  du  corps,  et  la  symétrie  si  vantée  chez  quelques 
maîtres  par  les  critiques  anciens  résultait  pour  une  part  de  sub- 
tils et  de  patients  calculs.  Malheureusement,  si  nous  connaissons 
le  principe  directeur,  l'application  nous  en  échappe.  Les  obser- 
vations et  les  mensurations  que  les  modernes  ont  tentées  sur 
les  antiques  ne  concordent  pas  toujours  et  ne  nous  apprennent 
rien  de  positif  et  de  certain.  M.  Foat  {\)  remarque  à  ce  propos 
qu'il  ne  faut  pas  chercher  dans  ces  questions  une  trop  grande 
exactitude  :  les  Anciens  n'avaient  pas  d'instruments  aussi 
perfectionnés  que  les  nôtres  et  ils  devaient,  par  la  force  des 
choses,  se  contenter  de  mesures  approximatives.  De  plus,  obser- 
ve-t-il  encore,  il  faut  prendre  garde  aux  trompe-Fœil  :  un 
corps  sphérique  ou  cylindrique  nous  apparaît  tout  différent  de 
ce  qu'il  est  en  réalité,  quand  il  se  projette  sur  un  plan  vertical. 
D'oii  la  difficulté  que  nous  rencontrons  à  mesurer  exactement 
une  statue  ou  un  corps.  Pour  donner  un  point  de  départ  com- 
mode à  ces  études,  M.  Foat  dessine  un  homme  idéal  ou  normal, 
qu'il  reconstitue  à  l'aide  de  500  mesures  ou  observations  de 
détail  :  ce  sont  autant  de  repères,  qui  serviront  par  comparai- 
son à  déterminer  les  caractères  d'une  statue  ou  d'un  homme. 
La  compétence  de  l'auteur  et  l'étude  patiente  qu'il  a  fait  du 
sujet  recommandent  son  essai  à  l'attention  des  spécialistes; 
peut-être  amènera-t-il  un  continuateur  plus  heureux  à  résou- 
dre un  problème  qu'on  a  cru  longtemps  insoluble  et  dont  on 
conçoit  l'importance  pour  l'histoire  de  l'art  antique. 

Le  fronton  oriental  de  Delphes.  —  M.  Homolle  a  reconnu  que 
deux  korès  cantonnaient  vers  l'intérieur  du  fronton  deux 
grands  lions  dévorant  leur  proie;  mais  le  point  difficile  est  de 
déterminer  le  motif  qui  remplissait  le  centre  même  du  tympan, 
et  nous  savons  seulement  qu'on  y  voyait,  de  part  et  d'autre, 

(1)  Journ.  Hell.  Slud.,  XXXV  (1915),  p.  225-259,  pi.  VIl-IX,  fig.  1-19. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  175 

deux  figures  d'homme,  l'une  de  face  et  l'autre  de  profil,  la 
seconde  plus  haute  que  la  première  et  par  suite  rapprochée  de 
l'axe  médian.  M.  Courby  (1)  suppose  que  les  corps  les  plus  grands 
appartenaient,  non  aux  dieux  rivaux,  mais  à  des  écuyers  qui 
tenaient  près  des  naseaux  les  brides  de  l'attelage.  Celui-ci  se 
présentait  de  face  et  occupait  la  place  d'honneur,  deux  des 
chevaux  levant  franchement  l'une  des  pattes  de  devant  et  les 
deux  autres  la  soulevant  légèrement.  Dans  la  caisse  du  char 
serait  Apollon,  ayant  à  ses  côtés  (?)  Latone  et  Artémis.  Une 
Nikè  surmonterait  la  pointe  du  fronton,  et  deux  sphinx  de 
profil  seraient  placés  aux  deux  extrémités. 

Trône  Ludovisi.  —  Je  demande  la  permission  de  revenir  sur 
la  question  discutée  du  trône  Ludovisi  et  de  sa  réplique  amé- 
ricaine (2).  M.  Gardner  (3),  quoique  sans  le  dire  formellement, 
par  pure  courtoisie,  laissait  clairement  entendre  qu'il  considé- 
rait comme  des  pastiches  les  trois  panneaux  de  Boston.  J'avais 
été  très  frappé  par  ses  arguments,  à  la  fois  directs  et  précis  ; 
mais,  comme  la  vue  des  photographies  m'avait  laissé  jadis  une 
première  impression  favorable,»  j'avais  suspendu  mon  juge- 
ment et  conclu  à  l'envoi  d'une  commission  arbitrale,  qui  étu- 
dierait successivement  de  près  les  deux  originaux  et  déciderait 
en  pleine  connaissance  de  cause.  Sur  ces  entrefaites,  les  mou- 
lages des  deux  monuments  sont  entrés  au  musée  du  Louvre, 
oii  ils  sont  exposés  dans  la  salle  du  Manège.  Leur  rapproche- 
ment ne  permet  à  mon  sens  qu'une  conclusion,  celle-là  même 
qu'exprimait  en  termes  voilés  M.  Gardner.  Sauf  à  réviser  mon 
opinion  devant  les  bas-reliefs  de  Boston,  je  ne  puis,  d'après 
ces  moulages,  y  voir  autre  chose  que  des  compositions  moder- 
nes d'après  l'antique.  Je  n'ai  certes  pas  la  prétention  que  mon 
avis  personnel  puisse  trancher  le  débat;  mais,  comme,  sur  la 


(1)  Bull.  corr.  helL,  XXXVIII  (1914),  p.  327-350,  pi.  VI-VII,  fig.  1-13. 

(2)  REG,  XXIV  (1911),  p.  174,  XXV  (1912),   p.  369,  XXVII  (1914),  p.  294,  XXVIII 
(1915),  p.  188. 

(3)  REG,  XXVll  (1914),  p.  294. 


176  A.     DE    RTDDER 

vue  do  reproditctions  photographiques,  j'avais  jadis  fait  l'éloge 
des  has-reliet's  nouvellement  découverts,  je  tiens  à  dégager  ma 
responsabilité  devant  les  lecteurs  du  Bulletin.  De  cette  aven- 
ture il  se  dégage  une  leçon,  c'est  qu'il  est  dangereux,  sinon 
impossible  de  décider,  d'après  des  photographies,  si  un  monu- 
ment est  ou  non  authentique.  Avis  aux  archéologues  de  cabi- 
net, habiles  à  collationner  des  fu^hes,  mais  dont  l'œil  ne  sait 
pas  ou  ne  sait  plus  regarder  une  antique.  Il  ne  suit  pas  de  là 
que  le  mémoire  de  Studniczka  ne  soit  pas  intéressant  :  seule- 
ment il  pèche  par  la  base  et  sou  fondement  est  ruineux. 

Statue  Hirsc/i.  —  Grâce  à  l'intermédiaire  d'un  séquestre 
complaisant  et  de  neutres  obligeants,  une  statue  grecque 
archaïque,  saisie  à  Paris  en  août  1914,  a  pu  être,  en  pleine 
guerre,  transportée  et  vendue  à  Berlin.  En  attendant  que  cet 
insigne  monument  soit  publié  comme  il  le  mérite,  une  vignette, 
parue  dane  la  Revue  archéologique  (1),  en  donnera  quelque 
idée  à  ceux  qui  n'ont  pu  l'apercevoir,  pendant  le  séjour,  trop 
bref,  qu'il  a  fait  parmi  nous. 

Apollon  de  Cherchell.  —  M.  Michon,  qui  a  pu  voir  la  statue  en 
juin  1910,  moins  de  trois  mois  après  sa  découverte,  la  fait  pour 
la  première  fois  bien  connaître  dans  les  Monuments  Piot  (2).  Si 
curieuse  que  soit  l'histoire  de  cette  antique,  depuis  son  retour 
à  la  lumière,  je  me  garderai  de  la  retracer  ici;  car  je  n'aurais 
pas  licence  de  le  faire  librement,  tant  cette  trouvaille  a  mis  en 
conflit  d'intérêts  divers,  inégalement  respectables.  Je  ferai 
seulement  observer  que  nous  ignorons  si  la  statue  a  été  faite 
pour  Cherchell  et  commandée  par  Juba,  ou  simplement  choi- 
sie par  les  agents  du  roi  dans  l'atelier  d'un  marbrier  :  dans 
les  deux  cas,  il  n'y  aurait  rien  d'africain  dans  l'Apollon,  sinon 
le  lieu  même  de  sa  découverte;  car  ce  qui  en  fait  aujourd'hui 
le  prix  est  qu'elle  est  la  copie,  presque  intacte,  d'un  original 

(1)  1916,  II,  p.  180-2,  S.  Reinach. 

(2)  XXII  (1916),  p.  55-70,  pi.  VII-IX,  fig.  1-6. 


BULLETIN    AUCllÉOLOGlQUE 


177 


grec  que  nous  connaissions  par  une  lépiique  inoins  complète, 
trouvée  dans  le  Tibre  et  aujouid'luii  au  musée  des  Thermes. 
Le  nouveau  marbre  nous  apprend  d'une  manière  indirecte 
quels  étaient  les  attributs  tenus  par  les  deux  bras.  Il  n'y  a  pas 
de  doute  pour  la  branche  de  laurier 
que  serrait  la  main  gauche;  mais 
Taffreux  carquois,  de  forme  l'écenle, 
qui  est  en  équilibre  instable  sur  la 
base,  ne  pouvait  guère  être  sus- 
pendu à  la  main  droite,  même  par 
rinlermédiaire  d'une  courroie  :  dès 
lors  un  arc,  que  deux  tenons  ratta- 
chaient au  côté  droit,  devait  conti- 
nuer le  carquois  par  une  ligne  ver- 
ticale, qui  contrebalançait  à  gauche 
du  spectateur  le  tronc  d'arbre  situé 
à  sa  droite.  11  va  sans  dire  que  l'une 
et  l'autre  béquille  taisaient  défaut 
dans  le  prototype.  Le  modelé  du 
corps,  à  en  juger  par  les  phologra- 
phies,  ne  parait  pas  tout  à  fait  le 
même  dans  les  deux  répliques. 
M.  Michon  remarque  justement  que 
la  statue  de  Cherchell  est  d'allure 
plus  massive  et  semble  plus  «  trapue  ».  Seule  une  compa- 
raison minutieuse  et  faite,  à  défaut  des  deux  antiques,  sur 
deux  bons  moulages  peut  nous  apprendre  si  cette  impression 
première  est  exacte  ou  non.  Au  cas  où  elle  ne  serait  pas 
trompeuse,  il  ne  s'en  suivrait  pas  forcément  que  la  copie  afri- 
caine fût  la  plus  exacte;  mais  la  question  reste  entière  et  devra 
être  examinée  de  près.  De  toute  manière,  la  date  du  proto- 
type peut  être  fixée,  sinon  avec  précision,  du  moins  avec  peu 
de  chances  d'erreur.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  faille  la  placer 
dans  les  quelque  dix  ou  vingt  ans  qui  précèdent  le  milieu  du 
v®  siècle.  C'est  le  moment  où,  sans  parler  du  fronton  occidental 


178  A.   DE    RIDDER 

d'Olympie,  apparaissent  trois  statues  indépendantes  et  origi- 
nales d'Apollon  qui  se  rapprochent  de  la  nôtre,  bien  qu'elles  en 
diffèrent  par  l'exécution  et  par  certains  détails.  Il  peut  sembler 
séduisant  d'attribuer  ces  créations,  à  la  fois  analogues  et  con- 
temporaines, à  autant  de  maîtres  divers,  dont  nous  connais- 
sons le  nom  à  défaut  des  œuvres  et  qui  travaillaient  précisé- 
ment dans  le  même  temps.  Mais  une  saine  méthode  veut  que 
nous  résistions  à  cette  tentation,  ou  que,  si  nous  risquons  une 
conjecture,  ce  soit  sans  prétendre  la  transformer  en  certitude. 
On  peut  remarquer  que,  dans  ce  groupe  de  quatre  statues,  la 
nôtre  se  distingue,  non  seulement  par  le  style,  mais  par  la 
grandeur.  C'est  déjà  une  image  colossale,  et  le  point  n'est  pas 
indifférent  à  constater,  car  il  marque  un  progrès  dans  la  tech- 
nique du  bronze,  les  maîtres  de  la  génération  antérieure,  tels 
qu'un  Hageladas,  ne  dépassant  pas  d'ordinaire  ou  n'atteignant 
pas  la  taille  humaine,  même  lorsqu'ils  représentent  des  divini- 
tés. Ces  proportions  exceptionnelles  font  penser  que  la  statue 
originale  se  dressait  à  l'intérieur  de  quelque  temple.  C'est,  quoi 
qu'en  pense  Amelung,  une  question  de  savoir  si  elle  y  était 
seule  ou  si  elle  était  accompagnée  de  divinités  o-uwaot.,  telles 
que  Latone  et  Artémis. 

Tête  archaïque.  —  Le  musée  de  Boston  vient  d'acquérir  (1) 
une  tête  un  peu  plus  grande  que  nature,  copie  d'un  original 
que  nous  connaissons  par  une  statue  fragmentaire  aujourd'hui 
au  Musée  des  Conservateurs  et  qui  a  été  trouvée  sur  l'Esquilin, 
près  de  l'  «  Auditorium  »  de  Mécène;  une  réplique  sans  tête  a 
été  découverte  à  Corinthe,  et  une  tête,  o\\  l'imitateur  s'est  montré 
moins  adroit  ou  moins  fidèle,  est  conservée  à  Venise.  Le  pro- 
totype appartient  à  cette  période  un  peu  antérieure  à  Phidias, 
oîi  l'art  attique  ne  s'est  pas  encore  débarrassé  de  ses  conventions 
primitives.  On  remarquera  la  saillie  très  nette  que  fait  Tare  des 
sourcils,  l'absence  presque  complète  de  la  glande  lacrymale,  le 


(1)  Mus.  of  Fine  Arts,  Bulletin  XIV  (1916),  84,  p.  28-9,  fig.  1-2. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE 


179 


bourrelet  à  peu  près  uniforme  qui  entouie  les  orbites  et  la  forte 
saillie  de  la  lèvre  inférieure, 
ainsi  que  la  plénitude  et  la 
force  du  menton.  Les  cheveux 
largement  ondulés  se  termi- 
nent sur  les  côtés  par  de  courtes 
boucles  qui  rendent  assez  mal 
Taspect  métallique  de  l'œuvre 
originale  et  qui,  coaime  on  Ta 
remarqué,  ne  sont  pas  sans 
évoquer  le  souvenir  du  célèbre 
bas-relief  de  Triptolème.  Peut- 
être,  comme  l'a  conjecturé 
M.  Mariani,  le  bronzier  in- 
connu auquel  nous  la  devons, 
avait-il  voulu   représenter  une  Dèmèter  ou  une  Perséphone. 


Tête  du  Parthénon.  —  Un  don  généreux  vient  de  faire  entrer 
au  Louvre  (d)  une  tête  d'éphèbe  en  fort  relief  qui,  nous  avons 

toutes  raisons  de  le  croire,  provient 
du  Parthénon.  Elle  faisait  partie  de 
la  frise,  dont  le  Musée  possède  un 
beau  panneau,  mais  oii  les  person- 
nages   sont    représentés    en    saillie 
moins  forte  et  entièrement  de  pro- 
fil, si   bien  que  le  nouveau  monu- 
ment permet  de  nous  faire  une  idée 
moins    incomplète    des    sculpteurs 
qui,  sous  la  direction   de  Phidias, 
travaillèrent    à    la    décoration    du 
temple.  La  conservation  du  morceau  est  presque  parfaite,  et 
l'on  n'y  notera  pas  moins  le  travail  sommaire  de  la  chevelure 
que  le  bourrelet  sommaire  qui  cerne  les  orbites  et  l'arc  exagéré 


(1)  Les  Arls,  1916,  p.  1-3,  H.  de  Villefosse. 


180  A.    DE    HIDDEB 

de  Ja  bouche  dont  les  lèvres  sont  grossies  à  dessein.  Si  certaines 
parties  en  soûl  négligées  et  si  d'autre  part  quelques  traits  sont 
ainsi  soulignés  avec  insistance,  c'est  que  la  frise  était  vue  de 
très  bas  et  qu'il  fallait,  pour  Tapercevoii',  se  placer  dans  Tétroit 
espace  qui  séparait  la  cella  de  la  colonnade  extérieure.  Une 
anecdote  signilicative  nous  prouve  que  Phidias  avait  fort  bien 
compris  l'importance  qu'avaient  ces  (juestions  de  perspective  et 
de  mise  en  place  :  la  tête  de  la  Coulonche  montre  que  le  maître 
tenait  compte  jusque  dans  ses  maquettes  de  ces  déformations 
visuelles;  mais,  dans  ses  statues  de  bronze,  qui  étaient  destinées 
à  être  vues  de  plus  près  et  de  plus  haut,  le  travail  de  la  figure 
devait  être  à  la  fois  diOerent  et  moins  conventionnel. 

La  Suppliante  Barherini.  —  M.  Uauser  voyait  assez  singu- 
lièrement dans  cette  statue  (1)  la  Pythie  affaissée  au  sortir  d'une 
extase  prophétique.  Les  empreintes  qu'il  avait  remarquées  sur 
la  poitrine  et  sur  la  cuisse  ne  seraient  pas  dues  à  un  serpent 
qui  boirait  dans  une  phiale,  mais  s'expliqueraient  par  des  attri- 
buts tout  différents,  telles  qu'un  arc  tenu  par  la  main  relevée  et 
une  tlèche  qui  frapperait  le  sein  droit.  L'arme  s'aperçoit  net- 
tement sur  les  monnaies  de  Méthydria  et  d'Orchomène,  où  la 
pose  de  la  femme  est  trop  semblable  à  celle  de  la  Suppliante 
pour  qu'on  puisse  croire  qu'elle  ne  dérive  pas  du  même  original. 
Or  les  coins  monétaires  représentent  à  n'en  pas  douter  Kallisto, 
tuée  par  Artémis  et  mère  du  jeune  Arcas.  Ce  serait  donc  le 
nom  qu'il  faudrait  donner  à  la  Suppliante,  que  M.  Collignon 
avait  précisément  placée  parmi  les  statues  funéraires.  Nous 
savons  que  deux  œuvres  de  Deinoménès,  une  lo  et  une  Kallisto, 
se  faisaient  pendant  sui'  l'iVcropole  :  il  serait  permis  dès  lors 
d'atti'ibuer  à  Deinoménès  le  prototype  de  la  statue  Barberini, 
qui,  de  fait,  s'apparente  de  très  près  à  l'école  de  Phidias.  Res- 
terait à  trouver  la  date  et  l'occasion  des  deux  ex-voto.  M.  Svoro- 
nos  croit  trouver  l'une  et  l'autre  dans  la  tentative  infructueuse 


(1)  REG.,  XXVlll  (1915),  p,  192-3. 

(2)  Journ.  int.  cVarch.  numism.,  XVI  (1914),  p.  255-278,  pi.  XI,  Svoronos. 


BULLETKN    AKCHÉOLOGIQUE  181 

que  (il  Alcibiadc  pour  rattacher  à  la  cause  d'Alliènes  les  cités 
du  Péloponnèse  qui  étaient  hostiles  à  Sparte,  telles  qu'Argos 
et  une  partie  des  villes  arcadiennes.  La  victoire  dWgis  aurait 
fait  refluer  sur  Athènes  les  exilés  de  ces  deux  régions,  et  ceux- 
ci,  en  souvenir  de  l'hospitalité  reçue,  auraient  consacré  sur 
l'Acropole  les  deux  monuments.  Les  monnaies,  qui  n'ont  été 
frappées  qu'après  370,  une  cinquantaine  d'années  plus  tard, 
reproduisaient  avec  liberté  le  môme  motif;  mais  le  groupe  qui 
fut  dédié  à  Delphes  par  les  Aicadiens  devait  être  différent,  car 
il  était  plus  complet  et  comprenait  un  plus  grand  nombre  de 
personnages,  les  trois  enfants  d'Arcas  accompagnant  leur  père 
dans  le  chef-d'œuvre  de  Pausanias. 

Buste  df athlète.  —  Un  buste  grec,  qui  vient  d'entrer  au  Musée 
de  New-York  (1),  mérite  d'être  signalé,  moins  pour  sa  beauté 
propre,  car  le  travail  n'en  est  pas  de  pre- 
mier ordre,  qu'à  cause  de  sa  conservation, 
qui  paraît  exceptionnelle.  C'est  évidem- 
ment un  fragment  de  grande  statue  et, 
comme  l'indiquent  les  oreilles  gonflées, 
la  représentation  d'un  jeune  athlète.  Le 
morceau  se  rattache,  par  des  liens  assez 
lâches,  à  l'art  de  Praxitèle,  et,  sans  que 
nous  soyons  en  droit  de  l'attribuer  au 
maître,  ni  même  à  son  école,  elle  est  cer- 
tainement de  son  temps.  L'éditeur  fait 
remarquer  avec  raison  ce  que  la  facture 
en  a  de  conventionnel  et  l'on  pourrait 
presque  dire  de  «  classique  ».  Pourtant  de  légères  asymétries 
s'y  distinguent  à  la  considérer  de  près  :  c'est  grâce  à  ces  menues 
inventions  de  détail  que- le  sculpteur  évitait  la  monotonie  et  la 
froideur  et  donnait  à  la  fois  de  l'accent  et  quelque  intérêt  aux 
figures  qu'il  modelait. 


(1)  B%ai.  Metrop.  Mus.,  XI,  4  (1916),  p.  81-4,  fig.  1-3,  Robinsoii. 

REG,  XXX,  1917,  n»  137.  iS 


182  A.    DE    RIDDER 

Apollon  lycien.  —  11  y  a  de  bonnes  raisons  pour  attribuer  à 
Praxitèle  l'Apollon  Lykeios,  qui  est  représenté  au  repos,  le 
bras  droit  replié  au-dessus  de  la  tête,  la  main  gauche  tenant 
l'arc  et  la  jambe  de  même  sens  infléchie,  mais  de  manière  que 
la  plante  du  pied  reste  horizoatale.  De  fait,  on  retrouve  dans  la 
statue  le  rythme  particulier  au  maître,  et  le  souple  balancement 
des  membres  n'est  pas  sans  rappeler  l'Hermès  d'Olympie  et 
l'Apollon  sauroctone.  Pausanias  avait  vu  devant  le  Lykeion 
d'Athènes  une  réplique  de  ce  type  qui  s'adossait  à  une  haute 
colonne,  et  les  variantes  en  marbre,  comme  celles  du  Louvre, 
donnent  souvent  au  dieu  un  support  en  forme  de  tronc;  mais  le 
bronze  original  ne  devait  pas  avoir  besoin  d'être  étayé  et,  de 
fait,  quelques  monnaies,  frappées  à  Corinthe,  à  Pellène,  à 
Delphes  et  à  Athènes,  montrent  que  le  prototype  n'avait  de 
soutien  d'aucune  sorte.  Le  motif  devint  vite  populaire,  et  nous 
en  connaissions  plusieurs  variantes.  M.  L.  Gesano  (1)  croit  en 
trouver  une  nouvelle  dans  la  statuette  de  Sutri  dont  nous  avons 
parlé  dans  l'un  des  bulletins  qui  précèdent  (2)  :  l'objet  que 
l'éphèbe  tiendrait  dans  sa  main  gauche  ne  serait  autre  que  le 
bois  de  l'arc. 

Tête  de  Dèmèter.  —  Le  Musée  de  Boston  vient  d'acquérir  (3) 
une  tête  de  déesse  qui  est  malheureusement  assez  mal  conservée, 
mais,  qui,  par  certains  traits,  se  rapproche  de  la  tête  de  Ghios 
que  possède  la  même  collection  et  qui  a  été,  on  s'en  souvient, 
étudiée  par  M.  Marshall  (4).  Le  nouveau  fragment  est  en  marbre 
de  Paros  et  plus  grand  que  nature  ;  le  bloc  dans  lequel  on  Ta 
travaillé  n'était  pas  de  dimension  suffisante,  de  sorte  que  le 
haut  du  crâne  avait  dû  être  rapporté  et  n'a  pas  été  conservé; 
le  cou  devait  de  même  s'encastrer  dans  une  cavité  ménagée  à 
cet  effet.  Les  cheveux,  divisés  par  une  raie  sur  le  front  et  mol- 
li) Bull.  corn,  di  Borna,  XLllI  (1915),  p.  73-98,  pi.  ll-lll,  fig.  1-3. 

(2)  BJFGf.,  XXVII(1914),  p.  319. 

(3)  Muséum  of  Fine  arts  Bulletin,  XIV  (1916),  82,  p.  9-11,  fig. 

(4)  BEG.,  XXIIl  (1910),  p.  194. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE 


183 


lement  ondulés,  sont  couverts  d'une  sorle  de  kékryphale,  qui 
descend  comme  un  voile  sur  le  côté 
gauche,  ce  qui  peut  convenir  à  une 
Dèmèter.  On  remarquera  la  courbe 
prononcée  de  la  face  qui  donne  au 
visage  une  expression  singulière  et 
la  diminution  progressive  des  deux 
orbites  vers  Tangle  extérieur,  trait 
qui  se  retrouve  dans  la  tête  de 
Chios.  Ces  raffinements  d'exécution 
paraissent  marquer  une  date  pré- 
cise et  on  ne  se  trompera  pas  beau- 
coup en  attribuant  la  tête  à  quelque 
disciple  de  Praxitèle  et  en  la  datant  de  350  environ  avant 
notre  ère. 


Tête  de  Rhodes.  —  Une  tête  en  marbre,  d'exécution  médiocre, 
mais  de  conservation  presque  parfaite,  a  récemment  été  décou- 
verte à  Rhodes  sur  le  territoire  de  l'ancienne  capitale  de  l'île 
et  acquise  par  M.  Th.  Leslie  Shear  (d).  Comme  les  cheveux, 

frisés  en  toufles  irrégulières  sur  le 
reste  du  crâne,  se  relèvent  et  se  dres- 
sent en  haut  du  front,  il  est  assez  pro- 
bable, quoique  non  tout  à  fait  certain, 
qu'elle  représente  Hélios.  L'absence 
des  rais  partant  du  bandeau  n'a  rien 
qui  puisse  surprendre  au  début  de  la 
période  hellénistique  :  par  contre,  je 
ne  crois  pas  que  l'éditeur  soit  fondé  à 
tirer  argument  de  la  forme  arrondie  et 
presque  circulaire  que  le  sculpteur  a  donnée  au  visage.  Peut- 
être  est-il  également  hasardeux  d'y  chercher  une  réplique  exacte 
soit  du  colosse  de  Rhodes,  soit  de  l'Hélios  que  Pline  attribue  à 
Lysippe.  Mais  il  ne  semble  pas  douteux  que  la  tête  appartienne. 


(1)  Amer,  joiirn.  of  arch.,  XX  (1916),  p.  283-298,  pi.  VII- VIII,  fig.  1-3. 


184 


A.    DE    HIDDER 


soit  à  la  fin  du  iv'  siècle,  soit  au  début  du  ui«,  et  M.  Shear  insiste 
avec  raison  sur  les  rapports  qu'elle  présente  avec  un  grand 
bronze  de  Copenhague. 

Sculptures  de  l'Artémision.  —  M.  Lethaby  fait  part  au  pu- 
blic (1)  des  observations  que  lui  a  suggérées  l'étude  attentive 
des  tambours  sculptés  et  des  piédestaux  décorés  de  reliefs  qui 
proviennent,  du  second  temple  d'Ephèse.  Il  ne  croit  pas  à  la 
frise  d'entablement  que  Wood  avait  proposé  de  restituer  et  dont 
Wilberga  récemment  et  vainement  tenlé  de  prouver  l'existence. 

Bas-relief  de  Ny-Carlsberg.  —  Un  bas-relief  attique  du  iv*^  siè- 
cle, qui  est  conservé  à  Copenhague,  représente  trois^adorants, 
un  homme  et  deux  femmes,  devant  un  couple  divin  qu'accom- 


i£:gv^:<^^"^  lasaSiiffj^i^ 


pagne  un  échanson.  Le  dieu  couché  tient  la  phiale  et  la  corne 
d'abondance,  la  déesse  est  de  profil  et  assise  au  pied  de  son  lit. 
La  scène,  qui  se  reproduit,  avec  d'insignifiantes  variantes,  sur 
des  milliers  de  «  repas  funéraires  »,  est  des  plus  banales,  et, 
comme  l'exécution  n'en  dépasse  pas  la  moyenne,  le  monument 
ne  mériterait  pas  d'arrêter  l'attention,  n'était  l'inscription  gravée 
sur  son  entablement.  Nous  apprenons  que  l'Athénien  Olym- 

(1)  Jouni.  Hell.  Stud.,  XXXVl  (1916),  p.  25-35,  flg.  1-7. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  185 

piodoros,  sa  mère  Arislomacho  et  sa  fomme  Thfîoris  consacrent 
cet  ex-voto  à  Zens  E]piteleios  Philios,  à  Philia  mère  du  dieu  et 
à  Tychè  Agathe,  son  épouse.  La  première  des  deux  (iéesses  avait 
un  autel  sur  l'Acropole  ;  mais  elle  n'est  pas  représentée  sur  le 
bas-relief,  et,  si  la  dédicace  la  réunit  ainsi  à  Zeus  F]piteleios  et 
la  joint  à  la  Bonne  Fortune,  M.  Blinkenberg  (1)  montre  bien 
qu'il  ne  faut  voir  là  qu'une  forme  de  dévotion  toute  particulière 
et  un  culte  tout  occasionnel.  Il  est  probable  que  le  ménage  était 
sans  enfants  et  qu'il  s'adressait  au  dieu  «  qui  mène  toute  chose 
à  bonne  fin  »  pour  obtenir  que  son  union  ne  restât  pas  stérile. 

Alexandre  de  Cyrène.  —  Une  statue  colossale,  découverte  en 
1914  à  Cyrène,  représente  à  n'en  pas  douter  Alexandre  divinisé; 
mais  les  attributs  ont  en.  partie  disparu,,  de  sorte  qu'il  est 
malaisé  de  déterminer  d'une  manière  plus  précise  le  sens  du 
monument.  M"""  Ada  Maviglia  (2)  suppose  que  le  personnage 
tenait  de  la  main  droite  une  corne  d'abondance  et  de  la  gauche 
un  sceptre  :  ce  serait  un  Hélios,  dieu  auquel  convient  fort  bien 
la  protome  de  cheval  qui  flanque  la  gauche  de  la  base.  Ce  n'est 
naturellement  pas  l'Alexandre  à  la  lance,  mais  il  n'en  serait 
pas  moins  possible  que  Lysippe  fût  l'auteur  du  bronze  original; 
car,  si  le  marbre  de  Cyrène  rappelle  par  le  modelé  de  la  poi- 
trine la  tradition  polyclétéenne,  il  n'y  aurait  rien  là  qui  ne  fût 
parfaitement  conforme  à  ce  que  nous  savons  de  Lysippe.  En 
effet,  pas  plus  que  M.  P.  Gardner  (3),  M'""  Ada  Maviglia  n'at- 
tribue au  sculpteur  l'apoxyomène  du  Vatican. 

Portraits,  hellénistiques.  —  M.  Blum  reconnaît  Ptolémée  IV 
Philopator  sur  un  camée  de  la  Bibliothèque  Nationale,  Ptolé- 
mée VI  Philomètor  sur  les  deux  bagues  en  or  du  Louvre  et 
Antiochos  VIII  Gryposdans  un  buste  trouvée  l'ouest  de  l'Acro- 
pole et  conservé  au  Musée  d'Athènes  (4). 

(1)  Bull.  Acad.  de  Danemark,  1916  (3),  p.  203-9,  pi.  I. 

(2)  Rev.  arch.,  1916,  I,  p.  169-183,  fig.  1. 

(3)  REG.,  XIX  (1916),  p.  160. 

(4)  Rull  corr.  helL,  XXXIX  (1915),  p.  17-32,  pi.  I,  fig.  1-2. 


186  A.    DE    RIDDER 

Vase  Medicis.  —  M.  Hauser,  le  dernier  interprète  de  la  scène 
énigmatique  qui  se  déroule  sur  la  panse  du  cratère  (1),  prenait 
pour  une  Pythie  la  femme  demi-nue  qui  est  assise  par  terre 
devant  le  socle  de  la  statue.  M.  Svoronos  (2)  y  voit  Procris,  qui 
viendrait  d'être  tuée  par  le  javelot  infaillible  de  Kephalos  : 
la  divinité  au  chiton  court  serait  Athèna  Areia,  patronne  et 
présidente  de  l'Aréopage.  Les  juges  seraient  représentés  par 
Ares,  debout  à  gauche  et  voisin  de  la  victime.  Les  deux  parties, 
dont  les  pieds  relevés  posent  sur  le  XiQoç  îiêpEwç  et  le  )iQoç 
àvat.5£'laç,  seraient,  d'une  part,  Kephalos,  le  meurtrier  involon- 
taire, de  l'autre,  le  père  de  la  morte,  Erechthée.  Le  tableau 
serait  complété  à  gauche  par  les  compagnons  du  chasseur 
dans  sa  campagne  contre  les  ïaphiens,  Amphitryon,  Heleios 
et  Panopeus  :  à  droite  serait  Boutés  et  la  représentation,  qui 
est  incomplète  sur  le  vase  Médicis,  pouvait  comprendre 
encore  sur  l'original  Praxithea,  la  mère  d'Erechthée  et  de 
Boutés,  ses  deux  filles  enlacées,  Procnè  et  Philomèle  et 
jusqu'à  son  époux,  le  vieux  roi  Pandion.  Un  dessin  conservé  à 
la  bibliothèque  de  Windsor  (3)  semble  prouver  qu'il  faut  ajouter 
ces  quatre  personnages  à  la  scène  dont  le  cratère  ne  nous 
offrirait  qu'un  extrait. 

Relief  de  Rhodes.  —  Outre  d'intéressantes  stèles  attiques  ré- 
cemment acquises  par  le  British  Muséum,  M.  A.  H.  Smith  fait 
connaître  un  fragment  de  grande  composition  (4),  qui  rentre 
dans  une  série  déjà  connue  par  d'assez  nombreux  exemplaires. 
Le  nouveau  monument  a  été  découvert  à  Rhodes  et  représente 
un  guerrier  de  profil  à  gauche,  la  main  gauche  à  la  hanche,  et  la 
droite  tenant  une  pique  baissée.  Un  serpent  s'enroule  au  second 
plan  derrière  la  pointe  de  la  lance  et  au  pied  d'une  colonne,  que 
surmonte  un   vase  fermé  par  un  couvercle.  La  composition 

(1)  REG.,  XXVIII  (1915),  p.  201-2. 

(2)  Journ.  int.  d'arch.  numism.,  XVI  (1914),  p.  213-254,  pi.  VIII-X,  fig.  1. 

(3)  Rœm.  Mittheil.,  XXIV  (1909,  p.  189-191,  fig.  8. 

(4)  Journ.  Hell.  Stud.,  XXXVI  (1916),  p.  66-86,  pi.  III,  fig.  1-15  (le  bas-relief  de 
Rhodes  fig.  12,  p.  81). 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE 


187 


complète,  sur  un  autre  bas-relief  du  British  Muséum,  com- 
prend de  plus  un  clieval  passant  à  droite  du  guerrier  et,  à 
sa  gauche,  un  personnage  faisant  une  libation  :  le  cippe,  au  lieu 
du  vase,  porte  un  trophée.  Ailleurs  une  Victoire  se  dresse  sur 
la  colonne  et  tient  un  aplustre,  de  sorte  que  l'ex-voto  pourrait 
commémorer  une  victoire  navale.  Tous  ces  monuments  sont 
archaïstiques  et  quelques-uns  de  date  assez  basse;  car,  pour  l'un 
d'eux  au  moins,  nous  avons  la  preuve  qu'il  fut  remployé  pour 
être  sculpté,  et  à  une  date  qui  ne  peut  être  antérieure  au  ii^  siè- 
cle avant  notre  ère. 

Tête  romaine.  —  Le  Musée  de  New-York  vient  d'acquérir  (1) 
un  beau  portrait  qui  date  de  l'époque  flavienne.  Le  réalisme 
n'en  a  rien  de  sec  et  d'agressif,  bien  que  la  ressemblance  en 


ait  été,  sans  nul  doute,  exacte  et  parfaite.  L'homme,  déjà  d'un 
certain  âge,  a  la  bouche  grande  et  lippue,  les  joues  flasques, 
les  oreilles  difformes  et  le  front  bossue  ;  les  cheveux,  ramenés 
par  devant,  ne  sont  marqués  que  sur  les  bords  de  la  calotte 
crânienne  :  bien  que  toute  trace  de  couleur  ait  aujourd'hui  dis- 
paru, il  est  probable  que  la  polychromie  devait  collaborer  jadis 
à  l'œuvre  du  sculpteur. 

Statues  de  culte.  —  Non  seulement  les  statues  chryséléphan- 

(1)  Bull.  Metrop.  Mus.,  XI,  2,  (1916),  p.  39,  fig.  1. 


188  A.    DE    RIDDER 

tines  ne  sonl  pas  venues  jusqu'à  nous,  mais  les  repr(^sentations 
(le  pierre  ou  de  marbre,  qui  en  teuaient  lieu  dans  les  sanc- 
tuaires plus  modestes,  ont  elles-mêmes  presque  toutes  disparu. 
C'est  ce  qui  donne  quelque  importance  à  la  découverte  que 
M.  Merlin  vient  de  faire  à  Thuburbo  Majus,  où  des  restes 
importants  on(  été  mis  au  jour  du  Jupiter  assis  qui  ornait  autre- 
fois la  capitale  de  la  ville  romaine.  La  tête,  assez  bien  con- 
servée, n'a  pas  moins  d'I  m.  35  de  haut  et  les  pieds  sont  longs 
d'I  m.  15  :  la  statue,  lorsqu'elle  était  complète,  devait  avoir 
environ  7  mètres  de  hauteur  (1). 

Caducée.  —  On  considère  d'ordinaire  le  caducée  d'Hermès 
comme  n'étant  à  l'origine  qu'un  simple  bâton  de  berger  recourbé 
à  la  tête  et  orné  de  bandelettes,  d'où  l'idée  serait  venue  tout 
naturellement,  à  cause  de  la  ressemblance  des  formes,  de  le 
terminer  par  des  avant-corps  de  serpents.  M.  Frothingham  (2) 
estime,  au  contraire,  que  l'attribut  a  de  lointaines  origines  orien- 
tales et  qu'il  faut  y  voir  la  transformation  d'un  dieu  serpent.  De 
fait,  sur  les  monnaies d'Hierapolis,  où  il  paraît  accosté  d' A targa- 
tis  et  d'Hadad,  il  est  bien  un  membre  essentiel  de  la  triade 
divine  :  on  le  comprend  sans  peine  ;  car  le  serpent,  de  très 
bonne  heure,  est  le  signe  et  le  symbole  de  la  vie,  d'où  le  sens 
que  le  caducée  aurait  dans  les  mains  d'Hermès,  le  dieu  psy- 
chopompe par  excellence. 

Le  bon  pasteur.  —  Les  représentations  du  bon  pasteur  ras- 
sortissent à  peine  à  l'art  grec  et  relèvent  plutôt  de  l'art  chré- 
tien. Aussi  nous  ne  ferons  que  signaler  une  statue  que  publie 
M.  Sotiriou.  Sa  provenance  exacte  est  inconnue;  mais  elle  paraît 
avoir  été  trouvée  en  Grèce,  et  il  est  probable  qu'elle  y  a  été 
travaillée,  peut  être  même  sort-elle  d'un  atelier  attique.  Elle 
diffère  des  dix  autres  statues  semblables  que  nous  connaissons 
à  l'heure  présente  par  l'extrême  jeunesse  du  Pasteur  et  par  la 

(1)  Bull,  du  Comité,  1915,  pi,  XXII,  p.  cxxx,  clvii-viii. 

(2)  ^mer.  ./o?/m.  o/ r/rc/?,.,  XX  (191fi).  p.  114-211,  fig.  1-41. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  189 

nébrido  qui  traverse  obliquemenl  sa  poitrine.  De  plus,  elle  a 
le  visage  présenté  de  face,  et  le  levers,  au  lieu  d'ôlre  percé  d'un 
trou  comme  dans  la  majorilé  des  répliques,  est,  au  contraire, 
soutenu  par  un  étai  en  forme  de  tronc.  L'édileiir  donne  à  la 
statuette  une  date  relalivement  basse  et  l'atlribue,  pour  d'assez 
bonnes  raisons,  à  la  (in  du  ni^  siècle  (i). 


III.  —  Fresques.  Vases  peints. 

Fresques  de  Pompei.  —  Après  avoir  été  quelque  temps  tenues 
sous  le  boisseau,  les  peintuies  de  la  villa  Gargiulo-Item  (2) 
viennent,  avant  même  la  publication  définitive,  d'être  étudiées 
à  diverses  reprises,  mais,  semble-t-il,  avec  plus  d'application 
que  de  succès.  Que  les  fresques  du  triclinium  composent  l'un 
des  ensembles  les  plus  saisissants  qu'on  doive  à  la  peinture 
pompéienne,  tout  le  monde  est  d'accord  sur  ce  point  ;  mais  toute 
l'ingéniosité  des  archéologues  n'a  pas  jusqu'ici  réussi  à  en  expli- 
quer le  sujet  d'une  manière  qui  soit  pleinement  satisfaisante. 
La  raison  paraît  en  être  que  la  composition  originale  était  sans 
nul  doute  plus  complète  :  pour  l'adapter  aux  dimensions  de  la 
salle,  le  décorateur  a  dû  éliminer  des  parties  essentielles,  ce 
qui  a  pu  le  porter  à  rapprocher  arbitrairement  des  éléments  qui 
étaient  dissociés  dans  le  prototype.  Beaucoup  d'intentions  lui 
sont  ainsi  probablement  prêtées  qu'il  n'a  jamais  eues,  et  c'est 
gratuitement  qu'on  veut  découvrir  un  sens  abstrus  et  profond 
là  oii  il  n'a  dû  chercher  qu'un  effet  pittoresque.  Sous  ces  réserves, 
on  lira  avec  intérêt  l'essai  de  M.  Rizzo  sur  la  décoration  du 
triclinium  (3).  Sur  la  paroi  gauche  se  succéderaient  l'initiation 
de  Bacchos  enfant  aux  mystères  orphiques,  des  prêtresses  du 
culte,  un  Panisque  jouant  de  la  flûte,  une  «  Satyrisque  »  allai- 

(1)  'E-pfifjL.  'ApxaioX.,  1915,  p.  34-43,  fig.  1-6. 

(2)  fifîG.,  XXIV  (1911),  p.  197-8. 

(3)  Memorie  d.  R.   Accad.  di  Archaeol.,   Lett.   e   B.   Arti.,   Naples,  III  (1914), 
p.  37-102  (1-66),  pi.  1-IV,  fîg.  1-28. 


190  A.    DE    RIDDER 

tant  un  chevreau  et  une  Ménade  fuyant  vers  la  gauche.  Au  fond, 
un  Silène  tendrait  un  hol  à  un  Satyre,  un  autre  Satyre  élève- 
rait en  l'air  un  masque  comique,  Dionysos,  l'un  des  pieds  rituel- 
lement déchausse',  reposerait  étendu  sur  le  sein  d'une  déesse 
assise  qui  pourrait  être  Perséphone  et  une  Ménade,  agenouillée 
au  premier  plan,  soulèverait  le  voile  qui  recouvre  le  vase  mys- 
tique, tandis  qu'une  figure  ailée  dont  le  torse  est  nu,  peut-être 
Adrasteia,  ferait  un  signe  de  réprobation  et  détournerait  la  tête 
en  menaçant  la  Bacchante  de  sa  baguette.  Sur  la  paroi  de  droite, 
une  Ménade,  échevelée  et  demi-nue,  agenouillée  à  droite,  se 
cache  le  visage  sur  les  genoux  d'une  femme  assise  et,  devant 
une  figure  d'arrière-plan,  une  autre  Ménade,  entièrement  nue, 
danse  en  jouant  des  cymbales.  Toutes  ces  scènes  auraient  un 
sens  dionysiaque  et  secret  qui  justifierait  le  titre  de  Dionysos 
Mystès  que  Fauteur  donne  à  son  essai.  —  M.  Pottier  (1)  en 
accepte  l'essentiel  dans  un  article  récent  qu'il  a  consacré  au 
même  sujet.  Seulement  il  remplace  par  Iakchos  le  jeune  Dio- 
nysos lisant  un  rituel  orphique,  et  il  voit  dans  la  compagne  du 
dieu  Ariane,  au  lieu  de  Corè  ;  enfin  il  ne  croit  pas  que  la  Ménade 
de  la  paroi  gauche  fuie  devant  l'Adrasteia  du  fond,  qui,  pour 
lui,  serait  peut-être  une  Iris  et  qui  exprimerait  à  sa  manière 
les  sentiments  de  réprobation  que  les  Romains  éprouvèrent 
tout  d'abord  à  l'endroit  des  symboles  grossiers  de  la  religion 
dionysiaque. 

Vases  de  Crète.  —  Des  sondages  effectués  à  Atsipada  (2),  dans 
l'éparchie  d'H.  Vasilios,  ont  mis  au  jour  des  vases  mycéniens 
tardifs,  tels  que  des  amphores  à  étrier,  qui  ne  mériteraient  pas 
d'être  autrement  signalés,  si  l'inventeur  n'avait  fait  à  leur 
sujet  une  observation  intéressante.  Il  a  pu  constater  que  les 
ossements  d'enfants,  qui  étaient  généralement  renfermés  dans 
les  vases  de  cette  nécropole,  n'étaient  pas  seulement  contenus 
dans  les  grandes  jarres  oii  on  les  rencontre  d'ordinaire.  S'il 

(1)  Rev.  archéoL,  1915,  II,  p.  321-347,  fig.  1-9. 

(2)  'EcpfiiJL.  'ApyaioX.,  1915,  p.  48-50,  fig.  1-3. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  191 

faut  en  croire  son  rapport,  il  en  aurait  également  découvert 
dans  de  très  petits  récipients  qui  n'auraient  pas  mesuré  plus  de 
0  m.  10  à  0  m.  15  de  hauteur.  A  vrai  dire,  le  fait  mérite  confir- 
mation ;  car,  d'après  son  témoignage,  il  n'a  guère  exhumé  que 
des  fragments  de  poteries,  Targile  de  celle  céramique  étant  1res 
friable  et  paraissant  s'être  mal  conservée. 

Amphores  du  Dipylon.  —  M""  Gisela  Richler  fait  connaître, 
en  les  accompagnant  d'un  bon  commentaire,  les  deux  grandes 
amphores  attiques  que  possède  le  Musée  de  New-York.  On  sait 
que  ces  récipients  se  dressaient  au-dessus  des  tombeaux  et  ne 
servaient  pas  seulement  d'emblèmes  ou  de  cr'/JjjLaTa,  mais  de 
vases  à  libations  ;  car  le  fond  en  était  percé,  pour  que  les  liquides 
versés  en  guise  d'offrande  pussent  parvenir  jusqu'aux  morts. 
Le  décor  est  celui  qu'on  rencontre  d'ordinaire  sur  celte  sorte  de 
vases  :  des  chars  traînés  par  un,  par  deux  ou  par  trois  chevaux, 
et  des  guerriers  et  des  pleureuses,  s'alignant  en  deux  rangées 
superposées  au-dessous  ou  aux  côtés  du  cadavre,  qui  est  exposé 
sur  un  lit  d'apparat,  sous  un  grand  baldaquin.  Aux  pieds  du 
mort,  sur  l'un  des  exemplaires,  une  femme  assise  tient  un 
enfant,  tandis  que  deux  autres  enfants  sont  représentés  au- 
dessus  de  la  bière.  Sur  l'autre  vase,  dix  pleureuses  sont  assises 
en  bas  du  cercueil  et  deux  enfants  (?),  dont  l'un  assis  et  l'autre 
debout,  sont  figurés  au  chevet  et  aux  pieds  du  défunt  (1). 

Coupes  à  figures  noires.  —  J'ai  signalé  à  diverses  reprises  les 
fouilles  anglaises  de  Rhitsona  (2)  et  la  belle  moisson  de  décou- 
vertes récollée  dans  cette  nécropole  béotienne.  Outre  la  céra- 
mique indigène,  à  fond  blanchâtre  et  à  décor  bigarré,  dont  la 
date  est  beaucoup  plus  basse  qu'on  ne  le  croyait  d'ordinaire, 
beaucoup  de  vases  avaient  été  importés  d'Altique  et,  parmi  eux, 
de  nombreuses  coupes  à  figures  noires.  M.  Ure,  qui  a  publié 
avec  beaucoup  de  soin  les  objets  découverts  dans  les  fouilles, 

{\)  Amer,  journ.  of  arcfi.,  XIX  (1915),  p.  385-397,  pi.  XVlI-XXill,  Gisela  M.  A. 
Richter. 

(2)  REG.,  XXIII  (1910),  p.  204,  214,  XXVI  (1913),  p.  421. 


102  A.    DE    RTDDER 

s'est  attaché  à  distinguer  d'une  manière  pins  précise  qu'on  ne 
l'avait  fait  avant  lui  les  six  variétés  principales  des  coupes 
attiques.  Toutes  sont  bien  représentées  à  Rtiitsona  (1)  ;  mais  elles 
le  sont  plus  ou  moins  abondamment,  ce  qui  peut  servir  de  cri- 
térium pour  reconnaître  les  diverses  écoles  ou  les  diiïérents 
ateliers  de  production.  A  ce  propos,  M.  Ure  examine  en  passant 
la  question  disputée  des  coupes  «  laconisantes  »  ;  les  rapports 
indéniables  qui  rattachent  certaines  coupes  à  figures  noires  aux 
vases  de  Laconie  ou  de  Gyrène  peuvent,  à  l'en  croire,  s'expli- 
quer par  l'imitation  commune  de  modèles  ioniens. 

Psykter  d'EutJi/ymidrs.  —  Deux  bons  dessins  nous  sont  don- 
nés d'un  vase  qui  n'est  pas  inédit,  mais  qui  avait  disparu  et 
que  l'on  croyait  perdu.  M.  Rizzo  vient  de  le  retrouver  au  Musée 
de  Turin,  el  il  en  a  confié  la  publication  à  M.  Hoppin  (2),  auteur 
d'un  bon  essai  sur  Eulhymidès.  Les  vases  signés  par  ce  peintre 
étant  fort  rares  (on  n'en  connaît  encore  que  cinq),  on  conçoit 
qu'il  importe  d'en  avoir  des  reproductions  exactes.  Les  inscrip- 
tions tracées  sur  le  psykter  semblent  l'être  avec  négligence  :  il 
est  possible  que,  comme  le  conjecture  M.  Pottier  elles  soient 
dues  à  un  élève  du  maître.  S'il  en  était  ainsi,  Tsuys  va'/^t.,  dont 
on  avait  fait  grand  état,  perdrait  beaucoup  de  son  importance 
et  il  faudrait  y  voir  un  simple  témoignage  d'admiration  décerné 
par  un  disciple  au  lieu  d'un  brevet  de  perfection  que  le  maître 
se  serait  donné  à  lui-même.  On  peut  d'ailleurs  interpréter 
autrement  l'exclamation  et  l'entendre  de  l'exploit  qu'accomplit 
l'agoniste  Thésée. 

Epeleios.  —  Le  collège  de  Bryn  Mawr  possède  une  petite 
collection  de  vases  peints,  parmi  lesquels  on  remarque  un 
kyathos  avec  la  signature  de  Nicosthènes  et  une  coupe  à  figures 
rouges  de  style  sévère,  découverte  à  Vu  Ici  par  M.  Gsell,  dans  les 
fouilles  qu'il  dirigea  sur  les  terres  et  pour  le  compte  du  prince 

(1)  'E'f-nfx.  ^Ap/aioX.,  1915,  p.  114-127,  fig.  1-25. 

(2)  Journ.  Hell.'stud.,  XXXV  (191oj,  p.  189-195,  pi.  V-VI. 


BULLETIN    AHCIIÉOLOGIULE  193 

ïorlonia.  La  kylix  porte  le  nom  du  l)el  J^^peleios,  que  nous 
retrouvons  sur  quatre  vases,  dont  deux  à  Munich  et  deux 
autres  au  Musée  de  New-York.  Le  décorateur,  sans  ôtre  un 
grand  artiste,  dessinait  avec  soin  et  avec  une  liabileté  relative, 
mais  était  d'une  reniaïquable  pauvreté  d'imugination.  Les 
mêmes  personnages  sont  silhouettés  par  lui,  exactement  dans 
les  mêmes  attitudes,  à  deux  ou  trois  figures  d'intervalle  :  évi- 
demment le  peintre  n'avait  à  sa  disposition  qu'un  très  petit 
nombre  de  modèles  et  il  a  tâché  d'en  tirer  le  meilleur  parti 
qu'il  pouvait.  Peut-être,  comme  le  suppose  Maiy  Hamilton 
Swindler  (1),  travaillait-il  dans  l'atelier  de  Cachrylion. 

Stamnos  de  Vignanello.  —  Une  tombe  à  dromos,  récemment 
découverte  à  Vignanello,  à  la  lisière  du  leiritoire  falisque, 
avait  été  déjà  explorée  et  vidée  d'une  partie  de  son  contenu. 
On  y  a  cependant  découvert   encore  un  fragment  de  vase  à 


parfum  qui  porte  la  signature  de  Gharinos  et  un|beau  stamnos 
à  figures  rouges  (2),  que  M.  Giglioli  attribue  à  l'école  d'Euthy- 
midès.  Sur  la  face  principale,  paraît  être  représentée  l'ambas- 
sade des  Grecs  auprès  d'Achille.  Suivant  une  conjecture  ingé- 
nieuse de  l'éditeur,  Ulysse  tendrait  au  héros  un  casque  et  un 

(1)  Amer.  Journ.  of  archseoL,  XX  (1916),  p.  322-331,  fig.  10-2. 

(2)  Not.  degli  scavi,  1916,  p.  46-32,  fig.  5-7. 


194  A.    DE    RIDDER 

glaive  pour  lui  rappeler  sa  gloire  passée  et  le  persuader  de 
revenir  dans  la  mêlée  ;  Patrocle  et  Phœnix  seraient  figurés, 
Tun  devant  l'autel  et  l'autre  derrière  iVchille. 

Coupe  d'Euphronios.  —  De  bonnes  reproductions  nous  sont 
données  de  la  coupe,  tournée  par  Euphronios,  que  possède  le 
Musée  de  New-York.  A  l'intérieur,  Héraclès  s'avance  vers  la 


gauche,  vêtu  d'un  chiton  court  et  plissé,  la  tête  coiffée  d'un 
mufle  de  lion,  la  peau  du  monstre  nouée  sur  la  poitrine  :  il 
appuie  la  main  droite  sur  la  massue,  et  sa  main  gauche  tient 
l'arc  et  la  flèche  (1).  Le  héros  est  suivi  d'un  jeune  enfant, 
chaussé  de  hautes  bottines  lacées,  coiffé  d'un  grand  chapeau  et 

(1)  Amer,  journ.  of  archœoL,  XX   (1916),  p.  125-133,   pi.  II-Vl,  fig.  1,  Gisela 
M.  Richter. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  195 

portant  une  outre  suspendue  à  un  bâton  de  voyage  :  on  peut  y 
voir  lolaos,  Hylas,  Ilyllos  ou  un  simple  serviteur.  A  l'extérieur, 
l'un  des  côtés  montre  la  lutte  d'Héraclès  contre  les  quatre  fils 
d'Eurytos,  sujet  assez  rare  et  que  le  peintie  de  la  kylix  paraît 
avoir  traité  d'une  manière  originale.  Deux  lits  servent  de  fond 
à  la  scène  et  le  héros  assomme  de  ses  poings  fermés  le  jeune 
Clytios,  pendant  qu'arrivent  à  la  rescousse  Iphitos  et  deux  de 
ses  frères,  dont  l'un  porte  une  pardalide.  Au  revers  était  repré- 
sentée la  mort  de  Busiris,  avec  l'autel  traditionnel  :  deux  per- 
sonnages s'enfuient  de  part  et  d'autre  du  roi,  qui  semble 
s'aiïaisser  dans  une  pose  hardie,  dont  l'ait  grec  nous  a  montré 
beaucoup  d'exemples.  Si  la  surface  de  la  coupe  était  mieux 
conservée,  il  n'en  est  pas  peut-être  qui,  dans  l'atelier  d'Euphro- 
nios,  nous  eût  mieux  fait  connaître  l'artiste  inconnu  qui  célé- 
brait, sur  les  vases  qu'il  décorait,  la  beauté  du  jeune  Panaitios. 
La  kylix  permet  du  moins  d'admirer  la  lière  silhouette  du 
héros,  marchant  calme  et  confiant  dans  sa  force,  la  tête  puis- 
sante et  animée  d'une  vie  singulière.  De  petits  détails  de  tech- 
nique, comme  les  lacets  rouges  du  jeune  compagnon  d'Héraclès, 
se  retrouvent,  par  exemple,  dans  la  Dolonie  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  qui  est  sortie  du  môme  atelier  et  qui  a  pu  être  des- 
sinée par  la  même  main. 

Le  maître  de  Penthésilée.  —  La  belle  coupe  de  Munich  où  est 
représentée  la  mort  de  Penthésilée  ne  porte  pas  de  signature, 
ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'être  d'un  art  assez  caractéristique 
pour  que  certains  critiques  n'hésitent  pas  à  reconnaître  la  main 
de  son  auteur  dans  d'autres  peintures  à  figures  rouges  qui  sont 
restées  également  anonymes.  Une  première  liste  avait  déjà  été 
donnée  par  Furtwa^ngler  et  par  Hartwig.  Une  récente  étude  de 
Mary  Hamilton  Swindler  l'augmente  de  dix-sept  exemplaires  : 
L'auteur  y  reproduit  un  beau  couvercle  (?)  de  Boston,  ainsi 
qu'une  singulière  pyxis  de  New-York,  les  deux  peintures  étant 
sur  fond  blanc  (1). 

(1)  Amer,  journ.  of  archœoL,  XIX  (1915),  p.  398-417,  pi.  XXIV-XXX,  fig.  1-9. 


196 


A.    DE    KIDDER 


Le  vase  Tyszkieioicz.  —  Un  cratère  de  rancienne  collection 
Tyszkiewicz  (1),  aujourd'hui  au  Musée  de  Boston,  montre,  sur 
l'une  de  ses  faces,  le  combat  d'Achille  et  de  Memnon,  sur 
l'autre  celui  de  Diomède  et  d'Enée.  M.  Heazley  croit  reconnaître 
la  main  de  Tartiste  qui  Fa  décoré  sur  des  cratères  de  formes 
diverses,  sur  des  stamnoi,  des  hydries,  des  amphores,  des  péli- 
kés  et  môme  sur  un  curieux  gullus  de  Boston  à  sujet  funéraire. 
Ce  serait  d'ailleurs  un  assez  pauvre  dessinateur;  mais,  comme 
M.  Beazley  ne  nous  dit  pas  les  caractères  pai-ticuliers  qui  le  dis- 
tingueraient, nous  ne  pouvons  que  signaler  ici  son  hypothèse. 

Lécythes  du  Louvre.  —  Un  lécylhe,  récemment  acquis,  met 
en  scène  Thanatos,  non  plus  le  dieu  aux  traits  purs,  qui, 
accompagné  d'Hypnos,   porte  pieusement  le  corps  des  héros, 


mais  le  démon  ravisseur,  aux  mains  avides,  au  nez  en  bec 
d'aigle  et  au  front  plissé  de  rides,  que  s'efforce  en  vain  de  fuir 
une  jeune  morte,  surprise  devant  sa  stèle  à  deux  degrés.  Her- 
mès, assis  sur  la  droite,  assiste  tranquillement  à  ce  drame,  où 
le  dieu  du  trépas  apparaît  en  triomphateur,  barbare  et  mena- 
çant. Euripide  le  dépeint  à  peu  près  de  même  dans  son  Alceste, 
représentée  en  438;  mais  il  est  fort  douteux  que  le  peintre  du 

(1)  Amer,  journ.  ofarchœol.,  XX  (1916),  p.  144-153,  fig.  1-8. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE 


197 


vase  se  soit  inspiré  du  poète.  C'était  d'ailleurs  un  artiste  habile, 
mais  assez  négligent,  qui,  lorsqu'il  avait  corrigé  un  uiouvement 
qu'il  jugeait  mal  dessiné,  ne  trouvait  pas  nécessaire  d'eiracer 
la  première  esquisse,  ce  qui  prouve  à  la  fois  son  souci  d'exac- 
titude et  le  peu  de 
prix  que  les  Anciens 
attachaient  à  ces  of- 
frandes éphémères.  — 
Sur  un  autre  lécythe, 
une  femme  est  age- 
nouillée devant  la  stè- 
le, posture  assez  rare 
dans  l'antiquité  et  à 
laquelle  nous  avons  vu  (2)  que  les  Grecs  répugnaient  d'ordi- 
naire. Le  corps  de  la  suppliante  paraît  entièrement  nu,  mais 
il  n'est  pas  douteux  qu'une  teinte  plate,  moins  consistante, 
avait  été  passée  sur  la  silhouette  et  a  aujourd'hui  disparu.  Ce 
qui  suffirait  à  le  prouver  est  que,  sur  un  troisième  vase,  une 
femme,  debout  à  droite,  ne  semble  au  premier  abord  vêtue  que 
d'un  himation  qui  enveloppe  le  bas  du  corps.  Mais,  en  y  regar- 
dant de  plus  près,  on  aperçoit  sur  la  poitrine  des  traces  cer- 
Itaines  d'un  chiton  transparent,  serré  à  la  taille  par  une  cein- 
[ture.  Beaucoup  de  dessinateurs  antiques  avaient  l'habitude  de 
fdessiner  le  corps  nu  sous  l'étoffe  :  ils  étaient  par  là  sûrs  de  leur 
lise  en  place  et  la  composition  y  gagnait  en  équilibre.  Enfin 
in  dernier  vase  montre,  près  de  la  stèle,  deux  grêles  arbris- 
^€eaux  qui  indiquent  discrètement  le  lieu  de  la  scène. 


IV.  —  BroxNZes.  Terres  cuites. 
Discoboles.  —  M.  E'velyn  White  (3)  reconnaît  deux  disco- 


(1)  Monuments  Piot,  XXII  (1916),  p.  35-53,  pi.  II-VI,  Pottier. 

(2)  REG.,  XXV  (1912),  p.  380. 

(3)  Journ.  ttell.  Stud.,  XXXVI  (1916),  p.  16-24,  pi.  l-II,  flg.  1-3. 

REG,  XXX,  1917,  n«  137. 


14 


198 


A.    DE    KIDDER 


boJes  dans  deux  intéressantes  statuettes  de  bronze,  trouvées 
l'une  et  l'autre  sur  l'Acropole,  au  Sud  du  Parthénon.  Le  pre- 
mier agoniste,  dont  le  corps  se  penche  vers  la  droite,  porte  la 
jambe  droite   en  avant  et  lève  la  main   gauche  au-dessus  de 

•  l'épaule.  La  main  droite  n'est  pas 
conservée;  mais  le  bras  de  même 
^1  sens  est  à  la  fois  baissé  et  à  demi 
jfljpr  .  tendu.  Nous  connaissons  bien  quel- 
ques repi'ésenlations  analogues  de 
discoboles  ;  mais  le  haut  du  corps 
y  est  droit  et  d'aplomb  ;  de  plus,  le 
pied  gauche,  au  lieu  de  poser  à  plat 
sur  le  sol,  est  jeté  franchement  en 
ai'iière  et  porte  sur  les  orteils.  Mal- 
gré ces  divei'gences,  il  est  possible 
cependant  que  M.  White  ait  raison. 
—  L'autre  hguiine  est  plus  énig- 
matique  encore.  Les  deux  jambes  y 
sont  pliées  aux  genoux,  la  droite 
plus  bas  que  la  gauche  :  encore  le 
seraient-elles  plus  en  réalité  que 
la  planche  ne  le  montre;  car  l'au- 
teur estime  que  le  bronze  a  été  indûment  redressé.  Le  bras 
droit  est  levé,  mais  retourné  de  manière  à  présenter  la  face 
plate  de  l'avant-bras  ;  le  bras  gauche  devait  être  plutôt  écarté 
que  levé  ;  enhn  la  tête,  au  lieu  de  suivre  le  mouvement  du 
torse,  nous  apparaît  tout  entière  et  dans  un  aplomb  parfait, 
quoiqu'elle  soit  moins  dressée  en  réalité  qu'il  n'apparaît  sur  la 
figure.  Le  motif,  dans  ces  conditions,  est  très  difficile  à 
expliquer.  J'avais  vu  successivement  dans  la  figurine  un  cou- 
reur, un  discobole  et  un  sauteur,  et  je  m'étais  arrêté  à  cette 
dernière  hypothèse,  que  rejette  M.  White,  pour  cette  raison 
assez  plausible  que  les  deux  bras  ne  sont  pas  exactement  paral- 
lèles. C'est  pour  lui  un  discobole,  qui  se  prépare  à  prendre  l'at- 
titude si  bien  saisie  par  Myron  :  déjà  ses  genoux  fléchissent,  sa 


BULLETIN    AHCHÉOLOGIQUE 


J99 


main  droite  brandit  en  avant  le  disque  et  le  bras  gaiicbe  com- 
mence le  mouvement  giratoire  qui  l'amènera  en  avant  et  le 
fera  servir  de  contre-poids  à  Faction  violente  de  l'autre  bras.  — 
Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  conjecture,  M.  While  rend  toute 
justice  à  la  singulière  habileté  de  main  dont  témoignent  encore 
les  deux  figurines,  malgré  l'abominable  traitement  que  les 
conservateurs  d'Athènes  ont  intligé  à  tous  les  bronzes  trouvés 
sur  l'Acropole.  J'avais,  dans  mon  catalogue,  donné  à  l'école 
d'Eginc  la  seconde  et  la  plus  parfaite  des  deux  statuettes. 
M.  White  croit  plutôt  qu'elle  a  élé  fabriquée  à  Athènes  :  j'ac- 
cepte d'autant  plus  volontiers  sa  suggestion  que  je  m'étais,  dès 
1897,  rallié  spontanément  à  la  même  opinion,  dans  un  article 
que  M.  White  n'a  pas  connu  (1). 

Buste  de  nèyre.  —  Parmi  les  bronzes  qui  ont  récemment  été 
mis  au  jour  dans  le  pistinnum  d'Ostie, 
une  applique  (2)  représente  un  jeune 
esclave  nègre,  la  face  tournée  vers  la 
droite.  Le  visage  en  est  expressif  et 
vivant  et  le  bronzier  n'a  eu  garde  d'ou- 
blier la  loupe  assez  forte  qui  surmonte 
l'œil  droit.  De  même,  il  a  reproduit 
avec  soin  les  différentes  pièces  du  cos- 
tume servile,  à  la  fois  la  tunique  de 
travail  et  la  jiœnula,  dont  le  capuchon 
est  rabattu  par  devant.  Il  ne  semble 
nullement  nécessaire  d'attribuer  le 
petit  monument  à  la  main-d'œuvre 
alexandrine  :  il  a  dû  être  fait  à  Rome  ou,  tout  au  moins,  en 
Italie. 


Outils  en  fer.  —  Le  spécialiste  qu'est  M.  Champion  a  dessiné 
et  déterminé  les    outils   en    fer    que    renferme   le    musée   de 


(1)  Bull.  corr.  helL,  XXI  (1897),  p.  253-4. 

(2)  Not.  d.  scavi,  1915,  p.  256-7,  fig.  20,  G.  Calza. 


200 


A.    DE    KIDDEK 


S*-Germain  (1).  Ces  petits  monuments,  d'ordinaire  mal  conser- 
vés, ont  rarement  retenu  l'attention  des  archéologues  ;  aussi 
devons-nous  être  reconnaissants  à  M.  Champion  du  soin  et  de 
l'attention  qu'il  a  mis  à  les  étudier. 

Terre  cuite  de  Syracuse.  —  Les  belles  fouilles  que  M.  Orsi 

a  pu  diriger  près  de  la 
cathédrale  de  Syracuse 
ont  livré  une  abon- 
dante moisson  archéo- 
logique dont  quelques 
spécimens  nous  sont 
donnés  dans  les  Noti" 
zie  (2).  L'un  des  plus 
remarquables  est  une 
acrotère  archaïque, 
que  décore  une  Gor- 
gone courant  vers  la 
gauche.  Le  monstre, 
dont  la  tête  est  de  face, 
tient  dans  la  main  droite  un  petit  cheval  ailé,  sans  nul  doute 
Pégase.  Les  couleurs  sont,  paraît-il,  fort  bien  conservées,  et  la 
beauté  de  l'exécution  ferait  de  ce  morceau  l'un  des  meilleurs 
fragments  architectoniques  que  nous  ait  laissés  l'antiquité. 


Gorgoneion.  —  Le  musée  d'Haï myros  possède  une  lampe  en 
terre  cuite  (3),  trouvée  à  Phères  et  décorée  à  la  partie  supérieure 
d'un  masque  de  Gorgone.  La  tète  est  de  beau  style,  les  cheveux 
sont  ondulés  et  frisés,  le  front  surmonté  d'ailettes  et  le  cou 
entouré  d'un  collier  noue  en  son  milieu,  reste  et  souvenir  des 
serpents  qui  accompagnent  d'ordinaire  la  protome.  M.  Gian- 
nopoulos  a  su  reconnaître  la  représentation  ;  mais  il  a  tort  de 


(1)  Rev.  arch.,  1916,  I,  p.  216-246,  pi.  I-XVI. 

(2)  1915,  p.  nS,  fig.  1. 

(3)  'E'fTi{i.  'ApxatoX.,  1915,  p.  72-4,  fig.  1-4. 


BULLETIN    ARCHÉOLOrrrQUE 


201 


la  comparer  à  une  autre  lampe  fragmentaire  de  Pharsale,  dont 
le  type  est  différent  et  surtout  d'en  rapprocher  les  monnaies 
bien  connues  de  Larissa,  sur  lesquelles  je  doute  fort  qu'il  faille 
voir  des  têtes  de  Méduse. 


Une   amphore  pansue,  récemment 


Amphore  de  Pompei. 
trouvée  à  Pom- 
pei (1),  dans  la  pre- 
mière région,  est 
décorée  en  relief 
d'une  représenta- 
tion intéressante. 
Au  centre  on  voit 
Athèna,  la  tête  pen- 
chée vers  la  gauche 
et  les  mains  occu- 
pées à  jeter  l'égide 
sur  Tépaule  droite. 
La  déesse  est  accos- 
tée de  deux  figures 
symétriques,  deux 
danseuses  ou  deux 


hiérodoules  (??),  vêtues  de  courtes  tuniques  :  toutes  deux  sont 
tournées  vers  Pallas,  et  leurs  avant-bras  sont  levés  en  signe 
d'adoration. 


V.  —  Orfèvrerie,  Objets  divers. 

Orfèvrerie  scythique.  —  Je  n'ai  pu,  dans  mes  bulletins  précé- 
dents (2),  que  donner  une  idée  sommaire  du  riche  mobilier 
funéraire  que  la  commission  archéologique  russe  a  récemment 
mis  au  jour  à  Solokha.  En  attendant  une  publication  complète 


(1)  Not.  d.  scavi,  1915,  fig.  3,  p.  287,  M.  Délia  Corte. 

(2)  RE  G.,  XXVII  (1914),  p.  323-4;  XXVIII  (J915),  p.  213-4. 


202  A.    DE    RIDDER 

de  la  trouvaille,  M.  Svoronos  (1)  essaie  d'interpréter  quelques- 
uns  des  monuments  ainsi  découverts.  La  tête  du  peigne  d'or 
est  formée  d'une  double  barre  que  surmonte  un  cavalier  grec, 
combattant  un  ennemi  de  môme  race  dont  le  cheval  est  abattu  : 
un  Scythe  à  pied  prend  la  défense  du  vainqueur,  ce  qui  paraît 
montrer  en  lui  un  ami  de  la   population   indigène  ;   de   fait, 
quoique  son  armement  soit  hellénique,  il  ne  laisse  pas  de  porter 
des  anaxyrides,  vêtement  qu'on  ne  s'étonne  pas  de  trouver  dans 
la  région  du  Borystbène  :  tous  ces  traits  conviendraient  bien 
à  Miltiadc,  qui,  seul  des  Grecs,  avait  pris  le  parti  des  Scythes 
contre  les  Perses,  et  l'on  peut  supposer  que  l'orfèvre  ait  voulu 
représenter  le  héros  athénien.   Le   vase  d'argent  aux  reliefs 
dorés  serait,  ainsi  que  le  goryte,  décoré  de  scènes  plus  récentes 
et  oii  joueraient  un  rôle  les  fils  de  Leucon,  Spartacos  II  et  Pai- 
risadès  I",  qui  régnèrent  ensemble  de  349  à  343,  mais  dont  le 
second  survécut  à  son  frère.  Le  tertre  de  Solokha  étant  préci- 
sément formé  de  deux  tombes  royales  analogues  et  successives, 
il   semble  indiqué   d'y   chercher  la  sépulture  des   deux  rois. 
Nous  croyons  apercevoir  que,  sous  Leucon,  les  Sindes  furent 
définitivement  soumis  par  les  Scythes  :  ce  ne  put  être  qu'après 
une  expédition  semblable  à  celle  que  nous  voyons  représentée 
sur  le  goryte,  où  déjeunes  chefs  barbares  (sans  doute  les  futurs 
rois,  alors  simples  princes  royaux)  luttent  contre  des  Barbares, 
de  type  un  peu  différent.  Sur  le  vase  d'argent,  deux  cavaliers 
combattent,  l'un  une  lionne  cornue,  l'autre  un  lion  qui  a  brisé 
un  javelot  entre  ses  dents  :  on   peut  y  reconnaître  encore  les 
fils  de  Leucon  combattant  contre  Panticapée  et  Théodosia;  car 
les  monstres  symboliques  reparaissent,  à  peu  près  les  mêmes, 
sur  les  monnaies  de  ces  deux  villes.  Reste  une  phiale  d'or  de 
travail  très  probablement  attique,  qui  serait  antérieure  et  de  la 
fin  du  v^  siècle.  Elle  porte  l'inscription  énigmatique  eT^euGépta 
"EpfjLwv  'AvTt.o-8£vet.,  que  M.  Svoronos  rapporte  à  Hermon  le  péri- 
polarque,  qui  commandait  à  Munychie  lors  de  l'assassinat  de 

(1)  Journ.  int.  cfarch.  numism.,  XVII  (1915),  p.  3-49,  pi.  I-IV,  fig.  1-6. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  203 

Phrynichos  en  411  :  le  tyrannicide  inconnu  aurait  été  Anlis- 
thène,  en  Flionneur  duquel  son  chef  aurait  fait  exécuter  cet 
ex-voto.  La  présence  de  la  coupe  dans  la  Russie  méridionale 
s'expliquerait  par  la  dette  qu'Athènes  devait  payer  aux  fils  de 
Leucon  et  qu'elle  put  acquitter  par  un  riche  envoi  d'orfèvrerie. 

Reliefs  alexandrins.  —  Le  musée  d'Athènes  renferme  un 
certain  nombre  de  lamelles  d'ivoire  (1),  courbes  ou  planes,  qui 
servaient  de  revêtement  à  des  coffrets  et  qui  proviennent 
d'Alexandrie,  où  des  objets  de  ce  genre  ont  été  découverts  en 
grand  nombre.  Les  reliefs  qui  décorent  ces  plaquettes  sont  de 
style  assez  médiocre  ;  mais  ces  petits  monuments  ne  sont  pas 
sans  importance,  à  cause  de  l'influence  indéniable  qu'ils  ont 
exercée  sur  les  débuts  de  l'art  byzantin.  C'est  pourquoi,  en 
attendant  l'étude  d'ensemble  qui  sera  sans  doute  quelque  jour 
consacrée  à  cette  série  lardive,  il  faut  remercier  M.  Xyngopou- 
los  de  nous  faire  connaître  les  exemplaires  d'Athènes.  Les 
Néréides,  les  Ménades  et  les  Bacchantes  (?)  qu'on  y  retrouve 
sont  parmi  les  motifs  les  plus  usuels  qui  décorent  ces  plaques 
d'applique. 

Empreintes  ptolémaïqiies.  —  Nous  savons  que  les  rouleaux 
de  papyrus  étaient  souvent  fermés  et  scellés  au  moyen  de  sim- 
ples cachets  d'argile.  Il  est  dès  lors  probable  que  telle  avait  été 
jadis  la  destination  de  trois  cent  trente  empreintes  de  ce  type 
qu'on  vient  de  découvrir  à  Edfou  et  qui  sont  entrées  au  musée 
d'Ontario.  Si  mal  conservées  qu'elles  soient  pour  la  plupart, 
elles  méritent  d'être  étudiées  ;  car  on  y  retrouve  —  en  dehors  des 
inscriptions  hiéroglyphiques,  de  quelques  motifs  de  genre  et 
des  types  divins  grecs  ou  gréco-égyptiens  —  un  certain  nombre 
de  portraits  royaux  qui  devaient  servir  de  marque  authentique 
aux  pièces  administratives.  Le  malheur  est  qu'ils  sont  difficiles 
à  identifier,  les  Ptolémées  qui  succédèrent  à  Philométor  nous 

(1)  'EcpTitx.  'ApxaioTv.,  1915,  p.  138-145,  fig.  1-10. 


204  A.    DE    RIDDER 

étant  très  mal  connus.  M.  Milne  (1)  reconnaît,  sous  toute 
réserve,  Soter  I",  Philadelphe,  Soter  II,  Evergète  II,  Alexan- 
dre I"  et  Cléopâtre  II. 

Perles  de  verre.  —  Les  perles  de  verre  décorées  d'ornements 
en  forme  d'œil  se  rencontrent  depuis  la  XVIIP  dynastie  jusqu'à 
l'époque  médiévale;  mais,  si  leur  apparition  fréquente  dans 
les  sépultures  antiques  semble  les  destiner  à  servir  de  surs 
indices  chronologiques,  on  ne  peut  guère,  dans  la  pratique, 
recourir  à  ce  critérium,  car  rien  n'est  plus  malaisé  que  de  dater 
ces  petits  monuments,  et  les  mômes  procédés  de  fabrication  s'y 
répètent  à  des  milliers  d'années  de  distance.  Pour  prendre  un 
exemple,  M.  Gustave  Eisen,  qui  vient  de  faire  une  étude  spé- 
ciale de  ces  grains  de  collier,  reconnaît  que  les  yeux  en  spirale, 
très  en  faveur  sous  la  XIX^  dynastie,  disparaissent  aussitôt  après 
pour  ne  plus  se  rencontrer  qu'aux  environs  de  l'an  300  de 
notre  ère.  Malgré  ce  qu'ont  d'inquiétant  et  de  déconcertant  les 
constatations  de  ce  savant,  nous  devons  lui  être  reconnaissant 
de  l'examen  minutieux  auquel  il  s'est  livré  et  qui  lui  a  permis 
de  distinguer,  d'une  manière  plus  précise  qu'on  ne  l'avait  fait 
avant  lui,  la  technique  de  ces  perles  de  verre  (2).  —  Un 
second  article  du  même  auteur  est  consacré  aux  verres 
soufflés  (3).  On  ne  croit  plus  aujourd'hui  que  l'invention  de 
ce  procédé  soit  très  ancienne,'  et  M.  Eisen  ne  l'attribue  qu'à 
l'époque  ptolémaïque,  tandis  que  d'autres  la  font  même  des- 
cendre jusqu'à  l'ère  impériale  ;  mais  il  reste  à  expliquer  com- 
ment et  pourquoi  on  abandonna  la  technique  ancienne  des 
verres  coulés,  et  je  ne  puis  sur  ce  point  que  renvoyer  le 
lecteur  aux  explications  très  spéciales  que  donne  l'auteur  sur 
les  deux  stades  qui  se  seraient  succédé  dans  l'élaboration  du 
nouveau  procédé  industriel.  La  difficulté  pour  les  verriers 
était  d'adapter  aux  produits  obtenus  avec  la  canne  à  souffler 

(1)  Journ.  Hell.  Stud.,  XXXVI  (1916),  p.  87-101,  pi.  IV-V. 

(2)  Amer.  Journ.  arch.,  XX  (1916),  p.  1-27,  pi.  I,  fig.  1-19, 

(3)  Ihid,,  p.  134-143, 


BULLETIN    ARCEÎÉOLOGIQUE  20S 

rornementation  qui  était  d'usage  courant  dans  la  technique 
ancienne,  telle  que  les  spirales,  les  chevrons  et  les  accolades 
multicolores,  si  fréquentes  sur  les  vases  à  parfums,  d'où  beau- 
coup d'essais  imparfaits  qui  proviennent  de  cette  époque  de 
transition  et  qui  en  portent  la  marque. 

Mosaïque  de  Carthage.  —  Les  jeux  du  cirque  ne  sont  repré- 
sentés d'une  manière  tout  à  fait  claire  et  distincte  que  sur  un 
assez  petit  nombre  de  monuments.  D'où  l'intérêt  que  présente 
pour  nous  (1)  une  mosaïque  récemment  découverte  à  Carthage 
sur  la  colline  de  l'Odéon.  La  vignette  n'en  laisse  guère  appa- 
raître que  la  silhouette;  mais  M.  L.  A.  Constans  nous  en  donne 
une  description  minutieuse  et  précise.  Il  y  reconnaît  l'emploi 
du  vélum  et  distingue  deux  petits  temples  aux  abords  du  cir- 
que :  l'édifice  hexagone  de  la  spina  serait  une  de  ces  falae  dont 
Servius  et  Nonius  donnent  des  définitions  contradictoires. 
Quatre  chars  paraissent  dans  l'arène,  dont  l'un,  celui  qui  porte 
le  vainqueur,  tourne  en  sens  inverse  des  trois  autres. 

A.  De  RiDDER. 


(1)  Rev.  arch.,  1916,  I,  p.  247-259,  fig.  1. 


COMPTES  RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES 


La  Revue  rend  compte,  à  cette  place,  de  tous  les  ouvrages  relatifs  aux 
études  helléniques  ou  à  la  Grèce  moderne,  dont  un  exemplaire  sera 
adressé  au  bureau  de  la.  Rédaction,  chez  M.  Leroux^  éditeur,  28,  rue 
Bonaparte. 

Les  ouvrages  dont  les  auteurs  font  hommage  à  V Association  pour 
V encouragement  des  Études  grecques  ne  seront  analysés  dans  cette 
bibliographie  que  s'il  en  est  envoyé  deux  exemplaires,  l'un  devant 
rester  à  la  Bibliothèque  de  V Association,  et  l'autre  devant  être  remis  à 
V auteur  du  compte  rendu. 


1.  James  Tiirney  ALLEN.  Greek  acting 
in  the  fiflli  Century  (Extr.  des  Uni- 
versity  of  Califoriiia  puhlicatioiis  in 
Classical  philology,  vol.  2,  n»  15, 
pp.  219  289).  Berkeley,  University  of 
California  Press,  1916. 

M.  A.  constate  que  la  conception 
traditionnelle  de  la  mise  en  scène  dans 
le  théâtre  grec  de  Tépoque  classique  a 
été  profondément  modifiée  par  les  dé- 
couvertes archéologiques.  Le  théâtre, 
au  ve  siècle,  n'a  pas  de  scène  suréle- 
vée (Dôrpfeldy  ;  les  brodequins  à  se- 
melle épaisse  n'apparaissent  qu'à 
l'époque  romaine  (Smith,  Bieber, 
Kôrte)  ;le  costume  tragique,  loin  d'être 
somptueux  et  embarrassant,  laisse 
toute  liberté  aux  mouvements  de  lac- 
teur  ;  enfin  l'énorme  masque  en  usage 
au  temps  de  Lucien  est  inconnu  au 
v«  siècle.  La  conclusion  de  M.  A.  est 
que  la  représentation  des  drames  d'Es- 


chyle et  de  Sophocle  n'avait  nulle- 
ment le  caractère  d'idéalisation  con- 
ventionnelle {slupidly  conventional) 
qu'on  lui  prête  d'ordinaire.  Elle  ne  vi- 
sait pas  à  donner  l'impression  d'un 
monde  surhumain,  majestueux  et  un 
peu  figé  ;  les  acteurs  et  le  chœur,  se 
mêlant  dans  un  décor  d'une  simplicité 
presque  rudimentaire,  avaient  le  jeu 
vif  et  libre  qu'on  pouvait  attendre 
d'une  race  aussi  mobile  et  vibrante 
que  Tétaieiit  les  Grecs;  ils  donnaient 
une  représentation  réaliste  de  la  vie 
ordinaire. 

Cette  petite  dissertation  tranche,  on 
le  voit,  assez  cavalièrement  des  ques- 
tions fort  complexes  et  parfois  incer- 
taines, quoi  qu'en  dise  son  auteur. 
M.  A.  paraît  oublier  notamment  que 
tout  est  stylisé  dans  l'art  grec  clas- 
sique, qui  n'est  pas  une  copie  de  la 
réalité  concrète  (Meillet),  et  en  outre 
que  les  origines  religieuses  du  drame 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


207 


ont  exercé  leur  influence    non   seule- 
ment  sur    l'esprit  des    œuvres,    mais 
sur  le  détail  de  la  mise  en  scène. 
L.  Mkridier. 


2.  Henri  ALIANE.  Histoire  du  (exle  de 
Platon.  Bibliothèque  de  TÉcole  des 
Hautes-Études,  Sciences  historiques 
et  philologiques,  fasc.  218.  Paris, 
Ed.  Champion,  1915;  in-8°,  ii-325  p. 

Le  savant  et  très  utile  ouvrage  que, 
tandis  qu'il  est  aux  armées,  M.  AUine 
oBre  au  public  des  hellénistes  et  des 
amis  de  Platon  est  le  remaniement 
d'un  mémoire  que  l'Académie  des  In- 
scriptions et  Belles-Lettres  avait  cou- 
ronné en  1913  (prix  extraordinaire 
Bordin).  Le  titre  en  indique  claire- 
ment l'objet  :  ce  n'est  pas  assez,  en  effet, 
de  décrire  et  d'énumérer  les  matériaux 
dont  l'ensemble  a  formé  notre  texte  de 
Platon,  il  faut  faire  comprendre  com- 
ment cet  ensemble  s'est  peu  à  peu 
constitué  ;  il  faut  «  restituer  l'activité 
de  ceux  qui  conservèrent,  transcrivi- 
rent, éditèrent  et  lurent  le  texte  de 
Platon  »  {avant-propos,  1).  Nombreux 
sont  les  facteurs  de  cette  histoire,  fac- 
teurs techniques,  facteurs  intellec- 
tuels, et  les  vicissitudes  du  texte  de 
Platon  ne  sont  intelligibles  que  ratta- 
chées à  l'histoire  générale  du  livre, 
à  celle  de  la  philologie,  enfin  à 
l'historien  du  Platonisme  et  des  étu- 
des grecques  en  général.  Rien  de  plus 
passionnant  que  de  suivre  ainsi,  dans 
ses  moments  successifs,  la  transmis- 
sion de  la  plus  belle  pensée  antique, 
de  celle  aussi  dont  les  œuvres,  par  un 
trop  rare  privilège,  se  sont  seules  in- 
tégralement conservées  jusqu'à  nous. 

Le  premier  problème  que  rencontre 
l'historien  du  texte  de  Platon,  c'gst  de 
savoir  quel  a  été  le  r^le  de  Platon  lui- 
même  et  celui  de  l'Académie  dans  la 
publication  des  dialogues  (ch.  i).  Il  est 
peu  vraisemblable,  selon  M.  A.  (p.  3, 
n.  3),  que  Platon  ait  rien  publié  du  vi- 
vant de  Socrate  :  les  petits  dialogues  de 


sa  jeunesse  sont  lus  seulement  devant 
des  amis;  peut-être  ceux-ci  sont-ils 
autorisés  à  en  prendre  copie;  mais  il 
ne  peut  être  question  alors  que  de  co- 
pies privées.  Il  en  est  sans  doute  en- 
core de  même,,  et  les  copies  ne  dépas- 
sent pas  les  limites  du  cénacle  socra- 
tique, quand,  après  la  mort  du  Maître 
et  la  dispersion  de  l'École,  Platon  en- 
treprend de  glorifier  la  mémoire  de  So- 
crate. Mais,  lorsqu'il  se  fut  installé  à 
Athènes  et  fut  à  son  tour  devenu  chef 
d'école,  il  n'est  pas  impossible  qu'il 
ait  fait  exécuter,  pour  le  public,  des 
copies  sous  sa  direction  ;  qu'il  ait 
édité,  en  outre  de  ses  œuvres  nouvel- 
les, les  œuvres  anciennes  non  pu- 
bliées; qu'il  ait  même,  devant  le  suc- 
cès croissant  de  ses  livres,  abandonné 
aux  libraires  le  soin  de  les  reproduire. 
Dès  lors,  inévitablement,  à  côté  des 
bons  exemplaires,  des  copies  fautives 
ont  dû  déjà  circuler  (3-7).  Ainsi,  en 
dehors  pourtant  de  certains  [Sophiste, 
Parménide),  qui  étaient  des  u-jrojxvfijiaTa 
destinés  aux  seuls  élèves  de  l'École 
(8  sq.),  les  dialogues  se  répandaient 
dans  toute  la  Grèce,  et  jusqu'en  Sicile 
(probablement  par  l'entremise  d'Her- 
modore  de  Syracuse  [13]).  De  l'examen 
des  témoignages  antiques  (Aulu-Gelle et 
l'Anti-atticiste)  relatifs  à  une  division 
ancienne  de  la  République  en  six  li- 
vres, de  la  considération  des  projets 
tétralogiques  de  Platon  (p.  ex.  Théétète, 
Sophiste,  Politique,  Philosophe),  qui 
n'ont  abouti  qu'à  des  trilogies.  M.  A. 
essaie  d'induire  une  hypothèse  sur  la 
constitution  de  ces  éditions  partielles  : 
d'une  part,  il  pense  qu'aucune  division 
en  livres,  quelle  qu'elle  soit  n'est  con- 
temporaine de  Platon,  mais  que,  d'au- 
tre part,  celui-ci  a  bien  pu  réunir  cer- 
tains dialogues  dans  l'ordre  où  il  vou- 
lait qu'on  les  lût  (14-20).  Il  examine 
ensuite  la  question  des  brouillons  de 
Platon  (20-26),  moins  intéressante  à 
propos  de  ces  prétendues  rédactions 
différentes  qui  auraient  subsisté  du 
début  de  la  République  ou  de  celui  du 
Théétéle,  qu'elle  ne  l'est  à   propos  de 


208 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


la  publication  posthume  des  Lois  par 
Philippe  d'Oponte.  Toutefois  le  rôle  de 
l'Académie  dans  la  publication  et  la 
diffusion  des  œuvres  du  maître  n'est  pas 
du  tout  celui  qu'a  cru  Grote  :  s'il  y 
avait  eu,  en  effet,  une  édition  académi- 
que définitivement  constituée,  aussitôt 
après  la  mort  de  Platon  et  au  moyen 
de  ses  manuscrits  soi-disant  conservés 
dans  l'École,  le  travail  critique  ulté- 
rieur des  Alexandrins  se  comprendrait 
difficilement  (27-34). 

Comment  devons-nous  donc  nous 
représenter  le  travail  des  premières 
générations  académiques  dans  la  con- 
stitution du  corpus  platonicien  (ch.  ii)? 
Il  s'attache  principalement  à  la  con- 
servation de  l'enseignement  oral  (ré- 
dactions des  aypa'xia  Soyfxaxa,  des  Siat- 
pÉTstç),  à  l'étude  du  Timée,  qui  fait 
autorité  pour  toute  une  partie  du  sys- 
tème, non  traitée  par  Platon  dans  ses 
leçons  (34  sq.  63;  cf.  9,  n.  3).  Des  dis- 
ciples s'appliquent  à  continuer  l'œuvre 
du  maître  dans  son  esprit,  et  c'est 
ainsi  que  dès  cette  époque,  sans  la 
moindre  intention  frauduleuse,  quel- 
ques apocryphes  comme  VÉpinomis 
(œuvre  de  Philippe  d'Oponte),  le  Mi- 
nos,  quelques-unes  des  Lettres,  ont  pu 
se  joindre  à  l'œuvre  de  Platon.  Parmi 
les  autres  apocryphes  postérieurs, 
plusieurs  ont  bénéficié  pareillement 
de  ce  fait  qu'ils  défendaient  contre  les 
écoles  rivales  la  pensée  de  l'Académie 
(36-45;  cf.  117-119).  A  mesure  que  le 
souvenir  de  l'enseignement  oral  du 
Maître  s'effaçait,  on  sentit  davantage 
le  besoin  de  s'appuyer  sur  son  œuvre 
écrite.  C'est  ainsi  que  se  fit  sentir  la 
nécessité  d'une  édition  académique 
générale.  A  quelle  époque  ?  M.  A.  con- 
jecture, en  se  fondant  sur  une  indica- 
tion d'Antigone  de  Caryste  (D.  L.  III, 
66),  que  ce  fut  à  peu  près  du  temps 
de  l'arrivée  de  Zenon  à  Athènes  (314), 
vers  la  fin  du  scolarcat  de  Xénocrate. 
Divers  indices  (le  goût  de  Xénocrate 
pour  les  divisions  tripartites,  l'op- 
position déjà  classique  de  certaines 
dénominations     caractéristiques)     lui 


donnent  à  penser  que  cette  édition 
comportait  déjà,  au  moins  partiel- 
lement, le  classement  trilogique  et 
la  détermination  du  caractère  de  cha- 
que dialogue.  Les  titres,  quelques 
sous-titres,  sont  aussi  déjà  fixés  (45- 
56).  Quel  est  alors  l'état  du  texte? 
Satisfaisant,  sans  plus.  On  n'a  pas 
gardé  d'autographes  de  Platon  (cf. 
31  sq.),  et,  d'autre  part,  les  causes 
d'altération  se  sont  multipliées  :  la 
rapide  dégradation  des  papyrus  (cf.  18, 
35  sq.)  oblige  à  des  transcriptions  fré- 
quentes, et  il  faut  parfois  combler  des 
lacunes  ;  l'écriture  des  livres,  sans 
séparation  entre  les  mots,  sans  ponc- 
tuation, sans  accents,  expose  les  co- 
pistes à  des  erreurs  de  lecture  ;  des 
gloses  marginales  sont  interpolées  ; 
l'évolution  même  de  la  langue  conduit 
à  de  maladroites  corrections  (bon 
exemple  pour  le  duel,  p.  61  ;  mais  il 
faut  lire  Théét.  158  b).  On  ne  devait 
donc  pas  tarder  à  comprendre  l'utilité 
d'une  critique  du  texte.  Peut-être 
même  cette  critique  commença-t-elle 
avec  celui  qui  passe  pour  avoir  été  le 
premier  exégète  de  Platon,  Crantor, 
deuxième  scolarque  de  l'Académie 
après  Xénocrate  (56-64;  cf.  aussi  77 
et  80). 

Avant  de  parler  de  ce  travail  critique 
(ch.  m),  il  faut,  grâce  à  ces  papyrus 
égyptiens  découverts  en  1889  et  1890 
par  Flinders  Pétrie  et  sur  lesquels  se 
lisent  des  morceaux  du  Lâchés  et  du 
Phédon,  se  rendre  compte  de  ce  qu'était, 
au  début  du  m^  siècle,  le  texte  des 
exemplaires  les  plus  ordinaires.  Ces 
papyrus  sont  donc  d'un  grand  intérêt 
historique.  M.  A.  fait  du  texte  qu'ils  nous 
donnent  un  examen  judicieux  qt  impar- 
tial (ce  qui  n'est  pas  toujours  arrivé), 
mais  dans  le  détail  duquel  il  nous 
est  malheureusement  impossible  de  le 
suivre  ici  (65-78).  Ce  qui  a  rendu  pos- 
sible la  préparation  d'une  édition  cri- 
tique, c'est  le  développement  général 
de  la  critique  des  textes  pendant  la 
période  hellénistique,  à  Pergame  (prin- 
cipalement, pour  Platon,  avec   Pané- 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


209 


tius  au  ne  siècle),  à  Antioche,  à  Rhodes 
(av6c  Posidonius  au  i*""  s.  ;  cf.  aussi 
105),  mais  surtout  à  Alexandrie,  avec 
rélève  et  le  successeur  d'Eratosthène 
qui  fut  lui-même  platonisaut,  Tillustre 
Aristophane  de  Byzance  (vers  2S7-180). 
Sa  classification  trilogique,  bien  con- 
nue, de  quinze  dialogues  (voir  le  ta- 
bleau p.  51),  les  autres  demeurant 
xa6'  ëv  xai  ixaxxw;  accompagnait-elle 
une  édition  complète  de  Platon?  Pour 
le  croire,  M.  A.  se  fonde  sur  ce  fait  que 
Diogène  Laërce,  un  peu  après  qu  il  a 
parlé  de  la  classification  trilogique 
d'Aristophanç,  mentionne  (111,  65)  l'ap- 
plication au  texte  de  Platon  (application 
confirmée  par  le  témoignage,  vraisem- 
blablement indépendant,  de  VAiiecdo- 
tum  Cavense,  xi^  ou  xu^  siècle,  publié 
par  Reitïenschied  Rh.  Mus.,  1868)  de 
ces  signes  critiques,  dont  Finvention 
est  due  aux  philologues  alexandrins 
(80-87)  :  Tobélos,  la  diplè  (se.  y(ia[jL|j.ri) 
et  le  y,  pointés  ou  non,  Tantisigma 
pointé,  l'astérisque,  le  Kéraunion.  M.  A. 
décrit  ces  signes,  dont  certains  ont 
passé  dans  quelques-uns  de  nos  plus 
anciens  mss.  (cf.  187,2);  il  en  expli- 
que l'usage,  en  fait  l'histoire  avant  et 
après  Aristophane.  11  est  probable  en 
outre  qu'une  introduction  synthétisait 
les  divers  ordres  d'observations  aux- 
quels ils  se  rapportaient,  observations 
philosophiques,  littéraires,  philologi- 
ques ou  enfin  proprement  critiques  et 
relatives  à  des  passages  faussement 
suspectés  ou  méritant  au  contraire  de 
l'être  (87-93).  Dans  son  travail  d'éditeur 
Aristophane  parait  avoir  montré  beau- 
coup de  prudence  et  un  grand  respect 
de  la  tradition,  préférant  par  exemple 
admettre  quelques  apocryphes  plutôt 
que  de  rien  faire  d'irréparable  (93-97  ; 
cf.  41)  ;  conservant  le  groupement  tri- 
logique, dont  une  préoccupation  bio- 
graphique expliquerait  bien  les  singu- 
larités (par  ex.  pour  le  Tfiéétète  placé  à 
côté  de  YEuthypIiron  et  de  V Apologie, 
et  non  pas  avec  le  Sophiste  et  le  Poli- 
tique)-, retenant. enfin  le  principe  du 
classement  par  caractères  (97-99).  Les 


rouleaux  sont  devenus  plus  uniformes 
et  moins  étendus,  d'où  la  possibilité, 
avec  cette  édition,  d'une  division  fixe 
des  grands  dialogues  [Rép,  et  Lois)',  des 
divisions  slichométriques  sont  intro- 
duites, dont  quelques  vestiges  ont 
subsisté  dans  deux  de  nos  mss.  (cf. 
108,  4);  la  ponctuation,  les  accents 
rendent  la  lecture  plus  facile.  Toutefois 
cette  édition  savante,  bien  qu'elle  ait 
dû  inspirer  des  éditions  de  vulgarisa- 
tion ou  des  éditions  scolaires,  ne  réus- 
sit pas,  semble-t-il,  à  faire  disparaître 
les  mauvaises  éditions  à  bon  marché, 
puisque  nous  voyons  un  lettré  comme 
Denys  d'Halicarnasse  citer  le  Ménéxène 
d'après  un  texte  misérablement  fautif 
(99-103). 

Le  ch.  IV,  après  avoir  rappelé  la 
décadence  des  études  critiques  à 
Alexandrie,  la  destruction  de  la  Biblio- 
thèque dans  l'incendie  de  47,  la  diffu- 
sion du  Platonisme  dans  le  monde 
romain  grâce  à  Panétius  et  à  Posi- 
donius, nous  conduit  jusqu'à  l'appari- 
tion d'une  nouvelle  édition,  l'édition 
d'Atticus..  C'est  bien  T.  Pomponius 
Atticus,  l'ami  de  Cicéron,  qui  en  fut  le 
libraire.  Mais  ce  n'est  pas,  contraire- 
ment à  l'opinion  d'Usener,  la  première 
bonne  édition  de  Platon,  et  M.  A.  ne 
croit  pas  non  plus  que  la  translation  à 
Rome  de  la  bibliothèque  d'Aristote 
l'ait  rendue  possible.  Cette  édition  atti- 
cienne  a  dû  être  seulement  une  adap- 
tation, matériellement  très  soignée, 
de  la  grande  édition  alexandrine  (106- 
112).  Comme  il  semble  résulter  d'un 
texte  de  Varron  [de  ling.  lat.,  VII,  37) 
que  les  dialogues  y  étaient  groupés  en 
tétralogies  et  que,  d'autre  part,  Albinus 
[Prologos,  ch.  4,  p.  149  Herm.)  attribue 
ce  mode  de  classement  à  Dercyllidès 
en  même  temps  qu'à  Thrasylle  (tableau, 
p.  114),  M.  A.  en  infère  que  Dercyllidès 
est  le  véritable  auteur  de  cette  édition, 
dont  l'autorité  ne  tarda  pas  à  devenir 
considérable  et  à  laquelle  (108)  se  rat- 
tacherait l'archétype  de  nos  mss. 
médiévaux.  Parmi  les  remarques  inté- 
ressantes que  présente  M.  A.  au  sujet 


210 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


du  croisement  de  plusieurs  principes 
distincts  dans  le  classement  tétralogi- 
que,  il  faut  noter  spécialement,  en  tant 
qu'elles  lui  paraissent  propres  à  déce- 
ler la  main  d'un  Académicien  néopy- 
thagorisant  tel  qu'était  Dercyllidès, 
celles  qui  se  rapportent  à  la  constitu- 
tion d'une  ennéade  mystique  de  tétra- 
logies  et  à  la  juxtaposition  aux  dialo- 
gues authentiques  d'apocryphes  issus 
de  r Académie  (112-119;  cf.  41-43). 
Quoi  qu'il  en  soit,  cette  classification, 
reprise  parThrasylle  (sous  Tibère),  s'est 
imposée  même  à  ceux  qui  la  criti- 
quaient, et  elle  s'est  perpétuée  dans 
nos  mss.  Ceux-ci  se  rattachent  encore 
au  catalogue  de  Thrasylle  par  leurs 
sous-titres  (en  dépit  de  quelques  diver- 
gences, peu  surprenantes  d'ailleurs) 
(124-129  ;  cf.  55)  et  par  ces  épitliètes  [rfii- 
xôç,  )voy'.%ôî,  etc.)  au  moyen  desquelles 
les  professeurs  expriniaient  le  caractère 
du  dialogue  et,  par  suite,  la  place  qu'il 
devait  tenir  dans  une  culture  philoso- 
phique rationnelle  (129-134).  L'intérôt 
qu'excite  alors  l'œuvre  de  Platon  se 
révèle  encore  par  l'importance  toujours 
croissanle  de  la  tradition  indirecte  : 
réminiscences,  traductions  etimltations 
(p.  ex.  chez  Cicéron  ou  chez  les  écri- 
vains atticistes  du  ii«  siècle,  comme 
Lucien,  cf.  141),  citations,  extraits  dans 
les  traités  des  rhéteurs  (134-137),  lem- 
mes  des  commentaires  philosophiques, 
surtout  au  h"  s.  ap.  J.-C.  (137-141), 
travaux  des  lexicographes  (141-143). 
Non  moins  précieux  pour  l'histoire  du 
texte  sont  les  excellents  papyrus  du 
iic  et  du  me  siècles  (notamment  por- 
tions importantes  du  Phèdre  et  com- 
mentaire anonyme  du  Théétète)  trouvés 
à  Oxyrhynchus,  et  qui  témoignent 
d'une  tendance  de  la  tradition  antique 
à  s'uniformiser  (143-146).  M.  A.  pour- 
suit ensuite  l'étude  de  la  tradition 
indirecte  chez  les  érudits  ou  les  sty- 
listes chrétiens  du  m*  et  du  iv^  siècles, 
chez  les  philosophes  néoplatoniciens  et 
les  commentateurs  d'Aristote,  du  iii^  au 
vie  siècle,  chez  les  faiseurs  d'antholo- 
gies et  les  compilateurs  (146-148).  Leurs 


citations  nous  renseignent  sur  l'état 
du  texte  à  un  moment  capital  de  son 
histoire,  quand,  au  iv*  siècle,  on  a 
commencé  d'abandonner  l'incommode 
rouleau  de  papyrus  pour  les  livres  de 
parchemin  et  que  bientôt,  en  raison  de 
la  cherté  du  parchemin,  s'établit  l'usage 
du  palimpseste  ;  un  palimpseste  du 
ve  siècle  nous  a  conservé  un  commen- 
taire néoplatonicien  du  Parménide, 
avec  ses  lemmes  (149  sq.).  Toutefois 
citations,  lemmes,  et  surtout  traduc- 
tions, ne  doivent  être  utilisés  que 
selon  les  règles  d'une  méthode  critique 
très  prudente  et  très  rigoureuse,  qui 
relativement  aux  citations  compor- 
terait un  classement  par  familles 
comme  pour  les  mss.  (150-157).  De  la 
tradition  qu'on  peut  ainsi  dégager  des 
papyrus  et  des  citations,  ce  sont  les 
mss.  de  la  2«  famille  (A,  Paris.  1807,  et 
T,  Venet.  app.  cl.  4,  1)  qui  se  rappro- 
chent le  plus.  Mais  il  n'y  a  pas  encore 
de  vulgate  constituée  (157-159  ;  cf.  145). 
Cependant,  en  dépit  de  l'indifférence 
critique  des  commentateurs  néoplato- 
niciens (Longin  excepté)  —  car  toutes 
les  leçons  sollicitent  également  ces 
virtuoses  de  l'exégèse  —  l'habitude 
s'impose  graduellement  de  diviser, 
pour  l'explication,  le  texte  en  xwT^a, 
d'en  fixer  par  suite  la  ponctuation,  et 
enfin  d'établir  un  texte  scolaire  uni- 
forme :  on  tend  donc  vers  l'établisse- 
sement  d'une  vulgate,  tandis  que  d'au- 
tre part  la  publication  sur  parchemin, 
permettant  la  réunion  en  un  seul 
volume  d'un  plus  grand  nombre  de 
dialogues,  favorisait  la  constitution  de 
recueils  complets  des  œuvres  de  Pla- 
ton (160-173). 

Comment  s'est  fait  le  passage  de  la 
tradition  antique  à  la  tradition  médié- 
vale (ch.  v)?  Un  problème  se  pose  tout 
d'abord  :  y  a-t-il  un  archétype  com- 
mun de  tous  nos  manuscrits?  «  L'ar- 
chétype a  réellement  existé,  écrit  M.  A. 
(176),  si  l'unité  de  notre  tradition  est 
réelle  et  spécifique.  Elle  est  réelle  et 
spécifique,  si  nous  constatons  des  par- 
ticularités communes  à  tous  nos  ma- 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


211 


niiscrits  et  à  eux  seuls  et  si  cette  coui- 
munauté  ne  peut  s'expliquer  par  Tac- 
tion  du  iiasard  ».  Or  une  analyse  très 
serrée  et  très  précise  conduit  Fauteur 
à  vérifier  cette  iiypotiièse  :  il  y  a  bien 
une  unité  dans  la. tradition  médiévale 
(174-183).  D'autre  part,  puisque  la  com- 
paraison avec  les  papyrus  oxyhynchi- 
tes  et  avec  les  citations  nous  permet  de 
faire  remonter  jusqu'à  l'antiquité  les 
plus  notables  divergences  de  nos  ma- 
nuscrits, puisque  ceux-ci  portent  des 
variantes,  et  les  mêmes  dans  des  ma- 
nuscrits de  familles  ditférentes,  puis- 
qu'on y  trouve,  avec  des  vestiges  de  la 
notation  critique  et  stichométrique  des 
Alexandrins,  quelques  scholies  an- 
ciennes (183-188,  et  plus  loin),  on 
peut  conjecturer  que  l'archétype  était 
un  bon  exemplaire  d'érudit,  où  il  y 
avait  au  moins  tout  cela.  Certaines  in- 
dications de  nos  manuscrits  montrent 
qu'il  comprenait  deux  tomes,  écrits 
sur  deux  colonnes  ;  et  divers  indices 
autorisent  à  le  dater  au  plus  tôt  de  la 
fin  du  vie  siècle.  Jl  se  rapprocherait 
assez  bien  des  exemplaires  néoplatoni- 
ciens, dont  il  ditférerait  pourtant  par 
ses. apocryphes.  Enfin  la  substitution 
de  -x.  Trpoas'j/'î\c;,  expression  propre  à  la 
langue  ecclésiastique  dans  le  sens  de 
prière,  au  sous-titre  ic.  £Ôy-f|î  pour  le 
2'i  Alcibiade  trahirait  la  main  d'un  de 
ces  érudits  chrétiens  qui  ne  répudiaient 
entièrement  ni  la  culture  païenne,  ni 
le  néoplatonisme  (188-198  ;  cf.  104  sq., 
146),  Or,  après  une  période  de  demi- 
obscurité  qui  dure  trois  siècles  (529, 
fermeture  de  l'Ecole  d'Athènes)  et  pen- 
dant laquelle  la  culture  grecque  et  le 
Platonisme  gagnent  au  contraire  du  ter- 
rain en  Perse,  chez  les  Syriens,  chez 
les  Arabes  (198-282),  une  renaissance 
s'était  produite  au  ix^  siècle  à  Gonstan- 
tinople,  sous  l'influence  principalement 
du  patriarche  Photius,  fondateur  d'un 
véritable  «  séminaire  philologique  » 
dont  il  est  le  «  directeur  d'études  »  (cf. 
277).  Les  leçons  que  nos  manuscrits 
(entre  autres  le  Vaticanus  0,  qui  est  du 
xe  siècle)  nous  donnent  comme  prove- 


nant du  liore  du  palriarche  et  que  l'on 
retrouve  toutes  dans  notre  Parisinus 
1807,  A,  autorisent  à  penser  que  c'est 
à  la  récension  faite  par  Photius  sur 
son  exemplaire  que  se  rattache  cet  im- 
portant manuscrit  (202-209),  œuvre  très 
soignée  (on  connaît  la  belle  reproduc- 
tion phototypique  que  M.  Omont  en  a 
donnée  chez  Leroux)  et  dont  la  date 
peut  être  fixée  à  la  seconde  moitié  du 
ix<'  siècle.  Il  tient  (avec  le  Venelus  T, 
qui  est  de  la  fin  du  xi«  siècle  ou  du 
début  du  xii«)  la  tête  de  la  2^  famille  de 
nos  manuscrits  (210-217,.  Le  manuscrit 
qui,  dans  la  l^e  famille  (217-226J  occupe 
la  même  place,  c'est  le  Bodleianus  (B), 
de  la  bibliothèque  d'Oxford,  appelé 
aussi  Clurkianus  du  nom  du  minéralo- 
giste Clarke  qui  le  découvrit  et  l'acheta 
à  Patmos  en  1801  (cf.  200,  3  ;  221, 2),  exé- 
cuté en  895  par  Jean  le  Galligraphe 
pour  le  compte  d'Aréthas,  diacre  de 
Patras.  L'antlplatonisme  ardent  (cf. 
250  sq.)  de  scholies  qui|»araissent  être 
de  la  main  de  celui-ci  révéleraient  en 
lui  un  disciple  du  patiiarche  (cf.  204 
sq.).  Quoi  qu'il  en  soit,  dans  un  autre 
groupe  de  la  même  famille,  dominé  par 
le  Vindobonensis  21,  Y  (qui  est  du 
xivc  siècle,  mais  suppose  une  plus  an- 
cienne tradition),  on  trouve  des  scholies 
inspirées  du  même  esprit  et  les  traces 
d'une  récension  due  à  un  élève  avéré 
de  Photius,  Léon  le  Philosophe  (226- 
235).  Une  tradition  autonome  est  repré- 
sentée par  les  deux  groupes  de  la 
3e  famille,  dominés,  le  premier  (222- 
242)  et  le  plus  important,  par  le  Vin- 
dobon.  54,  W,  peut-être  du  xu^  siècle, 
l'autre  (242-244)  par  le  Vindohon.  55,  F. 
Les  indications  que  donne  M.  A.  sur 
l'âge  de  ces  manuscrits,  sur  leur  état, 
sur  leur  contenu,  leurs  particularités 
diverses,  sur  ce  qu'on  sait  de  leur  his- 
toire sont  malheureusement  impossibles 
à  résumer.  La  conclusion  de  son  étude 
sur  la  tradition  manuscrite,  c'est  en 
somme  que,  à  la  fin  du  ix*  siècle  ou  au 
début  du  x%  nos  meilleurs  exemplaires 
de  Platon  sont  écrits,  et  déjà  effectuées 
les   recensions  savantes  auxquelles  se 


212 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


rattachent  nos  deux  premières  fa- 
milles ;  que  les  copies  qui  donnent 
naissance  à  la  3^  famille  sont  venues 
un  peu  plus  tard  ;  enfin  que  tout  ce 
travail  philologique  a  subi  fortement 
rintluence  de  Photius  (244  sq.). 

«  Dans  certains  cas,  dit  M.  A.  (245), 
l'histoire  des  marges  peut  éclairer  sin- 
gulièrement l'histoire  du  texte.  »  L'ob- 
jet du  ch.  VI  sera  donc  d'étudier  les 
scholies  marginales  et  d'essayer  de  dis- 
cerner les  couches  successives  dont 
elles  sont  constituées.  Cette  recherche 
(dans  laquelle  l'auteur  a  pris  pour 
guide  le  travail  de  L.  Gohn  dans  le 
-/5«  Suppl.  des  Fleckheisen's  JahrbASSi, 
p.  ni)  est  nécessairement  délicate, elle 
exige  de  minutieuses  et  subtiles  ana- 
lyses :  relatives  d'abord  au  Bodleianus, 
parce  que  les  mains  diverses  s'y 
laissent  plus  facilement  distinguer  et 
qu'on  peut  ainsi  remonter  à  un  en- 
semble, sans  doute  assez  mince,  de 
scholies  exactementcontemporaines  du 
manuscrit  (247-257),  ces  analyses 
portent  ensuite  sur  la  masse,  beaucoup 
plus  considérable,  des  scholies  des 
autres  manuscrits.  Elles  montrent 
qu'un  travail  très  important  d'annota- 
tion a  été  accompli  au  ix«  siècle,  en- 
core sous  l'influence  de  Photius  ;  que 
ce  travail  a  recouvert  les  quelques 
scholies  antiques  encore  subsistantes; 
qu'il  n'a  cessé  de  s'accroître  dans  la 
suite  par  les  soins  des  Byzantins;  que 
la  conservation  des  scholies  antiques, 
dont  quelques  unes  remontent  au 
iv«  siècle,  est  due  surtout  à  l'œuvre  des 
lexicographes  (257-274,  278-280).  Le 
fait  que  toute  une  catégorie  de  scho- 
lies fait  défaut  dans  le  Bodl.  ne  doit 
pas  être  interprété  contre  l'existence 
de  l'archétype  (274-276,  252-255).  Au 
reste,  dans  le  Bodl.  et  dans  les  autres 
manuscrits,  les  caractères  du  travail 
d'annotation  du  ix«  siècle  sont  très  dif- 
férents :  là,  travail  tout  individuel  d'un 
homme  que  certaines  choses  seules 
intéressent;  ici,  travail  collectif,  beau- 
coup plus  étendu,  de  dépouillement  et 
de  compilation  (276-278). 


Le  dernier  chapitre  traite  de  la  réac- 
tion byzantine  en  faveur  de  Platon  à 
laquelle  travailla  au  xi^  siècle  avec  une 
ardeur  enthousiaste,  bien  que  dans  un 
esprit  d'apologétique  chrétienne  passa- 
blement équivoque,    Constantin   Psel- 
lus  ;  de  la  portée  considérable  de  cette 
renaissance   (281-284)  ;   du  réveil  ana- 
logue   qui  se  produisit  au   xiP   siècle 
dans  l'Italie  méridionale  (284-286);  des 
manuscrits  secondaires  que  nous  de- 
vons aux  lettrés  byzantins,  entre  le  x" 
et  le    xii«   siècle   (286-290)  ;    puis    des 
etforts    qui,    dès   le   xii«  siècle,   mais 
surtout  au  xiv^,   se  manifestent  dans 
les  pays  latins   pour  s'initier  à  la  cul- 
ture grecque,  avec  une  tendance  mar- 
quée à  chercherdans  Platon  les  moyens 
de    lutter    contre    la    tyrannie  de    la 
scolastique  aristotélicienne    :   Boccace 
et  Pétrarque  ont  beaucoup  fait  dans  ce 
sens,  et  le  premier  ms.  que  celui-ci  se 
procure    est    un  Platon.   A  la  fin  du 
xiv"  siècle  et  au  commencement  du  xv«, 
on  se  met,   à  Florence  d'abord,  puis 
dans    toute  l'Italie,   à  étudier  le  grec 
sous  la  direction  de  professeurs  venus 
de    Byzance,   et    en  même    temps   on 
traduit  en  latin  quelques  dialogues  de 
Platon  (290-295).  D'autre   part,  on  col- 
lectionne avec  zèle  les  manuscrits  :  en 
1423,    Giovanni    Aurispa    apporte    de 
Byzance  238  volumes,  dont  un  Platon. 
De  nombreuses  copies  sont  exécutées, 
surtout   quand    les    Grecs,     après    la 
prise  de  Constantinople,  commencent 
d'affluer  en  Italie,  et  plusieurs  de  nos 
manuscrits  secondaires  datent  de  cette 
époque     (296-299;    304-308).    Enfin    le 
patronage  accordé  par  Laurent  le  Ma- 
gnifique à  l'Académie  platonicienne  de 
Florence  fondée  par  Cosme  de  Médicis, 
l'adresse    diplomatique   avec   laquelle 
Bessarion  sert  la  cause  du  platonisme 
dans  la  grande  querelle  soutenue   par 
Georges  Géiniste  Pléthon  et  ses  parti- 
sans contre    les    Aristotéliciens,    tout 
cela  contribue  à  favoriser  la  recherche 
et  la  conservation  des  manuscrits  de 
Platon,   l'étude  et  la  diffusion   de  sa 
philosophie,  à  rendre  possible  enfin  la 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


213 


magnifique  traduction  de  Marsile  Ficin, 
dont  la  publication,  en  1482,  marque  un 
moment  capital  dans  l'histoire  du  Pla- 
tonisme (299-303).  Avec  la  Renaissance 
française  le  texte   de  Platon  va  bénéfi- 
cier d'une  faveur  semblable  à  celle  qu'il 
a    trouvée    dans  la    Renaissance    ita- 
lienne :  on  recherche  les  exemplaires, 
on  fait  des   copies  et    des    traductions 
(303  sq.).  Il  faut  reconnaître  toutefois 
que  ce  grand  mouvement  platonicien, 
en  multipliant  les  croisements  de  ma- 
nuscrits, a  contribué  à    en   rendre  le 
classement  par  familles  très  hasardeux 
pour   ceux    qui   sont  postérieurs  à  la 
grande  renaissance  byzantine  :  il  faut 
se   contenter    alors  de  ressemblances 
partielles,   mais  significatives.   AI.   A. 
expose   avec    précision   quels    indices 
externes  et  internes  permettent  d'abord 
d'établir   des   groupes,    puis,  dans  ces 
groupes,    de    déterminer  un   ordre  de 
filiation,  sans  oublier  que  cette  relation 
des    manuscrits  varie  suivant   les  dia- 
logues et  qu'elle  ne  vaut  pas  uniformé- 
ment pour  l'œuvre  entière.  11  en  donne 
pour  exemple  un  classement  des  ma- 
nuscrits du  Phèdre,  fondé   sur  l'étude 
de  52  manuscrits,  dont  5   ont  été  éli- 
minés comme  insignifiants  et  16  comme 
ne  représentant  aucune  tradition  pure 
(308-315).    Le  chapitre   se  termine  par 
une  revue  historique  et  critique  des  édi- 
tions imprimées,    depuis  celles  d'Aide 
Manuce,  Venise  1513,  de  Valder,  Bâle 
1534,  d'Henri    Estienne,    1578,   jusqu'à 
celle  de  M.  Burnet;  elle  signale  ce  que 
Ton  sait  des   manuscrits   utilisés    par 
les  anciens  éditeurs,  le  progrès  consi- 
dérable réalisé   par   les    collations  de 
Bekker  et,  de  nos  jours,  par   les   tra- 
vaux de  Schanz   et  de   Krâl  (315-319). 
En   résumé,    l'histoire      du    texte    de 
Platon  est  intimement   liée  à  l'histoire 
du  Platonisme   et  de   l'Hellénisme  en 
général;  elle  révèle  la  continuité  inin- 
terrompue    de    la    tradition    platoni- 
cienne,   l'étroite  liaison  qui  unit  à  la 
forme  la  plus  pure  de  la  tradition  an- 
tique notre  tradition  médiévale  et,  par 
suite,  la  confiance  que  celle-ci  mérite, 
HEG,  XXX,  1917,  n"  137. 


pourvu  qu'elle  soit  interrogée  avec 
méthode  (319  sq.).  —  Un  appendice 
est  consacré  aux  sigles  dont  se  sont 
servis  les  divers  éditeurs  pour  désigner 
les  manuscrits  :  un  tableau  commode 
les  rassemble  et  indique  ceux  dont 
M.  A.  souhaiterait  l'unanime  accepta- 
tion (321-323). 

Ce  long  compte  rendu  ne  donne 
qu'une  idée  bien  imparfaite  de  l'extrême 
richesse  du  livre;  on  a  cherché  du 
moins  à  faire  comprendre  quel  en  est 
l'intérêt  et  quelle  en  doit  être  l'utilité 
pour  tous  ceux  qui  s'intéressent,  à 
quelque  titre  que  ce  soit,  aux  études 
platoniciennes.  Cet  ouvrage,  en  effet, 
dégage  et  synthétise,  pour  leur  plus 
grand  profit,  les  résultats  d'une  foule 
do  livres  et  de  dissertations,  et  il  té- 
moigne à  chaque  page  d'une  érudition 
solide  et  étendue  (l).  Peut-être  souhai- 
terait-on parfois  qu'à  l'agrément  et  à 
la  souplesse  élégante  de  la  forme,  fût 
unie,  en  raison  même  de  la  complexité 
touffue  du  sujet  (2),  une  rigueur  plus 
grande  dans  la  conduite  de  l'exposi- 
tion. Peut-être  se  demanderait- on 
encore  si  l'auteur  ne  semble  pas  céder 
avec  trop  de  complaisance  au  prestige 
des  nombreuses  vraisemblances  qu'il  a 
si  heureusement  combinées.  Cette  his- 
toire du  texte  de  Platon,  à  l'exception 
d'un  très  petit  nombre  de  données 
positives,  est  une  histoire,  raisonnable 
sans  doute,  mais  aussi  prodigieusement 
conjecturale,  et  dans  laquelle  l'hypo- 
thèse sert  plus  d'une  fois  de  garantie  à 
l'hypothèse    (3).    Cette    réserve,    dont 

(1)  Une  liste  des  ouvrages  cités,  qui  sont  si 
nombreux,  eût  rendu  des  services. 

(2)  Aussi  un  index  alpliabétiquc  sera-t-il 
accueilli  avec  reconnaissance,  le  jour  où  M.  A. 
aura  le   loisir  de  nous  le  donner. 

(3)  Ainsi,  par  exemple,  les  caractères  que  M.  A. 
suppose  être  ceux  de  l'édition,  d'ailleurs  hypo- 
thétique, d'Aristophane  de  Bjzance  dépendent 
entièrement  des  hypothèses  antérieures  sur  l'état 
du  texte  et  sur  l'existence  d'une  édition  xénocra- 
lique.  L'hypothèse  de  la  participation  de  Dercyl- 
lidès  à  une  édition  atticienne  devient  le  fait  de 
l'édition  de  Dercyllidès  (lia;  H7,  2  fin;  129). 

15 


2li 


COMt»TES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


l'expression  même  est  un  hommage 
rendu  à  l'ingéniosité  avec  laquelle 
l'auteur  a  mis  en  œuvre  une  somme 
imposante  de  probabilités,  ne  saurait 
faire  méconnaître  ces  qualités  d'ana- 
lyse exacte  et  patiente  qui  s'affirment 
tant  de  fois  dans  l'ouvrage  de  M.  A,,  la 
netteté  de  vues  avec  laquelle  il  sait 
poser  les  problèmes  et  déterminer  la 
méthode  propre  à  les  résoudre,  la  pers- 
picacité dont  il  fait  preuve  dans  la 
recherche  des  solutions  (1).  En  résumé, 


De  même,  c'est  cette  Iiy|)ollièse  qui  fonde  la 
probabilité  de  la  substitution,  dans  Diogène 
Laërce,  du  nom  de  Dercyllidès  à  celui  de 
Thrasylle  (123,  2).  Enfin,  si  un  homme  comme 
Denys  d'Halicarnasse  se  contente  d'une  édition 
incorrecte  (103),  n'est-ce  pas  une  raison  de 
douter  de  l'existence  de  l'édition  d'Aristophane 
et.  peut-être  même,  toutes  réserves  faites  quant 
à  la  question  de  date,  de  celle  de  Dercyllidès? 
(I)  Nous  sommes  avertis  que  M.  A.  n'a  pu 
corriger  les  épreuves.  Les  fautes  d'impression 
sont  d'ailleurs  légères  et  se  rectifient  d'elles- 
mêmes  {traduction  pour  tradition,  96  ;  collec- 
tions pour  collations,  318).  P.  ^75,  l.  4,  ne 
faut-il  pas  lire  Diodore,  au  lieu  de  Tarrhaios  ? 
P.  302,  n.  6  le  ms.  Laurent.  80,  17,  L.  de  Bur- 
net,  est  donné  comme  le  6  de  Bekker,  tandis  que 
le  tableau  p.  323  rapporte  ce  sigle  à  Stallbaum  : 
c'est  cette  dernière  indication  qui  est  exacte. 
P.  150,  1.  6  d'en  bas,  par  eux-mêmes  ne  se 
comprend  pas.  —  P.  H,  1,  la  référence  manque  ; 
celle  de  57,  3  :  Scholie  sur  les  Catégories... 
{14,  43),  28  A  est  étrange  :  il  faut  lire,  je  pense, 
Schol.  Br.  2<?  a,  43  ;  celles  de  59,  2  à  Aristole 
manquent  de  précision.  —  P.  86,  1,  que  signifie  le 
renvoi  ùVAppendice  1  '!  L'ouvrage  ne  comprend 
qu'un  seul  appendice,  et  il  n'y  est  pas  question 
de  cela.  —  Pourquoi  n'esl-il  fait  que  de  vagues 
allusions  (6,  21)  à  l'hypothèse  des  doubles  édi- 
tions (pour  le  Phèdre,  p.  ex.),  en  rapport  avec 
le  problème  stylistique  et  la  chronologie?  — 
J'avoue  ne  pas  comprendre  comment  (jTtY|J.'>i 
TeXc{a  peut  vouloir  dire  point  en  liaut,  et 
û'jrOCTTiyjJ.T,,  à  la  fois  virgule  et  point  en  bas 
(102,  166),  —  147,  5,  Olympiodore  le  jeune  a 
commenté  les  Catégories  et  les  Météorologiques 
d'Aristote  :  c'est  donc  à  tort  qu'il  est  exclu  du 
groupe  des  commentateurs.  —  Deux  mots  enfin 
sur  les  noms  propres.  Qu'on  écrive,  comme  fait 
M.  A.,  Pan«itios.  Posidonios,  Ammonios,  etc., 
soit,  et  l'inconséquence  qui  laisse  en  môme  temps 
subsister    Arislote,    Né/ee,  Thrasylle,    Philippe 


ce  livre  fait  grand  honneur  à  la  science 
et  au  talent  de  son  auteur. 

Léon  Robin. 


3.  Paul  CLOCHÉ.  La  restauration  dé- 
mocratique à  Athènes  en  403  av. 
J.-C.  Paris,  Leroux,  1913.  In-S», 
xxiv-493  p. 

M.  Cloché  a  pris  le  soin  de  résumer 
pour  les  lecteurs  de  cette  revue  le  con- 
tenu de  son  ouvrage  (t.  XXIX,  p.  14-28). 
Il  a  rendu  ainsi  la  tâche  du  recenseur 
plus  facile  sans  doute,  mais  peut-être 
plus  ingrate. 

Les  événements  de  403  constituent 
la  dernière  révolution  que  relate  Aris- 
tote  dans  son  esquisse  de  l'histoire 
constitutionnelle  d'Athènes;  ils  abou- 
tirent à  la  restauration  de  la  démo- 
cratie, laquelle  se  maintint,  sans  modi- 
fications sensibles,  au  cours  du 
iv  siècle.  Démocratie  radicale,  régime 
de  «  Terreur  adoucie  »,  si  Ton  en  croit 
M.  Cavaignac.  M.  Cloché  n'en  juge  point 
ainsi  :  la  guerre  civile  de  403  se  ter- 
mina par  un  compromis  fait,  sous 
les  auspices  de  Pausanias  de  Sparte, 
par  les  deux  partis  en  présence,  et, 
tout  bien  considéré,  les  aristocrates 
athéniens  surent  tirer  fort  bon  parti 
du  nouveau  régime.  Assurément  ils 
échouèrent  à  fausser  le  principe  même 
de  la  démocratie  et  à  réserver  les  droits 
politiques  à  une  classe  privilégiée; 
mais  ils  ne  furent  point  inquiétés  dans 
leur  possession  des  biens  de  fortune  et 
ils  eurent  part  prépondérante  dans 
l'administration  de  la  cité. 


d'Oponte,  Diogénia/^,  Diogène,  Laërce,  etc.  n'est 
pas  intolérable.  Mais,  par  contre,  on  s'étonne 
de  trouver,  ici  Antioclufs  (121,  4).  là  côte  à  côte 
Simpliciws  et  DamasAio.y  (210  ;  147;  41,  2),  ou 
Proclos  (128)  et  AppelliAron  (58),  sans  ajouter 
que  parfois  (64)  on  lit  DamasciMs  et  Proclws. 
Sur  cette  petite  question,  ne  pourrait-on  se 
mettre  enfin  d'accord,  soit  pour  une  réforme 
radicale,  soit  pour  la  conservation  d'incorrections 
consacrées  par  l'usage  ? 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


215 


Telle  est  la  thèse,  fort  défendable,  ce 
semble,  que  M.  Cloché  s'efforce  d'éta- 
blir dans  les  deux  parties  de  son  travail. 
La  première  partie  est  consacrée  à  la 
guerre  civile;  elle  débute,  d'une  ma- 
nière un  peu  abrupte,  à  la  prise  de 
Phylé  par  Thrasybule.  11  n'eût  point  été 
inutile  de  nous  retracer  d'une  manière 
assez  détaillée  les  faits  antérieurs  qui 
préparèrent  la  crise  et  qui  l'expliquent. 
Des  acteurs  du  drame  sont  qualifiés 
de  <«  théraménistes  »;  mais  cette  appel- 
lation ne  nous  représente  rien  si  l'on 
ne  nous  a  point  défini  la  doctrine  poli- 
tique de  Théramène.  La  deuxième 
partie  gtudie  la  restauration  démocra- 
tique «  au  point  de  vue  de  la  mise  en 
application  de  Tamnistie,  des  conflits 
d'ordre  militaire,  judiciaire  et  politique 
qui  s'y  rattachent  »;  elle  tend  à  nous 
montrer  l'équité,  la  loyauté,  le  libéra- 
lisme du  Démos. 

Il  semble  qu'on  ne  puisse  toucher 
aux  choses  de  la  démocratie  athénienne 
sans  un  peu  de  parti  pris.  Certes  les 
sympathies  de  M.  Cloché  ne  l'entraînent 
à  nul  excès  de  pensée  ni  de  langage,  et 
c'est  seulement  à  la  dernière  page  de 
son  livre  qu'il  déplore  la  paresse  et 
l'engourdissement  de  la  démocratie, 
qui,  «  en  dépit  d'un  passé  terrible  et 
douloureux,  reste  asservie  à  des  in- 
fluences hostiles  à  son  principe  ».  Mais 
il  faut  attribuer  à  ces  sympathies 
avouées  et  avouables  quelque  subtilité 
à  décharger  le  parti  démocratique 
d'accusations  portées  contre  lui.  Le 
Démos  envoie  en  une  mission  péril- 
leuse trois  cents  cavaliers  qui  avaient 
servi  sous  les  Trente.  11  estimait,  selon 
Xénophon,  que  ce  serait  tout  bénéfice 
s'ils  n'en  revenaient  point.  «  Mesure 
de  haine  »,  protestent  d'aucuns.  — 
«  Acte  de  prudence  politique  »,  répond 
M.  Cloché.  Je  n'y  contredis  point;  mais 
ne  voit-il  pas  que  les  deux  jugements 
ne  se  distinguent  que  par  la  nuance 
du  sentiment  et  qu'il  était  vain  peut- 
être  d'y  consacrer  deux  pages  de  dis- 
cussion (p.  412-414). 
Au  reste,  l'ouvrage  entier,  qui  a  près 


de  cinq  cents  pages,  est  un  ouvrage 
de  discussion.  M.  Cloché,  de  son  propre 
aveu,  a  institué  une  confrontation 
entre  les  témoignages  anciens  et  les 
travaux  modernes  (p.  iv).  Cette  con- 
frontation se  répète  de  chapitre  en  cha- 
pitre et  alourdit  singulièrement  la  sé- 
rieuse étude  qui  nous  est  présentée. 
Les  témoignages  anciens  sont  «  peu 
nombreux  et  peu  développés  ».  C'est 
Xénophon  que  M.  Cloché  suit  de  pré- 
férence et  il  en  donne  de  plausibles 
raisons.  Dans  son  jugement  sur  Aris- 
tote,  il  s'accorde  à  peu  près  avec 
G.  Mathieu,  dont  l'étude  sur  1'  'AÔT.vaîwv 
IIoXiTEta  a  paru  peu  après  (voir  ci-après 
p.  230). Les  travaux  modernes  abondent: 
il  aurait  fallu  supprimer  délibérément 
tous  ceux  qui  ont  été  écrits  avant  la 
publication  de  l'ouvrage  d'Aristote.  Et 
surtout,  il  aurait  fallu  éliminer  presque 
tous  les  auteurs  d'histoires  générales, 
après  avoir  reconnu,  comme  l'a  fait 
M.  Cloché,  qu'ils  suivaient  d'ordinaire 
une  vulgate,  plus  ou  moins  déformée 
par  des  additions,  des  suppressions, 
des  enjolivements  arbitraires.  Mais  au 
contraire,  M.  Cloché  s'est  complu  à  en 
évoquer  le  plus  grand  nombre  possible 
de  la  poussière  des  bibliothèques  et  à 
polémiquer  contre  ces  ombres  vaines. 
Dans  une  partie  du  dernier  chapitre, 
M.  Cloché  a  traité  du  décret  conférant 
le  droit  de  cité  aux  métèques  qui  prirent 
part  aux  luttes  de  Phylé  et  de  Munychie 
(p.  459-469).  Sans  doute  avait-il  ter- 
miné cette  partie  de  son  travail  avant 
que  parût  Veditio  niinor  des  Inscrip- 
tiones  allicae  qu'il  ne  cite  point;  mais 
il  ne  cite  pas  non  plus  le  supplément 
du  Recueil  de  Michel,  publié  en  1912, 
et  il  s'attarde  à  disputer  contre  Ziebarth 
dont  les  hypothèses  reposent  sur  des 
lectures  et  des  restitutions  défec- 
tueuses. Si  M.  Cloché  vient  à  traiter 
d'autres  sujets  où  il  rencontre,  chemin 
faisant,  de  plus  nombreux  documents 
épigraphiques,  j'espère  qu'il  leur  fera 
un  sort  meilleur. 

P.  Roussel. 


216 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


4.  Roy  J.  DEFERRARl.  Lucians  Alii- 
cism.  The  morpholoqy  of  the  verb. 
Princeton  (New-Jersey),  Princeton 
University  Press;  London,  Humphrey 
Milford  ;  Oxford  University  Press, 
1916.  In-8%  ix-85  p. 

L'auteur,  dans  cette  étude  qui  est 
une  thèse  de  doctorat,  annonce  tout 
d  abord  qu'il  se  propose  d'examiner  à 
loisir  la  langue  de  Lucien  dans  ses 
rapports  avec  l'atticisme;  ses  devan- 
ciers n'ont  pas,  à  son  gré,  serré  d'assez 
près  la  tradition  manuscrite,  seule 
base  de  toute  statistique  autorisée.  Il 
revient  donc  à  la  charge,  non  sans 
alléger  sa  matière  d'une  vingtaine 
d'opuscules  inégalement  suspects.  Là- 
dessus  déjà  quelques  réserves  seraient 
à  faire,  car  les  observations  consignées 
dans  un  trop  court  chapitre  (le  ix«)  ne 
comblent  pas  suffisamment  cette  lacune 
de  parti  pris;  mais  le  champ  demeure 
fort  vaste  encore,  et  M.  Deferrari  se 
borne  pour  l'instant  à  l'examen  de  la 
morphologie  verbale,  qui  est  assuré- 
ment capitale  en  l'espèce. 

Louons-le  d'avoir  su  ne  pas  la  ré- 
duire à  de  simples  divergences  dans 
l'orthographe  :  celle-ci  en  effet,  rendue 
incertaine  par  les  probabilités  d'une 
recension  atticiste  et,  au  rebours,  d'un 
laisser-aller  des  copistes  dans  le  sens 
de  la  xotvT;,  demeure  chose  superfi- 
cielle, secondaire  et,  à  tous  égards, 
fort  sujette  à  caution.  Aidé  par  les  tra- 
vaux de  Jacobitz,  de  Fritzsche,  de  Som- 
merbrodt,  de  Nilen  surtout,  auquel  il 
emprunte  sa  notation  des  manuscrits, 
l'auteur  passe  assez  vite  sur  la  double 
T,  le  V  è'fsTvxuaxixôv,  l'augment,  pour 
insister  sur  le  détail  des  désinences 
verbales  et  des  tj'pes  de  conjugaison. 
Fort  à  propos,  un  chapitre  spécial 
(le  viiie)  est  réservé  aux  verbes  irrégu- 
liers, eIjjlî,  eljxi,  syo),  t'T,[jLL,  ôpâw  et  une 
dizaine  d'autres,  on  ne  peut  plus  fré- 
quemment employés,  dont  les  sur- 
vivances morphologiques  semblent 
échapper  à  toute  loi  pour  suivre  comme 
au  hasard  les  fantaisies  de  l'usage. 


Une  bibliographie  précède,  à  laquelle 
on  s'étonne  de  voir  manquer  entre 
autres  le  nom  de  Maurice  Croiset,  si 
étroitement  spécialisé  que  soit  l'objet 
de  la  thèse  :  il  faut  connaître  le  tem- 
pérament de  Lucien,  sa  judicieuse  mo- 
dération, la  sûreté  de  son  goût  pour 
comprendre  à  quel  point  sera  malaisée 
la  solution,  à  l'aide  des  seuls  réper- 
toires de  formes  employées,  du  pro- 
blème de  son  atticisme.  Le  système 
chez  lui  était  constamment  tempéré 
par  des  soucis  d'ordre  artistique,  par 
le  souci  de  fuir  à  tout  prix  l'obscurité 
et  l'atfectation.  Voilà  qui  est  bien  fait 
pour  compliquer  les  difficultés  de  la  tra- 
dition manuscrite  et  la  tâche  du  philo- 
logue; mais  là  précisément  est  l'intérêt 
le  plus  vif  de  la  question,  qui  pas- 
sionne M.  Deferrari  après  tant  d'autres. 
On  doit  souhaiter  qu'il  poursuive  ses 
recherches  au  delà  des  minuties  mor- 
phologiques pour  arriver  à  la  syntaxe, 
singulièrement  plus  importante,  et  au 
style,  qui  est  l'essentiel.  Tel  qu'il  est, 
ce  début  promet  beaucoup,  et  l'index 
qui  le  termine  en  rend  la  consultation 
facile  autant  que  profitable. 

Samuel  Chabert. 


5.  Armand  DE  LATTE.  Études  sur  la 
littérature  pythagoricienne.  Biblio- 
thèque de  l'École  des  Hautes-Etudes. 
Sciences  historiques  et  philologi- 
ques. 217^  fasc.  Paris,  Ed.  Cham- 
pion, 1915.  ln-8o,  314  p. 

Les  divers  travaux  que  M.  D.  a  réu- 
nis dans  ce  volume  traitent  d'un  des 
plus  obscurs  et  des  plus  difficiles 
problèmes  de  l'histoire  de  la  philoso- 
phie grecque. 

Le  premier  (cf.  Rev.  de  Philol.  anc. 
1910,  175  sqq.),  est  consacré  à  un 
Upôi;  Xôyoç  pythagoricien  (1-75),  en  vers. 
M.  D.  essaie  de  le  reconstituera  l'aide 
des  fragments  conservés  par  les  bio- 
graphies successives  de  Pythagore  et 
aussi  à  l'aide  des  Vers  dorés.  Un  rapide 
coup  d'œil  sur  l'histoire  de  la  tradition 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


217 


pythagoricienne  (7  sq.)  lui  donne  occa- 
sion d'expliquer  quelle  a  été  la  genèse 
de  son  travail  :  les    ressemblances   de 
l'exposition   des   doctrines   et  des  pra- 
tiques pythagoriciennes  chez  nos  deux 
meilleurs  témoins,    Aristoxène  de  Ta- 
rente  et   Timée  de   Tauroménium,    ne 
s'expliquent  pas  par  la  tradition  orale, 
mais  seulement   par  l'existence  d'une 
source  commune,  que  décèlent  et  d'où 
proviennent   les    fragments   poétiques 
pythagoriciens    qu'on    découvre    dans 
leurs  œuvres.  Voici  d'abord,  provenant 
de  Timée,    cinq  vers  d'un  poème  que 
les  disciples    de  l'École  récitaient    sur 
l'ordre  du  maître  et  qui  concernent  le 
précepte  de   l'examen   de  conscience  ; 
une  démonstration   ingénieuse  et  pro- 
bante y  reconnaît  un  morceau  du  tepèç 
làyoi  dans    lequel   étaient    réunis    les 
principes  et  les  règles  de  la  vie  pytha- 
goricienne.   Des    emprunts  anaolgues 
sontrévélésnotammentparla  présence, 
dans    la     prose     de    Diogène    Laërce 
quand  il  puise    à   l'histoire  de  Timée, 
de  formes    ioniennes,    de  mots  poéti- 
ques et  rares,  de  débris  de  vers,  d'ex- 
pressions imagées  dont  la  présence  ne 
se  comprend  que  si  ce    sont    des   ves- 
tiges,   heureusement  conservés,   de  ce 
catéchisme  théorique    et    pratique   de 
l'ordre  (8-15,  cf.  17).  D'autres  vers,  cités 
par  Jamblique   et    que,  "  par    compa- 
raison,   M.    D.    croit    dérivés    de   Ti- 
mée, auraient    la    même  origine.  En- 
fin certaines    formules   suggèrent  des 
rapprochements  avec  Platon,  dans  des 
endroits  où  il  paraît  bien  faire  appel  à 
sa  connaissance  approfondie  de  la  lit- 
térature   pythagoricienne    (noter    17,2 
l'ingénieuse  et  très  séduisante  correc- 
tion proposée   par   M.    Serruys  à  Lois 
VI,  753  e  :   au   lieu    ipyou,  inutile  et 
bizarrement    placé,   on    pourrait  lire, 
pour  le  plus  grand  avantage  de  l'hypo- 
thèse de    M.  D.    <î>ep<oG    Xo>you). 
Or  ce  tspôç  XôYOi;.  Aristoxène    semble 
aussi    l'avoir  connu,  autrement   peut- 
être,  mais  sous  une  forme  semblable, 
comme  le  prouvent  tant  de  mots  poéti- 
ques, ou   encore   la  présence,   à  côté 


des    formes   doriennes    de    la   langue 
scientifique     des    Pythagoriciens,     de 
formes    poétiques  ioniennes,   et   enfin 
plusieurs    formules,  d'allure  poétique, 
où  il   énonce,  parfois  en  accord    avec 
Timée   ou    avec    l'Orphisme,    soit   des 
règles   morales,  soit  des  doctrines  de 
l'École.  Au  reste,  la    comparaison  des 
renseignements  d'Aristoxène  avec  ceux 
de  Timée,  est  un  moyen   indirect  de 
reconnaître  chez    lui    la  substance  du 
Discoi/rs  sacré.  Il  faut  noter  aussi  des 
survivances  d'une   ancienne  termino- 
logie technique,  dont  le  caractère   py- 
thagoricien n'est  pas  douteux  (19-23). 
Enfin,    dans  Héraclide   du    Pont,  dans 
le  ^«   Alcibiade  (qui,  s'il   n'est  pas  de 
Platon,  est  du  moins  une  œuvre   aca- 
démique), chez  Chrysippe,  nous  trou- 
vons   des   vers   qui  sont  cités  comme 
pythagoriciens  ou  connus  pour  tels  par 
des    écrivains    postérieurs.    M.    D.  les 
rapporte  encore  au  Upo<;  Xdyoç  (23-25). 
Le    peu    d'étendue    de    l'œuvre    peut 
expliquer   qu'elle    se   soit    en    grande 
partie  perdue   (26).    —   Quelle   en  est 
l'origine  ?  Bien  qu'il  ne  soit  pas  tout 
à  fait   impossible    d'en    rapporter    la 
composition   à    Pythagore    lui-même, 
cette  attribution  paraît  très  douteuse. 
D'autre  part,  le  îepoç  Xdyo;  est  vraisem- 
blablement antérieur    au    schisme  qui 
se   produit    dans    l'École  à   la    fin  du 
ve  siècle  :  ni  purement   théorique,   ni 
fanatique  et   superstitieux,  il  ne  porte 
la  marque  d'aucune  des  deux  fameuses 
sectes.   Mathématiques    et  Acousmati- 
gues,  qui    se    séparèrent  alors  (29-31  ; 
cf.  la  dernière  étude).  D'autres  raisons 
encore  déterminent  M.  D.  à  le  placer 
au  début  ou   au    milieu  du   v^   siècle, 
en  un  temps  où   le  Pythagorisme  est 
très  voisin    de  l'Orphisme.  Des  rédac- 
tions ditïerentes  du  Discours  sacré  ont 
pu   être    élaborées   dans    les   diverses 
communautés    (sans    que  l'état  actuel 
de  nos  connaissances  permette  de  dis- 
cerner ces  couches    successives),  puis 
fusionner  en  une  œuvre  unique,  dont 
au  iv«  siècle  déjà  il   ne  reste  plus  que 
des  fragments.  —  Dans  le  ch.  ii,  Tessai 


218 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


de  reconstitution  se  complète  au  moyen 
de  témoignages  d'époque  plus  récente  : 
dans  Héraclide  Lembus,  dans  Plutar- 
que,  dans  l'écrit  d'auteur  incertain  sur 
La  vie  et  la  poésie  d'Homère,  dans 
Galien,  M.  D,  trouve  encore  des  restes 
du  Discours  saci'é,  qui  confirment  ou 
expliquent  les  indications  de  ïimée  et 
d'Aristoxène  (1).  Une  scholie  homé- 
rique lui  fournit  l'occasion  d'un  com- 
mentaire intéressant  sur  la  raison  pour 
laquelle  il  était  interdit  de  manger  des 
fèves  (36-38;  cf.  292  sq.).  Des  rappro- 
chements ingénieux  entre  plusieurs 
textes  de  Sextus  Empiricus,  de  Sotion, 
d'Ovide,  de  Plutarque  lui  permettent 
de  retrouver  des  vestiges  ou  des  frag- 
ments du  Upà^  Tvdyo);  (38-42).  Par  contre, 
on  se  tromperait  en  rapportant  à  notre 
poème,  ou  aux  Pythagoriciens  en  gé- 
néral, les  idées  pessimistes  qu'Ausone 
pourrait  sembler  leur  attribuer  dans 
une  de  ses  églogues  (VII,  2).  —  Quels 
sont  enfin  les  fragments  du  '.spà;;  lôyo^i 
recueillis  par  les  Vers  dorés  (ch.  m,  45 
sqq.)?  Ce  poème  est  antérieur  à  la  date 
que  lui  assignait  Nauck,  le  début  du 
iv^  siècle  ap.  J.-C.  ;  il  est,  au  plus  tard, 
du  milieu  du  iii^  siècle,  car  Athénée  y 
fait  allusion  (vm,  320  f,  cf.  288  a). 
L'absence  de  plan,  les  obscurités,  les 
renvois  (cf.  p.  70,  72)  à  des  développe- 
ment antérieurs  que  l'ouvrage  ne  ren- 
ferme pas,  montrent  clairement  que 
c'est  une  compilation,  heureusement 
assez  maladroite  pour  qu'on  y  puisse 
discerner  les  parties  anciennes.  Comme 
il  renferme  cinq  des  fragments  qui  ont 
paru  provenir  du  îspôç  Xoyoç,  on  peut 
supposer  que  l'auteur  a  utilisé,  soit  des 
livres  où  celui-ci  était  cité,  soit  une  col- 
lection de  fragments.  Il  sera  donc  néces- 
saire d'examiner,  pour  chaque  vers,  la 
question  d'origine.  Cet  examen  minu- 
tieux, dans  le  détail  duquel  il  est  diffi- 
cile de  suivre  M.  D.,  lui  permet — par  des 

(1)  Le  témoignage  de  celui-ci,  dans  Aulu-Gelle, 
IV,  11,  4,  contre  la  prétendue  interdiction  des 
fèves,  dont  il  va  être  question,  n'est  ni  mentionné, 
ni  discuté  par  M.  D.  ;  cf.  23,3  et  292,3. 


comparaisons  avec  d'autres  témoigna- 
ges ou  avec  toute  la  littératures  appa- 
rentée au  Pythagorisme,  avec  Pindare, 
avec  Empédocle,  avecParménide,  ainsi 
qu'avec  l'Orphisme  (62,  63,  65),  par  des 
rapprochements  avec  les  inscriptions 
des  sectes  à  mystères  de  l'Italie  méri- 
dionale (63,  71,  78)  ou  encore  avec  les 
figures  gravées  (74  sq.),  —  de  reconnaî- 
tre dans  les  '/puaa  è'-irr,  de  nombreux 
fragments,  disloqués,  mal  assemblés  et 
déformés,  du  Ispôç  \6yo^.  En  somme, 
sur  71  vers,  une  quarantaine  doivent 
être  regardés  comme  dérivant  de  cette 
source  primitive.  On  notera  tout  parti- 
culièrement l'interprétation  intéres- 
sante des  vers  21-23  (p.  54  sq.),  49-53 
(p.  61-64),  54-60  (vestiges  d'une  com- 
paraison où  il  faut  peut-être  trouver 
l'origine  de  la  célèbre  comparaison 
du  cylindre  dans  Chrysippe,  p.  64-67), 
67-69  (qui  donnent  lieu  à  des  rappro- 
chements très  instructifs  avec  les  my- 
thes platoniciens  du  Phèdre,  p.  72-77). 
L'étude  qui  suit  (cf.  Rev.  de  Philolo- 
gie anc,  1911,  p.  255  sqq.)  est  consacrée 
à  la  lettre  de  Lysis  à  Hipparque,  négli- 
gée jusqu'ici  par  les  critiques.  Cette 
étude  s'ouvre  par  des  remarques  géné- 
rales, des  plus  judicieuses,  sur  les  va- 
riations de  l'attitude  de  la  critique  à 
l'égard  de  la  littérature  épistolaire  de 
l'antiquité.  Même  inauthentiques,  ces 
lettres  anciennes  ont  tenu  dans  la  tra- 
dition historique  relative  à  la  philoso- 
phie grecque  une  place  considérable,  et 
leur  histoire  est  inséparable  de  l'étude 
de  la  biographie  alexandrine  (83-85). 
La  lettre  en  question  nous  est  parve- 
nue dans  deux  traditions  différentes; 
l'une,  par  Jamblique  {V.  P.  75-78),  pro- 
vient, selon  M,  D.,  d'Apollonius  de 
Tyane  et,  au  delà,  vraisemblablement 
de  Timée.  Une  autre  tradition,  —  qui 
diffère  à  la  fois  par  le  texte,  par  l'ordre 
dans  lequel  les  idées  sont  présentées  et 
surtout  par  des  passages  nouveaux, 
une  introduction  et  une  conclusion,  — 
parait  dériver  dun  ancien  recueil  de 
lettres  {Epistologr.  gr.  de  Hercher, 
coll.  Didot,  601  sq,).  Selon  toute  appa- 


COMPTES   RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


219 


rence  c'est  une  refonte  de  la  tradition 
A,  et  c'est  à  elle  que  paraît  se  rattacher, 
mais  avec  quelque  dilïérence  dans  le 
texte  et  dans  le  nom  du  destinataire 
qui  devient  Hippase,  le  fragment  assez 
court  que  nous  en  a  conservé  Diogène 
Laërce,  VIII,  42  (85-88).  Successivement 
M.  D.  étudie  les  deux  versions.  Dans 
la  première,  Lysis  s'étonne  et  s'indigne 
qu'Hipparque,  infidèle  à  la  règle  de 
Pythagore,  enseigne  publiquement,  à 
la  façon  des  autres  philosophes,  la 
doctrine  de  leur  école,  et  sans  avoir  au 
préalable  soumis  ses  auditeurs  à  une 
préparation  morale  et  à  une  purgation 
des  passions  ;  après  l'avoir  d'abord 
menacé  d'une  sorte  d'excommunica- 
tion, il  lui  expose  les  raisons  pour 
lesquelles  il  est  nécessaire  d'employer 
cette  méthode.  Des  correspondants  que 
savons-nous  ?  Rien  sur  Hipparque  qui 
ne  vienne  de  la  lettre  en  question,  peu 
de  chose  sur  Lysis,  et  rien  qui  s'ac- 
corde avec  ce  que  la  lettre  implique. 
En  considérant  cependant  les  conditions 
du  milieu  pythagoricien  à  la  fin  du 
ve  siècle,  date  probable  de  la  lettre,  il 
n'est  pas  invraisemblable  que  parmi 
les  groupes  isolés  qui  s'étaient  formés 
çà  et  là  autour  des  membres  dispersés 
de  la  Société,  les  uns  aient  adopté  le 
régime  des  autres  écoles  philosophi- 
ques, tandis  qu'ailleurs  on  restait 
fidèle  aux  anciennes  traditions  de  l'école 
et  hostile  aux  aocpiaxat  (cf.  97).  Le  fond 
même  de  la  lettre,  l'emploi  du  dialecte 
dorien,  le  caractère  symbolique  du 
style,  le  ton  emphatique,  rien  de 
tout  cela  n'autorise,  bien  au  con- 
traire, à  en  suspecter  l'authenticité  : 
c'est  l'adjuration  d'un  initié  à  un 
confrère  égaré.  La  religieuse  véné- 
ration dont  elle  témoigne  à  l'égard  du 
Maître  s'accorde  bien  avec  ce  que  nous 
savons  des  sentiments  ordinaires  des 
Pythagoriciens  et  avec  l'opinion  que 
Pythagore  paraît  avoir  eue  du  caractère 
surhumain  de  sa  personnalité  prophé- 
tique (cf.  16).  La  place  importante 
qu'elle  fait  à  la  lutte  ascétique  contre 
les  passions  est  de  même  tout  à  fait 


dans  l'esprit  du  Pythagorisme  ancien 
et  encore  de  celui  du  iv»  siècle. 
Les  renseignements  que  nous  fournit 
notre  lettre  sur  le  secret  pythagoricien 
sont  propres  à  éclairer  un  peu  une 
question  si  controversée.  Cette  obliga- 
tion paraît  se  rapporter  surtout  à 
l'époque  où  la  dissolution  de  la  Société 
et  la  dispersion  de  ses  membres  a  mis 
ceux-ci  en  présence  d'autres  sociétés 
philosophiques,  et  la  lettre  de  Lysis 
fait  comprendre  à  quelles  précautions 
préparatoires  était  soumise  l'admission 
des  néophytes  dans  cette  confrérie 
religieuse  et  à  la  révélation  mystique 
de  la  parole  du  Maître  (cf.  266).  Toute- 
fois M.  D.  doute  qu'il  faille  aller  au 
delà  de  ces  indications  et  suivre  Timée 
dans  ce  qu'il  nous  dit  d'une  organisa- 
tion rigoureuse  et  presque  militaire  de 
la  Société,  notamment  pour  la  pré- 
tendue désignation  de  ses  membres, 
aux  divers  degrés  de  leur  initiation, 
par  les  mots  exotériques  et  ésolériques 
(98-101).  En  résumé,  rien  ne  permet  de 
suspecter  l'authenticité  de  notre  lettre. 
Dans  ses  exposés  psychologiques  no- 
tamment, elle  ne  porte  aucune  trace 
des  influences  platoniciennes  que  révé- 
lerait au  contraire  à  coup  sûr  un 
document  apocryphe  du  milieu  du 
ive  siècle.  Quelle  en  est  l'origine? 
Émane-t-elle  du  groupe  des  ad  mirateurs 
thébains  de  Lysis  ?  De  Lysis  lui-même? 
Ou  bien  plutôt  d'un  cercle  pythagori- 
cien du  ive  siècle?  Elle  n'en  resterait 
pas  moins,  dans  ce  dernier  cas,  une 
des  «  meilleures  sources  directes  de 
l'histoire  pythagoricienne  »  et  un 
élément  important  de  la  tradition  his- 
torique (103).  —  Quant  à  la  tradi- 
tion B,  le  remaniement  qui  lui  a  donné 
naissance  est  déterminé  tout  entier  par 
l'introduction  dans  le  texte  d'un  mor- 
ceau relatif  à  la  conservation  des 
•jTro[JLVfi[xaTa  de  Pythagore  par  sa  fille 
Damo  et  sa  petite-fille  Bitaia  ou  Bitalê 
(cf.  206),  et  il  serait  l'œuvre  de  quelque 
érudit  alexandrin  du  i*""  siècle  avant 
J.-C.  A  l'hypothèse  de  Diels,  d'après 
laquelle  la  lettre  de  Lysis  serait  une 


220 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


préface  mise  par  un  faussaire  à  un  îspôç 
Xoyoç  de  sa  fabrication,  M.  D.  objecte 
que,  à  l'opposé  de  ce  deinier  morceau 
qui  ne  peut  être  antérieur  au  i^^  siècle 
de  notre  ère  (cf.  192  sqq.),  la  version 
remaniée  de  la  lettre  de  Lysis  est  déjà 
connue  des  biographes  que  suit  Dio- 
gène  Laërce  et  remonte  par  conséquent 
au  moins  au  le--  s.  avant  notre  ère. 
11  y  voit  bien  une  préface,  mais  au 
faux  traité  pythagoricien  iratSs'jxixov 
TToXtxixov  cpuaixôv,  lequel  date  du  ii«  ou 
du  ler  s.  av.  J.-C.  (cf.  aussi  205  sq.). 
Le  parallèle  qu'il  établit  à  ce  propos 
entre  la  légende  de  Philolaûs  qui, 
tombé  dans  la  misère,  vendit  à  Dion 
les  trois  livres  de  Pythagore.  et  l'his- 
toire, interpolée  dans  la  lettre  de  Lysis, 
de  Danio  qui,  malgré  sa  pauvreté,  a  au 
contraire  gardé  secrets  les  écrits  de 
son  père,  expliquerait  assez  bien  que, 
par  cette  histoire,  le  faussaire  espérât 
faire  passer  son  œuvre  pour  les  fameux 
trois  livres  qu'avait  divulgués  Philolaûs 
(103-106). 

Il  serait  malaisé  d'analyser  dans  ce 
compte  rendu  la  troisième  étude,  sur 
Véxégèse  pythagoricienne  des  poèmes 
homériques  (109-136).  M.  D.  y  montre 
comment  l'école  pythagoricienne, 
après  avoir  probablement  condamné 
l'immoralité  des  poèmes  homériques, 
jugea  sans  doute  par  la  suite  plus  ha- 
bile (cf.  116)  de  les  utiliser  pour  son 
enseignement  ou  pour  son  œuvre 
d'éducation  morale.  Elle  possédait,  en 
effet,  au  ve  et  au  iv^  siècles  des  lectures 
choisies  d'Homère  et  d'Hésiode,  antho- 
logies accompagnées,  semble-t-il  (134; 
cf.  274),  de  commentaires  qui  expli- 
quaient la  signification  édifiante  de 
chaque  morceau.  M.  D.  recueille  çà 
et  là  un  assez  grand  nombre  de  ves- 
tiges de  cette  littérature  pythagori- 
cienne. Tantôt  on  s'efforçait  de  décou- 
vrir une  intention  morale  dans  le  ré- 
cit qui  en  semblait  le  plus  dépourvu, 
comme  dans  l'histoire  de  Pandare 
(112-114);  tantôt  on  recourait  à  l'inter- 
prétation allégorique  (cf.  119,  123,  125, 
135),  par  exemple  quand  on   considé- 


rait le  bruit  des  flèches  d'Apollon  {II. 
A,  V.  47)  comme  le  symbole  du  bruit 
de  la  sphère  du  soleil  dans  son  mou- 
vement rapide  de  révolution  (116),  ou 
qu'on  s'ingéniait  à  donner  une  signifi- 
cation philosophique  à  l'antre  des 
nymphes  d'Ithaque  (129-131),  ou  à 
l'épisode  des  Sirènes  (132-134)  dans 
l'Odyssée.  On  cherchait  à  expliquer 
certains  termes  homériques,  alO-rip,  où- 
pavoc;,  ô>v'jti.T:oç,  ou  5é[j.a<;  et  awixa  dans 
le  sens  de  la  doctrine  (126,  130),  et  par- 
fois au  moyen  des  ressources  d'une 
étymologie  fantaisiste,  awjxa-af.fxa,  8é- 
[jLa;-auv6e6s|X£vov  (131  sq.;  cf.  115  et 
n.  3,  281).  On  trouvait  dans  Homère 
la  justification  des  croyances  et  des 
pratiques  de  l'École,  ainsi  de  la  mé- 
tempsycose (127-129),  ou  de  l'existence 
du  feu  central  (123),  ou  de  la  règle  du 
silence  (116  sq.;  cf.  120).  On  lui  de- 
mandait des  thèmes  de  sermons 
(118  sq.).  On  voulait  même  qu'il  y  eût 
dans  les  poèmes  homériques  un  pres- 
sentiment de  la  théorie  des  nombres 
et  dès  idées  qui  en  dérivent  (121-123, 
123  sq.,  124  sq.  ;  cf.  136).  Il  est  pos- 
sible enfin  que  les  Pythagoriciens  aient 
pratiqué  à  l'égard  des  poèmes  homé- 
riques la  méthode  de  l'interpolation  : 
dans  la  description  des  châtiments  in- 
fernaux {Od.  X,  565-632),  dont  les  idées 
cadrent  mal  avec  les  conceptions  mo- 
rales et  religieuses  du  reste  du  poème, 
ce  n'est  pas  tant  d'influences  orphi- 
ques qu'il  faut  parler  (avec  VVilamo- 
witz)  que  d'influences  pythagoricien- 
nes. D'autre  part,  on  a  dans  l'anti- 
quité rapporté  aux  Pythagoriciens  des 
poésies  morales,  attribuées  par  eux  à 
Linus  (cf.  265,  1  et  297),  et  admis  qu'ils 
ne  seraient  pas  étrangers  à  la  publi- 
cation des  poésies  orphiques  (cf.  4  sq.). 
L'hypothèse  d'une  interpolation  pytha- 
goricienne n'aurait  donc  rien  d'invrai- 
semblable, et  M.  D.  est  disposé  à  l'ac- 
cepter également  pour  certaines  des 
interpolations  anciennes  d'Hésiode 
(134-136). 

Encore  une  étude,  d'un  caractère  très 
spécial,  sur  U?îe  série   nouvelle  d'Epi- 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


221 


thêta  deorum  d'après  les  Theologou- 
mena  de  Nicomaque  {\'M)-i6i).  \Jarith- 
mologie  pythagoricienne  (ce  terme  est- 
il  vraiment  plus  propre  que  celui 
di  arithmétique  à  exprimer  le  caractère 
non  scientifique  de  ces  spéculations?), 
après  s'être  bor.née  à  considérer  les 
rapports  de  certains  nombres  avec  les 
phénomènes  naturels,  s'est  peu  à  peu 
orientée  vers  la  théologie,  et  a  fini  par 
identifier  chacun  des  nombres  de  la 
série  décadique  avec  une  ou  plusieurs 
divinités.  C'est  cette  identification  qui 
explique  l'application  aux  nombres  de 
certaines  dénominations,  qui  sont  en 
réalité  les  épithètes  ou  les  surnoms 
des  divinités  représentées  par  ces 
nombres.  Classer  ces  dénominations, 
étudier  le  sens  et  l'origine  de  celles 
qui  sont  révélées  par  la  tradition  des 
Theologoumeîia,  tel  est  l'objet  que  se 
propose  M.  D.  Il  prend  pour  base  de 
son  étude  le  résumé  des  Theologou- 
mena  de  Nicomaque  dans  Photius,  cod. 
187,  p.  143-145  Bekker,  et  il  s'aide  des 
extraits  de  cet  ouvrage  que  contien- 
nent nos  Theoloqoumena  anonymes 
attribués  faussement  à  Jamblique,  uti- 
lisant aussi,  à  l'occasion,  Modératus, 
Lydus,  Martianus  Capella.  La  source 
commune  serait  les  deux  apocryphes 
d'origine  néopythagoricienne  auxquels 
sera  consacrée  l'étude  VI.  Ce  travail 
de  M.  D.  intéressera  autant  le  mytho- 
logue que  l'historien  de  la  philoso- 
phie. On  trouvera  à  la  fin  de  l'étude 
(p.  163  sq.)  une  liste  des  épithètes  de 
chaque  divinité,  avec  indication  des 
épithètes  nouvelles.  11  n'eût  pas  été 
inutile  d'y  signaler,  en  face  de  chaque 
épithète,  le  nombre  auquel  elle  con- 
vient. 

La  cinquième  étude,  Anecdota  arith- 
mologica,  comprend  la  publication, 
avec  indication  en  note  des  passages 
parallèles,  de  plusieurs  petits  traités 
arithmologiques.  A)  1  (167-171)  :  résumé 
d'arithmologie,  limité  aux  sept  pre- 
miers nombres,  qui  se  trouve  dans  les 
Paris,  gr.  1417,  f»  7  v.  et  2992,  f°  56  v., 
du  xve  et  du  xvi«  siècle.  Ce  texte  offre 


des  traits  remarquables  de  parenté 
avec  les  commentaires  d'Alexandre 
d'Aphrodise  et  d  Asclépius  sur  un  pas- 
sage de  la  Métaphysique  d'Aristote  (A, 
5,985  b,  26j.  M.  1).  établit,  contre  Hay- 
duck,  l'éditeur  d'Asclépius  dans  la 
collection  de  l'Académie  de  Berlin,  que 
le  commentaire  de  ce  dernier  ne  dérive 
pas  d'Alexandre,  mais  d'un  original, 
vraisemblablement  un  ancien  com- 
mentaire d'Aristote,  dont  une  récen- 
sion  différente  et  parfois  moins  bonne 
a  été  utilisée  en  commun  par  l'auteur 
anonyme  du  résumé  et  par  Alexandre. 
On  peut  en  outre  tirer  de  cette  com- 
paraison d'utiles  indications  pour 
rétablissement  du  texte  d'Alexandre  (1). 
La  source  primitive  serait  un  grand 
recueil  arithmologique,  sans  doutedela 
période  alexandrine  (cf.  140  et  n.  1,  207, 
208),  qui  a  été  utilisé  aussi  par  Philon, 
Nicomaque,  Clément  d'Alexandrie  (cf. 
étude  Vil),  Macrobe,  Théon  de  Smyrne, 
Martianus  Capella  etc.  —  2  (171-175). 
Autre  résumé  d'arithmologie  (ms.  1115 
[xve  s.]  de  la  Bibliothèque  d'Athènes) 
qui  traite  de  tous  les  nombres  de  la 
décade,  avec  une  préoccupation  mar- 
quée d'en  expliquer  les  qualités]par 
l'étymologie.  Il  provient  d'une  autre 
source  et  se  rattache  plus  étroitement 
à  la  tradition  ordinaire  des  traités 
arithmologiques  ;  souvent  il  paraît 
inspiré  directement  de  Nicomaque.  — 
B)  1  (175-177).  Quelques  remarques 
extraites  d'un  commentaire  latin  [Pa- 
ris, gr.  1940,  fo  62-64),  explicatif  et 
critique,   des    Theologoumena    du    Ps. 


(1)  P.  170,  171  :  la  correction  TSXpaixsVOi;, 
au  lieu  de  (JTspedi;  mss.,  avant  de  figurer  daas 
l'éd.  de  Hayduck  (38,  16),  avait  été  faite  par 
Bonitz  (28,  29).  D'autre  part  il  est  inexact  d'at- 
tribuer à  ce  dernier  le  changement  de  èxôiv 
(29,  1)  en  fiTivôiv,  même  dans  les  Addenda  où  il 
utilise  Asclépius.  C'est  à  Hayduck  qu'il  faut  en 
rapporter  l'initiative  (38,  191,  non  seulement 
d'après  Asclépius,  mais  aussi  d'après  la  version 
des  mss.  LF  {Laurent.  87,42  et  Ambros.  US). 
P.  170,  I.  14  d'en  bas.  je  suppose  qu'il  faut 
ajouter  9  après  8.  Enfin  l'observation,  même 
page,  1.10  d'en  bas,  appellerait  des  réserves. 


222 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


Jambliqiie,  et  qui  va  jusqu'à  la  p.  12 
de  réd.  de  Paris  1543  (H,  6  Ast),  pour 
se  continuer  jusqu'à  la  p.  13  (12  Ast) 
par  un  brouillon  de  traduction  latine. 
—  2.  Remarques  et  conjectures  suggé- 
rées à  M.  D.  par  divers  passages  : 
a)  (m-n9)  du  même  traité  (1);  h)  (179 
sq.)  du  résumé  des  Theolog .  de  Nico- 
maque  dans  Photius  (2).  —  C  (181). 
Interprétation  presque  satisfaisante, 
au  moyen  dune  heureuse  conjecture, 
d'un  passage  (dans  Annales  intern. 
d'HisL  Congrès  de  Paris  1900,  ije  sec- 
tion, p.  33,  7)  du  -.  Sexdtooç  d'Anato- 
lius  (cf.  140  et  177),  que  Tannery  a  mal 
compris  et  que  Heiberg  n'a  pas  resti- 
tué. Dans  la  lacune,  après  èv...  com- 
pléter par  Ti6£îJ.évri  la'  et  corriger  èav 
en  Èav.  —  D  (182-185).  Publication, 
avec  mention  des  textes  parallèles,  de 
quatre  courts  fragments  de  traités 
arithmologiques  sur  un  des  thèmes 
habituels,  la  division  des  âges  de  la 
vie  humaine  :  le  premier  est  une  ver- 
sion nouvelle  d'un  fragment  du  iz.  É6- 
SoijLczooiv  du  Ps.  Hippocrate  {Paris,  (jr. 
Coisl.  345,  fo  224  v)  ;  les  deux  suivants, 
dans  le  même  ms.   à  la  suite  du  pré- 

(1)  P.  7,  1.  27  Ast,  au  lieu  de  ta  TCavxojv 
tSiwfxaxa  TTcpié/ouTav  wç  èxôlvo;,  lire  zs- 
p'.éyo^xa  se  rapportant  à  lIpoiTsa  supra,  et 
sxeiVTj,  se  rapportant  à  aÔTr,v  qui  désigne  ici  la 
Monade  identifiée  par  l'auteur  avec  Prêtée  ;  cf. 
Syrianus  ni  Ar.  Metaph.  831  a,  G,  842  a,  8  (où 
il  faut  lire  IlpwTéa  au  lieu  de  "paxéa  ;  cf.  cepen- 
dant 193,  2).  P.  23,  o,  au  lieu  de  ETi  [xr^v,  wpa, 

VÛÇ  X.    T.   X.,    lire     £Tl   ETOÇ,    [X7)V,    TJJ.£pa    ..., 

par  analogie  avec  20,  4  et  pour  avoir  un  groupe 
de  quatre  termes. 

(2)  P.  143  b  (et  non  a)  6  Bekkcr  :  au  lieu  de 
supprimer  (I)5ÛT,  olov  ÛTCOjiovfi,  corriger  en  xal 
SuTfi...,  cf.  Theolog.  arithm.,  12,  1  Ast.  P.  143  b, 
41 ,  supprimer  la  virgule  après  6aXajJOÛyrov,  qui 
SI  rapporte  à  Tptxwva.  P.  144  a,  9,  à  propos  du 
quaternaire,  au  lieu  de  cpûatç  xai  alô)va,  lire 
cpujiî  àtôXa  ou  '^jûaii;  xoO  AîôXou,  cf.  Theo- 
log. arithm.  22  (et  non  21,  comme  il  est  dit 
par  erreur),  31.  Ibid.  1.  16,  conserver  àp- 
[xovîxa,  mais  en  lisant  âpjxovixaç,  avec  le  sens 
de  lY'pitliètc  Me'XT:ô[J.svoî  appliquée  à  Dionysos 
=  le  quaternaire  dont  il  est  encore  question  (cf. 
p.  152). 


cèdent;  le  dernier,  dans  le  Paris,  gr. 
1738,  fo  159  V.  —  E)  a)  (185-187).  Frag- 
ment d'une  exposition  astronomique, 
relatif  aux  variations  des  qualités  de 
l'air  selon  les  saisons,  le  cours  de  la 
lune,  les  heures  du  jour  et  celles  de 
la  nuit  [Par.  gr.  2992  [cf.  167]  fo  369,  r)  ; 
les  idées  sont  analogues  à  celles  de  la 
tradition  médicale  et  météorologique 
grecque,  b)  (187).  Notice  extraite  du 
Par.  gr.  1185  suppl.,  f»  62  v,  sur  la  té- 
traktys. 

11  s'agit  dans  l'étude  VI  de  ces  deux 
traités  pythagoriciens  d'arithmologie 
dont  il  a  été  question  plus  haut  (IV) 
et  auxquels  M.  D.  attribue  une  grande 
importance  dans  le  développement  de 
la  théologie  arithmétique  (cf.  207  et 
140).  —  Le  premier  article  (191-208)  est 
une  tentative  pour  reconstituer  un  îspôç 
Tidyo;  en  prose  dorienne,  soi-disant  de 
Pythagore,  dont  Jamblique  (F.  P.,  146) 
cite  le  prologue  et  qui,  dit-il,  passait 
aussi  dans  l'École  pour  être  une  compi- 
lation rédigée  par  ïélaugès,  le  fils  de 
Pythagore,  d'après  des  docuiuents  se- 
crets laissés  par  celui-ci  à  sa  famille 
(cf.  205  sq.,  105).  M.  D.  en  retrouve 
des  vestiges  dans  le  même  ouvrage  de 
Jamblique  et  dans  son  Inlrod.  in  Nicom. 
Arithm.,  dans  Proclus,  dans  Syrianus, 
dans  Hiéroclès,  dans  les  e£o)voyou|jL£va 
àpiOjxTixix'î^ç  (vraiseiublablemeut  d'après 
Nicomaque),  dans  Modératus,  dans  Por- 
phyre, dans  Plutarque,  mais  surtout 
dans  le  De  mensibus  de  Lydus  :  il  y  re- 
lève (197-203)  les  passages  où  se  retrou- 
veraient des  vestiges  ou  des  fragments 
du  îspôç  Xôyo;  et,  par  des  rapproche- 
ments avec  les  autres  auteurs,  il  recon- 
naît que  le  caractère  astrologique  de 
l'arithmologie  de  Lydus  provient  de  ce 
\z^b^  >vdyo;.  Ainsi  le  traité,  en  considé- 
rant les  nombres  de  la  décade  comme 
identiques  à  des  divinités,  représentait 
ces  divinités  comme  des  astres  et 
établissait  pour  chaque  divinité  une 
exacte  concordance  entre  le  nombre  et 
le  jour  de  la  semaine  qui  lui  étaient 
consacrés.  A  ces  spéculations  s'en 
joignent  d'autres   d'un  caractère  my- 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


223 


thologique  ou  étymologique  (208).  La 
présence  des  formes  dialectales  do- 
riennes  (liste  de  ces  formes,  203  sq.) 
est  aussi  un  moyen  de  déceler  les  restes 
du  traité  en  question.  Enfin  certains 
fragments  arithmologiques  dans  Mar- 
tianus  Capella  manifestent  des  doc- 
trines analogues  (204  sq.).  Quant  à 
Torigine,  M.  D.  est  conduit  par  certains 
indices  à  penser  que  l'ouvrage  a  été 
publié  en  Italie  et  qu'il  sort  des  milieux 
néopythagoriciens  de  Rome,  qui  de 
très  bonne  heure  rapprochèrent  Pytha- 
gore  de  Numa  (206  sq.).  Les  sources 
du  faux,  ce  sont,  comme  le  montrent 
plusieurs  concordances,  les  anciens 
traités  pythagoriciens  d'arithmologie 
et  le  recueil  alexandrin  dont  on  a  parlé 
plus  haut,  la  part  du  faussaire  consis- 
tant surtout  sans  doute  dans  l'orien- 
tation théologique  nouvelle  donnée  à 
Tarithmologie  (207  sq.).  —  Dans  le 
second  article  (208-227),  M.  D.  traite 
d'un  ispôî  Xôyoî  qu'Abel  a  considéré 
comme  orphique,  auquel  il  rattache 
dans  ses  Orphica  les  frg.  141-151,  qui 
ont  servi  de  base  à  Roscher  pour  une 
reconstitution  de  l'arithmologie  de 
l'ancien  Orphisme  {Die  Hehdomaden- 
lehre  d.  gv.  Phil.  u.  Aerzte,  Sachs. 
Gesellsch.  d.  W.,  Phil.  hist.  Kl.  1906). 
La  restitution  d'Abel  est,  selon  M.  D., 
bonne  à  reprendre,  et,  d'autre  part,  il 
estime  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'un  ispôç 
Xdyo;,  mais,  dans  la  plupart  des  frag- 
ments, d'un  ujxvo;  sic  àpi8[xdv;  enfin,  que 
l'inspiration  n'en  est  nullement  orphi- 
que, mais  pythagoricienne.  Cette  der- 
nière erreur  s'explique  par  le  fait  que 
les  mêmes  auteurs  attribuent  cette 
œuvre  tantôt  à  Pythagore,  tantôt  à 
Orphée  (cf.  4,  4),  Or,  tandis  que  les 
doctrines  arithmologiques  sont  étran- 
gères à  rOrphisme  et  au  Néoorphisme, 
au  contraire,  entre  le  '.cpoç  Xôyoî  dorien 
et  VHymne,  il  y  a  une  identité  de  sujet 
et  des  concordances  de  détail.  Entre 
plusieurs  hypothèses  possibles  pour 
expliquer  leurs  rapports,  la  plus  plau- 
sible, ce  serait  que  les  deux  ouvrages 
ont  été  publiés  ensemble  par  le  même 


faussaire,  un  néopylhngoricien  dési- 
reux de  faire  remonter  jusqu'à  Orphée 
les  doctrines  pythagoriciennes  :  d'où, 
dans  le  prologue  du  '.Epô;  Xôyoç,  cette 
déclaration  de  Pythagore  qu'il  a  été 
initié  par  Aglaophamus  à  la  science 
orphique  du  nombre.  Ce  qui  explique 
en  même  temps  la  dualité  d'attribution 
chez  les  mf'mes  témoins.  Une  étude 
analytique  comparative  approfondie 
est  consacrée  au  principal  fragment 
(Syr.  in  Ar.  Meta.  893  a,  19).  M.  D. 
retrouve  dans  Vilymne  la  main  du 
faussaire  qui  a  écrit  le  isp.  Xôy.  dorien 
(217).  11  rejette  (217  sq.)  le  frg.  145 
d'Abel,  où  il  ne  voit  qu'une  remarque 
personnelle  de  Lydus.  Par  contre,  il 
découvre  des  fragments  nouveaux  ou 
de  simples  traces  dans  divers  auteurs 
depuis  Philon  jusqu'à  Jean  Diacre  (219- 
227).  Si  donc  nous  sommes  en  pré- 
sence d'un  hymne  pythagoricien  et 
non  orphique,  les  théories  sur  l'évolu- 
tion de  l'arithmologie  <«  s'en  trouveront 
modifiées,  et  en  premier  lieu  il  con- 
viendra d'étudier  de  nouveau  d'où  dé- 
rive l'arithmologie  médicale  »,  de 
reprendre  par  conséquent  les  travaux 
de  Roscher.  Mais  pour  cela,  conclut 
sagement  M.  D.,  il  faut  un  dépouille- 
ment complet  des  sources  et  ce  dé- 
pouillement est  loin  d'être  achevé  (227). 
La  Vile  étude  (231-245)  ne  concerne 
pas  à  proprement  parler  la  littérature 
pythagoricienne,  mais  elle  est  très  inté- 
ressante pour  l'histoire  de  l'arithmo- 
logie dans  la  littérature  chrétienne  et 
chez  les  Gnostiques.  M.  D.  s'y  propose 
d'expliquer  un  curieux  passage  des 
Slromales  {\l,  15),  dans  lequel  Clément 
d'Alexandrie  commente  le  commande- 
ment du  Décalogue  sur  le  repos  hebdo- 
madaire en  utilisant,  dans  un  but  apo- 
logétique et  avec  le  souci  de  rester 
orthodoxe,  les  spéculations  de  l'arith- 
mologie païenne.  La  comparaison  avec 
Eusèbe  [Praep.  ev.,  XIII,  12,  9-12)  mon- 
tre que  ce  commentaire  est  emprunté 
au  juif  Aristobule  et,  sur  un  point,  à 
Philon.  Des  concordances  avec  d'autres 
écrits    arithmologiques,    particulière- 


224 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


ment  remarquables  avec  Anatolius 
(concordances  que  M.  D.  reproche  à 
Stâhlin  d'avoir  négligées),  prouvant 
l'existence,  pour  tout  ce  qui  porte  la 
marque  des  idées  païennes,  d'une 
source  commune,  sans  doute  cet  ancien 
recueil  alexandrin  d'arithmologie  dont 
il  a  été  déjà  question  :  ainsi  c'est  évi- 
demment à  une  source  lointaine  qu'il 
faut  rapporter  l'identification  (145,  6) 
de  7  avec  la  lumière  spirituelle,  iden- 
tification attribuée  à  Philolaûs  [Theo- 
log.,  o5).  Mais,  entre  cette  source  et 
Clément,  il  y  a  un  intermédiaire,  dont 
l'influence,  marquée  d'idées  gnostiques, 
apparaît  dans  la  parenthèse  (138,  5- 
ou8è  l'v  141,  7)  qui  coupe  le  fragment 
d'Aristobule.  Une  citation  d'I  renée 
{adv.  Iiaer.,  I,  14,  6)  permet  de  recon- 
naître, avec  certitude  pour  la  plus 
grande  partie  du  morceau,  que  celui- 
ci  provient  du  gnostique  Marcus.  Ce 
très  curieux  passage,  auquel,  dit  M.  D. 
(239),  les  commentateurs  d"lrénée  n'ont 
rien  compris  renferme  une  explication 
arithmologique  de  la  Transfiguration, 
qui  en  même  temps  rend  compte  sym- 
boliquement de  l'Incarnation  et  consiste 
essentiellement  à  montrer  que  en  Jésus 
sldentifient  les  nombres  6,  7  et  8  (237, 
237  sq.)  (1).  Une  autre  explication  ari- 
thmologique de  la  parole  de  Jésus  : 
«  Je  suis  l'alpha  et  l'oméga  »  a  la  même 
origine  (243  sq).  La  question  de  savoir 
si  l'emprunt  de  Clément  est  direct  de- 
meure indécise  (244;  cf.  233). 

L'étude  sur  la  t.étractys  pijthagori- 
cienne  (249-268)  nous  ramène  à  l'objet 
principal  du  livre.  Le  sens  de  cette  doc- 
trine importante,  dont  la  tradition  com- 
porte des  variations  qu'on  a  trop  né- 
gligées, est  resté  fort  obscur.  Après 
avoir,  par  l'étude  des  variantes  qu'on 
rencontre  dans  les  citations  du  ser- 
ment pythagoricien,  où  est  nommée  la 
tétractys,  mis  en  lumière  l'existence  de 
divers  rameaux  de  la  tradition  (250-252), 

(l)  P.  240,  1  (241),  il  semble  qu'on  doive  lire 
dans  la  deuxième  colonne    ^  =  6«,  au  lion  do 


M.  D.  remarque  que,  s'il  est  impossible 
de  déterminer  l'origine  littéraire  de 
cette  formule  fameuse  (cf.  265),  du  moins 
on  peut  constater  que  la  plupart  de  nos 
citations  remontent,  à  travers  de  nom- 
breux intermédiaires,  à  deux  sources 
assez  anciennes,  d'une  part  l'historien 
Timée,  d'autre  part  le  traité  alexan- 
drin d'arithmologie  dont  il  a  été  déjà 
souvent  question  (253  et  n.  3),  de  sorte 
que  l'existence  de  cette  formule  dans 
l'ancien  Pythagorisme  semble  garan- 
tie. Quant  au  sens  originel  de  la  doc- 
trine, seul  un  classement  méthodique 
des  anciennes  définitions  peut  le  faire 
retrouver.  Souvent  confondue  avec  le 
nombre  4  ou  parfois  encore,  en  vertu 
d'ailleurs  de  la  même  confusion,  avec  le 
nombre  en  général  parce  qu'elle  en  est 
le  principe,  la  tétractys  est  plus  ordi- 
nairement définie  comme  un  ensemble 
de  quatre  choses,  4  saisons,  4  âges,  4  élé- 
ments, etc.,  ou  bien  de  quatre  nombres 
(les  quatre  premiers  dont  la  somme 
est  10,  le  nombre  parfait,  ou  bien  enfin 
comme  identique  à  36,  somme  des 
quatre  premiers  pairs  avec  les  quatre 
premiers  impairs,  dont  le  rôle  est  si 
important  dans  la  musicographie  py- 
thagoricienne. L'importance  de  la  té- 
tractys venait  donc  de  ce  qvi'elle  don- 
nait la  clef  des  lois  de  la  musique  et 
que,  ces  lois  étant  étendues  à  la  phy- 
sique tout  entière,  elle  devenait  le  prin- 
cipe dune  philosophie  arithmologique 
de  la  nature  (255-259).  Un  fragment 
(cf.  276)  du  catéchisme  acousmatique 
(Jamblique,  V.  P.  82,  d'après  Aristote, 
cf.  273  sq.),  confirme  cette  conception 
de  la  tétractys  :  celle-ci  y  est  identifiée 
à  l'harmonie  des  Sirènes,  c'est-à-dire, 
par  comparaison  avec  le  mythe  pytha- 
goricien d'Er  dans  la  République  de 
Platon  (X,  617  b),  à  l'harmonie  des 
Sphères,  et  en  même  temps  à  l'oracle 
de  Delphes,  car  les  Sirènes,  divinités 
musicales  et  prophétiques,  ont  rapport 
à  Apollon;  et  Pythagore  d'autre  part, 
•qui  a  révélé  aux  hommes  les  lois  delà 
musique,  qui  a  eu  seul  le  privilège 
d'entendre  cette  harmonie  des  Sphères, 


COMPTES    KENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


225 


est  à  ce  titre  une  incarnation  d'Apollon 
(259-262).  Enfin  la  valeur  morale  de  la 
tétractys  explique  renthonsiasnie  et  la 
vénération  qu'elle  inspirait  aux  Pytha- 
goriciens :  la  musique  terrestre,  dont 
elle  est  le  principe,  a  une  valeur  ca- 
thartique  à  Tégai'd  des  passions,  comme 
la  musique  céleste,  dont  la  première 
est  une  imitation,  à  l'égard  des  âmes 
désincarnées  (262  sq.).  Mais  pourquoi 
le  sei'ment  pythagoricien,  pratique  qui 
consiste  à  jurer  par  l'auteur  de  la  ré- 
vélation de  la  tétractys,  a-t-il  la  forme 
négative,  ou  [xdc...  (250,  251)?  C'est  qu'il 
sanctionne  la  promesse  de  ne  pas  li- 
vrer aux  non-initiés  la  révélation  du 
Maître.  Dans  l'école  hippocratique,  dans 
les  confréries  orphiques,  dans  les  écoles 
d'alchimistes,  on  jurait  de  même,  par 
les  divinités  spéciales  et  par  les  patrons 
consacrés,  de  ne  pas  trahir  le  secret 
des  enseignements  reçus  (265-268). 

Le  Catéchisme  des  Acousmatiques 
(271-312),  tel  qu'on  le  trouve  dans  Jam- 
blique  {V.  P.,  ch.  xviii,  §  82  sqq.)  et 
tel  qu'on  peut  en  reconstituer  le  détail 
d'après  des  témoignages  épars,  repré- 
sente, en  dehors  des  interprétations 
symboliques  qui  en  ont  été  données 
surtout  dans  l'école  néopythagori- 
cienne, la  tradition  non  scientifique 
de  la  règle  pythagoricienne.  La  source 
est  le  Tz.  nuôayopsîwv  d'Aristote  (273  sq.). 
S'il  y  a  quelque  obscurité  dans  Jam- 
blique  (§  81)  à  propos  de  la  polémique 
des  (xxoujjxaTixoi  contre  les  [j:a6T,txaTi- 
xot  (cf.  309),  une  simple  interversion 
de  ces  deux  termes  au  §  81  (doit  être  lu 
au  lieu  de  84,  p.  272,  1.  6)  est  capable, 
mieux  que  toute  hypothèse,  de  la  faire 
disparaître  (272  sq.)  (i).  Ce  catéchisme 
renferme  deux  parties.  L'une,  comme 
il  est  naturel  à  un  catéchisme  (p.  306), 
procède  par  questions  et  réponses. 
D'une  part,  ce  sont  des  définitions  mys- 
tiques de  l'essence,  du  xi  è<sxi,  de  cer- 
tains êtres  ou  phénomènes.  Noter  l'in- 
génieuse interprétation  des  définitions 


(1)  La  correction  a  été  déjà  suggérée  par  Diels, 
Vorsokr.',  p.  656,  ad  29,  33. 


du  tremblement  déterre  et  du  tonnerre 
par  une  comparaison  avec  le  mythe 
d'Ev  [Rép.,  X,  621  bj,  (276  sq.;  cf.  298 
sq.).  Le  son  que  rend  l'airain  quand 
on  le  frappe  est  la  voix  d'un  des  dé- 
mons qui  y  sont  enfermés  :  curieuse 
survivance  d'anciennes  doctrines  ani- 
mistes (277).  D'autres  formules  sont  des 
vestiges,  ou  d'une  astronomie  popu- 
laire, ou  d'une  nomenclature  astrono- 
mique des  constellations,  à  tendance 
religieuse  et  que  les  Pythagoriciens 
prétendaient  substituer  aux  appella- 
tions populaires.  La  nature  divine  de 
Pythagore,  représentée  d'ailleurs  sous 
diverses  formes,  était  encore  un  des 
dogmes  du  catéchisme  des  Acousma- 
tiques, auxquels  M.  D.  rapporte  aussi 
la  croyance  à  Tinfaillibilité  du  Maître 
(278-280).  D'autre  part,  ce  sont  des 
réponses  à  la  question  t{  [xâ>vtaTa  ; 
quelle  est  la  perfection  de  chaque  qua- 
lité? Ainsi  la  sagesse  parfaite  se  ren- 
contre dans  le  nombre  d'abord,  puis 
dans  une  invention  primitive  du  lan- 
gage telle  que,  par  leur  étymologie 
et  même  par  leur  son,  les  mots 
répondent  parfaitement  à  la  nature  des 
choses  (cf.  131,  171-175);  enfin,  dans  la 
médecine,  à  laquelle  l'École  s'était 
appliquée,  mais  sans  l'isoler  de  pra- 
tiques purement  magiques  (280-282). 
La  liste  de  Jamblique  peut  être  com- 
plétée par  des  témoignages  qui  parais- 
sent également  provenir  d'Aristote 
(283- sq.).  L'analogie  de  plusieurs  de  ces 
sentences  acousmatiques  avec  les  sen- 
tences des  sept  Sages  est  notée  par 
Jamblique  (=  Aristote);  les  Pythago- 
riciens ont  voulu  utiliser  un  procédé 
d'expression  en  faveur,  en  l'adaptant 
à  l'expression  de  leurs  idées  propres 
(284  sq.).  —  La  deuxième  partie  des 
àvcouajiaTa  contient  des  prescriptions 
rituelles,  des  préceptes  d'abstinence, 
des  préceptes  de  morale.  Les  premières 
sont  des  restes  de  tabous  primitifs,  dont 
la  signification  n'était  plus  comprise  et 
qu'on  cherchait  à  expliquer  de  diverses 
manières  :  tandis  qu'Aristote  (=  Jam- 
I   blique)  les  prenait  dans  leur  sens  litté- 


226 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


rai  et,  s'inspirant  principalement  de 
commentaires  non  pythagoriciens,  en 
rendait  compte  par  les  superstitions  du 
folk-lore,  par  la  comparaison  avec  les 
coutumes  des  peuples  barbares  et  par 
les  croyances  pythagoriciennes,  d'au- 
tres, dans  l'École  même,  en  donnaient 
une  interprétation  symbolique.  Tels 
sont  les  !Ju[x6o)va  Trueayopivtot  d'Andro- 
cyde  le  pythagoricien  et  d'Anaximandre 
le  Jeune,  auteurs  du  iv«  siècle,  dont  les 
concordances  paraissent  à  M.  D.  ne 
pouvoir  s'expliquer  que  par  l'existence 
d'une  source  commune.  Leurs  relations 
avec  les  divers  auteurs  qui  nous  ont 
fait  connaître  leurs  interprétations  sont 
représentées,  p.  286,  dans  un  stemma 
qui  figure  les  traditions  diiïérentes.  Tou- 
tefois, dans  Aristote  même,  il  y  a  des 
vestiges  d'interprétation  allégorique, 
vestiges  que  relève  M.D.  (288).  11  étudie 
ensuite  les  abstinences,  celles  qui  con- 
cernent la  chair  de  certains  animaux 
(289-292)  et  celles  qui  concernent  les 
végétaux  (292-294).  Dans  les  préceptes 
moraux  enfin  on  retrouve  la  trace  d'une 
véritable  biographie  légendaire  de  Py- 
thagore  (cf.  310)  et,  à  côté  de  traditions 
mystiques,  des  indices  d'opinions  doc- 
trinales (294-297).  La  continuation  de 
l'exposé  de  Jainblique,  interrompu  au 
§  85  (qu'il  faut  lire  au  lieu  de  §  83),  doit 
être  cherchée  dans  les  §§  153-156,  dont 
M.  D.  étudie  les  textes  les  plus  inté- 
ressants (297-301).  Puis  il  recherche, 
en  s'appliquant  ù  distinguer  les  diverses 
traditions,  des  vestiges  d'à-<co'ja[j.axa 
dans  d'autres  témoins,  et  notamment 
dans  les  extraits  qui  paraissent  prove- 
nir de  Timée  et  où  on  aperçoit  )a  trace 
d'une  critique  des  règles  antérieures 
(301-305).  Probablement  les  recueils 
d'2xoûj|jLaTa  ont  été  nombreux,  soit 
ceux  qui  étaient  destinés  au  cercle  des 
initiés,  soit  ceux  que  publiaient  des 
érudits  avec  commentaires  explicatifs 
(305  sq.).  L'obscurité  de  leurs  formules, 
en  même  temps  qu'elle  les  garantissait 
contre  la  curiosité  indiscrète  des  pro- 
fanes, semblait  en  outre  plus  propre 
à  assurer  à  ces  formules  une  efficacité 


magique  (307).  L'intérêt  qu'il  y  a  de 
distinguer  soigneusement  les  tradi- 
tions, c'est  qu'on  connaît  ainsi  les  po- 
lémiques intérieures  et  qu'on  les  voit 
s'élever  non  pas  seulement  entre  Ma- 
thématiques et  Acousmatiques,  mais 
encore entredes  sectes  diverses  d'Acous- 
matiques,  chaque  groupe  prétendant 
représenter  la  tradition  authentique  du 
Maître.  Du  moins- semble-t-il  raisonna- 
ble à  M.  D.  de  regarder  la  tradition 
acousmatique  comme  antérieure  à 
l'autre,  précisément  parce  que,  dès  le 
ve  siècle  et  au  iv^,  elle  apparaît  comme 
une  survivance  (et  bien  qu'elle  ne  per- 
mette pas  de  remonter  avec  assurance 
jusqu'à  la  réforme  même  de  Pythagore): 
les  Pythagoriciens  de  la  secte  mathé- 
matique passaient  plus  ou  moins  pour 
des  hérétiques,  de  «  soi-disant  Pytha- 
goriciens »  (ol  xa>vO"j[j.evoi  riuSayôpeioi, 
comme  dit  Aristote),  qui  avaient  modi- 
fié dans  un  sens  rationaliste  l'orienta- 
tion primitive  de  l'école  (308-312). 

On  a  essayé  de  donner  ici  une  idée 
assez  précise  de  la  variété  de  ces  études 
de  détail  et  du  minutieux  inventaire 
qu'elles  entreprennent.  Bien  qu'elles 
ne  touchent  pour  ainsi  dire  pas  aux 
doctrines  vraiment  philosophiques  du 
Pythagorisme,  elles  constituent  une 
contribution  de  premier  ordre  à  l'his- 
toire de  cette  école.  Sans  doute  on 
souhaiterait  parfois  un  peu  plus  de 
méthode  dans   l'exposition  (1),  et,  sur 


(1)  Je  n'insiste  pas  sur  des  imperfections  de 
détail  que  M.  D.,  empêché  par  les  circonstances 
de  revoir  les  épreuves,  eût  fait  certainement  dis- 
paraître. La  plupart  des  fautes  typographiques 
sont  aisées  à  redresser.  Celles  qui  intéressent  les 
références  sont  plus  gênantes;  j'en  ai  signalé 
plusieurs  au  cours  de  ce  compte-rendu,  et,  dans 
une  telle  abondance  de  renvois,  il  était  difficile 
qu'il  ne  se  glissât  pas  d'erreurs  (cf.  p.  63,  Diog. 
La.,  Vlll,  au  lieu  de  29,  lire  27).  Peut-être  eût-il 
été  possible  de  donner  les  références  d'une  façon 
plus  commode  pour  le  lecteur,  par  exemple  en 
donnant  pour  Aristote  ou  pour  Syrianus  le  ren- 
voi complet,  y  compris  l'indication  de  la  ligne,  à 
l'édition  da  l'Acad.  de  Berlin  (cf.  p.  1,  n.  3, 
p.  177,  p.  2Î1  etc.).  J'en  ai  complété  quelques- 


COMPTES    KENDUS    BIBLIOGHAPHIQUES 


227 


I 


plus  d'un  point,  M.  D.  ne  manquera 
pas  de  rencontrer  des  contradic- 
teurs (1).  Mais  les  discussions  ainsi 
provoquées  ne  peuvent  à  leur  tour 
manquer  d'être  fécondes.  En  analysant 
comme  il  le  fait,  sans  parti-pris  géné- 
ral de  défiance  envers  certaines  sources, 
la  matière  de  la  tradition  pythagori- 
cienne (fragments  et  doxographie),  en 
l'envisageant  dans  sa  continuité,  en 
s'efforçant  de  distinguer  les  traditions 
difl'érentes  et  de  les  comparer  entre 
elles,  M.  D.  emploie  la  seule  méthode 
qui  soit  capable  d'en  dégager,  autant 
que  possible,  les  éléments  primitifs 
authentiques  et  de  les  situer  chronolo- 
giquement. Le  danger  d'i^tre  trop 
accueillant  à  l'égard  de  certaines  sources 
est  moins  grand  que  celui  d'en  écarter 
quelques-unes  sans  avoir  fait  aupara- 
vant un  inventaire  comparatif  intégral 
de  leur  contenu  :  ainsi  du  moins  on  ne 
risque  pas  de  laisser  échapper  d'utiles 
éléments  dinformation.  M,  D.  nous 
promet  d'autres  recherches  sur  les 
Pythagoriciens  p.  6  et  136)  et  la  publi- 
cation d'un  recueil  de  fragments 
pythagoriciens   (avant-propos)    :    elles 


unes  à  l'occasion,  pour  ces  auteurs  et  pour 
d'autres.  Que  signifie  |).  o7,  renvoi  1,  180,  sans 
autre  indication  ? 

(1)  Ainsi,  par  exemple,  l'antériorité  que,  d'après 
Dôring,  il  attribue  à  la  formule  «  les  ctioses 
imitent  les  nombres  »  par  rapport  à  cette  autre 
«  les  clioses  sont  des  nombres  »  n'est  peut-être 
pas  aussi  incontestable  qu'il  le  dit  (27  sq.,  30,  32  ; 
cf.  1  i).  La  relation  inverse  est  admise  par  Burnet, 
pour  qui  la  première  formule  est  postérieure  à  la 
critique  de  Zenon  d'Elée  {Gr.  Philos.,  I,  §72; 
cf.  Early  Gr.  Philos.  §  153).  —  Comment  M.  I). 
est-il  assuré  qu'Aristoxène  ne  nomme  Pytliagore 
que  rarement  et  à  bon  escient  (p.  20)  ?  Prouver 
ainsi  l'ancienneté  d'une  tradition  ne  suppose-t-il 
pas  une  pétition  de  principe?  —  La  faveur  qu'il 
accorde  an  témoignage  de  Timée  est-elle  entière- 
ment justifiée?  P.  47,  il  écarte,  à  son  sujet,  une 
liypothèse  parce  qu'elle  est  «  incompatible  avec 
le  caractère  d'un  historien  consciencieux  ».  Mais 
d'autre  part,  il  confesse  p.  102,  ce  qui  paraît  être 
la  vérité  même,  qu'  «  il  serait  imprudent  de 
reconnaître  une  autorité  incontestable  à  sesaffir-, 
mations  », 


seront,  comme  le  présent  volume, 
bienvenues  de  tous  les  hellénistes  et 
particulièrement  des  historiens  de  la 
philosophie  grecque  (1). 

Léon  Robin. 


6.  Dictionnaire  des  anliquités  grecques 
et  romaines.  —  Fascicule  51  (Via- 
Vomitorium).  Hachette,  1916.  ln-4o, 
p.  809-868). 

Ce  fascicule,  comme  tous  ceux  de  la 
lettre  V,  intéresse  encore  plus  les  lati- 
nistes que  les  hellénistes  ;  mais  la  part 
de  ceux-ci  est  encore  considérable. 
Les  premières  pages  terminent  la 
deuxième  partie  de  l'article  Via 
(Chapot);  je  signale  particulièrement 
dans  la  suite  :  Victoria  (H.  Graillot); 
Vicus  (A.  Grenier)  ;  Viduvium  (E.  Pot- 
tier)  ;  Vigiles  (R.  Gagnât);  Villa 
(A.  Grenier  et  G.  Lafaye)  ;  Viriim 
(A.  Jardé)  ;  Vitrum  (iMorin-Jean)  ;  Vo- 
lumen  (G.  Lafaye)  ;  et  le  commence- 
ment de  Vomiloriam  (0.  Navarre). 
A.  P. 


1.  Roy  Kenneth  HACK.  The  doctrine 
of  literary  forms  (Printed  froiu  the 
HarvardStudies  inclassicalphilology ., 
vol.  XXVII,  1916).  In-80,  65  p. 

M.  n.  proteste  contre  l'importance 
prise  dans  les  méthodes  de  la  critique 
par  la  doctrine  des  formes  littéraires 
et  des  genres.  Il  dénonce  à  l'aide 
d'exemples  précis  les  insuffisances  et 
les  dangers  de  cette  doctrine  :  l'histoire 
de  la  littérature  latine,  notamment, 
tend  à  n'être  plus,  dit  M.  H.,  que  la 
description  des  divers  genres  littéraires 
et  de  leur  évolution.  On  arrive  ainsi  à 
reléguer  au  second  plan  l'inspiration, 

(1)  M.  D.  n'a  pas  la  superstition  de  la  pseudo- 
grécité  des  noms  grecs  transcrits  en  français. 
Mais  personne  ne  lui  accordera  la  graphie  Asklé- 
pius,  qui  coexiste  d'ailleurs  dans  son  livre  avec 
Asclépius. 


228 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


la  personnalité  même  des  écrivains, 
pour  admettre  que  le  caractère  de  telle 
œuvre  poétique,  ou  de  telle  série 
d'œuvres,  est  comme  déterminé  d'a- 
vance par  le  genre.  Cette  théorie,  qui 
conduit  la  critique  à  des  conclusions 
contradictoires,  a  en  outre  le  tort  de 
ne  rien  expliquer.  Ainsi  pour  ï Art  poé- 
tique d'Horace.  Certains  y  ont  vu  un 
ouvrage  didactique,  accompli  suivant 
Norden,  ou  nécessitant,  selon  Ribbeck, 
tout  un  travail  de  transposition; 
d'autres  (Weissenfels)  le  regardent 
comme  une  épître,  en  font  ressortir 
l'allure  décousue,  et  expliquent  parles 
lois  du  genre  épistolaire  la  fantaisie 
de  la  composition.  Ces  conclusions 
opposées  ont  pour  principe  la  même 
erreur.  C'est  par  le  dedans,  dit  M.  H-., 
qu'il  faut  expliquer  l'Art  poétique,  en 
partant  de  la  personnalité  même  d'Ho- 
race; par  cette  méthode  tout  s'éclaire, 
et  l'unité  interne  du  poème  apparaît. 
Mais  Horace  lui-même  a  eu  le  tort  de 
soutenir  la  théorie  des  genres  et  des 
formes  littéraires.  Et  VArt  Poétique 
nous  donne  par  là  un  second  enseigne- 
ment. L'idée  maîtresse  de  l'ouvrage  est 
que  l'écrivain  doit  toujours  observer  les 
convenances  (tô  tcûétiov,  rfecorwm), c'est- 
à-dire  ajuster  dans  la  pratique  à  chaque 
cas  particulier  l'imitation  d'un  modèle 
idéal.  Horace  fixe  pour  chaque  genre 
poétique  les  mètres  à  employer  :  or 
s'est-il  conformé  lui-même  à  ses  doc- 
trines? Nullement,  et  il  en  trahit  ainsi 
la  fragilité.  Il  mêle  les  genres  :  près  de 
la  moitié  des  Epodes  sont  lyriques  par 
le  contenu;  les  Odes,  par  la  variété  de 
leurs  caractères,  échappent  à  toute  clas- 
sification, et  les  plus  médiocres  sont 
précisément  celles  où  le  poète  s'est 
plié  aux  lois  du  genre  telles  qu'il  les 
avait  établies. 

D'où  provient  donc  celte  fausse  et 
stérile  doctrine?  On  la  trouve  déjà 
chez  Cicéron,  dont  la  conception  de 
l'éloquence  répond  exactement  à  la 
conception  des  genres  poétiques  chez 
Horace.  Même  théoiie  de  la  conve- 
nance et  du  modèle  idéal.  Or  Cicéron 


nous  indique  sa  source  :  la  philosophie 
platonicienne.  La  doctrine  des  formes 
littéraires  et  des  genres  n'est  que  l'ap- 
plication à  la  littérature  de  la  théorie 
des  Idées.  Aux  yeux  de  Platon  la  seule 
réalité  véritable  est,  comme  on  sait, 
celle  des  Idées,  des  Types  immuables 
et  éternels,  et  il  n'y  a  de  science  que 
celle  des  Idées.  Pour  rendre  aussi  con- 
forme que  possible  au  monde  des 
Idées  le  monde  imparfait  où  il  vit, 
Platon  en  élimine  tout  ce  qui  lui 
semble  dépourvu  d'existence  et  de 
valeur  réelles  Dans  cette  catégorie 
sacrifiée  il  range  les  productions  poé- 
tiques, et  il  y  parvient  grâce  à  sa  théo- 
rie de  l'imitation,  l'œuvre  du  poète 
n'étant  pour  lui  que  la  copie  d'un  fan- 
tôme de  réalité.  Or,  dit  M.  H.,  la  doc- 
trine des  Types  immuables  dont  l'en- 
semble forme  la  réalité  est  valable 
pour  la  science,  mais  non  pour  la 
poésie.  L'appliquera  l'activité  poétique 
est  un  sophisme  dont  on  a  le  droit  de 
s'indigner.  Car  la  vérité  scientifique 
n'est  pas  la  seule,  et  le  poète  crée  de 
la  réalité,  en  vertu  du  don  divin  qu'il 
possède. 

L'erreur  de  Platon  a  malheureuse- 
ment donné  naissance  à  tout  un  sys- 
tème d'esthétique  et  de  critique.  Gom- 
ment juger  d'un  lit  exécuté  par  l'ou- 
vrier à  l'image  de  l'Idée  de  lit?  D'après 
son  degré  de  ressemblance  avec  le  lit 
idéal.  Voilà  en  germe  la  doctrine  de  la 
convenance  xà  Tipsirov),  celle  des  formes 
ou  des  genres.  On  la  retrouve  chez 
Aristote,  dont  la  Poétique  nous  offre 
pour  la  première  fois  l'exposé  systé- 
matique et  complet  de  la  doctrine  des 
formes  littéraires.  En  vain  Aristote 
essaie-t-il  de  réduire  la  portée  de  cette 
doctrine  en  formulant  sa  théorie  de  la 
xâBapai;,  et  en  alléguant  que  la  poésie, 
fondée  sur  le  général,  prend  ainsi  une 
valeur  philosophique  :  il  conserve  l'er- 
reur fondamentale  de  Platon,  il  établit 
des  définitions  qui  expriment  à  ses  yeux 
la  réalité  suprême,  mais  qui,  en  fait,  ne 
sont  d'aucun  secours  pour  expliquer 
une  œuvre  littéraire  donnée.  Il  accré- 


COMPTES    RENDUS    BlBLlOGHAinilQUES 


^29 


I 


dite  cette  croyance  erronée  qu'un 
poème  peut  être  étudié  du  dehors  et  ne 
doit  être  jugé  bon  que  s'il  otîre  une 
exacte  conlorniité  avec  Telôo;  corres- 
pondant. 

Platon  et  aprf'-s  lui  Aristote  sont  donc 
responsables  de  la  doctrine  qui  a  pré- 
valu chez  les  Péripatéticiens  et  les 
Alexandrins,  chez  Varron,  Cicéron, 
Horace,  et  qu'on  retrouve  de  nos  jours 
chez  Taine,  Bruuetière  et  Norden.  Ap- 
pliqué à  la  littérature,  l'idéalisme  pla- 
tonicien est  un  principe  de  mort  qui  a 
engendré  la  routine  ou  l'extravagance. 
Il  est  temps  de  donner  d'autres  fonde- 
ments à  la  critique.  La  doctrine  des 
formes  littéraires  ne  fournit  que  des 
étiquettes  et  ne  rend  compte  de  rien  ; 
la  Quellensforschung,  qui  distingue 
dans  l'œuvre  littéraire  les  éléments 
empruntés,  est  un  travail  illusoire.  Le 
critique  digne  de  ce  nom  doit  être  à  la 
fois  un  savant,  pour  reconstituer 
d'abord  tout  ce  qui  peut  être  connu  de 
la  réalité  objective,  et  un  poète,  pour 
se  replacer  ensuite,  par  un  intense 
effort  d'intuition  et  de  sympathie,  au 
centre  de  l'élan  créateur,  pour  recréer 
lui-même  l'œuvje  qu'il  étu.lie. 

Si  ingénieuse  et  suggestive  que  soit 
cette  généalogie  de  la  doctrine  des 
/ormes  littéraires,  il  n'est  pas  sûr 
qu'elle  s'accorde  exactement  avec  la 
vérité  historique,  qui  paraît  être  beau- 
coup plus  complexe.  Il  e'st  probable 
que  les  théories  de  ïaine  et  de  Bruue- 
tière, par  exemple,  ont  leur  source 
ailleurs  que  dans  le  lointain  système 
de  Platon.  En  établissant  cette  filiation 
avec  tant  d'assurance,  M.  IL  n'est-il  pas 
d'ailleurs  en  contradiction  avec  sa 
propre  thèse?  Certes  il  a  raison  de  faire 
des  réserves  sur  une  conception  méca- 
nique de  la  critique,  qui  n'a  peut-être 
de  scientifique  que  l'apparence.  Ce  n'est 
pas  en  isolant  les  éléments  de  l'œuvre 
d'art,  en  cataloguant  des  influences, 
qu'on  peut  expliquer  le  mystère  de  la 
création  poétique  ni  l'unité  interne 
d'un  poème.  Mais  les  vues  que  M.  IL 
expose  avec  beaucoup  de  franchise  et 
REG,  XXX,  1917,  n»  137. 


parfois  dhuinopr  ne  sont  pas  entière- 
ment nouvelles,  bien  qu'elles  semblent 
se  rattacher  aux  systèmes  récents  de 
W.  James  et  de  Bergson.  En  France  la 
critique  a  reconnu  et  signalé  depuis  des 
années  ce  qu'il  y  a  de  caduc  dans  les 
théories  de  Taine  et  de  Brunetière.  Elle 
estime,  d'ailleurs,  que  tout  n'est  pas  à 
rejeter  dans  la  doctrine  des  genres  et 
de  leur  évolution.  A-t-elle  tort  de  re- 
placer l'écrivain  dans  son  milieu, 
d'admettre  qu'il  subit  dans  une  cer- 
taine mesure  l'influence  de  la  tradition 
littéraire,  et  de  tenir  compte  de  cette 
influence  dans  son  effort  pour  éclairer 
la  formation  des  œuvres  ? 

L.  Mékidieb. 


8.  C.  A.  MANNING.  A  study  of  ar- 
chaisrn  in  Euripides.  Columbia  Uni- 
versity,  1916.  ln-8o,  98  p. 

Il  y  a  longtemps  qu'on  l'a  remarqué  : 
si  difl'érent  qu'Euripide  soit  d'Eschyle, 
et  si  vives  que  soient  les  critiques  qu'il 
n'a  pas  ménagées  à  son  grand  devan- 
cier, on  commettrait  une  erreur  si  on 
établissait  entre  eux  deux,  sur  tous  les 
points,  une  opposition  absolue,  comme 
le  fait,  pour  les  besoins  de  sa  cause, 
Aristophane,  dans  les  Grenouilles.  Au 
moins  à  certains  moments  de  sa  vie, 
dans  certains  de  ses  drames,  Euripide 
a  remis  en  honneur  certaines  formules 
que  Sophocle  a  généralement  aban- 
données, et  il  semble  s'être  inspiré  de 
la  technique  dramatique  d'Eschyle.  Un 
allemand,  Krausse,  a  déjà  écrit  sur  le 
thème  une  dissertation  :  De  Euripide 
Mschyli  instauratore,  lena,  1905;  titre 
qui,  à  lui  seul,  risque  de  grossir  la  si- 
gnification d'observations  dont  un  bon 
nombre  cependant  sont  exactes  et  ont 
leur  valeur.  M.  Manning,  pour  carac- 
tériser cette  tendance,  a  employé  — 
peut-être  avec  raison  —  le  terme  plus 
compréhensible  :  d'archaïsme  ;  mais 
lui-même  me  paraît  aussi  parfois  abon- 
der dans  son  propre  sens.  Euripide  a 
eu  à  peu  près  toutes  les  curiosités  ;  on 
,  16 


230 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


peut  presque  dire  :  toutes  les  fantai- 
sies; on  ne  saurait  donc  être  surpris 
qu'il  ait  eu  la  tentation  de  chercher 
parfois  la  nouveauté  dans  Texhumation 
du  passé  ;  c'est  le  contraire  qui  sur- 
prendrait. Mais  ce  n'est  là  qu'un  élé- 
ment de  son  œuvre,  entre  mille  autres. 
M.  M.,  en  l'isolant,  raniplifie,  et  il  est 
d'autant  plus  exposé  à  ce  danger  qu'il 
étudie  les  faits  littéraires  un  peu  trop 
matériellement,  si  j'ose  dire,  et  par 
leur  côté  extérieur,  sans  en  pénétrer 
vraiment  l'esprit. 

En  9  chapitres,  il  examine  successi- 
vement :  1"  la  structure  du  drame; 
2°  les  prologues  et  les  épilogues  ;  3"  la 
parodos  (en  deux  subdivisions  :  struc- 
ture de  l'ensemble,  motifs  qui  jus- 
tifient l'entrée  du  chœur)  ;  4°  les 
iambes  du  chœur;  5o  l'emploi  de  l'ana- 
peste ;  6"  celui  du  tétramètre  tro- 
chaïque  ;  7"  les  descriptions  ;  8"  les 
songes;  9°  la  religion  d'Euripide.  Ces 
chapitres  sont  très  inégaux,  d'étendue 
et  de  mérite.  Un  des  plus  précis  est 
le  premier,  qui  contient  des  remar- 
ques utiles,  quoique  l'auteur  se  tra- 
vaille beaucoup  pour  retrouver  dans  la 
composition  d'une  tragédie  d'Euripide 
une  sorte  d'adaptation  des  procédés 
dont  se  sert  Eschyle  pour  composer 
une  trilogie.  Le  2e  est  vraiment  bien 
maigre  ;  je  note  que  Al.  M.  n'a  pas 
connu  le  livre  de  M.  Méridier.  Dans  le 
3^  et  le  4^,  je  retrouve,  sur  le  rôle  actif 
du  chœur,  chez  Euripide,  de  bonnes 
choses  que  M.  Decharme  a  déjà  très 
justement  développées.  Il  y  a  quelques 
indications  à  retenir  aussi  dans  le  5" 
et  le  6e;  cependant  l'interprétation  des 
scènes  en  tétramètres  trochaïques  n'est 
pas  toujours  satisfaisante.  —  Ces  six 
premiers  chapitres  traitent  de  la  tech- 
nique ;  les  trois  derniers  touchent  da- 
vantage à  l'inspiration  personnelle  du 
poète  ;  mais  c'est  alors  que  le  défaut 
de  la  méthode  apparaît  le  plus  claire- 
ment :  c'est  vraiment  par  trop  s'arrê- 
ter au  dehors  des  choses.  Voyons  le 
dernier  chapitre.  M.  M.  commence  par 
citer  une  page  du  livre  de  M.  Verrall 


sur  Euripide  le  rationaliste  et  fait 
toutes  ses  réserves  sur  l'idée  générale 
de  ce  livre  :  ce  n'est  pas  cela  que  je  lui 
reprocherai.  Mais  comment  procède- 
t-il  lui-même  ?  11  part  de  ce  principe 
qu'il  n'y  avait  pas  en  Grèce  de  credo 
officiel,  et  que  les  divinités  helléniques 
étaient  d'origine  diverse.  11  en  conclut 
qu'il  faut  étudier  séparément  le  rôle 
que  joue  chacune  d'elles  dans  le  théâtre 
d'Euripide,  et  il  choisit  trois  exemples  : 
Dionysos,  Apollon,  Athéna.  Prenons  le 
premier.  M.  M.  relève  les  mentions 
qu'Euripide  a  faites  de  Dionysos,  et  je 
me  demande  s'il  compte  que  nous  tire- 
rons grand  profit  de  savoir  que  Phèdre 
est  appelée  AiovJaou  Sajxap  au  vers  339 
(ïllippolyte,  ou  qu'une  amphore  de  vin 
est  dite  eriaaûpia-jJLa  Aiovûaou  au 
vers  497  d'Hécube.  Naturellement,  les 
Bacchantes  sont  ensuite  examinées  par- 
ticulièrement, et  je  dois  rendre  à  Al.  M. 
cette  justice  qu'il  n'a  aucun  goût  pour 
des  interprétations  aussi  arbitraires 
que  celles  de  MM.  Verrall  ou  Norwood. 
Alais  lui-même  ne  simplifie-t-il  pas  sin- 
gulièrement les  choses  dans  les  deux 
ou  trois  pages  bien  superficielles  qu'il 
leur  consacre  ? 

Le  livre  se  termine  sur  les  dernières 
lignes  du  paragraphe  relatif  à  Athéna, 
sans  aucune  conclusion  d'ensemble.  On 
n'en  sera  pas  très  surpris  après  ce  que 
je  viens  de  dire;  mais  n'est-ce  pas  la 
meilleure  preuve  que  AL  AL  s'est  con- 
damné à  une  méthode  bien  stérile  ? 

A.   PUECH. 


9.  G.  MATHIEU.  Arislote,  Constitu- 
tion d'Athènes.  Essai  sur  la  méthode 
suivie  par  Aristote  dans  la  discus- 
sion des  textes  {Bibliothèque  de 
l'Ecole  des  llaules-Étiides,  se.  hist. 
et  phil.,  fasc.  216).  Paris,  Cham- 
pion, 1915.  In-8o,  vii-'l37  p. 

L'ouvrage  de  AL  Mathieu  —  déve- 
loppement d'un  mémoire  préparé  en 
19H  pour  le  diplôme  d'études  supé- 
rieures —  consiste  essentiellement  en 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


234 


une  étude  critique  sur  r'AÔ-rivaiiov  llo).:- 
T£(a;  mais  cette  étude  critique  ditt'ère 
sensiblement  des  précédentes,  par  son 
but  et  par  sa  méthode.  F/introduction 
rappelle  l'enthousiasuje  provoqué,  en 
1891,  par  la  publication  de  Kenyon,  la 
désillusion  qui  le  suivit  si  promptc- 
ment,  les  discussions  qui  divisèrent  à 
ce  sujet  le  monde  savant  :  tout  cela, 
suivant  M.  Mathieu,  est  dû  aux  dé- 
fauts, à  rinsufïisance  des  méthodes 
employées.  Les  méthodes  «  compara- 
tives »,  qui  consistent  à  opposer  les 
affirmations  d'Aristole  à  celles  d'autres 
auteurs  anciens,  ne  sauraient  conduire 
à  des  résultats  positifs  :  «  quelle  re- 
«  cherche  délicate  que  celle  où  le  seul 
«  fait  de  la  découverte  de  Toeuvre  dont 
«  on  cherchée  connaître  la  valeur  suf- 
«  fit  à  remettre  en  question  la  valeur 
«  même  des  ouvrages  d'après  lesquels 
«  on  veut  la  juger  !  »  (p.  IV).  —  La  mé- 
thode «  stylistique  »  ne  peut  être 
fructueuse,  étant  donné  le  caractère 
singulier  de  T'A,  IL,  dans  Tœuvre  du 
Stagirite.  Enfin,  la  méthode  «  subjec- 
tive »,  c'est-à-dire  l'étude  des  tendances, 
apparaît  doublement  critiquable;  car 
il  faudrait  comparer  ces  tendances  avec 
celles  qui  se  manifestent  dans  la  Poli- 
tique,  par  exemple,  et  il  existe  en 
outre,  dans  l'  'A,  n.,  des  tendances  di- 
verses, contradictoires  même,  ce  qui 
explique  les  différences  d'interpréta- 
tion. 

Ce  procès  étant  fait,  M,  M.  signale 
dans  toutes  ces  méthodes  une  lacune 
qu'il  veut  précisément  combler.  «  On  a 
«  un  peu  négligé  de  rechercher  com- 
«  ment  Fauteur  de  1'  'A.  n.  confrontait 
M  les  témoignages,  pour  quelles  raisons 
«  il  choisissait  entre  eux,  comment  il 
ft  discutait  les  problèmes  que  soulevait 
«  leur  désaccord,  en  un  mot  quelle 
«  était  sa  méthode  de  discussion  histo 
«  rique  »  (p.  VI).  Il  ne  s'agit  donc  pas 
d'étudier  les  sources  «  pour  aider  à  la 
découverte  de  la  vérité  »  —  ce  que  se 
proposait  Wilamovitz  dans  son  Aris- 
tofeles  und  ALhen  -,  mais  de  «  déter- 
«  miner  par    quels    procédés    et  pour 


«  quelles  raisons  A.  se  décide  à  ac- 
«  cepter  une  version  plutôt  qu'une 
«  autre  »  (p.  vu).  C'est,  en  quelque 
sorte,  un  travail  de  critique  interne, 
au  moyen  duquel  M.  M.  espère  définir 
la  nature  même  de  1"A.  H. 

Ce  but  explique  la  méthode  suivie. 
Sauf  pour  le  fameux  ch.  iv  (Dracon), 
rejeté  à  la  fin  du  volume  —  nous  ver- 
rons plus  loin  pourquoi  — ,  l'ordre 
chronologique  est  presque  constam- 
ment respecté:  M.  M.  suit  pas  à  pas 
le  texte  des  41  premiers  chapitres  de 
1"A.  n.  Il  convient  donc,  pour  com- 
prendre les  résultats  auxquels  est  par- 
venu M.  M.,  de  les  examiner  analyti- 
quement,  et  d'apporter,  dans  cette 
analyse,  un  peu  de  cette  précision  mi- 
nutieuse qui  est  la  caractéristique 
essentielle  de  ce  travail. 

Dans  son  premier  chapitre  (Athènes 
avant  Solon),  M.  M.  expose  les  dif- 
ficultés auxquelles  se  heurtait  Aristote  : 
renseignements  vagues  et  incertains 
(légendes,  quelques  hypothèses  four- 
nies par  les  Atthidographes).  Aristote 
a  donc  été  amené  à  évoquer  le  passé 
d'après  les  vestiges  qu'en  avait  con- 
servés l'Athènes  du  iv"  siècle;  cela 
explique  l'emploi  de  termes  tels  que 
aTi[A£ta,  x£X[XT,pLa  (p.  2).  Mais  cette 
méthode  est  appliquée  sans  rigueur. 
Bien  que  M.  M.  accepte,  à  la  suite  d'une 
discussion  très  serrée,  la  date  du  coup 
d'État  de  Cylon,  l'incertitude  de  la 
chronologie  est  prouvée  par  les  for- 
mules coutumières  :  [xsTà  xaûxa,  ttôX-jv 
/povov,  etc.  —  et  surtout  par  cet  aveu 
d'indifférence,  à  propos  de  l'institution 
des  archontes  :  Toùto  [xàv  ouv  ÔTroxépwç 
TTOx'  S/SI,,  [j.t,vcp6v  àv  TrapaVAdtxxoi  xoT^ 
yjtovùl:,  ('A.  FI.,  111,  3).  L'exposé  même 
des  institutions  soloniennes  est  vague 
et  tendancieux  :  seules  les  attribu- 
tions des  thesmothètes  sont  définies, 
et  le  rôle  considérable  qui  est  assigné 
à  l'Aréopage  primitif  fait  prévoir,  dès 
lors,  un  ami  de  l'oligarchie.  Cepen- 
dant, au  chapitre  xxv,  les  droits  de 
l'Aréopage  sont  considérés  comme 
ajoutés,  ÈTr^exa;  ce  qui  est  absolument 


232 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


contraire  aux  affirmations  des  premiers 
chapitres.  C'est  qu'A.,  loin  d'être 
partial,  accueille  les  traditions  diffé- 
rentes et  les  combine  au  point  de  se 
contredire  lui-même. 

Pour  Solon  (ch.  ii),  Aristote  possé- 
dait des  documents  (poésies,  inscrip- 
tions), mais  surtout  les  considérations 
politiques  que  lui  apportaient  les  Atthi- 
dographes  :  et  c'est  de  cela  seulement 
qu'il  s'est  servi.  Or  ces  travaux 
devaient  être  à  la  fois  partiaux,  c'est- 
à-dire  déformés  par  les  préoccupations 
politiques,  et  peu  critiques,  en  ce  sens 
qu'on  cristallisait,  autour  du  grand 
nom  de  Solon,  toute  la  législation  ulté- 
rieure. —  On  retrouve  ici  la  même 
indifférence  à  Tégard  des  dates,  et  la 
méthode  des  «  aTfijjLeTa  »  déjà  signalée. 
C'est  d'après  son  temps,  en  effet, 
qu'Aristote  se  représente  la  division  des 
citoyens  en  quatre  classes,  le  tirage  au 
sort  des  archontes  (M.  M.,  après  un 
nouvel  examen  de  la  question,  affirme 
qu'ils  étaient  alors  élus).  —  Mais  pres- 
que tous  les  renseignements  donnés 
par  Aristote  proviennent  d'écrits  his- 
torico-politiques,  les  uns  nettement 
démocratiques  et  favorables  à  la  «  doc- 
trine populaire  »,  les  autres  dévoués  à 
l'aristocratie  et  reflétant  cette  «  doctrine 
littéraire  »  sur  laquelle  s'appuyait  le 
parti  d'isocrate.  A  la  première  ten- 
dance appartient  évidemment  le  pas- 
sage sur  la  j£i(jdty0£ia,  qu'Aristote  pré- 
sente comme  une  abolition  totale 
des  dettes,  et  qu'il  approuve,  contrai- 
rement à  Platon,  à  Isocrate  et  à  tous 
les  «  boni  viri  »  de  l'antiquité.  —  Mais, 
par  ailleurs,  il  reste  fidèle  à  la  tradi- 
tion aristocratique  ;  c'est  ainsi  qu'il 
représente  Solon  comme  un  modéré 
de  naissance  noble,  de  fortune 
moyenne,  et  qu'il  grandit  l'Aréopage 
au  point  de  lui  attribuer  le  jugement 
des  etaayvcXiai.  On  aperçoit  donc  un 
mélange  de  traditions  contraires,  —  et 
M.  M.  n'a  pas  exagéré  la  part  qui 
revenait  aux  influences  aristocratiques. 

Dès  qu'il  est  question  de  la  tyrannie 
(ch.  m),  la  méthode  d'Aristote  devient 


plus  apparente.  On  le  voit  plus  soucieux 
de  la  chronologie  (M.  M.  discute  lon- 
guement les  dates  que  donne  Aristote 
pour  Solon  et  pour  les  Pisistrati- 
des).  Certaines  discordances  prouvent 
qu'Aristote  puise  encore  à  deux  sources 
différentes  :  quelque  Atthidographe  et 
Hérodote.  Toutes  les  difficultés  s'expli- 
quent par  ce  conflit  entre  traditions 
divergentes;  M.  M.  le  prouve  au  sujet 
de  la  guerre  contre  Mégare,  de  l'éta- 
blissement de  la  tyrannie  pisistratide, 
etc.  Alors  même  qu'il  s'agit  de  Pisis- 
trate,  Aristote,  qui  lui  est  favorable, 
n'abandonne  pas  la  tradition  démocra- 
tique hostile  au  tyran,  et  lui  attribue 
un  impôt  de  1/10,  essentiellement 
impopulaire.  Nulle  part  cet  «  imbro- 
glioj)  n'aboutit  à  un  exposé  plus  obscur 
qu'au  moment  où  Aristote  décrit  la 
tyrannie  d'Hipparque  et  d'Hippias  ;  le 
ch,  xviii,  relatif  à  l'attentat  d'Harmodios 
et  d'Aristogiton,  est  un  modèle  de  con- 
fusion. M.  M.  en  fait  une  critique  très 
serrée  (p.  42-51)  et  dénonce  excellem- 
ment les  contradictions,  les  erreurs 
provoquées  par  les  erreurs  précédentes, 
les  invraisemblances  chronologiques, 
etc.  —  Mais  on  voit  très  nettement 
apparaître  l'hostilité  d'Aristote  à  légard 
de  la  démocratie  ;  quand  il  parle  de 
Pisistrate,  d'Harmodios  et  d'Aristogi- 
ton, il  énonce  des  idées  personnelles, 
favorables  à  l'aristocratie  ;  et  cet  idéal 
antidémocratique  va  prédominer  désor- 
mais. 

Le  chapitre  iv'est  consacré  à  la  pé- 
riode 510-411,  qu'Aristote  lui-même 
envisage  comme  un  siècle  de  véritable 
démocratie.  Suivant  sa  méthode,  M.  M. 
examine,  un  par  un,  les  événements 
dans  l'ordre  oîi  ils  se  présentent  ;  il 
signale  de  nombreuses  obscurités  à 
propos  de  Clisthène  et  de  ses  réformes 
(création  de  nouveaux  citoyens,  ques- 
tion des  tribus,  date  de  l'établissement 
des  stratèges)  ;  les  sources  étant  di- 
verses (Hérodote,  influences  hostiles  à 
Clisthène,  traditions  démocratiques), 
les  renseignements  sont  peu  cohérents; 
il  en   est  de  même  pour  Aristide.  — 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOPtRAPHIQUES 


233 


Mais  les  vues  personnelles  d'Aristote, 
de  plus  en  plus  hostiles  à  la  démocra- 
tie, acquièrent  une  place  prépondé- 
rante; c'est  pourquoi  il  exalte  le  rôle 
joué  par  TAréopage  avant  Salamino, 
condamue  Thémistocle  et  Ephialte,  et 
approuve  la  mise  à  mort  de  ce  dernier, 
bien  qu'il  suive,  pour  le  récit  des  évé- 
nements, une  tradition  démocratique  ! 
Enfin,  quand  il  décrit,  assez  exacte- 
ment, la  démocratie  athénienne,  il 
cherche  nettement  à  la  dénigrer;  il 
présente,  en  etï'et,  les  Athéniens  comme 
des  fainéants  stipendiés  par  l'État,  cri- 
tique la  politique  de  Périclès  qu'il  assi- 
mile aux  démagogues,  insinue,  à  pro- 
pos d'Anytos,  que  les  héiiastes  étaient 
corruptibles.  Cela  suffit  à  prouver  le 
rôle  que  les  tendances  oligarchiques 
vont  jouer,  désormais,  dans  l'  'A.  El. 

Avec  les  Quatre-Cents,  en  effet  (ch.  v), 
apparaissent  très  nettement  les  vues 
politiques  d'Aristote.  S  il  utilise  parfois 
Thucydide,  pour  le  récit  des  faits 
(aflaire  de  l'Eubée,  chute  des  Quatre- 
Cents),  il  ne  lui  emprunte  qu'un  juge- 
ment, précisément  favorable  à  la  cons- 
titution des  Cinq-Mille,  et  passe  sous 
silence  le  rôle  joué  par  l'armée  de 
Samos,  ce  qui  prouve  déjà  des  inten- 
tions peu  démocratiques.  Partout  ail- 
leurs, Aristote  s'écarte  de  Thucydide, 
et  M.  M.,  par  une  analyse  serrée  et 
minutieuse,  prouve  que  les  retouches 
d'Aristote  ont  pour  but  de  légitimer 
le  régime  des  Quatre-Cents,  de  le  pré- 
senter comme  régulier  et  constitution- 
nel. A  cette  fin,  Aristote  se  garde  de 
citer  Peisandros,  oligarque  avéré, 
parmi  les  auteurs  de  la  constitution 
nouvelle  ;  il  expose,  aux  ch.  xxx  et 
XXXI,  les  deux  constitutions  qu'auraient 
votées  les  Cinq-Mille,  voulant  montrer 
ce  dont  les  Quatre-Cents  auraient  été 
capables;  il  les  représente  enfin  comme 
des  adversaires  d'une  paix  honteuse, 
alors  que  Thucydide  soutient  le  con- 
traire. —  Par  endroits  (ch.  xxxii)  repa- 
raît le  désir  de  combiner  des  tradi- 
tions contraires;  mais  tout  est  dominé 
par    les   sympathies    oligarchiques    : 


Aristote  va  jusqu'à  encadrer  dans  son 
récit  des  documents  otfirjels,  destinés 
à  le  rendre  plus  probant. 

Mi'^mes  tendances  et  mêmes  procé- 
dés dans  les  chapitres  suivants  où 
Aristote  expose  la  fin  de  la  guerre 
du  Péloponnèse  et  l'établissement  des 
Trente  (ch.  vi).  Traitant  du  procès  des 
Arginuses,  il  affirme,  avec  V Apologie, 
que  les  deux  stratèges  ont  été  con- 
damnés à  mort  :  mais  il  a  soin  de  pas- 
ser sous  silence  le  rôle  de  Théramène. 
Il  déprécie  à  dessein,  le  rôle  de  Cléo- 
phon,  l'accuse  d'avoir  fait  échouer  en 
406  —  date  peu  vraisemblable  —  des 
négociations  de  paix  très  avantageuses 
pour  Athènes  ;  il  en  fait  l'auteur  de  la 
diobélie  et  présente  sa  mort  comme  le 
légitime  etfet  de  la  colère  populaire, 
ce  que  Lysias   conteste  formellement. 

Dorénavant,  l'A.  n.  n'est  plus 
qu'un  plaidoyer  favorable  à  Théra- 
mène, ce  qui  n'exclut  pas  absolument 
les  influences  démocratiques  ;  mais  il 
cherche  surtont  à  dégager  la  responsa- 
bilité de  Théramène,  et,  dans  la  restau- 
ration de  la  démocratie,  il  ne  loue  que 
les  modérés,  prêts  aux  réconciliations 
politiques.  Tout  révèle  ici  l'influence 
d'un  ouvrage  à  tendances  oligarchiques. 

C'est  alors  seulement  (ch.  viij  que 
M.  M.  examine  le  problème  de  Dracon. 
Il  y  voit,  avec  Ed.  Meyer,  deux  ques- 
tions distinctes  :  la  constitution  de 
Dracon  a-t-elle  existé  ?  Le  chapitre  iv 
de  T'A.  II.  est-il  l'œuvre  d'Aristote? 
A  la  première,  M.  M.  répond  non.  11 
conteste,  avec  Ed.  Meyer,  l'existence 
des  stratèges  avant  oOl,  celle  du  Con- 
seil de  401  membres  ;  les  évaluations 
en  argent  monnayé  sont  à  ses  yeux  des 
anachronismes  ;  il  signale  enfin  toutes 
les  difficultés  relatives  à  la  désigna- 
tion des  magistrats,  au  roulement 
établi  entre  les  citoyens  pour  l'accès 
aux  magistratures  :  bref,  il  voit,  dans 
la  constitution  draconienne,  une 
création  contemporaine  des  Quatre- 
Cents,  et  la  fixe  à  l'année  409/8,  c'est- 
à-dire  sous  l'archontat  de  Dioclès. 
Quant    à    l'authenticité-  du    chapitre, 


234 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


M.  M.  admet  que  le  morceau  }Deut  être 
l'œuvre  d'Aristote  et  rejette,  au  sujet 
du  style,  les  arguments  de  M,  Dufour. 

La  conclusion  de  M.  M.  est  double  : 

1°  11  condense  ses  observations  sur 
la  méthode  d'Aristote  :  emploi  de  plu- 
sieurs sources  (Hérodote,  Thucydide, 
Atthidographes,  ouvrages  à  tendances 
politiques,  aussi  bien  démocratiques 
qu'oligarchiques).  M.  M.  relève  les  em- 
prunts faits  à  cette  tradition  démocra- 
tique, mais  n'ose  rien  affirmer  quant  à 
leur  origine  ;  il  croit  cependant  à  l'exis- 
tence d'un  ouvrage  démocratique,  au- 
quel Aristote  aurait  puisé.  Plus  com- 
plexe est  la  question  des  influences 
aristocratiques;  car  la  démocratie  n'est 
pas  toujours  critiquée  de  la  même 
façon  dans  T'A.  M.  Ces  critiques  ont 
tantôt  l'accent  d'un  pamphlet,  tantôt  le 
ton  d'un  ouvrage  doctrinal,  fidèle  aux 
traditions  vénérables  du  «  bon  vieux 
temps  »  (p.  118).  Aristote  se  serait  donc 
inspiré  à  la  fois  d'un  pamphlet,  qui 
serait  l'œuvre  de  Critias  et  daterait 
de  l'an  403,  et  d'un  ouvrage  doctrinal, 
favorable  à  Théramène  ;  celui-ci  aurait 
été  écrit  par  un  partisan  de  Phormisios 
entre  403  et  400.  Ainsi  s'expliquent 
les  divergences  et  les  contradictions 
de  l'ouvrage,  d'autant  plus  que,  par 
souci  d'impartialité,  Aristote  concilie  au 
lieu  de  choisir. 

2»  Arrivé  à  ce  résultat,  M.  M.  croit 
pouvoir  déterminer  la  nature  de  1"A.  IL 
Ouvrage  de  valeur  historique  contes- 
table, parce  qu'il  ne  peut  être  consi- 
déré comme  un  travail  de  première 
main,  il  doit  surtout  nous  intéresser 
comme  exemple  de  la  littérature  poli- 
tique d'Athènes.  M. M.  reporte  sa  com- 
position aux  dernières  années  d'Aris- 
tote ;  ce  serait  même,  d'après  lui,  une 
œuvre  posthume,  que  la  mort  du  Sta- 
girite  aurait  laissée  à  Tétat  d'ébauche, 
le  pendant  de  VEnéide,  à  cet  égard, 
dans  la  littérature  athénienne. 

Ce  travail,  dont  nous  venons  d'ex- 
poser les  résultats,  a  une  très  réelle 
valeur.  Dabord,  il  repose  sur  une 
étude   approfondie  du  texte  d'Aristote, 


et  sur  la  connaissance  exacte  des  sour- 
ces auxquelles  celui-ci  a  pu  puiser. 
Les  comparaisons  avec  Hérodote 
(ch.  m),  avec  Thucydide  (ch.  v),  sont 
extrêmement  serrées.  M.  Mathieu  con- 
naît également  bien  les  textes  d'Iso- 
crate,  si  utiles  pour  fixer  les  opinions 
politiques  auxquelles  Aristote  acquies- 
çait. Les  jugements  qu'il  a  recueillis  sur 
l'abolition  des  dettes  (notes  de  la  p.  18) 
sont  d'un  grand  poids  dans  la  discus- 
sion; les  rapprochements  avec  Satyros 
(p.  28),  avec  Andocide  (p.  73)  sont 
particulièrement  judicieux. 

Au  cours  de  sa  discussion,  M.  M. 
a  exprimé  plusieurs  idées  personnelles. 
Plusieurs  sont  à  retenir.  La  distinc- 
tinction  qu'il  établit,  dans  sa  con- 
clusion, entre  les  diverses  attaques 
qu'Aristote  dirige  contre  la  démocratie 
est  neuve  et  en  tout  point  acceptable. 
Le  plus  souvent,  son  argumentation 
est  serrée  et  convaincante;  il  arrive 
cependant  que  M.  M.  veuille  trop  prou- 
ver. N'y  a-t-il  pas  quelque  ingéniosité 
exagérée  à  vouloir  transformer  en  pro- 
fession de  foi  aristocratique  l'éloge 
qu'Aristote  au  chapitre  cxi  de  1'  'A.  n. 
accorde  au  rôle  toujours  grandissant 
de  r  £xx>vT,a'.a?  Et  ne  pourrait-on  y  voir, 
tout  simplement,  le  reflet  d'une  in- 
fluence démocratique,  ce  que  M.  M.  lui- 
même  a  si  fréquemment  constaté?  — 
La  conclusion  renferme,  elle  aussi,  des 
hypothèses  assez  audacieuses.  Nous 
avons  vu  que  M.  M.  attribuait  l'ouvrage 
doctrinaire,  qui  serait  une  des  sources 
d'Aristote,  à  un  partisan  de  Phormisios. 
Or,  cette  attribution  se  fende  sur  ce 
fait  que  Phormisios  est  cité,  sans  raison 
apparente,  dans  1'  'A.  II.  :  et  de  cela 
M.  M.  conclut  que  Phormisios  devait 
être  «  l'homme  politique  préféré  de 
l'oligarque  doctrinaire  (p.  122)  »!  Les 
témoignages  de  la  Politique,  de  Lysias, 
prouvent,  il  est  vrai,  que  Phormisios 
était,  comme  Aristote,  un  aristocrate 
modéré,  favorable  à  la  classe  paysanne  ; 
mais  cela  ne  suffit  pas  pour  affirmer 
que  l'écrivain  en  question  se  rattachait 
à  son  parti. 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


235 


Si  Ton  peut  trouver  un  défaut  domi- 
nant dans  ce  travail,  c'est  sans  doute 
une  tendance  à  l'envisager  uniquement 
comme  une  série  de  discussions,  un 
peu  sèches,  sui'  un  texte  donné.  M.  M. 
aurait  pu  rappi'ocher  plus  souvent 
T'A.  n.  des  autres  écrits  politiques  du 
philosophe,  La  Politique  n'apparaît 
qu'incidemment  dans  ce  travail.  A 
propos  de  la  asuâ/ôsia,  dont  Aristote 
fait  l'éloge,  M.  M.  aurait  pu  s'appuj'er 
'sur  un  passage  de  la  Politique,  où  le 
législateur  est  félicité  pour  avoir  rétabli 
l'égalité  des  biens  (II,  1266).  Les  consi- 
dérations sur  les  Pisistratides  appe- 
laient aussi  deux  citations  :  l'éloge  du 
bon  tyran  (1315  ù  40)  et  les  dangers 
courus  par  la  tyrannie,  qui  doit  re- 
douter la  colère  plus  encore  que  la 
haine  (1312  b  25)  :  on  aurait  ainsi 
prouvé  qu'Aristote  énonce,  à  ce  moment 
là,  des  idées  -personnelles.  C'est  sur- 
tout dans  la  conclusion  que  M.  M. 
aurait  dû  comparer  l'idéal  politique 
esquissé  dans  F  'A.  II.  avec  celui 
qu'Aristote  exprime  formellement  dans 
ses  ouvrages  de  doctrine.  On  peut 
signaler,  sur  ce  point,  une  lacune  dans 
la  bibliographie,  que  M.  M.  aurait  peut- 
être  pu  réunir  en  tête  du  volume 
(publications  de  textes,  traductions, 
ouvrages  d'ensemble,  travaux  de  dé- 
tails). Les  théories  de  M.  M.  se  rappro- 
chent, en  somme,  de  celles  de  von  Mess 
[Aristoteles  'A.  II.  und  die  politische 
Schiifstellerei  Athens,  Rheinisches  Mu- 
séum, t.  LXVÏ,  1911)  :  or  cet  article  n'est 
pas  cité.  —  11  y  aurait  eu  avantage  à 
consulter  les  ouvrages  récents  sur  les 
théories  politiques  et  économiques 
d'Aristote,  ceux  de  Kinkel,  par  exem- 
ple, et  de  Defourny  :  M.  M.  y  aurait 
trouvé  l'explication  de  cette  hostilité  à 
la  démocratie  pure,  à  l'empire  mari- 
time, etc.  D'une  façon  générale,  M.  M. 
passe  trop  vite  sur  les  idées  qui  débor- 
dent le  cadre  même  de  son  travail.  Il 
mentionne  (p.  12)  l'absence  d'impar- 
tialité chez  les  historiens  anciens  : 
n'aurait-il  pu  élargir  un  peu  le  débat, 
en  utilisant  le   livre  d'H.  Peter,  Wahr- 


heit  und  Kunst,  Geschichlschreibung 
und  Plagiat  in  klassischen  Altertum? 
La  falsification  qu'est  la  constitu- 
tion draconienne  appelait  (p.  108)  une 
cotnparaison  avec  Lycurgue,  dont  la 
légende  prend  corps  au  iv«  siècle,  avec 
Éphore,  et  surtout  au  iii'^  siècle,  sous 
Agis  et  Cléomène,  précisément  pour 
les  mêmes  raisons  ;  Plutarque,  les 
Forschunrjen  d'Ed.  Meyer,  la  Griechis- 
che  Geschichte  de  Busolt  offraient  les 
éléments  d'un  parallèle. 

La  composition  du  livre  présente  des 
avantages  et  des  inconvénients.  Ce 
«  commentaire  perpétuel  »  du  texte 
d'Aristote  lui  permet  d'atteindre  à  une 
grande  précision;  le  chapitre  m,  rela- 
tif à  la  tyrannie,  où  la  méthode  d'Aris- 
tote se  révèle  dans  toute  sa  complexité, 
ne  pouvait,  semble-t-il,  être  traité  d'au- 
tre manière.  En  outre,  à  suivre  de  très 
près  T'A.  n.,  M.  M.  a  pu  indiquer  avec 
une  grande  netteté  les  modifications 
des  procédés  et  des  tendances  au  cours 
de  l'ouvrage  :  on  n'avait  pas  encore 
montré,  avec  autant  d'exactitude,  com- 
ment Aristote  devient  peu  à  peu  et  de 
plus  en  plus  hostile  à  la  démocratie. 
Mais  par  endroits,  la  fidélité  peut-être 
excessive  avec  laquelle  M.  M.  s'est  atta- 
ché au  texte  d'Aristote  amène  des  redi- 
tes et  quelque  confusion.  Au  ch.  ii, 
M.  M.  montre  d'abord  Aristote  obéis- 
sant à  diverses  tendances,  soit  démo- 
cratiques soit  aristocratiques.  Puis  il 
indique,  dans  l'exposé  des  institutions 
soloniennes,  la  méthode  des  oTriiieTa. 
EnQn,  quand  il  s'agit  de  l'Aéropage  et 
des  sîaayyeXîat,  M.  M.  retrouve  l'action 
de  tendances  politiques.  N'aurait-il  pas 
été  préférable  d'abandonner,  pour  ce 
chapitre,  l'ordre  chronologique,  et  de 
grouper  les  différentes  questions,  rela- 
tives à  Solon,  d'après  les  différentes 
méthodes  dont  Aristote  s'est  servi? 

Dans  le  détail,  enfin,  on  peut  signaler 
quelques  négligences.  Les  fautes  d'im- 
pression sont  rares   (1)  ;  mais  on  ren- 

(1)  Signalons,  p.  39  :  Aristote  pour  Aristide  ;  — 
p.  71,  héliostes  pour  héliastes  ;  —  p.  90,  note  5  : 


236 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


contre  quelques  références  incomplètes 
(p.  59,  lignes  23-24)  ou  inexactes 
(p.  38,  le  texte  dit  :  '\.  11.  XXVI,  3,  - 
et  la  note  7,  XXVH,  3  ;  —  c^est  XXVI,  4 
qu'il  faut  lire).  On  souhaiterait  aussi, 
p.  38,  la  référence  de  l'insciùption  sur 
laquelle  s'appuie  le  texte  de  Thucy- 
dide (VI,  55,  1),  les  références  du 
terme  è-KisixEiç  (p.  69,  1.  20).  On  re- 
grette (p.  92)  l'absence  du  texte  de 
Xénophon  {HelL,  1,  7,  35)  sur  la  mort 
de  Gléophon  ;  p.  40,  le  texte  de  Y  A.  n. 
relatif  au  désarmement  du  peuple 
('A.  n.,  XV,  4-5).  Pourquoi,  dans  son 
chapitre  I,  M.  M.  ne  cite-t-il  pas,  à 
propos  de  l'Aéropage,  ce  texte  si  frap- 
pant de  r  'A.  n.  (111,  [3,  16])  qui  critique 
visiblement  le  temps  présent  :  Kùpioi 
0  T,(Tav  xaî  xàç  St'xa;  y.ù'zoxz\ci^  xpîvsiv 
xal  0  'JX  w  a Tt  £ p  vu  v  xpoavatxptvsiv ? 
Pourquoi  négliger  cet  éloge  de  Solon 
('A.  n.,  XI,  [12,  20])  qu'Aristote  glorifie 
d'avoir  voulu  «  sauver  la  patrie  ei 
établir  les  meilleures  lois  w?—  Parlant 
du  port  des  armes  aux  Panathénées 
(p.  48),  M.  M.  déclare  qu'Aristote 
connaît  «  sans  doute  »,  à  ce  sujet,  un 
décret  de  la  démocratie.  Pourquoi  «  sans 
doute  »?  Il  existe  dans  T'A.  n.  un  texte 
formel,  que  M.  M.  a  tort  de  négliger 
('A.  n.,  XVllI,  4)  :  Où  yàp  iTicaTrov  tôts 

[JLSO'      0-)vO)V,      àXX'     'JJTSpOV     TOÙTO     /CaT.eO'- 

xsuajEv  ô  Sf,;jLoç.  Enfin,  M.  M.  est  par- 
fois trop  elliptique  et  par  suite  peu 
clair;  il  y  a,  p.  10,  p.  59,  des  passages 
obscurs;  nous  ne  savons  pas  pourquoi 
il  accepte  l'opinion  de  M.  Carcopino 
touchant  l'estracisme  de,  Thémistocle 
(p.  62);  il  ne  souligne  pas  l'importance 
en  quelque  sorte  nationale  du  fameux 
axôXiov  (p.  42)  : 

'Ev  [xûpTO'j  xXaSl  xd  ^i-fo;  cpopT,ao). 

Nous  ne  savons  pas  (p.  108),  en  quoi 
les  conclusions  de  M.  Dufour,  tou- 
chant l'expression  é'Spa  jâouXf,;,  sont 
exagérées. 

Mais  les  imperfections  dont  il  s'agit 
ne  diminuent  en  rien  la  valeur  de  l'ou- 

Diodore  XIII,  52-2-53  pour  52-53  ;  —  p.  127, 
^our  pour  jour. 


vrage.  11  reste  incontestable  que  M.  M. 
a  donné  un  travail  sérieux  et  solide, 
assez  souvent  personnel,  qui  détermine 
parfaitement  la  valeur  historique  de 
1"A.  n.  et  répond  exactement  au  but 
que  l'auteur  s'est  proposé. 

Uobert  Jahdh.lier. 


10.  C.  H.  myOKE.  The  religions  Viought 
of  the  Greeks  from  Homer  to  the 
triumph  of  Chris t.ianity.  Cambridge, 
Harvard  University  Press,  1916.  In-S», 
vii-385  p. 

M.  Moore,  professeur  de  lalin  à 
l'Université  Harvard,  —  mais  fort  bon 
helléniste  aussi,  comme  ce  livre  en  té- 
moigne, —  avait  fait,  en  1913,  dans 
quelques  collèges  de  l'Ouest  qui  sont 
en  relation  avec  cette  Université,  puis 
en  1914  à  llnslitut  Lowell,  de  Boston, 
une  double  série  de  conférences,  qui 
lui  ont  fourni  la  matière  de  ce  volume. 
Ces  excellentes  leçons  méritaient,  en 
effet,  d'être  réunies  et  publiées;  elles 
forment  un  exposé  remarquablement 
clair,  sobre  et  intéressant  d'un  sujet 
vaste  et  difficile.  M.  M.  s'est  proposé  de 
présenter,  en  marquant  seulement  les 
grandes  lignes,  l'évolution  de  la  pensée 
religieuse  chez  les  Grecs,  depuis  les 
poèmes  homériques  jusqu'cà  la  théo- 
logie chrétienne.  Il  laisse  de  côté  toute 
discussion  sur  les  origines,  les  carac- 
tères primitifs  des  cultes,  rites  et  lé- 
gendes. H  prend  les  Grecs  à  partir  du 
moment  oii  ils  ont  commencé  à  réflé- 
chir sur  tout  cela,  sur  la  nature  des 
dieux,  sur  leurs  relations  avec  l'huma- 
nité, sur  les  besoins  religieux  de  celle- 
ci,  sur  le  rapport  de  la  religion  et  de 
la  morale.  Il  dégage  le  progrès  des 
idées  par  l'œuvre  des  poètes,  des  con- 
fréries mystiques,  des  écoles  philoso- 
phiques, etc.,  jusqu'à  ce  que  la  pensée 
grecque  s'altère  au  contact  des  in- 
fluences orientales  ;  peut-être  a-t-il  un 
peu  trop  de  tendance  à  croire  que  la 
civilisation  hellénique,  antérieurement 
à   la   période  alexandrine,  s'est  déve- 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


237 


loppée  en  vase  clos.  Dans  ses  deux  der- 
niers chapitres,  il  fait  le  bilan  de  ce 
que  le  christianistiie  doit  :i  i'iieiiénismc. 
Une  étude  de  ce  genrr»  est  nécessaire- 
ment un  peu  cursive,  et  Af.  M.  la 
donne  modestement  pour  un  essai.  l'>n 
réalité,  sur  toutes  les  ((uestions  déli- 
cates qu'il  est  conduit  à  examiner  — 
(par  exemple  :  le  caractère  plus  ou 
moins  artificiel  de  la  religion  homé- 
rique; l'influence  de  l'orphisme  et  des 
mystères;  les  idées  morales  et  reli- 
gieuses dans  la  tragédie;  rintcrprT'ta- 
tion,  au  point  de  vue  religieux,  du 
platonisme  ou  du  stoïcisme;  la  signi- 
fication véritable  des  emprunts  faits  à 
la  philosophie  par  les  apologistes  ou 
les  docteurs  alexandrins)  —  on  sent, 
derrière  cet  exposé  concis  et  plein,  une 
connaissance  solide  et  précise  des 
textes  et  des  documents  de  toutes 
sortes,  et,  malgré  les  divergences 
d'appréciation  inévitables,  on  aime  à 
louer  la  constante  mesure  et  l'habi- 
tuelle justesse  du  jugement.  C  est  de 
la  bonne  vulgarisation,  telle  quelle  ne 
peut  être  faite  que  par  un  véritable 
savant.  —  Le  livre  se  termine  par  un 
appendice  bibliographique,  qui  ne 
donne  qu'un  choix,  mais  un  choix  bien 
fait. 

A.  PiJEcn. 


11.  Georges  NICOLE.  Corpus  des  Céra- 
mistes grecs.  Paris,  Leroux,  1917. 
Tn-8o,  40  p. 

C'est  le  tirage  à  part  d'un  article 
paru  dans  la  Revue  archéologique  (1916, 
IV,  p.  373-412)  ;  il  est  bon  de  le  signaler 
aux  travailleurs  qui  voudraient  le  pos- 
séder en  fascicule  séparé,  comme  mé- 
mento utile  à  consulter.  C'est,  en  effet, 
un  complément  à  l'ouvrage  classique 
de  W.  Klein  sur  les  signatures  des 
céramistes  grecs  {Die  griechischen 
Vasen  mit  Meistersignaturen,  Vienne, 
2°  édition,  1887),  qui  était  devenu 
fort  incomplet  après  les  multiples 
découvertes   faites  depuis   trente  ans. 


Tout  archéologue  s'occupant  de  céra- 
mographie  grecque  comble,  tant  bien 
que  mal,  les  lacunf's  par  des  notes  sur 
son  exemplaire  des  Meistersignaturen. 
Mais  il  était  bon  que  la  revision  com- 
plète fût  tentée  et  mise  au  point  avec 
exactitude.  M.  Nicole  l'a  entreprise  et 
nous  devons  lui  en  savoir  beaucoup  de 
gré.  Alors  que  Klein  navait  énuméré 
que  103  noms  différents  de  peintres  ou 
de  fabricants  de  vases,  il  en  mentionne 
133.  Son  plan  est  aussi  plus  logique 
est  plus  commode  que  celui  de  son 
prédécesseur.  Il  a  divisé  l'ensemble  en 
quatre  sections  :  1.  Fabriques  primi- 
tives non  attiques.  II.  Vases  attiques  à 
figures  noires.  III.  Vases  attiques  à 
technique  mixte.  IV.  Vases  attiques  à 
figures  rouges.  Dans  chaque  catégorie 
il  a  adopté  l'ordre  alphabétique.  Il  est 
facile  de  retrouver  très  rapidement  le 
nom  de  l'artiste  dont  on  veut  connaître 
la  production.  La  bibliographie  de 
chaque  œuvre  est  donnée  par  de 
courtes  annotations  qui  ne  s'embarras- 
sent pas  de  toutes  les  publicatioûs  à 
citer,  mais  qui  renvoient  au  travail  le 
plus  récent.  Aucun  des  sujets  n'est 
décrit.  Cette  suppression  voulue  allège 
évidemment  le  fascicule  et  a  permis 
de  lui  donner  une  forme  de  répertoire 
très  concis;  pourtant,  je  crois  qu'il  y 
aurait  eu  avantage  à  indiquer  au  moins 
par  quelques  mots  les  sujets  repré- 
sentés; l'auteur  aurait  épargné  au  lec- 
teur des  consultations  souvent  longues 
et  difficiles  et  il  eût  placé  sous  nos 
yeux  l'ensemble  de  la  production  de 
chaque  artiste.  Le  travail  pèche,  à  cet 
égard,  par  un  excès  de  brièveté,  et 
quelques  pages  d'impression  de  plus 
l'auraient  rendu  encore  plus  utile. 

M.  Nicole  m'a  déjà  signalé  quelques 
additions  ou  changements  à  introduire 
dont  je  ferai  profiter  nos  lecteurs  : 

P.  3.  Ajouter  aux  potiers  du  vue  siè- 
cle une  signature  incomplète  : 
...IIMEPOIEIEN,  sur  un  vase  du 
Musée  de  Palerme,  un  fragment,  trouvé 
à  Sélinonte  et  apparenté  aux  vases  de 
Mélos,  mais    avec    traits    incisés.   — 


238 


COMPTES   RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES 


P.  15,  ligne  29.  Supprimer  :  30.  Un 
fragment  à  Constantinopie.  Écrire  : 
Berl.  phiL  Woch.,  1888,  p.  1517  sq. 
(skyphos).  Dans  la  note,  1.  2,  écrire  : 
(nos  l  et  29).  —  P.  18,  en  bas,  ajouter  : 
86  bis.  Rome.  Villa  du  pape  Jules.  Pyxis 
à  flg.  rouges.  Rizzo  la  tient  pour  le  chef- 
d'œuvre  de  l'atelier  de  Nicosthénès  et 
en  attribue  la  peinture  à  Epiktétos.  — 

—  P.  19,  1.  10.  Écrire  :  91  et  92.  Lig.  11: 
no  59,  1  et  29.  Lig.  12.  Au  lieu  de  vases, 
écrire  :  Amphores  trouvées  en  1913, 
etc.  Changer  les  n"»  92,  93,  94,  en 
nos  93^  94^  9r,,  et  ajouter,  1.  15  :  96. 
Kyathos  de  Bryn  Mawr,  Aynevican 
Journ.  of  archaeology,  1916,  p.  316, 
fig.  4.  —  P.  20,  I.  32.  Ajouter  :  30.  Kylix. 
Rome.  Villa  du  pape  Jules.  Int.  :  Ulysse 
sous  le  bélier  de  Polyphèmc.  —  P.  21, 
I.  23.  Effacer  :  Disparu,  et  écrire  : 
Musée  de  Boston.  —  P.  29, 1.  9.  Écrire  : 
Musée  de  Turin.  iNote  1,  1.  20.  Écrire  : 
2e  édition  avec  refonte  complète,  parue 
en  1917  sous  le  titre,  Eulhymides  and 
his  fellows,  Cambridge,  Harvard,  Uni- 
ver-sity  Press.  —  P.  36,  1.  2,  n»  3. 
Écrire  :  Musée  de  Bruxelles.  —  P.  38, 
1.  18,  no  5.  Écrire  :  Milan,  collection 
théâtrale  de  la  Scala.  Note  1,  I.  1. 
Écrire  :  deuxième  moitié  du  iv  siècle. 

—  P.  40.  Ajouter  :  132.  Platon.  Uli- 
Tojvo;  S'.y.ôXio'jTa;;  'ATTOAWvie'!;;  è~ovi\^£, 
sur  plusieurs  vases  à  reliefs  du  Musée 
de  Palerme,  trouvés  à  Teano  {Mon. 
atiLichi  dei  Lincei,  XX,  1910,  p.  29).  Cf. 
la  signature  nXâTwp,  Pagenstecher, 
Die  calen.  Relief-Keramik,  p.  121. 

E.    POTTIER. 


12.  Henri  OMONT.  Minoide  Mynas  et 
ses  missions  en  Orient  {1840-185Ô) 
(Extrait  des  Mémoires  de  l'Acadétnie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres, 
t.  XI.).  Paris.  G.  Klincksieck,  1916. 
ln-40,  85  p. 

Minoïde  Mynas  (MivwtSïi;  MT,vâO  est 
connu  surtout  par  Theureuse  décou- 
verte qu'il  fit  au  mont  Athos  des  ma- 
nuscrits  qui   nous  ont     conservé    les 


Fables  de  Babrius  (actuellement  au 
British  Muséum)  et  le  traité  de  la 
gymnastique  de  Philostrate.  Différents 
ouvrages  de  philologie  grecque  qu'il  a 
publiés  sont  aujourd'hui  tombés  dans 
l'oubli  :  Orthophonie  grecque,  ou  traité 
de  Vaccentualion  (1824),  Calliope,  ou 
traité  sur  la  véritable  prononciation 
(1825),  Théorie  de  la  grammaire  et  de 
la  langue  grecques  (1827),  Grammaire 
grecque...  et  la  différence  avec  le  grec 
vulgaire  (1828).  Mentionnons  aussi  un 
poème  (en  grec)  en  l'honneur  de  Char- 
les X,    la    Kapo>;ià(;    restée   inédite  (1). 

C'est  au  cours  de  deux  missions 
(car  la  troisième,  de  1850  à  1855,  fut 
sans  résultats),  la  première,  de  février 
1840  à  mars  1843,  la  deuxième,  de  mai 
1844  à  décembre  1845,  qu'il  explora 
avec  succès  les  bibliothèques  de 
l'Orient.  L'art  antique  ne  fut  pas  né- 
gligé, comme  on  peut  le  voir  dans  le 
Catalogue  sommaire  des  marbres  anti- 
ques du  Musée  du  Louvre  et  dans  un 
intéressant  article  de  M.  E.  JNlichon, 
Fondation  Piot,  Monuments  et  Mé- 
moires (1915),  t.  XIT. 

Les  fonds  des  Archives  Nationales 
et  celui  du  Supplément  grec  de  la  Bi- 
bliothèque Nationale  ont  permis  à 
M.  Omont  de  tracer  un  tableau  très 
vivant  de  lactivité  littéraire  de  M.  My- 
nas, activité  qui  ne  fut  pas  sans  fruit 
pour    la    littérature,     la     grammaire, 


(I)  Voici,  à  litre  de  curiosité,  la  dédicace,  en 
français  dans  le  texte,  qu'on  lit,  Supplément 
grec  1147  folio  B  : 

En  daignant  accueillir  l'hommage  de  mon 
poëme  et  ces  accens  de  reconnaissance  que 
j'ose,  selon  mes  faibles  moyens  vous  offrir  au 
nom  des  Hellènes,  Votre  Majesté  encourage  les 
nourrissons  des  muscs  grecques.  Désormais, 
rendus  à  leur  patrie  et  à  leur  liberté,  ils  ne  chan- 
teront plus  cette  colère  d'Achille,  qui  fut  fatale 
à  tant  de  guerriers,  mais  ils  célébreront  les 
bienfaits  de  Votre  Majesté,  la  valeur  invincible 
des  Français  et  le  salut  de  la  Grèce,  gloire  qui 
ne  périra  jamais. 

Je  suis  avec  respect,  Sire,  de  Votre  Majesté,  le 
♦  rès  humble  serviteur. 

Minoïde  Mynas. 


COMPTES    RENDUS    BIBLI0(;RAPHIQUES 


239 


rhistoire,  le  droit,  la  médecine,  la 
philosophie  et  la  physique,  les  ou- 
vrages d'église,  voire  l'astrologie,  (/an- 
tiquité et  le  moyen  âge  y  sont  égale- 
ment représentés. 

Chose  curieuse,  le  manuscrit  de  la 
gymnastique  de  Philostrate  n'était 
pas  entré  à  la  Bibliothèque  Nationale 
du  vivant  de  Mynas;  il  était  consi- 
déré comme  perdu.  Ce  n'est  qu'en  1898 
qu'il  fut  découvert,  avec  une  trentaine 
d'autres  volumes,  chez  le  fils  d'un  des 
créanciers  de  Mynas  ;  ils  rejoignirent 
les  premiers  dans  notre  Bibliothèque 
Nationale.  En  somme,  les  manuscrits 
rapportés  d'Orient  par  Minoïde  Mynas 
constituent  206  volumes,  qui  font  tous 
partie  du  Supplément  grec. 

II  faut  louer  M.  Omont  de  ses  patien- 
tes recherches  et  du  soin  dont  il  est  cou- 
tumier.  Les  notes  dont  il  a  accompa- 
gné le  texte  de  l'exposé  des  deux  mis- 
sionsfit  celui  des  appendices  ne  laissent 
aucun  point  dans  l'ombre.  Ajoutons 
enfin,  que  les  tableaux  de  concordance 
qui  terminent  le  volume,  seront  très 
appréciés  de  ceux  qui  viendront  con- 
sulter les  manuscrits  rapportés  par  le 
chercheur  avisé  que  fut  Minoïde  Mynas. 
n.  Lebègle. 


13.  PALLADIUS.  Histoire  Lausiaque. 
Texte  grec,  introduction  et  traduc- 
tion française  par  A.  Lucot  (collec- 
tion H.  Hemmer  et  P.  Lejay,  t.  XV). 
A.  Picard,  1912.  In-12,  lix-425  p. 

[/édition  de  dom  Butler  {Texls  and 
Studies,  tome  VI,  1904)  ayant  enfin 
permis  de  dégager  le  texte  de  l'ou- 
vrage de  Palladius  des  conglomérats 
auxquels  il  avait  été  associé,  MM.  Hem- 
mer et  Lejay  pouvaient  le  faire  entrer 
dans  leur  collection.  VHistoire  Lau- 
siaque est  aussi  mal  écrite   (1)  qu'elle 

(1)  Les  incorrections  grossières,  que  Butler  a 
trop  fidèlement  conserv<^es,  doivent  le  plus  sou- 
vent, comme  le  veut  M.  Bonnet,  être  imputées 
aux  copistes.  Palladius  savait  sa  fjrammaire  ; 
mais  il  ne  savait  pas  écrire. 


est  mal  composée  ;  je  ne  dis  rien  du 
fond,  et  de  la  folle  démonologie  qui  la 
remplit  presque  d'un  bout  à  l'autre. 
Mais  elle  est  indispensable  à  qui  veut 
connaître  les  origines  du  nionachisme, 
et  il  faut  la  lire,  quelque  fatigante  ou 
irritante  que  soit  cette  lecture. 

M.  Lucot  reproduit  le  texte  de  dom 
Butler,  en  tenant  compte  des  observa- 
tions de  certaines  recensions  (par 
exemple,  celles  de  MM.  Max  Bonnet  et 
C.-II.  Turner),  parfois  aussi  de  com- 
munications nouvelles  qu'il  a  reçues 
de  dom  Butler  ;  il  l'a  fait  précéder 
d'une  introduction  un  peu  indigeste, 
mais  utile.  11  définit  ainsi  sa  méthode 
de  traduction  :  «  La  présente  traduc- 
tion, en  regard  du  texte,  a  pour  but 
de  le  calquer  tel  qu'il  est,  sans  rien 
négliger,  ni  adapter,  ni  voiler,  dans 
les  longueurs,  le  vague,  les  redites,  et 
le  réalisme.  Littérale,  elle  vise  à  l'exac- 
titude et  à  la  précision.  Les  particules 
même,  n'étant  pas  de  simples  redon- 
dances, ont  été  respectées  »  (p.  lui). 
Qui  connaît  le  texte  de  Palladius  et  lit 
ce  programme  est  sûr  d'avance  que 
cette  traduction  ne  sera  pas  de  celles 
dont  on  dit  qu'elles  sont  «  aisées  et 
coulantes  ».  On  a  toujours  du  scrupule 
à  paraître  critiquer  un  souci  respec- 
table en  soi  d'exactitude  et  de  fidélité. 
Mais  il  est  peut-être  excessif  de  se 
donner  presque  autant  de  mal  pour 
reproduire  les  maladresses  d'une  ma- 
zette  qu'on  a  le  devoir  d'en  prendre 
pour  rendre  du  mieux  qu'on  peut  l'art 
d'un  grand  écrivain.  La  littérallté  ex- 
trême de  ML.  a  du  reste  pour  con- 
séquence de  raviver  d'une  manière 
très  imprévue  d'anciennes  métaphores, 
extrêmement  usées  en  grec,  devenues 
si  banales  que  personne  n'en  sentait 
plus  la  valeur  primitive  ;  cela  n'amé- 
liore pas  le  style  de  Palladius,  et  c'est, 
en  vérité,  une  autre  manière  de  le 
trahir.  J'ajoute  qu'il  y  a  dans  la  tra- 
duction quelques  erreurs  de  sens,  et 
dans  les  notes  une  certaine  gaucherie. 
Voici  quelques  exemples  :  p.  3  note), 
la  distinction  marquée  entre  sOs'Xôvtwv 


240 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


et  pou>vO[jL£vo)v  est   juste   en   soi  ;  mais, 
dans   la    phrase  visée,  les  deux   mots 
sont  absolument  équivalents;  —  p.  6, 
à   quoi  peut    servir    une  note  comme 
celle  sur  le  mot  yvôJcjtç,  quand  Temploi 
qu'en  fait   Palladius  n'otVre  aucune  dif- 
ficulté? —  p.  7,  ivTuy/avôvTwv  est  rendu 
exactement    dans    la   traduction  par  : 
lecteur.  Alors   pourquoi  cette  note  sin- 
gulièrement   confuse,    et    qui   semble 
contredire  le  texte  :  «  svx'jy/avôv-cwv,  le 
premier  venu  ;  «  der  erste  beste  ».  Wie- 
NER-ScHMiEDEL.    Les  versious   portent  : 
leqens  ».  —  La  page  27  est  particuliè- 
rement  malheureuse.  La   phrase    sui- 
vante :  «stoî  yàp  h  Xôyoç  xwv  èv  r.^lv  xt,- 
v-fijxaTwv    {sic),  êçop^Çwv  jAèv  xà    ^XaCspx, 
Ti 00 (T>vaîi6xv6{jL£Vo;    Se    xà    lirw^sXfi,    est 
ainsi  rendu  :  «  C'est  qu'en  nous,  parmi 
les  émotions,  la  raison,  qui  est  divine, 
d'un  côté  bannit  les  choses    nuisibles, 
d'un  autre  côté  elle  accepte  ce  qui  est 
assez  avantageux  »    Évidemment  cela 
n'estpas  élégant;  mais  ce  n'est  pas  clair 
non  plus   La  faute,  je  le  reconnais,  est 
à  Butler,  qui  déjà  a  mal  ponctué  :  car  il 
est  évident  qu'il  faut  lire  :  esTo?  yàp  ô 
Xoyoc;  (avec  ellipse  du  verbe  :  être),  twv 
êv  fiîJLTv  xtvTjtxaTwv  i^opiî^wv  ii.èv  etc.  Mais 
un  traducteur  qui   n'arrive   pas    à  un 
résultat  plus  satisfaisant  que  la  phrase 
précitée  devrait  bien  se  demander  si  la 
faute  n'en  est  pas  au  texte  qu'il  suit. 
La  phrase  suivante  :  Kal  ^\inz  [j.oi  etc., 
est  rendue  :  «  Regarde-moi  comme  des 
hommes  saints  ceux  qui  ont  bu  du  vin 
avec   raison,  et  comme    des   hommes 
profanes  ceux  qui  ont  bu  de  l'eau  sans 
raison....  ».  Le  s^^ns   est  :  «  Considère 
les  saints   qui   boivent  du  vin,  en   se 
conformant  à  la  raison  »,  —  c'est-à-dire, 
comme  le  montre  la  suite,  Joseph,  ou 
Jésus,  vini  potator,  —  »  et  les  profanes 
qui  boivent  de  l'eau  sans   raison  »,  — 
c'est-à-dire,  comme  le  montre   égale- 
ment la  suite,  les  philosophes   ou   les 
Manichéens,  et  «  alors  cesse  de  blâmer 
ou  de  louer  la  matière  ;  blâme  ou  loue 
ceux    qui  en    font    bon    ou    mauvais 
usage.  »  P.  50.  Le  membre  de  phrase  : 
4>povTÎÎJovT()(;  jxou  irepl  xf,?  ÎJwî\<;  'louXtivou, 


ToO  à6>v(ou  (^aaiXswç  w;  Siwxxou,  est 
rendu  :  «  Songeant  à  la  vie  de  Julien, 
l'empereur  misérable  étant  persécu- 
teur.... ».  Ici  M.  L.  n'a  pas  l'excuse  de 
la  littéralité,  puisque  étant  n'est  pas 
l'équivalent  de  d)?.  —  Ces  exemples 
montrent  que  cette  traduction  gagne- 
rait à  être  revisée  ;  mais  il  faut  avoir 
beaucoup  d'indulgence  pour  un  tra- 
ducteur de  Palladius. 

A.  PUECH. 


14.  A.  E.  PHOUTRIDES.  The  chorus  of 
Euripides  [Harvard  studies  in  clas- 
sical  philology,  1916).  In-S»,  94  p. 
(p.  76-170  du'vol.  XXVII). 

Ce  travail  intéressant,  d'un  tour  vif 
et  agréable,  —  avec  un  peu  de  rhéto- 
rique parfois  (1),  —  est  une  thèse  de 
doctorat  d'un  élève  de  M.  Herbert  Weir 
Smyth.  M.  Decharme,  dans  son  excel- 
lent livre  sur  Euripide  et  Vesprit  de  son 
théâtre,  a  été  un  des  premiers  à  mon- 
trer qu  il  était  tout  à  fait  injuste  de 
condamner  sans  appel  les  chœurs 
d'Euripide,  sur  la  foi  d'un  texte  dou- 
teux et  obscur  d'Aristote,  dont  on  a 
singulièrement  abusé.  Il  l'a  montré 
avec  sa  prudence  et  son  tact  habituels, 
sans  verser  aucunement,  à  son  tour, 
dans  un  excès  d'apologie,  et  en  parais- 
sant craindre  que  le  préjugé  fût  trop 
enraciné  pour  qu'on  eût  chance  de  le 
détruire,  même  par  de  bonnes  raisons. 
Cependant  sa  voix  a  été  écoutée,  et  il 
semble  que  la  critique  serait  aujour- 
d'hui plutôt  portée  à  oublier  que,  si 
c'est  une  grande  erreur  de  considérer 
les  stasimra  d'Euripide  comme  des 
embolima,  —  quand  Aristote  lui-même 
adresse  ce  reproche  à  Agathon,  non  à 
Euripide,  —  Euripide  n'est  pas  cepen- 
dant toujours  irréprochable.  M.  Ph.,  par 
exemple,  dès  ses  premières  pages, 
veut  établir  que  si,  dans  les  Phénicien- 
nes, YAndromaque,  Vlpliigénie  à  Aulis^ 

{[)  Cf.  par  exemple  p.  112-113  le  parallèle 
entre  Eschyle,  Sophocle,  Kuripide  et  MiUon,Ten- 
nyson,  Mathew  Arnold. 


COMPTES    HENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


241 


le  chœur  reste  beaucoup  plus  déta- 
ché de  Faction  que  dans  les  autres  dra- 
mes du  poète,  cela  est  conforme  à  la 
vérité  dramatique,  puisque  le  caractère 
et  la  condition  des  personnes  qui  com- 
posent le  chœur  expliquent  et  môme 
imposent  cette  inditlérence  relative. 
Cela  est  très  juste,  mais  ne  saurait 
absoudre  entièrement  Euripide.  Car  il 
faudrait  justifier  encore  le  choix  qu'il 
a  fait  de  telle  ou  telle  catégorie  de 
personnes,  et  c'est  ce  dont  M.  Ph.  ne 
paTaît  pas  se  préoccuper.  Examinant 
ensuite  le  contenu  des  chants  du  chœur, 
M.  Ph.  se  demande  s'il  est  vrai  qu'Eu- 
ripide y  ait  parfois  voulu  insinuer  ses 
idées  personnelles,  et  il  le  nie  énergi- 
quement.  Il  soutient  énergiquement 
que  le  chœur,  tel  que  le  poète  le  con- 
çoit, exprime  uniquement  les  opinions 
courantes,  le  jugement  moyen  de  la 
foule,  chaque  fois  nuancé,  dans  l'ex- 
pression, selon  le  caractère  et  la  condi- 
tion des  choreutes.  On  conçoit  que 
cette  thèse  rende  très  aisée  à  M.  Ph. 
l'interprétation  des  Bacchanf.es, puisque, 

—  il  le  dit  en  propres  termes,  —  le 
chœur  d'Euripide,  en  toutes  les  pièces 
et  à  toutes  les  époques  de  sa  vie,  a  pour 
devise  ce  mot  même  des  compagnes 
de  Dionysos,  dont  on  s'est  si  souvent 
scandalisé  :  t6  TrXf,8o;  ôti  tô  cpauXÔTeGov 

—  èvôuLias  /pf,Tat  xs,  tô8'  àv  osyoîfJLav.  Je 
ne  dis  pas  que  M.  Ph.  n'ait  pas  raison 
pour  le  cas  particulier  des  Bacchantes, 
mais  il  est  d'autres  cas  où  il  faut  fer- 
mer les  yeux  à  l'évidence  pour  nier 
que  le  poète  parle  par  la  bouche  du 
chœur.  Je  renvoie  à  certains  des  exem- 
ples qu'a  cités  IVI.  Decharme,  tout  en  re- 
connaissant que  M.  Ph.  a  fait  sur 
quelques  autres  des  réserves  dont  il 
faut  tenir  compte,  et  qu'on  lira  avec 
profit  toute  sa  discussion,  même  si  on 
n'admet  pas  sa  conclusion  générale. 
La  dernière  partie  de  la  dissertation 
nous  éloigne  beaucoup  trop  d'Euripide. 
Voulant  rechercher  s'il  y  a  dans  les 
tragédies  d'Euripide  des  '«  hypor- 
chèmes  »,  M.  Ph.  engage  toute  une 
recherche  sur  les  origines  et  la  nature 


de  l'hyporchôme.  Cette  recherche  a 
son  intérêt,  mais  non  hic  erat  his  locus. 
Renonçons  donc  à  cette  manie  de 
parler  de  tout  à  propos  de  tout,  dont 
Wilamowitz  a  donné  si  souvent  le 
mauvais  exemple  (1). 

A.   PUECH. 


la.  /..  J.  lUCHAHDSON.  Greekand  Latin 
Glyconics  (tirage  à  part  de  :  Univer- 
sity  of  California  publications  in  phi- 
lology,  vol.  2,  n»  13,  p.  257-265),  1915. 

M.  R.,  partant  de  ce  principe  que 
les  poètes  lyriques  latins  ont  appris 
la  métrique  d'après  la  théorie  tout 
artificielle  des  metra  derivata,  se  de- 
mande si,  en  fait,  leurs  vers  sont  cons- 
truits d'après  cette  théorie,  ou  si  la 
facture  n'en  dérive  pas  plutôt,  instinc- 
tivement, du  sentiment  du  rythme 
qu'ils  avaient  acquis  par  la  lecture  de 
leurs  modèles  grecs.  Il  pose  la  question 
pour  le  cas  particulier  des  vers  glyco- 
niques,  et  cherche  à  la  résoudre  par 
des  statistiques  relatives  à  la  réparti- 
tion des  césures  et  des  diériéses.  Ces 
statistiques  portent  sur  les  fragments 
d'Alcée  et  de  Sapho,  et  les  chœurs  de 
Sophocle  et  d'Euripide,  d'une  part, 
sur  les  odes  de  Catulle  et  d'Horace,  de 
l'autre.  La  conclusion  de  M.  R.  est  que 
la  théorie  de  la  dérivation  des  mètres 
n'a  guère  gêné  Catulle  et  Horace,  qui 
ont  lu  attentivement  les  Grecs  et  se 
sont  imprégnés  de  leur  manière.  Des 
deux  lyriques  latins,  c'est  Horace  qui 
est  le  plus  fidèle  à  la  tradition  d'Al- 
cée  et  de  Sapho,  ce  que  M.  R.  est  tenté 
d'expliquer  par  le  séjour  d'Horace  à 
Athènes  en  sa  jeunesse;  séjour  qui  lui 
aurait  permis,  en    même    temps  qu'il 

(l)  Encore  une  remarque.  Al.  Ph.,  en  acceptant 
un  peu  facilement  peut-être  l'authenticité  du 
R/ii'sus,  a  trouvé  par  là  môme,  cela  va  sans  dire, 
i'e.xemple  le  plus  favorable  d'un  cliœur  d'Euri- 
pide mêlé  aclivcmcnt  à  l'action.  Mais  c'est  ici 
peut-être  que  discuter  plus  longuement  l'authen- 
ticité du  H/iésus,  dans  une  note  ou  un  appen- 
dice, n'eût  pas  été  une  digression. 


242 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


lisait  les  classiques  grecs,  de  connaître 
un  enseignement  théorique  un  peu 
moins  arbitraire  que  celui  des  écoles 
latines. 

A.  P 


16.  .1.  ROSTAGNI.  Poeti  Alessuiidrini. 
Torino,  Bocca,  1910.  ln-12,  Xlll- 
398  p. 

Le  livre  de  M.  Rostagni  ne  se  donne 
pas  pour  une  étude  complète  de  la 
poésie  alexandrine.  Il  se  borne,  volon- 
tairement, au  portrait  de  trois  des  plus 
cai'actéi'istiques  écrivains  de  cette  cu- 
rieuse période  de  la  littérature  helléni- 
que, Théocrite,  Asclépiade  de  Samos 
et  son  école,  Callimaque.  Quelques 
appendices  se  rapportent  à  des 
points  particuliers,  notamment  à  une 
comparaison  de  Callimaque  et  de  son 
émule  latin.  Properce.  A  la  suite  de 
chaque  chapitre,  des  notes  et  des 
éclaircissements. 

Néanmoins,  en  dépit  do  la  modestie 
de  son  titre,  il  était  inévitable  que, 
pour  préciser  la  place  que  chacun  des 
auteurs  considérés  occupe  dans  This- 
toire  des  lettres  grecques,  R.  donnât 
pour  bordure  à  ses  quadros,  une  es- 
quisse souvent  assez  poussée  des  ten- 
dances, goûts,  aspirations,  voire  des  im- 
puissances ou  renoncements  du  temps 
où  ils  ont  vécu  et  produit.  Effigies  et 
cadres,  disons  le  tout  de  suite,  valent 
par  le  relief  vigoureux,  le  dessin  net, 
la  couleur  vive  et  nuancée  à  la  fois. 
L'auteur  est  un  philologue  averti;  c'est 
aussi  un  psychologue  délié,  un  artiste 
délicat  et  sensible.  Il  connaît  bien  les 
grands  travaux  consacrés  à  une  époque 
pour  laquelle  il  ne  dissimule  pas  ses 
préférences  ;  il  en  tire  un  parti  ingé- 
nieux et  adroit.  Surtout,  il  nous  com- 
munique les  impressions  toutes  fraî- 
ches et  directes  d'une  lecture  tout  in- 
dépendante, affranchie  de  préjugés  et 
d'opinions  toutes  faites.  En  présence 
des  idylles,  des  élégies,  des  hymnes, 
son  érudition,  quoique  très  étendue  et 


solide,  ne  lui  pèse  point.  11  garde  toule 
sa  spontanéité.  On  dirait  d'un  moderne 
appréciant  d'autres  modernes. 

Il  doit,  sans  doute,  à  cette  disposi- 
tion d'esprit,  heureusement  conservée 
en  un  sujet  où  rien  n'était  plus  ditïi- 
cile,  d'avoir  écrit  sur  Théocrite  et  Cal- 
limaque des  pages  vraiment  attachantes. 
Le  grand  poète  qu'on  sait  bien  que  fut 
Théocrite  s'otl're  à  nous  très  vivant. 
Nous  le  voyons  observer,  jouir,  créer, 
renouveler  en  les  transformant  ou  les 
altérant  pour  des  fins  parfaitement  con- 
scientes, d'antiques  formes  littéraires 
dont  on  pouvait  croire  la  sève  à  jamais 
épuisée.  Certes  nous  ne  doutions  point, 
après  les  analyses  minutieuses  et  pro- 
fondes de  Couat,  Legrand,  Croiset,  que 
nous  ne  dussions  goûter  en  lui  un  ar- 
tisan de  lettres  merveilleusement  docte 
et  pour  qui  les  procédés  n'avaient  plus 
de  secrets,  plus  assez  de  secrets  peut- 
être.  Sa  ressemblance  indéniable  avec 
tel  de  nos  contemporains,  nous  incli- 
nait à  découvrir  en  lui,  une  sorte  d'an- 
cêtre du  Parnasse,  observateur  précis, 
réaliste  parfois  puissant,  mais  adepte, 
avant  la  lettre,  de  la  doctrine  de  l'art 
pour  l'art.  Était-il  touché  d'autre  chose 
que  de  l'agrément  purement  plastique 
d'un  bas-relief,  d'une  peinture,  d'un 
vase  précieux  orné  de  médaillons?  Épris 
de  sujets  de  genre,  il  les  transposait 
avec  une  habileté  supérieure,  y  mêlant 
en  de  savants  dosages  des  éléments  de 
vérité  directe;  c'était  le  premier  en  date 
et  non  le  moins  exquis  des  faiseurs  de 
tableaux  à  la  plume.  Pour  Rostagni, 
Théocrite  est  cela  sans  doute,  mais  il 
n'est  point  impassible  et  détaché.  Il  réa- 
git, au  contraire  et  de  façons  infiniment 
diverses  en  face  des  choses,  des  événe- 
ments, des  hommes;  capable  d'abord 
d'enthousiasmes  et  d'e.spoirs  ardents, 
d'autres  fois  déçu  et  finalement  ironiste 
amusé,  très  moderne  aussi  en  cela. 
Dans  ce  Théocrite,  il  y  a  du  Voltaire, 
presque  du  Henri  Heine. 

Pareillement,  Callimaque.  Érudit, 
certes,  laborieusement  érudit.  Ce  trait 
de  sa  physionomie  est  trop  accusé  pour 


COMPTES    RENDUS    BIULIOGHAPUIQUES 


243 


que  R.  essaye  de  le  dissimuler.  Les 
AiTia  et  les  Hymnes  trahissent  trop  le 
curieux,  le  cliercheni'  de  rare  et  d'iné- 
dit. Mais,  lui  aussi  est  caitable,  à  l'oc- 
casion, de  quelque  chose  de  mieux  et, 
quand  on  sait  voir,  sa  poésie  se  révèle 
autrement  vivante  et  actuelle.  Tout  de 
même  que  Théocritc  s'éehaufîe  au 
rayonnement  de  la  rt)yauté  des  Pha- 
raons f^recs,  Callimaque,  à  son  tour, 
laisse  filtrer  au  travers  de  ses  imagi- 
nations compliquées  un  retlet  de 
l'éclat  d'une  cour  qu'il  approcha  de 
plus  près  encore.  Il  a  un  idéal  politique 
qui  se  manifeste  à  la  fin  de  l'hymne  à 
Artémis.  Il  a  sa  conception  du  pouvoir 
et  de  la  personne  des  rois,  monarques 
empruntés  à  la  réalité  contemporaine, 
agrandis  et  recréés  par  sa  fantaisie.  Il 
nous  dit  ce  qu'il  pense  de  la  religion  et 
des  religions.  Il  mêle  le  réel  de  tous  les 
jours  à  la  légende.  En  un  mot,  beau- 
coup plus  voisin  encore  qu'on  ne  pour- 
rait peut-être  le  croire  de  Théocrite  lui- 
même;  comme  lui,  tantôt  lyrique,  tan- 
tôt enthousiaste,  aussi  souvent  sans 
illusion,  sceptique  et  de  fine  ironie. 

Ainsi  se  manifeste  à  nos  yeux,  incar- 
née dans  ses  deux  plus  illustres  repré- 
sentants, la  Poésie  alexandrine.  En  elle 
se  rejoignent  toutes  les  traditions  d'au- 
trefois, tous  les  souvenirs  de  la  litté- 
rature antérieure.  Mais  voici  son  trait 
essentiel.  Ce  qui  était  jadis  objet  de 
croyance  et  de  foi,  n'est  plus  que  passé 
lointain,  dont  le  respect  se  tempère  de 
scepticisme  et  de  sourire.  R.  y  voit 
l'aboutissement  d'une  longue  évolution, 
accomplie  au  ii^  siècle.  Dans  un  por- 
trait fort  curieux  et  saisissant,  mais 
quelque  peu  romantique  d'Euripide, 
l'auteur  nous  le  montre  à  la  fois  en- 
chanté encore  de  la  beauté  des  légendes 
dont  avait  vécu  la  poésie  des  Homère, 
des  Eschyle,  des  Sophocle,  mais  inca- 
pable désormais  d'y  croire  et  soutirant 
de  cette  impuissance.  Il  se  penche  sur 
le  passé,  courbé  déjà  sur  un  avenir 
qu'il  pressent  sans  se  le  définir.  Phy- 
sionomie «  pâle  et  grave  »,  cet  Euri- 
pide tient  du  Musset   de  Rolla.  Avec 


Théocrite  et  Callimaque,  le  saut  est 
fait.  On  ne  croit  plus,  uiais  on  en  prend 
son  parti.  Contes  délicieux  désormais, 
les  récits  sur  les  dieux,  matière  non 
de  foi,  mais  de  pure  jouissance  esthé- 
tique. Incrédulité  sans  colère  et  sans 
haine,  qui  a  pour  nous  d'autant  plus  de 
prix  qu'elle  est  plus  proche  de  nos 
modernes  attitudes  d'esprit  et  de  cœur. 
Et  maintenant,  tout  cela  est-il  bien 
véritable  ?  N'entre-t-il  pas,  dans  la  con- 
ception que  R.  s'est  formée  de  deux 
poètes  qu'il  chérit  entre  tous,  beaucoup 
de  subjectivisme,  d'imagination  per- 
sonnelle ?  Ne  sont-il  pas,  sous  sa 
plume,  d'autant  plus  vivants  qu'il  les 
crée  en  quelque  sorte,  à  mesure  qu'il 
les  analyse?  N'y  a-t-il  pas  une  séduc- 
tion dangereuse  à  retrouver  toujours 
dans  les  hommes  d'autrefois  les 
hommes  que  nous  sommes  aujourd'hui. 
On  ne  saurait,  sans  doute,  fermer  les 
yeux  aux  analogies  ou  aux  similitudes; 
mais  il  faut  les  ouvrir  sur  les  dissem- 
blances. L'auteur  de  ce  très  intéressant 
livre  ne  manque-t-il  pas  d'aventure  à 
cet  inéluctable  devoir  de  l'historien  qui 
veut  faire  uniquement  œuvre  de 
science  ?  On  le  craint,  quelque  précau- 
tion qu'il  prenne  ou  quelque  surveil- 
lance qu'il  tâche  d'exercer  sur  lui- 
même.  L'artiste  en  R.  ne  fait-il  pas 
quelquefois  tort  au  critique?  Mais  il 
est  bon  aussi  que,  de  temps  à  autre, 
naisse  un  ouvrage  tel  que  celui-ci.  S'il 
éveille  le  scrupule,  au  moins  il  fait 
réfléchir.  Jamais  banal  dans  ses  aper- 
çus, il  ouvre  au  lecteur  des  horizons 
neufs,  lui  suggère  des  observations 
qui  peuvent  être  fécondes. 

Louis  François. 


17. ./.  E.  SANDYS.  Aristoteles  Conslitu- 
Lion  of  Athens,  a  revised  Text  with 
an  introduction,  critical  and  expla- 
natory  notes,  testimonia  and  indices. 
Second  édition,  revised  and  elar- 
ged.  London,  Macmillan,  1912.  In-S», 
xcu-331  p. 


244 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


La  Revue  est  fort  en  retard  avec  cette 
édition,  dont  les  mérites  sont  aujour- 
d'iiui  bien  connus.  Elle  a  paru,  pour 
la  première  fois,  en  1893,  et  son  utilité 
fut  dès  lors  de  donner,  après  les  pre- 
mières éditions  purement  critiques,  un 
abondant  commentaire  où  étaient  ras- 
semblés les  textes  parallèles,  et  dis- 
cutées eu  détail  les  questions  histo- 
riques et  juridiques.  M.  S.,  en  la  réé- 
ditant, a  mis  soigneusement  au  cou- 
rant les  notes  explicatives,  a  rendu  la 
lecture  du  texte  plus  aisée  en  suppri- 
mant les  crochets  partout  où  la  lec- 
ture peut-être  considérée  aujourd'hui 
comme  certaine,  revisé  et  accru  encore 
l'index  très  complet  qui  la  termine. 

A.    PUECH. 


18.  r.  se  HE  IL.  Le  Gobnjas  de  la  Cyro- 
pédie  et  les  textes  cunéiformes,  dans 
la  Revue  d'assyrlolorjie  et  d'archéo- 
logie orientale,  t.  XI  (1914),  pp.  165- 
174. 

Le  P.  Scheil  a  publié  un  article  fort 
important  en  ce  qui  concerne  les 
soOrces  de  la  Cyropédie  et  l'autorité 
historique  de  Xénophon.  Le  nom  de 
Gohryas,  plusieurs  fois  mentionné  par 
les  historiens  grecs,  correspond  au 
nom  perse  Gaubaruoa,  au  nom  baby- 
lonien Kuba[r]ru  :  cette  IdentiQcation 
est  acquise  par  la  comparaison  d'Hé- 
rodote (111,70)  avec  l'inscription  tri- 
lingue de  Béhistoun  (§  68).  En  consé- 
quence, le  P.  Scheil  établit  que  le 
Gobryas  placé  par  Xénophon  à  côté  de 
Cyrus  le  Grand  est  le  Gubaru  (Gubarru) 
contemporain  de  Nabuchodonosor-Na- 
bonide  (604-538).  Marquart  [Philol., 
Suppl.,  t.  VI,  p.  591)  avait  reconnu  en 
Gobryas  un  prince  vassal  des  Babylo- 
niens. Un  document  néo-babylonien 
trouvé  à  Uruk  s'accorde  avec  Xéno- 
phon pour  nous  dire  que  Gobryas  était 
un  chef  babylonien,  général  émérite  et 
gouverneur  de  province,  qui  se  rendit 
à  Cyrus  sans  coup  férir,  lui  facilita  la 
conquête  de    la  Babylonie  et  entra  le 


premier  dans  Babylone.  Voilà  tout  au 
ûioins  un  personnage  de  la  Cyropédie 
qui,  loin  d'avoir  été  forgé  de  toutes 
pièces,  a  été  enipi'unté  par  l'inventeur 
du  roman  historique  à  des  traditions 
authentiques.  Les  hellénistes  doivent 
de  sincères  remerciements  au  P.  Scheil 
pour  leur  avoir  fourni  un  renseigne- 
ment aussi  précieux. 

Gustave  Glotz. 


19.  Georr/es  SEVRE.  Archéologie 
thrace.  Documents  inédits  ou  peu 
connus.  Première  série.  Paris, 
Ernest  Leroux,  1913.  Grand  in-S», 
140  p. 

Le  présent  fascicule  contient  six 
articles  parus  dans  la  Revue  archéolo- 
gique en  19H,  1912,  1913.  La  liste  et 
l'élude  des  documents  cités  sont  pré- 
cédés d'une  introduction  où  M.  S.  in- 
dique le  but  de  la  publication  qu'il  a 
entreprise'.  Cette  publication  compren- 
dra plusieurs  séries  d'articles,  dont  la 
première  est  donnée  ici.  M.  S.  compte 
en  emprunter  la  matière  à  des  souve- 
nirs de  voyage,  à  des  renseignements 
recueillis  sur  place  par  des  personnes 
qui  ne  se  proposent  pas  de  les  utiliser 
pour  elles-mêmes,  à  des  publications 
de  caractère  provisoire  (revues  indi- 
gènes aujourd'hui  introuvables,  re- 
cueils paraissant  irrégulièrement,  pé- 
riodiques rédigés  dans  les  parlers 
locaux),  enfin  à  des  documents  négli- 
gés ou  bien  oubliés  dans  des  collections 
privées  ou  publiques.  Des  documents 
publiés,  les  uns  seront  entièrement 
inédits;  d'autres,  déjà  livrés  au  public 
mais  peu  connus,  seront  de  nouveau 
signalés  à  son  attention.  Un  petit 
nombre  seulement  viennent  des  rives 
de  la  Propontide  ou  de  l'Egée  ;  la  plu- 
part sont  fournis  par  la  Bulgarie,  le 
pays  le  mieux  exploré  et  où  des  efforts 
ont  été  déjà  faits  pour  organiser 
scientifiquement  les  recherches  archéo- 
logiques et  la  publication  des  résul- 
tats. Toutefois  la  tâche  de  M.  S.  dépasse 


COMPTES    KENDUS    HIBLIOGK APHIQUES 


•de  beaucoup  celle  d'un  traducteur, 
même  pour  les  documents  déjà  publiés  : 
•les  conditions  défectueuses  oil  ils  ont 
paru  exigent  une  refonte  complète. 
Pour  ceux-ci,  M.  S.  ne  remonte  pas  au 
delà  de  1910  ;  c'est  à  cette  date,  en  effet, 
qu'apparaît  pour  la  première  fois  un 
Recueil  officiel  d'antiquités,  publié  par 
les  soins  des  sociétés  archéologiques 
locales.  Quant  aux  inédits,  copiés  di- 
rectement par  M.  S.  ou  adressés  par 
des  amis  français  établis  dans  le  pays, 
ils  se  placent  entre  1898  et  1910. 

Cette  première  série  comprend  128 
documents  :  inscriptions  grecques  ou 
latines  sans  représentations  figurées 
(ex-voto  à  des  divinités,  inscriptions 
avec  des  noms  d'empereurs,  inscrip- 
tions honorifiques  ou  politiques,  bor- 
nes territoriales,  inscriptions  funé- 
raires), monuments  figurés  (bronzes, 
monuments  en  marbre  et  pierre  :  sta- 
tuettes, sarcophages,  ex-voto  au  type 
du  Cavalier,  ex-voto  à  des  divinités 
diverses,  monuments  funéraires),  enfin 
objets  divers  (anneau  d'or,  poids  en 
plomb,  vase  de  marbre). 

Louis  Méridier. 


-20.  Hermann  SIGG.  Die  Aktionsart  des 
Hauptspielers  und  der  Nehenpersonen 
in  den  Sophokleischen  Dramen^  dar- 
gestelll  am  Oidipus  Tyrannos.  (Inau- 
guraldissertation  der  philosoph.  Fa- 
kultât  der  Universitât  Bern  zur 
Erlangung  der  Doktorwûrde).  So- 
leure,  Vogt-Schild,  1916.  In-8o,  156  p. 

Les  personnages  qui  entoUrent  le 
■protagoniste  dans  Œdipe  Roi,  dit  M.  S., 
se  divisent  en  deux  groupes  :  Créon, 
Tirésias  et  le  serviteur  de  Laïos  peu- 
vent être  considérés  comme  des  adver- 
saires d'OEdipe,  car  leur  action  s'op- 
pose généralement  à  la  sienne;  Jocaste, 
le  grand-prêtre,  le  messager  de  Co- 
rinthe  agissent,  au  contraire,  dans  le 
même  sens  que  lui  ;  quant  à  Vexange- 
los,  il  n'est  qu'un  figurant.  Le  trait  dis- 
itinctif  d'CEdipe,  le  seul  personnage  du 

REG,  XXX,  1917,  n»  137. 


drame  qui  soit  presque  constamment 
en  scène,  c'est  la  force  de  la  volonté, 
toujours  tendue  vers  le  même  but  ;  à 
cet  égard  Jocaste,  dont  le  rôle  est  le 
plus  important  après  celui  d'OEdipe,  se 
rapproche  du  protagoniste;  les  autres 
personnages  montrent  une  volonté 
moins  ferme.  OEdipe  est  le  pivot  de 
l'action  ;  par  suite  les  personnages  se- 
condaires nous  sont  montrés,  non  pas 
dans  l'influence  qu'ils  peuvent  exercer 
les  uns  sur  les  autres,  mais  dans  leur 
rapport  avec  Œdipe.  Nulle  part  les 
adversaires  du  protagoniste  ne  réus- 
sissent à  l'écarter  de  sa  route  ;  il  brise 
impérieusement  chacune  de  leurs  ré- 
sistances, et  les  autres  personnages 
sont  envers  lui  dans  un  état  de  dépen- 
dance presque  absolue  :  la  seule  in- 
fluence qu'il  subisse  est  celle  de  Jo- 
caste et  du  chœur,  quand  il  consent  à 
ne  pas  châtier  Créon.  Or  le  dessein  de 
Sophocle  est  précisément  de  montrer 
comment  le  protagoniste  réagit  contre 
les  volontés  opposées  à  la  sienne.  Mais, 
si  CEdipe  persiste  inflexiblement  dans 
sa  résolution,  les  révélations  succes- 
sives qui  lui  sont  faites  modifient  peu 
à  peu  son  caractère  ;  de  là  une  évolu- 
tion profonde  qui  marque  dans  l'art 
de  Sophocle  un  grand  progrès  sur 
celui  d'Eschyle .  Les  adversaires  chan- 
gent, eux  aussi,  d'attitude,  sans  que  le 
poète  nous  fasse  assister  toutefois  à 
des  combats  intérieurs  ;  le  changement 
des  états  d'âme  se  traduit  en  actes,  non 
en  analyses.  Les  personnages  secon- 
daires sont  induits  à  l'action  par  des 
mobiles  où  la  réflexion  .  a  plus  de 
part  que  l'humeur  naturelle,  tandis 
qu'CEdipe,  généreux,  fier  de  sa  force, 
impatient  de  toute  résistance,  est  pous- 
sé surtout  par  son  caractère.  Sophocle 
a-t-il  vu  en  lui  une  victime  du  destin 
ou  un  coupable  ?  M.  S.,  après  avoir  cité 
les  opinions  contraires  de  Wilamowitz, 
Robert,  Sudhaus,  Birt  et  Petersen,  se 
prononce  avec  quelques  réserves  pour 
la  seconde  solution.  Tandis  que  la 
franchise  et  la  sincérité  éclatent  par- 
tout dans  la   conduite  d'Œdipe,  parce 

17 


246 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


qiril  n'a  pus  de  précautions  à  prendre, 
étant  le  plus  fort,  les  autres  person- 
nages tendent  d'autant  plus  à  dissi- 
muler et  à  mentir  que  laction  est  plus 
pathétique  :  différence  très  nette  et 
caractéristique  par  où  OEdipe  s'oppose 
non  seulement  à  ceux  qui  l'entourent, 
mais  aussi  aux  personnages  d'Euri- 
pide et  à  la  Clytemnestre  d'Eschyle. 

L'étude  de  M.  S.  est  suivie  de  quelques 
observations  sur  la  théorie  du  drame 
dans  Aristote,  sur  les  autres  pièces  de 
Sophocle,  et  sur  l'emploi  du  masque 
tragique.  Le  drame  de  Sophocle,  re- 
marque M.  S.,  répond  dans  l'ensemble 
à  la  conception  d'Aristote  :  la.  Poétique 
donne  le  pas  à  la  fable  sur  les  mœurs, 
et  voit  dans  la  volonté  l'élément  fon- 
damental du  caractère  ;  elle  demande 
aux  caractères  de  ne  pas  se  démentir, 
aux  personnages  d'avoir  des  intentions 
élevées  ;  le  chœur  doit  être  considéré 
comme  un  acteur.  M.  S.  observe  que 
la  prééminence  du  protagoniste,  si 
frappante  dans  Œdipe  Roi,  est  beau- 
coup moins  marquée  dans  les  derniers 
drames  de  Sophocle,  qui  a  dû  subir 
sur  ce  point  l'influence  d'Euripide. 
Enfin  il  estime  que  l'emploi  du 
masque  ne  suffit  pas  à  expliquer  l'u- 
nité et  la  simplicité  du  caractère  chez 
le  protagoniste. 

Les  conclusions  de  M.  S.  sont  géné- 
ralement fines  et  judicieuses,  plutôt 
qu'originales.  11  fait  observer  lui-même 
qu'elles  se  rencontrent  avec  celles  de 
M.  Gustav  Freytag  [Die  Technik  des 
Dramas,  1897).  Cependant  il  y  aurait  à 
faire  à  son  étude  certaines  objections 
de  détail.  Par  exemple  il  paraît  excessif 
d'appeler  une  évolution  profonde  du 
caractère  (gewaltige  Gharakterent- 
wicklung,  p.  128)  la  transformation  par 
laquelle  OEdipe,  «  l'impeccable  repré- 
sentant des  dieux  sur  la  terre  »  nous 
apparaît  finalement  comme  un  crimi- 
nel infâme  :  ce  qui  s'est  modifié  au 
cours  du  drame,  ce  n'est  pas  la  per- 
sonnalité même  d'OEdipe,  mais  la  lu- 
mière que  les  événements  projettent 
sur  lui  du  dehors.  La  nouveauté  de  ce 


travail  réside  surtout  dans  la  méthode, 
qui  est  patiente  et  minutieuse,  un  peu 
lente  pourtant  et  sujette  aux  redites, 
M.  S.  pose  dans  l'Introduction  douze 
questions  à  résoudre  :  il  les  examine 
tour  à  tour  dans  les  épisodes  succes- 
sifs du  drame  ;  puis  il  les  reprend  une 
à  une,  sous  forme  de  conclusion, 
d'abord  pour  les  personnages  secon- 
daires, puis  pour  le  protagoniste.  La 
bibliographie  donnée  au  début  est  in- 
complète. M.  S.  ne  cite  presque  que 
des  ouvrages  d'outre-Rhin  ;  il  paraît 
ignorer  les  travaux  de  Campbel  et  de 
Jebb,  et  ne  mentionne  pas  le  livre  de 
M.  Allègre  sur  Les  ressorts  dramatiques 
du  théâtre  de  Sophocle  et  la  composition, 
de  ses  tragédies. 

L.  Méiudier. 


21.  Martj  Hamilton  SWINDLER.  Cre- 
tan  Eléments  in  the  Cuits  and  Ritual 
ofApollo  (Bryn  Mawr  Collège  Mono- 
graphs.  Vol.  XIII).  Bryn  Mawr,. 
Pennsylvania,  1913.  In-8o,  77  p. 

L'objet  de  cette  dissertation  est  de 
montrer  sur  un  point  particulier  l'im- 
portance des  influences  Cretoises,  mi- 
noennes  et  préhelléniques,  dans  la 
formation  de  la  religion  et  des  cultes 
grecs.  Après  avoir  rappelé  que  la  Grèce 
doit  à  la  Crète  le  culte  de  la  Grande 
Déesse,  mère  des  Dieux,  et  probable- 
ment la  religion  orphique.  Miss  S. 
essaie  de  discerner  les  éléments  crétois 
qui  se  sont  introduits  dans  le  culte 
d'Apollon.  Sa  thèse  peut  se  résumer 
ainsi  :  Apollon,  en  qui  il  faut  voir  sans 
doute  un  dieu  panhellénique,  est  entré 
en  Grèce  par  le  Nord  au  moment  où 
commençait  à  décliner  la  puissance 
minoenne,  et  sur  son  passage  il  a 
absorbé  un  certain  nombre  de  divinités 
et  de  cultes  préhelléniques.  A  Delphes 
il  trouve  un  vieil  oracle  chthonien 
d'origine  Cretoise,  ou  du  moins  acca- 
paré depuis  longtemps  par  les  Crétois, 
comme  l'attestent  ses  caractères  et  les 
relations   très   anciennes    de    Delphes 


COMPTES    RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES 


247 


avec  la  Crète  :  il  s'approprie  cet  oracle. 
En  Crète  on  honorait  à  Cnossos  un 
dieu-dauphin,  dieu  guérisseur  qui  avait 
dû  être  apporté  à  Pytho  par  les  Cretois 
et  avait  donné  à  la  localité  son  nom 
de  Delphes  :  Apollon  se  confond  avec 
cette  divinité  et  prend  le  titre  de 
•  Delphinios.  Le   dieu-souris  Smintheus, 

dont  le  nom  est  carien,  était  passé  de 
Crète  à  Rhodes  et  en  Troade  avant  la 
migration  éolienne.  A  l'époque  homé- 
rique, le  culte  d'Apollon  Smintheus, 
prophète  et  guérisseur,  qui  défendait 
des  rats  et  de  la  peste,  était  florissant 
à  Chrysè,  Killa  et  Ténédos,  d'ailleurs 
limité  presque  exclusivement  à  la  côte 
d'Asie-Mineure  et  aux  lies.  Les  Cretois 
avaient  un  dieu,  appelé  Amyclaeos,  du 
du  nom  d'Amyclaeon,  port  de  l'île  ;  il 
était  représenté  par  un  emblème  ana- 

►  logue  au  pilier  sacré.  Or  près  de  Sparte 
une  ville  du  même  nom  (Amycles), 
probablement  fondée  par  les  Cretois, 
adorait  un  dieu  local,  Hyakinthos, 
divinité  chthonienne  dont  le  culte, 
réservé  surtout  aux  femmes,  s'appa- 
rentait à  la  religion  égéenne.  Venu  à 
Amycles,  Apollon  s'approprie  en  partie 
le  rituel  d'Hyakinthos  et  le  titre  à' Amy- 
claeos. De  même  il  prend  l'épithète 
d'Agyieus,  le  dieu-pilier  qui  détourne 
le  mal  de  la  maison,  et  qui  de  Crète 
avait  dû  passer  à  Delphes;  celle  de  r«r- 
rhaeos,  le  dieu  de  Tarrha,  petite  ville 
de  la  Crète  occidentale,  qui  sans  doute 
était  un  centre  religieux  important.  A 
Delphes,  il  remplace  une  vieille  déesse, 
Phoebé,  dont  le  nom  implique  une 
double  idée  de  prophétie  et  de  pureté 
rituelle,  et  il  devient  Apollon  Phoebos. 
Enfin  il  usurpe  le  nom  de  Carneios, 
dieu  péloponésien  des  troupeaux,  mal 


connu  d'ailleurs  et  d'origine  incertaine. 

Avec  ces  titres,  dont  il  dépouille  les 
dieux  qu'il  remplace,  Apollon  s'appro- 
prie un  rituel  de  purification,  proba- 
blement fort  ancien  et  de  provenance 
Cretoise.  Car  la  Crète  avait  une  classe 
de  thaumaturges  qui  purifiaient  à  l'aide 
des  rites  magiques,  comme  Épiménide, 
on  d'incantations  ayant  le  pouvoir  de 
guérir,  comme  Thalétas;  les  Curetés 
Cretois  étaient  des  magiciens.  Ces  pra- 
tiques durent  venir  de  Crète  à  Delphes 
avec  Delphinios.  De  même  la  Crète 
minoenne  a  fourni  au  culte  grec  d'Apol- 
lon une  grande  part  de  ses  éléments 
musicaux,  sous  la  forme  primitive  de 
chants  de  guérison.  Les  anciens  recon- 
.  naissaient  déjà  l'origine  crétoise  de 
ïhyporchème  qui,  peut-être  inventé  par 
les  Curetés  à  une  époque  lointaine, 
dut  passer  de  Crète  à  Délos  et  fut 
introduit  à  Sparte  par  le  Cretois  Tha- 
létas,  avec  le  rythme  crétique.  Le  nome 
paraît  avoir  aussi  appartenu  à  un  vieux 
culte  Cretois  ;  Chrysothémis,  qui  faisait 
partie  d'une  colonie  crétoise  établie  à 
Delphes  et  rattachée  à  Tarrha,  le  chanta 
le  premier  aux  concours  pythiques. 
Quant  au  péaii,  chant  de  guérison,  les 
Achéens  l'empruntèrent  à  la  Crète, 
d'où  il  rayonna  à  Délos,  à  Amycles,  à 
Delphes,  et  à  Sparte. 

Ces  vues  ne  sont  pas  toutes  nouvel- 
les. En  bien  des  endroits  Miss  S.,  dont 
l'information  ne  laisse  rien  à  désirer, 
nous  indique  elle-même  qu'elle  ne  fait 
que  résumer  et  coordonner  des  théo- 
ries récentes.  Dans  ces  théories  il  entre 
une  grande  part  d'hypothèse  :  Miss  S. 
ne  le  dissimule  pas,  et  ses  conclusions 
témoignent  d'une  prudence  louable: 
L.  Méridier. 


Bon  à  tirer  donné  le  5  février  1918. 
Le  rédacteur  en  chef^  Gustave  Glotz. 


Le  Puy-en-Velay.  —  Imp.  Peyriller,  Rouchon  et  Gamon,  boulevard  Carnot,  23. 


BÏPOTHÈSES  SUR  LE  CONTRAT  PRIMITIF  Ei\  GRÈCE 

(l«i"  Article) 


Le  substantif  syvtjYi  et  le  verbe  eyvuào-Ga',  n'apparaissent 
qu'une  fois  chacun  dans  les  poèmes  homériques,  et  tous  deux 
au  même  vers,  9  351.  Quelques  mots  sur  le  passage,  d'ailleurs 
bien  connu. 

C'est  dans  un  chant  de  Dèmodocos.  L'aède  raconte  comment 
Hèphaistos  surprit  en  flagrant  délit  d'adultère  Aphrodite  et 
Ares  :  le  dieu  offensé  convoque  tous  les  immortels;  les  immor- 
tels se  pressent  et  rient.  Il  est  reconnu  d'une  seule  voix 
qu'Ares  doit  la  composition  pour  adultère,  les  |jLO'//^àypt.a.  Mais 
comment  cette  composition  sera-t-elle  acquittée  ?  —  Ici  nous 
traduisons  le  passage  (v.  344-359),  en  réservant  le  vers  qui  fait 
question. 

(.(  Mais  Poséidon  ne  riait  pas,  et  il  suppliait  instamment 
Hèphaistos  le  célèbre  artisan  de  délier  Ares.  Et  il  lui  adressait 
ces  paroles  ailées  :  «  Délie-le  :  je  te  promets  qu'il  te  payera 
«  en  entier,  comme  tu  l'ordonneras,  la  juste  somme,  parmi  les 
«  dieux  immortels  ».  Mais  le  dieu  célèbre  entre  tous  par  son 
adresse  lui  répondit  :  «  Ne  me  demande  pas  cela,  Poséidon 
«  qui  soutiens  la  terre  : 

8£i).aî  TOt,  SsO.wv  ye  xal  è^^ùciL\  svYuàao-Qai. 

«  Gomment  pourrais-je  te  lier  parmi  les  dieux  immortels  si 
«  Ares  venait  à  s'en  aller,  éludant  sa  dette  et  ses  liens?  ». 
Sur  quoi  Poséidon  qui  ébranle  la  terre  répondit  :  «  Hèphaistos, 

REG,  XXX,  1917,  n»  139,  18 


250  LOUIS    GERNET 

((  eh  bien  !  si  Ares  vient  à  s'en  aller  et  à  s'enfuir  en  éludant  sa 
«  dette,  c'est  moi-même  qui  te  payerai  la  somme  ».  Et  alors,  le 
dieu  célèbre  entre  tous  par  son  adresse  répondit  :  «  Il  n'est  ni 
«  possible  ni  convenable  de  refuser  ta  parole  ».  Ayant  dit, 
Hèphaistos  défit  les  liens...  » 

On  le  voit  :  nous  avons  là,  transportée  dans  le  monde  des 
dieux,  une  scène  juridique  du  monde  des  hommes.  Il  s'agit  de 
l'interpréter. 

Précisons  quelques  points.  Avec  des  textes  anciens  surtout, 
la  précaution  n'est  jamais  de  trop  ;  il  faut  ouvrir  ou  fermer  des 
avenues. 

i°  L'objet  de  la  démarche  de  Poséidon  est  tout  de  suite  indi- 
qué :  oTTwç  Xuo-£t.£v  "ApYia.  Il  y  a  deux  moments  dans  les  pour- 
parlers :  au  premier,  Hèphaistos  ne  juge  pas  avoir  de  quoi  relâ- 
cher Ares;  au  second,  il  le  relâche.  Poséidon  a  donc  fait  deux 
propositions.  La  première  comporte  une  promesse  pour  autrui 
(aijTov  umo^o|jiat....  Tio-sLv)  ;  cet  engagement  ne  fait  pas  l'affaire 
d'Hèphaistos.  Dans  la  seconde,  Poséidon  promet  sa  prestation 
(auToç  Tot.  l-^iù  TaSs  tIcw);  Hèphaistos  accepte.  Ne  craignons  pas 
d'insister. 

2°  Gomment  faut-il  entendre  le  wç  o-ù  xe^euet.?  du  vers  347  ? 
Poséidon  promet,  dit  Glotz  (1),  qu'Ares  payera,  «  au  comman- 
dement »  d'Hèphaistos,  la  somme  convenable.  De  fait,  il  est 
possible  en  général  que  le  «  présent  »  ait  un  sens  plus  ou 
moins  «  futur  »  (2).  Il  en  a  un  ici  ;  mais  nous  le  ferons  moins 
accentué  :  (oç  o-ù  xeXsuetç  ne  peut  guère  s'appliquer  à  la  somma- 
tion qu'Hèphaistos  adressera  plus  tard  à  Ares,  —  à  l'échéance 
de  la  dette  :  xeXeuo-eiç  s'imposerait  (3);  et  on  doit  penser  que 


(1)  G.  Glotz,  La  solidarité  de  la  famille  dans  le  droit  criminel  en  Grèce,  p.  132. 

(2)  Exemples  connus,  comme  A  82  (xal  [xeTOT^iaôsv  è'/ei  xôtov),  A  365,  etc.  Pour 
l'interprétation  de  ces  emplois,  cf.  Brugmann,  Abr.  de  gr.  cojnp.,  trad.  fr.,  p.  594, 
p.  600. 

(3)  La  «  concordance  des  temps  »  irait  de  soi,  avec  Tiaeiv  ot.  l'idée  du  futur  est 
exprimée  pour  elle-même,  —  ce  que  l'usage  du  grec  n'exigerait  pas,  mais  ce  qui 
est  courant  dans  les  promesses,  dans  la  formule  plus  ou  moins  stéréotypée  de 
sponsiones. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  251 

cette  échéance  est  plus  ou  moins  fixée  par  la  coutume  (1),  ce 
qui  rendrait  inutiles  et  oiseux  les  mots  en  question  ;  à  tout  le 
moins,  elle  ne  va  pas,  au  caprice  d'IIèphaistos,  avoir  lieu  un 
beau  jour,  à  un  moment  quelconque.  «  Comme  tu  l'ordonne- 
ras »,  c'est  donc  «  comme  tu  vas  l'ordonner  »  (2),  et  il  s'agit 
du  montant  des  iLoi-^ârpioi..  Ce  montant  n'est  pas  arbitraire  :  la 
coutume  le  règle  dans  une  certaine  mesure,  et  c'est  pourquoi 
il  est  qualifié  de  «  convenable  »,  a'!a-!.[jLa,  pourquoi  il  n'en  sera 
pas  autrement  parlé  jusqu'à  la  fin  ;  mais  on  doit  admettre  que, 
dans  une  certaine  mesure  aussi  —  en  tenant  compte  de  telle 
circonstance  aggravante,  de  la  condition  de  l'offenseur  qu'il 
tient  à  discrétion,  etc.  —  l'offensé  a  le  droit  de  le  modifier  : 
c'est  le  seul  sens  que  puissent  avoir  les  mots  (oç  crû  xeleùeiq.  On 
a  tiré  argument  du  «  silence  des  intéressés  sur  la  question  qui 
les  intéresse  le  plus  »  —  à  savoir  sur  le  quantum  de  l'obligation 
—  pour  conclure  que  le  chiffre  des  pLoiy^àypLa  était  bel  et  bien 
fixé  par  la  coutume  :  c'est  un  certum^  dit  Esmein  (3),  comme 
dans  le  nexiim  et  en  général  dans  les  contrats  formels  du  droit 
romain,  et  on  le  connaît  à  l'avance  exactement.  En  tout  état  de 
cause,  pourtant,  ce  ne  serait  pas  à  Poséidon  d'indiquer  un 
chiffre  qui,  dans  un  régime  oii  la  rançon  serait  arbitraire, 
resterait  justement  soumis  à  la  libre  appréciation  de  la  partie 
offensée.  Quant  à  invoquer  l'analogie  du  droit  romain,  les  cir- 
constances historiques  n'y  invitent  point,  ni  la  teneur  du  pas- 
sage. Encore  une  fois,  le  taux  des  |jLot.y^àYp(.a  est  bien  quelque 
peu  réglé,  et  à  vrai  dire  on  ne  voit  pas  qu'il  puisse  en  être 
autrement  dans  une  société  qui  admet  la  pratique  de  la  'itot.vvi 
ou  du  wergeld  (4)  ;  seulement,  il  n'apparaît  pas  dans  le  récit 

(1)  Cf.  Inscr.  jur.  gr.,  n"  XVII,  I.  28-31  [t.  I,  p.  360]  (premier  code  de  Gortyne). 

(2)  Le  «  sens  futur  »  résulte,  pour  le  présent,  de  son  aspect,  soit  «  ponctuel  », 
soit  «  duratif  »  :  aux  deux  points  de  vue  xsXeueiç  se  rapporte  à  une  proposition 
déjà  virtuelle  d'Hèphaistos,  et  dont  on  attend  qu'elle  se  produise  au  cours  même 
de  la  scène. 

(3)  Esmein,  Sur  un  contrat  dans  VOlympe  homérique,  in  Mélanges  de  Rome,  VIII 
(1888),  p.  436;  cf.  Glotz,  Solidarité,  l.  c. 

(4)  Glotz,  0.  L,  pp.  124-131,  recueille  et  analyse  les  cas  homériques  d'à-iroiva, 
d'où  il  résulte  que  la  rançon  est  toujours  une  forte  somme.  Qu'une  réglementation 


252  LOUIS    GERNET 

de  Dèmodocos  qu'on  ait  affaire  à  un  véritable  tarif,  fixé  ne 
varietur,  —  à  un  tarif  qui,  de  fait,  impliquerait  une  réglemen- 
tation codifiée  à  la  façon  de  la  loi  de  Gortyne  ou  des  leges  ger- 
maniques. Nous  dirons  donc  que  la  scène  ne  suppose  pas  un 
autre  régime  juridique  que  le  régime  ordinaire  de  composition, 
qu'elle  ne  dénonce  pas  par  elle-même  un  «  progrès  »  défini, 
une  étape  plus  ou  moins  avancée  dans  l'évolution  du  droit  (1). 
3*^  La  formule  ^fz  à9avàTot.o-t.  Gsoiclv  figure  également  à  la  fin 
des  vers  348  et  352.  Répétition  manifestement  voulue.  Une 
lecture  qui  paraît  remonter  à  iVristarque  en  affaiblit  l'effet  (2)  : 
c'est  à  tort.  La  répétition  souligne  une  circonstance  essentielle  : 
le  caractère  public  d'un  acte  ou  d'une  procédure.  —  Dans  le 
premier  cas,  l'expression  ne  peut  guère  être  rapportée  à  uTirlo-- 
•^ojjiat.,  qui  l'appellerait  volontiers  (3),  mais  qui  est  trop  loin  ;  on 
doit  donc  la  joindre  à  tlo-sw  (4)  :  il  s'agit  d'une  prestation  qui 
s'accomplira  «  parmi  les  Dieux  immortels  »  ;  c'est  ainsi  que  le 
«  paiement  »  aijra  valeur  libératoire.  C'est  ainsi  que,  lors- 
qu'Agamemnon  fait  sa  paix  avec  Achille,  les  présents  sont 
apportés  au  milieu  de  l'agora  afin  que  tous  les  Achéens  les 


officieuse  n'y  apparaisse  pas,  il  n'y  a  pas  à  s'en  étonner  et  rien  à  en  induire  : 
une  épopée  n'est  pas  un  coutumier.  Aussi  bien,  la  poésie  a  passé  par  là  :  les 
àiroiva,  dont  le  versement  incombe  en  principe  au  clan,  au  ys'voç  solidaire, 
paraissent  souvent  soldés,  dans  les  poèmes  homériques,  en  vrais  biens  meubles, 
en  objets  de  propriété  individuelle. 

(1)  Sans  doute,  le  xaSe  xtaw,  tout  court  et  tout  sec,  de  Poséidon  indique  bien 
qu'il  y  a  une  somme  prévue  —  un  certain  nombre  de  têtes  de  bétail  probable- 
ment :  mais  nous  croyons  que  ce  n'est  pas  là  du  nouveau  et  que  la  fixation  n'est 
pas  absolue.  Le  wç  au  xs^^suetç,  tel  que  nous  l'interprétons,  n'a  pas  d'écho  ?  Oui, 
il  n'en  est  plus  question  dans  la  suite  :  mais  il  n'en  est  plus  question  quelle  que 
soit  l'interprétation  qu'on  adopte.  Glotz,  qui  parle  [Le.)  de  «  conditions  secon- 
daires... laissées  à  la  discrétion  des  parties,  surtout  de  la  partie  offensée  », 
reconnaît  parla  implicitement  que  la  proposition  de  Poséidon  —  invitation  dis- 
crète à  fixer  ces  conditions  —  n'est  pas  retenue  par  Hèphaistos.  Hèphaistos  se 
contente-t-il  du  prix  ordinaire  ?  Le  poète,  qui  est  un.  poète  et  non  un  juriste, 
a-t-il  laissé  tombé  plus  ou  moins  involontairement  cette  amorce?  Peu  importe. 

(2)  V.  352  :  tiwç  av  Èyà)  ce,  cpépiuTs,  {xsx'  àOavotToiai  8éot[JLt; 

(3)  Cf.  T  314,  où  il  s'agit  d'un  serment  prêté  parmi  tous  les  dieux  immortels. 

(4)  Glotz,  l.  c,  paraît  vouloir  la  rattacher  à  aïai[xa,  en  traduisant  :  «  tout  ce  qui 
est  fixé  par  la  coutume  des  dieux  immortels  ».  Il  entend  sans  doute  accentuer 
l'idée  qu'il  voit  dans  le  texte.  Mais  le  grec  répugne  à  une  pareille  construction. 


HYPOTHÈSES    SUlt    LE    CONTRAT    PKIMITIF    EN    GRÈCE  253 

puissent  voir  de  leurs  yeux  (T  172-4,  cf.  249).  —  Hèphaistos 
reprend  les  mômes  mots  dans  une  intention  sarcastique 
(Ameis)  :  il  faudrait  que,  dans  la  môme  assemblée  des  dieux, 
il  enchaînât  Poséidon  !  Il  ne  le  pourrait  pas. 

4°  Vers  352,  uw;  av  syo)  o-s  Uoiu.1  ;  II  n'est  pas  question  d'en- 
chaîner Poséidon  sur  le  champ,  et  si  les  dieux  sont  encore 
censés  présents,  c'est,  comme  au  vers  348,  au  moment  où  la 
dette  viendra  à  échéance,  en  tout  cas  lorsqu'il  s'agira  d'exécu- 
ter un  débiteur  :  on  sait  assez  que  l'optatif  avec  av  peut  nor- 
malement se  rapporter  à  l'avenir.  La  proposition  d  x£v  "ApY^ç 
olyoïTQ  représente  une  condition  suspensive,  et  elle  sera  reprise 
par  Poséidon  sous  la  forme  £•-...  xev...  ot-'/joTat.,  où  le  subjonctif 
avec  x£v  a  une  valeur  de  futur  (1).  Hèphaistos,  et  Poséidon 
après  lui,  prévoient  le  cas  où  Ares,  libéré  de  ses  liens,  s'enfuira 
—  quittera  l'Olympe,  comme  le  suggère  Ameis  et  comme  l'évé- 
nement va  le  vérifier  (v.  360  sq.)  :  une  fois  le  débiteur  en  pays 
étranger,  le  créancier  perd  ses  moyens,  et  la  procédure  sa 
vertu. 

5°  Conséquemment,  les  mots  xpéoq  xal  Sso-fjiov  àXu^a;  ne  sup- 
posent pas  une  évasion  irrégulière  d'Ares.  Ares  aura  été  délié 
parce  qu'Hèphaistos  l'aura  bien  voulu.  Seulement,  par  la  fuite, 
il  se  déroberait  alors  à  sa  dette.  Le  participe  aoriste  peut  très 
bien  indiquer  une  action  concomitante  à  celle  du  verbe  prin- 
cipal, ou  qui  appartient,  comme  on  dit,  au  même  complexus  (2). 
L'idée  essentielle,  dans  x^^oq  xal  Seo-jjiôv,  est  celle  de  Sea-pv  : 
nous  avons  là  une  expression  synthétique  qui  revient  à  dire  : 
«  Si  Ares,  débarrassé  de  ses  liens,  venait  à  échapper  aussi  à  sa 
dette  »  ;  et  c'est  le  seul  mot  de  «  dette  »  que  reprendra  Poséi- 
don dans  la  formule  de  sponsio^  au  vers  355. 

Tout  cela  est  bien  long.  Mais  il  fallait  déblayer.  Maintenant, 

(1)  Et  xcv  et  l'optatif  au  sens  de  l'éventualité  se  rencontre  chez  Homère  non 
seulement  après  un  temps  passé  (B  597),  mais  avec  un  présent  ayant  une  valeur 
de  futur  (I  141). 

(2)  Cet  emploi  du  participe  aoriste  se  constate  à  côté  d'un  futur  (Eurip.,  Hip- 
poL,  356),  c'est-à-dire  dans  un  cas  pratiquement  analogue  au  nôtre.  Cf.  Riemann- 
Goelzer,  Gramm.  comp.  du  gr.  et  du  lat.,  Syntaxe,  §  286,  2°  (p.  294). 


254  LOUIS   GERNET 

que  veut  dire  le  vers  351  ?  Il  y  en  a  deux  interprétations  pos- 
sibles, suivant  qu'on  donne  ou  non  à  eyyuv^  le  sens  de  «  cau- 
tion «  (1).  Dans  le  premier  cas,  il  faut  adopter  franchement  la 
traduction  de  Thalheim  (2)  suivi  par  Partsch  (3)  :  «  les  cau- 
tions données  à  des  faibles  sont  faibles  ».  Dans  le  second  cas, 
il  faut  adopter  franchement  la  traduction  d'Esmein  :  «  les  pro- 
messes des  faibles  sont  de  faibles  promesses  ». 

Nous  nous  proposons  d'autoriser,  plus  décidément  encore 
que  ne  l'a  fait  Esmein,  le  sens  de  eyyù'f\  «  promesse  »  (4),  ou 
plutôt  même,  comme  il  n'y  a  rien  dans  le  mot  qui  implique 
une  notion  unilatérale,  «  contrat  ».  Et  justement,  nous  espé- 
rons trouver  dans  cette  discussion  les  éléments  d'une  certaine 
théorie  du  contrat  primitif.  C'est  dans  cette  vue  que  nous  cri- 
tiquerons l'introduction  historique  que  Partsch  a  donnée  à  une 
étude  récente  et  considérable  sur  le  cautionnement  en  Grèce  (5)  : 
pour  Partsch,  qui  se  fonde  précisément  sur  notre  passage,  le 
cautionnement  apparaît  de  très  bonne  heure  et  sous  un  aspect 
particulier  :  la  caution  homérique  n'est  autre  chose  qu'un 
otage  qui  engagerait  sa  personne  pour  garantir  la  réalisation 
dételle  ou  telle  éventualité.  Dans  une  première  partie,  nous 
écarterons  cette  théorie  et  nous  dirons  ce  qu'est,  à  notre  avis, 
le  primitif  arrangement  à  cause  délictuelle.  Cette  discussion 
nous  aura  amené  à  considérer  Yèyrù'ri  matrimoniale  dont 
Partsch  a  voulu  faire  état,  et  qui  méritera  d'être  étudiée  pour 
elle-même  dans  une  seconde  partie.  En  troisième  lieu  enfin, 

(1)  Il  pourrait  y  en  avoir  une  troisième,  si  l'on  veut,  et  dont  le  grec  s'accom- 
moderait plus  volontiers  que  de  celle  de  Thalheim-Partsch.  Elle  consisterait  à 
prendre  èyy&f]  dans  le  sens  de  «  caution»,  mais  à  comprendre  :«  les  cautions 
que  fournissent  des  gens  de  rien  ne  valent  rien  ».  Cette  interprétation,  que  sem- 
blent avoir  entrevue  le  scholiaste  E  et  Eustathe,  1600,  1,  est  pourtant  la  plus 
inadmissible  :  on  ne  voit  pas  pourquoi  Hèphaistos  se  délierait  de  Poséidon  dont 
il  va  accepter  la  promesse  l'instant  d'après.  Cf.  Ebeling,  Lex.  Hom.,  I,  p.  331, 
qui  admet  finalement  le  sens  proposé  plus  tard  par  Thalheim  et  Partsch. 

(2)  Hirschberger  Gymnasialprogramm,  1894,  p.  8. 

(3)  Griech.  Burgsch.  (cf.  n.  5),  p.  H. 

(4)  Art.  cité,  pp.  426-436. 

(5)  J.  Partsch,  Griechisches  Burgschaftsrechl,  I.  Das  Recht  des  altgriech. 
Gemeindestaats,  pp.  9-86. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  255 

nous  essayerons  de  définir  une  certaine  notion  du  contrat, 
celle  que  nous  croyons  pouvoir  relier  au  mot  eyyuvi,  celle  qui 
pour  nous  est  primitive. 

I 

làlyyÙ'f]    HOMÉRIQUE 

Il  peut  sembler  paradoxal  de  soutenir  que  le  mot  èyy6-f\  qui, 
dans  toute  la  grécité  —  Veyyùr\(nq  du  mariage  étant  à  part  (1)  — 
a  le  sens  de  caution,  et  qui  apparaît  dans  un  passage  homé- 
mérique  oii  il  s'agit  à  première  vue  d'une  caution,  ne  désigne 
pas,  dans  ce  passage,  une  caution. 

Cependant,  l'enchaînement  des  sens,  selon  notre  hypothèse, 
n'aurait  rien  de  plus  étrange  que  dans  le  mot  latin  sponsio,  qui 
désigne  d'abord  et  d'une  façon  générale  le  contrat  verbal,  mais 
qui  s'applique  en  particulier  au  cautionnement  (2).  On  sait  que 
la  généralité  du  cautionnement  est  un  fait  relativement  pri- 
mitif dans  l'histoire  du  droit  contractuel,  et  on  s'expliquerait 
que,  par  «  restriction  de  sens  »,  le  terme  qui  signifiait  «  con- 
trat »  n'ait  plus  représenté  qu'un  contrat,  un  des  plus  fré- 
quents et  des  plus  nécessaires.  On  dira  que  nous  n'avons  pas 
le  droit  de  remonter  si  haut  ;  on  objectera  l'âge  du  texte  :  il  est 
admis  que  cette  partie  de  VOdyssée  est  très  récente,  très  proche 
du  temps  dès  lequel  lyyuYi  a  le  sens  exclusif  de  «  caution  ». 
Pour  notre  part,  nous  ne  sommes  pas  frappé  de  la  nécessité  de 
cette  chronologie  :  on  ne  peut  guère  l'autoriser  que  d'argu- 


(1)  Et  encore,  nous  verrons  qu'on  a  voulu  la  rattacher  aussi  à  riyyûifi- 
caution. 

(2)  Sponsio  désigne  la  forme  la  plus  ancienne  de  cautionnement  {sponsoi'  sur- 
tout est  spécialisé  au  sens  de  «  garant  »).  —  Postérieurement  ont  été  créées  les 
formes  de  la  fidepromissio  et  de  la  fidejussio.  —  Sur  la  dérivation  du  terme 
sponsio,  cf.  P. -F.  Girard,  Manuel  de  droit  romain'^,  p.  744  :  avant  de  faire  naître 
une  dette  accessoire,  la  sponsio  aurait  servi  à  faire  naître  Tobligation  de  plu- 
sieurs débiteurs  corréaux  ;  l'ancien  droit  aurait  vu  dans  la  promesse  de  l'objet 
de  la  première  dette  une  novation  {ib.,  n.  2).  On  appréciera  de  plus  en  plus  la 
portée  de  ces  indications. 


256  LOUIS   GERNET 

ments  d'ordre  subjectif  (1).  En  tout  cas,  à  moins  de  repousser 
en  principe  toute  interprétation  d'Homère,  il  faut  bien  per- 
mettre à  la  critique  de  distinguer,  dans  une  rédaction  dont 
nous  ignorons  d'ailleurs  la  date  précise,  des  formes  assez  pri- 
mitives de  vie  sociale  et  de  moralité;  et  nous  avons  le  droit  de 
comprendre  comme  un  vieux  brocard  le  vers  qui  en  a  suffi- 
samment la  forme  :  ôsiXai  toi.  ôstXwv  ye  xal  syyùa!.  eyvuàaaQat..  — 
A  cet  égard,  nous  ferons  observer  que  le  mot  ssSva,  dans  un 
passage  du  même  récit  qu'il  n'y  a  pas  de  raison  de  tenir  pour 
plus  ancien  que  le  nôtre,  est  employé  avec  le  plus  primitif  de 
ses  sens  :  prix  d'achat  de  la  femme,  versé  au  beau-père  et 
gardé  par  le  beau-père  (2).  —  Ajoutons  que  l'insistance  de 
Partsch  à  rajeunir  le  plus  possible  le  récit  de  l'aède  se  concilie 
mal  avec  la  théorie  qu'il  soutient  (3)  —  et  que  nous  nous  gar- 
derons bien  de  soutenir  (4)  —  sur  le  caractère  de  la  composi- 
tion dans  ce  passage  :  il  veut  que  celle-ci  ne  soit  pas  réglée  par 
la  coutume  et  ne  dépende  que  de  l'arbitraire  de  l'offensé  ;  ce 
qui,  pour  le  coup,  nous  reporterait  à  une  époque  extrêmement 
primitive. 

Quoi  qu'il  en  soit,  retenons  que  la  chronologie  ne  saurait 
en  aucune  façon  imposer  le  sens  de  caution.  Et  abordons 
directement  le  problème.  Contre  la  traduction  de  Parsch,  on 
peut  faire   valoir   des   arguments  philologiques  et  des  argu- 

(1)  Subjectif  et  littéraire.  On  fera  valoir  que  le  texte  n'a  pas  une  parfaite  cohé- 
rence logique  (Partsch)  parce  que  Hèphaistos  parle  d'abord  de  réclamer  les  è'eSva 
au  père  d'Aphrodite,  et  parle  ensuite  de  tout  autre  chose  sans  plus  se  soucier 
des  IsSva  :  on  en  conclut  que  ces  parties  sont  d'âge  différent.  Vraiment,  c'est 
abuser  des  droits  de  la  critique.  —  Ou  bien  on  objectera,  contre  l'antiquité  du 
récit,  ce  qu'il  y  a  en  lui  du  fabliau,  et  le  comique  d'une  pareille  situation  dans  le 
monde  des  dieux.  Et  pourquoi  le  fabliau  ne  serait-il  pas  «  primitif  »  ? 

(2)  C'est  l'état  le  plus  ancien  que  nous  puissions  atteindre  :  cf.  0.  Schrader, 
Reallex.,  p.  544. 

(3)  0.  /.,  p.  17,  n.  6,  contre  l'interprétation  d'Esmein  et  de  Glotz. 

(4)  Nous  nous  sommes  expliqué  sur  la  question  :  notre  position  est  intermé- 
diaire entre  celle  de  Partsch  et  celle  d'Esmein-Glotz,  mais  en  somme  beaucoup 
plus  rapprochée  de  cette  dernière  que  d'une  thèse  extrême  que  contredit  ouverte- 
ment la  lettre  du  texte.  Celle-ci  ne  pourrait  se  réclamer  du  w?  au  y.zKîûsk,  que 
nous  avons  invoqué  :  il  faudrait  plus,  quelque  chose  comme  §u<ra  xcXeûsiç,  qui 
d'ailleurs  aurait  aussi  bien  fait  le  vers. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  257 

ments  juridiques  ;  contre  le  sens  primilif  qu'il  prête  à  ^yy^t,,  on 
peut  soulever  une  difficulté  assez  grave  :  celle  que  présente  la 
dualité  d'emplois  dans  rèyyuTi-caution  et  Vè^yùr\  matrimoniale. 


Les  arguments  philologiques,  d'abord.  Nous  ne  ferons  pas 
autrement  de  réserves  sur  la  construction  ôeùwv  lyvuai,  «  les 
sûretés  que  l'on  donne  à  des  faibles  »  :  elle  est  pourtant  néces- 
saire, comme  nous  Talions  voir,  dans  l'interprétation  de 
Partsch,  et  on  avouera  bien  qu'elle  est  un  peu  dure.  Mais  nous 
ne  nous  occuperons  que  de  trois  mots  en  particulier,  qui  nous 
paraissent  constituer  autant  d'objections  :  SsO.aî,  Ssùcov  et 
eyyuàaa-Qat.. 

Asùai,  en  parlant  des  «  cautions  »,  signifierait  «  impuis- 
santes, faibles  »  (1).  Observons  d'abord  qu'il  faut  donc  donner 
à  «  caution  »  un  sens  quelque  peu  abstrait  :  rèyyuTi,  malgré  la 
conception  résolument  concrète  que  s'en  fait  Partsch,  ce  ne 
peut  être  la  personne  même  du  garant,  quelque  chose,  prati- 
quement, comme  l'eyyuTiTYiç  lui-même.  Maintenant,  en  admet- 
tant que  SeOvOç,  appliqué  aux  personnes,  puisse  avoir  le  sens  de 
«  faible  »,  il  paraît  assez  malaisé  qu'il  le  garde  en  s'appliquant 
aux  choses  :  du  sens  premier  —  et  étymologique  —  de  «  crain- 
tif »,  on  admet  théoriquement  qu'on  passe  à  l'idée  de  faiblesse 
physique;  mais  comment  passer  au  sens  d'inefficace?  Ou,  si 
l'on  veut  que  Ss'Aa'l  soit  tout  près,  pour  le  sens,  de  Ssiawv  («  les 
cautions  dont  disposent  les  chélifs  sont  chétives  »),  il  faut  faire 
de  eyyuai  un  mot  rigoureusement  abstrait,  en  y  faisant  prédo- 
miner l'idée  morale  de  sûreté,  de  garantie  :  ce  qui,  nous  le 
verrons,  ne  ferait  pas  l'affaire  de  Partsch. 

Mais  c'est  la  traduction  de  Sedwv  lui-même  que  nous  n'ad- 


(1)  On  a  vu  qu'Esmein  traduit  aussi  par  «  faibles  »  :  traduction  que  nous  avons 
adoptée  provisoirement,  et  parce  que  l'essentiel  était  dans  syvjr,.  Au  reste,  si 
l'on  admet  l'interprétation  générale  d'Esmein,  sa  traduction  de  SctXai  n'est  plus 
séparée  de  la  nôtre  que  par  une  nuance  qu'on  peut  pratiquement  négliger. 


258  LOUIS    GERNET 

mettrons  pas.  Ni  chez  Homère,  ni  même  postérieurement, 
nous  ne  trouvons  le  mot  Ssàoç  au  sens  de  «  physiquement 
faible  ».  Remarquons  que,  pour  Thalheim  et  Partsch,  ce  ne 
serait  pas  assez  que  cette  valeur  y  fût  implicite  :  elle  doit  y  être 
en  relief;  tout  l'argument  est  là  :  Hèphaistos  est  trop  faible 
pour  enchaîner  Poséidon,  c'est  pourquoi  il  refuse  une  caution 
qui  ne  lui  servirait  de  rien.  Or  ce  sens-là,  encore  une  fois,  nous 
ne  le  trouvons  pas  :  Ss'Ào;  est  pris  au  sens  de  «  lâche  »,  de 
«  malheureux  »,  de  «  méprisable  »,  mais  c'est  tout.  Et  ceci 
déjà  serait  un  argument  qui  interdirait  de  rapporter  à 
Hèphaistos  l'idée  exprimée  par  ôs'Jwv  :  d'où  lui  viendrait  cette 
humilité  ?  —  Mais  d'où  lui  vient,  dans  l'interprétation  de 
Partsch,  celle  de  se  dire  si  faible  —  et  de  s'en  faire  un  argument? 
Sentiment  étrange  :  je  veux  bien  qu'Hèphaistos,  l'instant 
d'avant,  se  soit  qualifié  lui-même  de  riueSavo;,  mais  c'est  en  se 
comparant  à  Ares  xaXo;  ts  xal  clo^Itzoç  :  c'est  autre  chose.  Sen- 
timent peu  intelligible:  Hèphaistos  vient  de  prouver  que,  pour 
enchaîner,  il  n'a  pas  son  pareil.  —  Et  nous  verrons  bientôt 
grossir  cette  invraisemblance. 

Passons  à  syyucyaa-Ba!..  On  ne  le  traduit  pas  :  il  est  explétif. 
Soit.  Mais  il  faut  en  rendre  raison.  Si  nous  admettons  le  sens 
en  question,  nous  devons  comprendre,  ce  semble,  syrùat 
£yy!jàaT9a',  —  c'est-à-dire  wo-ts  aj-ràç  syyuao-Sat.  —  comme  des 
sûretés  à  utiliser,  ou  des  cautions  à  exécuter.  Ceci  fournirait 
du  moins  l'interprétation  la  plus  cohérente  :  on  trouvera  sans 
doute  qu'elle  est  un  peu  loin  du  texte,  et  on  l'atténuera  en  tra- 
duisant mot  à  mot  :  a  des  cautions  à  recevoir  comme  cautions  ». 
En  tout  cas,  le  sujet  logique  de  eyyuàaTQat.  ne  saurait  être  que 
celui  qui  accepte  ou  qui  a  accepté  la  caution  —  comme  il  l'est 
dans  tout  le  vers.  Et  c'est  cela  qui  est  inadmissible  :  eyyuâirOat 
se  dit  exclusivement,  par  ailleurs,  de  qui  fournit  la  caution  ; 
fût-ce  dans  un  régime  de  droit  primitif,  il  n'a  pas  pu  se  rap- 
porter à  un  créancier.  C'esi  là  une  dilïîculté  vraiment  grave  si 
un  mot  explétif  n'a  pas  le  droit  pour  autant  d'être  un  mot 
absurde.  — Mais  nous  avons  admis  qu'âyyuàao-Sai  est  un  moyen  : 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  259 

dira-t-on  qu'il  est  un  passif?  De  fait,  il  est  bien  possible  qu'on 
veuille  aiguiller  par  là  :  si  ce  n'est  pas  Finterprétalion 
d'Ebeling  (1),  il  semble  que  ce  soit  celle  de  Partsch  pour  qui  le 
cautionnement  homérique  est  comme  qui  dirait  un  contrat 
réel,  et  la  caution  une  personne  qui  est  remise  «  dans  la  main  » 
du  créancier.  Ce  sera  donc  un  passif  (observons  qu'en  pareil 
cas,  c'est  plutôt  l'infinitif  «  actif  »,  en  vertu  môme  de  sa 
notion  (2),  qu'on  attendrait  ;  mais  passons).  Le  passif  du  moyen? 
C'est  impossible,  ou  c'est  plus  que  hasardeux.  Le  passif  de 
e^yuâv  ?  Mais  alors,  on  trouverait  syYuâv  dans  la  terminologie 
du  cautionnement,  et  rapporté  au  créancier  :  on  ne  le  trouve 
jamais.  Gomprendra-t-on  svyuav  au  sens  de  «  donner,  remet- 
tre »  —  ce  qui  rend  déjà  la  construction  bien  pénible  (3)  ?  Mais 
sur  quelle  autorité?  —  Eustathe  (eyyua  jjièv  6  Slôqu*;);  des  lexi- 
cographes :  rien  en  somme,  —  des  hypothèses  de  scholiastes 
qui  ratiocinent. 

Le  «  mot  à  mot  »  le  plus  vulgaire  apparaît  impossible. 


En  arrivant  aux  arguments  juridiques,  nous  aurons  autre 
chose  à  proposer  que  des  négations.  —  Nous  examinerons  suc- 
cessivement l'interprétation  môme  du  passage  et  l'idée  que 
Partsch  se  fait  de  la  caution. 

«  Gomment  pourrais-je  te  lier?  »  demande  Hèphaistos  à 
Poséidon.  Trop  faible,  il  exigerait  une  autre  garantie,  sur 
quoi  Poséidon  promettrait  de  payer  la  somme  au  cas  ori  Ares 
se  déroberait.  Mais  en  quoi  cette  seconde  garantie  vaut-elle 
mieux?  Hèphaistos  a  la  parole  de  Poséidon;  mais  si  Poséidon 

(1)  Lex.  hom.,l.  c,  s.  v.  èffuioit-on. 

(2)  Cf.  Bréal,  Essai  de  sémantique,  p.  80. 

(3)  L'emploi  du  verbe  ivâSs/cciOai,  dans  la  terminologie  du  cautionnement, 
nous  paraît  écarter,  sans  réplique,  pareille  déduction  :  il  se  dit  de  qui  assume 
l'obligation  de  garantie;  or,  à  moins  d'y  voir  une  métaphore  toute  littéraire,  il 
faut  bien  y  reconnaître  l'idée  de  «  recevoir  »,  rapportée  ici  à  celui  même  qui, 
dans  le  principe,  serait  «  livré  »  :  la  vérité  est  que  ôéj^eaGai,  comme  nous  le 
verrons,  implique  l'idée  du  contrat  par  paumée. 


260  LOUIS    GERNET 

lui-même  se  dérobe  ?  Il  ne  reste  qu'un  moyen,  le  seul  du  droit 
primitif  :  la  contrainte  par  corps;  Hèphaistos  procédera  par 
manus  injectio  sur  la  personne  de  Poséidon,  et  il  le  gardera 
emprisonné  pour  être  ensuite  racheté,  ou  mis  à  mort,  ou  réduit 
en  servitude  comme  dans  la  procédure  archaïque  —  et  géné- 
rale —  des  «  actions  de  la  loi  »  ;  il  devra,  comme  le  dit  le  poète 
avec  une  tournure  un  peu  elliptique  (1),  «  enchaîner  »  son 
nouveau  débiteur.  On  retombe  toujours  dans  la  même  hypo- 
thèse, prétendue  défavorable  pour  Hèphaistos.  Tant  qu'à  faire, 
pourquoi  celui-ci  n'a-t-il  pas  exigé  que  Poséidon  se  constituât 
otage,  se  laissât  enchaîner  lui-même  ?  C'est  ainsi  qu'on  se 
représente  généralement  le  cautionnement  le  plus  ancien;  ce 
sont  les  analogies  Iburnies  par  les  législations  anciennes 
—  surtout  germaniques  —  qui  ont  induit  Partsch  à  retrouver 
le  même  phénomène  juridique  dans  Vl-vv{jr\  (2).  La  constitution 
d'otage,  voilà  qui  serait  clair  :  il  n'y  est  même  pas  fait  allusion. 
Et  à  ce  propos,  on  ne  peut  s'empêcher  d'observer  que  le  lien 
est  plutôt  lâche  entre  le  texte  qui  reste  le  seul  fondement  d'une 
théorie  du  «  cautionnement  primitif  »  et  la  théorie  même  qu'on 
y  rattache.  Si  ce  cautionnement  implique  l'engagement  de  la 
personne  qu'on  veut  voir  dans  rEyyÙTj,  d'oij  vient  que  cet  enga- 
gement de  la  personne  ne  fonctionne  précisément  pas  ici  ?  S'il 
consiste  dans  une  dette  non  pas  accessoire,  mais  principale, 
d'où  vient  que  les  acteurs  de  la  scène  ne  s'intéressent,  dans  le 
moment  même  oii  il  est  question  d'eyytJYi  qu'à  la  personne  d'un 
autre  débiteur?  S'il  représente,  dans  toute  la  force  de  l'expres- 
sion juridique,  une  promesse  pour  autrui,  d'oii  vient  que  cette 
promesse,  le  créancier  l'écarté  par  une  fin  de  non-recevoir?  — 
Et  c'est  toujours  le  même  problème  :  des  deux  promesses  que 
fait  successivement  Poséidon,  pourquoi  le  privilège  qui  est 

(1)  Aristarque  interprétait  :  tcwi;  av  a'  eij9ûvoi[;.i.  L'enchaînement  n'est  après  tout 
qu'un  moment  dans  l'exécution  du  débiteur  :  c'est  Vexécution  qu'il  symbolise 
parce  qu'il  en  est  l'image  frappante. 

(2)  Les  analogies  sont  d'autant  plus  marquées  que  la  constitution  d'otage  a 
lieu  à  l'occasion  d'une  obligation  délictuelle.  Pour  la  bibliographie,  voir  Huvelin 
in  Année  SocioL,  XII,  p.  26,  n,  1, 


HYPOTHÈSES    SLR    LE    CONTHAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  261 

accordé  à  la  seconde,  les  voies  d'exécution  étant  les  mômes,  et 
l'objection  qui  s'oppose  à  la  première  s'opposant  aussi  à  la 
seconde?  Dira-t-on  que  la  parole  de  Poséidon  a  une  valeur 
éminente  aux  yeux  de  Ilcphaistos?  Mais  pourquoi  l'a-t-elle  au 
second  moment,  et  pas  au  premier?  Pour  Partscli,  en  eiïet,  la 
promesse  pour  autrui  est  parfaitement  valable,  en  droit  ;  et 
pourtant  l'expression  formelle  de  cette  promesse  (uTcloyop-ai)  ne 
satisfait  pas  Hèphaistos  :  Hèphaistos  craint-il  que  Poséidon  ne 
soit  pas  en  état  de  contraindre  Ares  à  s'exécuter?  Prévoit-il 
l'événement  qui  se  réalisera,  la  fuite  d'Ares?  Mais  c'est  là  une 
question  qui  est  en  dehors  de  la  question  :  elle  est  d'espèce, 
et  non  de  principe  ;  or  c'est  une  vérité  de  principe  qu'exprime 
le  vers  351,  et  il  le  faudrait  comprendre  ainsi  :  les  cautions  ne 
signifient  rien  quand  celui  qui  les  reçoit  est  trop  faible  pour 
procéder  par  manus  injectio  si  celui  qui  s'est  porté  fort  n'est 
pas  en  état  ou  en  humeur  de  forcer  le  délinquant  à  s'exécuter. 
Au  vrai,  ce  serait  mettre  en  cause  l'efficacité  même  d'un  con- 
trat que  l'on  déclare  pourtant  très  général  (1). 

Mais  d'abord,  il  semble  que  ce  soit  une  pétition  de  principe 
de  prétendre  que,  dans  un  état  primitif  de  droit,  le  droit,  c'est 
la  force.  On  ne  saurait  admettre  que  l'usage  de  moyens  comme 
la  manus  injectio  exige  nécessairement  un  bras  plus  solide  que 
celui  de  l'adversaire.  Ces  gestes  sont  avant  tout  des  rites  (cela 
est  tout  à  fait  visible  dans  certaines  procédures  analogues,  per- 
sistant à  l'époque  historique,  comme  rs^aycay/)  ou  la  deductio 
quae  moribus  fit).  Et  notice  passage  dit  bien  dans  quelles  condi- 
tions de  publicité  l'exécution  d'un  débiteur  devrait  s'accomplir  ; 
jjlst'  àSavàTOLo-',  Q£oiar(.v  qui,  revenant  en  écho,  est  comme  une 
expression  consacrée,  suit  le  mot  SéoLfjLt.  :  armé  de  la  seule  pro- 
messe de  Poséidon  —  la  première  —  Hèphaistos  ne  pourra 
procéder  à  la  manus  injectio  au  milieu  —  on  dirait  presque  : 


(1)  Il  faut  tout  prévoir  :  nous  prévoirons  donc  cette  hypothèse  que  Hèphaistos 
—  qui  manifeste  dans  la  scène  une  certaine  déférence  pour  Poséidon  —  éprouve 
un  scrupule  à  la  pensée  d'exécuter  un  débiteur  aussi  éminent.  Mais  ce  serait 
aller  bien  loin;  et  les  mêmes  objections  continueraient  de  valoir. 


262  LOUIS    GEKNET 

dans  rassemblée  —  des  dieux,  avec  ce  sentiment  du  droit 
reconnu  et  confiant  que  renforce  la  société  par  sa  présence. 
En  d'autres  termes,  Hèphaistos  n'invoque  pas  l'insuffisance  de 
sa  force  physique  :  il  sollicite  un  supplément  de  force  juridique. 


Et  ici  nous  arrivons  à  une  question  générale.  Quelle  idée 
convient-il  de  se  faire  de  cet  accord,  de  ce  contrat  primitif  qui, 
pour  Partsch,  est  un  cautionnement?  Partsch  oppose  le  droit 
grec  au  droit  romain,  et  il  ne  parait  pas  douteux  qu'il  ait  rai- 
son —  du  moins  quant  à  l'époque  proprement  historique  du 
droit.  Chez  les  Romains  prévaut  le  principe  qu'on  ne  peut  pas 
s'engager  pour  autrui  :  la  caution  est  un  débiteur  au  même  titre 
que  le  débiteur  principal,  et  son  obligation  s'énonce  dans  un 
idem  dari^  idem  fieri.  Chez  les  Grecs,  la  caution  s'engage  à  ce 
que  le  créancier  obtienne  du  débiteur  telle  ou  telle  prestation  ; 
ou  plutôt  on  ne  peut  même  pas  parler  d'un  débiteur,  car  l'in- 
dividu qu'on  cautionne  peut  n'être  pas  personnellement  obligé. 
—  Sans  méconnaître  une  distinction  qu'il  ne  faudrait  d'ailleurs 
pas  exagérer  (1),  on  ne  doit  pas  s'appliquer  à  la  rendre  inin- 
telligible :  et  ce  serait  la  rendre  inintelligible  que  de  ne  pas 
fonder  les  deux  systèmes  juridiques  sur  une  même  réalité 
sociale,  antérieure  à  l'un  comme  à  l'autre.  11  s'agit  de  se 
demander  comment  certaines  représentations,  dans  un  état  de 
droit  qui  ne  comporte  pas  le  cautionnement  au  sens  propre, 
ont  pu,   par  un  développement  divergent,  aboutir  à  ces  deux 

(1)  Car,  d'une  part,  même  s'il  n'y  a  pas  de  «  débiteur  principal  »,  il  y  a  tout 
de  même  une  dette  dont  Tobjet  est  la  prestation  convenue  —  et  en  droit  clas- 
sique, le  cautionnement  tombe  lorsque  la  dette  cautionnée  n'existe  pas  ou  n'existe 
plus  (Partsch,  pp.  172  et  s.).  Et  d'autre  part,  le  droit  romain  connaît  des  procédés 
(engagement  par  lequel  le  promettant  se  porte  fort,  —  système  de  la  promissio 
pœnae)  qui  font  une  certaine  place  à  la  promesse  pour  autrui.  Ajoutons  que, 
par  une  exception  dont  on  verra  l'intérêt,  le  droit  romain  classique  valide  dans 
certain  cas  la  promesse  pro  herede  —  c'est-à-dire  faite  pour  un  membre  actuel 
ou  virtuel  de  la  domus  (Justinien  l'a  validée  d'une  manière  générale).  Il  est  vrai 
que  l'effet  de  cette  promesse  est  précisément  de  lier  un  tiers  :  mais  c'est  un  cas 
de  solidarité  familiale. 


HYPOTHÈSES    SLR    LE    CONTHAT    PIUMiTIF    EN    GRÈCE  263 

principos  contradictoires  :  la  promesse  pour  autrui  est  juridi- 
quement nulle;  —  la  promesse  pour  autrui  est  juridiquement 
valable.  C'est  cet  état  primitif  que  nous  allons  essayer  de 
retrouver  dans  le  texte  d'Homère. 

De  môme  que,  tout  à  l'heure,  nous  reprochions  à  Partsch  une 
conception  plus  ou  moins  «  naturaliste  »  du  droit,  de  même  nous 
jugerons  ici  qu'il  perd  un  peu  de  vue  ce  problème  essentiel  : 
quelle  structure  sociale  traduit  le  droit  en  question?  Que  la 
scène,  chez  Homère,  soit  transportée  dans  le  monde  des  dieux, 
il  n'importe  :  c'est  toujours  le  même  problème.  Dans  le  prin- 
cipe, nous  avons  affaire  à  des  familles  dont  les  membres  sont 
solidaires  les  uns  des  autres  vis-à-vis  des  autres  familles.  Si 
l'un  d'eux  est  engagé  dans  une  obligation  ex  delicto  et  retenu  à 
la  discrétion  de  l'offensé,  un  autre  se  portera  fort  :  et  l'engage- 
ment de  celui-ci  apparaît  comme  un  cas  de  solidarité  passive  (1). 
Est-ce  qu'alors  nous  nous  trouverons  en  présence  d'un  «  cau- 
tionnement ^)  ?  Pas  précisément,  mais  plutôt  d'un  rapport  juri- 
dique spécial,  dont  le  développement  postérieur  a  pu  se  faire 
en  deux  directions  et  aboutir  d'une  part  au  cautionnement  grec, 
d'autre  part  au  cautionnement  romain. 

L'offensé  s'est  emparé  de  l'offenseur.  Le  relâchera-t-il  sur  la 
simple  promesse  de  payer  la  composition?  Non  point  :  pro- 
messes de  Itù^ol  sont  SeùaL  Que  veut  dire  âsùoç? 

L'individu  ne  vaut  que  par  son  groupe  :  tout  seul,  il  n'est 
rien.  Dans  bien  des  états  de  civilisation,  et  sans  doute  dans  la 
Grèce  môme  à  l'origine  (2),  il  ne  saurait  payer  sa  rançon  par 


(1)  Il  y  a  certainement  quelque  chose  de  cela  dans  la  scène  homérique.  Suivant 
une  généalogie  constante,  Poséidon  est  l'oncle  d'Ares,  un  parent  particulièrement 
respectable  et  autorisé.  Ajoutons  que  si  les  textes  n'apportent  pas  le  témoignage 
direct  de  rapports  spéciaux  entre  Ares  et  Poséidon,  la  confusion  ou  le  rappro- 
chement possibles  de  leurs  surnoms  Enyalios  et  Enalios,  l'existence  d'un  Enya- 
lios  fils  de  Poséidon,  et  celle  d'un  Enyalios  fils  de  Kronos  et  de  Rhéa  (comme 
Poséidon  lui-même)  dont  Ares  prend  le  nom  après  l'avoir  tué,  suggèrent  l'idée 
d'un  lien  assez  intime  entre  les  deux  divinités  (cf.  Tumpel,  in  Pauly-Wissowa, 
s.  V.  Ares,  II,  col.  643;  Jessen,  ib.,  s.  v.  Enyalios,  V,  col.  2653). 

(2)  Glotz  lui-même  dit  bien  d'après  Guiraud  {Propr.  fonc,  p.  93  et  s.)  :  «  L'indi- 
vidu a  d'abord  disposé  des  objets  mobiliers  :  Vinaliénabilité  des  biens  fonciers  ne 


264  LOUIS   GERNET 

ses  propres  moyens.  Le  pût-il,  on  conçoit  que  l'engagement  pris 
par  un  homme  réduit  à  l'impuissance  et  en  son  seul  nom 
soit  sans  valeur.  C'est  là  précisément  ce  que  signifie  le  brocard 
du  vers  351  et  qu'Hèphaistos  n'a  guère  à  détourner  de  son 
emploi  originel  pour  l'appliquer  à  la  situation  présente.  C'est  là 
précisément  l'idée  que  soulignent  Bsùai  et  8£(.X(ov.  Le  premier 
sens  de  8£'A6;  est  «  lâche  )^  ;  mais  dans  une  société  guerrière 
comme  la  société  homérique,  une  double  série  d'adjectifs 
exprime  une  double  série  de  valeurs  antithétiques  :  d'une  part, 
des  mots  comme  àyaBoç,  àpiTToç,  £a-8X6ç  désignent  la  bravoure, 
mais  avec  elle  la  bonne  naissance,  la  force  sûre  de  soi  dont  le 
sentiment  est  communiqué  à  l'individu  par  un  groupe  familial 
puissant  et  considéré  ;  d'autre  part,  des  mots  comme  xaxo;, 
SsO.o;  désignent  la  lâcheté  militaire,  mais  aussi  la  misère  de 
l'isolé,  la  vilenie  de  qui  n'est  pas  de  bonne  famille  (1)  :  ainsi 
ozù.ôç  pourra  signifier  à  la  fois  «  poltron  »  et  «  de  peu  de  prix  », 
et  c'est  pourquoi  il  est  rapproché  de  où-r'.oavoç,  A  293.  Celui  qui 
ne  vaut  rien,  c'est  celui  qui  est  socialement  impuissant  (2)  plus 
encore  que  physiquement  faible  :  l'individu  surpris  en  flagrant 
délit,  enchaîné,  est  tel  —  tant  que  sa  famille  n'intervient  pas. 
Mais  sa  famille  intervient.  En  son  nom,  un  de  ses  membres 
particulièrement  qualifié  entreprend  de  traiter  avec  rofl*ensé. 
Seulement  l'offensé  ne  se  contentera  pas  de  la  promesse  qui  lui 

l'empêchait  ni  d'offrir  les  ëeova  ni  de  payer  la  izov/r^  »  {Solidarité,  p.  5).  Mais  on 
ne  voit  pas  comment  il  était  possible,  à  Torigine,  de  payer  une  composition 
qu  on  dit  si  grosse,  dans  un  régime  de  propriété  familiale.  Nous  y  reviendrons  à 
propos  des  leSva,  Pour  ce  qui  est  de  la  Tioivf,,  il  est  vrai  que  nous  la  voyons 
souvent  payée  en  métaux,  qui  pourraient  être  des  acquêts  individuels;  mais 
nous  avons  toute  raison  de  penser  que  les  lingots  de  métaux  précieux  dénoncent 
une  époque  relativement  récente,  et,  d'une  manière  générale,  que  l'individualisme 
de  la  propriété  ne  se  concilie  guère  avec  le  régime  du  yévo?  solidaire.  Aussi  bien, 
la  composition  apparaît  quelquefois  payée  en  têtes  de  bétail  (4»  79-80),  ce  qui 
paraît  l'état  primitif  (cf.  Schrader,  Reallex.,  s.  v.  Blutrache)  et  ce  qui  atteste  la 
solidarité  de  la  famille  dans  le  payement  de  la  -koivi/^  (cf.  Glotz,  o.  t.,  p.  7). 

(1)  Aussi  rencontrons-nous  plus  tard,  chez  Théognis,  l'emploi  habituel  de 
ôeiXoî  opposé  à  èaôTvô;,  avec  le  sens  de  «  non  noble,  manant  ».  Cette  valeur  est  déjà 
plus  qu'en  germe  dans  Homère. 

(2)  D'un  homme  qui  n'a  pas  ou  qui  n'a  plus  de  parents,  on  dit  qu'il  est  «  sans 
honneur  »  :  ol/sTa',  Ti[xà  tpîXwv  TaTwixévo)  'fwxi  (Pind.,  N.,  X,  78). 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PKIMITIF    EN    GRÈCE  265 

sera  hile  pou?'  rofTenseur.  Encore  une  fois,  celui-ci  n'est  rien. 
Voilà  pourquoi  Hèphaistos  refuse  la  première  promesse  de 
Poséidon*.  Voilà  pourquoi  il  est  juste  de  dire,  à  ce  moment,  que 
les  promesses  pour  autrui  ne  sont  pas  valables.  Il  faut  que  la 
famille  promette  son  propre  fait,  au  moins  par  la  voix  d'un  de 
ses  membres. 

Est-ce  là  un  cautionnement?  Si  on  y  tient,  oui.  Mais  nous 
préférons  dire  :  pas  encore  Nous  le  préférons  à  cause  des 
idées  fausses  qui  s'attachent  souvent  aux  «  origines  »  :  le 
cautionnement  —  objet,  dit-on,  du  plus  ancien  contrat —  est 
volontiers  représenté  comme  un  procédé  brutal,  comme  une 
main-mise  matérielle  sur  le  répondant  —  la  substitution  actuelle 
du  débiteur  solidaire  ayant  précédé  sa  substitution  éventuelle^ 
le  fait  concret  ayant  précédé  la  forme  symbolique  :  d'abord  un 
otage  qui  se  laisse  enchaîner  à  la  place  du  prisonnier,  puis  une 
caution  proprement  dite  qui  répond  pour  lui.  Pour  Partsch  qui 
en  interprète  ainsi  l'étymologie,  le  cautionnement  primitif  — 
qui,  précisément,  ne  fonctionne  pas  dans  la  scène  homérique  — 
est  le  fait  de  se  mettre  «  dans  la  main  »  du  créancier  (1).  — 

(1)  Les  difficultés  que  nous  avons  déjà  rencontrées  à  propos  de  l'interprétation 
de  r  èyyjiaaBat,  homérique,  nous  les  retrouvons  ici  sous  un  aspect  général.  Le 
moyen  suppose  ou  appelle  Vactif.  Si  Partsch  est  conséquent  avec  lui-même  —  et 
il  Test  —  il  lui  faut  admettre  que  syyucxv  a  premièrement  le  sens  propre  de  «  mettre 
dans  la  main  ».  Mais  ce  sens  propre  n'est  pas  attesté  :  il  devra  du  moins  en 
rester  quelque  chose  dans  la  terminologie  du  cautionnement;  or  il  n'en  reste 
rien.  Le  verbe  simple,  à  l'actif,  n'y  figure  même  pas.  Restent  les  composés  :  mais 
ceux-ci,  à  l'ordinaire,  expriment  l'idée  que  nous,  nous  attendrons,  à  savoir  celle 
d'un  co-contractant  qui  serait  le  sujet  actif  de  l'obligation,  ou  celle  d'une  partie 
qui  contraint  la  partie  adverse  —  pas  autre  chose  :  ainsi  vcaTsyyuàv  s'emploiera 
spécialement  en  parlant  de  la  partie  qui  oblige  un  étranger  à  fournir  caution  par 
devant  le  polémarque,  à  l'occasion  d'une  asserlio  in  liberlatem  ou  d'un  autre 
procès  —  d'où  le  passif  (Lys.,  XXllI,  10;  Isocr.,  XVII,  14  ;  [Dém.],  XXXII,  29; 
LIX,  40,  49,  etc.).  Le  même  ou  d'autres  composés,  à  l'actif,  signifient  en  général 
«contraindre  à- fournir  caution  »  (Platon,  Lois,  IX,  871  E;  872  B  ;  cf.  Lys.,  X, 
17),  parfois  pour  l'exécution  d'une  dette  échue  (Dém.,  XXIV,  73;  Plut.,  Timol.,  37). 
Qu'on  en  tire  au  passif  l'idée  de  «  être  dégagé  sous  caution  »,  et  par  suite  sim- 
plement, à  prix  d'argent,  en  parlant  de  prisonniers  (Thuc,  III,  70,  1;  Dém.,  XIX, 
169),  il  y  a  là  un  développement  naturel.  Qu'on  emploie  même  xaTeyyjav  au  sens 
de  «  remettre  comme  sûreté  »,  en  parlant  d'esclaves,  qui  sont  des  choses  et  dont 
l'engagiste  conserve  d'ailleurs  la  possession  ([Dém,],  XXXIII,  10;  cf.  Dareste, 
Plaid,  civ.,  I,  p.  203  ;  p.  215,'  n.  10),  il  n'y  a  pas  à  s'en  étonner.  —  Pour  s^eyyjTi, 

REG,  XXX,  1917,  n»  139.  19 


266  LOLIS    GERNET 

Mais  dans  le  système  inlerfamilial  des  obligations  ex  delicto^ 
qui  aussi  bien  repose  déjà  sur  une  couche  solide  de  droit,  nous 
ne  voyons  rien  de  tel;  nous  ne  voyons  rien  de  toi  dans* Homère 
ni  dans  les  coutumes  qu'un  âge  ancien  a  transmises  aux  légis- 
lations grecques  :  d'après  la  loi  de  Gortyne,  le  délinquant  reste 
enchaîné,  et  sa  famille  interpellée  le  libère  en  payant  la  com- 
position (1).  Et,  en  effet,  pourquoi  un  otage  dans  un  pareil 
régime  (2)?  En  quoi  un  autre  prisonnier  ferait-il  mieux  Taffaire 
de  la  partie  offensée  (3)  ? 

Point  d'otage  par  conséquent,  et  point  de  caution  au  sens 
individualiste  du  mot  :  mais  l'offensé  a  foi  dans  l'engagement 
solennel  qui  lui  procure,  au  sens  plein,  la  force  et  la  vertu  que 
concentre  une  association  familiale.  Ainsi  l'offensé  peut  relâ- 
cher l'offenseur  à  la  suite  d'une  promesse.  Nous  n'avons  pas 
affaire  à  des  rapports  entre  individus  :  la  société  est  présente, 
actuelle;  des  groupes  sont  en  contact.  De  la  sorte,  nous  n'avons 
pas  affaire  à  une  réalité  toute  matérielle,  à  un  régime  de  bruta- 
lité :  l'idéal  règne  (4),  et  —  nous  pouvons  l'entrevoir  dès  main- 


èÇeyyuaaôai,  cf.  Harpocration  et  Suidas,  5.  v.\  Bekker,  ^wecd.,  I,  38,  9  ;  Poil., 
VI,  177;  Andoc.  1,  44  ;  Lys.,  XXIII,  10;  Dém.,  XXIV,  40.  —  Au  reste,  nous  ne 
nions  pas  que  le  cautionnement,  quand  il  a  commencé  à  fonctionner,  ait  pu  com- 
porter Ja  tradition  d'une  personne  :  de  là  ÛTriyyjoç  dans  Hérod.,  V,  71,  au  sens 
plein  àe  ohnoxlus  ;  mais  cette  iyyûri-constitution  d'otage  est  certainement  posté- 
rieure au  régime  social  que  représentent  les  poèmes  homériques  ;  —  et  le  sens 
matériel  —  que  nous  ne  voyons  pas  qu'ait  jamais  eu  le  simple  syyuotv  —  loin  d'être 
un  sens  premier,  serait  un  sens  dérivé. 

(1)  J.  J.  G.,  I,p.  360,  col.  Il,  1.  28-36  (justement  en  cas  d'adultère).  Ceci  repré- 
sente, naturellement,  un  état  du  droit  postérieur  à  l'âge  homérique.  L'otï'ensé  ne 
se  contente  plus  d'une  parole  :  il  lui  faut  la  somme  ;  il  n'a  plus  confiance. 

(2)  La  caution-otage  se  comprend  dans  un  régime  postérieur,  où  c'est  un  autre 
individu  qui  répond  pour  le  délinquant,  en  attendant  que  celui-ci  puisse  recueillir 
des  fonds  :  c'est  à  ce  régime  que  se  rapportent  les  observations  de  Huvelin,  /.  c. 
(où  se  trahit  un  certain  embarras,  touchant  les  «  origines  »,  p.  26,  n.  4). 

(3)  Parce  qu'il  représente  la  famille?  C'est  donc  qu'il  y  a  eu  un  arrangement 
avec  la  famille  solidaire  —  comme  nous  le  soutenons  ;  mais  la  substitution  d'un 
prisonnier  à  un  autre  n'a  plus  de  raison  d'être  :  si  l'offensé  n'a  pas  confiance, 
qu'il  garde  le  premier. 

(4)  Il  est  frappant  de  voir  que  la  procédure  qui,  après  un  meurtre,  aboutit  à 
une  réconciliation  entre  deux  familles  et  fonde,  dès  le  premier  moment,  une 
obligation,  ne  nécessite  aucune  «  sûreté  accessoire  »  :  l'accord  est  sa  propre 
garantie  à  lui-même  (cf.  Glotz,  Solidarité,  p.  135  et  s.;  p.  137).  Cette  notion  de 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTHAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  267 

tenant  —  la  religion.  L' sy^urj  est  le  nom  du  contrat  interfa- 
lïiilial  qui  fonde  une  obligation  ex  deliclo  et  dont  l'élément 
capital  est  la  promesse  faite  au  nom  de  la  famille  du  délin- 
quant. 

Quant  au  vrai  cautionnement,  il  apparaît  plus  tard,  quand 
le  groupe  familial  s'est  désagrégé.  Il  est  la  garantie  nouvelle 
que  réclame  une  société  nouvelle  :  la  famille  n'est  plus  une 
force,  d'une  part,  et  le  créancier  exigera  une  sécurité  en  quel- 
que sorte  matérielle;  on  a  affaire  à  des  individus,  d'autre 
part,  et  le  créancier  exigera  une  personne  substituable  à  la 
personne  du  débiteur.  Seulement,  dans  une  évolution  morale, 
la  discontinuité  n'est  jamais  absolue  :  le  régime  antérieur  au 
cautionnement  se  prolonge  dans  le  cautionnement  (aussi  bien, 
la  caution  est-elle  souvent  un  parent).  La  promesse  pour  un 
isolé  ne  vaut  rien,  l'attestation  solennelle  de  la  solidarité 
familiale  a  une  valeur  irréfutable  —  telle  était  la  double 
morale  du  récit  homérique.  Et  dans  le  régime  postérieur,  selon 
le  degré  d'individualisme  que  comportait  la  société  (1),  cette 
notion,  assez  une  au  fond,  a  bifurqué  jusqu'à  des  contradic- 
tions. Aniinomie  de  principes  qui  traduit  une  différence  cer- 
taine dans  la  structure  morale  du  Grec  et  du  Romain.  Le 
Romain  dit  :  On  ne  s'engage  pas  pour  autrui  ;  on  ne  peut  que 
promettre,  pour  son  propre  compte,  la  même  prestation.  Et  le 
Grec  :  On  peut  promettre  le  fait  d'autrui  ;  on  conçoit,  qui 
l'autorise,  une  solidarité  assez  intime  entre  les  individus. 


Mais   râyyuïi  est-elle  seulement  la  promesse  qui  fonde  une 
obligation  ex  delicto  ?  Il  y  a  aussi  une  eyyuri  dans  le  mariage  : 


l'accord  est  naturellement  bilatérale  :  et  c'est  ce  que  traduit  l'emploi  du  verbe 
aï6ea8ai,  qui  peut  avoir  pour  sujet  aussi  bien  l'ofïenseur  et  son  yévoc;  que  la  partie 
offensée  (voir  là-dessus  les  conclusions,  définitives,  de  Glotz,  o.  ^.,p.  102,  n.  4). 
(1)  Individualisme  très  relatif  encore,  bien  entendu,  même  à  Rome  où  les 
bénéfices  de  division  et  de  discussion  n'appartiennent  pas  au  droit  ancien. 


268  LOUIS    GERNET 

entre  les  deux  emplois  du  mot,  n'y  a-t-il  pas  quelque  rapport? 
Partsch  en  a  vu  un,  et  il  en  tire  argument. 

A  l'époque  classique,  nous  savons  que  le  mariage  est  pré- 
cédé d'un  acte  par  lequel  celui  qui  a  autorité  sur  la  jeune  fille, 
son  xupioç,  déclare  la  donner  en  mariage  :  le  xùpwç  dit  syvuw,  le 
mari  ou  futur  mari  dit  lyruiù^cci  (Hérod.,  VI,  130).  Mais  le 
xupwç  dit  aussi,  dit  même  plus  souvent  SiSwuii.  L'syyuT,  est 
synonyme  de  rsxooo-if;  et  paraît  signifier  le  fait  de  mettre  la 
jeune  fille  à  la  disposition  du  mari.  Sur  quoi  Partsch  raisonne 
ainsi  (i)  :  à  Torigine,  cautionner,  c'est  se  mettre  entre  les 
mains  du  créancier;  le  verbe  actif  syyjàv  signifie  «  mettre 
entre  les  mains  »,  et  c'est  ainsi  que  les  anciens  déjà  expli- 
quaient le  mot  (les  anciens,  en  l'espèce,  c'est  Eustathe,  Hésy- 
chius,  Suidas,  c'est  VEtt/mologicon  Magîium  et  le  Lexicoîi 
Seguerianîim)]  et  ce  verbe  actif  s'applique  tout  spécialement  à 
l'acte  unilatéral  de  qui  remet  une  jeune  fille  aux  mains  de  son 
mari  :  sans  doute,  cet  âyyuw  a  pour  corrélatif,  dans  nos  textes, 
un  £yyu(ojji.a5.,  mais  c'est  là  «  une  formation  secondaire  »  [eine 
sekimdàre  Bildimg)^  en  vertu  de  laquelle  l'idée  de  prestation  a 
entraîné  celle  de  contrat,  et  l'idée  de  contrat  celle  d'un  co-con- 
tractant. 

Qu'il  entre  dans  cette  déduction  une  part  d'hypothèse,  on  le 
voit  bien.  Cependant,  pour  écarter  d'emblée  une  hypothèse,^ 
c'est  insuffisant  qu'on  n'en  puisse  faire  la  vérification  directe  : 
ce  qui  est  grave,  c'est  que  les  notions  qu'on  prête  à  une  société 
ne  soient  pas  fondées  sur  une  réalité  assez  résistante;  ce  qui 
est  dangereux,  c'est  d'opérer  sur  ces  notions  tout  idéales  par 
une  dialectique  qui  ne  saurait  être  prêtée  à  la  conscience  col- 
lective sans  «  artificialisme  ».  Or  admettre  pour  syyuri  le  sens 
propre  qu'on  a  prétendu,  c'est  admettre,  antérieur  au  caution- 
nement qu'on  croit  reconnaître  chez  Homère,  la  réalité  d'une 


(1)  Nous  ne  croyons  pas  que  ce  soit  trahir  la  pensée  de  Partsch  d'en  faire 
saillir  les  articulations  logiques  :  nous  n'entendons  pas  réduire  sa  thèse  à 
l'absurde;  elle  est  fort  cohérente,  et  il  s'agit  seulement  de  dégager  les  hypo- 
thèses qu'elle  implique. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  269 

traditio  sut  dont  nous  n'apercevons,  chez  Homère  ou  avant 
lui,  ni  Texistence,  ni  la  raison  d'être.  —  Accordons  le  sens 
propre  :  il  faudra  passer  au  verbe  syyuàv  et  accepter  que  l'idée 
de  cet  syyuàv,  dont  l'expression  ne  trouvait  pas  sa  place  dans  le 
cautionnement,  dans  la  re'alité  juridique  qu'on  dit  la  première, 
en  ait  cependant  été  dégagée,  puis  transposée.  Entendon,s 
bien  :  ce  n'est  pas  du  contact  avec  le  droit  vivant  qu'aura 
surgi  dans  les  esprits  la  notion  nouvelle  ;  ce  n'est  pas  la  sen- 
sation immédiate  et  incontestable  d'un  acte  solennel  qui  se 
sera  traduite  dans  cet  èyyuâv  :  de  rsyyuri-caution,  on  ne  pour- 
rait guère  tirer  qu'un  eyyuàv-contraindre  (1)  ;  il  s'agit  d'une 
réflexion  toute  raisonnable  sur  le  nom  :  désintéressement  spé- 
culatif dont  la  sémantique,  en  fait  de  droit,  n'otîre  pas  d'ana- 
logue. Et  nous  ne  connaissons  aucun  exemple  de  syyuâv  au 
sens  de  tradere  en  dehors  du  mariage  (2)  :  car  le  témoignage 
des  grammairiens  ne  nous  suffit  pas.  —  Et  puis,  qu'est-ce 
que  cet  £yyuw[jia(.  qui  n'aurait  d'autre  titre  que  d'être  le  moyen 
de  son  actif  ?  Qu'est-ce  que  ce  co-contractant  qui  n'aurait 
d'autre  raison  d'être  que  le  besoin  tout  intellectuel  d'un  corré- 
latif ?  'Eyyuâo-8at,  dans  le  cautionnement  ou  dans  le  pré-cau- 
tionnement comme  on  voudra  —  toujours  primitif  par  hypo- 
thèse —  aurait  une  valeur  très  forte  :  se  tradere  in  potestatem 
alicujus  ;  dans  le  contrat  par  lequel  on  remet  une  jeune  fille  à 
sjn  mari,  il  exprimerait,  sans  plus,  le  fait  de  la  recevoir  (3). 
Arguer  d'une  espèce  de  dialectique  grammaticale,  la  justifica- 
tion serait  un  peu  pauvre. 

(1)  On  l'en  a  tiré  d'ailleurs,  dans  les  composés.  Voir  plus  haut,  p.  265,  n.  1. 

(2)  Nous  ne  nions  pas  d'ailleurs  que  la  pensée  sociale  n'ait  pu  travailler  sur  le 
mot  syyoâv  employé  en  matière  de  mariage,  et  qu'à  l'époque  classique,  la  syno- 
nymie de  lYyjâv  et  StSovat,  le  souvenir  obscur  de  l'étymologie  du  mot  n'aient  pu 
y  insinuer  l'idée  de  tradere  (on  remarquera,  à  ce  point  de  vue,  la  composition 
même  du  mot  éyyûr.atî,  avec  le  suffixe  -tis  des  noms  d'action  ;  ou  les  formes 
évôyÔTiai,  èYYsyj-r^xa,  etc.,  que  donnent  parfois  les  mss.  d'Isée  et  de  Démosthène). 
En  tout  cas,  rien  n'est  décidé  par  là  quant  à  la  valeur  primitive  du  terme. 

(3)  Si  le  contrat  était  devenu  synallagmatique,  on  comprendrait,  à  la  grande 
rigueur,  un  èyyuwjiai.  de  développement  réoent.  Mais  à  l'époque  classique,  il  ne 
l'est  guère.  Nous  verrons  qu'il  a  dû  l'être  pleinement,  au  contraire,  aux  origines  : 
juste  l'inverse  du  postulat. 


270  LOUIS    GERNET 

Ainsi  nous  ne  saurions  accepter  la  déduction  tout  abstraite 
par  quoi  l'on  voudrait  passer  de  reyyuïi-caution  à  Vè^vù-ri  matri- 
moniale. Opposons  hypothèse  à  hypothèse,  et  demandons- 
nous  si  le  sens  que  nous  avons  été  amené  à  donner  à  eyyuTi 
dans  le  passage  homérique  ne  sera  pas,  là  encore,  satisfaisant; 
demandons-nous  si  l'on  ne  peut  pas  expliquer  riyyuri  du 
mariage  par  reyyÙTi-contrat. 

Et  ici  je  remarque  d'abord  que  des  analogies  certaines  auto- 
risent le  passage  de  celle-ci  h  celle-là  :  la  plus  nette,  la  plus 
probante  est  celle  que  fournit  le  latin  sponsalia.  Seulement 
ceci  n'a  qu'une  valeur  de  suggestion.  La  question  grave  est 
celle-ci  :  si  eyyuYi  signifie  contrat,  il  implique  l'existence  de 
deux  parties;  or  l'eyy'jri  du  mariage,  à  l'époque  classique, 
c'est-à-dire  au  seul  moment  oii  qous  la  connaissons  directe- 
ment, n'est  guère  qu'unilatérale. 

Mais  nous  soulèverons  un  problème.  On  a  beaucoup  discuté 
sur  riyyuYi  en  droit  classique.  Et  il  semble  bien  que  l'impor- 
tance de  la  chose  ne  soit  pas  en  rapport  avec  la  gravité  du 
mot.  L'£yyLiYia-',ç  se  confond  avec  la  o6a-i.ç  et  paraît  être  l'acte 
constitutif  du  mariage  :  pourquoi  deux  termes?  —  Il  arrive 
qu'une  £yy'jYiT(.ç  ne  soit  pas  suivie  du  mariage,  et  alors  le  futur 
ne  doit  que  la  dot,  s'il  a  reçu  une  dot,  avec  les  intérêts 
(Dém.,  XXVII,  17)  :  elle  ne  serait  donc  plus  qu'une  formalité 
sans  grande  conséquence?  Or  il  est  visible  que  le  mot  n'a  pu 
avoir  —  quelles  que  soient  la  signification  et  la  portée  de 
l'institution  à  l'âge  des  orateurs  —  qu'une  valeur  considé- 
rable, une  valeur  quasi-rituelle.  Il  en  est  ainsi  dans  les  plus 
anciens  textes,  par  exemple  dans  la  formule  législative  qu'on  lit 
dans  le  second  Contre  Stéphanos  (1)  :  7\^  av  èyyuYia-yi  IttI  Stxaio»,; 
8à[xapTa  slva'.  vî  TiaTTip  xtX.  A  la  thèse  de  Partsch  (2)  qu'il  s'agit 


(1)  [Dém.],  XLVI,  18.  L'antiquité  relative  de  la  loi  est  garantie  par  l'emploi 
du  mot  Sajxap,  vieux  mot  qui  a  cessé  d'être  en  usage  dans  Tattique  (Euripide  en 
présente  encore  quelques  exemples)  et  qui  reparaît  dans  un  passage  fameux 
(Dém.,  XXlll,  o3)  de  la  loi  de  Dracon  (cf.  Beauchet,  o.  l.,  I,  p.  38). 

(2)  0.  L,  p.  51,  n.  5. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  271 

d'une  espèce  de  prestation  réelle,  l'expression  stcI  owaiow  oppose 
une  difficulté  plus  grave  :  £7tl  8!.xa'lo!.ç,  c'est  suivant  les  formes 
coutumières  (1)  ;  et  il  est  même  difficile  de  penser  que  l'expres- 
sion ne  rappelle  pas  des  actes  religieux  (2),  des  rites  définis. 
En  tout  cas,  c'est  bien  sur  l'idée  du  formel  que  le  mot  kyyù'/]  fixe 
encore  la  pensée.  Il  ne  faut  pas  l'expliquer  par  le  terme  prati- 
quement synonyme  de  o!.ô6va!.,  sxo'.ôovat.  auquel  on  prêterait  la 
valeur  qu'on  voudrait,  celle  de  tradition  brute  :  quand  on  cons- 
tate que  syyuàv  est  beaucoup  moins  employé,  à  l'époque  clas- 
sique, que  ces  synonymes  qui  ont  en  soi  une  signification  plus 
matérielle  (3),  on  est  amené  à  penser  que  c'est  un  mot  déchu. 
Et  si  c'est  un  mot  déchu,  c'est  qu'il  a  dû  désigner,  dans  le 
principe,  ou  un  acte  qui  a  disparu,  ou  un  acte  qui  a  perdu  sa 
valeur,  et  qui  tirait  son  prestige  de  l'accord  solennel  qu'il 
fondait.  Nous  n'aurions  pas  besoin  d'aller  plus  loin  pour  dire  : 
ce  n'est  pas  d'une  main- mise  matérielle,  d'une  espèce  de 
brutalité  consentie,  que  l'institution  dérive;  Tessentiel  est 
ailleurs  :  il  est  dans  une  notion  d'ordre  religieux,  sinon  de 
nature  religieuse. 

Mais  nous  ne  nous   en  tiendrons    pas  là  :   la  question  de 
l'sYyuYi  matrimoniale  est  assez  grave  en  elle-même,  elle  peut 


(1)  C'est  du  reste  ainsi  que  le  comprend  Beauchet,  o.  /.,  I,  p.  139.  L'cyyuficni; 
i^X  Stxaîot;  fait  songer  à  la  signification  primitive  des  justae  nuptiae.  Nous 
traitons  ailleurs  de  cet  emploi  du  mot.  Contentons-nous  d'observer  que 
Sixaioiç,  après  s'être  appliqué  aux  formes  coutumières,  qualifie,  en  vertu  d'un 
développement  attendu,  la  validité  des  opérations  juridiques  (dans  la  loi  de 
Gortyne:  cf.  Zitelmann,  Das  Recht  von  Gortyn,  p.  58),  la  régularité  ([Dém.],  XLII,  4) 
ou  la  légalité  (Hyper.,  Pour  Eux. ^1^)  des  procédures.  Pour  les  formes  coutu- 
mières du  mariage  primitif,  cf.  [xvàaOai  Sixaîwç  {%  90).  —  Quant  aux  syYÛai  ]^\ 
8txa(oi  dont  parle  Hyper,  (iô.,  16),  elles  se  rapportent  à  autre  chose,  et  l'expres- 
sion résulte  d'un  travail  de  pensée  récent  —  et  plus  ou  moins  personnel  à 
l'orateur. 

(2)  L'adjectif  ou  l'adverbe  s'appliquent  d'ailleurs  volontiers  à  l'idée  de  pureté 
ou  de  convenance  religieuse  (Esch.,  Eumen.,  56;  Lys.,  XXVI,  9;  Michel,  n»  82  A, 
1.  8  sqq.,  etc).  —  Sur  le  mariage  considéré  comme  téXoç,  les  indications  de 
Fustel  {Cilé  a?it.,  II,  2)  conservent  toute  leur  valeur. 

(3)  Si  nous  comparons  avec  les  seuls  emplois  de  èvcSiSovai,  plus  technique, 
ceux  de  èyyuav  et  de  syyuàa6at,  nous  voyons  qu'ils  sont  dans  les  discours 
démosthéniques  au  nombre  de  32  contre  14. 


272  LOUIS    GERNET 

nous  ouvrir  assez  dé  jour  sur  les  origines  du  contrat  en  géné- 
ral pour  mériter  de  nous  retenir. 


II 

h'èyyÙ-/]    CONTRAT    DE    FIANÇAILLES. 

D'un  mot,  nous  dirons  d'abord  que  ïlyyù-ri  de  l'époque 
classique  est  inintelligible  par  elle  seule,  et  qu'elle  ne  se  peut 
entendre  que  dans  son  passé. 

Certainement,  aux  v^  et  iv^  siècles,  c'est  encore  un  acte  qui 
paraît  considérable.  C'est  un  acte  nécessaire  :  les  justae  nuptiae 
l'exigent,  et  la  filiation  légitime  le  suppose  ;  le  père  de  famille, 
en  introduisant  un  enfant  dans  la  phratrie,  doit  jurer  yi  [jiriv 
£^  ào-Triç  xal  èyyuriTTiç  Y'Jvat.xoç  elo-àvELV  (1).  C'est  un  contrat,  dont 
les  textes  législatifs  indiquent  nominativement  quelles  sont  les 
personnes  qui  ont  droit  de  le  passer  (2).  Du  contrat,  il  a  les 
caractères  essentiels.  Il  comporte  objet,  cause,  capacité.  Ce 
n'est  pas  le  consentement  pur  et  simple  qu'il  implique^  mais 
la  rencontre  des  volontés,  avec  les  mêmes  exigences  rigou- 
reuses que  le  droit  romain  le  plus  ancien  :  des  formules, 
comme  dans  la  sponsio,  s'y  font  écho,  elles  s'y  manifestent 
comme  un  élément  capital  (3)  ;  et  quand  l'èyyùyi  est  repré- 
sentée par  la  oô'7'.c,^  que  nous  avons  vu  qui  lui  équivaut,  le 
contrat  n'est  parfait  que  par  l'acceptation  de  l'époux  (4).  Par 
autre  chose  encore,  il  se  distingue  du  niidum  pactum  :  il 
admet  des  formes  solennelles  auxquelles  fait  allusion,  nous 


(1)  Isée,VIII,  19;  cf.  8  sq.  ;  ITl,6.  —  Dém.,  LVII,  41  ;  XLVI,  18;LIX,  60;  XLIV, 
49.  Cf.  Platon,  Rép.,  V,  461  B. 

(2)  Loi  citée  dans  [Dém.],  XLVI,  18;  Platon,  Lois,  VI,  774  E  ;  cf.  Pollux,  III, 
34,  35. 

(3)  Hérodote,  VI,  130  :  «  tw  Se  'AXxaswvoç  MsyaxXÉV  èyyutù  TcatSot  x^y  è\).Ty 
'AyapiîTTiv    vofxoiai    xoTai  'Aôr^vaiiov.    »     4>a{j.évou    ôè    lyyuâaSai     MeyaxXéo;... 

(4)  Ténos,  décret  de  la  tribu  des  Eleithyéens  (H.  Demoulin,  Musée  Belge,  VIII, 
p.  90),  1.  6  sq.  :  MT|6e'.0î  [xèv  è(x)  ô  iSô  [jx]  s  voç  autwi  tV  OuyaTÉpa,  SojvtaÔTiç  Se 
Xa[j.6âva)v. .. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  273 

Tavons  vu,  l'expression  du  législateur  stzI  oua-loiç  iyyuâv;  il 
est  passé  normalement  devant  témoins  (1). 

Mais  déjà  tout  cela  ne  va  pas  sans  difficultés  ou  obscurités. 
Pour  commencer  par  la  fin,  la  présence  des  témoins  est-elle 
exigée  ad  solemnitatem?  Avons-nous  ici  quelque  chose  d'ana- 
logue, par  exemple,  aux  dix  témoins  de  la  confarreatio  romaine? 
Evidemment  non.  Rien  n'indique  que  le  nombre  ou  la  qualité 
des  témoins  soit  fixé,  que  leur  présence  soit  requise  à  peine 
de  nullité.  Les  textes  qui  en  parlent  n'en  parlent  très  expres- 
sément, que  comme  d'une  sûreté  que  l'on  se  donne  (2).  Sûreté 
qui  n'est  même  pas  obligatoire  :  le  témoignage  n'est  pas  plus 
exigible  ad  probandum  que  ad  solemnitatem  ;  les  mêmes  textes 
le  laissent  bien  voir,  et  à  l'occasion  un  plaideur  discutera,  sur 
des  indices  et  rien  que  sur  des  indices,  la  question  de  fait  si 
une  eyyuYi  a  eu  lieu  ou  non  (3).  Du  même  coup,  c'est  l'exigence 
juridique  des  formes  ou  solennités  qui  se  trouve  atteinte  :  elle 
ne  saurait  plus  exister  pratiquement.  x\ussi  bien,  quiconque  y 
a  regardé  de  près  ne  discutera  pas  là-dessus;  et  tels  auteurs, 
Hruza  notamment,  qui  font  de  reyyuYi  une  Ehebegrûndting, 
sont  les  premiers  à  insister  sur  le  caractère  essentiel  du  for- 
malisme, qui  est  de  n'être  pas  obligatoire  (4).  Mais  voilà,  sem- 
ble-t-il,  qui  est  grave  ;  voilà  qui  devait  arrêter.  Que  peut-être 
un  pareil  formalisme?  Un  souvenir.  Il  n'a  pas  pu  se  plaquer, 
à  un  certain  moment,  sur  un  contrat  qui  ne  le  comportait  pas 
dans  le  principe  :  il  est  rare,  dans  l'histoire  du  droit,  que  des 

(1)  Isée,  III,  29;  Dém.,  XXX,  21;  XLI,  6;  LVII,  41. 

(2)  Isée,  m,  29  : xal  [xapxupàç  yô  ttoXXw  -jtXsîouç  tôv  iyyuwvTa  (àv)  irapaxaXsîv 

i\  t6v  syyuw[xevov  tV  TOiatJTT;v  •  oûSslç  yàp  uixwv  àyvoer  oTt  ôXtya  Siajiévsiv  stwôc  twv 
ToioÛTtov.  Cf.  Dém.,  XXX,  21,  où  il  s'agit  d'abord,  à  vrai  dire,  d'une  constitution 
de  dot  (mais  cf.  infra)  :  oùô'  àv  elç...  toioûtov  (TuvaXXay[xa  Ttoio'jjxevo;  àiiapTupax; 
àv  lirpa^ev  *  àXK%  xîùy  toioôtojv  ëvsxa  xal  yajxouç  Tioioûjxev  xal  xoù;  àvayvtaiOTâxouç 
TiapaxaXoûjxev,  ôxi...  aSsX'fwv  xal  Ouyaxépwv  pîouç  £yj(etp{!Jo[JLev,  urckp  wv  xàç  àd'faXsta; 
|JiaXi(Txa  ax.OTTOUfxev. 

(3)  Isée,  III,  35-38. 

(4)  Hruza,  die  Ehebegrtlndung  nacfi  attischen  Re.chle,  p.  77,  nie,  contre  Meier, 
jusqu'à  l'exigence  des  formules  solennelles.  Pour  ce  qui  est  des  témoins,  voir 
Beauctiet,  Hist.  du  droit  privé  de  la  républ.  athén.,  l,  pp.  120  sq.  ;  278  sq.  ; 
323.  Cf.  E.  Leisi,  der  Zeuge  im  attischen  Recht,  p.  144. 


274  LOUIS    GERNET 

contrats  deviennent  solennels  qui  ne  l'avaient  pas  toujours 
été;  quand  ils  le  deviennent,  comme  il  est  arrivé  dans  notre 
droit,  c'est  l'etTet  de  besoins  spéciaux,  et  alors  on  n'a  pas 
entendu  faire  du  formalisme  une  «  formalité  »,  mais  une  con- 
dition exigible.  —  Les  solennités  sont  donc  anciennes,  comme 
d'ailleurs  on  peut  s'y  attendre  en  pareille  matière.  Mais 
si  elles  sont  anciennes,  elles  ont  dû  être  indispensables  dans  le 
passé.  Car  le  contrat  formel  est  antérieur,  d'une  manière 
générale,  au  contrat  consensuel  ;  et  surtout,  on  ne  compren- 
drait pas  un  formalisme  qui,  dès  les  origines,  n'aurait  servi  à 
rien,  n'aurait  pas  été  de  l'essence  même  du  contrat  (1).  En 
revanche,  qu'il  se  soit  maintenu  sans  que  l'obligation  comporte 
de  sanction  dans  un  régime  de  justice  organisée,  la  chose,  de 
soi,  est  très  concevable  (2).  Un  résultat  se  trouve  donc  acquis, 
et  une  question  posée,  par  l'examen  des  modalités  du  contrat. 
Considérons-nous  le  contrat  en  tant  que  tel?  Môme  indica- 
tion. —  La  convention  a  eu  lieu.  La  jeune  fille  a  été  accordée  à 
l'époux.  L'époux  acquiert-il  un  droit?  C'est  selon  :  quand  Vey- 
yÙTja-iç  n'est  pas  accompagnée  de  la  consommation  du  mariage, 
on  ne  voit  pas  que  l'époux  puisse  contraindre  le  y^ùpioq  à  lui 
livrer  la  femme  (3).  Là-dessus  aussi,  accord  rare  :  et  c'est 
encore  les  auteurs  qui  tiennent  Vèyyùi]7iq  pour  Ehebe g ?H'mdung, 
qui  insistent  (4).  Mais  alors,  qu'est-ce  qui  reste  du  contrat? 

(1)  Quant  aux  témoins,  se  rappeler,  par  exemple,  les  douze  fastars  de  Tancien 
droit  suédois  qui  assistent  notamment  à  la  remise  des  arrhes  pour  une  fiancée, 
et  que  Kovalewsky  [Loi  anc.  et  coût,  cont..,  p.  107)  croit  avoir  été  d'abord  des 
parents  (cf.  Auiira,  Nordgerman.  Ohligaf.-rechl,  p.  270). 

(2)  Il  va  sans  dire  que  cela  n'a  pu  se  produire  qu'en  vertu  de  l'indifférence 
grecque  pour  le  formalisme.  A  Rome  —  et  ceci  reste  d'accord  avec  ce  que  nous 
avons  indiqué  ^-  les  faits  sont  différents  :  les  modes  d'acquisition  de  la  manus  — 
sauf  Vusus,  naturellement  —  sont,  et  sont  restés,  des  modes  solennels. 

(3)  On  dira  :  si  le  xûpioî  ne  transmet  pas  de  droit,  c'est  que  le  mariage  grec 
n'est  pas  du  tout  une  conventio  in  manum  ;  et  on  ne  manquera  pas  de  citer  ce 
passage  du  Contre  Spoudias  (Dém.,  XLT,  4)  oti  a  l'on  cru  voir  que  le  père  avait  le 
droit,  tout  comme  dans  le  mariage  romain  sans  manus,  de  reprendre  sa  fille 
une  fois  mariée.  Mais  d'abord,  ce  dernier  point  est  douteux  (cf.  Dareste,  Nouv. 
Et.,  p.  63).  Et  puis,  la  question  reste  entière. 

(4)  Hruza,  o.  L,  p.  43;  Beauchet,  o.  l.,  I,  p.  120;  cf.  Meier-Schômann,  der 
Att.  Proz.,  éd.  Lipsius,  p.  308. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PBIMITIF    EN    GRÈCE  275 

Au  vrai,  on  sent  bien  que  c'est  sa  signification  môme,  et  sa 
portée,  qui  sont  en  cause.  Et  sur  ce  point,  c'est  l'incertitude  : 
incertitude  qui  s'est  traduite  dans  la  divergence  des  thèses,  dans 
une  antinomie  dont  on  ne  voit  pas  qu'on  puisse  sortir. 

La  ttièse  la  plus  développée,  c'est  celle  de  Hruza,  qu'en 
France,  M.  Beauchet  a  reprise  (1)  :  V kyyùr^Œ^.q  est  l'acte  consti- 
tutif du  mariage.  Certes,  pareille  théorie  se  réclamera  des 
textes  et  des  faits;  on  peut  même  avancer  qu'elle  est  d'accord 
avec  la  doctrine  qu'aurait  produite  un  «  prudent  »  d'x4thènes, 
si  d'ailleui's  il  y  avait  eu  des  «  prudents  »  à  Athènes.  En  fait, 
qu'est-ce  qu'une  femme  mariée?  C'est  une  femme  eyYUYiT'/j. 
On  dira  (2)  qu'à  V èyyùr\(Ti<;  il  faut  que  le  yàtjLoç  s'ajoute  pour  que 
le  mariage  soit  parfait  :  mais  on  ne  voit  pas  que  le  yàf^oç  ou 
l'union  physique  (3)  soit  défini  autre  chose  qu'un  fait  brut, 
qu'il  lui  soit  attribué  un  sens  ou  un  effet  juridique  (4);  nuptias 
non  concuhitus  facit.  En  revanche,  la  loi  citée  dans  le  second 
Contre  Stéphanos,  et  que  nous  avons  déjà  rappelée,  implique 
que  r  £YYuri^?.ç,  par  elle-même,  confère  la  qualité  d'épouse  : 
viv  av  eryurjO-TT]...  SàjjiaoTa  slvau  Nous  savons  aussi  que  ^yy^av  a 
pour  synonyme  avéré —  au  iv^  siècle  —  sxSiSovat,,  lequel  indique 


(1)  C'est  la  thèse  essentielle  de  l'ouvrage  de  Hruza  (voir  notamment  p.  36)  ; 
cf.  Beauchet,  o.  L,  I,  p.  124.  Elle  est  adoptée  purement  et  simplement  par 
G.  Gilbert,  Handhuch,  I^,  p.  209  et  n.  1.  Voir  aussi  Thumser,  cité  infj^a. 

(2)  C'est  la  théorie  de  Bûrmann,  in  Jahvb.  f.  class.  PhiloL,  IX.  Suppl.-Bd.,  qui 
a  greffe  là-dessus  l'hypothèse  d'un  concubinat  légitiuie  conclu  par  simple  £YyÛT,ais 
et  distinct  du  mariage  régulier  fondé  sur  iyyÛTiaiç  plus  yi\xo<;.  Destinée  à  donner 
tout  de  même  un  sens  à  1'  èyyjïiatî,  elle  n'a  guère  eu  de  succès.  Gilbert,  qui  l'avait 
d'abord  adoptée,  avoue  ses  doutes  dans  la  seconde  édition  du  Handbuch,  p.  210. 

(3)  Voir  la  définition  de  Clément  d'Alexandrie,  Strom.,  II,  23  :  ya[ioç  [xàv  ouv 
lorxi  aûvoSoç  àvSpàç  xal  yuvaixài;  r\  irpwTT,  xarà  vd,aov...;  cf.  Arist.,  'A0.  IloX.,  III, 
5  :  è'xt  yàp  xal  vuv  Tf,<;  xoû  paat>.éw(;  yuvaixôç  i\  <7Û  [jljjl  s  i^  iç  èvxauOa  (au  Boukolion, 
le  second  jour  des  Anthestéries)  y^yvsxai  xw  AtovuTw  xal  ô  yâ[xoî.  Il  est  vrai  que 
ya[j.o<;,  chez  Homère,  signifie  le  banquet  nuptial  :  mais  bien  qu'il  reste  des  traces 
de  ce  sens  à  l'époque  classique  (Dém.,  XXX,  21),  il  ne  paraît  plus  y  être  fonda- 
mental. 

(4)  Sauf  le  cas  spécial  du  mariage  avec  une  fille  épiclère  :  une  loi  de  Solon 
permet  de  rompre  ce  mariage  en  cas  d'impuissance  de  l'époux  (Plut.,  Solon,  XX, 
qui  a  été  interprété  par  Dareste,  Nouv.  Et.,  pp.  31  et  s.),  et  comporte  même  une 
définition  de  l'impuissance  légale.  Mais  c'est  un  cas  spécial.  Et  il  n'y  a  pas  eu 
lyyÛTiaiç. 


276  LOUIS    GERNET 

la  tradition  de  la  jeune  fille  à  l'époux  :  les  textes  législatifs 
emploient  l'un  ou  l'autre  mot,  arbitrairement  (1).  On  pourra 
invoquer  aussi  la  description  la  plus  nette  que  nous  ayons  d'une 
syYUYia-',;,  le  récit  du  mariage  d'Agaristè  dans  Hérodote  (VI, 
130)  :  nous  y  voyons  qu'après  l'échange  des  paroles  sacramen- 
telles, le  mariage  est  définitif,  exs/upto-o  6  yà[jLoç  —  Hérodote 
emploie  même  le  plus-que-parfait,  dont  on  sait  la  valeur.  — 
La  théorie  se  présente  bien  (2). 

Oui,  mais  cette  syyuTia-iç  qui  doit  conclure  ne  conclut  rien. 
En  une  note  brève  et  tout  à  fait  pertinente  (3),  Dareste  a  fait 
justice  de  la  thèse  de  Hruza.  Il  n'y  a  rien  à  répliquer  à  ce  fait 
que  la  mère  et  la  sœur  de  Démosthène,  données  en  mariage 
par  eyyuTiT^  (Dém.,  XXVIII,  15,  16),  n'ont  été  épousées  ni 
l'une  ni  l'autre  par  1' syyuwpievo;  iicl.^  XXVII,  17).  L' syyuwp-svoç 
a  pourtant  dû  ester,  répondre  ;  il  n'y  a  pas  eu  mariage.  Mais 
qu'est-ce  que  l' syyuri  ?  Elle  ne  sert  plus  à  rien.  Il  est  dit,  expres- 
sément, qu'elle  fonde  l'union  conjugale  :  elle  ne  la  fonde  pas. 

C'est  bien  le  sentiment  de  ces  difficultés  qui  a  suscité  cer- 
taines interprétations  destinées  à  sauver,  pour  ainsi  dire, 
r  eyyuYio-!.;.  On  a  parlé  de  contrat  de  fiançailles  :  c'était  comme 
qui  dirait  la  doctrine  classique  avant  l'ouvrage  de  Hruza  (4); 
c'est  celle  à  laquelle  parait  encore  adhérer,  un  moment, 
Dareste  (5).  Nous  y  reviendrons;  mais  observons,  après  ce  que 

(1)  A  l'êyyuâv  de  la  loi  ap.  [Dém.],  XLVI,  18,  correspond  rèxSiSovai  de  la  loi 
ap.  [Dém.],  LIX,  52;  cf.  loi  citée  [Dém.],  XLIII,  18  ;  Beauchet,  o.  L,  I,  p.  141. 

(2)  Il  est  bon  d'observer  que  ladite  théorie,  qui  serait  pourtaat  le  meilleur  fon- 
dement logique  de  la  dérivation  sémantique  admise  par  Partsch,  ne  s'en  accom-' 
mode  point.  Thumser  qui  la  reprend  ('Eyyu-riatç,  yaiir.Xia,  è-TriSt^aata  in  SeiHa  Harte- 
liana,  Vienne,  1896,  pp.  189-192)  insiste  sur  ce   que  l'IyyuTiaiî  est  un  contrat  de 
mariage  au  sens  moderne  :  il  ne  faut  pas  penser  à  lyyuav  =  einhàndigen. 

(3)  Quest.  de  droit  grec,  IT.  Le  mariage  et  la  famille  à  Athènes,  dans  les 
Nouvelles  Études  d'histoire  du  droit,  p.  61.  Aux  cas  des  Contre  Aphobos  on 
pourrait  ajouter  celui  d'Isée,  VI,  22. 

(4)  Voir  la  bibliographie  —  elle  est  assez  abondante  —  dans  Beauchet,  art. 
Matrimonkjm  du  Dict.  des  Antiq.,  p.  1640,  n.  11. 

(5)  L.  c.  Dareste  invoque  la  formule  de  Platon,  Lois,  XI,  924  D,  -fi  jxèv  5v  lyye- 
yuT,}X£vO(;  wç  œ/r,p  èaotxsvoî  t,  qui  flgure  incidemment  dans  un  autre  chapitre  que 
celui  de  rèyyûri,  et  qu'on  peut  retenir  à  titre  de  souvenir,  mais  non  pas  de  docu- 
ment (cet  emploi  de  èyyuàv  au  passif,  et  parlant  du  fiancé,  est  d'ailleurs  isolé). 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  277 

nous  avons  dit,  que  ce  n'est  pas  là  la  repre'sentalion  qu'on  se 
fait  de  F  sYyuïj  à  l'époque  classique,  pas  plus  au  v*'  siècle  chez 
Hérodote  qu'au  iv«  chez  les  orateurs.  —  Dans  Ilermann- 
Bllimmer  (1),  suivi  par  les  éditeurs  des  Inscriptions  juridi- 
ques (2),  —  dont  Dareste,  qui  ne  devait  pas  être  hien  sûr  (3)  — 
nous  rencontrons  une  hypothèse  un  peu  désespérée  :  l'èyyuyi 
serait  l'acte  par  lequel  est  attestée  la  filiation  légitime  de  la 
jeune  fille  donnée  en  mariage.  Cette  opinion  spéciale  reste  une 
opinion  isolée.  Nous  ne  voyons  pas  qu'il  soit  question  de  pareille 
chose  dans  la  formule  même  de  V  lyyù-ri^nq  :  si  on  l'y  a  vue  ou 
si  on  l'y  a  mise,  c'est  parce  qu'Isée  parle  quelque  part  (III, 
52  ;  55)  de  syyuâv  w^  e^  l-caipaç  otjo-av  ;  d'où  Ton  conclut  que 
eyyuàv  employé  seul  garantit  la  filiation  légitime.  Mais  le  texte 
du  Contre  Léocharès  ([Dém.J,  XLIV,  49)  auquel  on  renvoie  ne 
suggère  pas,  pour  le  mot  lui-même,  un  pareil  sens  ;  et  le  texte 
d'Isée  est  précisément  la  preuve  qu'il  peut  y  avoir,  à  la  rigueur, 
£yyuYl(n<;  sans  filiation  légitime  (4)  ;  or  la  déclaration  que  serait 
l'âyyÛYlo-^  ne  rentrerait  plus  dans  le  cadre  d'un  acte  juridique 
défini  si,  dans  l'hypothèse  oii  l'on  se  place,  elle  ne  servait  pas 
à  garantir  le  fonctionnement  d'un  régime  de  connuhium. 

iNous  sommes  toujours  rejetés  dans  la  même  direction.  Et 
positivement,  il  y  a  des  indices  que  l' syyùri  du  iv®  siècle  est 
une  survivance  —  une  survivance  que  l'on  a  d'ailleurs  adap- 

(1)  Griech.  Privalaltert,  pp.  261-262. 

(2)  1,  pp.  52-53.  Cf.  Beauchet,  o.  L,  I,  p.  123,  n.  6. 

(3)  C'était  du  reste  une  opinion  qu'il  avait  déjà  indiquée  in  Plaid,  civ.  de  Dém., 
II,  p.  109,  n.  25  :  ce  sens  paraît  dériver,  pour  lui,  de  celui  de  caution  (cf.  ib.,  I, 
p.  XXIV  et  II,  p.  361).  Je  sais  bien  que  les  deux  interprétations  ne  sont  pas  logi- 
quement contradictoires  :  mais  elles  sont  avancées  par  le  même  auteur  à  part 
l'une  de  l'autre.  Et  elles  compliquent. 

(4)  Toute  l'argumentation  d'isée,  dans  ce  passage  du  discours  Sui'  la  succession 
de  Pyrrhos.,  vise  à  prouver  l'impossibilité  morale  de  la  chose  :  on  n'épouse  pas 
ces  femmes-là.  Mais  une  impossibilité  morale  seulement.  —  Dans  le  même  sens 
que  le  texte  du  Contre  Léocharès.,  on  aurait  pu  invoquer,  comme  plus  significatif, 
Hyper.,  Pour  Euxénippe,  16  :  mais  il  ne  s'y  agit  pas  précisément  de  garantir  la 
filiation  légitime,  mais  la  filiation  tout  court;  c'est  là  une  affirmation  que  toute 
iyyû-r^  implique.  —  Quant  à  [Dém.],  LIX,  52  et  54,  l'argument  qu'on  en  tirerait  se 
trouve  indirectement  écarté  par  une  saine  théorie  des  dispositions  de  droit  public 
qui  y  sont  visées  (cf.  Beauchet,  o.  L,  I,  p.  203  sqq.). 


278  LOUIS    GERNET 

tée  à  des  fins  que  l'institution  ne  comportait  pas  de  prime 
abord.  A  l'époque  classique,  les  deux  parties  ne  sont  pas  vrai- 
ment obligées,  et  il  n'a  pu  en  être  ainsi  de  tout  temps.  On  n'a 
pas  la  ressource  de  prétendre  que  le  contrat  d'ly^ùr\  est  un 
contrat  synallagmatique  qui,  ne  faisant  naître  d'obligations  à 
la  charge  d'une  des  parties  que  sous  condition  suspensive, 
pourrait  finalement  ne  pas  réaliser  son  objet.  Synallagmatique 
parfait,  il  devrait  obliger  l'syyuwv,  de  par  Tacceptation  de 
r  eyYucoasvo;  :  on  ne  le  voit  pas.  Synallagmatique  imparfait,  il 
devrait  obliger  r£Yy!jw[ji.£voç,  de  par  la  «  tradition  »  dont  V  ey^ùi]- 
(Tiç  est  synonyme  :  on  ne  le  voit  pas.  De  plus,  les  rapports 
entre  les  parties  ne  sont  pas  définis  comme  on  s'y  attendrait. 
Cet  EYYuwjjiaî.,  dont  nous  avons  vu  que,  dans  une  théorie 
comme  celle  de  Partsch,  il  restait  en  quelque  sorte  en  l'air, 
cet  eyyuîoiioLi  signifie  l'acceptation.  Or  le  moyen^  dans  la  termi- 
nologie du  cautionnement,  se  rapporte  à  la  partie  qui  cau- 
tionne. Et  pour  quiconque  sait  la  valeur  des  «  voix  »  dans  le 
droit  parlé,  il  ne  fait  guère  doute  qu'il  indique  un  sujet  origi- 
nellement passif  :  ce  n'est  pas  ce  qu'est  1' £yy^^I^s^o?  de 
l'époque  classique  ;  il  fait  bien  plutôt  penser  à  un  créancier. 

Doublement  créancier  :  Y  l-^^({jr\(7\q  est  à  l'ordinaire  accompa- 
gnée de  la  constitution  de  dot.  Les  registres  des  constitutions 
de  dot,  à  Myconos  et  à  Ténos,  l'attestent  (1);  les  textes  des 
orateurs  le  confirment  (2)  ;  une  k-^^^ûr^dic,  sans  dot  est  chose  sus- 
pecte, presque  contradictoire  dans  les  termes  (3).  Les  deux 
sont  si  intimement  associées  que  le  vocabulaire  les  confond,  et 
que  même  le  mot  exSiSovat  s'applique,  lui  tout  seul,  à  la  cons- 
titution (4);   il  le  désignera,  aussi  bien,  de  la  part  d'un  tiers, 

(1)  Inscr.  Juricl.  Gr.,  n»  VI  (t.  I,  p.  48  sq.)  ;  C.  I.  G.,  n»  2338  b. 

(2)  [Dém.],  XLI,  26  :  f,Yyua  [xot  noX-jsuxTOs  tt,v  ôuyaTep'  kizl  T£TTapi>covca  [xvaîi; 
(remarquer  le  ird  qui,  avec  le  datif,  marque  proprement  la  condition).  Même 
expression  XXVIII,  15.  Cf.  Isée,  111,  8,  etc. 

(3)  Isée,  III,  38-39. 

(4)  Platon,  Lois,  VI,  774  C,  où  èxStôdvai  tout  court  est  opposé  à  )va[x6avovTi,  tout 
court;  cf.  Plut.,  Arist.,  XXVII,  où  i%  tou  TipuTaveiou....  ixSoôf.vai  se  rapporte 
spécialement  à  la  dot.  Très  net  est  l'emploi  du  mot  dans  la  loi  citée  chez 
[Dém.],  XLIII,  54,  où  le  verbe  a  pour  sujet  Tayant  droit  qui  ne  veut  pas  épouser 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  279 

dans  le  cas  de  ce  que  les  Komains  appellent  la  dot  adventice, 
constituée  par  un  individu  qui  n'a  ni  hahilelé  ni  vocation  à 
rsyyuTl  (1).  On  se  rend  très  bien  compte  que  la  forme  de 
r^YY^ïi,  qui  représenle  en  soi  tout  autre  chose,  a  été  exploitée 
en  faveur  d'une  pratique  spéciale,  d'une  pratique  qui  ne 
remonte  pas,  tant  s'en  faut,  aux  origines  du  mariage  grec. 

C'est  pourtant  ces  origines  qui  sont  en  cause.  A  l'époque 
classique,  F  syyjri  subsiste  en  fait,  nous  devons  admettre 
qu'elle  précède  normalement  le  mariage  :  mais  ce  n'est  pas  par 
elle  qu'on  prouve  le  mariage.  Nous  dirons,  en  fin  de  compte, 
qu'il  y  a  une  certaine  analogie,  sur  ce  point,  entre  la  Grèce  et 
Rome.  Plus  que  le  mariage  romain  sans  manus,  le  mariage 
grec  continue  d'admettre  —  d'exigei',  en  un  sens  —  des  formes 
coutumières  :  mais  l'exist^mce  de  ces  formes,  dont  la  validité 
du  mariage  a  fini  par  devenir  indépendante  (2),  on  l'induira. 
Quand  Isée  la  discute  sur  des  indices,  il  fait  penser  à  ce  sys- 
tème de  présomptions  par  lesquelles,  en  droit  romain  récent, 
on  tranchait  la  question  s'il  y  avait  eu  ou  non  mariage  (3).  — 
Le  seul  moyen  de  comprendre,  et  pour  ainsi  dire  de  résoudre 
l'incertitude  qui  plane  sur  l'IyyuYi  classique  et  qui  en  dissimu- 
lait le  sens  précis  aux  yeux  mêmes  des  Athéniens  du  iv'  siècle, 
c'est  de  ressaisir  l'syyjri,  si  possible,  dans  son  premier  état. 
Procédure  légitime  et  nécessaire  que  celle  qui  «  remonte  aux 
origines  ^)  d'une  institution  panhellénique  (4),  et  d'une  institu- 

une  épiclère,  et  où  l'idée  essentielle  est  celle  de  la  dot,  légalement  fixée,  qu'il 
doit  fournir  en  la  mariant. 

(1)  Dém.,  XXVII,  69  :  ...  xal  cthXùnc,  (xév  Ttvaç  t,5ti  xwv  ttoXit^v  où  {xdvov  (juyyevwv, 
àXXà  xal  cpiXwv  dvSpwv  aTiopouvTwv  ô'jyaTepaç  irapà  a'^wv  aôxwv  ÈxSovTaç.... 

(2)  Beauchet,  o.  Z.,  I,  p.  141,  parle  même  nettement  de  contrat  consensuel. 

(3)  Cf.  P. -F.  Girard.  Manuel  de  droit  romain^^  pp.  150-151.  —  11  est  instructif 
de  noter  que  les  fiançailles  subsistent  {ibid.),  et  qu'elles  différencient  le  mariage 
et  le  concubinat  :  c'est  un  trait  commun  —  un  trait  d'union —  entre  le  mariage 
romain  et  le  mariage  germanique,  et  qu'on  a  pu  retenir  dans  l'histoire  des  ori- 
gines de  notre  droit  matrimonial  (Ed.  Meynial,  Le  mariage  après  les  invasions^ 
dans  la  Nouv.  Rev.  hist.  du  dr.,  1896,  n"  4). 

(4)  Sur  la  généralité  de  l'institution,  cf.  Beauchet,  art.  Matrimonium,  p.  1641, 
n.  6  à  9.  —  C'est  une  institution  nationale  :  s'il  est  question  de  «  Barbares  »,  on 
emploie  le  verbe  simple  SiSôvat,  par  ex.  Thucyd.,  II,  101,  5,  6;  Xén.,  Anab.,  VII, 
2,  38. 


280  LOUIS    GERNET 

tion  qui  nous  apparaît  peu  intelligible  en  soi  :  il  semble  qu'on 
l'oublie  Irop  quand,  pour  interpréter  V  lyvù'i]  matrimoniale,  on 
donne  tête  baissée  dans  les  contradictions  qui  s'y  étalent. 

Ces  contradictions  mêmes,  nous  voulons  en  faire  état.  11 
faut  que  le  nom  de  la  chose  ait  eu  une  signification  définie 
comme  il  a  un  prestige  certain.  L'acte  primitif  qui  a  survécu 
avait  assez  de  portée  morale  pour  que  l'on  persistât  à  en  déri- 
ver l'état  régulier  de  mariage;  et  il  avait  une  portée  juridique 
assez  particulière  pour  qu'il  n'en  fût  pas  nécessairement  suivi. 
Enfin,  si  le  sens  de  l'institution  s'est  quelque  peu  oblitéré, 
c'est  apparemment  qu'elle  avait  été  solidaire  de  pratiques  et  de 
croyances  qui  ont  cessé  de  fonctionner.  Parmi  les  actes  conce- 
vables du  drame  matrimonial,  il  en  est  un  qui  satisfait  à  ces 
trois  conditions,  et  c'est  la  promesse  de  mariage. 


La  promesse  de  mariage  fut  d'abord  étroitement  associée  à 
deux  usages  dont  le  caractère  «  primitif  »  se  dénonce  à  pre- 
mière vue  :  celui  du  mariage  par  achat,  et  celui  de  l'état  de 
fiançailles  préliminaire  à  l'union  conjugale.  Chez  Homère, 
nous  voyons  que  les  £Ova  ou  prix  de  la  femme  font  l'objet  d'un 
contrat  spécial  où  le  père  promet  la  jeune  fille  et  où  le  mon- 
tant du  prix  est  stipulé  (1).  D'autre  part,  l'expression  homé- 
rique li-ni^yzio  xal  xaT£V£ua-£V  o(oa-£|j.£vaf.,  usitée  en  pareil  cas  (2), 
ne  permet  pas  de  douter  qu'il  s'agisse  d'un  accord  préalable 
qui  ouvre  une  période  plus  ou  moins  longue  où  les  futurs  con- 
joints sont  proprement  fiancés.  Cet  état  intermédiaire  apparaît 


(1)  N  377-382;  A  242-245;  cf.  A  288-292;  N  365-369;  8  53-54;  8  5-7.  Sur  ce 
contrat,  cf.  Ouvré,  Observât,  sur  le  rég.  matr.  au  temps  d'Homère  (Annales  de 
la  Fac.  des  L.  de  Bordeaux,  nouv.  série,  III,  1896),  p.  291  ;  Beauchet,  o.  Z.,  I, 
p.  115. 

(2)  N  368-9  ;  5  6-7.  L'expression  SwjspLsvav  xaTÉveuue  se  retrouve  K  393  à  pro- 
pos d'une  promesse  d'Hector  qui  a  été  faite  suivant  des  gestes  consacrés  et  con- 
firmée par  serments  (cf.  328  et  333).  Cf.  l'emploi  de  auvwjjieôa  N  381. 


HYPOTHÈSKS    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  281 

d'ailleurs  h  plusieurs  reprises  dans  les  poèmes  homériques  (1). 
Mais  on  sait  ce  qu'est  \d.  période,  dans  le  principe  :  le  terme  de 
fiançailles  doit  s'entendre  ici  d'un  moment  obligatoire  qui 
comporte,  au  moins  pour  la  future  épouse,  un  status  religieux, 
des  rites  et  des  abstentions  ;  M.  Roussel  en  retrouvait  récem- 
ment des  traces  incontestables  dans  le  cas  de  Tlphigénie  d'Euri- 
pide, qui  est  exactement  une  syyuyjv/,  (2).  —  Avec  l'idée  fixe 
qu'il  professait  de  reconstituer  le  «  droit  des  Indo-Européens  », 
Leist  (3)  a  eu  du  moins  le  mérite  de  définir  un  schéma  du 
mariage  qui  se  discerne  en  effet  dans  l'Inde,  en  Grèce  et  à 
Rome.  Question  oiseuse  et  en  l'air  que  de  savoir  si  ce  parallé- 
lisme dénonce  une  origine  commune  et  «  indo-germanique  »  ; 
c'est  le  parallélisme  lui-même  qui  nous  intéresse,  en  ce  qu'il 
nous  permet  d'apercevoir  trois  moments  originellement  essen- 
tiels et  dont  l'évolution  a  altéré  les  contours,  et  comme  déplacé 
l'importance  relative  :  sponsio,  traditio  et  deductio  in  dommn 
mariti.  Or  le  premier  et  le  second  sont  naturellement  séparés 
par  la  période  que  nous  disions.  —  Dans  une  de  ces  sociétés 
doriennes  qui  ont  développé,  comme  bien  d'autres  (4),  une 
organisation  militaire  à  partir  et  au-dessus  de  l'organisation 
familiale  primitive  qu'elle  a  effacée  en  partie,  nous  voyons  que 
l'union  conjugale  ne  commence  pas  immédiatement  après 
l'acte   qui   la   fonde,  mais  que,  mariés    en    même  temps  (5), 


(1)  Il  est  plus  ou  moins  impliqué  dans  l'expression  que  nous  venons  de  voir, 
notamment  dans  le  premier  exemple  (cf.  Ouvré,  p.  293).  De  fait,  Iphidamas  meurt 
en  perdant  l'épouse  r.ç  ou  x:  yà^^^  'iSs  (N  243),  et  pour  laquelle  il  avait  donné  et 
promis  des  sSva  considérables. 

(2)  P.  Roussel,  Le  rôle  iV Achille  dans  /'«  Iphigénie  à  Aulis  »  in  R.  E.  G.,  XXVIÏI 
(1915),  pp.  240-241. 

(3)  B.  W.  Leist,  Altarisches  Jus  genlium,  p.  134  et  s.;  sur  les  transformations 
du  système,  Allar.  Jus  civ.,  II,  pp.  106-136.  Pour  le  droit  hindou,  cf.  Dareste, 
Études,  ^."dl. 

(4)  Cf.  II.  Jeanmaire,  La  cryptie  lacédémonienne,  in  R.  E.  G.,  XXVI  (1913),. 
pp.  121-150,  avec  les  indications  ethnographiques  que  le  sujet  comporte.  Sur  la 
dualité  des  organisations,  le  cas  des  Masai  est  spécialement  instructif  (M.  Mer- 
ker,  Die  Masai,  1904). 

(5)  Ce  système  de  mariage  par  groupe  apparaît  précisément  dans  les  condi- 
tions et  au  stade  que  nous  disons. 

REG,  XXX,  1917,  n»  139.  20 


282  LOUIS    GERNET 

tous  les  jeunes  gens  d'une  même  «  classe  »  vivent  à  part  pen- 
dant une  certaine  période,  cependant  que  la  future  épouse 
reste  sous  la  garde  de  ses  parents  (1). 

Mais  Texception  confirme  la  règle.  Les  Grecs  de  l'époque 
classique  ne  connaissent  plus  la  signification  primitive  et  reli- 
gieuse des  fiançailles  (2).  Quant  au  mariage  par  achat,  on  sait 
que,  s'il  est  mentionné  bien  des  fois  par  Homère,  il  est  déjà 
chez  lui  en  voie  de  régression  (3)  et  qu'il  n'en  est  plus  question 
dans  la  suite  (4).  L'acte  préliminaire  du  contrat  de  fiançailles 
a  perdu  sa  valeur  et,  plus  ou  moins,  sa  raison  d'être. 

Or  c'est  bien  cet  acte  préliminaire  qu'a  dû  être,  à  l'origine, 
rsyyuri.  Il  est  vrai  qu'il  ne  reçoit  pas,  dans  Homère,  cette  appel- 
lation ;  mais,  outre  que  l'expression  £yyua>iÇ£iv  leSva  (5)  sug- 
gère, dans  la  langue  même,  un  étroit  rapport  entre  la  pratique 
de  l'Èvyîjyi  et  celle  du  mariage  par  achat  (6),  le  raisonnement 
ici  supplée  le  témoignage  direct.  Nous  avons  déjà  posé  que  le 
mot  eyyuTi,  très  vieux  mot,  ne  pouvait  se  rapporter  dans  le 
principe  qu'à  un   acte  juridico-religieux  dont  le  sens  s'était 

(1)  C'est  le  cas  des  jeunes  Cretois  :  Éphore  ap.  Strabon,  X,  p.  135  (F.  H.  G.,  I, 
p.  251,  fr.  64)  :  yafxsTv  [xèv  a[xa  -jiavTsç  dvayxâî;ovxa'....  oî  xaxà  tôv  aûxôv  ypôvov  H 
TT^î  Ttôv  TCaiSwv  àys^T,;  éxxpiÔévTeç,  oûx  £Ô6'jç  S'  àyovtai  Ta;  yaixTjôe^aaç  T:a(5a;... 

(2)  C'est  ainsi  que  rengagement  «  par  paroles  de  futur  »  est  devenu  rengage- 
ment «  par  paroles  de  présent  »  qu'est  TsyyuTi  historique.  On  sait  qu'une  évolu- 
tion analogue  a  eu  lieu  dans  notre  ancien  droit. 

(3)  Il  n'y  a  pas  .à  retenir  le  cas,  évidemment  exceptionnel,  d'Agamemnon  pro- 
mettant de  marier  sa  fille  àvâsSvov  (I  146)  :  c'est  un  mariage  par  composition 
(Glotz,  Solidarité,  p.  130),  Mais  la  dot  apparaît  dans  VOdyssée,  et  nous  rappelons 
tout  de  suite  qu'elle  prend  le  nom  même  des  l'Sva.  Au  reste,  on  ne  peut  guère 
douter  qu'Homère,  là  encore,  archaïse  :  le  mot  èeSvwxat  (N  382)  doit  signifier, 
comme  l'avait  vu  Aristarque,  «  ceux  qui  reçoivent  les  s'Sva  »,  comrtie  beaux- 
parents  ;  or  c'est  un  mot  que  sa  composition  (suffixe  -tt,ç  des  noms  d'agent) 
dénonce  comme  appartenant  au  fonds  récent  de  la  langue  homérique. 

(4)  En  tout  cas,  sa  généralité  préhistorique  n'est  pas  en  cause  :  cf.  Arist., 
Polit.,  II,  8,  1268  b,  s.  f.  Reste  à  savoir  s'il  faut  y  reconnaître  avec  Aristote  une 
pratique  <*  barbare  »,  c'est-à-dire  un  pur  achat,  comme  le  veut  encore  Tamassin, 
Le  Nozze  in  Omero,  p.  12  sq. 

(5)  Hèphaistos  se  dispose  à  réclamer  les  s'eSva  au  père  de  sa  femme  adultère  : 
Odaa  ol  eyyuâXt^a  xuvw:ttôoç  sYvexa  xoupTi;  (6  319). 

(6)  L'expression  d'Hèphaistos  se  comprend  d'autant  mieux  qu'une  partie  des 
eSva  peut  être  livrée  au  moment  de  l'accord  préliminaire,  l'autre  partie  étant 
promise  (A  244-5). 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTHAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  283 

perdu  :  il  a  dû  s'appliquer  à  celle  des  cérémonies  matrimo- 
niales qui  supposent  un  état  de  pensée  et  de  société  périmé  à 
l'époque  classique.  Il  importe,  aussi  bien,  d'éviter  les  confu- 
sions qu'on  commet  trop  souvent  et  qui,  par  exemple,  semblent 
avoir  égaré  Partsch.  De  par  l'étymologie  qu'on  lui  reconnaît  à 
première  vue,  le  mot  pourrait  évoquer  plusieurs  formalités 
matrimoniales,  bien  distinctes  les  unes  des  autres,  mais  qui 
comportent  également  le  geste  du  serrement  de  mains  :  1°  la 
conclusion  de  l'accord  entre  le  tiancé  et  la  famille  de  la  fiancée  ; 
2**  la  ti^aditio  qu'on  opère  en  mettant  la  main  de  l'épouse  dans 
celle  de  l'époux  (1);  3°  la  dextrarum  conjimctio  qui  s'accomplit 
entre  les  deux  époux  seuls  et  désormais  unis,  par  devant  le 
foyer  domestique  (2).  Or  rsyruy^  matrimoniale  proprement  dite 
ne  concerne  pas  le  troisième  moment,  et  si  elle  suppose  obscu- 
rément la  traditio^  c'est  à  la  faveur  d'une  confusion  entre  les 
deux  premiers  actes  :  confusion  certaine,  nous  l'avons  vu,  à 
l'époque  classique  (3),  et  qui  dénonce  une  altération  de  la 
pensée  originelle  puisqu'il  manque  à  cette  Iraditio  le  caractère 
essentiel  d'être  définitive.  Reste  que  rsyvuTi  soit  le  contrat  de 
fiançailles  au  sens  que  nous  avons  dit  (4) . 

Dans  un   passage    curieux  de   Vlphigenie   à  Aulis   (697   et 
s.)  (5),   cette  eyyt^ïi  apparaît  bien  distincte  de  l'IxSoo-tç   :  non 


(1)  Cf.  Sittl,  die  Gebàrden  der  Griechen  und  RÔmer,  p.  131,  et  n.  4;  Tamassin, 
0.  L,  p.  25. 

(2)  Cf.  Oldenberg,  La  religion  du  Véda,  traduct.  franc.,  p.  393. 

(3)  Dans  le  «  monde  romantique  des  poètes  »,  comme  dit  Sittl  (o.  Z.,  pp.  135-6), 
une  autre  confusion  s'aperçoit  :  ce  sont  les  époux  eux-mêmes  qui  concluent  leur 
propre  union  par  Ss^iai  :  Eurip,,  Médée^  21. 

(4)  Cette  construction  s'atl'ermit  par  l'analogie  qu'offrent  ici  les  faits  romains  : 
à  Rome  aussi,  il  existe  des  fiançailles  [sponsalia  :  sponsio,  à  tous  les  titres,  est 
parallèle  à  è^yôr{)  qui  n'ont  plus  d'eiiet  juridique  en  droit  classique  (qui  en 
admettent  en  droit  récent),  mais  qui  en  ont  eu  certainement,  et  bien  caractérisé, 
à  l'époque  primitive  —  qui  même,  à  l'époque  historique,  continuent  d'en  avoir 
endroit  latin  (Esmein,  Mél.  d'hist.  du  dr.,  pp.  15-16;  cf.  P.  F.  Girard,  o.  L, 
p.  147);  dans  ce  dernier,  il  y  a  deux  stipulations  qui  se  correspondent,  du  père 
de  la  femme  [eam  in  ynatrimoniian  datum  iri)  et  du  futur  mari  (eam  in  malrimo- 
nium  duclum  17^1)  :  Servius  Sulpicius  ap.  Aulu-Gelle,  N.  A.,  IV,  4. 

(5)  Passage  d'un  caractère  très  particulier.  11  interrompt  bizarrement  l'action  à 
un  moment  critique  par  l'exposé  d'une  généalogie  intempestive.  On  dirait  qu'Eu- 


284  LOUIS    GERNET 

seulement,  il  y  a  là  deux  moments  sépares,  mais  reyyuwv  est 
un  personnage  différent  de  r£xû',oo'jc;.  Comment  Pelée,  demande 
Glytemnestre,  épousa-t-il  la  fille  de  Nérée  ?  Et  Agamemnon 
répond  (v.  703)  :  Zeùç  TiyyuTia-s  xal  SiScoo-'  6  y.ùpwç.  —  '0  xupioç, 
remarque  H.  Weil,  c'est  le  père  de  Thétis  :  ce  ne  peut  être 
que  lui,  en  effet,  et  nous  retiendrons  de  ce  texte  la  notion 
d'une  eyyuïi  opérée  par  celui  qui  représente  la  grande  famille 
—  mettons,  si  l'on  veut,  le  yivo; —  par  opposition  à  la  «  dation  » 
de  la  jeune  fille  opérée  par  le  chef  de  la  famille  stricto  sensu. 
On  aperçoit  môme  —  fait  notable  en  soi  et  qui,  en  confirmant 
la  séparation  des  deux  moments,  précise  le  sens  du  premier  — 
que  la  Soa-i;  ou  sxooariç  peut  avoir  lieu,  elle,  par  le  ministère  de  la 
mère. Dans  un  autre  passage  delà  même  pièce,  Achille  reproche 
à  Agamemnon  non  point  sa  ruse,  mais  de  l'avoir  trompé,  lui 
Achille  :  mis  au  courant,  il  aurait  volontiers  prêté  les  mains 
à  la  pieuse  fraude  qu'autorisait  la  raison  d'Etat,  et  ainsi  Gly- 
temnestre aurait  été  persuadée  de  lui  «  livrer  )>  sa  fille  (1)  ; 
alors  le  mariage  était  consommé,  et  Achille,  devenu  xupLOç 
d'Iphigénie,  la  remettait  aux  Grecs  (2).  D'lx8oa-t.ç  par  la  mère, 
ce  n'est  pas  là  un  exemple  isolé  (3).  Et  nous  risquerions 
volontiers  l'hypothèse  qu'elle  fut  de  règle  à  l'époque  préhis- 
torique et  dans  une   société  qui,  sous  l'influence  probable  du 


ripide  a  voulu  se  réserver  cet  épisode  pour  y  glisser  des  archaïsmes  qui  piquaient 
sa  curiosité;  au  même  endroit  (v.  702),  nous  trouvons  une  allusion  au  mariage 
par  rapt;  et  un  peu  plus  loin  (v.  833  et  s.),  dans  la  scène  entre  Glytemnestre  et 
Achille,  le  souvenir  du  tabou  de  la  belle-mère,  avec  l'emploi  caractéristique  et 
répété  des  termes  religieux  alSeïaôai,  U\i,i^.  Dans  cette  œuvre  de  ses  dernières 
années,  Euripide  paraît  avoir  été  sollicité  par  tout  un  passé  qui  lui  était  resté 
assez  étranger,  comme,  dans  le  drame  contemporain  des  Bacchantes,  il  se  pen- 
chait avec  une  émotion  nouvelle  et  trouble  vers  les  réalités  religieuses. 

(1)  V.  963-4  :  r^  K>vUTai[j.T,aTpa  6'  è[xol  [xàT^iax'  èiretaÔTi  ô'jyaxsp'  éxSoûvat  Tcdaei. 

(2)  P.  Roussel,  o.  l.,  p.  246-7,  interprète  comme  il  faut  le  è'Swxa  xàv  "EWr^tsw 
du  V.  963.  Mais  je  ne  vois  pas  la  contradiction  qu'il  veut  qui  subsiste  :  V  è'xSodiç 
de  Glytemnestre  aurait  conféré  à  Achille  la  qualité  de  xûpioç.  Aux  v.  963-4,  je 
rapporterais  volontiers  iioast.  (avec  valeur  proleptique)  à  èaot. 

(3)  Eurip.,  Hél.,  933;  Dém.,  XXVIII,  21  ;  Ménandre,  Périkeir.,  10-11  ;  cette  IxSo^iç 
n'est  pas,  naturellement,  ce  qui  est  nommé  tel  dans  le  droit  —  équivalent  de 
rèyyuT]  pour  laquelle  les  femmes  ne  sont  pas  capables  (sinon  chez  Platon,  Lois, 
VI,  774  E).  —  Pour  les  origines,  cf.  Sittl,  o.  L,  p.  131  et  n.  6. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  28o 

système  de  la  filiation  utérine,  a  dû  faire  à  la  femme  une  place 
que  les  textes  ne  permettent  plus  que  d'entrevoir. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  valeur  de  cette  parenthèse,  Vhrù-ri 
est  bien  l'affaire  d'un  groupe  familial  conçu  comme  unité  col- 
lective. Il  en  reste  une  trace  à  l'époque  classique  oii  l'on  voit 
que  l'syvjwv  ne  tient  pas  son  pouvoir  d'une  fonction  protec- 
trice de  tutelle,  mais  d'une  espèce  de  délégation  :  si  le  père  est 
mort,  et  qu'il  y  ait  des  frères,  ce  sont  ces  frères  en  corps  — 
réduction  visible,  mais  manifestation  sensible  de  la  commu- 
nauté domestique  —  qui  «  engagent  »  leur  sœur  (1)  ;  et  ces 
frères-là,  est-il  bien  spécifié,  ce  sont  les  frères  de  même 
père  (2),  autrement  dit  :  par  famille,  il  ne  faut  pas  entendre 
ici  l'ensemble  amorphe  des  individus  que  rapprochent  les  liens 
du  sang,  mais  l'unité  sociale  constituée  suivant  le  principe  très 
défini  qu'implique  la  transmission  de  la  parenté  ex  masculis  et 
per  masculos  (3).  Au  reste,  on  peut  dire  que  le  souvenir  de  la 
grande  famille  se  survit  dans  l'idée  de  la  cité  qui  la  remplace 
pour  les  filles  d'Aristide  mariées  comme  on  sait  (4)  :  Plutarque 
dit  expressément  èyYuwTT,^;  tT^;,  ttôasw;  ;  et  on  ne  peut  guère 
admettre,  d'autre  part,  que  le  frère  de  ces  jeunes  filles,  car  il 
yen  avait  un,  n'ait  joué  aucun  rôle  dans  leur  «  tradition  ». 
L'histoire  est  parallèle  à  la  légende. 


Mais  pour  mesurer   la  portée  de  rsyyjr,    matrimoniale   et 
pour  comprendre  le  rapport  qu'elle  soutient  avec  les  autres 


(1)  Platon,  Lois,  VI,  774  E.  Dans  [Dém.],  XL,  7,  il  est  parlé  du  mariage  d'une 
femme  conclu  par  deux  de  ses  frères,  et  pour  expliquer  l'absence  du  troisième, 
l'orateur  précise  qu'il  n'était  pas  majeur.  Cf.  [Dém.],  XLIV,  9. 

(2)  [Dém.],  XLVl,  18  (loi)  :  ...  t,  aSeX-^ôç  ô.aoTrixwp.. .;  Platon,  l.  c.  : ...  xpÎTf.v  8è 
dSeX^ôiv  ôjxoiraTpCojv. 

(3)  On  aperçoit  du  reste  comme  des  couches  successives  dans  l'organisation 
familiale  :  on  sait  que  la  prohibition  de  l'inceste  fonctionne  selon  le  type  de 
filiation  opposé  ;  mais  selon  un  type  également  défini. 

(4)  Plutarque,  Aristide,  XXVII,  avec  référence  à  des  historiens  antérieurs. 


286  LOUIS    GERNET 

eYvua!.,  ce  n'est  pas  assez  de  dire  que  la  famille,  que  le  ylvoç 
de  la  fiancée,  y  joue  un  rôle  capital.  Il  faut  d'abord  ajouter  que 
la  fiancée  elle-même  n'y  joue  aucun  rôle.  Elle  en  joue  forcé- 
ment un  dans  r£x8oT(.ç  —  1' £x8ocrt.c;  primitive  —  qui  nous  la 
montre  remise  à  l'époux,  et  qui,  faussement  confondue  avec 
rèyyuYl,  a  permis  de  donner  à  celle-ci  un  sens  quasi  matériel  : 
mais  dans  la  première  cérémonie,  elle  ne  paraît  même  pas. 
C'est  ce  que  vérifie  le  fait  que,  chez  Homère,  il  ne  soit  jamais 
question  à  ce  moment  que  du  père,  qui  promet  de  donner. 
C'est  ce  qui  explique  que,  dans  la  légende  d'Iphigénie,  arran- 
gée ou  non  par  Euripide,  Agamemnon  puisse  tromper  les 
siens  par  l'invention  de  fiançailles  qu'il  aurait  décidées  de  son 
chef  (1).  C'est  ce  qui  se  comprend,  aussi  bien,  dans  cette  orga- 
nisation matrimoniale  primitive  par  laquelle  ont  passé  les 
Romains,  oii  sont  restés  les  Grecs,  et  qui  n'exigeait  pas  le  con- 
sentement de  la  jeune  fille  au  mariage,  spécialement  à  l'accord 
préliminaire  (2).  C'est  ce  qui  s'accorde,  enfin,  avec  la  concep- 
tion religieuse  des  fiançailles,  laquelle  postule  l'exclusion,  la 
séparation  de  la  jeune  fille  jusqu'au  moment  même  du 
mariage  (3). 

D'autre  part,  de  môme  que  l'eyyuwv  représente  et  pour  ainsi 
dire  signifie  tout  un  groupe  familial,  reyyutojiisvoç,  le  futur 
époux,  ne  laisse  pas  de  représenter,  bien  que  d'une  manière 
moins  sensible,  sa  famille  à  lui.  On  ne  s'en  doute  plus  à  l'é- 
poque classique,  où  la  notion  d'un  pareil  contrat,  comme  des 
autres  contrats,  se  pénètre  d'esprit  individualiste  :  encore  cet 


(1)  D'ailleurs,  on  voit  assez  que,  chez  Euripide,  la  mère  non  plus  n'est  pas 
consultée.  Il  n'est  pas  sûr  que  ce  soit  là  l'état  primitif  (cf.  T  291  :  ifvSpa  [xiv,  & 
ISoaav  T£  Ttat-^p  xal  irÔTvia  [j.t,ttip). 

(2)  A  Rome,  il  paraît  certain  que,  quand  les  conjoints  étaient  alieni  juris,  le 
seul  consentement  légal  a  d'abord  été  celui  des  patres  familias  (P.-F.  Girard, 
0.  Z.,  p.  132,  n.  2).  On  peut  l'induire  particulièrement  pour  le  cas  des  fiançailles 
{ib.,  p.  147,  n.  3). 

(3)  Dans  le  droit  anglo-saxon,  la  jeune  fille  ne  se  montrait  point  pendant  la 
formation  de  l'accord;  observons  aussi  que  son  consentement  au  mariage  n'était 
pas  exigé  en  principe  et  que  le  père  pouvait  contraindre  la  fille  mineure  de 
quinze  ans  (F.  Roeder,  Die  Famille  bei  den  Angelsachsen^  I,  p.  24). 


I 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  287 

individualisme  laisse-t-il  entrevoir  comme  un  fonds  social  et 
familial,  ne  serait-ce  que  dans  la  formule  par  laquelle  le  xupw; 
de  la  jeune  tille  la  livre  à  son  époux  (1).  En  tout  cas,  il  ne 
régnait  pas,  il  ne  pouvait  pas  régner  à  l'âge  préhistorique  où 
nous  reporte  la  pratique  sérieuse  de  rsyyuyi.  Et  cela  pour  deux 
raisons  :  de  par  l'institution  des  sSva,  et  de  par  la  conception 
du  mariage  qui  s'y  rattache. 

D'abord,  qui  dit  sSva  dit  une  somme  considérable.  Sans 
doute,  c'est  l'affaire  de  l'épopée  de  grandir  les  choses  comme 
les  hommes  :  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'elle  représente  une 
certaine  tradition,  que  ses  chiffres,  quand  elle  donne  des 
chiffres,  sont  conformes  à  certaines  données  objectives,  et 
qu'au  total  elle  permet  des  inductions  plausibles  sur  les  rap- 
ports entre  le  prix  de  l'épouse  et  le  régime  de  propriété.  Iphi- 
damas  a  donné  tout  de  suite  pour  sa  fiancée  cent  bœufs,  il 
promet  en  outre  mille  brebis  et  chèvres  (A  244-5)  ;  et  il  est 
d'ailleurs  bon  de  savoir  que  le  même  chiffre  de  cent  têtes  de 
gros  bétail  est  attesté  dans  d'autres  sociétés  «  indo-européen- 
nes »,  —  Hindous,  Ossètes,  Saxons  (2).  Ailleurs,  il  est  parlé 
d'une  somme  très  grande,  d'une  somme  immense  :  {xupia  sSva 
(n  190,  X  472,  X  282),  h-Tzepeliia  eSya  (H  178,  cr  529).  —  Eh 
bien,  un  individu  ne  possède  pas  cent  bœufs  :  c'est  le  clan 
qui   les  possède  ;   le  gros   bétail  est,   dirions-nous,    propriété 


■  (1)  Cette  formule  sacramentelle  nous  a  été  transmise  par  Clément  d'Alexandrie, 
Strom.,  II,  23,  d'après  Ménandre  (F.  C.  G.,  Kock,  III,  205  :  cf.  Hruza,  o.  l., 
p.  121)  :  TraCSwv  èiz'  àpÔTW  yvriafwv  5{6w[jl{  ^ol  ye  x-^v  è|xauToG  ôuyatepa  (On  notera 
en  passant  que  cette  formule,  manifestement  archaïque,  est  différente  de  celle, 
également  consacrée,  de  l'èyyûr\  ;  preuve  nouvelle  de  la  dualité  des  deux  pra- 
tiques). Le  lit'  àpoTo)  yvTjjîtov  indique  la  cause  du  contrat,  qui  intéresse  au  pre- 
mier chef  la  famille  de  l'époux. 

(2)  E.  Hermann,  Zur  Gesch.  des  Brautkaufs  bei  den  indo-german.  VÔlkern 
(1904),  a  montré  que  ni  l'étymologie,  ni  les  traditions  relatives  au  montant  du 
prix  de  l'épouse,  ne  permettent  de  croire  à  une  <(.  origine  indo-européenne  »  de 
l'institution  du  mariage  par  achat.  En  quoi  il  a  raison.  Mais  lui-même  signale 
(p.  39  et  s.)  les  analogies  que  nous  mentionnons,  et  il  en  faut  bien  retenir 
quelque  chose  :  que  ce  soit  une  tradition  constante  d'  «  arrondir  »  les  nombres, 
c'est  possible;  mais  que  le  nombre  soit  arrondi  à  100  plutôt  qu'à  tel  autre  chiffre, 
il  y  a  là  une  indication  sur  le  rapport  avec  le  régime  de  propriété. 


288  LOUIS    GEKNET 

immobilière,  ou,  plus  exactement,  il  fait  partie  des  biens  fami- 
liaux, non  des  acquêts  individuels.  Quant  aux  expressions  indé- 
terminées, on  peut  dire,  que,  stéréotypées,  elles  n'en  sont  pas 
moins  parlantes  ;  elles  sont  môme  bien  plus  instructives  qu'il 
ne  paraîtrait,  si  l'on  se  rappelle  qu'elles  s'appliquent  également 
au  prix  du  sang  (Z  46,  A  J31,  etc.).  Que  conclure,  sinon  que  la 
a  solidarité  passive  »  de  la  famille  règne  dans  l'un  comme  dans 
l'autre  domaine?  que  la  proposition  établie  par  Seebohm  sur 
la  participation  nécessaire  du  clan  au  paiement  de  la  rançon 
du  meurtrier,  vaut  également  pour  le  prix  de  l'épousée  ?  et  fina- 
lement, et  en  dernière  analyse,  que  dans  un  contrat  à  fin  d'é- 
pousailles, dans  une  eyyuri,  les  deux  parties  sont  non  point 
deux  individus,  mais  deux  groupes? 

En  second  lieu,  ce  serait  encore  se  méprendre  sur  la  vraie 
portée  de  Vi^yù-ri  que  de  méconnaître  la  signification  juridique 
et  morale  des  £ôva.  On  en  sait  assez  aujourd'hui  sur  la  socio- 
logie du  mariage  pour  pouvoir  poser  en  principe  que  l'achat  de 
la  fiancée  apparaît  là  oii  la  filiation  masculine  se  substitue  à 
la  filiation  utérine  (1),  là  où  l'époux  est  obligé  d'acquérir  à  ti4;re 
onéreux  l'autorité  sur  la  femme,  ou,  plus  précisément,  la  pos- 
session des  enfants  qui,  jusqu'alors,  appartenaient  à  la  famille 
de  leur  mère  (2).  Que  la  raison  d'être  des  sSva  ait  été  la  même 
en  Grèce  qu'ailleurs,  il  n'y  a  guère  à  en  douter  quand  on  sait 
les  traces  qu'y  a  laissées  le  plus  ancien  système  de  filiation  (3). 
-—  Maintenant,  devons-nous  croire  que  l'  «  achat  »  ne  signifie 


(1)  Il  apparaît  notamment  chez  les  Hébreux  et  chez  les  Germains  qui  ont 
certainement  connu  la  filiation  utérine.  Voir  d'autre  part  le  schéma  de  l'évo- 
lution du  formalisme  matrimonial  que  Durkheim  [Année  Social.^  II,  p.  331  et  s.) 
a  pu  tirer  des  documents  réunis  —  mais  non  classés  —  par  H.-N.  Hutchinson, 
Marriage  customs  in  many  Lands  (1897). 

,-     (2)  Cette    fonction  apparaît  à  l'évidence  dans  Trois  documents  sur  le  mariage 
pa?' yen/e  (Esraein,  Nouv.  Rev.  hist.  du  d?'.,  1899,  pp.  613-21). 

(3)  II  n'est  pas  question  de  ressusciter  la  théorie  de  Bachofen.  Il  s'agit 
seulement  de  reconnaître  que  la  Grèce  présente  des  survivances  du  régime  de 
filiation  utérine.  Le  problème  mériterait  d'être  repris  d'ensemble;  récemment,  il 
a  été  posé  de  nouveau  par  le  travail  de  0.  Brautstein,  Die  polit.  Wirksamk.  der 
griech.  Fr«î/,  1911  (voir  p.  69  et  s.). 


HYPOTHÈSES    SUR    Li:    CONTHAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  289 

rien  de   plus  ici  qu'une   brutale  translation  de  propriété?  (1). 

—  Mais  d'abord,  il  est  visible  que  le  régime  antérieur  a  suf- 
fisamment pi'olongé  ses  représentations  et  son  genre  de  moralité 
pour  que  le  mariage  implique,  à  la  plus  ancienne  époque,  une 
espèce  d'intégration  de  l'époux  à  la  famille  de  l'épouse.  On 
entrevoit  même  un  état  de  transition  dans  les  témoignages  qui 
nous  montrent  la  jeune  fille  acbetée  par  certains  services,  par 
de  véritables  operae  (2)  (M  366  et  s.,  a  288  et  s.)  dont  on  trou- 
verait l'équivalent  ailleurs  à  un  pareil  stade  (3),  et  il  y  a  comme 
un  souvenir  dans  la  notion  d'une  ordalie  préliminaire  qui  trans- 
paraît dans  certaines  légendes  (4)  et  dont  l'objet  doit  être, 
comme  il  l'est  ailleurs,  une  décision  sur  le  mérite  d'un  indi- 
vidu, autrement  dit  sur  ses  titres  à  entrer,  ou  à  rester,  dans  un 
groupe  (5).  En  tout  cas,  Vadfinitas  crée  des  liens,  c'est  évident, 

—  des  liens  très  sérieux  :  entre  l'époux  et  ses  beaux-parents 
ou    ses    beaux-frères,    il  y  a  un    devoir  réciproque  de  ven- 

(1)  Concevable  à  la  rigueur  dans  les  sociétés  primitives  qui  ne  connaissent  pas 
de  cérémonies  matrimoniales,  et  pour  qui  l'achat  ou  le  troc  sont  des  solutions 
empiriques,  si  Ton  peut  dire,  le  moyen  de  régulariser  une  situation  de  fait.  Il 
y  a  là  le  principe  d'une  confusion  qu'on  commet  volontiers  et  qu'on  trouve 
encore  dans  le  tableau  que  donne  en  dernier  lieu  Westermarck  [The  Origin  and 
Development  of  the  Moral  Ideas,  II,  pp.  382  et  s.)  de  l'évolution  du  mariage. 

(2)  Qui  font  penser,  par  là  même,  à  la.  tradition  hébraïque  {Genèse,  XXIX, 
XXXI,  15).  — Sur  le  contrat  auquel  donnent  lieu  les  êova-prestation,  cf.  Ouvré, 
0.  t.,  p.  291;  Beauchet,  o.  L,  I,  p.  117. 

(3)  Kohler  [A us  dem  malayischen  Recht,  in  Zlscltr.  f.  vergl.  Rechtswiss.,  XVII, 
p.  231  et  s.)  observe  dans  les  tribus  malaises  la  coexistence  de  trois  types  de 
sociétés  :  à  côté  de  celles  qui  sont  définies  soit  par  la  filiation  masculine,  soit 
par  la  filiation  utérine,  il  y  a  un  type  intermédiaire,  où,  quand  le  prix  de  la 
femme  n'a  pas  été  versé,  le  mari  vient  servir  chez  la  femme.  Voir,  sur  le 
mariage  ambilien,  les  travaux  de  G.  Mazzarella. 

(4)  L'une  des  operae  (jue  nous  signalions  chez  Homère  (X  288  et  s.)  offre  cet 
aspect  quelque  peu.  La  conception  des  sSva  proprement  dits  se  ressent  d'une 
pareille  idée;  elle  se  précise  volontiers  dans  celle  d'un  concours  entre  les  préten- 
dants (t  528-9;  'C,  159).  Mais  on  se  rappellera  surtout  l' oîcôXov  imposé  par  Pénélope 
aux  prétendants  (t  572  sqq.  ;  <ï>  68  sqq.).  On  complétera  avec  les  observations  de 
R.  Hirzel  [Themis,  Dike  u.  Verw.,  p.  323,  n.)  qui  interprète  finement  le  récit  du 
mariage  d'Agaristè  dans  Hérodote,  VI,  128  et  s.,  et  parle  à  ce  propos  de  SoxLixocjîa 
des  prétendants. 

(5)  Glotz,  L'ordalie  dans  la  Grèce  primitive,  1904.  La  notion  de  Soxtjxsta^a 
représente  précisément  la  «  laïcisation  »  de  celle  d'ordalie  (cf.,  du  même,  Etudes 
soc.  etjurid.  sur  Vant.  gr.,  p.  95  et  s.). 


290  LOUIS    GERNET 

geance  (1)  que  sanctionne  encore,  de  son  point  de  vue,  la  loi  de 
Dracon  (2).  Par  le  fait,  le  ylvoç  du  fiancé  est  intéressé  dans  sa 
vie  même  à  la  conclusion  de  l'accord,  et  d'une  certaine  manière 
est  encore  partie  au  contrat  qui  le  fonde. 

Et  voilà  de  quoi  éclairer  la  signification  de  ces  sSva  que  la 
famille,  disions-nous,  doit  payer  collectivement.  Il  est  remar- 
quable que,  dans  les  sociétés  qui  pratiquent  le  «  mariage  par 
achat  )),  on  répugne  souvent  à  qualifier  ainsi  l'acte  par  lequel 
l'époux  obtient  la  renonciation  des  parents  à  leur  droit  sur  la 
fille.  Il  y  a  un  prix  versé  :  il  n'y  a  pas  vente.  On  s'en  défend  ; 
et  non  seulement  la  conscience  populaire  proteste  (3),  mais  les 
Codes  à  l'occasion  (4).  Dans  la  «  société  homérique  »,  il  n'en  va 
pas  autrement  :  l'opposition  sans  doute  n'est  pas  expresse, 
mais  le  langage  même  la  sous-entend  ;  il  affirme  une  différence 
du  tout  au  tout  entre  la  Y-^rr^iir^  aXo-^oç,  qui  pourtant  est  achetée, 
et  laTraXXaxy],  qui  est  covy^tyi  (5)  :  maintes  fois  l'observation  en 
a  été  faite  (6).  —  Qu'est-ce  à  dire?  Que  la  «  vente  »,  ici,  ne 
saurait  être  du  même  ordre  que  l'opération  économique  qui  se 
qualifie  vulgairement  ainsi  (7).  Certes,  nous  ne  songeons  pas  à 

(1)  6  577-583;  N  460  et  s.  Cf.  Glotz,  Solidarité,  p.  80  :  «  La  femme  mariée 
procure  donc  à  sa  famille  d'origine  l'appui  de  sa  nouvelle  famille  et  récipro- 
quement ». 

(2)  L.  20  sq.  :  [Dém.],  XLIII,  57.  Cf.  Inscr.  jurid.  gr.,  II,  p.  12  :  «  Il  faut  noter 
que  la  parenté  par  les  femmes  produit  ici  les  mêmes  effets  que  la  parenté  par 
les  mâles  »  —  mais  le  fait  est  inexactement  décrit. 

(3)  Westermarck,  The  History  of  Human  Marriage,  p.  405  sq. 

(4)  Les  lois  de  Manu  permettent  le  mariage  par  achat  ou  mode  des  Asuras, 
avec  certaines  restrictions  et  certaines  contradictions  (III,  23,  25,  31,  etc.).  Le  fait 
même  de  recevoir  une  gratification  pour  une  fille  mariée  est  patent  et  admis 
(III,  29).  On  en  indique  même  la  raison  d'être,  que  nous  avons  vue  et  qui  est 
pour  l'époux  d'acquérir  l'autorité  sur  la  fille  (IX,  93).  Seulement,  on  a  soin  de  dire 
que  ce  n'est  pas  là  une  vente  (lll,  29).  Que  les  brahmanes  aient  passé  par  là,  et 
qu'ils  y  aient  apporté  le  même  esprit  que  dans  la  question  du  lévirat  oil  Manu 
est  compliqué  de  contradictions,  c'est  possible..  Mais  on  verra  là  encore  l'expres- 
sion d'une  tendance  générale,  et  les  observations  de  Dareste  {Et.  d'hist.  du  dr., 
p.  75,  à  propos  du  livre  d'Apastamba)  sont  à  côté  de  la  question. 

(5)  t  202-3;  cf.  F  409,  et  H  es.,  Tr.  et  /.,  405-6  :  yuvatxa  . . .  xtt.tV  où  Ya[xeTTiv. 

(6)  Hruza,  o.  Z.,  I,  p.  12  ;  cf.  Beauchct,  o.  Z. ,  1,  p.  114  ;  Hirzel,  o.  /.,  p.  322,  n.  2. 

(7)  On  ne  songe  plus  à  soutenir  que  le  mariage  romain  par  coemptio  soit  une 
pure  vente;  pourtant,  c'en  est  une  quant  aux  formes  juridiques,  et  qui  a  lieu 
par  mancipation. 


HYPOTHÈSES    SUR   LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  291 

mettre  sur  le  môme  plan  Tachât  de  la  femme  et  les  dons  que 
les  parents  font  aux  époux  (ou  que  les  époux  se  font  entre  eux 
à  l'occasion  du  mariage)  (1)  :  celui-là  est  un  acte  juridique, 
ceux-ci  sont  un  rite  religieux.  Mais  à  tout  le  moins,  il  n'y  a  pas 
une  séparation  essentielle  entre  les  deux.  Et  il  n'y  a  pas  non 
plus  solution  de  continuité  quand  on  voit  que,  dans  la  langue 
homérique,  le  même  terme  sBva,  qui  désigne  le  prix  d'achat 
de  la  femme,  en  est  venu  à  désigner  quelque  chose  comme 
la  dot  (a  277  =:  3  196)  (2),  ou  plus  exactement  les  dons 
de  bon  augure  (3)  que  font  à  l'époux  les  parents  de  la  femme 
et  que  signifie  par  ailleurs  le  mot  ^dliv.  (I  147  =  289)  (4). 
Ce  transfert  de  sens  nous  suggère  d'admetlre,  commun  aux 
deux  choses,  un  élément  psychologique  qui  ne  peut  être  que 
la  notion  religieuse  d'une  certaine  communion,  ou,  si  l'on 
préfère,  d'une  alliance.  Car,  si  l'étymologie  apparente  le 
mot  é'Sva  à  la  désignation  du  mariage  (S)  —  et  il  vaut  la 
peine  de  noter  en  passant  que  l'idée  même  de  l'achat  en  est 
donc  absente  dans  le  principe  —  le  terme  jAsTÀia,  lui,  rentre 
d'une    part   dans    le    cercle    de   la    pensée    religieuse    (6),    et 


(1)  C'est  pourquoi  on  ne  saurait  faire  dériver  la  pratique  de  la  Morgengahe  du 
mariage  par  achat  avec  lequel  elle  coexiste  fort  bien,  en  vertu  de  Thypothèse, 
trop  souvent  reproduite,  d'une  rétrocession  des  é'Sva  à  la  fille  par  les  parents. 
D'ailleurs,  s'ils  coexistent,  c'est  qu'ils  n'ont  rien  de  contradictoire. 

(2)  Nous  n'ajouterons  pas  à  cet  exemple,  comme  on  le  fait  d'ordinaire,  celui  de 
P  53-4,  où  le  verbe  èe  Svtôîja  t  xo,  au  moyen,  pourrait  très  bien  indiquer,  de  la 
part  du  père,  la  réception  des  l'5va  (cf.  hZ-^'ùxoii  N  382):  on  sait  que  les  contradic-» 
tions  ne  manquent  pas  dans  le  tableau  homérique  de  la  société.  —  Quant  à  l'em- 
ploi de  a  277,  on  remarquera  que  ce  sont  les  gens  de  la  maison,  les  parents  de  la 
fiancée,  qui  «  préparent  »  les  é'Sva  (c'est  à  tort  qu'Ameis  donne  à  5pTuvéouaiv  un 
sens  factitif,  par  référence  d'ailleurs  à  p  53). 

(3)  Au  singulier,  le  mot  signifie  «  charme  «  ([xefXiov  (xtiXo^î)  chez  Callimaque, 
H,  à  Art.,  230.  Cf.  les  emplois  religieux. 

(4)  Ce  n'est  pas  le  nom  technique  de  la  dot  :  il  n'y  en  a  pas  chez  Homère 
(Ouvré,  0.  L,  p.  292).  Mais  on  peut  y  voir  l'origine  de  la  dot  (Beauchet,  o.  L,  I, 
p.  117),  et  le  terme  s'applique  à  une  prestation  coutumière  :  le  -pluriel  est  à  rap- 
procher, à  cet  égard,  de  è'Sva,  à'^roiva,  [io'.;(aYpta,  etc. 

(5)  Boisacq,  Dict.  étym.,  s.  v.  Cf.  Hermann,  o.  Z.,  p.  33  et  s.,  et  Schrader, 
Sprachvergl.  u.  Urgesch,  p.  554. 

(6)  Boisacq,  o.  L,  p.  620  (rapport  avec  (xs^Xi^oç,  etc.).  Chez  Apoll.  de  Rhodes, 
IV,  1449,  [xef/via  signifie  «  offrande  expiatoire  ». 


292  LOUIS    GERNET 

d'autre  part  évoque  la  notion  fondamentale  du  contrat  ou  de 
l'union  (1). 

En  somme,  c'est  une  conception  trop  simpliste,  c'est  une  vue 
unilatérale,  celle  qui  nous  représente  les  clans,  même  à  l'occa- 
sion du  mariage,  comme  plus  ou  moins  étrangers  entre  eux, 
comme  enfermés  par  des  cloisons  étanches.  Il  faut  bien  qu'à  ce 
moment  comme  à  d'autres,  ils  communient  ou  communiquent. 
Il  le  faut  parce  qu'avec  l'avènement  de  la  filiation  masculine, 
le  mariage  met  en  jeu  des  solidarités  diverses;  il  le  faut  en 
tout  cas  parce  que,  contractant  des  liens  définis  et  gros  de  con- 
séquences avec  la  famille  de  sa  femme,  le  mari  intéresse  sa 
famille  propre  à  la  conclusion  d'un  accord  comme  rèryur,.  Et 
cette  notion,  devenue  banale  et  terne,  de  Valliance,  qui  n'est 
pas  seulement  entre  deux  époux  (2),  mais  en  quelque  manière 
entre  deux  familles  (3),  nous  en  voyons  l'origine  et  le  fon- 
dement dans  la  pensée  primitive  qui  inspire  le  «  contrat  de 
fiançailles  »,  dans  la  notion  du  supplément  de  force,  de  pres- 
tige, d'influence  familiales  qu'un  pareil  contrat  garantit  :  qu'on 
y  mette  le  prix  —  un  prix  fixé  plus  ou  moins  par  la  coutume 


(1)  On  entrevoit  un  rapport  avec  les  mots  du  groupe  mitra  «  contrat, 
amitié  »,  sur  lequel  l'article  de  M.  Meillet  dans  le  Journal  asiatique  de  1907 
est  si  suggestif.  —  Ebeling,  Lex.  Homer.,  I,  p.  1035,  reprenant  et  développant 
les  indications  de  G.  Curtius,  Grundz.  cl.  gr.  Etym.  s,  329,  retrouve  dans  la 
racine  l'idée  de  se  consociare  (et  note  que  Milde,  en  moyen-allemand,  désignait 
une  libéralité,  spécialement  des  princes).  Ce  genre  de  rapprochements  n'est 
pas  contradictoire,  tant  s'en  faut,  avec  la  notion  religieuse  que  le  mot  évoque 
également. 

(2)  Chez  Homère,  àysaOai  ne  signifie  pas  seulement  «  prendre  pour  femme  », 
mais  se  dit  de  la  famille  tout  entière  (s  28)  ou  d'un  proche  parent  :  de  pareils 
emplois  sont  encore  au  nombre  de  6  (contre  15  autres).  —  En  bien  des  cas, 
l'évolution  du  mariage  a  consisté  à  le  concevoir  de  plus  en  plus  pour  lui-même, 
et  à  l'émanciper  en  quelque  sorte  de  la  famille.  Mais  l'idée  de  l'union  entre 
deux  individus  ne  laisse  pas  d'avoir  son  point  de  départ  dans  celle  d'un  accord 
entre  des  groupes.  Le  rite  des  sept  pas  que  font  ensemble  les  époux  dans  le 
mariage  indien  paraît  être  en  principe  le  rite  de  conclusion  d'un  pacte  d'amitié, 
d'un  contrat,  où  apparaîtrait  justement  l'image  de  Mitra  (Oldenberg,  o.  L,  p.  156, 
n.  1  ;  p.  395,  n.  3)  :  or  le  «  pacte  d'amitié  »,  selon  nous,  est  à  l'origine  entre 
groupes. 

(3)  C'est  là  une  idée  qui,  chez  nous  en  particulier,  a  eu  la  vie  dure  :  cf.  P. 
Viollet,  Hist  du  droit  civil  franc. "^j  p.  463,  n.  1. 


HYPOTHÈSES    SUH    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GHÈCE  293 

et  la  tradition —  la  chose  n'a  rien  que  de  moral.  Si  certain  est 
ce  besoin  que,  dans  telle  société  (1),  les  familles  recourront  au 
mariage  d'enfants  défunts  pour  créer,  de  l'une  à  l'autre,  le  lien 
d'une  affinité  a  artificielle  ». 

(A  suivre)  Louis  Gernet. 


(1)  Cf.  Dareste,  Noiiv.  EL,  p.  292  (Chine).  —  Rapprocher,  d'une  façon  générale, 
les  mariages  conclus  par  les  parents  entre  des  enfants  mineurs  (par  exemple, 
Kovalewsky,  o.  L,  p.  119). 


SUR  LES  METROPOLES  EGYPTIENNES 

A  LA   FIN  DU    ir  SIÈCLE  APRÈS  J.-C. 
D'APRÈS  LES  PAPYRUS   RYLANDS 


Plus  de  sept  mille  manuscrits  anciens  et  de  langues  diver- 
ses ont  été  réunis  dans  la  Bibliothèque  John  Rylands  à  Man- 
chester. D'abord  constituée  par  la  Bibliothèque  Althorp  qui  fut 
acquise  du  dernier  comte  Spencer  par  Mrs.  Rylands  en  1892, 
cette  précieuse  collection  s'est  considérablement  accrue  en 
1901  de  celle  de  Lord  Grawford  ;  elle  s'est  continuellement 
enrichie  depuis  de  pièces  nouvelles.  Gomme  l'Egypte  est  une 
des  sources  les  plus  abondantes  de  textes  anciens,  il  était 
naturel  que  la  «  librairie  »  John  Rylands  contînt  de  belles 
séries  de  papyrus.  Les  conservateurs  de  ces  richesses  ont  eu 
le  louable  souci  de  les  faire  connaître  sans  tarder.  C'est  ainsi 
qu'ils  ont  confié  à  M.  W.  Crum  la  publication  des  textes 
coptes,  parus  en  1909  (1),  et  à  M.  Griffith  le  catalogue  des 
papyrus  démotiques  :  les  trois  volumes,  que  le  savant  profes- 
seur d'Oxford  a  donnés  la  même  année,  constituent  certaine- 
ment un  des  travaux  les  plus  importants  et  les  plus  féconds 
en  résultats  qui  aient  été  accomplis  dans  ce  domaine  (2).  En 

(1)  w.  E.  Crum,  Catalogue  of  the  Coptic  manuscripts  in  the  collection  of  ihe 
John  Rylands  Lihrary  Manchester.  Manchester  and  London,  1909. 

(2)  F.  L.  GriBith,  Catalogue  of  the  démolie  papyri  in  the  John  Rylands  Lihrary 
Manchester,  with  facsimiles  and  complète  translations.  3  vol.  Manchester  and 
London,  1909. 


I 


SUR   LES   MÉTROPOLES  ÉGYPTIENNES   A   LA   FIN   DU   II*   SIÈCLE       295 

J911  M.  A.  S.  Hunt  publiait,  en  un  premier  volume,  les  papyrus 
grecs  littéraires,  parmi  lesquels  on  remarquait  un  beau  manus- 
crit de  rOdyssée  (1),  et,  au  début  de  1915,  en  pleine  guerre, 
voici  que  le  môme  M.  A.  Hunt,  avec  la  collaboration  de 
MM.  Johnson,  d'Oxford,  et  Victor  Martin,  de  Genève,  fait 
paraître  les  documents  ptolémaïques  et  romains  (2).  Ce  superbe 
volume,  orné  de  vingt-trois  planches,  est  un  des  plus  remar- 
quables de  ce  genre,  tant  pour  Timportance  des  textes  que 
pour  la  savante  exactitude  des  commentaires. 

Les  textes  proviennent,  pour  la  plupart,  des  sites  qui  nous 
en  ont  déjà  tant  fourni  :  Hermoupolis  et  le  Fayoum;  mais  les 
papyrus  carbonisés  de  Thmouis,  dans  le  nome  de  Mendès,  se 
trouvent  dans  la  collection  Rylands  en  assez  grand  nombre  et 
ouvrent  à  notre  curiosité  une  province  presque  inconnue  (3). 

Qu'ils  viennent  du  Delta  ou  de  la  Moyenne-Egypte,  plusieurs 
de  ces  papyrus  posent  des  problèmes  nouveaux  que  les  éditeurs 
ont  courageusement  abordés,  avec  cette  érudilion  à  la  fois  pru- 
dente et  pénétrante  qui  caractérise  la  manière  des  savants 
anglais  ;  sur  l'administration  financière,  notamment  sur  les 
taxes  afférentes  aux  jardins  et  vergers,  on  lira,  par  exemple, 
telles  notes  (4)  qui  sont  de  véritables  mémoires.  Mais  il  serait 
oiseux  d'allonger  l'éloge  de  ce  qui,  en  papyrologie,  nous  arrive 
d'Oxford,  et  il  ne  s'agit  pas  de^  donner  ici  une  analyse  com- 
plète de  ce  second  volume  ;  c'est  sur  un  groupe  plus  restreint 
de  documents  que  nous  porterons  notre  attention  :  les  ques- 
tions qu'ils  éclairent  ne  sont  pas  des  moins  graves;  car  elles 
concernent  ces  institutions  éfui  sont  le  cadre  nécessaire  de  la 
vie  hellénique,  je  veux  diie  les  institutions  municipales. 

(1)  A.  S.  Hunt,  Catalogue  of  tfie  Greek  Papyri  in  Ihe  John  Rylands  lihrary 
Manchester,  vol.  I.  Literary  Texts  {Nos  1-61),  with  ten  plates.  Manchester  a.  Lon- 
don,  1911. 

(2)  J.  de  M.  Johnson,  Victor  Martin,  and  A.  S.  Hunt,  Catalogue  of  the  Greek 
Papyri  in  the  John  Rylands  Lihrary  Manchester,  vol.  II.  Manchester,  London, 
New-York,  1915  (cité  en  abrégé  V.  Ryl.). 

(3)  Ce  ne  sont  pas  les  seuls  textes  connus  et  publiés,  de  cette  provenance  cf. 
P.  Ryl.,  II,  p.  291. 

(4)  P.  Ryl,  II,  p.  243-253. 


296  PIERHE    JOUGUET 

On  sait  que  la  vie  municipale  a  présenté  dans  le  pays  du  Nil, 
surtout  dans  les  Métropoles  des  nomes,  des  traits  fortement 
originaux.  Or  c'est  précisément  sur  les  Métropoles  que  les 
Papyrus  Rylands  nous  apportent  les  renseignements  les  plus 
précieux.  On  a  tenté  plusieurs  fois  de  déciire  ces  villes  semi- 
grecques  de  la  vallée;  assez  précise  pour  le  ni^  siècle  ap.  J.-C, 
au  début  duquel  (202)  les  métropoles  ont  reçu  de  Septime 
Sévère  des  curies,  à  limitation  des  autres  communes  de  l'Em- 
pire, celte  description,  pour  les  périodes  antérieures,  restait 
pleine  d'incertitudes.  Aujourd'hui,  grâce  aux  Papyrus  Rylands, 
plusieurs  de  nos  doutes  sont  levés,  et  certains  faits  sont  éta- 
blis, qui  permettent  d'entrevoir  plus  clairement  la  nature  juri- 
dique des  magistratures,  partant  celle  des  villes  elles-mêmes. 
C'est  ce  que  nous  allons  tenter  de  montrer,  après  les  éditeurs, 
en  groupant  dans  un  aperçu  d'ensemble  les  renseignements 
épars  dans  les  textes  mêmes  et  dans  les  commentaires. 

On  peut  assez  rapidement  résumer  les  principaux  traits  de 
l'organisation  municipale  dans  l'Egypte  Romaine  (1).  11  paraît 
prouvé  que  la  population,  au  point  de  vue  du  statut  politique, 
était  divisée  en  quatre  classes  :  les  citoyens  romains,  d'ailleurs 
peu  nombreux;  les  citoyens  des  cités  grecques  ;  la  population 
hellénique  du  pays  égyptien  (ytopa),  privilégiée,  comme  les 
classes  précédentes  à  Tégard  de  la  capitation  ;  et  la  population 
indigène  dont  la  sujétion  est  marquée  précisément  parce 
qu'elle  est  frappée  de  ce  tributum  capitis  (2). 

Si  l'on  met  à  part  les  citoyens  romains  qui  ne  se  rattachent 

(1)  J'ai  essayé  de  décrire  celte  organisation  dans  un  livre  intitulé  La  Vie  Muni- 
cipale dans  VÉgyple  Romaine,  Paris,  1911.  Pour  les  questions  qui  nous  occupe- 
ront plus  spécialement  ici,  on  peut  voir  particulièrement  les  chapitres  I  et  IV. 
On  trouvera  dans  cet  ouvrage  les  renvois  aux  travaux  antérieurs. 

(2)  Les  sujets  indigènes  soumis  à  la  capitation  sont  les  SeSsiTÎxioi,  dediticii,  ée 
rÉdit  de  Caracalla,  qui  les  exclut  du  beneftcium^  par  lequel  il  accorde  la  civitas 
romana  aux  habitants  de  TEmpire.  Die  griechische  Papyri...  zu  Giessen,  heraus- 
gegeben  und  erklart  von  E.  Kornemann,  Otto  Eger,  P.  M.  Meyer.  Heft.  II,  n"  40, 
et  le  commentaire  de  P.  M.  Meyer,  p.  29-33;  cf.  Mitteis  et  Wilcken,  Grundzûge 
und  Chrestomathie  der  Papyruskunde,  1.  Band,  Historischer  Teil  p.  U.  Wilcken, 
Grundzllge,  p.  55.  (Cité  en  abrégé  Mitteis  ou  Wilcken,  Grundziige  ou  Chresto- 
mathie). 


SUR   LES   MÉTROPOLES   ÉG YFTIKiNiNKS   A    LA   FIN    DU   II"   SIÈCLE       297 

à  aucune  commune  romaine  en  F.gypte,  à  chaque  catégorie  de 
personnes  répond  un  centre  dinereiit  de  vie  municipale.  Les 
citoyens  des  cités  grecques  ont  leurs  quatre  ttoXe».;,  qui  s'oppo- 
sent nettement  au  reste  du  pays  et  qui  échappent  à  l'autoi'ité 
des  fonctionnaires  du  nome  :  ce  sont  Alexandrie,  Naucratis, 
Ptolémaïs  et,  depuis  130,  Antinooupolis.  Elles  s'administrent 
elles-mêmes,  sous  la  surveillance  du  préfet  et  des  procurateurs 
romains  aux  trois  épistratégies  de  Haute,  Basse  et  Moyenne 
Egypte.  Les  Grecs  de  la  vallée  ont  leur  centre  dans  les  Métro- 
poles des  nomes.  La  commune  proprement  indigène,  c'est  le 
bourg  (xwuLTi)  (1). 

Les  Métropoles  ne  sont  pas  des  -6â£',;,  les  "E)vA7,v£;  de  la 
'^o)pa  ne  sont  pas  des  -oX'.Tat.  et  rien  de  plus  dilfîciie  que  de 
définir  le  statut  original  des  Métropoles  et  de  leurs  «  bour- 
geois ».  Ce  qui  est  incontestable,  c'est  le  caractère  hellénique 
de  ces  communes.  Là  s'agite  un  peuple  aux  allures  tout  à  fait 
grecques,  un  8/Ï[aoç,  dit  un  papyrus  d'Oxyrhynchos  (2).  On  est 
assez  embarrassé  quand  on  veut  déterminer  les  éléments  de  ce 
SfjpLoç.  Les  indigènes  en  sont  exclus.  L'élite  en  est  constituée 
par  les  personnes  que  nos  textes  appellent  «  les  gens  du  gymna- 
se »,  ol  £x  (ou  àîTo)  ToCÎ  Y'j!jt.vaT'lo'j  (3),  c'est-à-dire  ceux  qui,  appar- 
tenant aux  familles  de  culture  hellénique  et  élevés  au  gymnase, 
sont  en  état  d'aspirer  aux   honneurs  (4).    Tous   (ou   peut-être 


(1)  C'est  Vorigo,  la  naissance,  qui  attache  le  citoyen  à  sa  TtdXiç.  J'ai  pensé  que 
c'était  aussi  Vorigo  qui  attachait  l'Hellène  de  la  /wpa  à  la  métropole,  l'indigène 
à  son  bourg  :  Vie  Municipale,  p,  89-97.  Lesquier  [Revue  des  Études  grecques, 
t.  XXV  (1912),  p.  224)  pense  que  la  naissance  ne  lie  l'Hellène  et  l'indigène  qu'à 
sa  classe,  et  que,  pour  le  lier  à  une  commune  particulière,  il  faut  un  autre  fac- 
teur (lieu  de  naissance,  domicile  ?).  D'ailleurs,  pour  l'Egypte,  on  ne  voit  pas  très 
bien  lequel. 

(2)  B.  P.  Grenfell  et  A.  S.  Hunt,  Oxyrhrjnchus  Papyri,  III,  n»  473  (cité  en 
abrégé  P.  Oxy,)  =  Wilcken,  Chreslomathie,  n"  33.  Af^jj-o;  à  'ETTTaxwu.{a,  Métro- 
pole de  YApollinopolites  parvus  (v.  P.  Giessen,  3,  1.  2  et  la  note  de  Kornemann 
ad  loc,  p.  21). 

(3)  P.  Oxy.,  1202,  1.  18,  dit  :  svt  xou  xayixaTOç  xou  izap'  t^jjlsïv  yufjLvaTÎou.  C'est 
donc  une  classe   bien  définie,  un  ordre,  Tay[xa. 

(4)  Ce  sens  est  généralement  admis  (v.  P.  Ryl.,  192,  n.  8  (p.  77}  ;  P.  Oxy.,  XII, 
introd.  au  n»  1452).  Grenfell  et  Hunt  ont  certainement  raison  d'entendre  par 
cette  expression,  non  pas  seulement  ceux  qui  participent  actuellement  aux  exer- 

REG,  XXX,  1917,  n»  130.  21 


298  PIERRE    JOUGUET 

presque  tous)  achèvent  leur  éducation  dans  TEphébie,  où  Ton 
entre  régulièrement  à  14  ans,  âge  de  la  majorité  légale,  et 
dont  la  durée  normale  est  inconnue,  mais  qui  se  prolonge  par- 
fois jusqu'à  28  et  30  ans  (1).  Au  dessous  de  celte  aristocratie 
il  y  a  d'autres  privilégiés  au  titre  d'Hellènes.  Tels  sont,  par 
exemple  les  xà-roixoi.  ou  possesseurs  des  anciens  lots  de  terre 
octroyés  par  les  Ptolémées  aux  soldats  de  leur  armée  régu- 
lière :  selon  l'hypothèse  courante,  le  caractère  hellénique  de 
l'ancien  possesseur  est  passé  à  la  terre,  qui  l'aurait  transmis 
au  nouvel  occupant  (2).  Tels  sont  peut-être  aussi  certains 
IKTi'zpoTzoW'zciLi  '.  d'abord  ceux  dont  la  qualité  est  indiquée  par  une 
épithète  qui  semble  faire  allusion  au  taux  réduit  de  leur  con- 
tribution par  tète  :  slxoo-'lSpay^jjiot,,  ScooexàSpa-^jAQi,  ôxTaSpa-^fjiot.  (3); 
ensuite  ceux  qui  demandent  l'examen  de  leurs  titres  à  être 
inscrits  dans  la  classe  privilégiée,  sans  invoquer  d'autre  raison 
que  d'être  nés  de  deux  parents  originaires  de  la  métropole  (4). 
Tandis  que  le  statut  hellénique  des  xaTO'.xot.  a  sa  source,  en 
dernière  analyse,  dans  le  statut  des  Grecs  de  l'armée  ptolé- 
maïque  (o-TpaTsuopievo!.  "EAXr.vsç),  nos  métropolites  tiendraient 
leur  qualité  de  Grecs  du  caractère    même  de  la  commune   à 


cices  du  gymnase,  mais  ceux  qui  appartiennent  à  des  familles  dont  les  mem- 
bres ont  reçu  cette  éducation  depuis  plusieurs  générations.  On  trouve,  en  effet, 
dans  cette  classe  de  personnes,  non  seulement  des  femmes  (P.  Amh.  75),  mais 
aussi  des  enfants  en  bas  âge  (1  an  P.  Oxy.,  1552;  P.RyL,  102,1.  34  :  i'KoypoL{<£^) 
(X'fTi>v(ixwv)  xi^(£a><;)  ditô  y(u[xvaa(ou)  cppo(upiou)  lië{6ç).  Cf.  Wilcken,  Grundzûge, 
p.  144. 

(1)  Sur  l'éphébie,  Jouguet,  Vie  Municipale,  p.  150  et  suivantes  ;  Wilcken, 
Grundzilge,  p.  138  et  suivantes  ;  l\  Ryl,  101  et  plus  bas  p.  301  et  n.  1. 

(2)  Jean  Lesquier,  Les  Institutions  militaires  de  VÉgypte  sous  les  Lagides, 
p.  275-282. 

(3)  Les  £Îxoa{Spa;)(;jLoi  sont  connus  à  Arsinoé,  où  les  indigènes  auraient  payé 
40  drachmes  (v.  Wilcken,  GvundzUge,  p.  199);  les  SwSsxaSoaxfxot,  à  Oxyrhynchos 
(cf.  P.  Oxy.,  1452  et  les  textes  cités  dans  Tintroduction)  et  peut-être  à  Hermou- 
polis  (cf.  P.  Ryl.,  278);  les  ôxxaSpa/jjLoi,  à  Hermoupolis  (cf.  P.  Brit.  Mus.,  inv. 
1897;  Archiv,  VI,  p.  107  et  suivantes,  cité  à  propos  de  P.  Ryl.,  193,  t.  II,  p.  258, 
n.  3).  11  faut  jusqu'à  nouvel  ordre  rayer  les  TexTapaxaieixoatSpa/jiot,  que  Wil- 
cken {Archiv,  IV,  p.  545-546)  avait  cru  découvrir  dans  un  papyrus  d'Hermoupo- 
lis  {P.  Lond.,  955,  t.  III,  p.  127)  ;  voir  Wilcken,  Grundzuge,  p.  189,  et  la  n.  26  à 
P.  Ryl.,  102  (II,  p.  78). 

(4)  Voir  P.  Ryl.,  103,  104. 


SLR   LES   MÉTROPOLES   ÉGYPT1EN^ES  A   LA   FIN   DU   II''   SIÈCLE       299 

laquelle  ils  se  rattachent  (1).  Mais  quelle  est  au  juste  la  place 
de  ces  xaTouo».  et  de  ces  métropolites  dans  le  oriji-oc;  des  métro- 
poles? On  ne  peut  guère  la  déterminer.  Il  est  seulement  cer- 
tain aujourd'hui  qu'un  dodécadracJime  ou  un  octadrachme 
peuvent  être  inscrits  dans  la  classe  du  gymnase  (2).  Ces  appel- 
lations tirées  du  montant  de  la  taxe  ont  donc  un  caractère 
plus  fiscal  que  municipal,  et  l'examen  (ÈTiîxpia-'.ç)  des  droits  à 
cet  allégement  d'impôt  n'a  pas  tout  à  fait  le  même  but  que 
celui  des  titres  à  faire  partie  de  la  classe  du  gymnase  (3).  Mais 
celle-ci  est  évidemment  moins  nombreuse,  et  il  n'est  pas  sûr 
qu'à  elle  seule,  elle  ait  constitué  tout  le  Sv^tjioç  :  on  est  tenté 
de  croire  qu'il  comprenait  tous  les  Hellènes  ;  en  tout  cas,  il  ne 
comprenait  que  des  Hellènes.  On  n'oubliera  d'ailleurs  pas  que, 
si  l'idée  de  race  est  au  fond  de  cette  notion  d'Hellène,  il  est 
manifeste  que  le  sang  avait  moins  d'importance  que  la  culture, 
et  la  plupart  des  familles,  même  celles  de  l'aristocratie,  sont 
de  sang  mêlé  (4). 

On  doit  donc  renoncer  pour  le  moment  à  rechercher  plus 
exactement  quelle  était  la  composition  du  Q'7\\koq,  dans  les 
Métropoles;  mais  on  aimerait  pouvoir  définir  ses  droits  poli- 
tiques. Tâche  délicate,  car  nous  n'avons  aucun  des  textes  légis- 
latifs qui,  sans  doute,  les  avaient  fixés;  aussi  ces  droits  nous 
paraissent-ils  fort  vagues.  Le  8t|jjioç  n'est  pas  un  Corps  de 
citoyens.  On  le  voit  pourtant  s'assembler  à  Oxyrhynchos  (5), 
pour  voter  un  décret  en  l'honneur  d'un  gymnasiarque.  Mais 
n'assistons-nous  pas,  dès  le  i^""  siècle,  à  une  réunion  des  gens 

(1)  Vie  Municipale,  p.  78. 

(2)  Contrairement  à  ce  que  j'avais  soutenu  dans  ma  Vie  Municipale,  p.  83-85. 
La  preuve  en  est  donnée  par  le  P .  Oxy.,  1452  (dans  le  t.  XII  qui  vient  de 
paraître)  pour  les  SwSexiSpa/jxoi,  et,  pour  les  6xxa6pa)^|xoi,  par  le  papyrus  inédit 
P.  Brit.  Mus.  1600  (Bell,  Archiv,  VI,  p.  107-109),  cité  par  Grenfell  et  Hunt,  Oxy- 
rhynchus  Papy  ri,  XII,  p.  161. 

(3)  Grenfell  et  Hunt,  loc.  cit.,  p.  162. 

(4)  Pour  les  àitô  yu[ivaa{ou,  cf.,  par  exemple,  les  noms  égyptiens  dans  P.  RyL, 
102;  pour  les  métropolites,  P.  Ryl.  103,  nous  montre  même  un  esclave  dans 
leur  ascendance. 

(5)  P.  Oxy.  473  =  Wilcken,  Chrest.  n»  33.  Le  6f,[xoî  s'assemble  avec  les 
archontes. 


300  PIERKE    JOLGUET 

du  bourg  de  Bousiris,  voisin  des  Pyramides,  qui, "avec  leurs 
topogrammates  et  coraogram mates,  votent  un  décret  semblable 
en  rhonneur  de  Tiberius  Claudius  Balbillus,  préfet  d'Egypte 
sous  Néron  (56  ap.  J.-G.)  (1)?  Personne  ne  pensera  que  ces 
scribes  et  ces  villageois  aient  formé  une  assemblée  régulière 
ou  un  Corps  de  citoyens.  D'ailleurs  les  termes  techniques  dési- 
gnant l'assemblée  du  peuple,  tels  que  s/x^TiO-ia,  employé  dans 
les  décrets  de  Ptolémaïs  à  Fépoque  des  premiers  Lagides,  sont 
tout  à  fait  inconnus  aux  Métropoles  des  i"  et  u*"  siècles  après 
J.-G.  Il  n'y  a  donc  pas  d'assemblées  analogues  à  celles  des 
cités  grecques,  et,  quand  nous  verrons  le  peuple  des  Métropoles 
régulièrement  réuni,  son  rôle  sera  plutôt  celui  d'une  foule  qui 
manifeste  que  d'un  Conseil  qui  délibère. 

Au  point  de  vue  politique,  le  privilège  le  plus  apparent  de 
ce  Sfijjio»;  est  d'être  administré  par  des  «  magistrats  »,  apy^ov-re;. 
A  la  fin  du  n*'  siècle,  les  magistratures  des  Métropoles  étaient 
au  nombre  de  sept  ou  de  six.  On  ne  peut  pas  toujours  définir 
leur  compétence.  On  ne  sait  rien,  par  exemple,  ou  à  peu  près 
rien  de  Thypomnématographe  (2),  qui  d'ailleurs  n'a  peut-être 
paru  dans  les  Métropoles  qu'au  début  du  m''  siècle.  Les  agora- 
nomes  cumulent  le  soin  de  la  police  sur  les  marchés  avec  des 
fonctions  de  notaires.  Les  grands-prêtres  président  probable- 
ment aux  cultes  impériaux.  L'euthéniarque  doit  s'occuper  des 
approvisionnements.  Avant  l'introduction  de  l'hypomnémato- 
graphe  dans  les  Métropoles,  les  plus  élevés  en  dignité  (3)  sont 

(1)  C.  /.  Gr.  4699  =  Gagnât,  Inscripliones  grsecœ  ad  res  romanas  perlinentes, 
Aegyptus,  1110;  Dittenberger,  Ovientis  gnsci  inscripliones  selectas,  II,  n»  666, 
1.  6  et  n.  3  (p,  382).  Balbilla,  la  poétesse  de  la  Cour  d'Hadrien,  qui  fit  graver  les 
épigrammes  bien  connues  sur  la  jambe  de  .Memnon,  est  peut-êtie  de  la  même 
famille.  Balbillus  est  aussi  mentionné  dans  ledit  de  Tibère  Alexandre.  (C.  1.  Gr. 
4957  =  Dittenberger,  Orienlis  grœci  ijiscripliones  selectœ,  11,  n"  669,  1.  28, 
p.  397). 

(2)  Cette  magistrature  existait  à  Alexandrie,  mais  dans  les  deux  premiers 
siècles,  au  moins,  elle  ne  paraît  pas  y  avoir  été  une  fonction  municipale.  V. 
Vie  Municipale,  p.  171-173,  et  Grenfell  et  Hunt,  Oxyrhynchus  Papyri,  t.  Xlï,  p.  29. 

(3)  Un  classement  de  ces  magistratures  par  ordre  hiérarchique  a  été  proposé 
par  F.  Preisigke,  Slcidlisches  Beanilenwesen  in  rômischen  Aegyplen,  Halle,  1903, 
p.  31  et  suivantes;   un   autre,  un  peu  ditierent,    par    Jouguet,    Vie  Municipale, 


SUH    LES   MÉTHOPOLES   ÉGYPTIEiNNES   A   LA   FIN    DU   11^   SIÈCLE       301 

le  cosmcle,  l'exégcMe,  le  gymnasiarque.  Celui-ci,  le  plus  haut 
magistrat  de  la  ville,  au  moins  depuis  l'époque  romaine,  est 
le  directeur  du  gymnase;  il  veille  à  son  entretien  auquel  il  con- 
tribue de  ses  deniers;  il  a  autorité  sur  les  éphèbes  qui  lui 
fournissent  une  gaide  d'honneur,  peut-être  môme  sur  les  kizo 
YujAvao-ioL».  Le  cosipète  a  certainement  des  rapports  avec  le 
gymnase  etl'éphébie;  quant  à  Texégète,  véritable  directeur  de 
la  municipalité,  il  semble  qu'il  soit  spécialement  chargé  du 
contrôle  des  conditions  de  droit  qui  assurent  à  chaque  membre 
de  la  commune  son  statut  personnel;  en  conséquence  il  est 
activement  mêlé  au  choix  des  jeunes  gens  qui  doivent  être 
reçus  dans  l'éphébie;  il  exerce  la  juridiction  gracieuse,  donnant 
des  tuteurs  aux  femmes  et  aux  mineurs,  dont  les  intérêts  sont 
sous  sa  garde  (1). 

p.  292  et  suivantes.  Dans  le  t.  XII  des  Oxyrhynchus  Papyri,  Grenfell  et  Hunt 
sont  arrivés  à  des  résultats  plus  précis.  L'ordre  régulier  serait  selon  eux  (p.  29)  : 
1.  hypomnématogiaphe;  2.  gynmasiarque;  3.  exégète;  4.  cosmète;  5.  grand- 
prêtre;  6.  euthéniarque  ;  7.  agoranome.  Un  doute  subsiste  encore  sur  le  rang  de 
Teuthéniarque. 

(1)  Vie  Municipale,  p.  315-342,  La  question  du  choix  des  éphèbes  est  assez 
obscure  et  doit  être  reprise.  Le  choix  définitif  des  éphèbes  s'appelle  el'axp'.cjtc;. 
Une  fois  cet  examen  passé,  le  jeune  homme  est  un  \i.ùCKoi'jif\^jo:,  (P.  Oxy.  1202, 
1,  17).  Il  pourra  prendre  part  aux  exercices  des  éphèbes  et  nous  voyons  qu'à 
Oxyrhynchos,  depuis  la  fondation  d'un  .àycôv  par  Septime  Sévère  et  Caracalla, 
l'amphodogrammate  doit  dresser  et  afficher  une  liste  de  ces  futurs  éphèbes, 
donnant  la  date  ovl  ils  devront  prendre  une  part  active  à  l'éphébie,  tt,v  tcôv 
i-orfjzûiiv  \xzXk6'n(ùv  ypa'ffiV  |ai|  irpèe;  t6  svtaaTOv  à-f'  ou  itpoar.xs'.  xaipoij  [tJtjÇ  saT.êt'aî 
àvxiXxêsaôai,  Mais  l'sTa-iCp'.Ttç  est  précédée  d'une  è-iîtxpiTiç,  Or,  dans  nos  demandes 
pour  rsTiupiTiç,  ce  n'est  jamais  la  qualité  d'éphèbe  qui  est  visée,  et  l'èiitxpiatt;  qui 
précède  l'sl'axpiaK;  des  éphèbes  ne  doit  pas  être  différente  de  l'eTC^xptaiç  des  àizo 
YU[xvaa{ou,  C'est  ce  que  semble  prouver  le  papyrus  d'Oxyrhynchos  cité  :  le  père 
d'un  jeune  homme  oublié  sur  la  liste  des  futurs  éphèbes  affirme  que  son  fils  est 
[xeXXoécpfiêof;,  qu'il  appartient  à  la  promotion  du  gymnase  qui  a  couru  sur  ses 
14  ans  la  25«  année  :  ôvxa  ex  xoij  Txyfiaxo;  xou  -^ap'  fijjLsiv  yuixvaaio'j  xpotjêâvxoç  £•<; 
xôTCTîpaxaiSexacxeïç  xou  xe'  (exou;),  et  qu'il  a  été  admis,  après  e-nUpiaiç,  la  même 
année,  vu  son  âge  et  sa  naissance,  dans  la  catégorie  de^  gens  du  gymnase  :  xal 
£7tixpi8svxa  xax'  àxoXou6c(av  xwv  sxwv  xal  xou  yévouç  s?;  xoùç  sx  xou  yu[xvaa{ou 
xw  a-jxw  xe'  (è'xei).  L'  sTiixptaiç,  en  province,  est  confiée  à  une  commission  où 
figurent  des  fonctionnaires  du  pouvoir  central  :  le  stratège,  le  scribe  royal,  et 
d'anciens  archontes  municipaux  ayant  le  titre  d'êirixptxat.  A  Alexandrie,  et  de 
même,  peut-être,  dans  les  autres  cités  grecques,  il  semble  que  ce  soit  un  fonc- 
tionnaire municipal,  l'exégète,  qui  préside  à  ces  opérations  dans  chaque  quartier 
(ypàjxtxa).  C'est  du  moins   ce    que   suggère    le   papyrus   de  Florence  382  {Papiri 


302  PIERRE    JOUGUET 

A  côté  de  ces  archontes,  il  n'y  a  pas  de  Conseil;  Septime 
Sévère  donna  le  premier  des  curies  aux  Métropoles  (1).  Les 
Papyrus  Rylands  prouvent  qu'Hermoupolis  elle-même,  qu'on 
aurait  pu  croire  plutôt  favorisée  que  les  autres  villes,  n'avait 
pas  encore  de  Conseil  dans  les  dernières  années  du  n®  siècle  (2). 

greco-egizi  piibblicali  délia  reale  Accademia  dei  Lincei,  vol.  III,  Papiri  Fiorentini... 
per  cura  de  G.  Vitelli,  n"  382  (ancien  57)  :  ôvtoç  Tcpôç  x?,  e-jiixpicrsi  tou  jâ'  ypâix- 
[xaxo;  Tiêspto'J  [Aiojvuaio'j  'Airo'Xivapîou,  vswxdpou  xoO  [xsyaXo'j  SapaiTiSoi;,  xwv  xsvcgit- 
{jLTjXÔxwv,  [xo'j]  sut  xfiç  suÔTivlaç,  lepscot;  xal  I^T,Yr,xoG.  L'si'axpiaiç  pour  les  éphèbes 
alexandrins  est  incontestablement  présidée  par  le  préfet,  comme  Wilcken  Ta 
conclu  du  même  papyrus,  1.  73  :  e'.a^cpivoia-svwv  utto  Tixou  «tXauîou  TixiavoO  xoû  Xi[x- 
Tcpoxaxou  TiysfjLÔvoç  (erreur  dans  F?e  Municipale,  p.  156-lo7  et  n.  1,  corrigée,  d'après 
Wilcken,  dans  ma  note  'ETrtxpiaiç,  Bulletin  de  la  Société  Archéologique  d'Alexan- 
drie, NS,  t.  III,  no  14,  p.  203  n.  2).  x\ous  ne  savons  pas  qui  procédait  à  retaxpiai; 
des  éphèbes  dans  les  métropoles,  sans  doute  un  fonctionnaire  du  pouvoir  cen- 
tral, peut-être  le  préfet,  ou  Tépistratège.  Mais  les  opérations  de  reïaxpKTiç  sont 
préparées  par  un  exégète.  A  Alexandrie,  on  adresse  les  demandes  pour  rela^ptat; 
à  rispsùç  sçïiyT^xTi;,  en  même  temps  d'ailleurs  aux  Kaiaapsîoi  (affranchis  impériaux) 
et  aux  autres  prytanes  (v.  P.  Oxy.,  477).  Dans  les  métropoles,  c'est  aussi  à  un 
exégète,  et  P.  Ryl.  101  a  prouvé  que  j'avais  eu  raison  de  restituer  [s^TiyqxfiJt 
'Ol'jp'.yx(^'cou)  à  la  1.  1  du  P.  Fior.  79.  Sur  ce  titre  v.  plus  bas,  p.  308  ss.  Le  cosmète 
et  le  gy.mnasiarque  doivent  aussi  intervenir,  ainsi  que  le  secrétaire  du  gymnase, 
P.  Fior.  382  (ancien  57)  mentionne  un  scribe  de  la  5iaXoyf,  du  xaxa>voyetov ;  on 
sait  que  ce  sont-là  les  bureaux  de  Tarchidicaste,  qui  devait  donc  avoir  un  rôle. 
Dans  Vie  Municipale,  p.  159-160,  j'ai  proposé  à  ce  sujet  des  hypothèses  qui  sont 
à  reviser.  Mais  les  textes  nouveaux  n'ont  pas  apporté  beaucoup  de  lumière  sur 
ce  côté  du  problème.  —  Jean  Lesquier  me  fait  remarquer  que  l'exégète  de 
P.  Fior.,  382  (ancien  57)  a  dû  être  chargé  de  riTir-cpiaiç  dans  le  second  gramma 
d'Alexandrie  comme  délégué  du  préfet.  C'est  une  conclusion  à  laquelle  on  est 
rigoureusement  conduit  par  les  considérations  suivantes.  Si  l'on  admet,  comme 
nous,  qu'il  n'y  a  pas  pour  les  éphèbes  des  Métropoles  d'iirîxpiaiç  spéciale,  diffé- 
rente de  l'sTiîxpiTi;  des  aTio  yuixvajtou,  il  est  vraisemblable  que,  pour  les  éphèbes 
alexandrins,  il  n'y  a  pas  d's-utxpicrK;  spéciale,  différente  de  celle  des  cives  alexan- 
drini.  Or  l'sTiîxpiJiç  des  cives  alexandrini,  comme  celle  des  Romains,  n'est  autre 
que  riTTÎxp'.Tiç  que  l'on  appelait  faussement  autrefois  l's-rrîxpiaK;  militaire  et  qui, 
en  réalité,  n'a  pas  d'autre  but  que  rsitîxptjiç  (dite  fiscale)  des  habitants  de  la 
ywpa.  C'est  ce  qu'ont  démontré  indépendamment  les  uns  des  autres,  Lesquier, 
d'une  part,  dans  son  Armée  Romaine  d'Egypte,  Grenfell  et  Hunt,  d'autre  part, 
dans  le  commentaire  de  P.  Oxy.,  XII,  1451,  texte  décisif.  Or  cette  sirUputî  (dite 
militaire)  est  de  la  compétence  du  préfet.  Il  faut  donc  que  l'exégète  de  P.  Fior., 
382  (ancien  57),  tout  comme  dans  d'autres  cas  le  préfet  de  la  flotte  alexandrine, 
ait  agi  par  délégation  du  préfet.  Pour  les  citoyens  des  autres  cités  grecques  leur 
éirr/cptat;  relève  probablement  aussi  du  préfet.  Toutefois,  pour  eux,  l'hypothèse 
d'une  commission  épicritique  n'est  pas  exclue.  Sur  toutes  ces  questions,  on 
verra  le  beau  livre  de  Lesquier,  actuellement  sous  presse. 

(1)  Vie  Municipale,  p.  345  et  suivantes. 

(2)  Le  mot  (âouX-f,  se  lit  dans  P.  Amherst,  II,  79,  provenant  d'Hermoupolis.  Voir 


SUR   LES  MÉTROPOLES   ÉGYPTIENNES   A   LA   FIN    DU   II"    SIÈCLE       303 

En  revanche,  les  archontes  forment,  au  moins  à  la  fin  du 
n^  siècle,  ce  que  nos  textes  appellent  le  y.oiv&j  des  archontes. 
Mais  que  faut-il  entendre  par  ce  terme?  Est-ce  une  assemblée 
qui  délibère  et  rend  des  décrets?  Est-ce  seulement  une  société 
de  magistrats,  unis,  non  pour  partager  des  profits,  selon  le  sens 
juridique  du  mot  société,  mais  poui'  garantir  la  ville  et  TEtat 
et  peut-être  se  garantir  eux-mêmes  mutuellement  des  risques 
de  déficit  dans  l'exercice  de  l'administration  et  des  charges?  Le 
xoivov  des  archontes  tenait  sans  doute  de  l'une  et  de  l'autre  (1). 
Le  papyrus  Rylands  86  nous  confirme  qu'il  devait  se  subdi- 
viser en  autant  d'autres  xoivà  qu'il  y  avait  d'ordres  (TàyjjiaTa) 
de  magistratures;  car  il  nous  fait  connaître  le  xot-vov  des  cos- 
mètes,  tandis  que  celui  des  exégètes  était  déjà  mentionné  dans 
le  n«  891  d'Oxyrhynchos  (2). 

Les  membres  de  ces  xot-và  devaient  être  assez  nombreux  : 
chaque  magistrature  avait  plusieurs  titulaires  dont  le  nombre 
variait  sans  doute  avec  les  lieux,  l'époque,  les  circonstances  (3). 
On  voit  en  outre,  maintenant,  que  d'anciens  magistrats  pou- 
vaient en  faire  partie.  C'est  ainsi  que  dans  le  papyrus 
Rylands  86,  le  xo(.v6v  des  cosmètes  est  représenté  par  deux 
anciens  cosmètes,  xoTjxriTsua-avTsç.  Il  serait  désirable,  il  est  vrai, 
de  préciser  le  sens  de  ces  aoristes. 

Les  textes  nous  offrent,  en  effet,  deux  manières  de  désigner 
les  anciens  magistrats.  Ils  emploient  tantôt  des  participes 
parfaits  (twv  Y£vu|jLvaa-!.ap'^T,x6T0)v,  etc.),  tantôt  des  participes 
aoristes.  La  langue  officielle  est  trop  exacte  pour  qu'il  n'y  ait 


Vie  Municipale,  p.  346-347.  Le  P.  Ryl.  77,  qui  est  de  192  et  qui  sera  étudié  plus 
bas,  aurait  certainemeut  mentionné  la  '^oukf^  si  elle  eût  existé  à  cette  date.  Celle 
qui  est  nommée  dans  P.  Amh.  79  et  peut-être  celle  d'Antinooupoiis. 

(1)  Vie  Municipale,  p.  299-300. 

(2)  P.  Ryl.  86  (de  195),  1.  3  :  tw  xoivw  rôiv  xojtxT.xôiv.  P.  Oxy.,  1413  :  (de  270-5),  1.  34 
xb  xo'.vàv  xwv  xoîaT^Twv.  P.  Oxy.,  891  (de  294)  :  dira  tou  vtoivoù  xwv  àiro  to'j  TatYfxaxoi;  :  le 
contexte  montre  qu'il  s'agit  du  xoivôv  des  exégètes.  Le  mot  xiy]}.x,  ne  s'applique 
pas  seulement  à  un  ordre  de  magistrat.  Dans  P.  Oxy.  1202  :  xiyixa  xou  irap'  f,[xtv 
YUfxvaaîou,  désigne  les  dirô  yujxvajïou,  non  les  gymnasiarques;  v.  aussi  le  papyrus 
inédit  de  Strasbourg,  cité  par  Wilcken,  Grundzilge,  p.  200. 

(3)  Voir  par  exemple  sur  le  nombre  des  gymnasiarques,  Vie  Municipale,  p.  320. 


304  PIERRE    JOLGUET 

pas  eu  de  diirérence  de  sens  dans  ces  expressions,  et  le  papyrus 
Hylands  86,  qui  montre  des  xoo-ij.YiTS'jTavTeç  faisant  encore  partie 
du  y.oivôv^  suggère  l'idée  que,  tandis  que  les  participes  parfaits 
s'appliquent  aux  magistrats  complètement  libérés,  les  parti- 
cipes aoristes  signifient  ceux  qui,  ayant  déjà  rempli  leur 
charge,  restent  néanmoins  dans  le  y-o^yô^^^  soit  parce  qu'ils 
peuvent  encore  être  rappelés  en  fonction,  soit,  comme  le  con- 
jecture M.  Homolle,  parce  qu'ils  n'ont  pas  encore  rendu  leurs 
comptes  (1). 

Si  notre  hypothèse  est  juste,  elle  a  des  conséquences  assez 
importantes;  car  il  nous  faut  admettre  que,  comme  anciens 
magistrats,  des  fonctionnaires  d'Etat,  môme  des  stratèges, 
peuvent  figurer  dans  le  y.oivôv  des  archontes  et  dans  les  divers 
xot.và  qui  le  composent  ;  de  même,  plus  tard,  nous  verrons 
des  bouleutes  remplir  des  fonctions  qui  n'ont  rien  de  municipal. 
D'autre  part,  on  a  dit  que  les  [^ouXal  de  Septime  Sévère  n'étaient 
qu'une  extension  du  v.o'.vb^j  des  archontes  (2);  mais  il  ne  fau- 
drait pas  prendre  l'expression  tout  à  fait  à  la  lettre.  La 
Boulé  n'est  pas  composée  de  magistrats,  ni  même  uniquement 
d'anciens  magistrats,  et  beaucoup  d'anciens  magistrats  ne  sont 
pas  bouleutes.  La  réforme  de  Sévère  a  donc  une  portée  plus 
grande  qu'un  simple  changement  d'étiquette,  destiné  à  assimiler 
l'aspect  extérieur  des  institutions  municipales  d'Egypte  à 
celui  des  autres  villes  de  l'Empire. 

Le  xo'.vov  des  archontes  tout  entier,  dans  certaines  affaires  oii 
sa  responsabilité  collective  est  engagée,  est  représenté  par 
l'exégète  et  le  gymnasiarque.  C'est  ainsi  que  ces  magistrats 
signent  seuls  une  lettre  adressée  par  les  ap-^ovTsç  d'Hermoupolis 
au  stratège,  dans  le  papyrus  Rylands  77.  Il  n'est  pas  sûr  qu'à 
la  date  de  ce  texte  (192)  les  archontes  aient  été  déjà  groupés  en 
xot.v6v;  mais,  en  le  comparant  au  n°  54  d'Oxyrhynchos,  oij  l'on 


(1)  Dans  un  bilingue  d'Oxyrhynchos,  P.  Oxy.,  1114,  yupLvajiap/r.aa*;  est  traduit 
par  faclus  gymnasiarchus  et  s'jÔT.v'.ap/TiUavxeç  par  facti  eutheniarchi.  Je  ne 
connais  pas  de  traduction  latine  pour  ces  verbes  au  parfait. 

(2)  Vie  Municipale,  p.  305. 


SUR   LES    MÉTHOPOLKS   ÉGYPTIENNES   A    LA    FIN    DU    11^    SIÈCLE       30o 

voit,  en  201,  un  épiinélèlc,  chargé  de  la  restauration  des  tliermes 
d'Hadrien,  demander  l'ordonnancement  dune  somme  au 
gymnasiarque  et  à  l'cxégète  seuls,  on  est  amené  à  conclure  que 
ces  deux  magistrats  représentent  ici  le  xo'.vôv,  de  même  qu'ils 
signaient  seuls,  à   Uermoupolis,  pour  tous  les  archontes  (I). 

Ainsi  l'administration  tinancière  de  la  ville  semhle  avoir  été 
placée  sous  la  surveillance  du  y.ù'.-'^rjv'^  mais  c'est  un  TauL'laç 
7ro).5.Tuwv  xal  UpaT'.xwv  yp7]iÀàTG)v  qui,  en  19G,  à  liei'moupolis,  est 
préposé  à  la  caisse  où  les  magistrats  municipaux  peuvent  pui- 
ser. Est-ce  une  caisse  municipale  et  les  villes  ont-elles  à  celle 
époque  le  droit  de  posséder?  Question  pour  le  moment  inso- 
luble ;  le  trésorier  qui  administre  à  la  fois  les  TroXiTLxà  et  les 
UpaTixà  -y(^p-/]tjLaTa  ne  fait  pas  figure  de  magistrat  uniquement 
municipal  (2).  Notons,  en  passant,  que  c'est  un  grand  person- 
nage, un  ancien  gymnasiarque,  y'juLvaa-»,ap'^ria-aç.  Notons  aussi 
que  dans  ce  texte  —  un  avis  de  débours  —  il  s'adresse  au 
xoivov  des  cosmèles  seuls,  qui  avait  donc  dans  certains  cas  le 
droit  d'ordonnancer  des  dépenses.  Il  s'agit  ici  de  frais  relatifs 
à  des  courses  de  chevaux. 

Le  y.ovjôy  des  archontes  agit  encore  collectivement  dans  la 
procédure  de  désignation  aux  curatelles  municipales  [liz\^k\z\(i\) ^ 
auxquelles  présentent  les  secrétaires  de  la  ville  (ypa[jLua':£^;  tyîç 
TtoAswç),  qui,  avec  les  scribes  de  quartiers  (amphodogrammates), 
sont,  dans  les  Métropoles,  ce  que  les  comogram mates  sont  dans 
les  bourgs,  et  qui  dépendent  peut-être  autant  des  fonction- 
naires agents  du  pouvoir  central  (stratège  et  basilicogrammate) 
que  des  archontes  municipaux;  cette  désignation  (sItôoct^) 
se  fait  avec  l'avis   préalable  du   xo'.vôv,   yv(0|j,ri    toG   y,o^.vo\j    twv 

àp-^OVTWV. 

Il  est  assez  frappant  que  cette  expression  de  v-oivo^^  tc5v  apyov- 
Twv,  tout  comme  la  mention  des  xoivà  particuliers  de  cosmètes  ou 


(1)  Voir  la  note  o2  au  P.  RyL,  77  fp.  36). 

(2)  B.  G.  U.  362  a  montré  qu'au  me  siècle  les  curies  sont  chargées  d'admi- 
nistrer les  biens  de  certains  temples  ;  v.  Vie  Municipale,  p.  402-404,  l'association 
des  îepaT'.xà  aux  TroTvixtxà  /prifjLaTa  n'a  donc  rien  de  bien  surprenant. 


306  PIERRE    JOUCtUET 

d'exégètes,  ne  se  roncontro  qu'à  partir  des  dernières  années  du 
n'  siècle,  à  la  veille  dn  jour  où  les  Métropoles  vont  recevoir  des 
curies  (202).  Le  document  le  plus  ancien  qui  mentionne  un 
v.oivh'^  de  magistrats  (celui  des  cosmètes)  est  le  papyrus  Rylands 
86,  déjà  cité  (196).  Le  plus  récent  est  le  papyrus  d'Oxyrhyn- 
chos  891,  oii  il  est  question  du  y,o'.vQ^^  des  exégètes  (294)  (1),  et 
il  est  certain  que  le  v,oi'jr,v  des  archontes,  aussi  bien  que  les 
divers  xoivà  qui  en  formaient  les  sections,  a  subsisté  au  temps 
où  la  j^ouX/j  avait  pourtant  hérité  une  partie  de  ses  attributions 
collectives.  Mais  il  est  un  papyrus  où  l'absence  de  ce  terme  est 
vraiment  bien  inattendue  :  c'est  le  papyrus  Rylands  77,  de 
l'année  192.  Dans  leur  commentaire  les  éditeurs  n'en  tiennent 
aucun  compte  et  parlent  du  xov^o^  des  archontes  et  du  xowov  des 
cosmètes,  là  où  il  n'est  question  que  de  xoT^iTiTal  et  d'ap;)(ovT£ç. 
Peut-être  ont-ils  raison.  Et  pourtant  ce  silence  du  texte, 
contrastant  avec  cette  tendance  du  commentaire  à  trouver 
mention  du  y.ovjq^  là  où  il  n'est  pas  explicitement  nommé,  reste 
bien  impressionnant.  On  est  tenté  de  placer  la  création  du 
xoivov  entre  les  années  192  et  195.  Le  groupement  des  magis- 
trats et,  dans  une  certaine  mesure,  des  anciens  magistrats  en 
un  y.Qi-^hv  serait  une  première  ébauche  de  l'institution  des  Con- 
seils. On  la  rapporterait  aux  mêmes  tendances  politiques,  peut- 
être  au  même  empereur,  ou  encore  à  celui  dont  il  se  considé- 
rait comme  le  successeur,  Pertinax,  malgré  le  règne  éphémère 
de  ce  prince.  La  garantie  que  pouvait  offrir  au  fisc  ce  groupe- 
ment d'archontes  ayant  paru  insuffisante,  on  l'a  renforcée  par 
la  création  des  [iio'jXa'l  où  siège,  peut-être,  une  majorité  de 
membres  qui  n'étaient  pas  et  n'avaient  pas  encore  été  magis- 
trats. Il  faut  reconnaître  pourtant  que  ce  n'est  là  qu'une  hypo- 
thèse incertaine.  On  peut  objecter  que  les  magistratures,  étant 
beaucoup  plus  anciennes,  beaucoup  plus  ancien  aussi  le  prin- 
cipe de  la  responsabilité  des  archontes,  l'idée  a  dû  venir  plus 
tôt,  tant  au  gouvernement  qu'aux  magistrats  eux-mêmes,  d'une 

(t)  P.  Oxy.,  1413  mentionne  le  xoivdv  des  cosmètes,  en  270-275. 


SUR  LES  MÉTROPOLES  ÉGYPTIENNES   A  LA  FIN   DU  11^   SIÈCLE       307 

sorte  de  soci(^té.  On  pensera  peut-^lre  que  les  années  192-195, 
époque  de  la  lutte  contre  Didius  Julianus  d'abord  et  Pescennius 
Niger  ensuite,  étaient  peu  favorables  à  une  réforme  administra- 
tive dans  les  Métropoles  égyptiennes.  Mais  ni  l'une  ni  l'autre 
de  ces  objections  n'est  décisive,  et  la  possibilité  de  notre  hypo- 
thèse, dans  un  domaine  où  il  y  en  a  tant,  méritait  d'ôtre 
signalée  (1). 

L'autorité  des  archontes  s'étend-elle  au-delà  des  limites  de 
la  ville?  C'est  une  question  délicate,  et  qui  se  rattache  à  un 
problème  plus  général,  celui  des  rapports  du  nome  et  de  la 
Métropole.  Celle-ci  nous  apparaît  comme  le  chef-lieu  du  nome, 
parce  qu'elle  est  la  résidence  du  gouverneur  ou  stratège  et  le 
centre  de  tous  les  grands  services  administratifs;  mais  le  nome 
n'est  certainement  pas  le  territoire  [regio]  de  la  commune 
grecque,  qui  a  son  siège  dans  la  ville,  et  l'administration  des 
bourgs  ne  dépend  en  rien  des  archontes  (2).  Cependant  on 
pourrait  croire  que  l'activité  notarielle  des  agoranomes  s'est 
étendue  au-delà  des  limites  de  la  ville  (3)  ;  d'autre  part,  dans  un 
texte  de  Thmouis,  on  parle  d'un  gymnasiarque  de  l'Oxyrhyn- 
chite  (4);  enfin,  à  Hermoupolis,  des  pères  d'éphèbes  ou  des 
orphelins  s'adressent  à  l'exégètede  l'Hermopolite.  Pour  les 
deux  premiers  cas,  un  moyen  aisé  de  lever  la  difficulté  se  pré- 
sente à  première  vue  :  on  peut  dire  par  exemple  que,  comme 
notaire,  l'agoranome  remplit  une  fonction  d'Etat,  non  une 
fonction  municipale,  et  qu'appeler  le  gymnasiarque  d'Oxyrhyn- 
chos  gymnasiarque  de  l'Oxyrhynchite  est  une  imprécision  de 
langage  explicable  à  Thmouis  ;  mais  aucun  argument  analogue 


(1)  Cependant  au  iii«  siècle,  au  sein  même  de  la  Curie,  et  au  cours  d'une  pro- 
cédure de  désignation  aux  àoy^xi,  interviennent  oî  è;T;yriTa{,  et  non  pas  xo  xoivôv 
Tôiv  s^TiyTiTwv,  lequel  est  d'ailleurs  mentionné  plus  bas,  à  une  autre  occasion,  dans 
le  même  texte,  P.  Oxy.,  1413,  1.  5  et  1.  34.  Cette  constatation  affaiblit  singu- 
lièrement la  force  de  l'argument  a  silentio  sur  lequel  s'appuie  une.  hypothèse 
qui  paraît  décidément  très  fragile.  Je  me  permets  de  renvoyer  le  lecteur  à  une 
étude  sur  les  curies  au  iii^  siècle  qui  sera  publiée,  j'espère,  prochainement. 

(2)  Vie  Mu7iicipale,  p.  385. 

(3)  Ihid.,  p.  330-337. 

(4)  P.  Ryl.,  427,  1.  5  (ne  ou  iii«  s.). 


308  PIERHE    JOUGUET 

ne  peut  être  invoqué  dans  le  cas  de  Texégète;  il  faut  donc 
renoncer  à  ces  échappatoires.  Les  éditeurs  remarquent  que, 
contrairement  l\  Thabitude,  cet  exégèle  ne  porte  pas  le  titre 
de  prêtre,  Upsùç,  et  ils  supposent  qu'à  côté  du  prètre-exégète, 
[epebq  xal  s^Tjy^Tviç,  il  y  a  d'autres  exégètes  dans  le  nome,  qui 
ne  sont  ni  prêtres  ni  sans  doute  magistrats  municipaux. 
On  voit  ailleurs  des  exégètes  dont  les  fonctions  semblent 
n'avoir  rien  de  municipal.  Tel  est  cet  exégète-stratège  men- 
tionné par  le  papyrus  Rylands  149. 

Pourtant  il  semble  bien  difficile  de  ne  pas  considérer  comme 
un  magistrat  de  la  commune  grecque  cet  exégète  à  qui  l'on 
s'adresse  pour  l'admission  des  jeunes  métropolites  dans  l'éphé- 
bie  (1).  C'est  autrement  que  je  tenterais  d'expliquer  la  mention 
du  nome  dans  son  titre.  Si  sa  compétence  s'étend  sur  le  nome, 
c'est  que  tous  les  Hellènes  n'habitent  pas  la  ville  (2);  plusieurs 
ont  leur  résidence  dans  les  villages  :  qu'on  songe,  par  exem- 
ple, à  certains  xàTOLxo!.,  dont  le  champ  (xV?ipoç)  était  situé  sur 
le  terroir  d'un  bourg;  ces  Hellènes,  répandus  dans  le  nome, 
devaient  bien  se  rattacher  à  la  commune  grecque;  ils  ont  pu 
être  traités  comme  originaires  de  cette  commune,  et  non  rési- 
dants ou  comme  originaires  des  bourgs;  ils  seraient  alors  unis 
au  peuple  grec  de  la  Métropole  par  un  lion  plus  lâche  que  les 
originaires,  mais  qui  leur  eût  tout  de  même  laissé  certains 
droits,  peut-être  celui  de  prendre  part  aux  décisions  du  o^p.oç, 
tout  comme  les  citoyens  romains  et  les  Alexandrins  de  pas- 
sage (3).  Ainsi  l'on  est  amené,  soit  à  confondre  les  exégètes 
du  nome  et  les  prètres-exégètes  de  la  ville,  soit  plutôt  à  dis- 
tinguer dans  tout  collège  de  magistrats  municipaux  ceux  qui 
s'occupent  particulièrement  de  la  ville  et  ceux  qui  s'occupent 
aussi  des  membres  de  la  commune  épars  dans  le  nome.  Ces 
Hellènes  du  nome  sont  peut-être  désignés  par  l'ethnique  seul. 
Nous  voyons,  en  effet,  'Epit-oizoll-zon  employé  comme  syno- 

(1)  p.  Fior.,  79. 

(2)  P.  Amh.,  85. 

(3)  P.  Oxy.,  473.  Wilcken,  Chrest.,  33. 


SUR  LES   MÉTROPOLES   ÉG YPTIE.NNES   A    LA    FIN    DU   U'^   SIÈCLE       309 

nyme  de  ol  r/  toj  urâo  MÉa-psw;  'Ep;j.07:oA'lTOj  dans  le  |)apyrus 
Rylands  119;  mais  il  faul  noler  que  cet  ethnique  désigne 
aussi  habituellement  des  originaires  et  habitant  hi  ville,  inscrits 
dans  les  quartiers  ou  à[j.cpooa. 

Ce  dernier  document,  qui  nous  montre  des  Hellènes  de  Fller- 
mopolite  justiciables  de  l'exégète  d'Alexandrie  dans  une  aiïaire 
où  leur  adversaire  est  un  gyamasiarque,  attire  l'attention  sur 
les  rapports  de  la  capitale  et  des  Métropoles.  Mais  c'est  une 
question  encore  obscure.  On  sait  que  les  Alexandrins,  môme  de 
passage  (TiapsTci.S'/iii.oCivTeç),  votent  avec  le  oTi|j.o;,  au  moins  à 
Oxyrhynchos,  et  souvent  les  mômes  personnages  ont  revêtu 
des  honneurs  municipaux  à  Alexandrie  et  dans  les  Métropoles. 
Les  jeunes  Alexandrins  de  la  /topa  ont  recours  à  l'exégète  du 
nome  pour  se  faire  inscrire  sur  la  liste  des  éphôbes.  C'est  à  peu 
près  tout  ce  que  l'on  peut  dire  de  précis,  en  attendant  les 
découvertes  futures. 

Malgré  tant  de  lacunes,  on  peut  pourtant  se  former  une 
image  assez  nette  de  ces  étranges  communes  grecques,  qui  ne 
sont  pas  des  ttoXsiç  et  dont  les  membres  ne  sont  pas  des  citoyens. 
Un  peuple  d'allure  hellénique,  mais  à  peu  près  dépourvu  de 
droits  politiques,  qui  s'assemble  môme  quelquefois  et  va  jus- 
qu'à voter  des  décrets,  mais  seulement,  semble-t-il,  des  décrets 
honoriliques  ;  pour  radministrei',  des  archontes,  pris  dans  son 
sein,  et  qui  le  représentent  en  face  du  pouvoir  central  :  voilà  ce 
que  nous  trouvons  dans  ces  communes  grecques  de  la  vallée. 
Différentes  des  cités  qui,  elles,  ont  un  Corps  de  citoyens 
(TroX'.Tuov  o-uo'TTi'j.a),  et  peut-ôtre  (à  l'exception  probablement 
d'Alexandrie)  une  assemblée  régulière,  un  Sénat,  le  sont-elles 
beaucoup  des  bourgs  indigènes,  où  nous  voyons  la  commune 
représentée  par  un  groupe  d'Anciens  en  face  du  comogrammate, 
agent  du  diœcète,  et  des  autres  fonctionnaires  du  pouvoir  cen- 
tral ?  Comme  les  archontes,  les  Anciens  sont  choisis  parmi  les 
membres  de  la  commune,  d'après  des  règles  fixes  et  avec 
l'assentiment  des  habitants  du  bourg;  comme  eux,  ils  rem- 
plissent une  charge   annuelle,  ou,  comme  disent  nos  textes, 


310  PIEKKE    JOLGUET 

une  liturgie.  Quelle  différence  essentielle  entre  les  archontes 
et  les  Anciens?  Tout  juste  celle  que  l'on  peut  constater  entre  le 
sens  du  mot  ).£t.TO'jpY'la  et  celui  du  mot  apyy], 

M.  Wilcken  (1)  essaie  de  marquer  cette  différence.  II  faut 
d'abord  noter  que  la  magistrature  comporte  un  honneur;  la 
liturgie  n'est  qu'un  devoir  et  une  charge  ;  enfin,  tandis  que  la 
liturgie  est  imposée,  la  magistrature,  en  principe,  est  librement 
acceptée.  Il  faut  ajouter,  il  est  vrai,  qu'elle  est  bien  vite  devenue 
obligatoire,  parce  qu'elle  est  devenue  bien  vite  trop  lourde. 
M.  Wilcken  en  donne  les  preuves,  qui  sont  abondantes. 

Si  aucun  autre  caractère  ne  les  distingue,  le  contraste  est 
bien  faible  entre  les  àoya»!  des  métropoles  et  les  XsLToupyUi.  des 
bourgs.  'Apyv]  aurait  beaucoup  perdu  de  son  sens  ancien;  ce 
mot  supposait  autrefois  dans  les  cités  grecques  une  délégation 
de  la  puissance  souveraine,  celle  du  Corps  des  citoyens.  Au 
ni^  siècle,  dans  les  Métropoles,  il  retrouvera  quelque  chose  de 
ce  sens,  puisque  les  archontes  sont  nommés  par  la  Boulé  seule, 
sans  l'intervention,  du  moins  ordinaire,  du  pouvoir  central. 
N'en  avait-il  rien  retenu  dans  les  dernières  années  du  u^ siècle? 

Pour  répondre  à  cette  question  si  importante,  puisque,  réso- 
lue, elle  nous  ferait  mieux  saisir  le  caractère  juridique  de  ces 
communes  hybrides,  il  faudrait  que  nous  fussions  renseignés 
sur  la  désignation  et  la  nomination  aux  àpyaL 

Jusqu'ici  on  ignorait  tout  de  cette  procédure  (2).  On  admet- 
tait, par  analogie  avec  les  curatelles  municipales,  une  désigna- 
tion, àvàôoo-^,  £'^a-oo!7^,  par  le  secrétaire  de  la  ville,  avec  l'assen- 
timent (yvwfjir^)  du  xo'.vov.  Là  s'arrêtaient  les  plus  prudents  qui 
n'osaient  imaginer  le  second  stade  ;  d'autres  se  le  figuraient, 
pour  les  curatelles  et  les  àpyai,  à  l'exemple  de  ce  qui  se  passait 
pour  les  liturgies  du  bourg  :  présentation  au  stratège,  trans- 
mission à  l'épistratège,  tirage  au  sort  des  titulaires  définitifs  (3). 
Mais  ce  n'était  qu'une  hypothèse.  Pour  le  iv®  siècle,  on  savait 

(1)  Wilcken,  Grundzuge,  p.  341-350. 

(2)  Vie  municipale^  p.  303  et  suivantes. 

(3)  F.  Preisigke,  Stddtisches  Beamlenwesen  in  rômischen  Mgyplen,  p.  9. 


b 


SUR   LES   MÉTROPOLES    É(4YPTIENNES  A   LA   FIN    DU   11*"   SIÈCLE       311 

que  le  gymnasiarque  était  couronné  par  le  stratège  (1);  à  ce 
moment,  il  revotait  ses  insignes,  la  cordelette  dont  il  se  ceignait 
la  tête  [(Tzpô'^io^^)  et  les  chaussures  blanches.  On  pouvait  sup- 
poser que  cette  cérémonie  datait  d'une  époque  antéiieure. 

Le  papyrus  Rylands  77  est  venu  jeter  quelque  lumière  sur 
ces  ténèbres.  C'est  la  pièce  capitale  de  la  série  que  nous  analy- 
sons; il  faut  la  lire  en  entier. 

Ce  texte  nous  olTre  un  groupe  de  documents  réunis  dans  une 
intention  qui  nous  échappe.  On  y  distingue  trois  parties  : 

1°  La  colonne  I,  très  mutilée,  et  dont  il  manque  la  partie 
gauche,  contient  un  document  qui.  se  termine  à  la  troisième 
ligne  de  la  colonne  II.  Il  est  du  29  Epiphi  (23  juillet)  de  la 
32^  année  de  Commode. 

2°  La  colonne  II,  complète,  contient  d'abord  une  copie  des 
acta  du  stratège  d'Hermouj)olis,  Sarapion-Apollonios.  C'est  le 
procès-verbal  de  deux  séances  ou  audiences  qu'il  a  présidées. 
Elles  ne  sont  pas  datées,  mais  sont  certainement  antérieures  à 
la  lettre  qui  suit. 

3°  Celle-ci  est  adressée  par  les  archontes  au  stratège.  Elle 
est  du  13  Pharmouthi  de  la  32*'  année  (192).  Cette  lettre  résume 
l'afTaire  exposée  dans  la  colonne  II,  et  pour  la  clarté,  c'est  par 
elle  qu'il  convient  de  commencer. 

Copie    d'un    autre    message    (xal    hipo^j    £~iaxàXiJ.axoi;  xo   àvxcYpacpov). 

Les  archontes  d'Hermoupolis  la  Grande  à  Sarapion-Apollonios, 
stratège  de  FHermopolite,  notre  très  cher,  salut. 

Achilleus,  fils  de  l'ancien  agoranome  Néarchidès-Cornelios,  ayant 
été  proposé  pour  la  cosmétie  par  quelques  cosmètes,  s'est  offert 
devant  toi  à  revêtir  Texégétie.  Nous  l'avons  exhorté  à  prendre  la 
cosmétie,  parce  que  la  ville  n'a  pas  beaucoup  de  cosmètes,  et  qu'il 
y  a  un  plus  grand  nombre  d'exégètes  suppléants  (2).  Aspidas,  père  de 
l'ancien  cosmète  Hermas,  à  ses  risques  et  périls,  a  couronné 
Achilleus  cosmète  (ïixe^t^  aoTov  loutJ  xivojvtf)  xr^y  xoafjir,x(£iav)  et  le  fait  a 


(1)  p.  Paris,  69  =  Wilcken,  Chrest.,  no  41. 

(2)  Je  donne  ici  une  traduction  du  mot  stiùôyxwv,  qui  sera  justifiée  plus  loin. 


312  PIEHRE    JOLGLET 

été  consigné  dans  les  acla  (1).  L'exercice  de  la  magistrature  étant 
assurée  à  la  ville  par  Tun  des  deux  [Sr^^  ouv  ào/-?;^  t?i  tSkh  àotair-coko'j 
o'jx/,;  È;  o-oTipou  aj-(ov  ,  nous  le  mandons  de  veiller  à  agir  conformé- 
ment à  ce  qui  s'est  passé  devant  loi,  pour  que  la  ville  puisse  obtenir 
cette  magistrature.  An  32,  Pharmouti  13.  Signé  :  Vexégèie  et  le 
gyniuasiarque. 

Ainsi  Achiileus  a  été  désigné  par  quelques  cosmèlcs  (utio 
Tt.vojv  xoa-uriTwv)  expression  vague  et  qui,  nous  l'avons  noté, 
ne  laisse  pas  de  surprendre.  Cette  désignation  n'est  pas, 
comme  celle  dont  sont  chargés  les  secrétaires  de  la  ville,  une 
simple  proposition  (sItootl;,  àvàooT',;)  ;  Achiileus  est  àyoï^Evoç  elç 
Tr,v  y.o a- tjLYi TE lav,  termes  qui  semblent  indiquer,  comme  le  remar- 
quent les  éditeurs,  une  certaine  contrainte  et,  ajoulons-Ie, 
peut-être  une  nomination  efTective.  Enfin  nous  apprenons  que 
pour  la  cosmétie,  comme  pour  la  gymnasiarchie,  et  nous 
pouvons  conclure  qu'il  en  est  de  même  pour  toutes  les  àpyai, 
il  y  a  une  cérémonie  du  couronnement.  Achiileus  ayant  été 
couronné,  l'affaire  comporte  une  suite  qui  regarde  non  plus  les 
archontes,  mais  le  stratège. 

Remontons  maintenant  à  la  séance  devant  le  stratège.  Après 
deux  ou  trois  mots  mutilés  (2),  qui  semblent  ou  faire  allusion 
à  un  protocole  qu'on  aurait  négligé  de  recopier  ou  bien  indi- 
quer le  moment  oi^i  se  plaçait,  dans  la  série  des  occupations 
quotidiennes  du  stratège,  la  séance  que  le  texte  analyse, 
on  lit  : 

32  Tipoç   Tw    ^[Yjjj.aT',]   TîapovTwv  T(I)[v  svàpj^wv  A'iou 

33  yu(j.vaa-t.apy_ou,   Aiovuor'lo-j  |  to[G1   ^-a'-   [.]...v8£0U    s^'/^y^Toù, 

'OX'j|j.[7t'.o]owpou  Tïpoô'lxo'j,  'A7:o).rXtov]'l[o]'j  'Hpax)va7:6XX(ovo[ç 
yuiJLjvaa-'.apy^f'/ja-avTOi;)  xal  'Ay'.A[X£w;;]   Kopv^Xiou, 

34  Ttôv    7T[ap]£7':WTG)V     a.T^h     TtÎç     ToXstOÇ     £7î(.CptOVTj|[(j]àv':(i)V   • 

a-T£cp£0-9ci)    AyiXXzb^  xoa-p.7jT£'lav  •  ptiuioG  xov  7ta[T]£pa  tov 

(1)  On   sait  que  les    acta    du    stratège    étaient   affictiés   par  les  soins  de  son 
appariteur;  v.  P.  Paris,  69  et  Wilcken,  ClireaiomaLlde,  à  propos  du  même  n»  41. 

(2)  Le  texte  donne  \xz[ 6f,]îJL03:a.  V.   la  note  32  des  éditeurs. 


SUR   LES  MÉTKOPOLES   ÉGYPTIENNES   A    LA   FIN    DU   11"   SIÈCLE       313 

Devant  le  tribunal  :  Présents  :  Dios  gymnasiarque,  Dionysios... 
exégète,  tous  deux  en  charge  ;  Olympiodore,  defensor,  ApoUonios 
fils  d'Hèraklapollon  (ou  Apollon  et  Hèraklapollon),  ancien  gymna- 
siarque, et  Achille  f.  de  Cornélius. 

Les  gens  (?)  de  la  ville  (?),  présents  à  l'audience  ayant  crié  : 
«  Qu'Achille  reçoive  la  couronne  de  la  cosmétie  ;  imite  ton  père, 
l'honorable  vieillard.  » 

Il  n'y  a  donc  pas  de  doute;  comme  les  éditeurs  le  font 
remarquer,  la  procédure  a  suivi  jusqu'ici  sa  marche  régulière 
et  nous  sommes  arrivés  au  moment  du  couronnement. 

Mais  est-ce  bien  pour  cette  cérémonie  que  le  stratège  siège 
sur  son  tribunal  (stcI  t^  fiyî i^aTi)  ?  Quoique  presque  entière- 
ment restitué,  le  mot  paraît  sûr.  Au  iv''  siècle,  à  Ombos  (1),  le 
couronnement  a  lieu,  non  au  tribunal,  mais  dans  le  gymnase, 
et  au  début  de  l'année  (an  1  Thoth)  ;  le  texte  d'Ombos  ne  dit 
pas  que  la  cérémonie  fût  publique.  Pourtant  les  éditeurs  ont  eu 
raison  de  penser  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  enquête  judi- 
ciaire :  le  stratège  ne  rendra  pas  de  sentence  ;  il  se  borne  à 
enregistrer  les  faits  qui  portent  d'eux-mêmes  leurs  consé- 
quences. Mais  il  semble  bien  que  la  séance  résumée  ici  ne  se 
serait  pas  tenue,  si  Achilleus  avait  consenti  à  prendre  la  cos- 
métie. On  eût  alors,  tout  de  suite,  procédé  au  couronnement. 
C'est  sans  doute  le  refus  d'Achilleus,  connu  à  l'avance,  qui 
provoque  cette  réunion,  où,  après  explications  contradictoires, 
ce  refus  doit  être  officiellement  enregistré. 

Pour  la  ponctuation  et  l'interprétation  du  préambule,  j'ai 
suivi  celles  que  les  éditeurs  proposent.  Je  crois  qu'ils  ont 
raison  de  voir  dans  7Tpo8uou  un  nom  commun.  Olympiodore 
occupe  la  charge  de  defensor,  non  pas  cette  haute  fonction  per- 
manente qui  apparaîtra  au  iv®  siècle;  c'est  un  de  ces  defensores 
dont  parle  Arcadius  Gharisius  dans  le  passage  bien  connu  sur 
les  munera^  au  Digeste  L,  4  :  quos  Graeci  syndicos  appellant, 
et  qui  ad  cerlam  causam  agendam  vel  defendendam  eligiintur. 

(1)  P.  Paris,  69;  Wilcken,  Chrest.,  41. 

REG,  XXX,  1917,  n»  139.  22 


314  PIEHRE    JOUGUET 

L'exégète,  le  gymnasiarque,  peut-être  aussi  les  anciens  exé- 
gètes  qui  les  accompagnent,  représentent  tous  les  archontes, 
nous  dirions  le  xoivov  des  archontes,  s'il  était  sûr  que  celui-ci 
fût  déjà  constitué.  Cette  incertitude  renforce  les  doutes  qu'ins- 
pirent les  suppléments  dans  la  formule  ol  7r[ap]£a"TwT£ç  kno  T-rjç 
u6).£wç(l).  Ainsi  restitués,  ces  mois  ne  peuvent  guère  désigner 
que  les  gens  de  la  ville,  présents  à  la  séance,  c'est-à-dire  le 
8fi|jioç,  du  moins  une  partie  du  ôtÎ[^oç.  Mais  les  éditeurs  ont 
eux-mêmes  hésité  à  restituer  7r[po]£o-TWT£ç  qui  désignerait 
plutôt  les  archontes,  peut-être  les  archontes  et  les  épimé- 
lètes  et  les  autres  fonctionnaires  municipaux  (ceux  de  la  ville 
qui  sont  à  la  tête  de  l'administration),  et  il  n'y  aurait  pas  lieu 
de  s'étonner  de  l'absence  du  terme  xolvov,  si  le  xoivov  n'exis- 
tait pas.  Le  choix  des  lettres  à  suppléer  a  donc  une  grande 
importance. 

Or  il  semble  bien  que  les  éditeurs  aient  eu  raison  de  rejeter 
7:[po]£o-':wT£ç;  avec  ce  verbe  l'expression  naturelle  eût  été,  je 
crois,  7t[po]£a-TWT£(;  Triç  TzôXeiùç.  Nous  en  conclurons  que  les 
archontes  n'agissent  que  par  ceux  d'entre  eux  qui  les  repré- 
sentent ;  les  autres,  s'ils  sont  présents,  sont  confondus  dans  les 
rangs  du  public. 

Les  7rap£(rTWT£ç  assistent,  en  effet,  à  la  séance  comme  un 
public,  non  comme  des  parties.  Ils  ne  figuraient  pas  parmi  les 
personnes  qui  se  présentent  au  tribunal  (Trapovxwv).  C'est  une 
foule  qui  environne  le  prétoire,  foule  dont  la  présence  et  les 
manifestations  sont  prévues  et  légales,  puisqu'elles  sont  ins- 
crites au  procès-verbal,  mais  qui  ne  prend  pas  autrement  part 
à  la  discussion  (2). 

Celle-ci  se  poursuit  entre  Olympiodoros  et  Achilleus  en  ces 
termes  : 


(1)  N.  33. 

(2)  Ainsi  il  y  a  une  différence  de  sens  entre  Tcap(5vTwv  et  TrapsaxwTwv.  Les 
TcapdvTs;  désignent  les  personnes  entre  lesquelles  l'affaire  va  être  débattue.  Les 
TrapeuTWTec;  ne  sont  qu'un  public.  Pour  marquer  plus  nettement  ce  contraste, 
j'avais  pensé  à  écrire  T:[ep!,]s(TTa)Twv.  Mais  une  telle  conjecture  serait  certaine- 
ment venue  à  la  pensée  des  éditeurs  si  l'étendue  de  la  lacune  l'avait  autorisée. 


SUR   LES   MÉTROPOLES   ÉGYPTIENNES   A   LA   FIN   DU   11^   SIÈCLE       315 

Achilleus  dit  :  «  Pour  obéir  à  ma  patrie  j'accepte  Vexégptie  porte- 
couronne,  avec  Tobligation  de  verser  par  an  deux  talents  et  à  con- 
dition d'être  dispensé  de  l'inspection  de  la  terre  affermée  (1)  ». 

Olympiodoros  dit  :  «  La  Fortune  de  notre  maître  l'Empereur  mul- 
tiplie les  magistratures  et  fait  prospérer  les  affaires  de  la  cité.  Et 
comment  serait-ce  possible  autrement  sous  la  gracieuse  autorité 
du  préfet  Larcins  Memor  (2)?  Si  donc  Achilleus  veut  être  couronné 
exégète,  qu'il  verse  le  droit  d'entrée  en  charge  (xo  lar.xrjpiov);  sinon, 
il  ne  s'en  est  pas  moins  désigné  lui-même  pour  la  charge  urgente  de 
cosmète  ». 

Achilleus  dit  :  «  J'accepte  l'exégétie,  à  condition  de  verser  deux 
talents  par  an;  car  je  ne  puis  pas  accepter  la  cosmétie  ». 

Olympiodoros  dit  :  a  Puisqu'il  a  accepté  la  charge  supérieure,  il  ne 
saurait  échapper  à  l'inférieure  ». 

Ammoniôn,  fils  de  Dioskoros,  interrompant,  dit  :  «  Tout  aujour- 
d'hui Achilleus  m'a  frappé  et  je  confirmerai  ces  faits  au  moyen  de 
vos  acta;  car  j'ai  adressé  une  requête  à  son  Excellence  le  Préfet  à 
propos  de  cette  insulte  ». 

Achilleus  dit  :  «  Je  ne  l'ai  pas  frappé  et  ne  lui  ai  fait  aucune  vio- 
lence ». 

Sarapion  Apollonios  stratège  dit  :  «  Ce  que  vous  avez  dit  est  inscrit. 
On  mandera  les  cosmètes,  pour  qu'en  leur  présence  vous  disiez  les 
mêmes  choses  ». 

L'ensemble  est  clair.  Le  texte  soulève  bien  quelques  questions 
de  détail  :  qu'est-ce,  par  exemple,  que  l'exégétie  o-xscpavacpopoç? 
Y  a-t-il  plusieurs  sortes  d'exégètes,  comme  le  suggère  une 
hypothèse  des  éditeurs,  signalée  plus  haut?  Ou  bien  i'exégète 
couronné  est-il  celui  qui  est  effectivement  en  charge  et  qui  se 
distingue  par  là,  à  la  fois,  des  exégèles  désignés  (àTco8£8£t.Y[jL£vot.) 
et  des  ÊiYiYyiTeua-avTeç  qui  font  peut-être  encore  partie  du  xolvov? 
Quel  est  aussi  ce  droit  d'entrée  en  charge,  lo-Yi-uTipt-ov,  que  Ton 
peut  comparer  avec  les  eTTio-ia  TaXavTa  qu' Achilleus  s'engage  à 


(1)  A  propos  de  l'èTtit-i^pT,(îiî  xf,;  8ta[xicr6ou(xiv7]ç  yfiî  les  éditeurs    renvoient   à 
P.  Flor.,  6  (Wilcken,  Archiv,  IV,  p.  427);  Rostovzew,  RÔyn.  KoL,  p.  189,  n.  1. 

(2)  Préfet  inconnu. 


316  PIERRE    JOUGUET 

verser  pour  l'exégétie  (1)?  Les  éditeurs  proposent  d'y  recon- 
naître une  sorte  de  dépôt  préalable  d'une  partie  de  la  contri- 
bution annuelle.  Le  plus  surprenant  est  la  protestation  d'Am- 
moniôn,  qu'Achilleus  est  accusé  d'avoir  battu.  Mais  c'est 
certainement  là  une  atfaire  secondaire  qui  vient  se  greffer  sur 
la  principale.  Elle  a  fait  l'objet  d'un  libelle  au  préfet,  enre- 
gistré aux  acta  du  stratège,  peut-être  une  citation  au  conven- 
tus.  Gomme  Ammoniôn  est  le  fils  de  Dioscoros,  représentant 
des  cosmètes  (on  le  verra  plus  bas),  il  n'est  pas  étrange  qu'une 
querelle  ait  éclaté  entre  Achilleus  et  lui.  Mais  il  faut  noter  que 
de  cette  querelle,  le  stratège  ne  tient  aucun  compte  :  «  Ce  que 
vous  avez  dit  »,  conclut-il,  «  est  inscrit....  ».  Gomme  la  suite 
le  montrera,  ce  n'est  pas  ce  qu'a  dit  Ammoniôn,  qui  sans 
doute  est  indûment  sorti  de  la  foule  pour  se  plaindre,  c'est 
ce  qu'ont  dit  Olympiodoros  et  Achilleus. 

On  interrompt  la  séance  pour  faire  venir  les  cosmètes.  Elle 
reprend  peu  après,  [j^st'  oXiyov,  cette  fois  au  Caesareum. 

Peu  après,  au  Csesareum,  Diogénès  et  Dioscoros,  ainsi  que  les 
cosmètes,  leurs  collègues  (oi  aùv  aoxro  xoff|jLrjTat),  se  sont  avancés  en 
présence  d'Achilleus,  représentés  par  un  seul  d'entre  eux.  Diogénès 
a  dit  : 

Si  Diogénès  parle  seul,  c'est  sans  doute  qu'il  a  seul  le  droit  de 
parler.  Mais  on  croirait  volontiers  qu'avec  les  cosmètes,  assis- 
tent à  l'audience  les  mêmes  personnes  précédemment  présentes 
au  tribunal.  En  tout  cas,  Olympiodoros  parlera.  La  séance  est 
peut  être  encore  publique.  Aspidas  qui  va  tout  à  l'heure  inter- 
venir doit  sortir  des  rangs  des  rcapso-TWTsç  ;  car,  bien  que  père 
d'un  cosmète,  il  n'est  pas  donné  comme  faisant  partie  des 
xoo-jxoTaL  Voici  maintenant  les  termes  mêmes  que  le  texte  met 
dans  la  bouche  de  Diogénès  : 

£p.àGo{JL£v  Tov  'AyùXioL  7TpoêaX6p.£vov  lauTOV  elç  £$riy(Y)Teiav)  aTcov- 
w'wv   YjjJLWv  •   TOJTO    8a    oùx   B^î\w    '    6  yàp    OeiOTaToç  'AvTWvîvoç   8ià 


1)  Dans  P.  Oxy.^  1413  il  est  question  de  axe-KTixa  qui  fait  peut-être  allusion  à  la 
Lironne  des  archontes  et  est  peut-être  un  droit  payé  aussi  à  l'entrée  en  charge. 


( 
couronne 


SUR   LES   MÉTROPOLES   ÉGYPTIENNES   A   LA   FIN   DU   II''   SIÈCLE       317 

eIç  l^r^ yriT£Lav  *  iroXXwv  ouv  èniXô^/^iùv  <<  ovtwv  >>  o'^S'Iâe».  elç  ty^v 
xaT£7r£tvo[u7a]v  àpyriv  TiapaêaivE'.v,  (oç  àvayvwo-ojjiafl  o-o'.  to   8t.àTay|jia' 

L'interprétation  du  passage  dépendra  en  grande  partie  du 
sens  que  l'on  attribuera  au  mot  tuCkôyyùiy .  L'adjectif  suiXoyyoç 
existe  dans  la  langue  classique  :  il  est  apparenté  à  Xôyyr\^ 
lance  (1).  Mais  les  ioniens  emploient  le  mot  Xoyyri  au  sens  de 
tirage  au  sort,  lot,  part.  On  le  trouve  par  exemple,  avec  la  der- 
nière acception,  à  la  fin  du  iv®  siècle  avant  J. -G.,  dans  une  ins- 
cription (2).  Or  l'influence  persistante  du  dialecte  ionien  sur  la 
xoivT]  et,  en  particulier,  sur  la  langue  des  papyrus  est  connue  (3). 
Les  éditeurs  ont  donc  raison  de  rattacher  EuiXoyywv  à  £7tt.Xay- 
yàv£iv.  Mais  leur  interprétation  est  hésitante.  Ils  ont  pensé  à 
exégète  désigné  et  comparé  le  [ji.£A*Aoyuavao-'lapyoç  du  papyrus  1116 
de  Londres;  au  contraire  du  o-TEcpavricpopo;,  l'exégète  Emloyyo^ 
n'ayant  pas  encore  reçu  la  couronne,  ne  serait  pas  en  exercice. 
Mais  la  langue  administrative  est  précise,  et  liriXoyyoç  ne  saurait 
être  synonyme  d'à7ro8£8£ty[jL£voç.  iVussi  ai-je  proposé  de  faire 
de  ï  BTziloyyoq  un  magistrat  définitivement  nommé  et  investi, 
probablement  donc  couronné,  mais  attendant  le  tirage  au  sort 
destiné  à  répartir  les  attributions  et  les  tours  de  service. 
Enfin  les  éditeurs  ont  aussi  pensé  à  traduire  par  exégète  en 
surnombre, 

M.  Homolle  me  fait  remarquer  qu'il  y  a  une  raison  très  forte 
de  choisir  ce  dernier  sens  :  c'est  l'usage  que  fait  la  langue  du 
droit  attique  de  ce  terme  ETriXaywv.  Les  gloses  citées  en  note  (4) 

(1)  Euripide,  Hippolyle,  v.  221. 

(2)  Dittenberger,  Sylloge,  2^  éd.,  n°  599,  1.  12.  làv  8[è  ô]  îspeôç  [ir\  TZ<xpr\:,  irpoVe- 
pTf)[Teu]6T0)  Tiç  d)v  a'w  'kôyy^oLi  £ta[{v,  xi]  8è  ytv[6][JLeva  à';ro5'.ôôv[at  xô]v  ôûovxa  tw  IspeT. 
V.  le  commentaire  de  Dittenberger. 

(3)  Meillet,  Aperçu  d'une  histoire  de  la  langue  grecque,  Paris,  1913,  p.  328  et 
suivantes,  p.  334  et  suivantes. 

(4)  El.  M.  s.  V.  STTiXaj^wv  :  AlayivT,<;  sv  tw  xarà  KxT.atçpwvTOi;  '  ouxs  Xaj^wv  oux' 
6T:iXa)((î)v,  àW  èx  Tcapauxeuf,!;  Tcptajxevoç.  ToioGtov  8é  èczi  tô  Xcydixevov  •  £xXT,poCvxo 
ot  pouXsûstv  f,  àpyziv  scpiéfjLEvot  •  è'ireixa  l'xajxov  xwv  Xaj^ôvxwv  ï-zz^o^  STteXdtyj^avev  'îva, 
làv  ô  i:poXï5(oiv  àitoSoxt.u.aa'ôî^r}  f,  xsXîUXT[ar\,  àvx'  sKStvou  yivrjxai  ^ouXeux')',!;  t,  àpj^wv 
ô  èirtXaxwv.  Cf.  Harpocration,  s.  v.  è-riXa/wv  :  même  glose;  il  ajoute  seulement 
6iïO'f  a(vexai  5è  xaOxa  sv  xw  nXaxwvoç  TTrepêdXio.  Le  passage  visé  est  conservé  dans 


318  PIERRE    JOUGUET 

montrent  qu'à  côté  du  bouleute  ou  de  l'archonte  désignés  par 
le  sort  (sxAripouvTo),  on  tirait  en  outre  au  sort  un  surnuméraire, 
destiné  à  remplacer  le  titulaire  en  cas  d'incapacité  constatée  à  la 
ooxLjjLao-ia  ou  de  mort. 

Quel  serait  alors  le  sens  et  la  portée  de  l'édit  de  Marc-Aurèle? 
Les  éditeurs  traduisent  ainsi  la  phrase  qui  le  résume  :  «  Le 
très  divin  Antonin  a  disposé  que  trois  exégètes  désignés  (?) 
sont  nécessaires  pour  l'office  d'exégète  ».  Remplaçons  dési- 
gnés ["î)  par  surnuméraires  et  précisons  davantage  le  mot-à-mot. 
Ce  que  l'empereur  a  décidé  c'est  de  ne  pas  permettre  (jjlyi  o-uy- 
y^opIo-Ôai)  une  certaine  procédure  qui  n'est  pas  indiquée  par 
la  phrase  même,  car  les  mots  si;  k^-r\'^'r\id'xv  de  la  fin  semblent 
bien  dépendre  de  E-O.oyywv,  et  d'ailleurs  ne  suffiraient  pas 
seuls  à  désigner  cette  procédure.  Mais  de  la  phrase  précédente 
il  est  facile  de  tirer  le  sujet  du  passif  \kr^  a-jy/^wp'îo-Oa',  qui  est 
To  TTpoêàXXsa-Oat.  sauTov,  c'est-à-dire  toute  candidature  volontaire 
en  général,  ou  toute  candidature  volontaire  à  l'exégétie,  de  la 
part  d'une  personne  appelée  à  une  autre  charge.  Cette  défense 
n'est  pas  absolue,  elle  est  bornée  au  cas  défini  par  les  termes 
av£u  Tp',wv  STtOvoyywv  sic  e^YiyriTsUv  qui  feraient  allusion  à  l'obli- 
gation entraînée  par  la  candidature  volontaire  à  l'exégétie  de 
désigner  trois  surnuméraires,  désignation  qui  incomberait  soit 
au  candidat  volontaire  soit  aux  archontes  en  charge.  Or,  comme 
pour  l'exégétie  il  y  a  surabondance  de  ces  exégètes  en  sur- 
nombre, Diogénèsjuge  non  recevablela  candidature  d'Achilleus 
qui  entraînerait  encore  la  nomination  de  trois  nouveaux  sup- 
pléants, alors  que  la  cosmélie  est  désertée  par  les  candidats  (1). 
Nous  pouvons  donc  traduire  ainsi  les  paroles  de  Diogénès  et  la 
suite  du  texte  : 

«  Nous  avons  appris  qu'Achilleus  s'est  proposé  lui-même  pour 
l'exégétie  en  notre  absence.  Or  ce  n'était  pas  possible  ;  car  le  très 

les  scholies  du  Ravennas  (Aristoph.  Thesm.,  v.  808).  Anekdota  de  Bekker,  AéÇetç 
^•flToptxa(,  p.  256,  3.  Hésychius,  s.  v.  ^àyyjxi  et  Xoyx"'!- 

(1)  Il  faut  retirer  la  conjecture  <'n:>v>,v  >  aveu  xpiwv  è7it>»ÔY/wv,  que  j'avais  pro- 
posée. 


SUR   LES   MÉTROPOLES   ÉGYPTIENNES   A    LA  FIN   DU   II*   SIÈCLE       319 

divin  Antonin^a  décidé  par  un  édit  de  ne  pas  autoriser  ces  candi- 
datures volontaires,  sans  que  soient  désignés  en  même  temps  trois 
suppléants  éventuels.  Or  il  y  a  de  ces  suppléants  en  grand  nombre 
et  Achilleus  doit  passer  à  la  magistrature  pressante,  selon  l'édit  que 
je  lirai.  » 

Après  lecture  de  l'édit,  Aspidas,  père  d'Hermas,  l'ancien  cosmète 
dit  :  «  A  mes  risques  et  périls,  je  couronne  Achilleus  cosmète  ».  Olym- 
piodoros  dit  :  «  Nous  avons  la  déclaration  d'Aspidas  qu'il  couronne 
Achilleus  à  ses  risques  et  périls,  et  Achilleus  doit  être  couronné,  car 
maintenant  l'exercice  de  la  magistrature  est  assuré  pour  la  ville  ». 
Le  stratège  dit  :  <(  Tout  ce  qui  a  été  dit  sera  enregistré  aux  acta  ». 
Lu  et  approuvé. 

Ainsi,  comme  plus  haut,  le  stratège  ne  rend  pas  de  sentence  ; 
il  se  borne  à  enregistrer  des  faits  dont  les  conséquences  se 
dégageront  plus  tard  :  ce  sera  d'ailleurs  à  lui  de  les  réaliser, 
en  partie  au  moins,  comme  le  prouve  la  lettre  des  archontes.  Le 
texte  ne  dit  pas  clairement  quelles  elles  étaient?  Nous  savons 
seulement  que  l'exercice  de  la  magistrature  est  assurée,  sans 
doute  soit  par  Aspidas,  soit  par  Achilleus.  Mais  qui  décidera 
entre  les  deux? 

Les  éditeurs  ont  songé  à  une  procédure,  connue  pour  le 
\if  siècle  :  l'âxo-Tao-',?  où  cessio  honorum.  Celui  qui  veut  décliner 
la  magistrature  offre  à  celui  qui  l'a  nommé  de  lui  abandonner 
ses  biens  ou  une  part  de  ses  biens,  à  condition  que  celui-ci 
remplisse  les  obligations  de  la  charge  (1). 

Trouvons-nous  traces  ici  de  cette  procédure  ?  Il  faudrait  la 
chercher  dans  un  document  postérieur  à  la  lettre  des  archontes. 

(1)  La  cessio  honorum  ou  exaTaaiç  a  été  mentionnée  la  première  fois  dans  C. 
P.  fi.  20  (WilcJien,  Chrestomathie,  402)  et  Mitteis  a  donné  une  théorie  de  cette 
procédure  dans  son  commentaire  au  texte.  B.  G.  U.  473  (voir  Mitteis,  Chrestoma- 
thie,  375),  nous  donne,  avec  une  requête  au  stratège,  un  fragment  de  rescrit  de 
Septime  Sévère  relatif  au  même  sujet  :  mais  le  texte  est  très  mutilé.  La  doctrine 
de  Mitteis  est  exposée  dans  Vie  Municipale^  p.  412-415,  où  j'adopte  son  interpréta- 
tion de  la  clause  âvri  vsvo[xia[X£vou  xp^Tou  :  un  tiers  de  ses  biens  serait  resté  à  celui 
qui  proposait  la  cessio.  De  nouveaux  textes  inspirent  des  doutes  sur  cette  inter- 
prétation :  ce  sont  P.  Ryl.,  75  (il  s'agit  ici  de  la  cessio  honorum  du  droit  privé) 
P.  Oxy.,  1416  et  1642  (ce  dernier  encore  inédit)  et  surtout  1405.  Voyez  l'introduc- 
tion de  Grenfell  et  Hunt  à  ce  dernier  texte. 


320  PIERRE    JOUGUET 

Or  ce  document,  nous  l'avons  peut-être  de  la  1.  1  (col.  I)  à  la  1.  32 
(col.  II)  (1).  Malheureusement,  sauf  les  trois  dernières  lignes, 
cette  partie  du  texte  est  irrémédiablement  mutilée;  il  manque 
plus  de  la  moitié  gauche  de  la  colonne  I,  et  il  est  difficile  de 
déterminer  les  pièces  dont  nous  avons  les  débris.  Il  faut  pour- 
tant tenter  de  les  définir  avant  de  les  étudier. 

Les  éditeurs  pensent  que  c'est  une  lettre  du  stratège  aux 
archontes.  Mais  cette  hypothèse  s'accorde-t-elle  très  bien  avec 
les  premières  lignes  du  papyrus,  où  nous  voyons  le  nom  du 
stratège  au  datif,  et,  au  génitif,  comme  s'ils  dépendaient  d'un 
Trapà  perdu  dans  la  lacune,  ceux  de  personnages  qui  ont  des 
titres  de  magistratures  municipales  dans  leurs  cursus'l  Rien 
n'indique  d'ailleurs  que  ce  soient  des  magistrats  d'Hermou- 
polis;  l'un  d'eux  a  certainement  rempli  une  fonction  à  Alexan- 
drie. Nous  chercherons  donc  au  début  les  restes  d'une  lettre  ou 
d'un  uîtop'/iijLa  adressé  au  stratège.  Ce  document  ne  va  sûre- 
ment pas  jusqu'à  la  ligne  32,  car  celui  qui  finit  là  est  une  lettre 
à  une  collectivité,  comme  le  prouve  la  formule  de  salutation 
finale  :  eppwo-Qat.  u|jiâç  £j'/^o([jia',),  (pOwaroi,  qui  rappelle  celle  dont 
usent  entre  eux  les  bouleules,  les  archontes  et  le  stratège.  Est- 
ce  la  lettre  du  stratège  aux  archontes,  à  laquelle  ont  songé  les 
éditeurs?  Mais  cette  hypothèse  n'a  rien  d'assuré  :  le  premier 
document  pourrait  bien  être  le  billet  d'envoi  de  cette  lettre 
adressée  aux  ©iXTaTot.;  dès  lors  on  ne  voit  pas  pourquoi  on  com- 
muniquerait au  stratège  une  lettre  du  stratège.  Je  proposerai 
une  autre  explication,  qui  d'ailleurs  n'aura,  elle  aussi,  rien 
de  certain. 

Dans  la  lettre  aux  cpiATaTot.  est  intercalé,  semble-t-il,  le  pro- 
cès-verbal d'une  audience  devant  les  5t.£7rovT£ç  ttiv  twv  o-TsjjiiJLàTwv 
Sio'lxïio-iv.  On  ne  sait  pas  au  juste  qui  sont  ces  fonctionnaires,  et 
leur  titre  est  difficile  à  expliquer.  M.  Wilcken  a  cru  que  le  mot 
çrT£|jLtjLa  désignait  une  division  du  Corps  éphébique.  Autrefois,  il 
y  voyait  une  allusion  aux  couronnes  distribuées  dans  les  jeux  ; 

(1)  Voir  le  texte  de  cette  partie  du  document  ici  mêjne,  Appendice,  p.  327. 


SUR   LES  MÉTROPOLES  ÉGYPTIENNES  A   LA   FIN    DU   II*   SIÈCLE       321 

on  peut  aussi  songer  aux  couronnes  des  archontes  (1).  Il  est  seu- 
lement certain  que  ces  fonctionnaires  avaient  à  s'occuper  des 
biens  confisqués  par  la  ville,  et  les  éditeurs  pensent  qu'ils  ont 
pu  être  chargés  d'une  surveillance  sur  les  fonds  appartenant 
aux  divers  xoivà  de  magistrats  (2).  Nous  allons  les  voir  juger 
une  affaire  relative  à  un  gage  saisi  à  l'occasion  d'une  désigna- 
tion à  une  charge.  Les  mots  ly.TziiK^0Lzt  irpo;  riaâç  de  la  I.  12 
suggèrent  l'idée  que  c'est  eux  qui  écrivent  aux  olliy.-zoï  et  que 
l'affaire  leur  a  été  déférée  par  leurs  correspondants,  probable- 
ment les  archontes  :  on  écrira  à  la  ligne  32  £Ù'^(6|jL£Ôa)  au  lieu 
de  £u^(oaa'.)  ;  et  cette  lettre  des  SUTiovTeç  aux  archontes  (e-Trio-- 
ToÀY)  ToTç  apyouTt.)  est  le  premier  sTuUTaXtjLa  auquel  font  allusion 
les  termes  hkpou  sTc.a-TàAjjiaToç  de  la  1.  47  (3). 

Quelles  sont  maintenant  les  personnes  qui  envoient  au  stra- 
tège la  lettre  des  8t.£TT:ovT£ç...  aux  archontes?  On  serait  tenté  de 
croire  que  ce  sont  encore  les  SUttovte;...,  s'il  y  avait  place  pour 
ce  long  titre  dans  la  lacune,  et  ceux-ci  nous  apparaîtraient 
comme  de  grands  personnages,  puisqu'on  trouve  parmi  eux  un 
ancien  stratège  et  un  ancien  cosmète  d'Alexandrie;  mais,  dans 
l'état  actuel  du  texte,  on  ne  peut  rien  dire  de  certain  ni  même 
de  vraisemblable  (4). 

On  ne  voit  pas  nettement  si  la  sentence  des  S!.£7tovt£<;  a 
quelque  rapport  avec  l'affaire  d'Achilleus.  A  leur  audience,  il 
s'agit  bien  d'une  désignation  à  une  charge  ;  mais  il  semble  que 
cette  charge  soit  traitée  de  liturgie  (X£',TOL»pvUv),  non  pas  d'àp-^^vi 
(l.  17),  et  le  nom  d'Achilleus  ne  paraît  pas.  Est-il  perdu  dans  la 
lacune?  Hiérax,  qui  prend  la  parole  1.  18,  est  certainement  un 
avocat;  Harpalos,  qui  réclame  son  gage  (l.  30),  est  peut-être  la 

(1)  Les  (TTSTCTixà  mentionnés  dans  P.  Oxy.,  1413,  1.  4  et  6,  donnent  quelque 
force  à  cette  hypothèse  de  Grenfell  et  de  Hunt  et  font  comprendre  comment 
ces  fonctionnaires  ont  pu  avoir  des  attributions  financières. 

(2)  V.  la  note  31  des  éditeurs. 

(3)  Voir  plus  haut,  p.  311. 

(4)  Ainsi  les  documents  contenus  dans  la  colonne  I  seraient  :  1°  Lettre  des 
ÔieitovTSî...  au  stratège  lui  annonçant  l'envoi  de  leur  lettre  aux  archontes; 
2°  Lettre  des  Stéirovrei;...  aux  archontes,  dans  laquelle  est  intercalée  un  procès- 
verbal  de  l'affaire  que  les  Sisttovxsî.  . .  ont  jugée. 


322  PIERRE    JOUGUET 

personne  désignée  pour  la  liturgie,  mais  peut-être  aussi  la 
caution  d'Achilleus.  Il  y  a  une  déclaration  d'aTropia,  ce  qui  ne 
laisse  pas  d'étonner  un  peu,  s'il  s'agit  d'Achilleus,  lequel  refuse 
bien  la  cosmétie,  mais  se  propose  pour  l'exégétie.  Cependant, 
à  la  rigueur,  on  peut  imaginer  que  la  notion  d'amopU  est  relative 
et  varie  avec  les  circonstances  et  les  magistratures. 

Si  nous  admettons,  ce  qui  est,  on  le  voit,  bien  douteux,  une 
connexion  entre  l'affaire  d'Achilleus  et  celle  que  jugent  les 
8i£7tovT£;...,  il  serait  assez  vraisemblable  que  la  sentence  des 
8'i7:ovT£ç,  certainement  antérieure  au  29  Épiphi  de  Tan  32 
(23  juillet  192;  cf.  1.  32)  fût  postérieure  au  13  Pharmouti  de  la 
même  année  (8  Avril  192),  puisqu'il  n'en  est  question  ni  dans 
les  séances  devant  le  stratège,  ni  dans  la  lettre  que  les  archontes 
adressent  au  stratège  à  cette  date.  Il  suit  de  là  que  la  date 
mutilée  de  la  l.  10  (4  Hathyr)  ne  saurait  être  celle  de  l'audience 
des  SiéTTovTs;...  Ce  serait  soit  celle  de  la  désignation  d'Achilleus 
à  la  cosmétie  (4  Hathyr  de  l'an  32  =r  2  Novembre  191)  soit  la 
date  du  premier  document  (billet  d'envoi  au  stratège  ?)  (4  Hathyr 
de  l'an  33  ==  1  novembre  192). 

En  supposant  fondées  ces  déductions  assez  fragiles,  puis- 
qu'elles ont  leur  point  de  départ  dans  une  hypothèse  mal  assu- 
rée, cette  colonne  I  devrait  nous  éclairer  sur  la  suite  donnée  à 
l'affaire  d'Achilleus.  A  vrai  dire,  telle  qu'elle  est,  elle  ne  nous 
apprend  pas  grand  chose.  Rien  n'autorise  à  supposer  ou  à  nier 
qu'il  y  ait  eu  une  proposition  de  cessio  bononim.  Achilleus 
aurait  fait  une  déclaration  d'àîropia.  Pareille  démarche  peut 
très  bien  se  concilier  avec  la  procédure  de  la  cessio  bono- 
riim  (1);  mais  il  semble  bien  que  ce  ne  soit  pas  là  le  point  jugé 
par  les  âiÉTrov-sç...  Cette  déclaration  entraîne  seulement  pour  le 
personnage  désigné  la  possibilité  d'être  libéré  de  la  charge  (wo-ts 
Suvao-QaL  auToç  p-àv  àTca)Jà'y^Qat.. . .)  et  cette  possibilité  entraîne  à 
son  tour  la  restitution  d'un  gage  réclamé  par  un  certain  Har- 
palos.  Rappelons  à  ce  propos  que  les  récalcitrants  étaient  con- 

(1)  Comme  le  prouve  P.  Oxy.,  1405. 


SUR   LES  MÉTROPOLES   ÉGYPTIENNES   A   LA   FIN   DU   II"   SIÈCLE       323 

traints  aux  charges  municipales  par  les  mêmes  procédés  de 
droit  qu'à  la  tutelle.  La  cessio  bonorum  elle-même  a  passé  du 
domaine  de  la  tutelle  dans  celui  du  droit  public,  tout  naturelle- 
ment, puisque  les  municipalités  étaient  considérées  comme  des 
mineurs.  De  même  que  le  tuteur  devait  fournir  une  caiitio  rem 
pupilli  saham  fore^  de  même  le  magistrat  devait  fournir  une 
cautio  rem  communem  .salvam  fore.  A  partir  d'Antonin  le  Pieux 
il  pouvait  y  avoir  une  prise  de  gage  (1). 

Donc,  même  si  notre  colonne  I  se  rapportait  à  l'alTaire 
d'Achilleus,  nous  n'y  verrions  pas  comment  s'est  réglé  le  conflit 
entre  Aspidas  et  lui.  11  est  probable  qu'en  couronnant  Achil- 
leus,  Aspidas  l'oblige  à  revêtir  la  magistrature,  à  moins 
qu'Achilleus  n'ait  recours  à  une  procédure  d'appel  comportant 
ou  ne  comportant  pas  la  cessio  bonorum^  analogue  cependant  à 
celle  qui  est  décrite  dans  le  papyrus  Rainer  n°  20.  Cette  procé- 
dure nous  ferait  certainement  sortir  des  limites  de  la  Métro- 
pole. 11  nous  faut  y  demeurer  et  résumer  ce  que  notre  texte 
nous  a  appris  sur  la  désignation  aux  '^^yj^^. 

Nous  constatons  que,  sauf  en  cas  de  conflit,  personne  n'y 
intervient  que  les  magistrats  municipaux  eux-mêmes.  Ce  sont 
les  archontes  du  même  ordre  que  la  magistrature  à  pourvoir 
qui  nomment,  et,  normalement,  il  n'y  a  pas  de  proposition 
transmise  aux  fonctionnaires  romains.  L'un  des  éditeurs  des 
Papyrus  Rylands,  M.  Victor  Martin,  avait  déjà  montré  dans 
son  étude  sur  les  Epistratèges,  que  ceux-ci  ne  tirent  pas  au 
sort  les  titulaires  des  àpyai  municipales,  comme  ceux  des  litur- 
gies des  bourgs.  Le  préfet  lui-même  ne  devait  intervenir  qu'en 
cas  de  réclamation  ;  l'investiture  donnée  par  le  stratège  et  symr 
bolisée  par  le  couronnement  n'est  qu'une  formalité  destinée, 
sans  doute,  entres  autres  choses,  à  rappeler  la  surveillance 
lointaine  du  pouvoir  central,  lequel  au  contraire  est  immédia- 
tement saisi,  par  l'intermédiaire  du  stratège,  s'il  y  a  refus  ou 
conflit. 

(1)  Ulpien,  Dig.  50,  4,  1.  9  ;  Justinien,  Inst.  I,   24,  3,  d'après  Declareuil,  iVoi/- 
velle  Revue  historique  de  Droit,  1902,  p.  564-565. 


324  PIERHE    JOUGUET 

Ainsi  c'était  à  bon  droit  que  nous  pouvions  nous  demander 
si,  dans  les  Métropoles  égyptiennes,  le  mot  k^y^f^  n'avait  pas 
conservé  quelque  chose  de  son  sens  plein.  Cette  autonomie 
laissée  aux  communes  grecques  dans  le  choix  de  ceux  qui  les 
administrent  nous  paraît  un  des  traits  qui  les  distinguent 
essentiellement  des  bourgs  égyptiens.  Ici  le  choix  des  fonction- 
naires ne  va  pas,  sans  doute,  sans  une  approbation  tacite,  et, 
à  partir  du  in^  siècle,  sans  une  garantie  des  habitants  du  bourg; 
mais  il  est  confié  au  moins  normalement  au  comogrammate, 
sous  la  haute  surveillance  des  hauts  fonctionnaires  d'État 
auxquels  les  propositions  des  comogrammates  sont  finalement 
transmises.  Sans  doute  le  pouvoir  central  ne  se  désintéresse 
pas  tout  à  fait  du  choix  des  archontes  :  ceux-ci  ne  peuvent  être 
pris  que  dans  la  liste  des  àuo  yupao-wtj,  liste  établie,  sur 
examen  des  titres  (£ULxpt.(7(.;),  par  les  fonctionnaires  du  pouvoir 
central  :  stratège,  scribe-royal,  archivistes,  réviseurs  (sTrLxpaai), 
secrétaires  de  la  ville.  Toutefois  les  droits  à  être  inscrit  sur 
cette  liste  semblent  être  rigoureusement  fixés  par  la  naissance, 
et  les  fonctionnaires  n'ont  qu'à  les  constater. 

On  doit  enfin  tirer  une  autre  conclusion  de  nos  textes.  Il  s'en 
dégage  l'impression  très  nette  que,  dès  la  fin  du  ii^  siècle,  les 
honneurs  municipaux  pesaient  sur  la  population  d'un  poids 
très  lourd.  Il  en  était  de  même  de  toutes  les  charges. 
M.  Wilcken,  qui  attribue  aux  Romains  l'introduction  en  Egypte 
du  système  des  liturgies,  en  a  fortement  marqué  les  déplo- 
rables conséquences  (1).  Elles  se  font  sentir  dans  le  nome  comme 
dans  les  Métropoles  et  probablement  aussi  dans  les  cités.  Il  faut 
y  insister,  car,  dans  des  articles  qui  ne  sont  pas  très  anciens, 
M.  Declareuil  a  manifesté  une  tendance  à  nier  cette  décadence 
rapide  des  municipalités  (2).  Il  y  a  certainement  une  grande  part 
de  vérité  dans  la  thèse  du  savant  juriste  :  et,  par  certains  côtés, 


(1)  Voir  aussi  II.  I.  Bell,  The  Byzantine  servile  stale  in  Egypt,  dans  Journal  of 
Egyptian  Archaeology,  vol.  IV,  part.  11-111,  April-July,  1917. 

(2)  Declareuil,  Nouvelle  Revue  historique  de  Droit,  1902,  p.  233-267,  437-468  et 
554-607. 


SUR   LES   MÉTROPOLES   ÉGYPTIENNES   A   LA  FIN   DU   II"   SIÈCLE       325 

au  lii"  et  môme  au  iv''  siècle,  la  vie  municipale  est  encore  très 
active.  En  Egypte,  même  on  peut  dire  que  c'est  surtout  à  partir 
du  ui®  siècle  qu'elle  est  pleinement  développée.  Mais  activité 
n'est  pas  synonyme  de  prospérité,  et,  si  les  villes  ont  à  celte 
date  une  vie  administrative  plus  indépendante,  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  qu'en  Egypte,  comme  probablement  dans  tout  l'Em- 
pire, elles  s'appauvrirent  vite  par  l'épuisement  des  fortunes 
particulières.  Il  faudrait  reprendre  la  question  province  par 
province,  avec  les  documents  locaux,  si  c'est  possible  :  ceux 
dont  disposait  M.  Declareuil  sont  surtout  les  textes  des  codes. 
Pour  ce  qui  est  de  l'Egypte,  on  peut  dire  que  dès  le  ii*"  siècle, 
en  un  temps  qui  passe  pour  une  ère  de  prospérité  générale,  la 
plainte  des  contribuables  et  assujettis  commence  à  se  faire 
entendre,  et  naturellement  elle  ne  cesse  pas  pendant  le  m'  siècle. 
A  l'égard  des  àpyai  municipales,  nous  ne  tiyerons  pas  argument 
du  refus  d'Achilleus,  auquel  répond  d'ailleurs,  au  ui'  siècle, 
celui  d'Aurelios  Hermophilos,  du  papyrus  Rainer  n°  20,  et  tant 
d'autres.  On  aurait  trop  beau  jeu  de  nous  répondre  que  si, 
comme  Hermopbilos,  Acbilleus  se  dérobe  à  la  cosmétie,  il  est 
prêt  à  accepter  la  charge  d'exégète.  Mais  l'édit  de  Març-Aurèle, 
cité  et  résumé  par  les  cosmètes,  nous  paraît  significatif,  qui  dis- 
pose que  toute  candidature  volontaire  à  l'exégétie  entraînait  la 
désignation  de  trois  candidats  en  surnombre  :  si  c'était  le  can- 
didat lui-même  qui  désignait  les  suppléants,  cette  mesure 
montre  qu'on  devait  craindre  de  sa  part  insuffisance  ou  déser- 
tion ;  si  ce  n'était  pas  aux  candidats  à  fournir  leurs  suppléants, 
on  avait  le  double  avantage  d'avoir  quatre  exégètes  possibles 
au  lieu  d'un,  et  d'encourager  les  candidats  volontaires,  car  les 
charges,  au  moins  les  charges  financières  de  la  magistrature, 
devaient  se  répartir  entre  tous  les  magistrats  du  même  ordre, 
et  être  d'autant  plus  légères  qu'ils  étaient  plus  nombreux. 
L'édit  de  Marc-Aurèle  s'appliquait-il  à  d'autres  magistratures 
qu'à  l'exégétie?  Ce  n'est  pas  probable,  d'après  le  contexte; 
mais  il  est  vraisemblable  qu'il  y  avait  aussi  des  suppléants 
aux  autres  magistratures.  Moins  toutefois,  en  192  à  Hermou- 


326  PIERRE    JOUGUET 

polis,  que  pour  l'exégétie,  et  le  grand  nombre  d'exégètes 
eirlXo^XO!.  qui  est  un  argument  contre  Achilleus,  était  peut- 
être,  pour  lui,  la  secrète  raison  qui  le  portait  à  préférer  cette 
charge. 

C'est  en  grande  partie  au  môme  souci  du  pouvoir  central  et 
des  villes,  qui  voulaient  assurer  l'exercice  des  magistratures  et 
parer  aux  dangers  de  déficit,  que  l'on  peut  attribuer  des  institu- 
tions comme  celle  du  xolvôv  des  archontes,  et,  plus  tard,  celle  des 
^ouXaL  Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  ces  nécessités  fiscales 
ont  agi  dans  le  sens  des  tendances  profondes  de  l'Hellénisme. 
Nous  avons  noté  au  début  de  cette  étude  l'originalité  singulière 
et  presque  paradoxale  de  ces  Hellènes,  qui  ne  sont  pas  des 
citoyens,  dans  ces  communes  grecques,  qui  ne  sont  pas  des 
Tzoks.iç.  On  y  trouvait  pourtant  une  image  de  la  vie  et  des 
institutions  des  cités,  et  les  termes  même  de  la  langue  officielle 
montrent  l'inévitable  et  vivace  souvenir  de  l'ancienne  liberté 
politique.  La  réforme  de  Septime  Sévère,  qui  donna  aux  Métro- 
poles des  assemblées  régulières,  dut  être  considérée  comme 
un  bienfait,  de  même  que  le  célèbre  édit  de  Caracalla  qui 
de  tous  les  Grecs  des  Métropoles  fit  des  citoyens,  et  même  des 
citoyens  au  titre  le  plus  envié,  des  citoyens  de  Rome.  Non  que 
nos  Hellènes  du  nome  aient  été  mis  tout  d'un  coup  au  même 
rang  que  ceux  des  cités;  sous  l'apparente  uniformité  de  la  civi- 
tas  romana^  les  différences  subsistèrent  et  tous  les  privilégiés 
ne  le  furent  pas  également.  Mais  Ja  distance  sera  tout  de  même 
moins  grande  maintenant  entre  les  Métropoles  et  les  cités 
grecques  :  elle  ira,  sans  doute,  s'affaiblissant.  Cette  transfor- 
mation devait  répondre  aux  vœux  des  populations  comme  aux 
idées  des  juristes  du  temps  qui,  à  l'égard  des  municipalités, 
montrent,  dans  leurs  écrits,  des  tendances  de  plus  en  plus 
libérales. 

Pierre  Jouguet. 


SUR   LES  MÉTROPOLES   ÉGYPTIENNES   A    LA  FIN   DU    II"   SIÈCLE       327 


APPENDICE 

Avec  les  traductions  et  les  citations  données,  le  lecteur  n'aura 
pas  de  peine  à  suivre  les  discussions  relatives  à  la  colonne  II  du 
papyrus  Rylands  77.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  première 
colonne  mutilée  de  ce  texte,  et  l'on  nous  saura  peut-être  gré  de  la 
reproduire  ici  : 

Sapairtcovi  Tt])  xac  'A7ro]X[X](ov((.jj  uxp'xi^zr^yi^'j  xo'j  auxou  vo[jio'j 
].  [JLO'J  YSvo{JL(évou)  (Txpa(Tr(YO'j)  oioù  Nsaôuta- 
voù  'Ep][jLa(ou  Toù  xal  AtS'j[j.ou  ^(zvoix^é'jo^j'j  xoa|jir;x(o'j) 

xrj<;  Xa(JiTcpo]xâxY](;  7r6X(stoi;)  xwv  'AX£^3cvo(piwv]  cpavspov 
5  ]Xa[[jL]6àvôiv  è[iTjt [a] xoXr,  xoT;  apj^ouat 

xou  x(ï)]v  àp^ovxcov  XoYttTxr^ptou 

xo]Tç  x[o]a{xy)xaTi;  [ji.r,S'  e^  aùxo-j 

].VXO.[.].     [6]TCr]p£XWV   XO    £X£- 

pov  ]£x.[.].ou  Tipa^ôivxa  xat 

10  Kat](japo(;  [x]où  xupîou  'A6ùp  8 

JxaXï)!;  Tzpo'sot.^ci.-^ôv'zeç 
]£va  £T:£[JL<|;ax£  Tipoç  t^^ol<; 
]^(jat  Ttepî  xTjV  'Ap{j,£viav 
]xa  Ypà{Jt.[Ji.axoç  7rpoéYpa«]>a 
15  ].£xat...   otà  xoùxo  £v  xf,  cpuXa- 

y.r^  ]rj(jo)  ...atxat  ôX^you  àuexap- 

]6fjvat  XT]V  XEtxoupYtav  oià  xouxo 
x]"if)v    [àjTraXXayr^v.  'lépa^  pr^xtop  £T'jr(£v]  * 
Jxai  (jliqSe  xpocptov  (jL£xaXaê£Tv 
20  ,  à]8txo'j[i.£v  Etç  xTrjXtxa'jXTjV  uêpiv 

Jev  TTEpiouaia:  lxavr,v  sxuyX'î'- 
vev  ]xr)a£v  xt^j  xa[ji£iqj  xal  8tà  xoùxo 

].a£iv  o7ov  x'  èax'.v  xo  iravxe- 
Xa)<;  ]iou<;  aùx(ï)  ôirap^tv  £t(;  xtjv 

25  ].;  (iiffX£  OUX  OTÔV  x'    £<TXÎV 

] uxtxi^v  uêpiv  à^toT 

]....v  àpyj^<;  xal  Aùpy^Xioc 

ol  StETTOvxeç  XTJV  xtï)]v  ax[£] [jt.[JLàxa)v  Sioixrjatv 
eTitov  •         T:poaTC£7roi]"ifixat  aTzopo^  eTvat,  oioxe 


328  PIERRE   JOUGUET 

Col.  II 

30  §'jva<T[6at  ajo-ô;;   [Ji£v  à7raXXa)(_6at  s[x£po'j]^  Ss  àvx'  auxoù  8o6'^v[at.] 

"ApTuxXoç   sTufev)  *   làv   6|i.s[Tv]    Soxri,    xeXs'juaire   o    sSwxa    Ixavov 
àv£6f;vat  xat  Tà(;  xXeTSaç  toù  otxyjfia- 

31  xtou  à7r[o]§[o]6^vat  *    ot   8t£iT0v[T£(;  ttjv   tJwv   ax£(Ji|jLaT:a>v  [Siotxirjîtjv 

eTtcov  •  xai  To    txa[vov    àv£0]r^a£xai  xat   xà;  x[X£"i8ai;  à7r]oXrj(x<|;£f 
£^7iX[6£  ...]ac  OTrr^pÉxY,*;,  [ew];  xouxou  xo  àvxtYpa(cpov). 

32  (à'xou;)  X6  jJL['rj(voc)  'Ejirelcp  xO.  EppwaGat  ujjL(5t;)  £u^(o|jiai),  cpJtTvxaxot. 

Les   éditeurs  proposent   I.    13.  ExSYHJijYJaat.  —  L.  16.    à7r£xap|[7:a)aaxo 

ou  à7r£X£p|[8av£  et  1.   22.  u7r/]pé]xT((T£v.  Ils  notent  1.  21,  au  dessus  de 
iv,  des  traces  dans  l'interligne. 

Ajoutons  que  1.  32  nous  avons  supposé  £Ù/(o{jL£6a).  En  conséquence 

1.  14  7rpo£Ypa4'ai[[J.£v  est  possible.  —  L.  24  iropou;  £7riXTf]8£](o'j;  aùxt})  6iiâp- 

leiv?  —  L.  27  on  pourrait  lire  ^^àpit]^  en  supposant  un  nom  propre  ou 
un  titre.  Mais  toute  tentative  de  restitution  paraît  oiseuse. 

P.  J. 


BULLETIN  ARCHÉOLOGIQUE 


PUBLICATIONS    DEPOUILLEES   PAR  M.   W.   DEONNA 

Jahrbuch,  XXX,  1915,  n"  4;  XXXI,  1916,  nos  i_2. 
Arch.  Aîizeiger,  ibid. 

Neiie  Jahrhilcher  fur  das  Idassische  Aller lum,  XXXVII-XXXVIII,  1916. 
Glolta,  VII,  1916,  nos  2,  3,  4;  VIll,  1916,  nO'*  1,  2. 
Sitzungsber.  d.  k.  Preuss.  Akad.  d.  Wiss.,  1916. 
Hermès,  LI,  1916,  n°^  1-4. 
Philolof/us,  LXXVJl,  1916,  no^  1,  4. 
Hheinisches  Muséum  f.   Philologie,  LXXl,  1916,  n"'^l,2. 
Wochenschrift  f.  klass.  Philologie,  1916. 
Berliner  Philologische  Wochenschrift,  1916. 
/iCZio,  Beitràge  zur  Allen  Geschichte,  XIV,  1915,  n»  4. 
Jahreshefle  d.  k.  k.  Oesterreich.  Inslituls  in  Wien,  XVII,  1914,  no  1,  2. 
Romisch-germanisches  Korrespondenzblall,  1914,  1915,  1916. 
Travaux  de  la  section  numismatique  et  archéologique  du  Musée  national  de 
Transylvanie  à  Kolozsvar,  Hongrie,  VI,  1915,  n"»  1-2;  VII,  1916,  n»  1. 
Gbttingische  Gelehrte  Anzeigen,  1916. 
Etc. 

On  trouvera  une  copieuse  bibliographie  des  récents  travaux  concernant  l'anti- 
quité dans  : 

Bursian-Kôrte,  Jahresbericht  iiber  die  Fortschritle  d.  klass.  Altertums,  Biblio- 
theca  Philologica  classica,  XLII,  1915,  Antiquitales,  p.  133,  233;  Archaeologia, 
p.  156,  243. 

Jahrbuch  d.  k.  deulschen  arch.  Instituts,  XXXI,  1916,  Bibliographie  fur  das  Jahr 
1915  (paraît  en  un  fascicule  indépendant). 

Signalons  aussi  les  dépouillements,  accessibles  au  public  français,  de  VAme- 
rican  Journal  of  archaeology,  1916,  I,  p.  95  sq.  (pour  1915),  où  sont  analysés 
les  principaux  travaux  allemands.  La  Revue  des  Revues  {Revue  de  Philologie), 
1915,  n»  4,  mentionne  les  publications  allemandes  jusqu'au  début  de  la  guerre, 
en  1914. 

REG,  XXX,  1917,  n»  139.  23 


330  W.    DEON  N  A 


I.  Fouilles,  topographie,  musées. 

Grèce.  —  Fidèle  à  son  habitude,  VArch.  Anzeiger,  donne  un 
exposé  très  complet  des  découvertes  en  Grèce  pendant  l'année 
1914,  dû  à  la  plume  de  M.  G.  Karo  (1).  Ce  sont  principale- 
ment, pour  la  Grèce  continentale,  les  recherches  faites  à  l'Odéon 
de  Périclès,  à  Athènes  (2);  au  temple  d'Athèna  Nikè  (3);  à 
ceux  du  Sounion  et  du  Ptoion  (3)  ;  au  sanctuaire  d'Artémis  de 
Salamine  (4);  à  Erétrie,  où  l'on  a  découvert  un  petit  temple 
consacré  aux  dieux  égyptiens  (5);  à  Dèmètrias,  avec  le  temple 
de  Pasikrata  (6)  ;  à  Dimini,  qui  a  livré  une  tombe  mycénienne 
à  coupole  (7)  ;  à  Pella;  à  SaJonique  ;  à  Pylos  (8),  dont  un  frag- 
ment de  vase  montre  un  navire  orné  d'un  poisson  à  la  proue, 
comme  ceux  des  vases  de  Syra  (9  ;  à  Céphalonie  (10);  à  Ther- 
mon,  oiiTon  a  déblayé  le  sanctuaire  et  la  ville  préhistorique  (11); 
àCythère  (12). 

En  Crète,  ce  sont  les  découvertes  de  Platmos,  près  de  Gor- 
tyne  (tombe  à  coupole);  de  Gurnès,  près  de  Cnossos  (13),  avec 
sa  nécropole.  Dans  les  îles,  des  travaux  ont  été  effectués  à 
Paros,  dont  l'acropole  a  livré  des  documents  préhistoriques  (14). 
Dans  l'île  de  Chios,  on  a  déblayé  un  temple  des  vi^-v*  siècles  ;  à 

(1)  Arch.  Anzeiger,  XXX,  1915,  p.  177-270. 

(2)  Fouilles  de  Kastriotis,  Eph.  arch.,  1914,  p.  143  sq.;  Praktika,  1914,  p.  81; 
cf.  Rev.  Et.  grecques,  1916,  p.  73. 

(3)  Ibid.,  p.  81,  travaux  d'Orlandos. 

(4)  Ibid.,  p.  182;  Orlandos  a  reconstitué  le  plan  et  Télévation  du  temple. 

(5)  Ibid.,  p.  181. 

(6)  Ibid.,  p.  177,  Arvanitopoulos. 

(7)  Ibid.,  p.  188. 

(8)  Cf.  Rev.  Et.  grecques,  1916,  p.  69. 

(9)  Ibid.,  p.  199,  tombe  à  coupole  (Kourouniotis). 

(10)  Ibid.,  p.  191. 

(H)  Ibid.,  p.  192,  Rhomaios;  cf.  Rev.  Et.  grecques,  1916,  p.  86. 

(12)  Ibid.,  p.  196,  Stais,  tombes  mycéniennes. 

(13)  Ibid.,  p.  197. 

(14)  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916,  p.  84-6,  Rubensohn,  communication  à  la  Soc. 
archéol.  de  Berlin,  février  1916  (en  particulier,  céramique  égéenne  et  mycé- 
nienne). 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  331 

Phanai,  un  sanctuaire  d'Apollon,  dont  l'origine  est  fort 
ancienne  ;  à  Pyrgi,  des  fragments  d'un  petit  édifice  archaïque 
qui  rappellent  le  style  des  trésors  de  Delphes  et  promettent 
une  fouille  fructueuse.  Sur  la  côte  lycienne,  Gastellorizo  a 
livré  divers  objets,  entre  autre  une  belle  couronne  en  or  (1). 

Des  travaux  de  restauration  ont  été  entrepris  aux  Propylées, 
au  Parthénon,  au  monument  d'Agrippa,  par  Balanos  (2)  ;  à  la 
tombe  à  coupole  d'Orchomène,  par  Orlandos  (3).  On  a  réorga- 
nisé plusieurs  musées,  entre  autres  ceux  de  l'Acropole  (4)  et 
d'Olympie,  ainsi  que  le  champ  de  fouilles  de  cette  dernière 
localité  (5). 

M.  Karo  passe  ensuite  en  revue  l'activité  des  Instituts  étran- 
gers établis  à  Athènes.  Les  Allemands  ont  travaillé  à  Tirynthe, 
où  l'on  a  trouvé  divers  objets  d'or,  des  restes  de  maisons  mycé- 
niennes, de  la  céramique,  et  un  temple  des  vii'-vi^  siècles  (6); 
à  Corfou,  au  Dipylon,  à  Olympie  (7).  Les  Américains  ont  pour- 
suivi leurs  recherches  à  Gorinthe  (8),  et  les  Autrichiens  les 
leurs  à  Élis  (9).  Ce  sont  les  fouilles  françaises  de  Delphes  (10), 
de  Délos,  de  ïhasos  (11),  de  Philippe,  de  Dion;  les  fouilles 
anglaises  en  Crète,  dans  la  vallée  de  Psychro  (12),  et  celles  des 
Italiens,  à  Gortyne  et  Haghia  Triada  (13). 

Topographie  athénienne.  —  M.  Fr.  Groh  (14)  cherche  à  élu- 
cider quelques  points  de  la  topographie  athénienne  :  I,  to  [xéya- 


(1)  Ibid.,  XXX,  191S,  p.  202. 

(2)  Ibid.,  p.  203. 

(3)  Ihid.,  p.  204. 

(4)  Ibid.,  p.  206-9. 

(5)  Ibid.,  p.  209  ;  Berliner  philol.  Wochenschrift,  1916,  n»  22,  p.  704. 

(6)  Ibid.,  p.  209;  Berlin.  Philol.  Wochenschrift,  1916,  n»  7,  p.  224  ;  n»  8,  p.  258. 

(7)  Ci-dessus,  note  7.        - 

(8)  Ibid.,  p.  211. 

(9)  Ibid.,  p.  211. 

(10)  Cf.  Rev.  Et.  grecques,  1916,  p.  71. 

(11)  iôirf.,  p.  214-5. 
(12)/6irf.,  p.  216. 

(13)  Ibid.,  p.  216-7. 

(14)  Groh,  Listy  Filologické,  XXXI,  1914,  p.  1-16. 


332  W.    DEONNA 

poy  To  T.poç,  £T7:£pY)v  TîTpa!j.u£vov  (llérodote,  V,  77),  qui  est  Tan- 
cien  Kreclitheion  ;  II,  TÉÔpiTi-ov  -/Jf-lxtov,  le  quadrige  consacré 
en  souvenir  de  la  victoire  remportée  sur  les  Chalcidiens  et  les 
Béotiens,  après  les  guerres  médiques,  qui  s'élevait  devant  les 
Propylées,  sans  doute  à  la  place  qu'occupe  actuellement  le 
monument  d'Agrippa  (1). 

Aihéna  Skyras.  —  L'Athéna  Skyras  possédait  un  temple  au 
Phalère  (Athènes)  et  à  Salamine.  M.  A.  Putgers  van  der  Loeff 
lui  consacre  une  courte  étude  (2). 

Bulgarie.  —  M.  B.  Filow  (3)  résume  les  découvertes  faites  en 
1914,  en  Bulgarie.  On  notera  les  fouilles  néolithiques  de  Kod- 
jadermen,  qui,  entre  autres  objets,  ont  donné  le  modèle  en 
terre  d'une  maison  néolithique,  de  plan  rectangulaire  et  avec 
toit  à  double  rampant  (4);  une  statuette  en  bronze  d'Aphrodite 
Anadyomène  provenant  de  Ratiaria  (5),  etc.  Le  Bulletin  de  la 
Société  archéologique  bulgare  publie,  lui  aussi,  un  exposé  des 
travaux  récents  (6). 

Roumanie,  —  Le  compte  rendu  des  travaux  roumains  est  dû 
à  M.  V.  Pârvan  (7),  qui  décrit  les  fouilles  d'Ulmetum  (camp 
romain)  (8)  et  d'Histria  (Istriopolis)  (9). 

Autriche-Hongrie.  —  Le  rapport  de  M.  Egger  est  consacré 
aux  découvertes  faites  en  Norique  (10),  à  Virunum  (Zollfeld),  où 


(1)  Sur  ce  monument,  ci-dessus,  p.  331. 

(2)  De  Athena  Scirade,  Mnemosyne,  XLIV,  2,  p.  10M12. 

(3)  Arch.  Anzeirjer,  XXX,  1915,  p.  218-236. 

(4)  Ihid.,  p.  218. 

(5)  Ibid.,  p.  231,   fig.  H. 

(6)  IV,  1914;  cf.  Berlin,  philol.  Wochenschrift,  1916,  n^  52,  p.  1623  sq. 

(7)  Arch.  Anzeiger,  XXX,  1916,  p.  236-270. 

(8)  P.  235  sq. 

(9)  P.  253  sq. 

(10)  Jahreshefle  d.  k.  k.  oesterr.  arch.  Inslituls  in  Wien,  XVII,  1914,  n»  2,  Bei- 
blatt,  p.  5  sq. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  333 

l'on  a  déblayé  entre  autres  un  temple  de  Dolichenus  (1); 
celui  de  M.  Michael  Abramic,  aux  fouilles  de  Pettau  (2),  et  à 
divers  reliefs  des  Cabires  (3)  ;  celui  de  M.  A.  Gnirs,  aux  fouilles 
de  Pola  et  des  environs  (4),  et  l'on  doit  au  môme  auteur  un 
guide  des  monuments  et  des  collections  antiques  de  Pola  (o); 
celui  de  M.  A.  Schober,  au  cimetière  romain  d'Au,  au  Leitha- 
berg  (6).  Le  Musée  national  bongrois  de  Koloszvar  publie  dans 
son  organe  les  trouvailles  romaines  de  Transylvanie  (7). 

On  mentionne  encore  les  publications  d'antiquités  con- 
servées dans  divers  Musées,  ceux  de  Budapest  (8),  Debreczen  (9), 
Gyôr  (10),  Komàron  (11),  etc.,  et  le  récent  fascicule  de  l'ou- 
vrage consacré  au  Limes  autrichien  (12). 

Allemagne.  —  Les  découvertes  et  publications  d'objets  rela- 
tifs à  l'antiquité  romaine  sont  consignées  dans  le  Rômlsch-ger- 
manisches  Korrespondenzblatl,  VII-IX,  1914-1916  (13),  et  dans 
l'ouvrage  du  Limes  allemand  :   Der  obergermanisch-raetische 

(1)  Ibid.,  p.  45,  no  4. 

(2)  Ibid.,  p.  87  sq. 

(3)  Ihid.,  p.  95,  144. 

(4)  Ibid.,  p.  161  sq. 

(5)  Gnirs,  Pola,  Ein  Fiihrer  durcli  die  anliken  Bauderikmaler  und  Sammlungen, 
Vienne,  1915. 

(6)  Ibid.,  p.  203  sq. 

(7)  Travaux  de  la  section  numismatique  et  archéologique  du  Musée  national  de 
Transylvanie  à  Koloszvar,  Hongrie,  VI,  1915  ;  VII,  1916, 

(8)  Acquisitions  du  Musée  de  Budapest  en  1914,  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916, 
p.  71-2;  Hekler,  Antike  Terrakotten  im  Kunsthistorischen  Muséum  zu  Budapest, 
Mûvészet,  1915,  p.  83-7.  Sur  des  sculptures  de  Budapest,  ci-dessous,  p.  341,  343. 

(9)  Zoltai,  Das  Muséum  der  Stadt  Debreczen,  Arch.  Ertesitô,  1915,  p.  115  sq. 

(10)  Das  Muséum  d.  Gymnasiums  zu  GyÔr  und  die  Schmuckfunde  aus  der  Umge- 
bung,  Numizmat.   KozlÔny,  1915,  p.  97  sq. 

(11)  Alapi,  Die  rômischen  Altertumer  des  Muséums  in  Komàron,  Arch.  Ertesitô, 
1915,  p.  336  sq. 

(12)  Der  rômische  Limes  in  Oesterreich,  Xll,  1914,  Vienne  et  Leipzig;  cf.  Woch. 
klass.  Philol.,  1916,  n»  40,  p.  946. 

(13)  Pour  l'année  1914,  VII,  n»  1-3,  cf.  Rev.  des  Revues  (Rev.  de  Philologie), 
XXXIX,  1915,  p.  48  sq.  Signalons  entre  autres  :  Lehner,  Der  Legatenpalast  von 
Vetera,  VIII,  1915,  p.  38  sq.  ;  lleinecke,  sur  une  métairie  romaine  à  Burgweiting, 
près  de  Ratisbonne,  IX,  1916,  4;  et  quelques  adjonctions  apportées  par  Forrer, 
IX,  1916,  n''4,  à  son  ouvrage  sur  le  mithraeum  de  Kônigshofen  (cf.  l'analyse  de  ce 
volume  dans  la  Rev.  de  l'Hist.  des  rel.,  1916,  lxxiv,  p.  88  sq.). 


334  W.    DEONNA 

Limes  des  Rômerreiches  (1).  Plusieurs  travaux  concernent  les 
acquisitions  récentes  des  Musées  et  la  description  de  leurs  tré- 
sors (2). 

France.  —  Mentionnons  sur  l'histoire  de  Marseille,  qui  a 
donné  lieu  à  divers  travaux  français  (3),  le  mémoire  de  M.  Ra- 
dermacher  (4). 

Suisse.  —  Les  publications  suisses  intéressant  l'antiquité 
sont  citées  dans  le  rapport  très  complet  de  la  Société  suisse  de 
préhistoire  (5),  et  dans  la  bibliographie  de  V Indicateur  d'histoire 
suisse.  M.  0.  Waser  décrit  les  principaux  monuments  que 
possède  la  collection  archéologique  de  Zurich  (6),  parmi  les- 
quels on  remarque  surtout  le  fronton  d'un  édicule  funéraire 
grec,  déjà  publié  antérieurement  (7). 

(1)  Cf.  n»  XL,  Fabricius,  Der  Lhnes  vom  Rhein  bis  zur  Lahn,  1915  ;  cf.  Berliner 
philoL  Woch.,  1916,  n»  39,  p.  1211;  n"  XLH,  27,  Kastell  iind  Erdlager  von  Hed- 
derîiheim{G.  Wolff)  ;  27  a,  Kastell  Frankfurt  a.  M.  (id.),  1915;  cf.  Berlin,  phil. 
Woch.,  1916,  n»  49,  p.  1531  ;  n»  XLI,  Fabricius,  Das  Kastell  Seligensladt,  etc. 

(2)  Acquisitions  du  Musée  de  Munich,  A7xh.  Anzeiqei\  XXXI,  1916,  p.  58-71  ; 
Winnefeld,  Aus  der  Sammlung  antiker  Bildvjerke,  Amtl.  Mitt.  kgl.  Kunstsamml., 
37,  p.  40-1,  Berlin;  Mitt.  d.  stiidtl.  Kunstgewerhesmuseam  zu  Leipzig,  1915,  n"  6, 
p.  60  ;  Bericht  ilber  die  Vermehrung  d.  Samml.  d.  AUertumsmUseums  d.  Stadt 
Mainz,  1914-5,  Mainz.  Zeitschrift,  10,  p.  74  sq.  ;  Die  in  den  Jahren  i91i  und  1915 
gefundenen  rdmischen  Inschriften  und  Bildwerke  im  Aller tumsmuseum  d.  Stadt 
Mainz,  ibid.,  10,  p.  112  sq.  ;  Einige  rômische  Grabdenkmàler  die  aus  Mainz  stam- 
men  oder  im  Allertumsmuseum  dass  elhst  aufbewahrt  iverden,  ibid.,  p.  108  sq.  ; 
Jahresbericht  d.romisch-germanisches  Central-Muséum  zu  Mainz,  f.  1914-5,  ibid., 
p.  69  sq.  ;  Bericht  ilber  die  Tâtigkeit  d.  Landesmuseums  nassauischer  AlterlUmer 
in  1903-4,  Nass.  ^;m.  43,  p.  374  sq.;  B.  Schrôder,  Griechische  Originale  im 
Allen  Muséum  zu  Berlin,  Kunst  und  Kûnstler,  13,  p.  77-82. 

(3)  Vasseur,  L'origine  de  Marseille,  Annales  du  Musée  d'Hisl.  nat.  de  Marseille, 
XIIÏ,  1914;  Blanchet,  le  commerce  de  Marseille  dans  la  Gaule  et  le  sud  de  l'Italie, 
Revue  belge  de  numismatique,  1913,  3;  Héron  de  Villefosse,  Comptes  rendus  Acad. 
Inscr.  et  Belles-Lettres,  1916,  p.  132  sq.  (relations  commerciales  de  Marseille  avec 
la  Sicile)  ;  S.  Reinach,  Gaz.  d.  Beaux-Arts,  1914,  XI  (Courrier  de  l'art  antique). 

(4)  Radermacher,  Die  Grûndung  von  Marseille,  Rheinisches  Muséum,  71,  1, 
1916,  p.  1-16. 

{^)  Achter  Jahresbericht  der  schweiz.  Gesellschaft  fur  Urgeschichte,  1915. 
Zurich,  1916. 

(6)  0.  Waser,  Von  der  archaeologischen  Sammlung,  Neue  ZUrcher  Zeitung, 
19-20  mai  1916.  '  .  ' 

(7)  Cf.  Blûmner,  Fûhrer  durch  die  archeolog.  Sammlung  d.  Universitât  Zurich, 
1914;  CoUignon,  Les  Statues  funéraires,  p.  108-9,  fig.  56. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  335 

Amérique.  —  h'Ai^ch.  Anzeiger  énumère  les  dernières  acqui- 
sitions du  musée  de  Boston  (1). 


II.  Architecture. 

On  trouvera,  dans  la  section  précédente  (I,  Fouilles^  etc.) 
divers  renseignements  sur  les  constructions  grecques,  publi- 
ques ou  privées. 

Maisons.  —  On  a  déjà  signalé  le  modèle  en  terre  cuite  d'une 
maison  néolithique  de  Kodjadermen  (2).  M.  Mielke  étudie  les 
habitations  circulaires  représentées  sur  la  colonne  de  Marc- 
Aurèle  à  Rome  (3);  M.  R.  Forrer,  les  huttes  primitives  des 
Vosges,  des  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  l'époque  romaine  (4). 

Constructions  rupestres.  —  M.  Brandenburg  poursuit  ses 
recherches  sur  les  architectures  rupestres  du  bassin  méditer- 
ranéen (5). 

Parthénon.  —  Je  signale,  sans  avoir  pu  en  prendre  connais- 
sance, un  article  de  M.  Sitte  sur  une  représentation  oubliée  du 
Parthénon  (6). 

Mausolée  d'Halicarnasse.  —  La  reconstitution  du  Mausolée 
d'Halicarnasse  a  fait  l'objet  d'une  communication  à  la  Société 
archéologique  de  Berlin  ;  ce  travail  de  M.  Kriiger  sera  prochai- 
nement publié  dans  le  Jahrbuch  (7). 

(1)  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916,  p.  72  sq. 

(2)  Cf.  p.  332. 

(3)  Mielke,  Die  angeblich  germanischen  Rundbauten  an  der  Markussâule  in  Rom, 
Zeitschr.  f.  Ethn.,  47,  p.  75-91. 

(4)  Forrer,  Primitive  Vogesenhiltlen  aus  aeltester  und  neuerer  Zeit,  Zeitschr. 
f.  Geschichte,  Sprache  und  Litteratur  Elsass-Lothringens,  XXXI,  1915,  p.  1  sq. 

(5)  Brandenburg,  Ueber  Felsarchitektur  im  Mittelmeergebiet,    Mitt.  Vorderas. 
GeselL,  XIX,  1914,  n^  2,  '       ^ 

(6)  Sitte,    Ein   vergessenes  Parlhenonbild,  Jahrbuch  Kunsthist.    Sammlungen^ 
32,  5. 

(7)  Avril  1916;  cf.  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916,  p.  88. 


336  W.    DEONNA 

La  Thalamegos  de  Ptolémée  IV.  —  Athénée,  s'inspirant  de 
Kallixénos  de  Rhodes,  décrit  [Deipnos.,  V,  204  sq.)  minutieu- 
sement le  navire  d'apparat  qu'avait  fait  construire  Ptolémée 
Philopator.  Destiné  à  la  navigation  de  plaisance  sur  le  Nil,  il 
comprenait  diverses  constructions,  des  salles  à  manger  et  des 
chambres  d'habitation.  M.  F.  Gaspari,  à  l'aide  de  ce  texte,  et 
par  la  comparaison  avec  les  monuments  figurés,  s'efforce  de 
reconstituer  l'aspect  de  cette  villa  flottante,  et  ses  dispositions 
architecturales.  La  largeur  du  navire  était  de  80  m.  environ,  et 
la  hauteur  des  deux  étages  de  pièces,  de  16  m.  Partout, 
c'étaient  des  colonnades,  comme  on  les  voit  sur  les  architec- 
tures peintes  de  Pompéi.  Toutefois,  les  éléments  égyptiens  s'al- 
liaient aux  éléments  grecs,  et  l'ensemble  se  rattachait  directe- 
ment aux  vieilles  barques  à  grandes  cabines  que  l'on  aperçoit 
sur  les  reliefs  et  sur  les  peintures  de  l'Egypte  antique  (1). 

Phares.  —  Hennig  a  prétendu  (2)  que  les  tours  à  signaux 
ignés  sont  d'invention  romaine,  que  le  premier  phare  véritable 
fut  celui  d'Ostie,  élevé  en  42  de  notre  ère,  alors  que  le  phare 
d'Alexandrie  n'était  qu'une  exception.  M.  Thiersch,  auquel  est 
dû  le  bel  ouvrage  sur  le  phare  d'Alexandrie  (3),  s'inscrit  en 
faux  contre  cette  assertion;  il  montre,  en  s'aidant  des  textes 
et  des  monuments,  que  l'usage  des  tours  à  signaux  de  feu 
était  connu  des  Grecs,  nécessité  par  les  navigations  noctur- 
nes (4). 

Mithraeum  de  Kônigshofen.  —  M.  R.   Forrer  apporte  quel- 


(1)  F.  Gaspari,  Bas  Nilschi/f  Ptolemaios  IV,  Jahrbuch,  XXXI,  1916,  p.  1-74. 

(2)  Hennig,  Beitràge  zur  aelteren  Geschichte  der  Leuchttuvmer,  Verein  deulscher 
lîigeniewe,  Jahrbuch  (Berlin).  Sur  le  même  sujet,  cf.  aussi  Buchwald, 
Leuchtfeuer  im  Altertum,  Weltverkehr  und  Weltwirtftchaft,  1912,  p.  78-84. 

(3)  Pharos,  1909  ;  cf.  Lemuens,  Phares,  minarets,  clochers  de  mosquées,  Rev. 
des  quest.  historiques,  1911-2,  p.  5  sq.  ;  cf.  Rev.  hist.  des  rel.,  1911,  66,  p.  357, 
référ.  ;  sur  le  phare  d'Ostie,  Cagnat-Chapot,  Manuel  d'archéol.  romaine,  t.  I,  1917, 
p.  S4,  fig.  25. 

(4)  Thiersch,  Griechische  Leuchtfeuer,  Jahrbuch,  1915,  XXX,  p.  213-237  ;  sur  les 
navigations  de  nuit,  p.  231  sq. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  337 

ques    adjonctions  à    son  ouvrage  sur   le   nouveau   milhraeum 
découvert  à  Konigshofen  près  de  Strasbourg  (1). 

Ciment.  —  Quelques  notes  philologiques  et  archéologiques 
de  M.  Hcsselmayer  sur  le  ciment  (2). 


III.  Sculpture. 

Art  Cretois  et  mycénien.  —  C'est  un  petit  Corpus  des  reliefs 
Cretois  et  mycéniens  que  dresse  M.  K.  Millier;  il  en  étudie  les 
sujets,  en  détermine  le  style  et  la  chronologie.  On  voit  repa- 
raître des  monuments  bien  connus;  en  Crète,  les  vases 
d'Haghia  ïriada,  ornés  de  guerriers,  de  lutteurs  et  de  scènes 
de  tauromachie  (p.  244,  n°  1,  p.  247,  n°  2),  le  vase  aux  mois- 
sonneurs (p.  251,  n°  3),  dont  l'auteur  discute  à  nouveau  le 
sens  incertain,  divers  fragments  (p.  259,  n°  5),  les  reliefs  de 
stuc  et  de  faïence  (p.  266,  n°  6)  ;  dans  la  Grèce  continentale, 
(p.  284),  les  stèles  de  Mycènes  (p.  286  sq.),  les  reliefs  et  vases 
en  or  et  en  argent  (p.  294  sq.),  et  les  gobelets  de  Yaphio 
(p.  325,  n°  14),  reproduits  en  de  bonnes  planches  (3). 

M.  Schuchhardt  discerne  des  influences  seplentrionales  sur 
l'ornementation  mycénienne  (4),  et  M.  Fischer  se  demande 
quelle  est  l'origine  des  Cretois  (5). 

«  Apollons  f)  archaïques.  —  L'ouvrage  que  j'ai  consacré 
en    1909    au   type    masculin    de    la    statuaire    archaïque    au 


(1)  Ci-dessus,  p.  333,  note  13. 

(2)  Hesselmayer,  Caementum^  cementiim,  zement,  Korrespondenzblatt  d.   hôhe- 
ren  Schulen  Wurtembergs,  23,  5-6,  p.  175-80. 

(3)  Millier,  FrUhmykenische  Reliefs  ans  Kreta  und  vom  griechisclien  Festland, 
Jafirbuch,  1915,  XXX,  p.  242-336. 

(4)  Schuchhardt,  Nordischer  Einfluss    im   Mykenischen.  Die   Geschichte    eines 
Ornamentsmolivs,  Jahrb.  preuss.  Kunstsamml.,  37,  p.  155-173. 

(5)  Fischer,  Wer  waren  die  minoischen  Kreter,  Anthropos,  IX,  5-6,  p.  774-80; 
Korrbl.  Ges.  Anthr.  1916,  n»  5-9. 


338  W.    DEONNA 

vi^  siècle  (1),   nécessiterait  déjà  de  sérieuses  adjonctions  (2). 
Les  fouilles  françaises  de  Thasos  ont  mis  au  jour  une  statue 

(1)  Les  Apollons  archaïques.  Étude  su?'  le  type  masculin  de  la  statuaire  grecque 
au  vi^  siècle  avant  notre  ère.,  Genève,  1909. 

(2)  J'en  ai  déjà  donné  quelques-unes    dans  la  Rev.  archéol.i  1911,  II,  p.  42  sq. 
Citons  encore  les  monuments  suivants  : 

Thasos,  fragment  de  tête,  provenant  du  temple  de  TAcropole,  Comptes  rendus 
Acad.  Inscr.    et  Belles  Lettres,  1912,  p.  207-8,  fig. 

Thasos,  tête  de  Kouros,  collection  Ghristidès,  Monuments  Piot,  1913,  p.  41, 
fig.  7,  p.  66. 

Chypre,  tête  du  Musée  de  Nicosia,  début  du  V  siècle,  Markidès,  A  marhle 
head  from  Cypriis,  Journal  of  hellenic  Studies,  1913,  pi.  I,  p.  48  sq.  ;  Rev.  Et. 
grecques,  1914,  p.  292-3. 

Munich,  Kouros  de  la  fin  du  vi^  siècle,  Athenaeum,  1910,  8  oct.  ;  n»  4328, 
p.  428  ;  Woch.  klass.  Philol.,  1910,  p.  r323  ;  Wolters,  dans  Brunn-Bruckmann, 
pi.  661-2,  fig.  1-3  ;  Rev.  Et.  grecques,  1914,  p.  2S9  ;' Arch.  Anzeiger,  1912, 
p.  114,  no  1,  fig.  1. 

Céphalonie,  torse  du  Musée  de  Neuchàtel,  Rev.  arch.,  1911,  II,  p.  39  sq. 

Figurines  de  bronze,  Macchioro,  Contributo  alla  storia  délia  religione  paleoita- 
lica,  Ausonia,  IV,  1900,  I,  p.  3  sq.  ;  Hoernes,  Urgeschichte,  p.  437,  etc. 

Divers  détails  dans  :  Praschniker,  Dronzene  Spiegelstiltze  im  Wiener  ho  fmuseiim, 
Jahreshefte  d.  k.  k.  oeslerr.  Instituts  in  Wien,  1913,  p.  219  ;  Picard,  Une  Giganto- 
machie  antique  de  Corcyre,  Rev.  arch.,  1911,  II,  p.  87  sq.  ;  Loewy,  Typenwande- 
rung,  Jahreshefte,  1910,  XIl,  p.  271  sq.  ;  Deonna,  Origine  égyptienne  du  type 
masculin  dans  la  statuaire  grecque  au  vi^  siècle  avant  notre  ère,  Festgabe  f.  0. 
Blilmner,  1914,  etc. 

Voici  encore  quelques  références  complémentaires  pour  lesKouroi  déjà  publiés 
(les  nos  sont   ceux  de  mon  catalogue)  :  Rev.  arch.,  1911,  II,  p.  43-4. 

Athènes  n°  3.  Deonna,  Comment  les  procédés  d'expression  inconscients  se 
sont  transformés  en  procédés  conscients  dans  Vart  grec,  1910,  p.  .^8,  fig.  12. 

Volomandra,  n»  3.  Ibid.,  p.  12,  fig.  i-2  ;  Journal  des  Savants,  1910,  p.  17,  pi.  II. 

Sunium,  n"  7.  Journal  of  hellenic  Studies,  1908,  p.  320;  Journal  des  Savants, 
1910,  p.  17,  pi.  I;  Comment...  p.  42,  fig.  3-4;  Deonna,  La  représentation  du  corps 
masculin  dans  la  statuaire  archaïque  de  la  Grèce  au  vi°  siècle  avant  notre  ère, 
Bulletin  de  Vbistitut  national  genevois,  1909,  p.  297,  fig.  11,  p.  299,  fig.  12.  Sur 
les  récentes  fouilles  au  temple  de  Sunion,  cf.  ci-dessus,  I.  Fouilles. 

Dionyso,  n"  18.  Rev.  Et.  grecques,  1909,  p.  283,  note  1  ;  Ausonia,  Varielà, 
1909,  p.  19  ;  Saglio-Pottier,  s.  v.  Sculptura,  p.  1139,  note  6. 

Orchomène,  n°  26.  La  représentation...  p.  300,  fig.  13. 

Ptoion,  no  28  sq.  Sur  les  récentes   fouilles  du   Ptoion,  cf.  ci-dessus.  Fouilles. 

Ptoion,  no  28.  La  représentation...  p.  291»  fig.  6  ;  p.  296,  fig.  10. 

Ptoion  no  30.  Ibid.,  p.  302,  fig.  15,  p.  306,  fig.  17;  Comment  les  procédés,  p.  54, 
fig.  8-9;  Journal  des  Savants,  1910,  p.  17,  pi.  II. 

Ptoion,  no  31.  La  représentation...  p.  304,  fig.  16. 

Ptoion,  n»  31.  Comment  les  procédés,  p.  56,  fig.  10. 

Delphes,  n^  63-6.  Pottier,  Le  problème  de  l'art  dorien,  p.  37,  fig.  24  ;  Rev. 
arch.,  1911,  II,  p  43  ;  Bourguet,  Les  ruines  de  Delphes,  1914,  p.  94-5,  fig.  29,  30, 
p.  342;  Fouilles  de  Delphes,  IV,  p.  3  sq.  ;  La  représentation,  p.  301,  fig.  14. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  339 

colossale,  ébauchée,  dont  les  bras  repliés  sur  la  poitrine  tien- 
nent un  bélier  (1)  ;  le  Musée  de  Boston  vient  d'acquérir  une 
statuette  de  kouros,  de  0,75  de  haut,  qui  sera  publiée  dans  les 
Monuments  Piot  (2)  ;  au  Dipylon,  les  archéologues  allemands 
ont  découvert  une  tête  en  marbre  de  Naxos,  de  style  attique, 
provenant  sans  doute  d'une  statue  funéraire  de  ce  type  (3)  ; 
dans  sa  dissertation  sur  les  sculptures  archaïques  de  Paros  (4), 


Delphes,  n»  67.  Fouilles  de  Delphes,  IV,  p.  56,  n»  24. 

Delphes,  n»  69.  Ibid.,  p.  54,  n°  23. 

Delphes,  n»  70.  Ibid.,  p.  58.  n»  25. 

Delphes,  divers  (n«  65-72).  Ibid.,   p.  57,  60,  no  27-9. 

Périnthe,  n»  78.  La  représentation,  p.  292,  flg.  7. 

Phigalie,  n"  79.  Le  torse,  vu  par  Frazer  en  1890  à  Pavlitza,  a  été  retrouvé  ;  il 
porte  une  inscription  (cf.  la  liste  des  Kouroi  avec  inscriptions,  mon  volume, 
p.  13,  note  l).  Ce  serait  la  statue  d'Arrachion,  mentionnée  par  Pausanias  [ibid., 
p.  13,  note  4).  Frazer,  Pausanias,  HT,  40,  IV,  391  ;  Wochensehrift  f.  klass.  PhiL, 
1909,  p.  653  ;  Walter  Woodburn  Hyde,  The  oldest  dated  victor  statue,  American 
Journal  of  arch.,  1914,  p.  156  sq. 

Tenea,  n»  80.  Pottier,  op.  L,  p.  27,  fig.  12  ; 

De7o5,no83.  Mon.  Piot,  XIX,  1913,  p.  18,  fig.  11. 

Milo,no  114.  Rev.  arch.,  1908,  I,  p.  168;  La  représentation,  p.    293,  fig.  8. 

Paros,  n»  122.  Actuellement  au  Louvre.  Rev.  arch.,  1911,  II,  p.  44,  référ. ; 
Mon.  Piot.  XIX,  1911,  p.  179,  et  note  4. 

Thasos,  no  127.  Rev.  arch.,  1911,  II,  p.  44,  référ.;  Monuments  Piot,  XIX,  1913, 
p.  62,  ^^'yComples  rendus  Acad.  Inscr.,  1912,  p.  207,  note  4. 

Thasos,  n»  128.  Rev.  arch.,  1911,  II,  p.  44  référ.  ;  Journal  des  Savants,  1910, 
p.  7,  note  l  ;  Amer.  Journal  of  arch.,  1909,  p.  99  ;  Rev.  Et.  grecques,  1909,  p.  283, 
note  1;  Monuments  Piot,  1913,  p.  41,  62,  65. 

Théra,  n<»  129.  La  représentation.,  p.  295,  fig.  9;  Saglio-Pottier,  5.  v.  Sculptura, 
p.  1142,  fig.    6237. 

Milet,  n»  134.  Pottier,  op.  L,  p.  43,  fig.  19. 

Rhodes,  n»  135.  La  représentation,  p.  287,  fig.  2-3. 

Chypre,  n»  140.  Comment  les  procédés..,  p.  52,  fig.  7;  La  représentation... 
p.285,  fig.  1. 

Naucratis,  n»  144  sq.  American  Journal  of  arch.,  1893,  p.  184;  Rev.  arch., 
1894,  II,  p.  96;  La  représentation,  ..  p.  289,  fig.  4-5. 

Rerlin,  n"  159.  Ath.  Mitt.,  XIII,  p.  404,  note  3,  Graef. 

Bronze  d'Amyclées,  p.  269,  n»  78.  Praschniker,  Wiener jahreshef te,  1913,  p.  219  ; 
Rev.  Et.  grecques,  1914,  p.  317. 

Bronze  de  Delphes,  p.  271,  n^  87.  Bourguet,  Les  ruines  de  Delphes,  1914,  p.  34, 
fig.  7. 

(1)  Arch.  Anzeiger,  1915,  p.  214-5. 

(2)  Ibid.,  XXVI,  1916,  p.  76. 

(3)  Dragendorfif,  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916,  p,  88. 

(4)  Sur  l'école  de  Paros,  cf.  le  précédent  Bulletin,  1916,  p.  336. 


340  W.    DEONNA 

M.    G.    Rosch  étudie  à   nouveau    les  kouroi  de   cette   prove- 
nance (1). 

Déesse  trônant.  —  M.  S.  Reinach  a  brièvement  raconté,  dans 
la  Revue  archéologique  (2),  la  curieuse  odyssée  d'une  statue 
archaïque  qui,  connue  de  quelques  savants  dès  1912,  exposée 
à  Paris  chez  un  antiquaire  munichois,  séquestrée  au  début  de 
la  guerre  comme  propriété  d'un  Autrichien,  réclamée  par  un 
antiquaire  italien,  est  parvenue  par  la  Suisse  à  Berlin,  où  elle 
a  été  acquise  en  1915  par  souscription  pour  le  Musée  de  cette 
ville.  M.  Wiegand  publie  cette  œuvre  en  marbre  de  Paros, 
destinée  à  reprendre  une  place  importante  dans  Thistoire  de 
la  statuaire  grecque.  La  déesse,  quel  que  soit  le  nom  qu'on 
lui  donne  (Aphrodite,  Perséphoné  ?),  est  assise  sur  un  trône, 
les  pieds  reposant  sur  un  tabouret  ;  la  main  gauche  tenait 
une  coupe;  la  droite,  une  tige  de  pavot,  un  épi,  ou  une 
grenade  ;  elle  est  coiffée  et  vêtue  à  la  mode  du  vi'  siècle, 
qu'ont  popularisée  les  korés  de  l'Acropole,  aux  plus  récentes 
desquelles  elle  est  étroitement  apparentée.  Trouvée  sans  doute, 
mais  ce  n'est  pas  certain,  dans  l'Italie  méridionale,  elle  est 
l'œuvre  d'un  artiste  originaire  d'une  des  colonies  grecques  de 
cette  contrée,  ou  bien  d'un  artiste  de  l'Ionie  dont  elle  porte  le 
style  (Wiegand),  ou  encore,  suivant  M.  S.  Reinach,  d'un  sculp- 
teur athénien  émigré.  Les  caractères  du  style  permettent  de 
la  dater  de  480  environ  (3). 

M.  Bode  (4)  ajoute  quelques  détails  sur  le  voyage  de  cette 
statue  d'un  pays  belligérant  à  l'autre.  Son  acquisition,  dit-il, 
était  négociée  par  le  Louvre  de  compte  à  demi  avec  le  British 
Muséum  ;  les  deux  Musées  auraient  dû  l'exposer  successive- 

(1)  Rôsch,  Altertumliche  Marmorwerke  von  Paros,  Diss.  Kiel,  1914  ;  cf.  l'ana- 
lyse de  M.  0.  Waser,  Deutsche  LUeraturzeitung,  1916,  n»  51,  p.  2014  sq. 

(2)  Rev.  arch.,  1916,  II,  p.  180-3,  fig.  1. 

(3)  Wiegand,  Archàische  thronende  GÔttin,  Amtliche  Berichte  ans  den  kgl. 
Kunstsammlungen,  XXXVII,  n»  8,  1916,  p.  153-16,  fig.  75  ;  id.,  Archàische  thro- 
nende GÔtlin  im  Allen  Muséum  zu  Berlin,  Antike  Denkmàler,  1916-7,  pi.  34-44, 
p.  45-52,  fig.  1-7. 

(4)  Bode,  ILluslrierle  leilung,  1918,  n°  3897,  7  mars,  fig. 


BULLETIN    AHCUÉOLOfllQUE  341 

ment!  Son  possesseur  munichois  ne  serait  parvenu  qu'aux  prix 
des  plus  grandes  peines  à  la  retirer  du  Louvre. 

Quelles  que  soient  les  tractations  qui  aient  eu  lieu,  il  faut 
regretter  que  Ton  ait  manqué  Toccasion  d'enrichir  le  Louvre 
d'un  chef  d'œuvre  de  Tart  grec  archaï(|ue,  et  ([ue  la  ruse  alle- 
mande ait  triomphé  de  Texcès  de  scrupule  français. 

Torse  de  Daphni.  —  Le  torse  masculin  trouvé  à  Daphni  et 
conservé  au  Musée  national  d'Athènes  a  été  publié,  il  y  a  déjà 
longtemps,  par  M.  Richardson  (1).  Dans  une  communication 
présentée  à  la  Société  archéologique  de  Berlin,  M.  Neugebauer 
insiste  sur  l'importance  de  cette  sculpture,  qu'il  croit  de  style 
éginétique,  alors  que  M.  Lechat  l'attribue  au  courant  attico- 
ionien  (2),  et  il  cherche  à  en  déterminer  le  sujet  :  affaissé  sur 
le  genou  gauclie,  le  combattant  se  tournait  vers  son  adver- 
saire (3). 

Torse  de  Budapest.  —  Le  Musée  de  Budapest  possède  un  torse 
masculin  qui  a  été  acquis  à  Paris,  et  qui  provient  de  Sainte- 
Golombe-lès-Vienne,  en  France.  C'est  celui  d'un  athlète  se 
livrant  à  une  action  violente,  le  corps  légèrement  courbé  en 
avant,  les  deux  bras  tendus  et  abaissés  vers  le  sol  ;  divers 
athlètes  ont  même  attitude,  sur  des  peintures  de  vases,  et  dans 
des  monuments  de  la  statuaire,  par  exemple  dans  une  sta- 
tuette du  Metropolitan  Muséum  à  New-York.  Cette  sculpture 
date  de  la  première  moitié  du  v^  siècle,  et  se  rattache  à  la  ten- 
dance éprise  de  vie  et  de  mouvement  qu'ont  illustrée  Myron  et 
Pythagoras.  Toutefois  son  style  ne  permet  pas  de  l'attribuer  à 
l'un  de  ces  deux  maîtres.  Elle  est  plutôt  apparentée  aux 
œuvres  qui  se  réclament  de  l'école  de  Critias  et  de  Nèsiotès, 
entre  autres  à  l'éphèbe  de  l'Acropole,  au  bronze  de  Tubingue 
avec  qui  elle  présente  de  notables  analogies  non  seulement  de 


(1)  American  Journal  of  archaeology,  1894,  IX,  p.  53  sq.  pi.  XL 

(2)  Lechat,  Sculpture  attique,  p.  407,  note  3. 

(3)  Arch.  Anzeiger,  XXX,  1915,  p.  274. 


342  W.    DEONNA 

style  mais  aussi  d'altitude,  et  au  torse  récemment  publié  par 
M.  Amelung  (1).  Ce  serait  une  copie  d'après  un  bronze  grec  des 
environs  de  460  (2). 

Un  artiste  oublié.  —  Vitruve  et  Pline  mentionnent  un  artiste 
du  nom  de  Pollis,  dont  le  souvenir  nous  serait  aussi  conservé, 
sous  la  forme  Fol  lias,  par  des  inscriptions  trouvées  sur  l'Acro- 
pole (3),  dans  les  décombres  de  Finvasion  perse.  Il  faut  sans 
doute  l'identifier  au  père  d'Euthymédès,  le  maître  de  la  pein- 
ture à  figures  rouges  (EùS-juIôtiç  6  IIoÀXiou)  (4).  Ce  n'était  pas 
un  artiste  sans  importance,  puisque,  bien  des  siècles  plus 
tard,  Yitruve  cite  encore  son  traité  irepl  cru|ji[ji£Tpiaç.  Pourrait-on 
retrouver  ses  œuvres  parmi  les  Gorés  anonymes  de  l'Acro- 
pole et  parmi  les  bases  signées?  11  n'y  a  rien  d'impossible  à 
cela.  Peut-être  est-ce  à  lui  qu'Euthymédès  est  redevable  du 
style  caractéristique  de  ses  draperies  ;  si  cette  supposition  est 
exacte,  on  posséderait  un  indice  qui  permettrait  de  discerner 
parmi  les  sculptures  anonymes  celles  que  l'on  serait  en  droit 
d'attribuer  à  cet  artiste.  Il  y  a  là  une  recherche  qui  tentera  cer- 
tainement quelque  archéologue  :  étant  donné  un  artiste  dont 
on  ne  connaît  que  le  nom,  reconstituer  son  œuvre  à  l'aide  de 
celle  de  son  fils  supposé,  discerner  les  caractères  de  son  style, 
l'influence  qu'il  a  subie  et  celle  que  lui-même  a  exercée.  La 
science  procède  en  général  du  connu  à  l'inconnu  ;  l'archéolo- 
gie trop  souvent  part  de  l'inconnu  pour  parvenir  à  l'incon- 
naissable (5)  ! 

Parthénon.  —  Le  jeune  homme  couché  qui  occupe  l'angle 
du  fronton  0,  est-il,  selon  l'opinion  courante,  une  personnifi- 

(1)  Cf.  le  précédent  Bullelin,  1916,  p.  337. 

(2)  A.  Hekier,  Marmortorso  einer  Athletenstatue  in  Budapest^  Jahrbuch,  XXXI, 
1916,  p.  95-104,  pi.  5. 

(3)  Cf.  Lechat,  Au  Musée  de  l'Acropole,  p.  294,  note  1. 

(4)  Sur  Euthymédés,  J.  Clark  Hoppin,  Amer.  Journal  of  arch.,  1916,  I,  p.  75; 
Gaz.  des  Beaux-Arts,  juin  1916,  p.  286  ;  Journal  ofhellenic  Studies,  1915,  p.  187. 

(5)  C.  Robert,  Ein  Vergessener,  Jahrbuch,  XXX,  1915,  p.  241-2;  cf.  Rev.  des  Et. 
grecques,  1916,  p.  439. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  343 

cation  du  fleuve  Céphise  ?  M.  C.  Robert  en  trouve  la  preuve 
dans  une  statue  d'Autun,  qui  est  malheureusement  perdue, 
mais  dont  on  possède  un  dessin  reproduit  dans  le  précieux 
recueil  de  M.  Espérandieu  (1).  L'attitude  est  identique  à  celle 
du  dit  Céphise,  et  les  attributs  désignent  sans  doute  possible 
le  personnage  comme  un  dieu  de  fleuve.  Le  copiste  de  l'époque 
impériale  s'est  inspiré  de  la  statue  du  Parthénon,  alors  qu'un 
de  ses  confrères  transformait  un  éphèbe  de  la  frise  des  Pana- 
thénées en  un  cavalier  romain,  sur  l'autel  de  Cn.  Domitius 
Ahenobarbus  (2). 

Niké  à  la  sandale  et  Niké  de  Paeonios  (3).  —  M.  Geisel  examine 
comment  l'artiste  a  rendu  les  gestes  et  la  pose  de  ces  Nikés  (4). 

Sardanapale  (5).  —  A  propos  d'une  statue  de  ce  type  décou- 
verte en  Crète,  dans  la  villa  de  M.  A.  Evans,  M.  Amelung  étudie 
à  nouveau  ce  thème  statuaire.  Comme  on  le  sait,  l'original, 
connu  par  diverses  répliques,  représentait  Dionysos  et  était 
sans  doute  l'œuvre  de  Praxitèle  (6). 

Statue  funéraire  du  iv^  siècle.  —  Le  Musée  de  Budapest  pos- 
sède un  torse  masculin  en  marbre,  à  demi-drapé,  qui  provient 
d'une  tombe  de  Vélanidezza,  et  qui  est  un  original  grec  des 
environs  de  340-330  avant  J.-C.  11  apporte  de  nouveaux  ren- 
seignements sur  le  rendu  de  la  draperie  antique.  L'étude  de 
cette  œuvre  paraîtra  dans  le  premier  volume  du  Jahrbuch  de 
ce  musée,  qui  est  annoncé  (7). 

(1)  Recueil  des  reliefs  de  la  Gaule  romaine,  III,  p.  122,  n°  1993. 

(2)  G.    Robert,    Der   Kephisos    im    Parthenon-Giehel,    Jahrbuch^    1915,    XXX, 
p.  237-241. 

(3)  Sur  la  Niké  de  Paeonios,  cf.  le  précédent  Bulletin,  1916,  p.  339  sq. 

(4)  Geisel,  der  Bevoegungsausdruck  der  Sandalenhindenden  Nike  und  der  Nike 
des  Paeonios,  Neue  Jahrhûcher,  1915. 

(5)  Cf.  entre  autres  Mac  Dowall,  The  so-called  Sardanapalus ,  Journal  of 
hellenic  Studies,  1904,  p.  255  sq. 

(6)  Communication  faite  à  la  Société  arch.  de  Berlin,  1915;  cf.  Arch.  Anzeiger, 
1916,  p.  279-82. 

(7)  Arch.  Anzeiger,  1916,  XXXI,  p.  71,  n»  1. 


344  W.    DEONNA 

Aphrodite  Anadijomhne  (1).  —  On  signale  plus  haut  une  sta- 
tuette de  ce  type,  provenant  de  Ratiaria  en  Bulgarie  (2). 

Niobé  d Oxford  et  tête  antique.  — Je  n'ai  pu  avoir  connais- 
sance du  travail  de  M.  Buschor  sur  la  Niobé  d'Oxford  (3),  pas 
plus  que  de  celui  de  M.  Hermann  sur  une  tête  antique  (4). 

Laocoon.  —  M.  0.  Waser  donne  un  bon  compte  rendu  des 
récents  travaux  qui  ont  paru  sur  le  Laocoon  (5),  et  qui  ont  été 
signalés  dans  le  précédent  Bulletin  (6). 

Relief  archaïsant  de  l' Acropole.  —  On  a  découvert  en  1910, 
sur  l'Acropole  d'Athènes,  un  relief  en  marbre  pentélique  qui, 
jadis  rectangulaire,  est  orné  d'un  relief  sur  chacune  de  ses  deux 
faces.  D'un  côté,  le  relief  très  plat  montre  une  Athéna  ailée  : 
elle  marche  à  gauche  ;  vêtue  du  péplos  dorien,  elle  lève  le  bras 
droit  et  tient  dans  la  main  gauche  son  casque  attique,  dont  le 
cimier  se  recourbe  en  volute.  De  l'autre  côté,  la  même  déesse 
est  sculptée  en  haut  relief,  de  face,  relevant  de  la  main  gauche 
son  vêtement.  Le  type  de  l'Athéna  ailée,  qui  est  connu  dès 
l'archaïsme  (7),  orne  divers  reliefs  néo-attiques  ;  mais  l'autel 
des  quatre  dieux,  de  l'Acropole,  qui  d'après  le  style  de  sa 
cymaise  lesbique  doit  être  contemporain  du  temple  d'Athéna 
Aléa  à  Tégée,  soit  des  environs  de  365,  est  le  véritable  proto- 
type de  notre  relief,  puisqu'il  montre  la  déesse  ailée,  dans  la 


(1)  Cf.  Bulleli7i,  Rev.  des  Et.  grecques,  1916,  p.  96. 

(2)  Ci-dessus,  p.  332. 

(3)  Buschor,  Die  Oxforder  Niobe,  Miinchener  Jahrb.  d.  bildenden  Kunst, 
3e  année, 1914/5,  p.  191-207. 

(4)  P.  Hermann,  Ein  anliker  Kopf  und  ein  angebliches  Werk  der  Re?iaissnnce, 
Milt.  a.  d.  sachs.  Kunslsamml.,  5,  Dresde. 

(5)  Waser,  Neuere  Laokoonsludien,  Neue  Ziircher  Zeilung,  1916. 

(6)  1916,  p.  350   sq. 

(7)  Savignoni,  Ausonia,  V,  1910,  p.  76  sq.,  p.  101  sq.  ;  Putorti,  Alhetia  Nike 
in  un  inlaglio  di  anello  reggino,  Neapolis,  I,  1913,  p.  128  sq.  ;  W.  Keyes,  Miner- 
va  Victrix,  note  on  the  vnnged  goddess  of  Ostia,  American  Journal  of  arch., 
1912,  p.  490  sq.  ;  Jahrbuch,  1908,  p.  \12\Rev.  des  Et.  anc,  1900,  p.  129  ; 
Comptes  rendus  Acad.  Inscr.  et  Belles  Lettres,  1906,  p.  222. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  345 

même  attitude,  vêtue  de  môme,  et  tenant  le  même  casque. 
L'Athéna  de  face  imite  quelque  Palladion,  et  trouve  aussi  de 
proches  parentes  dans  l'art  néo-attique  et  gréco-romain.  C'est 
donc  une  œuvre  archaïsante.  La  provenance  lui  donne  un 
intérêt  tout  spécial.  M.  Ilauser  pensait  d'abord  que  l'école 
néo-attique  est  d'origine  romaine,  puis,  changeant  d'avis,  il  en 
a  cherché  le  centre  en  Grèce.  Le  relief  de  l'Acropole  confirme 
cette  hypothèse,  et  c'est  en  Attique  même  qu'il  faut  situer  le 
point  de  départ  de  la  vogue  néo-attique  (1). 

Sarcophage  d'Éphèse  (2).  —  Un  caveau  funéraire  déblayé 
en  1907  à  Éphèse  renfermait  deux  sarcophages.  L'un,  fort 
abîmé,  montre  à  ses  angles  des  Nikès,  et  sur  ses  faces  des  Eros 
qui,  debout  sur  des  socles,  tiennent  des  guirlandes.  Le  second, 
beaucoup  plus  important,  répète  sur  son  socle  le  thème  des 
Eros  aux  guirlandes,  mais,  de  plus,  couvre  la  face  antérieure 
et  les  deux  petits  côtés  de  scènes  mythologiques.  Le  couple 
défunt,  aux  traits  individuels,  est  représenté  au  milieu  de  la 
grande  face,  près  d'Hadès  et  de  Perséphonè  qui  trônent,  et 
qui  sont  accostés  par  Hermès  et  par  d'autres  personnages.  Sur 
l'un  des  petits  côtés,  une  barque  porte  trois  jeunes  gens  nus, 
et,  sur  l'autre,  un  homme  barbu,  à  l'aspect  hirsute,  sort  d'une 
porte,  devant  laquelle  s'enfuit  une  jeune  fille.  Toutes  ces  scènes 
sont  relatives  aux  mythes  infernaux  (3). 

La  mort  dans  Vart  grec.  —  Ce  sujet,  qui  a  été  déjà  souvent 
traité  (4),  inspire  divers  travaux  de  circonstance,  dont  quel- 

(1)  Ada  von  Notoliczka,  Ein  doppelseitiges  Relief  von  der  Akropolis,  Jahrbuch 
d.  k.  k.  oesterr.  arch.  Instituts  in  Wien,  XVII,  1,  1914,  p.  121  sq.,  pi.  I. 

(2)  Signalons  ici  le  travail  de  M.  Seunig,  Ephesos,  Progr.  Triest,  1914. 

(3)  J.  Keil,  Grahbau  mit  Unteriveltsarkophag  aus  Ephesos,  Jahrbuch  d.  k.  k. 
oesterr.  arch.  Instituts  in  Wien,  XVII,  1914,  p.  133  sq.  pi.  II. 

(4)  Lessing,  De  mortis  apud  veleres  figura,  1866;  Wessely,  Die  Gestalten  des 
Todes  und  des  Teufels  in  d.  darstellenden  Kunst,  1875  ;  Lohr,  Die  Darstellung 
des  Todes  in  d.  griechischen  Kunst,  Wienerabendpost,  1903,  n^  21  ;  Chudzinski,  Tod 
und  Todenkultus  bel  den  alten  Griechen,  cf.  Woch.  klass.  Phil.,  1908,  p.  494;  et 
Berlin  phii.  Wochenschr.,  1908,  p.  403;  Kiefer,  KÔrperlicher  Schmerz  und  Tod  auf 
der  atlischen  Buhne,  1909;  Heinemann,  Thanatos  in  Poésie  und  Kunst  der  Griechen, 

REG,  XXX,  1917,  n»  139.  •  24 


346  W.    DEONNA 

ques-uns  ont  été  signalés  ici  même  (1).  M.  Simmel  l'aborde  de 
nouveau  dans  une  conférence  (2).  M.  Brûckner  décrit  les  tom- 
beaux athéniens  (3).  M.  H.  Blûmner  montre  comment  Far- 
grec  a  représenté  l'être  humain  au  moment  où  la  vie  va  l'aban- 
donner, surtout  les  guerriers  mortellement  blessés  (4)  ;  com- 
ment, ignorant  tout  d'abord  l'expression  des  visages,  il  a  petit 
à  petit  peint  sur  eux  les  angoisses  et  les  douleurs  de  ce  moment 
fatal  (5).  M.  Draheim  cherche  ce  que  Sophocle  a  dit  de  l'enseve- 
lissement des  ennemis  (6);  M.  0.  Kern  examine  l'influence  de 
la  guerre  sur  l'art  grec  (7),  et  M.  Winter  spécialement  celle  des 
guerres  médiques  (8). 

Chronique  d'Olympie  et  de  Lindos.  —  M.  Brûckmann  ap- 
porte sa  contribution  à  l'étude  de  la  chronique  d'Olympie  (9), 
et  M.  B.  Keil  à  celle  de  la  chronique  de  Lindos  (10),  due  à 
Timarchidas,  poète  rhodien  dont  il  scrute  la  langue  (11). 


Munich,  1913  ;  Parkes  Weber,  Aspects  of  Death  in  art  and  epigramm,  Londres, 
1914  ;  Ubell,  Vier  Kapitell  von  Thanalos,  Ueber  die  Darslellung  d.  Todes  in  d. 
griech.  Kunst,  Abhandl.  d.  arch.  epigr.  Seminârs  d.  k.k.  Franzens  Universital  in 
Graz,  Vienne. 

(1)  Bulletin,  1916,  p.  336. 

(2)  Simmel,  Von  Tod  in  der  Kunst,  Vorirag  in  der  Kantgesellschat't  in  Berlin, 

1915,  n°  21. 

(3)  A.  Brûckner,  Alhenische  Graher  und  Grabmâler,  Deutsche  Litteraturzeitung , 

1916,  p.  941-3.  Sur  les  travaux  de  Brûckner  ati  cimetière  athénien  du  Céramique, 
cf.  le  précédent  Bulletin,  1916,  p.  326. 

(4)  H.  Blûmner,  Die  Darstellung  d.  Sterbens  in  d.  griech.  Kunst,  Neue  Jahr bû- 
cher, 1916,  36,  n»  1,  p.  1-20. 

(5)  Sur  l'expression  dans  l'art  grec,  cf.  mon  volume  L'expression  des  senti- 
ments dans  Vart  grec,  Paris,  Laurens,  1914. 

(6)  Draheim,  Die  Bestattung  des  Landes feindes  bei  Sophokles,  Woch.  klass. 
Phil.,  1916,  p.  447  sq.  ^ 

(7)  0.  Kern,  Kt^ieg  und  Kunst  bei  den  Hellenen,  Rektoratsrede,  Halle  a.  S.,  1915. 

(8)  Winter,  Die  Wirkung  der  Perserkriege  auf  die  griechische  Kunst,  Oster- 
gruss  d.  Rhein.  Fried.  Wilh.  Univ.  zu  Bonn  an  ihre  Angehôr.  im  Felde,  1916, 
p.  73  sq. 

(9)  Brûckmann,  Die  Olympische  Chronik,  Rheinisches  Muséum,  LXX,  4,  p.  622  sq. 

(10)  Gh.  Biinkenberg,  Die  lindische  Tempelchronik,  nouvelle  éd.  1915,  Bonn; 
cf.  Woch.  klass.  Phil.,  1915,  29  ;  Berlin,  phil.  Woch.,  1915,  29  ;  cf.  Rev.  Et. 
grecques,  1913,  p.  40  sq. 

(11)  B.  Keil,  Zur  Tempelkronik  von  Lindos,  Hermès,  51,  4,  1916,  p.  491-8. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  347 

Arc  de  Titus.  —  La  question  de  la  date  de  ce  monument  est 
controversée.  M.  Ficchter  donne  son  avis  (1),  à  propos  du 
travail  de  Donald  Mac  Fayden  (2). 

Divers  monuments  romains.  —  M.  Kazarow  commente  un 
autel  rectangulaire  du  musée  de  Sofia,  trouvé  en  1906  à  Kara 
Orman,  dans  la  Bulgarie  du  S.  :  on  y  voit  le  cavalier  thrace, 
trois  nymphes,  la  triple  Hécate,  une  déesse  au  calathos,  près 
d'un  arbre  dans  les  branches  duquel  se  tient  un  petit  person- 
nage sans  doute  dionysiaque  (3). 

Un  groupe  du  Musée  d'Autun  (4)  associe  le  Genius  et  Juno, 
union  qui  jusqu'à  présent  n'était  connue  que  par  la  tradition 
littéraire  (5). 

Sur  un  relief  de  Feldbergkastell,  le  petit  personnage  nu, 
barbu,  accroupi  aux  côtés  de  Mars,  n'est  pas,  comme  on  le  croit, 
un  dieu  de  fleuve,  mais  un  Germain  prisonnier  (6). 

M.  de  Semetkowski  publie  divers  reliefs  romains  de  Styrie, 
dont  les  plus  notables  représentent  Persée  et  Andromède 
(p.  199,  fig.  162),  un  lion  dévorant  un  cerf  (p.  190,  fig.  156), 
des  Centaures  luttant  contre  des  lions  (p.  190,  n°  6),  des  vases 
avec  pampres  dionysiaques  (p.  193,  n°  5)  (7). 

M.  Arpad  Buday  décrit  ceux  qui  proviennent  de  Transylva- 
nie (8)  ;  on  notera  entre  autres  les  représentations  suivantes  : 


(1)  Fiechter,  Zur  Datierung  des  Titusbogens,  Woch.  f.  klass.  Phil.  1916,  n»  44, 
p.  1045-7. 

(2)  ClassicalJournal,  XI,  3,  1915;  cf.  Frothingham,  A  lost  section  of  the  frieze 
of  the  arch  of  Titus,  American  Journal  of  arch.,  1916,  XVIII. 

(3)  Kazarow,  Ein  neues  Denkmal  aus  Thrakien,  Arch.  Anzeiger,  1915,  XXX, 
p.  166-m. 

(4)  Espérandieu,  op.  L,  III,  p.  136,  n»  2623. 

(5)  Wigand,  RÔmisch-germanisches  Korrespondenzblatt,  IX,  1916,  n"  4. 

(6)  Quilling,  Zum  Marsrelief  von  Feldbergkastell,  RÔmisch-germanisches  Korres- 
pondenzblatt, IX,  1916,  I,  janvier-février. 

(7)  RÔmische  Reliefs  in  St  Johann  bei  Herbestein  in  Steiermark,  Jahrbuch  d.  k.  k. 
oesterr.  arch.  Instituts  in  Wien,  XVII,  1914,  Beiblatt,  p.  185  sq. 

(8)  Arpad  Buday,  Travaux  de  la  section  numismatique  et  archéologique  du  Musée 
national  de  Transylvanie  à  Kolozsvar,  Hongrie,  VII,  1916,  I,  p.  27  sq.,  résumé  en 
français^  p.  92  sq. 


348  VV.    DEONNA 

Hécate  (p.  28,  92),  oreilles  votives  (p.  32,  95)  (1),  groupes  dio- 
nysiaques (p.  38,97)  ;  lions  adossés,  ayant  entre  eux  une  tête 
humaine  (p.  43,  99)  (2)  ;  statues  de  Cybèle  (p.  68,  118)  ;  reliefs 
avec  Silvain  (p.  71,  121);  Apollon  lycien  (p.  80,  126)  (3), 
Mithra  tauroctone  (p.  87,  131),  Némésis  (p.  88,  131),  etc. 

Mentionnons  encore  quelques  travaux  sur  la  colonne  de 
Jupiter  de  Mayence  (4)  ;  sur  une  autre  colonne  analogue  de  la 
collection  de  Dyck  entre  Rheydt  et  Neuss,  qui  supportait  une 
statuette  de  Jupiter  trônant  et  qui  est  ornée  de  divinités  celti- 
ques et  romaines  (5);  sur  une  représentation  de  Silvain  (6); 
sur  un  diptyque  consulaire  d'Halberstadt  (7). 

Moulages.  —  M.  Daun  traite  la  question  de  la  peinture  à 
donner  aux  moulages  des  œuvres  antiques  (8). 

Photographies  composites  et  art  grec.  —  On  connaît  le  curieux 
procédé  de  Gallon,  qui,  superposant  plusieurs  photographies 
de  diverses  personnes  appartenant  à  une  même  famille,  ou 
d'une  même  personne  à  des  âges  différents,  obtient  une  image 
moyenne  montrant  les  caractères  spécifiques  de  la  famille  ou 
de  l'individu.  Ce  procédé  a  été  employé  par  d'autres  savants, 
en  particulier  par  Bowdicht  de  l'Université  d'Harvard,  et  par 
M.  G.  Treu.  Ce  dernier  en  expose  l'intérêt  dans  une  confé- 

(1)  Cf.  Weinreich,  Ath.  Mith.,  1912,  p.  1  sq.;  mon  article,  Un  châtiment  domes- 
tique :  tirer  Voreille.  Nos  anciens  et  leurs  œuvres,  Genève,  1914,  p,  129  sq. 

(2)  M.  Buday  souligne  avec  raison  le  sens  solaire  de  ce  groupement.  Cf.  mon 
article,  De  quelques  gestes  d'Aphrodite  et  d' Apollon,  pour  paraître  dans  Rev.Hist. 
des  Religions. 

(3)  J'étudie  le  sens  du  geste  de  l'Apollon  lycien  dans  le  mémoire  cité  à  la  note 
précédente, 

(4)  Drexel,  Zur  Mainzer  Jupitersdule,  Romisch-germanisches  Korrespondenzhlatl, 
8,  p.  65  sq. 

(5)  Rosmerta  et  Vulcain,  Vénus  et  Hercule,  Minerve  et  une  figure  restaurée, 
Cérès  et  une  figure  restaurée.  Jupiter  und  thronender  Jupiter,  ibid.,  VII,  1914, 
n»  2. 

(6)  bas  Silvanus-Denkmal  von  Eisenberg,  Pfalz.  Mus.,  33,  p.  3-4. 

(7)  Motefindt,  Dus  Diptychon  consulare  im  Domschatz  zu  Halberstadt,  Ab.  a.  d. 
Mus.  fur  Nat.  u.  Heimatk.  Magdeburg,  3,   1. 

(8)  Daun,  Die  Bemalung  antiker  GipsabgUsse,  Museumskunde,  II,  p.  193  sq. 


I 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  349 

rence  faite  au  Congrès  d'Esthétique  de  Berlin,  en  1913  (1). 
Que  l'on  prenne  par  exemple  six  vues  d'une  tôte  d'enfant 
animée  d'expressions  diverses  :  la  vue  qui  résultera  de  la 
superposition  n'aura  pas  une  expression  déterminée,  mais  frap- 
pera le  spectateur  par  son  aspect  intelligent.  D'autres  exemples 
montrent  que  l'image  unique  obtenue  est  toujours  belle,  et 
que  les  laideurs  particulières  ou  ethniques  disparaissent  dans 
l'ensemble.  On  peut  déduire  de  cette  constatation,  que  ce  que 
nous  appelons  beauté  n'est  qu'un  moyen  terme,  analogue  à 
celui  de  la  photographie  composite;  les  anciens  eux-mêmes  ne 
voyaient-ils  pas  la  beauté  dans  la  {jlso-ottiç,  le  juste  milieu  ? 

L'étude  de  l'art  antique  peut  tirer  profit  de  ces  remarques. 
Ne  pourrait-on  fixer  le  type  moyen  de  la  statuaire  grecque  à 
ses  diverses  périodes,  celui  du  v%  du  iv%  du  m'  siècles  ;  le 
type  moyen  d'un  artiste,  Myron,  Polyclète,  Praxitèle,  obtenir 
ainsi  des  canons  de  la  beauté  humaine  telle  que  l'ont  conçue 
des  individus  ou  des  époques  d'art  déterminés,  canons  qui  ser- 
viraient de  bases  à  nos  études?  Galton  avait  déjà  entrevu  cette 
possibilité,  en  cherchant  le  portrait  moyen  d'Alexandre  à  l'aide 
de  six  images  différentes  de  la  numismatique. 


IV.  Peinture. 

Fresques  étrusques.  —  La  peinture  funéraire  des  Etrusques  a 
attiré  l'attention  de  M.  Ducati,  qui  en  distingue  les  différentes 
périodes  (2).  M.  Weege  se  propose  d'entreprendre  une  étude 
systématique  de  ces  fresques,  qui  jusqu'à  présent  ont  été  mal 
reproduites,  et  n'ont  point  été  publiées  d'une  façon  satisfaisante, 
malgré  l'immense  intérêt  qu'elles  offrent  pour  l'histoire  de  la 
peinture  antique  depuis  le  vii^  siècle  jusqu'aux  époques  hellé- 


(1)  G.  Treu,  Durchschnitlshild  und  Schônheit,  Zeitschr.  f,  Aesthetik  iind  allge- 
meine  KunstwissenschaftylX,  1914;  cf.  Bulle,  Berlin,  philol.  Wochenschrift,  1917, 
n»  1,  p.  14  sq. 

(2)  Ducati,  Atene  e  Roma,  1914,  vol.  17,  185-6. 


350  W.    DEONNA 

nistique   et  romaine.  Deux  tombes  de  Gorneto-Tarquinies  lui 
fournissent  la  matière  de  son  premier  mémoire  (1). 

Le  tombeau  découvert  en  1827  par  Stackelberg  est  orné  de 
deux  frises  superposées,  la  frise  inférieure  étant  de  proportions 
plus  grandes.  Dans  la  première,  devant  une  nombreuse  assis- 
tance groupée  sur  des  tribunes,  sous  lesquelles  sont  accroupis 
les  esclaves,  ce  sont  les  jeux  funèbres  :  luttes,  lancement  du 
disque,  courses  de  chars  ;  dans  la  seconde,  c'est  le  banquet 
funèbre  avec  danses.  Le  grand  intérêt  de  ces  fresques  réside 
dans  la  parenté  que  présentent  leurs  motifs  avec  ceux  de  Tart 
grec  archaïque  (p.  138  sq.).  Les  attitudes  du  discobole,  du  ver- 
seur d'huile,  du  coureur  armé,  trouvent  de  frappants  paral- 
lèles dans  la  ronde-bosse  ;  le  petit  esclave  accroupi  sous  une 
tribune,  tenant  son  genou  droit  dans  ses  mains,  semble  copié 
sur  un  des  frontons  d'Olympie.  Un  jeune  homme  est  en  équi- 
libre sur  une  jambe  ;  le  même  motif  orne  un  vase  du 
Louvre  (2),  oii  M.  Pottier  l'interprète  comme  un  joueur  de  balle, 
le  peintre  ayant  par  négligence  fait  disparaître  la  balle  que  l'on 
voit  posée  sur  la  jambe  de  l'athlète  sur  un  relief  publié  dans  le 
Bulletin  de  Correspondance  hellénique  (3).  Ce  serait  plutôt  une 
attitude  de  gymnastique,  destinée  à  fortifier  les  muscles,  que 
l'on  retrouve  sur  divers  autres  monuments.  On  peut  se  deman- 
der si  ce  n'est  pas  celle  que  Polyclète  a  introduite  dans  la  sta- 
tuaire et  dont  les  anciens  lui  faisaient  honneur  :  «  uno  crure 
insistere  ».  Déjà  M.  Hauser  a  émis  une  supposition  analogue, 
en  reconnaissant  l'attitude  polyclétéenne  dans  le  bronze  d'un 
pancratiaste  qui  donne  un  croc  en  jambe  à  son  adversaire  (4), 
«  nudus  talo  incessens  ».  M.  Weege  n'admet  qu'une  partie  de 
cette  hypothèse;  l'attitude  polyclétéenne  n'est  pas  nécessaire- 
ment celle  d'un  pancratiaste,  mais  c'est  celle  d'un  exercice  de 

(1)  Weege,  Etruskische  Graher  mit  Gemalden  in  Corneto,  Jahrbuch,  XXXT,  1916, 
p.  105-168,  pi.  6-16. 

(2)  Pottier,  Vases,  II,  pi.  92. 

(3)  1883,  pi.  19. 

(4)  Hauser,  Jalireshefle  d.  k.  k.  oesterr.  Instituts  in  Wien,  1909,  p.  100  sq.  ;  cf. 
Léchai,  Rev.  des  Et.  anciennes,  1910,  p.  143  sq. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  351 

la  palestre,  tel  qu'elle  apparaît  sur  les  fresques  de  Corneto. 
Les  anciens  auraient-ils  attribué  à  Polyclète  le  mérite  d'un 
motif  que  la  statuaire  connaissait  depuis  longtemps  déjà,  si  son 
invention  n'avait  consisté,  comme  on  le  croit  d'ordinaire,  qu'a 
faire  porter  le  poids  du  corps  sur  une  jambe,  l'autre  étant 
fléchie? 

Les  fresques  de  Corneto  ont  aussi  de  nombreux  rapports 
avec  les  peintures  de  vases  grecs  (p.  141  sq.),  où  Ton  retrouve 
par  exemple  les  hardis  symplegmata  des  esclaves  étendus  sous 
les  tribunes  (pi.  8  et  p.  149,  fig.).  Leur  style  est  celui  de  la 
peinture  ionienne  ;  elles  dénotent  le  même  esprit  que  les 
monuments  ioniens  (p.  147  sq.),  et  l'assemblée  qui  assiste  aux 
jeux  du  haut  des  tribunes  rappelle  de  très  près  l'assemblée 
des  dieux  sur  la  frise  du  trésor  des  Siphniens  à  Delphes.  On 
notera  encore  que  les  personnages  de  la  frise  inférieure 
s'enlèvent  en  clair  sur  le  fond  foncé,  alors  que  ceux  de  la  frise 
supérieure,  sauf  les  assistants  des  tribunes,  s'enlèvent  en 
foncé  sur  le  fond  clair,  autrement  dit  qu'on  rencontre  la  même 
union  des  deux  procédés  picturaux  que  sur  certains  vases 
grecs  de  technique  mixte;  association  qui  se  voit  entre  autres 
chez  Amasis,  artiste  d'origine  ionienne,  et  sur  les  sarcophages 
de  Clazomènes;  elle  ramène  elle  aussi  à  l'Ionie.  On  peut  dater 
ces  fresques  de  Corneto  du  dernier  quart  du  vi®  siècle.  L'artiste, 
tout  en  tenant  compte  de  certains  détails  indigènes,  n'est  pas 
étrusque,  c'est  un  Grec  originaire  des  colonies  ioniennes  de 
l'Italie  du  Sud  ou  de  la  Sicile. 

La  seconde  tombe  étudiée  par  M.  Weege  est  celle  qui  a  été 
découverte  en  1875,  dite  «  tombe  des  léopards  ».  On  y  voit 
aussi  des  banquets  funèbres  avec  danses,  et,  dans  le  fronton, 
les  animaux  qui  ont  donné  leur  nom  à  ce  caveau,  des  léopards, 
ou  plus  exactement,  des  guépards  de  chasse,  sans  doute  les 
animaux  favoris  du  défunt.  L'étude  leur  est  presque  entiè- 
rement consacrée.  Le  style  de  ces  peintures  rappelle  celui  des 
vases  à  figures  rouges  sévères.  Un  peu  plus  récentes  que  celles 
de  la   tombe    Stackelberg,    mais   dénotant    aussi    une   forte 


352  W.    DEONNA 

influence  grecque,  elles  peuvent  dater  du  début  du  v*"  siècle 

(p.  153  sq.). 

Doiiris  (1).  —  M.  Buschor  étudie  divers  vases  que  l'on  peut 
attribuer  à  Douris,  et  détermine  les  qualités  de  son  style  (2). 

Lécythes  blancs,  —  M.  ïïauser  fera  paraître  prochainement 
un  mémoire  sur  deux  beaux  lécythes  blancs  de  Munich  (3). 

Perspective.  —  Dans  deux  communications  faites  à  la  Société 
archéologique  et  à  TAcadémie  des  Sciences  de  Berlin, 
M.  A.  Goldschmidt  s'occupe  de  la  perspective  antique  et  de  son 
influence  sur  l'art  du  moyen  âge  et  des  temps  modernes  (4)  ; 
ce  mémoire  sera  bientôt  publié  (5). 

Fresques.  —  Mentionnons  sur  l'histoire  de  la  fresque,  le 
travail  de  M.  Weese  (6). 

Mosaïques  romaines.  —  A  Trêves,  dans  les  ruines  d'une 
importante  construction  romaine,  qui  fut  sans  doute  une 
demeure  patricienne  (7),  on  a  trouvé  de  nombreux  restes  de 
mosaïques  et  de  peintures  murales  (8).  C'est  encore,  à  Kreuz- 
nach,  une  mosaïque  représentant  des  gladiateurs  (9). 


(1)  Cf.  parmi  les  travaux  récents,  Waldhauer,  Kev.  arch.,  1913,  I,  p.  31  sq.; 
Rev.  des  Et.  grecques,  1915,  p.  205-6;  Rhomaioos,  'Ecp.  'Ao/.,  1901;  Frucht,  Die 
signierten  Gefusse  des  Douris;  Berlin,  phil.   Woch.,  46,  p.  1445. 

(2)  E.  Buschor,  Neue  Duris-Gefàsse,  Jahrbuch,  XXXI,  1916,  p.  74-95,  pi.  2-4. 

(3)  Mûnchener  Jahrbuch,  1914/5,  p.  251  ;  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916,  p.  70,  n"  28. 

(4)  Goldschmidt,  Bas  Nachleben  der  antiken  Prospektmalerei  im  Mitlelalter, 
Sitzungsber.  d.  kgl.  Akad.  d.  Wiss.,  1916,  XXIX,  p.  611;  Bedeutung  der  antiken 
Prospektmalerei  fur  die  neuere  Kunst,  Soc.  arch.  de  Berlin,  juin  1916;  cf.  Arch. 
Anzeiger,  XXXI,  1916,  p.  96. 

(5)  Dans  les  Schriften  d.  Akad.  d.  Wiss.  zu  Berlin. 

(6)  Weese,  Geschichte  und  Stilistik  d.  Wandmalerei,  Jahrbuch  Fr.  D.  Rochstifts, 
1914/5,  p.  21  sq. 

(7)  Cf.  le  précédent  BuZZe/in,  1916,  p.  334. 

(8)  Steiner,  Neue  rômische  Mosaiken  und  Fresken,  Bomisch-germanisches  Kor- 
respondenzblatt,  VIII,  1914,  3. 

(9)  Kohi,  Gladiatorenmosaik  von  Kreuznach,  BÔm.  german.  Korrespondenzblatty 
VIII,  p.  44  sq. 


I 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  353 


V.  Bronze  et  fer. 

T^jro  et  Flere.  —  Un  miroir  étrusque  illustre  le  mythe  de 
Tyro  (1).  Deux  jeunes  gens  qui  tiennent  la  lance,  Nélée  et 
Pélias,  entourent  une  femme  drapée,  leur  mère  Turia.  Un 
quatrième  personnage  porte  l'inscription  «  flere  ».  C'est  le 
sens  de  ce  terme  que  précisent  MM.  Ilerbig  (2)  et  Sigwart  (3)  ; 
il  signifie,  dit  ce  dernier,  «  statue,  image  ». 

Miroir  grec  à  reliefs.  —  On  ajoutera  à  la  liste  déjà  nom- 
breuse des  miroirs  grecs  à  reliefs  l'exemplaire  qui  a  été 
trouvé  en  1915  à  Thèbes,  dans  une  tombe  féminine,  et  qui, 
publié  par  M.  Pappadakis,  a  été  déjà  signalé  dans  ce  Bulle- 
tin (4).  Un  satyre  tenant  une  massue  et  une  jeune  femme 
sont  assis  l'un  en  face  de  l'autre,  séparés  par  un  tronc 
d'arbre  (5). 

Figurines  de  bronze.  —  Le  Musée  de  Mayence  possède  une 
statuette  de  prisonnier  (6)  ;  de  Lugano  provient  un  enfant, 
Bacchus  ou  Amour,  assis  sur  un  anneau  et  tenant  une  grappe 
de  raisin  (7).  M.  Roger  publie  une  tête  de  cheval  en  bronze  (8), 
d'Augsburg. 

Couronnes  (9).  —  A  propos  de  la  découverte  d'une  couronne 

(1)  Gerhard,  pi.  CXXX. 

(2)  Herbig,  Tyro  und  Flere,  Hermès  LI,  1916,  III,  p.  465-474. 

(3)  G.  Sigwart,  Zur  etruskischen   Sprache,  3,  Flere,  ein  etriiskisc/ies  Appella- 
tivum,  Glotta,  1916,  VIII,  n»  1-2,  p.  159  sq.         . 

(4)  1916,  p.  93-5. 

(5)  Arch.  Anzeiger,  XXX,  1915,  p.  183. 

(6)  Behrens,  RÔmisc  h- germanise  fies  Korrespondenzhlatt,  IX,  1916,  n»  4. 

(7)  Tschumi,  ihid.,  IX,  1916,  n"  4;  Aciiter  Jahresbericht  der  Schweiz.  Gesellsch.  f. 
Urgeschichte,  1915,  p.  63-5,  fig.  H.  Au  musée  de  Berne, 

(8)  0.  Roger,  Der  bronzene  Pfei'dekopf  unserer  Sammliing,  Zeitschr.  hist.  Ver. 
Schwaben,  41,  p.  143-4. 

(9)  Voici  quelques  travaux  récents   sur  les  couronnes  :  J.  Klein,  Der  Kranz 
hei  den  allen   Griechen,  eine  religionsgeschichtliche  Studie  auf  Grund  d.  Denk- 


3S4  W.    DEONNA 

mortuaire  en  bronze,  trouvée  dans  une  tombe  près  de  Hanau, 
M.  Buckmann  étudie  les  procédés  de  fabrication  d«  ces  orne- 
ments (1). 

Fer.  -r-  On  consultera  sur  le  fer  dans  l'antiquité,  et  spécia- 
lement sur  la  fonte  du  fer  en  Grèce,  l'étude  de  M.  Olshausen, 
qui  cite  plusieurs  figurines  grecques  travaillées  suivant  cette 
technique  (2). 

Réparations.  —  M.  Môtefmdt  s'intéresse  aux  réparations 
antiques  d'objets  en  métal  (3). 


VI.  Orfèvrerie. 

Trésor  de  Tirynthe  (4).  —  La  Revue  des  études  grecques  a  déjà 
mentionné  (5)  la  découverte  récente,  faite  à  Tirynthe,  d'un 
vase  de  bronze  contenant  plusieurs  objets  précieux,  en  parti- 
culier deux  anneaux  d'or.  Ce  trésor  est  aussi  signalé  dans 
diverses  revues  allemandes  (6),  et  sera  prochainement  publié 
par  M.  Karo. 

Couronne  d!or.  —  La  découverte  d'une  couronne  d'or  à 
Casteilorizzo  a  été  signalée  plus  haut  (7). 

maler,   Gunzburg  a.  D.,  1912;  Kfichling,  De  coronarum  apud  aniiquos  vi  atque 
usu,  Giessen,  1914;  Maxwell  Woolley,  Coronation  rites,  Cambridge,  1915. 

(1)  Buckmann,  Ueber  die  Herstellung  der  Wendelringe,  RÔmisch-germanisches 
Ko7^respondezblatl,  \\1,  1914,  n»  3. 

(2)  Olshausen,  Ueber  Eisen  im  Altertum,  Praehistor.  Zeitschr.,YU,n°  1-2,  p.  1-44. 

(3)  Môteftndt,  Flieckungen  an  vorgeschichtlichen  Fibelui  Zeitsch.  f.  Ethn.,  47, 
IV-V,  p.  309-19. 

(4)  Die  Ergebnisse  d.  Ausgrabungen  d.  k.  arch.  Inst.  in  Athen,  I.  Frickenhaus, 
Die  Hera  von  Tiryns ;  II,  Millier  et  Olmann,  Die  geometrische  Nekropole,  1912; 
Rodenwaldt,  Tiryns,  I-II,  Die  Fresken  des  Palastes,  1912-3  ;  Aller tumsfunde  auf 
der  Burg  von  Tiryns  in  Griechenland,  Kunslchronik,  27,  19  ;  Rev.  des  Et. 
grecques,  1912,  p.  383;  1914,  p.  281;  1915,  p.  184. 

(5)  1915,  p.  440;  1916,  p.  lxi. 

(6)  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916,  p.  87;  Berliner  phil.  Wochenschr.,  1916,  n*7, 
p.  224. 

(7)  Cf.  1.  Fouilles. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  ^^^ 

Trésor  de  VettersfeJd.  —  On  a  retrouvé  un  petit  fragment 
appartenant  à  un  bijou  de  ce  fameux  trésor  (i). 

Trésor  d'Eber'sivald.  —  M.  Schuchtiardt  compare  les  objets 
du  trésor  d'Eberswald  (2)  à  ceux  qui  ont  été  trouvés  à  Troie, 
avec  lesquels  ils  présentent  d'étroites  ressemblances  (3). 

Ganymède,  Nimrod  et  Nagi.  —  Un  vase  d'or  du  trésor  de 
Nagyszentmiklos,  actuellement  à  Vienne  (4),  est  orné  d'un  per- 
sonnage enlevé  par  un  oiseau.  S'agit-il,  comme  on  le  croit 
communément,  du  rapt  de  Ganymède  par  l'aigle  de  Zeus?  ou 
bien  de  Nimrod  enlevé  au  ciel?  ou  encore  de  la  Nagi  enlevée 
par  l'oiseau  Garouda?  C'est  cette  dernière  hypothèse  qui  paraît 
à  M.  Draheim  la  plus  plausible,  pour  diverses  raisons,  entre 
autres  à  cause  de  la  forme  caractéristique  des  oreilles  de  l'oi- 
seau. Le  monument  appartient  donc  à  l'art  gréco-bouddhique. 
A  cette  occasion,  l'auteur  émet  quelques  considérations  sur  le 
thème  de  Ganymède  enlevé  par  l'aigle,  tel  que  l'a  traité  l'art 
antique  (5). 


Vil.  Terres  cuites,  verres,  gemmes. 

Tyro.  —  Un  moule  en  terre  cuite  de  Rosarno  en  Calabre,  et 
divers  fragments  découverts  en  1914  par  Orsi  dans  la  nécro- 
pole de  cette  ville,  qui  sont  sortis  de  cette  matrice,  ont  permis 


(1)  Jeatsch,  Zum  Goldsfund  von  Vettersfelde,  Zeitschr.  f.  EthnoL,  47,  n»  IV- V, 
p.  306-8. 

(2)  Kossinna,  Der  Goldfund  vom  Messingvjerk  bei  Eberswalde  und  die  goldenen 
Kultgeftisse  der  Germanen,  Wurzburg,  1913  ;  Schuchhardt,  Der  Goldfund  vom 
Messingwerk  bei  Eberswalde,  Berlin,  1914.  Cf.  la  découverte  d'un  trésor  d'orfè- 
vrerie en  Thuringe,  MôUer,  Der  Goldschatz  einer  thuringischen  FUrstin  aus 
dem4o  Jahrh.,  Jahresber.  ThUr.  Sachs.  Ver.,  1914-1915,  p.  99  sq. 

(3)  Schuchhardt,  Trojanische  Kleinigkeiten,  communication  faite  à  la  société 
archéologique  de  Berlin,  mai  1916;  cf.  Arch.  Anzeiger,  XXXI,  1916,  p.  90  sq. 

(4)  Reinach,  Répert.  des  reliefs,  I,  p.  188  sq.  ;  vase  en  question,  p.  190,  1-2. 

(5)  Draheim,  Ganymedes,  Nimrod  und  Nagi,  Woch.  Klass.  PhHol,,  1916, 
no  30/1,  p.  734-8, 


356  W.    DEONNA 

la  reconstitution  d'un  relief  en  terre  cuite,  illustrant,  comme 
le  miroir  étrusque  cité  plus  haut,  le  mythe  de  Tyro,  et  plus 
spécialement  la  Tyro  de  Sophocle.  M.  Robert  publie  ce  monu- 
ment, note  les  rapports  qui  l'unissent  au  drame,  et  énumère 
les  autres  documents  de  l'art  antique  qui  conservent  le  souve- 
nir du  mythe  de  Tyro  (1). 

Moules  à  pâtisserie.  —  Ajoutons  aux  travaux  concernant  les 
moules  à  gâteaux  mentionnés  dans  le  précédent  Bulletin  (2),  le 
mémoire  de  M.  Drexel  sur  les  gâteaux  et  sur  la  boisson  qu'on 
distribuait    dans   les    fêtes  publiques,    «    crustulum    et   mul- 

sum  »  (3). 

Céramique  romaine  à  reliefs.  —  L'immense  littérature  sur 
les  vases  sigillés  romains  s'accroît  de  jour  en  jour,  et  nom- 
breux sont  les  articles  qui  lui  sont  consacrés  dans  les  revues 
allemandes  (4). 

Verre.  —  Un  vase  en  verre  au  Landesmuseum  de  Darms- 
tadt,  trouvé  à  Cobern,  sur  la  Moselle,  est  orné  d'une  proces- 
sion bacchique  (5). 

Gemmes.  —  M.  Hartmann  étudie  deux  monuments  célèbres 
de  la  glyptique  romaine,  de  Paris  et  de  Vienne  (6). 


(1)  C.  Robert,  Tyro,  Hermès,  LI,  1916,  p.  273-302. 

(2)  1916,  p.  370. 

(3)  Drexel,  Crustulum  et  Mulsum,  Rômisch-germanisches  Korrespondenzblatt, 
IX,  2,  1916,  mars-avril. 

(4)  Mentionnons  les  travaux  suivants  :  0.  Roger,  Bildertypen  von  Ausburger 
Sigillaten,  Zeilschr.  d.  hist.  Ver.  f.  Schwaben  und  Neuburg,  41,  1915,  p.  1-26 
(no  III);  R.  Forrer,  SpcitrÔmische  Ràdchen-Sigillata  ans  Strassburg,  Rômisch- 
germanisches  Korrespondenzblatt,  VIII,  1915,  no6;  id.,  sur  la  fabrication  des 
vases  sigillés  à  Alterstadt,  ibid.,  IX,  1916,  no  4;  Wolff,  Zur  Chronologie  der  Zie- 
gelstempel  der  VIU  Légion,  ibid.,  IX,  5,  1916  ;  Anthes,  Sigillata  mit  Innenverzie- 
rung,  ibid.,  VII,  1914,  n"  2  ;  Behrens,  Beitràge  zur  romischen  Keramik,  Mainz. 
Zeitschr.,  10,  p.  90  sq. 

(5)  Anthos,  RÔmisches  Glasbecher  mit  Darstellungen,  Rômisch-germanisches 
Korrespondenzblatt,  VII,  1914,  1. 

(6)  Hartmann,  Zwet  FamiZienôiider  des  julisch-claudischen  Hauses  [Tiberius- 
Kameo  in  Paris,  Gemma  Augustea  in  Wien),  Progr.  lîeilbronn,  1914. 


BULLETIN    AKCUÉOLOGKJUE  357 


YIII.  Mythologie,  Religion,  Rites  (1). 

Signalons  rapidement  les  travaux  parus  sur  les  sujets  sui- 
vants : 

Athéna  x\ethyia  de  Me'gare,  conçue  sous  sa  forme  thériomor- 
phique,  comme  déesse-oiseau  (2);  Aphrodite  Daitis(3);  Ado- 
nis, son  nom  (4)  et  son  rôle  infernal  (o)  ;  Dionysos-Sabazios  (6), 
et  le  vaisseau  de  la  procession  dionysiaque  (7)  ;  Sérapis  (8)  ;  la 
mort  du  grand  Pan  (9);  Gybèle  (10);  le  nom  d'Héraclès  (11);  le 
mythe  de  Kronos  et  des  Titans  (12);  la  Gorgone  apotropaïque 
et  les  relations  entre  Gorgo,  Mormo,  Baubo  (13);  le  mythe 
d'Eros  et  de  Psyché  (14);  la  légende  des  oiseaux  du  lac  Stym- 

(1)  Cf.  Rev.  Et.  grecques,  1915,  p.  442. 

(2)  A.  Kiock,  Arch.  ReL,  XVIII,  1915,  p.  127  sq.;  cf.  Ayner.  Journal  of  arch., 
1916,  p.  230. 

(3)  J.  Keil,  Aphrodite  Daitis,  Jahreshefte  d.  k.  k.  oesterr.  Instituts  in  Wien, 
XVII,  1914,  p.  145-7. 

(4)  Kretschmer,  Mythische  Namen,  4,  Adonis,  Glotta,  7,  p.  29  sq. 

(5)  V.  Baudissin,  Zeitschr.  d.  morgenliindisch.  Gesc/i.,  70, 1916,  q»  3/4,  p.  423  sq.; 
id.,  Adonis  in  der  Unterwelt,  Neutestam.  Studien,  VI,  1914.  Sur  son  culte  en 
Afrique  à  l'époque  romaine,  cf.  Toutain,  Bull.  Soc.  nat.  des  anl.  de  France,  1915, 
p.  296  sq. 

(6)  Fischer,  Dionysos-Sabazios,  Korr.  Ges.  Anth.,  46,  p.  31-3. 

(7)  Eisler,  Fischei^  und  Schifferbriiuche  an  alter  und  neuer  Zeit,  Bayer.  Hefte  f. 
Volkskunde,  I,  p.  209  sq.  ;  2,  p.  73  sq. 

(8)  Roger,  Der  Serapiskult  in  Augsburg,  Zeitschr.  d.  hist.  Ver.  Schwaben,  41, 
p.  141  sq.;  Legge,  Der  griechische  Kult  des  Serapis  und  der  Isis,  Theol.  Littera- 
turzeitung  (Leipzig),  1914,  13. 

(9)  Gerhard,  Der  Tod  des  grossen  Pan,  Sitzmigsber.  Heid.  Akad.,  1915,  p.  i  sq.; 
id,,  Zwn  Tod  des  grossen  Pan,  Wie)i.  Stud.,  37,  p.  323  sq.;  cf.  Berlin,  phil. 
Woch.,  1916,  no  47,  p.  1468. 

(10)  V.  Skorpii,  Der  Kultus  der  Kybele  im  Bosporanischen  Reich,  Festchr.  f. 
Prof.  Jos.  Kral,  Prague,  1913,  p.  190  sq. 

(11)  Kretschmer,  Mythennamen,  5,  Herakles,  Glotta,  VIII,  1916,  p.  121  sq. 

(12)  M.  Pohlenz,  Kronos  und  die  Titanen,  Neue  Jahrbucher,  XXXVII-XXXVIU, 
1916,  no  9,  p.  549. 

(13)  Wiener,  Mopfxw,  Romanische  Forschungen,  XXXV,  3,  p.  954-85;  sur  Baubo, 
Rev.  hist.desrel.,  in^,  Tp.  Mi,  LXX. 

(14)  Helm,  Das  Màrchen  von  Amor  und  Psyché,  Neue  Jahrbucher,  1915,  3; 
Schroeder,  De  Amoris  et  Psychés  fabella  apuleiana  nova  quadam  ratione  expli- 
cata,  Diss.  Amsterdam,  1916  ;  cf.  Berlin,  phil.  Wochenschr.,  1916,  no  48,  p.  1485; 


358  W.    DEONNA 

phale  et  les  monuments  qui  l'illustrent  (1),  forme  locale  et 
péloponésienne,  adaptée  au  mythe  d'Héraklès,  de  la  croyance 
aux  âmes-oiseaux  (2)  ;  les  sacrifices  humains,  en  Grèce  et  à 
Rome  (3)  ;  le  sacrifice  mensuel  d'Olympie  (4);  un  rite  des  mys- 
tères d'Eleusis,  symbolisant  la  renaissance  de  Finitié  (5)  ;  le 
miel,  au  point  de  vue  grammatical  et  rituel  (6)  ;  le  rire  sàrdo- 
nique  (7)  ;  le  sens  du  mot  AKOAI,  dans  un  passage  de  Mari- 
nos,  Vita  Procli  (8),  en  rapport  avec  les  oreilles  divines; 
l'expression  soxo;  oSôvtwv,  la  barrière  des  dents  qui  empêche 
Tâme  de  s'échapper  (9);  Tomphalos  (10),  la  croyance  à  ce  nom- 
bril du  monde  chez  les  Sémites  (11),  comme  aussi  dans  l'âge 
préhistorique,  et  les  représentations  cosmiques  de  la  montagne 
du  ciel  et  des  fleuves  du  monde  (12). 

Haight,  The  slory  of  Cupid  and  Psyché,  /,  In  ancient  art,  H  In  Renaissance  art, 
Art  and  Arch.,  3,  p.  43  sq.,  87  sq.;  van  Wageningen,  Psyché  Ancilla,  Mnemosyne, 
XLIV,  2,  p.  177,  180;  cf.  antérieurement,  Pagenstecher,  Eros  uud  Psyché^  Sit- 
zungsber.  d.  Heidelh.  Akad.  d.  Wiss.,  1911  ;  Reitzenstein,  Eros  und  Psyché  in 
der  aegyptisch-griech.  Kleikunst;  cL  Berlin,  phil.  Woch.,  41,  p.  1283  sq.;  sur  le 
papillon,  symbole  de  Tâme  (cf.  Rev.  des  Et.  grecques,  1915,  p.  442),  Immisch, 
Sprachliches  zum  Seelenschmetterling ,  Glotta,  1914. 

(1)  Blinkenberg,  Sxu  [xcp  a  X  iSeç,  Nordisk.  Tidskr.  f.  filol.,  \,  2,  ^.  65;  cf. 
Woch.  klass.  PhiloL,  1916,  n»  39,  p.  926. 

(2)  Cf.  les  âmes-oiseaux  sur  les  coupes  béotiennes,  dans  le  Bulletin  précédent,  • 
1916,  p.  357. 

(3)  Schwenn,  Griechische  Menschenopfer,  Diss.  Rostock,  1915  ;  Die  Menschenop- 
fer  bel  den  Griechen  und  Romern,  Relig.  Versuche,  15,  p.  1  sq. 

(4)  L.  Weniger,  Die  monatliche  Opferung  in  Olympia,  Klio,  1915,  XIV,  p.  398  sq. 
11;  cf.  Eitrem,  Opferritus  und  Voropfer  d.  Griechen  und  RÔmer,  Christiana,  1915. 

(5)  Kôrte,  Arch.  Rel.,  XVIII,  1915,  p.  116  sq. 

(6)  Schmidt,  MEAISi:)  A,  Berlin.  Phil.,  Woch.,  1916,  n"  45,  p.  1414-6. 

(7)  Pohlenz,  Sapôavio?  yéXw;,  BetHin.  phil.  Woch.,  1916,  n"  30,  p.  949-52;  cf.  Pet- 
tazoni,  La  religione  primitiva  m  Sardagna,  1912;  Rev.  Hist.  des  rel.,  1913,  67, 
p.  232;  Reinach,  Cultes,  IV,  p.  123. 

(8)  Weinreich,  Noch  einmal  AKOAI,  Hermès,  1916,  Ll,  n"  4,  p.  624-9;  sur  les 
oreilles  divines,  cf.  ci-dessus,  111,  Sculpture,  p.  348. 

(9)  Hesseling,  "Epxoî  ôôôvxwv,  Verslagen  en  Mededeelingen  der  koninglijke  Aka- 
demie  von  Wetenschappen,  IV,  2,  2,  1916,  mars,  p.  243-9  ;  id.,  Rev.  des  Et.  grec- 
ques, 1916,  p.  275. 

(10)  Cf.  dans  le  précédent  Bulletin,  1915,  p.  444  ;  Meringer,  Zur  Roschers  Om- 
phalos,  W  or  ter  und  Sachen,  1914,  1. 

(11)  Wonsinck,  Verslagen  en  Mededeelingen  der  koninklijke  Akademie  von 
Wetenschappen^  IV,  2,  2,  mars  1916. 

(12)  Gaerte,  Kosmische  Vorstellung  im  Bilde  pràhistorischer  Zeit,  Himmelsberg, 
Erdnabel  und  Wellenstrôme,  Anthropos^  IX,  5,  6,  p.  956-79. 


BULLETIN    AKCHÉOLOGIQUE  359 


IX.   Divers. 

L'Horloge  de  Platon.  —  M.  Diels  reconstruit  l'horloge 
hydraulique  et  pneumatique  dont  Athénée  attribue  sans  raison 
l'invention  à  Platon,  et  qui  fut  employée  par  Archimède  et  par 
les  Arabes  (1). 

Lanternes  (2).  —  Une  lanterne  en  forme  de  tour  ronde  (3) 
provient  des  ruines  romaines  de  Hurgweiting,  près  de  Ratis- 
bonne  (4).  M.  Zahn  s'occupe  du  «  Lanternarius  »  (5). 

Char.  —  M.  Prausnitz  étudie  le  rôle  religieux  du  char,  et  son 
emploi  dans  l'art  (6). 

Charrue.  —  M.  Loewenthal  apporte  sa  contribution  aux 
origines  de  la  charrue  (7). 

Stf/lis^  aplmtre.  —  Ajoutez  à  la  bibliographie  sur  la  stylis, 
l'aplustrCjdu  précédent  Bulletin  {S)y  le  mémoire  de  M.  Svoronos 
sur  le  même  sujet  (9). 


(1)  Diels,  Ueber  Platons  Nachtuhi\  Preuss.  Akad.,  18  nov.  1915;  cf.  Wochensch7\ 
/".  klass.  PhiloL,  1916,  n«  5,  p.  114. 

(2)  Cf.  Loeschke,  Antike  Laternen  und  Lichthiiuschen,  Bonner  Jahrbuch,  1909, 
p.  370  sq.  ;  id.,  1910;  Steinmetz,  Lichthâuschen  in  Turmform^  RÔm.-german.  Kor- 
respond.,  14,  1911,  n°  6,  p.  88-9  ;  Héron  de  Villefosse,  Btill.  Soc.  nat.  des  ant.  de 
France,  1910,  p.  238  sq.;  Amer.  Journal  of  arch.,  1912,  p.  136,  138,  référ. 

(3)  Cf.  II,  Architecture,  Phares. 

(4)  Ci-dessus,  I,  Fouilles,  Allemagne. 

(5)  Zahn,  Lanternarius,  Jahrh.  preuss.  Kunstsamml.,  37,  p.  14  sq. 

(6)  Prausnitz,  Der  Wayen  in  den  Religion  ;  seine  Wûrdiyung  in  der  Kunsi, 
Slud.  z.  deutsch.  Kunstgesch.,  187,  p.  1  sq. 

(7)  Loewenthal,  Zur  Erfindungsgesch.  d.  Pftuges,  Zeitschr.  f.  EthnoL,  48,  1, 
p.  11-7;  cf.  Harrison,  The  crooked  Plow,  The  classical  Journal,  XI,  6,  p.  323; 
Gow,  The  ancient  plough,  Journal  of  hellenic  Studies,  1914,  XXXIV. 

(8)  1916,  p.  379. 

(9)  Svoronos,  Stylides,  stoloi,  akrostolia,  embola,  proembola,  et  totems  marins, 
Journal,  internat,  d'archéol.  numismatique,  1914,  16. 


360  W.    DEONNA 

Serrures  et  clefs.  —  On  trouvera  quelques  détails  sur  des 
serrures  et  sur  des  clefs  romaines  dans  le  mémoire  de 
M.  R.  Forrer  relatif  aux  constructions  primitives  des  Vosges  (1). 

Armes.  —  M.  Schwietering  passe  en  revue  les  différents  cas  oîi 
le  stylet  à  écrire  a  été  employé  comme  arme  dans  l'antiquité  (2). 

Pourpre.  —  M.  Badermann  examine  le  rôle  de  la  pourpre 
chez  les  anciens  (3),  et  M.  Cori  la  faune  marine  qu'ils  ont 
connue  (4). 

Vin.  —  Quelques  détails  sur  le  vin  romain  (5). 

Clou  magique  (6).  —  Au  Musée  de  Trêves,  une  statuette  d'ani- 
mal, sans  doute  une  belette,  est  percée  d'un  clou  (7),  et  servait 
de  figurine  magique  d'envoûtement  (8). 

Technique  dnticiue.  —  Le  travail  de  M.  Diels  sur  la  technique 
anlique  (9)  inspire  quelques  observations  à  M.  Ziehen  (10). 

L'antiquité  et  l'art  moderne.  —  On  a  signalé  dans  le  précé- 
dent Bulletin  l'interprétation  que  M.  Foerster  donne  du  fameux 
tableau  de  Titien,  dit  «  l'Amour  sacré  et  l'Amour  profane  », 


(1)  Forrer,  Primilive    VoqesenhULten  aus  aeltester  und  neuerer  Zeit,  Jahrbuch 
f.  Gesch.,  Sprache  und  Literalur  Elsass-Lotliringens^  XXXI,  1915. 

(2)  Schwietering,  Griffel  und  Dolch,  Zeitschr.  f.  historisch.  Wa/fenkunde,  VU, 
6/7,  p.  185-191. 

(3)  Badermann,  Wertsehdtzung   der   Purpurs  bei  den  Alten,  Deutsche  Farben- 
zeilung,  1914. 

(4)  Cori,  Kenntniss  der  marinen  Tierwelt  in  der  Antike^  Oeslerr.  Fischereizeitung ^ 
XI,  1914. 

(5)  Der   «    Rômerwein   »  im   Weinmuseum  des  historischen  Muséum  der  Pfalz, 
Vfcilz.  Mus.,  33,  p.  43-7. 

(6)  Cr.  Bulletin,  1916,  p.  883. 

(7)  S.    Wenz,   Zu  einem    Trierer   Zaubernagel,   Romisch-german.    Korrespon- 
denzblatt,  VU,  1914,  n»  2. 

(8)  Sur  le  clou  magique,  cf.  L'Anthropologie,  1916,  p.  243  sq. 

(9)  Diels,  Anlike  Technik. 

(10)  Ziehen,  Diels  Antike  Technik,  Deutsche  Litteraturzeitung,  1915,  p.  1373  sq. 


BULLETIN    ARCHÉOLOGIQUE  361 

qui  serait  inspiré,  dit-il,  d'un  texte  de  Valerius  Flaccus  (1). 
M.  A.  Riese,  qui  n'est  pas  de  cet  avis,  soutient  avec  Fauteur 
une  controverse  à  ce  sujet  (2).  Quant  à  M.  Maass,  il  exécute 
quelques  variations  sur  le  thème  connu  des  rapports  de  Goethe 
avec  l'antique  (3). 

Art  et  cimlisation  grecs.  —  Quelques  pages  de  M.  Geppert  sur 
ce  sujet  (4). 

Genève,  janvier-février,  1917. 

W.  Deonna. 


(1)  Neue  Jahrbûcher,  1913,  p.  573  sq.  ;  Rev.  des  Et.  grecques,  1916,  p.  362. 

(2)  A.  Riese,  Zur  Titians  sogennanter  *  Himmlischer  und  irdischer  Liebe  »,  Neue 
Jahrbucher,  1916,  1,  XXXVn-XXXVIII,  p.  77-9;  réponse  de  Foerster,  ibid., 
p.  79-80. 

(3)  E.  Maass,  Neues  ilber  Goethe  und  die  antike,  Das  Humanistisch  Gymnasium, 
XXVII,  3-4,  1916,  p.  94-107. 

(4)  E.  Geppert,  Griechische  Kunst  und  Kultur,  Zeit.  f.  Lilt.,  Kunst  und  Wiss., 
Beil.  d.  Hamburg.  Corr.,  39,  5-8. 


Boa  à  tirer  donné  le  24  mai  1918. 
Le  rédacteur  en  chef,  Gustave  Glotz. 


Le  Puy-en-Vclay.  —  Inij).  Peyriller,  Rouclioa  et  Gamon,  boulevard  Garnot,  23. 


mmûm  m  le  gomat  primitif  m  grècë 

(2'"'^  Article)  (Ij 


I 


m 

Société  et  contrat. 

Pour  la  théorie  du  contrat  primitif,  V  lyyùr\  matrimoniale  a 
ceci  d'intéressant  qu'elle  p^'rmet  de  préciser  cerlaines  données 
que  nous  avions  jusqu'ici  atteintes  ou  pressenties.  Nous  pou- 
vons retenir  tout  de  suite  à  ce  point  de  vue  :  sa  signification 
sociale;  le  concept  d'obligation  qui  y  joue;  les  formes  du  con- 
trat qu'elle  permet  de  restituer. 

Entre  l' eYyùïi  matrimoniale  et  cette  eyruY)  qui  est  devenue 
caution,  le  rapport  sémantique  se  définit  comme  il  faut  : 
si  le  même  nom  apparaît  dans  les  deux  cas,  ce  n'est  pas 
que  l'élément  commun  soit  une  remise,  un  abandon  de  per- 
sonne ;  c'est  que  dans  les  deux  cas,  il  y  a  un  arrangement  inter- 
familial en  vue  de  celte  union  ou  de  cet  accord  que  parait 
signifier  essentiellement  le  contrat  primitif  :  pacification  dans 
le  cas  d'un  arrangement  à  cause  délictuelle;  «  alliance  »  dans 
le  cas  d'un  arrangement  à  fin  d'épousailles.  Le  caractère  fonda- 
mental —  interfamilial  —  de  ce  dernier  survit  si  bien  dans 
l'inconscient  qu'à  fépoque  historique  on  reconnaît  deux  ma- 
nières de  contracter  mariage  (2)  :  l'syyuv],  quand  le  mariage  a 
lieu  entre   extranei\  1' £7:t.8ua<jia,   quand  le  mariage   a  lieu  à 

(1)  Voir  p.  249  et  suiv. 

(2)  Hruza  les  met  avec  raison  sur  le  même  pied  :  o.  L,  I,  p.  36. 

REG,  XXX,  1917,  n»  140.  ÎS 


364  LOUIS    GERNET 

l'intérieur  de  la  famille,  quand  la  fille  épiclère  est  «  adjugée  » 
au  plus  proche  parent.  Quant  au  lien  intime  entre  les  deux 
syYuai  que  nous  avons  vues,  il  apparaît  sous  forme  concrète 
dans  le  «  fait  ostensif  »  du  mariage  par  composition  qui  pou- 
vait clore  une  vendetta,  et  dont  on  connaît  des  survivances 
jusqu'en  pleine  époque  historique  (d)  :  ici  les  deux  sortes  d'è^yuri 
se  montrent  associées  et  fondues.  Pour  ce  qui  est  des  cas  ordi- 
naires, on  peut  noter  un  certain  parallélisme  entre  les  deux 
moments  que  sont  l'a-^eo-iç  et  la  cpiT^oTTiç  (2)  et  les  deux  moments 
que  sont  la  promesse  de  payer  les  eSva  et  le  yà|jioç  (3). 

En  second  lieu,  on  observera  que  la  pratique  de  T  èy^uri 
matrimoniale  a  donné  tout  son  contenu  à  l'idée  du  contrat.  On 
peut  même  dire  que  cette  EyyuYi  là  est  privilégiée  à  cet  égard. 
Sans  doute,  reyyjTi  à  cause  délictuelle  comporte  des  obligations. 
Mais  la  notion,  le  sentiment  de  l'accord  et  de  la  pacification  — 
qui,  pour  nous,  est  d'ailleurs  fondamental  —  y  prédomine  :  le 
concept  de  l'obligation  ne  s'est  pas  encore  dégagé  pour  lui- 
même  (4).  Il  s'annonce  au  contraire  dans  l'autre  eyyuri,  et  ici 
nous  retiendrons  le  point  de  départ  d'une  théorie  que  nous 
avons  mentionnée  sans  pouvoir  Fadmettre  :  quand  on  a  avancé 
que  l'syyuYi  sert  à  garantir  la  filiation  légitime  de  l'épouse,  il 
y  avait  à  la  base  de  l'hypothèse  l'intuition  ou  le  souvenir  confus 
que  r  eyyuï]  retient  l'idée  d'une  assurance  :  de  fait,  il  y  en  a 
comme  des  témoignages  à  l'époque  classique  (5).  Seulement, 

(1)  Pour  les  cas  légendaires,  et  pour  le  rapprochement  que  suggère  une  loi 
dllion  du  me  siècle  (/.  J.  G.,  no  XXII,  m,  l.  19-21),  cf.  Glotz,  Solidarité,  p.  130. 

(2)  Dans  les  obligations  à  cause  délictuelle  ;  sur  la  distinction  entre  les  deux 
moments,  cf.  Glotz,  Solidarité,  p.  136  et  s,  :  le  premier  marque  un  rapport  de 
dépendance  ;    le  second,  un  rapport  d'égalité,  et  une  communion. 

(3)  Le  yaixoç,  correspondant  à  la  cp-.TvdtTjç,  est  essentiellement,  chez  Homère,  un 
banquet  :  cf.  Ouvré,  o.  Z.,  p.  293. 

(4)  Il  est  possible  que,  dans  ce  domaine,  ce  soit  la  pratique  de  l'arbitrage  qui  ait 
d'abord  dégagé  les  notions  du  debituin  et  de  Vobligatio  (les  arbitres  osaétiens 
commencent  par  exiger  la  remise  d'une  partie  du  wergeld  :  Kovalewsky,  o.  t., 
p.  111).  Du  reste,  l'une  et  l'autre  s'affirment  déjà  pleinement  dans  la  scène 
homérique. 

(5)  Déra.,  XXII,  o3  :  TiV  wç  èXsôbtpo^  Tjyyui^aaTo  ;  cf.  Mén.,  Périk.,  10-11  :  SîSwdi 
T>,v  xôpT.v  w;  ôuyatépa. . .  Dans  notre  sens,  cf.  Dém.,  XLI,  6,  et  surtout  Plut., 
Arist.,  27,  l'expression  tôv  yifxov  lyy'jwa-riç. 


HYPOTHÈSES    SUR   LE    CONTRAT    PRIMITIF   EN    GRÈCE  365 

nous  dirons,  pour  employer  une  torminologie  usitée  ailleurs, 
que  l'assurance  primilivcment  n'est  pas  ici  affîrmaloire,  mais 
promissoire  :  dans  le  principe,  elle  garantissait  la  dation  de 
la  jeune  fille.  —  D'autre  part,  F syT"^"^ "Contrat  de  fiançailles 
afïirme  déjà  quelque  chose,  à  sa  manière,  de  la  convention 
moderne.  Elle  comporte  des  obligations  corrélatives.  Elle  est 
déjà  synallagmatique  (1)  :  elle  oblige  1' £yyuw|jL£voç  à  verser  le 
prix  de  la  femme,  elle  oblige  l'syyutov  à  livrer  la  femme  ;  car 
il  est  évident  qu'une  promesse  solennelle  lie  ce  dernier  (2), 
sous  la  condition  que  l'autre  partie  se  soit  acquittée. 

Nous  avons  réservé  la  question  des  formes.  Mais  l'étymo- 
logie  de  eyyuri  est  claire,  et  nous  avons  maintenant  de  quoi 
l'interpréter.  Il  est  visible,  et  universellement  admis,  que  le 
mol  s'apparente  à  yuTov,  yjaXov.  Et  le  sens  de  «  paumée  »  a 
déjà  été  donné.  C'est  par  la  paumée  que,  dans  d'autres  sociétés 
aussi,  nous  voyons  se  conclure  l'arrangement  à  fin  de  ma- 
riage (3).  C'est  la  paumée  qui,  chez  bien  des  peuples,  sert  à 
conclure  un  arrangement  en  général  (4)  :  nous  nous  limiterons 
à  l'analyse  des  faits  grecs.  —  Comprenons  bien  d'abord  que 
ridée  de  «  dans  la  main  »  n'implique  pas  du  tout  une  remise 
purement  (5)  matérielle.  Pour  ce  qui  est  de  l'eyyuvi  matrimo- 


(1)  Dans  la  terminologie  moderne,  il  faudrait  la  dire  synallagmatique  impar- 
faite :  le  fiancé  est  immédiatement  obligé;  il  Test  en  particulier  par  le  verse- 
ment d'une  partie  des  è'Sva  (A  244),  ce  qui  fait  songer  à  ce  contrat  réel  qui  est 
attesté,  contrairement  à  la  doctrine  classique,  au  iv*  siècle  (P.  L.  Claudel  in 
R.  E.  G.,  XXVT,  p.  221  et  s.). 

(2)  Ceci  particulièrement  marqué  S  5-7. 

(3)  Germains  :  Sohm,  das  Recht  der  Eheschliess.,  p.  48:  Islandais  :  Dareste, 
Études,  p.  847  et  s  ;  Anglo-Saxons  :  F.  Rôder,  o.  L,  p.  34.  Etc. 

(4)  Dareste,  Études,  p.  104;  Amira,  Nordgerman.  Ohligationsrecht,  p.  291  et  s.; 
Esuiein,  Éludes  sur  les  contrats  dans  le  très  anc.  dr.  fr.,  in  Souv.  Rev.  hist.  du 
dr.,  1880,  p.  680;  Pollock  et  Maitland,  The  Hist.  of  Engl.  Law,  I,  p.  188;  Kova- 
lewsky,  o.  Z.,  p.  114;  Huvelm,  Magie  et  dr.  ind.,  p.  37.  Sur  la  paumée  à  Rome, 
cf.  P.  F.  Girard,  o.  /.,  p.  481,  n.  3  :  promittere  [dextram). 

(5)  Le  geste  peut  être  le  «  symbole  de  la  dation  d'un  gage  »  comme  l'indique 
Huvelin  (Z.  c.)  et  comuie  nous  le  marquerons  :  mais  la  signification  du  gage 
n'est  nullement  matérielle.  11  faut  ajouter  que  la  paumée  ne  fonctionne  pas,  à 
proprement  parler,  comme  syméole,  car  nous  verrons  que,  dans  le  principe 
tout  au  moins,  elle  a  son  plein  sens  en  elle-même  (Dareste,  Études,  p.  140,  en 
donne  une  traduction  banale,  tout  à  fait  insuffisante). 


366  LOUIS    GERNET 

niale  qui  doit  continuer  à  nous  éclairer,  nous  ne  voyons  pas 
que  la  jeune  fille  y  soit  remise  puisqu'elle  n'a  môme  pas  besoin 
d'y  figurer  (1).  La  paumée  est  un  coutiat  lormel.  —  Mais  avant 
de  marquer  la  signification  du  fait,  il  nous  faut  observer  que 
la  forme  de  la  paumée  est  ou  peut  êlre  associée  à  tout  un 
ensemble  de  pratiques.  Ou  le  voit  tout  de  suite  encore  par 
reyyu"^  matrimoniale,  telle  que  nous  avons  cru  la  restituer. 
Elle  se  conclut  normalement  par  le  prononcé  de  certaines  for- 
mules que  la  tradition  retient  et  perpétue.  Nous  l'avons  cons- 
taté dans  les  expressions  stéréotypées  d'Hornère;  nous  l'avons 
constaté  dans  le  dialogue  solennel  qu'est  encore  ï  l^yù-/]  de 
l'époque  historique;  non  moins  net  est  le  témoignage  d'un 
Euripide  dont  les  expressions  ne  peuvent  s'entendre  que  d'une 
sponsio  caractérisée  (2).  Nous  savons  d'autre  part  que  le  pri- 
mitif contrat  de  fiançailles  peut  admettre  dès  sa  conclusion  le 
versement  d'une  pnrtie  des  eôva;  et  nous  allons  voir  que  le 
geste  de  la  main  peut  signifier  la  remise  d'un  objet  symbolique 
et  pénétré  d'une  vertu  spéciale.  En  somme,  l' eyyjTi  est  un 
contrat  formel  qui  vaut  par  Tcfficacilé  du  grste;  mais  c'est 
aussi  un  contrat  re  et  un  contrat  verbù.  —  Ce  n'est  pas  tout. 
—  Derrière,  l'uTroTyso-iç  homérique  en  matière  de  mariage,  il 
est  permis  d'entrevoir  cette  forme  du  serment  (3)  d'oii  le  con- 
trat vei'bal  romain  pourrait  être  dérivé  -^4).  Kt  il  )  a  d'autres 
éléments  que  les  conditions  mômes  oii  se  conclut  le  traité  asso- 


(1)  Il  est  douteux  que  sa  prépence  soit  requise  même  à  l'époque  classique 
(cf.  Hérod.,  VI,  129  l;^0  ;  si  le  père  de  Déu.osllièiie  «  rniiet  »  sa  femme  et  sa 
fille  à  ses  neveux  c  esi  coinme  un  dc'pôt  sacié,  et  en  même  teii'ps  qu'il  leur 
confie  son  fils  (Dém.,  XXVllI,  15). 

(2)  Eurip.,  /.  A.,  130  :  xê(vtj)  TraîS'  iTt'fr^\i.\.rsx  ;  133  ;  5)^oyov  cpaTisa;  ;  904  :  xr,  te 
XeyÔeiaTj  Sijiapti.  936  :  êfit,  a,aTta6eî(Ta  ;  Or  .  10*9  :  f,v  ijoi  xatTiyyuT.aa  ;  1672  :  xal 
>kéxTp'  i7:-/,vecj'  t,v{x",  àv  5i.5w  Tzixr^p  ;  l«i75  :  aol  5à  iraîS"  ey^j  xaTsyyoû  (ce  qui  est  la 
marque  de  la  réconciliation,  de  la  z\K6ft\<i     voir  v.  KSO;  et.  p    2x4. 

(3)  A  quoi  pruvent  faite  penser,  pour  ré,yûr,  même,  des  expr»  ssions  comme 
Zf.va  irapéxîiv  èyyoov  (Tliéognis,  2N5-6,  11  est  viaij-eniMable  que  In  fameuse  for- 
mule dt  lphi(^ue  Èyyua  irâpa  6"  i'xa,  quel  que  soit  le  sens  qu'on  lui  ait  donné  pos- 
térieurement (cf.  Epich.,  fr.  23  :  Dit  his,  Vorsohrat.,  1^,  p.  94^.  était  d'abord  un 
avertissement  de  ne  pas  proniettie  ^  la  légère  ^ous  l'mvocalion  des  Dieux. 

(4)  C'est  la  théorie  de  P.  F.  Girard,  o.  l.,  p.  481-2. 


"  HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  367 

cicnt  natiirellemont  à  la  paiimoe  :  un  trait^^  entre  familles 
comporte  libation  (1),  compoito  sacrifie"  et  han(|u<'t  en  même 
t'Mups  qu'une  espèce  df  sornicnl-onJalip  (2).  —  Acte  juridico- 
religieux,  rÈyyjYi  «^sl  un  complf'xus  au  point  de  vue  religieux 
et  au  point  de  vue  juridique.  Qnd  esl  le  sens  de  tous  ces  élé- 
ments qii"(dl(^  piml  admettre,  qu'elle  adm^t  on  quid(|ue  sorte 
virluellement?  Et  d'abord,  quel  est  le  sens  de  la  paumée 
elle-même? 


Qu'elle  donne  son  nom  au  contrat,  c'est  rin()ice  qu'elle  en 
est  le  momcnit  central,  sinon  l'élément  essentiel.  On  sait  que, 
dans  l'antiquité  —  et  pas  soulement  dans  ranti(|uilé  —  la  main 
droite lowç  un  rôle  très  important  et  profondi'^ment symbolique 
à  bien  des  moments  d(^  la  vie  sociale;  aux  actes  qu'elle  signifie 
ou  qu'elle  con  lui,  son  gi^sle  communique  un  caractère  singu- 
lier de  gravité  :  les  faits  rassemblés  par  Pictet,  Schrader,  et 
surtout  SittI  ilans  ^on  ouvra^^e  die  Gebdrden  der  Griechen  und 
Rômer,  sont  assez  in^tru<;tifs  là-dessus.  Kn  Grèce,  nous  retrou- 
vons r  syYUTi  paumée  dans  cet  accord  qu'exprime  le  mot 
Ss^ui  (3)  ;  et  il  y  a  apparence  que  plusieurs  désignations  du 
contrat  en  conservent  le  souvenir  (i).  Or  la  première  chose  à 
constater  du  geste  de  la  paumée,  c'est  qu'il  a,  par  lui-môme, 
une  signification  et  une  valeur  religieuses.  Nous  pouvons  le 
conclure  des  représentations  qui  sont  couramment  associées  à 

(1)  Pour  l'associatioa  normale  entre  les  (n:ov5at  et  la  paumée,  cf.  Sittl,  o.  L, 
p.  137.  —  Le  mot  a-rtévSsjQat  signifie  «  faire  sa  paix  >>  dans  le  passage  de  VOj'este 
d'Euripide  (v.  1680  et  s.)  où  la  «  paix  »  est  scellée  par  une  syyùr\  matrimoniale. 

(2j  Sur  la  signification  symbolique  et  imprécatoire  du  sacrifice  qui  accompagne 
l'accord  juré,  cf.  Glotz,  El.  soc.  et  jur  ,  p,  113. 

(3)  B  339-341  ;  A 155-159  ;  pour  l'emploi  défiai  du  terme,  cf.  Ebeling,  Lex.  hom.,  I, 
p.  285. 

(4)  C'est  dans  la  sphère  des  représentations  que  nous  analysons  qu'il  faut 
chercher  l'explication  des  termes  qui  impliquent  l'idée  de  «  jonction  »>,  comme 
auvô^xTi  (Pictet,  Orig.  indo-eur.,  Ill,  p.  134)  et  autres  composés  du  même  genre, 
comme  àpfxovia  (X  255;  sur  l'étymologie,  cf.  Boisacq,  Dict.  éiym.,  p.  79)  —  ou 
l'idée  d'  «  échange  »,  comme  8ixXXaya{,  auviXXayjxa  :  il  faut  bien  se  dire  que  la 
langue  juridique  ne  comporte  guèFc  de  métaphores  au  sens  littéraire  du  mot. 


368  LOUIS    GERNET 

la  main  droile  :  elle  est  faste  ;  elle  est  douée  d'une  efficace 
bienfaisante  (1).  Mais  nous  pouvons  l'induiie  aussi  et  des  liles 
mêmes  qui  accompagnent  el  qui  encadrent  V  syrÙT,,  et  de  loute 
une  catégorie  d'actes  symboliques  où  la  vertu  mysti(]ue  delà 
dextre  apparaît  ou  transparaît,  et  dont  l'analogie  profonde  se 
laisse  ainsi  déceler. 

Quelques  indications  là-dessus.  Nous  voyons  que  les  armes 
transmises  de  la  main  à  la  main  (2)  sont  douées  d'un  pouvoir 
religieux,  d'une  espèce  de  mana  ou,  si  l'on  préfère,  de  numen. 
Au  VII®  chant  de  VIliade,  Ajax  et  Hector  échangent  leurs 
armes  après  un  duel  sans  résultat.  C'est  le  signe  d'une  trêve; 
mais  en  principe,  c'est  le  signe  d'uue  paix,  et  le  gage,  au  sens 
originel  du  mot,  de  l'amitié  :  c'est  un  cas  probant  que  celui  de 
Diomède  et  de  Giaukos  qui  ont,  eux  aussi,  échaugé  leurs 
armes  eti  reconnaissant  qu'ils  étaient  unis  par  un  lieu  hérédi- 
taire d'hospitalité  (3).  Or  ce  n'est  pas  hasard  si,  dans  la  légende 
post<*ri(^ure  (i),  le  Çw^r/ip  l'emis  par  Ajax  à  Hector  doit  servir  à 
lier  Hector  au  char  derrière  lequel  xAchille  traînera  son  cadavre, 
et  si  l'épée  remise  par  Hedor  à  Ajax  est  celle  même  avec 
laquelle  Ajax  se  donnera  la  mort  :  Sophocle,  dans  sa  tragédie, 
fait  une  allusion  significative  au  ^(ùpov  "ExTopoç,  don  devenu 
funeste  (5).  Or  il  est  bien  certain  que  les  armes  sont  volontiers 
considérées  comme  pénétrées  d'une  vertu  mystérieuse  dont 
l'idée  dépasse  et  déborde  celle  de  leur  puissance  matérielle  ; 
mais  la  main  droite  aussi  :  et  dans   une  pensée    régie  par  la 


(1)  Voir  le  bel  article  de  R.  Hertz,  La  prééminence  de  la  main  droite,  in  Revue 
philosophique,  1909,  p.  353  et  s.  —  Le  lien  entre  ces  représentations  et  le  geste 
de  la  paumée  apparaît  notamment  chez  les  Ossètes  où  le  contractant,  en  tendant 
la  main,  dit  :  «  Je  te  donne  ma  main  de  Dieu  »  (Kovalewsky,  o.  l.,  p.  H4). 
Cf.  5s;i5^  eûSaî(j.ovo;,  Eur.,  Héc,  753. 

(2)  Pour  le  rapport  avec  les  ôs^iat,  cf.  Glotz,  Solidarité,  p.  158. 

(3)  Z  230-233;  les  deux  héros  scellent  leur  accord  par  une  poignée  de  mains. 

(4)  Cf.  Ameis  ad  H  303. 

(5)  Soph.,  Aj .,  811-8  II  n'y  a  pas  besoin  de  voir  dans  les  paroles  d'Ajax  l'idée 
qu'Hector  ait  eu  l'intention  de  nuire  ;  en  qualifiant  son  ancien  adversaire  de 
syôîJTOj,  il  rappelle  seulement  la  pensée  fondamentale  du  Timeo  Danaos...  : 
c'est  le  don  d'un  ennemi  (\m  accuse  le  caractère  sinistre  d'un  objet  doué  dç 
mana^ 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF   EN    GRÈCE  369 

«  loi  (le  parlicipalion  »,  où  commence,  où  finit  l'influence  des 
réalités  dislincles  agissant  dans  un  milieu  continu?  C'est  la 
dextre  (1)  qui,  exprimant  et  prolongeant  l'individu  (2),  fait 
irradier  jusqu'en  son  pernicieux  présent  une  personnalité 
ennemie. 

Instructif  aussi,  le  cas  de  la  glèbe  que  l'hôte  reçoit  en 
manière  de  symbole,  et  qui  pourra  signifier  la  remise  de  la 
terre  et  de  l'eau  (3).  Ce  cas,  nous  le  rencontrons,  particulière- 
ment explicite,  dans  un  passage  de  Pindare  où  la  représenta- 
tion, pour  être  mythique,  n'en  est  pas  moins  à  retenir.  La 
quatrième  Pythique  contient,  comme  on  le  sait,  une  longue 
prédiction  de  Médée  qui  commence  par  le  rappel  d'un  épisode 
fondamental  :  jadis^  sur  les  bords  du  lac  Tritonide,  un  Dieu  — 
probablement  Triton  —  sous  la  figure  d'un  mortel  et  sous  le 
nom  d'l^]urypyle,  a  offert  à  Euphèmos,  un  des  Argonautes,  une 
motte  de  terre  en  ^'à^Q  d'hospitalité  ;  cette  jâwXa^  est  qualifiée 
d'opvtç,  terme  à  la  fois  concret  et  abstrait  (4)  où  la  représenta- 
tion d'une  puissance  est  étroitement  associée  à  la  représenta- 
tion d'une  chose  :  cette  [StoXa^  contient  «  le  germe  de  la  Lybie 
aux  vastes  champs  ».  Suit  l'indication  des  rites  qu'Euphèmos  a 


(1)  C'est  un  seul  et  même  moment  qui  est  représenté  Z  233,  yiioi^  x'  àXX-riXwv 
Xa6£XT,v  xal  TîtaroWavco  (nous  verrons  que  rJ.axii,  a  un  sens  objectif  —  et  religieux 
—  avant  d'avoir  un  sens  subjectif). 

(2)  La  main  droite  désignant  le  moi  :  Hertz,  o.  Z.,  p.  569. 

(3)  Sur  le  yf.v  xat  G5wp  StSôvat,  rapproché  du  rite  dont  il  va  être  question  dans 
Pindare,  cf.  Bôckh,  Pindari  Opéra,  II,  2,  p.  269.  —  G.  Radet  {Laprem.  incorp. 
de  l'Egypte  à  Vemp.  perse,  in  Rev.  des  et.  anc,  1909,  p.  206  et  s.),  propose  de 
dériver  la  «  coutume  féodale  »  des  relations  de  clan  à  clan  où  «  un  des  pre- 
miers devoirs  était  celui  de  Thospitaiité  publique  ».  Or  Tidée  de  l'hospitalité  joue 
un  grand  rôle  dans  le  système  de  notions  que  nous  considérons  présentement. 
Et  une  des  formes  où  se  manifeste  le  lien  de  vassalité  à  l'époque  historique 
permettrait  peut  être  d'accentuer  l'idée  d'  «  alliance  »  que  nous  avons  cru  recon- 
naître dans  rsyyuï^  matrimoniale  primitive  :  «  une  des  filles  du  vassal  entrait 
généralement  dans  le  harem  dul  seigneur,  en  signe  d'alliance  et  comme  gage  de 
fidélité  »  ;  il  peut  être  rappelé  ici  que,  chez  les  Australiens,  certaine  forme  de 
mariage  seit  à  créer  une  communion  entre  les  individus  qui  possèdent  une 
même  femme. 

(4)  V.  19  —  On  sait  que  le  mot  ô'pvi?  signifie  par  ailleurs  «  présage  »  :  essen- 
tiellement, il  implique  l'idée  d'un  numen  (cf.  J.  E.  Harrisson,  Themis,  p.  98  et  s.). 
On  rapprochera  i'épithète  de  5ai}jLovCav  donjiée  à  pw)v«xa,  au  v.  37,  . 


370  LOUIS    GERNET 

négligés  et  qui,  accomplis,  auraient  assuré  à  ses  descendants, 
suivant  le  cours  d'un  temps  au  rythme  mystique  (l),  la  pos- 
session du  «  vaste  continent  ».  Nul  doute  que  nous  ne  retrou- 
vions ici  les  notions  essensielles  d'une  pensée  religieuse  primi- 
tive, et  avant  tout  la  notion  de  mana.  —  Or  cette  motte  de 
terre — Pindare  y  insiste  à  plusieurs  reprises  —  a  été  reçue 
par  Euphèmos  de  la  main  à  la  main  ;  le  terme  Sé'^oaai  est  déjà 
significatif  (2),  mais  plus  encore  celui  de  ôs^'.Tspa  (3),  plus 
encore  le  geste  de  la  paumée  par  quoi  la  remise  de  la  glèbe 
s'effectue  (v.  37)  :  X^t-pl  ol  ^^yS  àvTsps'Ia-a'.;  Sé^aTo  jBwÂaxa  oat.[jiov'lav. 
La  pens«'»e  que  nous  venons  de  reconnaître  et,  plus  ou  moins, 
d'identifier,  est  enc  )re  illu^lrée  p  ir  les  emplois  d'un  verbe  de 
la  mAm<^  f^millo  que  notre  syyjY,.  'Ey  "^aAi^o)  qui,  chose  notaMe, 
ne  ^urvil  guèie  après  l'â^e  tiomérique,  signifie  pr()f)rement 
«  mettre  dans  la  main  ».  xMais  très  souvent,  la  notion  d'un 
pareil  acte  s'aecompagne  d'une  conception  religieuse  ;  très 
souvent,  d'abord,  c'est  un  Dieu  qui  est  le  sujet  du  verbe  ;  et  ce 
qu'il  remet,  c'est  une  puissance,  particulièrement  un  xpaToç  qui 
est  lui-même  d'essence  religieuse  (4)  ;  et  c'est  aussi  des  objets 
comme  le  sceptre  (5)  dont  nous  n'avons  pas  à  rappeler  qu'il 
est  une  chose  pénétrée  de  vertu. 


(1)  V.  47   et  s.    ;    Téxpatwv   TtaiSwv   x'    eTTiyivofxsvtiiv. 

(2)  V.  23  :  t6v..,  çe(vtx  -rrpwpxôîv  Eujaaoç  xaraêis  |  Ss^ar'...  ;  v.  37.  A  Tétymologie 
de  Sé/ofAxt  paraissent  associéf^s  des  'niées  morales  et  religieuses  (cf.  Bc)isa<'q, 
Tiicl.  étym.,  p.  173)  ;  d'Hut.re  part,  le  rapprochement  avec  Séçwî,  que  Glotz 
{Solidarité,  p.  158),  invoque  sur  TautoritA  de  Curtius,  semble  devoir  être  maintenu 
(Boisa''q,  o.  l.,  p.  177).  —  Au  reste,  nous  n'accepterions  pas  plus,  dans  ce  groupe, 
une  déduction  da  moral  au  physique  (le  côté  droit  étant  «  celui  qui  convient, 
cf.  la^.  decHs,  etc.i,  qu"  la  d  >  lu<'tion  inverse  jnstement  écartée  par  Hnrtz.  o.  Z., 
p.  564  :  lid'e  fon  la  nen^aW'  reste  celle  de  la  dexl'^e  av  c  on  pouvoir  religieux 
et  sa  vertu  nionle. 

(3)  V.  35  :  5E;tT£oî  ■:zi^rixuy[h-t  Hévoiv  ]xi.Tzz\jzz  Soôvai.  —  Il  est  bon  d'observer 
qu'  l'ilé'  dp  .  re''pvoir  »  n'e-^t  pis  un  latérile  :  ici  elle  apparaît,  par  le  mot 
^z' '.'z-j  '  -f  u  3)1.  -o  mue  ;•  ip, tort 'e  ii  lu  titre  d  ■  ce  U'-»  :  et  ce  t  le  ca»*  !••  plus 
or  i        e.  mai     xw    ers  23   -l  37    S^/stBxi    i  p.»  ir  sujet  i  elra  \j.<^v. 

i.  A  192  =  207  :  P  20o  ,  612:  7>3.  Sir  la  valeur  rtdigieus»*  de  cette  notion,  rap- 
^jroch'^e  de  celie  A*^  maan.   cf   J.  K    Hartison.  Thp>nis,  p.  72  ^t   s  ;   p.  90.  —  Le 
m^ine  verbe  a  ausn  pour   r'''^ime3  des  mots  qui  désignent  des  idées  du  même 
ordre,  -AXi^o^  (0  491,  cf.  644),  xéoSoç  [^  140),  tiîjlt,  (A  352). 
(5)  I,  98.  Voir  emssi  un  emploi  notable  dans  ApoU.  fth.,  JH,  1036  et  s, 


HYPOTHÈSES    SUR   LE    CONTRAT   PRIMITIF   EN    GRÈCE  374 

Enfin  cette  noiion  d'efficace  immanente  à  la  droite  s'est  épa- 
nouie, comme  on  doit  s'y  attendre,  dans  la  conccplion  d'un 
num^n  mulliple  et  plus  ou  moins  défini,  qu'attestent  les  dési- 
gnations divin(*s  où  se  retrouve  la  racine  dek[s).  Celle  végéta- 
tion d(^  la  piMisée  religieuse  que  II.  Usener  a  tenté  de  d/'crire 
dans  ses  Gottemamen  est  encore  reconnaissable  dans  la  figure 
d'un  héros  Dexion  où  prc^n  I  corps  l'idée  du  pouvoir  bienfaisant 
de  la  main  qui  guérit  (1);  par  ailleurs,  la  même  racine  entre 
dans  la  composition  du  nom  de  certaines  divinités  (2);  elle  a 
fourni  aussi  des  noms  propres  à  des  personnages  de  la 
légetide  (.3).  ' 

Qu'est-ce  qu<»  tout  cela,  sinon  la  traduidion  ou  l'anticipation 
mythi  jue  d'un(»  pens('M»  qu'on  voit  jouer  dans  la  vie  -ociale,  et 
qui  nolammenl  a  pr''si<lé  aux  origines  du  gayel  (]ar  on  sait 
bien  qm»  la  valeur  qui  est  athibuée  au  gage  ne  saurait  être  une 
valeur  intrinsè  jue  —  celle  que  peut  avoir  un  gant  ou  un 
anneau  est  plulôt  mince  :  il  faut  qu'elle  soit  d'onlre  reli- 
gieux v4].  Mais  c'est  peut-être  une  inlerprélation  un  peu  étroite, 
c'est  du  moins  une  interprétation  secondaire,  que  celle  qui  rat- 
tache ici  le  jugement  df»  valeur  à  la  «  magie  sympathique  »  : 
l'objet  remis  —  et  il  est  significatif  qu'en  droit  germanique,  par 
exemple,  le  wadium.  soit  souvent  un  gant  —  vaut  essentielle- 
ment parce  qu'il  conmihnq'ie  au  contrai  et  confère  au  créan- 
cier la  vertu  qui  r'sid  li'  d'abord  d  ins  l'acte  1^  la  paumée,  parce 
qn'il  prolonge,  au-delà  du  geste  pii  les  fondait  primitivement, 
l'accord  et  la  puissance  de  l'accord. 

(i)  Sur  le  h<^ros  Dexion  rapproché  d'AskIèpios,  mais  non  identifié  avec  lui,  cf. 
B'ym.  Magnum,  p.  236  ;  Plut  ,  Numa.  IV  ;  Afh.  Mitteil,  1896,  p.  296,  p.  311  ;  voir 
P.  Foucart,  Grands  myst.  d'EL,  p.  117  :J.  E.  Harrison,  Prolegomena  to  the  Study 
of  Gr.  RpL,  pp.  344-336. 

(2)  Dexô,  Dpxaménè  :  voir  Weiszarker  m  Levikon  de  Roscher,  T,  col.  999.  1001; 
sur  CHilaines  divinités  cMtiqiies  dont  le  nom  appirfient  à  la  inêine  racine,  cf. 
StendiniT.  ih  ,  col.  1001.  —  Dexios  comme  «  désignation  a  ijective  »  de  numina  : 
Usener,  Gfittprn.,  p.  343. 

(3)  W'Mszâcker,  l.  c;  S^oll,  ib.;  cf  aussi  Plut.,  Qu.  gr.,  54.  —  Sur  les  dériva- 
tions de  noms  propres  ordinaires,  Usener,  l   c. 

(4)  Pour  cette  interprétation,  et  pour  la  critique  4es  tl^éories  de  sens  comwun, 
cl,  Huvelin,  o.  l,y  pp.  29-3i, 


372  LOUIS    GERNET 

Aussi  bien,  dans  ses  premiers  emplois,  le  gage  a-t-il  moins 
pour  fonction  d'as'^urer  la  main-mise  idéale  d'un  créancier  sur 
un  débiteur  que  d'établir  entre  les  deux  parties  un  lien  réci- 
proque :  la  conception  n'en  est  pas  unilatéiale,  mais  bila- 
térale. C'est  ce  qui  se  traduit  dans  l'usage  des  tesshes  dont 
les  deux  moitiés  s'adaptent  exactement  l'une  à  l'autre  et  qui, 
possédées  par  chacun  des  contractants,  leur  permet  de  se 
reconnaître  et  de  perpétuer  leur  alliance.  Nous  avons  fait  allu- 
sion aux  souvenirs  (]ue  retiennent,  dans  leur  étymologie,  cer- 
taines désignations  du  contrat  :  o-uaêoAov  est  un  de  ces  termes; 
or  le  a-j[jiêoÂov  est  originellement  une  tessère  d'hospitalité  (1). 
Mais  il  n'y  a  là  que  le  développement  et  comme  la  différencia- 
tion d'une  pensée  que  concentre  la  pensée  môme  de  l'èyyuYi  (2). 
C'est  cette  dernièi-e,  au  fond,  que  désigne  d'abord  le  mot,  pure- 
ment abstrait  en  apparence,  de  Tiia-Tis  (3)  ;  outre  que  cette  tcIttiç 
s'exprime  en  des  rites  qui  prolongent  et  reuforcent  retfieace  de 
la  d(îxtre  (4),  on  la  voit  qui  s'extériorise,  pour  ainsi  dire,  dans 
le  gage  que  le  mot  désigne  couramment  par  l'expression  toute, 
faite  de  TiiT-Lv  ôt.o6va',  xal  ÀapLêàv£(.v  ;  et  comme  la  notion  du  gage 

(1)  Voir  Eurip.,  Médée,  612-3,  et  l'explication  du  scholiaste,  d'après  Helladios. 
Wecklein,  éd.  d'Euripide,  ad.  l.,  rapproche  les  auixSoXa  des  tesserae  hospilales 
des  Romains,  et  sif^nale  un  usage  analogue  chez  les  Scandinaves.  Le  même  com- 
mentateur rappelle  les  tablettes  couvertes  de  a\\k'xx:t.  dans  une  anecdote  fameuse 
de  Vlliade  (Z  168)  ;  il  y  a  peut-être  là  de  quoi  éclairer  les  origines  du  contrat 
litteris  (cf.  Huvelin,  o.  L,  p    34  sq.). 

(2)  L.  Gautier,  Langue  de  Xénophon,  1911,  p.  39,  signale  l'emploi  spécial  et  fré- 
quent de  Trapsyyuav  au  sens  de  «  faire  passer  l'ordre  dans  les  rangs  ».  Une  con- 
jecture assez  tentante  consisterait  à  dériver  ce  sens  de  l'usage  de  la  tessère 
comme  indiquant  le  mot  d'ordre  fcf  latin  tesseram  dare  :  Liv.  Vil,  35)  ;  cet  usage 
militaire  et  laïque  nous  permettrait  de  retrouver  le  lien  oiiginei  entre  la  con- 
ception religieuse  de  l'èvvtjT,  et  la  conception  religieuse  du  c7Û[xooÂov  :  de  fait, 
TrapeyYuàv  a  parfois  une  valeur  analogue  à  celles  que  nous  avons  signalées  pour 
èyYua)v{^£tv  (un  rapprochement  notable  s'impose  entre  Soph.,  Œ.  C,  94  et 
Apollon.    Rh.,  111,  295). 

(3)  Exemples  bien  connus  de  Sophocle  :  èfxêâX'Xetv  ysipô;  irio-civ  (F/iil.,  813,  cf. 
Trach.,  1181)  SoGvxt  -/spô?  Tzizxv,  (Œ.  C,  1632).  Cf.  la  fldes  romaine,  dont  Tite  Live 
(I,  21)  nous  dit  que  Numa  fit  une  divinité  :  institua. ..  sedemque  ejus  eliam  in 
dextris  sacratam  esse. 

(4)  Cf.  Hérod.,  iV,  172,  à  propos  des  Xasamons  :  Tr^axtai  6è  xoif.aSs  ypcwvTai  ' 
Sx  xf^;  /si-pôî  SiSot  Tzich  xal  aÔTÔî  èx  xf^;  xoû  éxépou  Tr(vEu..  Le  caractère  de  corn- 
muniony  qui  va  nous  apparaître  essentiel,  s'affirme  ici. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PKIMITIF    EN    GRÈCE  373 

se  présente  volontiers  à  l'esprit  sou^  l'image  d'un  «  dépôt  »  à 
forme  rituelle  (1)  —  d'où  la  locution  tt-Io-tw  ou  TT'.o-Tà  Tt.f)iva'.  (2)  — 
l'expression  de  -rt-Béva!.  ÈyyjYiv  (3)  m.i  ni  leste  l'expansion  natu- 
relle de  l'idée  mèi'e  de  rsyyij/i.  Vraiment,  c'est  une  pensée 
étendue  et  ramifiée,  qu'on  peut  rattacher  à  celle-ci;  et  ses  vir- 
tualités juridiques  s'atfirment  assez. 


Seulement,  toutes  ces  obsei-vations  nous  laissent  à  la  porte 
du  problème.  Pourquoi  cette  représentation  religieuse  qui  nous 
apparaît  fondamentale?  —  Ce  qui  revient  à  se  demander  :  que 
signifie  et  symbolise  le  complexus  de  rites  dont  rsyvjyj  au  sens 
étroit  est  comme  le  point  central?  —  Or,  si  nous  y  regardons 
de  près,  nou<  reconnaîtrons  «[ue  cet  acte  complexe  se  résout  à 
l'analyse  ;  il  a  premièrement  ce  qu'on  pourrait  appeler  une 
matière,  et  ce  sont  les  rites  de  sacrifice,  libation,  repas  reli- 
gieux (4)  ;  mais  il  comporte,  élément  plus  essentiel  encore, 
un  engagement,  sous  forme  sacramentelle,  par  quoi  la  religion 
entre  dans  le  droit,  se  fait  droit. 

Considérons  d'abord  ce  dernier.  La  formule  qui  l'exprime 
explicite  la  vertu  religieuse  du  tout  :  lorsque  les  deux  contrac- 
tants disent  ^yy^w  et  syyuw^jiat.,  ils  traduisent,  et  par  là  même 
ils  localisent  et  définissent  la  puissance  et  relïicacité  que  dégage 
le  drame  juridico-religieux  (5).  Et  c'est  de  là  qu'il  faut  partir 

(1)  Procédure  à  laquelle  nous  renvoient  de  fréquentes  allusions  en  Grèce,  et 
qui  joue  un  grand  rôle  dans  les  débuts  du  droit,  soit  pour  la  formation  du  con- 
trat en  général,  soit,  plus  spécialement,  pour  l'arrangement  à  fin  d'arbitrage  (cf. 
Huvelin,  Stipulation,  slips  et  sacramentum). 

(2)  Théognis,  286;  Pind.,  iV.,  VllI,  44. 

(3)  Esch.,  Ëum.,  898. 

(4)  Sans  doute,  tous  ces  moments  ne  sont  pas  contemporains,  ou  ne  le  sont  pas 
nécessairement;  mais  c'est  le  caractère  de  réyyûT,.  nous  a-t-il  semblé,  d'en  repré- 
senter l'unité.  Sans  doute,  on  peut  reconnaître,  d'un  certain  point  de  vue,  une 
distinction  marqu^^e  entre  TarSsjtç  et  la  cpiXoTT,?,  par  exemple  [supra,  p.  284);  mais 
les  deux  moments  se  suppost-nt  l'un  l'autre,  et  Isyyûr,  ne  désigne  pas  l'un  par 
préférence  a  l'autre. 

(5)  De  même,  dans  une  certaine  forme  de  serment  imprécatoire'  (cf.  p.  287, 
p,  1),  le  sacrifiant  établit  un  lien  exprès  entre  les  paroles  consacrées  qu'il  pro- 


374  LOUIS   GERNET 

■ —  de  cf  rapport  entre  l'acte  total  et  la  formule  —  pour  com- 
prondro  la  valeur  même  de  la  foimul^  dans  le  droit  commen- 
çant. D'expli^juer  U  r  •sp(»cl  des  p :irol(\s  traditionnelU^.s  par  la 
seule  vertu  tle  la  tnidition,  ou  mêtne  par  la  conception  reli- 
gieuse d.'S  nomina-Jiumina^  c'e<t  une  inlerprétation  ou  verbale 
ou  tout  cxtéi'ieure  ;  l'homme  ne  commence  pn*;  psr  être  inin- 
telligent. Il  est  remarquable  que,  dans  l'ancien  droit  romain  où 
s'atleste  si  impéiicmx  le  formalisme  de  la  parole,  ce  formalisme 
s'attache  en  particulier  aux  termes  mêmes  par  quoi  l'engage- 
ment se  noue;  et  quand  certains  modes  de  contracter  viennent 
à  s'ouvrir  aux  pérégrins,  le  terme  consacré  est  remplacé  pour 
eux  par  un  terme  synonyme,  tnais  autre  (1)  :  comment  le  com- 
prendre à  moins  d'adfnettre  que  la  valeur  religieuse  de  la 
formule  e^t  le  résidu  de  la  valeur  des  actes  rituels  que 
la  formule  ac<-ornpa^nait,  résumait,  explicitait  ?  La  par- 
tager, ce  serait  la  pr.-faner;  si  les  néces'^ités  pratiques 
commandent  Texteusion  du  contrat,  on  aime  mieux  en  faire 
comme  une  nouvelle  édition,  rituelle  encore,  mais  déjà 
banalisée. 

'E^yuaTGat.  exprime  spécialement  un  geste,  en  même  temps 
qu'il  traduit  tout  un  ensemble.  Rt  de  cet  ensemble,  oîj  les  par- 
ties ne  lais  eut  pas  d'ê're  à  l'état  d'implication  réciproque  (2), 
il  faut  bien  que  le  ge^te  produis-»  l'a^^pect  proprement  reli- 
gieux, celui  qu(i  manifestent  les  rites  -sacrificiels.  Or,  ces  rites, 

nonce  et  l'acte  symbolique  qu'il  accomplit  Dès  ce  moment,  le  droit  apparaît, 
surajouté  à  la  religion  (cf.  Hubert  et  Mauss,  Théorie  génér.  de  la  magie,  in  Année 
SocioL.  VU,  p  14).  Seulement,  on  doit  dire  que  son  autonomie  est  plus  marquée 
dans  réyyjTi,  dans  le  contrat  proprement  dit  que  dans  le  serment  :  la  notion 
définie  de  rengagement  est  un  él  ment  nouveau;  par  là  il  reste  vrai  que  l'appa- 
rition du  contrat  marque,  en  un  sens,  les  débuts  de  l'individualisme  :  cette  prf^oc- 
cupation  de  «  localiser  »  une  force  religieuse  se  manifeste  dans  le  serment  romain 
per  Jooem  lapidem  qui  se  prêtait  suivant  les  formes  suivantes  (Paul  Diacre,  s.  v. 
Lapidem  Silicem,  éd.  Muller,  p.  114;  voir  Huvelin,  o.  l.,  p.  33)  :  «  Lapidem  sili- 
cein  tenebant  juraturi  per  Jovfnn,  haec  verba  dicentes  :  «  Si  sciens  fallo,  tum  me 
«  Dis  pi  ter,  .sa/ua  whe  arceque  bonis  ejiciat.  ut  ego  hune  lapidem  ». 

(1)  Exemples  :  stipulation  P.  F.  Girard,  o.  L,  p.  483)  :  cautionnement  {id.,  ib., 
p.  744). 

(2)  Noter  en  particulier  l'alliance  obligatoire  et  consacrée  ;  aTrovSai  x'  .àxpTf)Toi 
xal  5e^ia(  (B  341  ;  A  159  ;  cf.  Sittl,  o.  L,  p.  137), 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT   PRIMITIF   EN    GRÈCE  375 

ce  sont  des  rites  de  communion  :  c'est  bien  l'idée  de  commu- 
nion sacramenlelle  «luiapparaîl,  comme  M.  Glotz  Ta  montré  (1), 
dans  la  formo  même  des  arrangements  qui  metl(Mit  fin  à  la 
guerre  enlre  deux  familles.  La  paumée  la  produit  aux  cons- 
ciences par  le  contact  intime  qu'elle  établit  et  par  la  sympathie 
religieuse  qu'elle  affirme. 

Qu'est-ce  à  dire?  Que,  dans  une  société  à  base  de  clans, 
c'est  la  pensée  «  genlilice  »  qui  continue  de  s'attester  par  l'ins- 
titution des  aicords  qui  dépassent  les  clan?;  eux-mêmes.  Elle 
ne  saurait  se  transcender  du  premier  coup  :  pour  créer  un  lien 
interfamilial,  on  commonce  par  créer  un  lien  quasi-familial. 
Voilà  pourquoi  la  noiion  de  l'hospilalité,  que  nous  rencon- 
trions sur  notre  chemin,  est  si  naturellement  associée  au  gesie 
de  la  main  (2)  qui  accueille  et  qui  reçoit  :  le  terme  Siyojjiai, 
qui  a  toutes  chances  d'appartenir  à  la  même  famille  que  Sériai, 
l'exprime  avec  prédilection  (3);  or  un  hôte,  c'est  un  quasi 
parent  (4),  un  parent  virtuel  (o)  ;  on  se  l'unit  par  un  acte  qui 
symbolise  une  espèce  d'agrégation  au  groupe  familial.  Pareil- 
lement, l'accord  qui  clôt  une  vendf^tta  se  traduit  par  le  serre- 
ment de  mains  (6)  :  or  un  pareil  accord  est  dénommé  cpiAoTriç, 
et  c'est  à  propos  de  la  cp'.AoTT,;  que  M.  Glotz  a  confirmé  et  illustré 


(1)  Solidarilé,  pp.  152-164.  Voir  notaiiim-nt  p.  159  et  s.,  sur  les  rapports  entre 
les  foi-maiit'"<  «le  la  f  iXôtt,;  1 1  l'ififW'  du  biuod  cooeiutnt  ;  p.  157,  sur  la  signifira- 
tiun  de  la  %ù\\.\  f.XotT.aîx  cf.  H.  E  G.,  XXIV,  p  223,  à  propos  de  K.  Kircher, 
Die  à-ak raie  Bedeutuny  des  Weines  im  ALtert.,  191U.  p.  66  el  s  j. 

(2)  Cf.  Sittl,  o.  /.,  p.  135,  sur  le  rôl"  de  la  pautuée  dans  la  foriiiatiou  du  lien 
d'ho.spilalilé. 

(3;  Voir  Glotz,  Solidarilé,  p.  158,  avec  Its  réfétences  kU'/z<s^xi  et  Se^iTepri. 

(4j  «tiXeïv  signifie  spécialement  et  fréquemment  «  accui  iilir  en  hôte  «  (a  123  ; 
6  29;  o2.si  ;  p  .)6,  etc.)  :  or  tpiXoç  =  parent. —  Il  est  remarquable  de  voir  que  le 
mot  è'-cr,;,  qui  exprime  par  lui-même  lidé'"  de  parenté  i racine  iit'ej,  appartient  à 
Une  famille  qui  a  fourni  à  certaines  langues  indu  européennes  la  désignation  du 
liend  ho.spitalité  (cf.  Prellwilz,  ii/.  Wô/7.=',  p.  161j. 

^5;  Qu'on  se  rapp-lle  le  cas  <le  l'hénix,  acfueilli  comme  hôte,  puis  agrégé  à  la 
famille  ue  Pelée  pai  Taditption  d  Achille  —  et  ces  TratpôJiot  ^sïvoi  de  l'épopée  qui 
•e  rapprochent  sensiblement  <ies  Tratowioi  itaîpoi. 

(6  Glotz.  Solidanlé,  p.  138  :  «  C'est  NUrtout  dans  la  conclusion  d'une  (ptXdxTiç 
que  la  formaliié  des  mams  jointes  aune  hante  signitiration  ».  Cette  «  significa- 
tion »  se  précise  par  le  rappruch-meut  de  la  paumée  avecles  rites  de  communion 
et  par  la  valeur  môme  du  mot  «(Xoç  (Glotz,  p.  159). 


376  LOUIS    GERNET 

cette  donnée  capitale  que  le  'fi\o^  est  en  principe  un  parent, 
un  membre  du  môme  groupe  tamilial. 

Procédé  suppose  ici  fonction.  C'est  une  fonclion  sociale  que 
remplit  le  contrat  primitif.  Elle  appaïaît  dan^  cetle  institution 
de  l'hospitalité  dont  on  sait  l'importance  et  la  fécondité  (1). 
Elle  se  suivit  dans  les  procédures  qui,  pénétrées  du  même 
esprit,  continuent  ou  renouvellent  à  l'époque  historique  l'idée 
fondamentale  de  la  parenté  «  artilicielle  »  (2).  Mais  elle  se 
déclare  surtout  à  l'âge  primitif  dans  les  deux  emplois  princi- 
paux que  nous  avons  reconrius  à  ley^y-t],  et  que  nous  avons 
déjà  rapprochés  l'un  de  l'autre.  Elle  y  est  la  même,  elle  y  est 
substantiellement  une  :  entre  les  familles  il  faut,  même  si  ces 
familles  sont  distinctes,  même  si  elles  s'opposent,  un  modus 
vivendi  :  c'est  le  fonctionnement  du  contrat  qui  l'assure,  en 
prolongeant  les  idées  qui  sont  de  l'essence  de  la  mentalité 
familiale. 

Et  rsyruri  offre  ainsi  une  certaine  vue  sur  les  destinées  ulté- 
rieures du  contrat.  Les  contrats  formels  qui  fonctionnent 
notamment  dans  le  plus  ancien  droit  romain,  et  dans  une 
société  qui  a  bien  dépassé  la  phase  «  gentilice  »,  sont  par 
délinition  des  conliais  qui  obligent  par  les  seules  formes  :  ils 
comportent  par  définition  un  objet,  mais  ils  ne  comportent  pas 
de  cause.  C'est  là  un  état  peu  intelligible  en  soi,  puisqu'aussi 
bien  ces  conventions  exig(uit  le  consentement,  la  volonté  des 
deux  parties.  Mais  de  même  <]ue  la  religion  de  la  formule  nous 
est  apparue  comme  un  souvenir  du  passé,  ainsi  cette  antinomie 
doit  pouvoir  se  résoudre  par  l'histoire.  Or  si  nous  remontons 
au-delà  de  cette  espèce  d'individualisme  qui  est  la  condition 
du  développement  du  droit  contractuel,  nous  voyons  qu'il 
existe,  dans  la  société  à  base  de  clans,  des  contrats  —  et,  sin- 


(1)  Cf.  Huvelin,  Uhist.  du  dr.  commerc.  in  Rev.  de  Synth,  histor.,  VII,  p.  71, 
p.  340. 

(2)  En  particulier  dans  l'adoption  et  le  tostanient  qui,  à  l'époque  classique, 
gardent  le  souvenir  d'un  acte  contractuel  ^ponr  le  testament,  cf.  Beauchet,  o.  Z., 
III,  p.  671,  etsurtont  E.  F.  Bruck,  Die  Schenk.  auf  dea  Todesf.,  1  (1909),  p.  119; 
sur  la  généralité  du  fait,  Lambert,  Fond,  dudr.civ.  comp.,  p.  4H  et  s.). 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  377 

gulièroment,  le  contrat  de  paix  et  le  contrai  de  fiançailles  — 
qui,  eux,  comportent  une  cause.  Seulement,  cette  cause  ne  se 
confond  pas  avec  un  besoin  individuel  :  cette  cause  réside 
dans  la  nécessité  (1)  de  tel  ou  tel  ordre  de  relations  coutu- 
mières  entre  les  groupes  familiaux.  Le  mai'iage  répond  nette- 
ment à  un  de  ces  types  de  relations  —  car  il  n'y  a  pas  exoga- 
mie  sans  une  certaine  endogamie,  la  «  société  »  n'est  pas  chro- 
nologiquement postérieure  à  la  «  famille  »  —  et  rÈyyjri  à  fin 
de  pacifi<îation  y  répond  aussi  —  car  le  besoin  collectif  d'un 
régime  plus  ou  moins  stable  s'y  manifeste  :  la  notion  de  «  paix 
sociale  »  n'est  pas  d'hier,  et  nous  voyons  qu'elle  a  un  sens 
profond. 


Peut-être  la  portée  de  cette  analyse  dépasse-t-elle  son  objet 
strict.  Peut-être  la  théorie  sociologicjue  du  contrat  s'y  trouvé-t- 
elle intéressée  dans  la  mesure  modeste  que  comporte  une 
indication  ou  une  suggestion  de  méthode. 

Ecartons  d'abord  —  nous  le  pouvons  sans  phrase  —  la  con- 
ception «  matérialiste  »  qui  dériverait  le  contrat  d'un  procédé 
qui  ne  serait  pas  déjà  procédure,  de  la  mainmise  brutale  qui 
se  réalise  soit  par  la  saisie  immédiate  du  débiteur,  soit  par 
l'emprisonnement  d'une  caution  :  pareille  théorie  ne  fera 
jamais  sortir  le  spirituel  du  matéiiel  ;  à  partir  du  moment  où 
le  créancier  se  voit  privé  de  cette  primitive  sûreté  réelle  qu'est 
la  Iraditio  sui,  comment  comprendre  la  force  obligatoire  du 
contrat  ?  C'est  de  celle-ci  qu'il  faut  rendre  compte. 

Elle  se  présente  sous  deux  aspects,  l'un  objectif  et  social, 
l'autre  subjectif  et  individuel  :  d'une  part,  le  contrat  vaut  parce 
que  la  garantie  en  est  assurée  par  une  puissance  supérieure 
aux  contractants  ;  d'autre  part  il  implique  comme  condition 

(1)  D'où  dérive  restimation  collective  de  la  -oivr,  qui  sert  ensuite  de  base, 
comme  nous  l'indiquions  au  début  de  ce  travail,  à  la  fixation  des  tarifs  :  il 
n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  ainsi  aux  origines,  dans  le  «  prix  du  sang  »^ 
le  jugement  social  qui  fonde  également  l'institution  économique  de  la  valeur. 


378  LOUIS   GERNET 

nécessaire  la  foi  du  cre'ancier  dans  la  promesse  du  débiteur. 
Ces  deux  aspects  répondent  à  deux  moments  psychologiques  (i)  : 
et  l'originalilé  du  contiat  est  dans  le  primai  qu'il  faut  recon- 
naître au  second.  Lorsqu'il  n'existe  pas  encore  de  sociélé  orga- 
nisée qui  s'impose  aux  contractants,  les  moyens  auxquels  on 
recourt  pour  contracter  sont  considérés  comme  ayant  une 
efficace  mystique  ;  la  puissance  supérieure  que  nous  disions  est 
une  puissance  religieuse  que  le  créancier  met  de  son  côté  et 
qui  fonde  sa  croyance  :  mais  à  cette  croyance,  c'est  la  promesse 
du  débiteur  qui  donne  lieu  de  se  proJuire.  Lorsque  la  société 
organisée  apparaît,  le  contrat  lie  les  contractants  —  ce  qui  veut 
dire  :  1  Etat  en  assure  l'exécution  —  dès  lors  que  la  croyance 
légitime  du  sujet  s'est  affirmée  (2),  par  des  moyens  rituels  ou 
non.  C'est  toujours  cette  croyance  qui  est  primordiale,  en  ce 
sens  du  moins  que,  sans  elle,  le  conlmt  ne  saurait  se  former. 
On  a  essayé  d'eu  rendre  compte  en  assignant  une  origine 
magiqut*  àdilférentes  techniques  du  droit  privé,  et  en  particulier 
à  l'art  de  former  des  conventions  obligatoires  (3).  Magie,  qu'est- 
ce  à  dire?  Le  rite  magique  ne  ditlere  pas  du  rite  leligieux 
«  dans  sa  teneur  extérieure  »  :  il  «  n'est  qu  un  rite  religieux 
détourné  de  son  but  social  réguliei",  et  employé  pour  réaliser 
une  volonté  ou  une  croyance  iudi\iduelle  ».  Le  créancier,  pour 
lier  Sun  debileui',  recourt  à  des  gestes  ou  paroles  qui  n'ont  pu 
être  représentés  comme  efficaces  et  cuntiaignanls  que  parce 

(1)  Comme  la  puissance  sup''rieiire  —  Dieu  ou  Etat  —  assure  rexécution  d'un 
obligé,  on  pounait  rétro  iver  ici  quelque  chose  de  la  disiinction,  si  débattue  il  y 
a  quelques  années,  paruii  les  geimanisies  et  les  ronumisles,  enire  uebitum  et 
obligatio,  Schutd  et  Ha/tu/ig.  Nous  croyons  que  I  èyyÛT,  primitive  suppose  ces 
deux  éléments  iudissolubles  pour  la  bonne  raison  que,  si  la  garantie  est  collec- 
tive, le  débiteur  Test  aussi  .^dans  Houièie,  ce  n'est  pas  Arèsy,  et  que  si  rèyyÛTri 
n'engageait  pas  le  yâvoç,  il  ny  auiail  pas  de  dette  véritable.  A  vrai  dire,  la  garan- 
tie n'est  pas  un  moyen  purement  matériel  .  eh<-  est  chose  essentiellement  idéale 
(nous  dirons  quelle  consiste  a  engager  la  puissan<  e  morale,  la  vertu,  l'in- 
fluence —  ou,  pour  t  uiployer  un  langage  comuiode,  le  mana  —  du  gi'oupe  fami- 
lial). Cette  chos'-  idéaU  est  la  cous  ■qceiice  inimé<hale  de  l  uffiimation  solennelle 
de  la  délie,  t«lle  qu'ille  e.-t  impliqu-  e  dans  lèy^vt] 

{2y  Cet.e  affiimaiion.  que  souligne  Iv  toimulaire  de  la  spunnio  et  de  rcyyur,, 
reste  essentielle  à  l'idée  du  lien  contractuel  ^théorie  de  l'acceptaliony. 

(3)  Huvelin,  art.  cité  {Année  Sociulog.,  X,  pp.  1-47). 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF   EN    GRÈCE  379 

qu'ils  (lériveni  de  procodurcs  religieuses  —  licites,  patentes  et 
régulières  :  mais  l'iitili^^atiori  (ju'il  se  permet  des  forces  reli- 
gieuses est  une  utilisalim  privée,  voire  secrète;  il  exploite  la 
pensée  religieuse  pour  des  fins  individuelles.  —  La  théorie 
a  le  m('rite  d'être  une  théorie  :  elle  a  une  valeur  expli- 
cative, elle  donne  un  fondement  intelligible  à  l'élément  spiri- 
tuel du  contrat  ;  elle  permet  de  coordonner  une  quantité  res- 
pectable de  faits  historiques.  Est-elle  complète?  Est-elle  satis- 
faisante? 

On  a  déjà  fait  valoir  (1)  qu'une  bonne  partie  des  rites  et 
sanctions  qui,  selon  M.  Duvelin,  dérivent  de  la  magie,  se  rat- 
tachent en  fait  à  la  religion  :  les  imprécations,  un  des  plus 
puissants  moyens  de  la  technique  primitive  du  «  droit  indivi- 
duel »,  ne  sont  pas,  par  définition,  magiques  (2)  ;  le  dhârna^  le 
suicide  juridique  du  créancier  à  fin  d'exécution  du  débiteur,  est 
un  procédé  admis  par  les  codes  hindous;  il  dépend  du  culte 
funéraire  :  il  relève  de  la  religion  (3). 

Nous  pouvons  aller  plus  loin.  Certes,  depuis  l'étude  de 
M.  Huvelin,  il  est  impossible  de  nier  le  rôle  de  la  magie  dans 
le  développement  du  droit  :  elle  a  enhardi  les  initiatives,  elle 
a  permis  de  nouer,  pour  des  objets  inédits,  des  liens  que  ne 
pouvait  garantir  encore  aucune  société  organisée.  Mais  les 
origines  que  prétend  la  théorie  ne  sont  pas  des  origines  :  il  ne 
suffit  pas  de  dire  que  le  magique  dérive  du  religieux;  il  faut 
soutenir  que  le  «  droit  individuel  »  dérive  d'un  droit  collectif 
et  religieux. 

D'abord,  il  y  a  quelque  chose  de  forcé  et  comme  le  retour 
d'un  romantisme  intempestif  dans  le  tableau  qu'on  esquisse 
des  débuts  du  «  droit  individuel  »  :  l'audace  délibérée  de  cet 

(1)  Hubert  et  Mauss,  Mél.  d'hist.  des  rel.,  p,  xxiii  sq. 

(2)  Il  y  en  a,  bien  sûr,  qui  le  sont  —  celles  des  defixiones  avant  toutes.  Ce  ne 
sont,  dans  les  origines  du  droit,  ni  les  plus  nombreuses,  ni  les  plus  importantes. 

(3)  Il  semblerait  que  Huvelin  ait  répondu  par  avance  à  l'objection,  en  observant 
(p.  37)  que  le  dhârna  a  pu  perdre  son  caractère  magique.  La  réponse  serait 
insuffisante:  l'histoire  de  Charila  (Plut.,  Qu.  gr.,  XII,  cf.  Glotz,  Solidarité,  p.  ix, 
p.  64  sq  )  montre  bien  que  le  dhârna  a  pu  être,  à  ses  origines,  une  procédure 
toute  religieuse. 

REG,  XXX,  1917,  n»  140.  26 


380  LOUIS   GERNET 

«  isolé  »,  de  cet  «  anarchiste  »  (1)  qu'est  le  cre'ancier-magicien, 
assurant  sa  main-mise  et  confirmant  sa  croyance  parla  violence 
heureuse  du  rite  —  c'est  une  apparence  qu'il  faut  retenir  sans 
doute,  mais  qu'il  faut  résoudre  aussi.  Un  trait  IVappant  de  cette 
audace,  c'est  la  pauvreté  de  ses  moyens  :  ils  se  réduisent  à  un 
petit  nombre  —  gage,  malédiction  sacramentelle,  usage  de  la 
festuca,  écriture  —  dont  on  a  pu  constater  la  généralité,  mais 
dont  nous  avons  pu  reconnaître  aussi,  ou  entrevoir,  les  antécé- 
dents. J'entends  bien  que  l'arsenal  de  la  religion  ne  pouvait 
mettre  à  la  disposition  des  contractants  une  très  grande  vaiiété 
d'instruments.  Mais  les  formes  de  la  «  magie  juridique  »  ont 
quelque  chose  de  stéréotypé  :  et  de  les  expliquer  par  une  imi- 
tation rayonnante,  de  prétendre  que  cetle  rigidité  de  dessin 
dénonce  comme  la  pétrification  des  innovations  individuelles, 
l'interprétation  serait  plutôt  périmée.  C'est  laisser  échapper, 
dans  le  formalisme,  l'essentiel  du  formalisme,  de  ne  pas  voir 
que,  dès  ses  débuts,  il  affirme  une  tradition,  une  règle  et,  à  sa 
manière,  une  société.  Celle-ci  accepte,  consent  (2)  :  et  aussi 
bien,  c'est  une  espèce  d'anticipation,  c'est  le  pressentiment  de 
la  société  efficace  et  préservatrice  qu'il  faut  reconnaître  dans 
la  croyance  à  la  vertu  contraignante  des  forces  magico-reli- 
gieuses.  Très  tôt,  la  Grèce  laissa  tomber  le  formalisme,  dépouilla 
le  contrat  de  sa  gangue  :  c'est  au  point  qu'elle  n'offre  plus 
que  des  traces  d'une  phase  préliminaire.  Dans  cette  évolution 
accélérée,  nous  retrouvons  la  tendance  collective,  nous  perce- 
vons la  société  qui,  voulant  pour  ses  besoins  propres  (3)  la 
multiplication  des  contrats,  assure  une  de  ses  fonctions  propres 
par  l'affirmation  du  principe  :  oo-'  av  Tt.ç  Ixwv  £T£poç  i'zk^iù  ojjlo- 
Xoy7]07],  xtipLa  elvat,  (4). 

(1)  Huvelin  risque  le  mot  :  o.  /.,  p.  47. 

(2)  C'est  ce  que  signifie  l'emploi  des  témoins  «  solennels  »  que  nous  avons  déjà 
rencontré,  et  qui  constitue  un  des  traits  les  plus  notables  du  droit  primitif  (l'ori- 
ginalité de  cette  fonction  est  marquée,  pour  Rome,  par  II.  Lévy-Bruhl,  Le 
témoignage  instrumenlaire  en  droit  romain,  1910). 

(3)  Cf.  Huvelin,  art.  Obligatio  dans  le  Dict.  des  Ant.,  p.  135. 

(4)  [Dém.],  LVI,  2.  Cf.  [Dém.],  XLVII,  77;  Hyper.,  C.  Athénog.,  13;  Plat., 
Banq.,  196  C.  —  [Dém.],XLII,  12  ajoute  à  la  formule  :  IvavTÎov  [xapTÛpwv  (cf.  Leisi, 


HYPOTHÈSES    SUK    Lj:    CONTKAT    PRIMITIF    EN    GRÈCE  381 

Mais  inversement,  si  le  contrat  a  pu  étendre  son  domaine,  et 
si  la  confiance  ([ui  le  condi lionne  a  pu  s'établir  à  un  moment 
intermédiaire  où  la  famille  qui  se  dissout  n'a  pas  encore  fait 
place  à  la  cité  qui  s'élabore,  ce  ne  fut  pas,  le  cas  grec  nous 
l'enseigne,  par  la  seule  verlu  du  rite  magique  (1)  :  c'est  que  le 
contrat  qui  lie  deux  individus  avait  son  précurseur  et  son 
modèle  dans  le  contrat  qui  lie  deux  familles,  ou  plus  générale- 
ment dans  l'acte  qui  crée  un  rapport  quasi  familial.  C'est  là 
que  la  société,  présente  et  active,  apparaît  comme  justilication 
et  raison  d'être  de  la  croyance  ;  c'est  là  que  la  procédure  reli- 
gieuse, le  rile,  laisse  enlrevoir  son  principe  et  fait  saillir  sa 
signification  primitive  ;  c'est  là  que  la  pratique  du  contrat  se 
manifeste,  dans  ses  origines  mêmes,  comme  fonction  sociale. 
Notre  £YYUYi,  c'est  le  point  de  départ  et  le  fondement  intelli- 
gible de  la  convention  obligatoire. 

Conclusion  nécessaire,  mais  l'expérience  la  confirme.  Du 
contrat  qui  pour  nous  est  primitif  au  contrat  qu'a  étudié 
M.  Huvelin,  la  filiation  peut  s'établir.  Le  rite  religieux  dont 
nous  avons  retrouvé  l'usage  et  la  raison  d'être  est  naturellement 
l'origine  du  rite  magique.  Le  geste  rituel  y  joue  son  rôle,  il  y 
est  revêtu  d'efficace  ;  les  objets  auxquels  la  pensée  d'une  com- 
munion religieuse  communique  une  vertu  se  retrouvent  dans 
les  objets  qui  servent  de  (jages  et  qui  garantissent  le  lien  entre 
deux  individus  isolés  ;  les  paroles  qui  ont  une  vertu  contrai- 
gnante dans  les  conventions  inter-familiales  ont  conservé  sur 
le  terrain  du  droit  individuel  leur  sens  et  leur  puissance  ;  la 
malédiction  qui  les  confirme  confirme  aussi  les  arrangements 
purement  privés  (2).  La  vérité,  c'est  que  tout  cela  est  plus  ou 

Der  Zeuge  im  att.  R.,  p.  146)  ;  mais  les  anciens  témoins  ad  solemnitatem   sont 
devenus  de  simples  témoins  ad  probalionem. 

(1)  Même  pour  la  Grèce,  au  demeurant,  nous  ne  nions  pas  l'influence  des  repré- 
sentations magiques  :  elles  ont  pu  du  moins  servir  à  renforcer,  dans  une  phase 
intermédiaire,  l'idée  à-'exéculion  (le  mot  aûXai  qui  désigne,  à  l'époque  classique, 
une  procédure  purement  économique,  retient  dans  certains  de  ses  emplois  le  sou- 
venir de  notions  lointaines  qui  ne  sont  rien  moins  que  «  positives  »). 

(2)  Pour  ce  qui  est  du  serment,  Huvelin  (o.  l.,  p.  31)  insiste  sur  l'antériorité  du 
serment  affirmatoire  relativement  au  serment  promissoire  :  mais  c'est  seulement 


382  LOUIS    GEBNET 

moins  fondu  dans  rsyyuTi  ;  la  pensée  du  rite  religieux  est  une 
pensée  synthétique  dont  chacun  des  éléments,  ou  des  moments, 
tout  en  ayant  sa  valeur  piopre,  n'atteint  sa  signification  par- 
faite que  par  l'ensemble  (1).  Cet  ensemble,  le  rile  «  magique  » 
le  dissocie  :  on  retiendra,  à  part,  la  verlu  des  paioles,  celle  dû 
geste,  etc.  —  et  on  obtiendra  la  sponsio^  la  paumée  au  sens 
étroit,  la  festucatio^  etc.,  toutes  formes  qui  d'ailleurs,  avec  la 
recomposition  sociale,  tendent  de  nouveau  à  3e  rejoindre  (3). 
La  pensée  religieuse,  au  cours  de  cette  période  où  la  magie 
fait  l'intérim,  ne  laisse  pas  de  s'ossifier  pour  ainsi  dire  :  le  rite 
magique  est  du  rite  religieux  stylisé. 

D'autre  part,  il  est  aisé  de  montrer,  dans  le  contrat  primitif, 
l'annonce  de  l'avenir,  et  inversement,  dans  le  contrat  posté- 
rieur, le  souvenir  du  passé.  Si,  dans  rsyyuri,  la  volonté  des 
individus  est  subordonnée  au  vouloir  collectif  de  la  famille, 
elle  n'en  est  pas  moins  au  premier  plan  des  consciences.  Un 
Hèphaistos  est  personnellement  offensé,  réclame  pour  soi  une 
réparation  qui,  en  dernière  analyse,  comme  celle  de  la  ven- 
geance du  sang,  est  due  à  la  famille  :  c'est  lui  qui  traite.  Un 
Poséidon  qui  promet,  en  définitive,  le  fait  d'une  famille,  n'en 
risque  pas  moins  une  initiative  :  c'est  lui  qui  traite  (1).  —  En 
revanche,  à  l'époque  classique,  la  persistance  tenace  des  obli- 
gations familiales  ne  laisse  pas  de  soutenir,  dans  une  certaine 
mesure,  l'activité  contractuelle.  La  croyance  à  l'honneur  fami- 
lial est  exploitée  par  le  créancier  qui  sait  que,  le  débiteur  mort, 

avec  celui-ci  que  le  serment  entre  véritablement  dans  le  droit.  Et  il  ne  laisse  pas 
d'être  très  ancien  :  la  notion  de  Tordalie,  que  llnvelin  retrouve  dans  1  autre, 
réapparaît  dans  celui-ci  [supra,  p.  289,  n.  4),  de  telle  sorte  que  la  malédiction 
conventionnelle  n'en  est  que  le  développement. 

(1)  Nous  avons  suffisamment  marqué  ce  caractère  en  général;  voir  aussi,  en 
particulier,  p.  367,  n.  1,  et  noter  une  expression  synthétique  comme  cpiAdiTiTa 
xal  Spxia  Ttcuxà  xafiovTsç  (F  256). 

(2)  L'étymologie  des  noms  romains  des  contrats  est  instructive  à  cet  égard 
[sponsio  :  spondere)  stipulatio  :  stipula  ;  cf.  Bréal  et  Bailly,  Dict.  étymoL,  p,  369, 
malgré  P.-K.  Girard,  Manuel,  p.  480,  note).  Or  ces  deux  mots  désignent  la  même 
chose  :  et  le  souvenir  de  formalités  comme  la  libation  ou  Fusage  du  fétu  de 
paille  s'y  est  si  bien  fondu  dans  la  notion  propre  de  contrat  verbal,  qu  il  a  dis- 
paru. 11  est  d'ailleurs  resté  de  Tétat  primitif  l'habitude  de  classifier  les  contrats. 

(3)  Et  c'est  lui  qui  serait  soumis,  le  cas  échéant,  à  la  manus  injeclio. 


HYPOTHÈSES    SUR    LE    CONTRAT    PRIMITIF   EN    GRÈCE  383 

la  delte  sera  acquitlée  par  son  fils  :  reviviscence  de  la  solidarité 
passive  (\).  La  caution  sera  parfois,  et  comme  nalurellement, 
un  parent  :  survivance  et  a<Japlalion  de  la  pensée  qui  dicte, 
chez  Homère,  la  démarche  de  Poséidon. 

Ainsi,  nous  ne  dirons  pas,  comme  on  a  tendance  à  le  dire  (2): 
les  forces  rdigieu^e-^que  le  créancier  s'assure  sont  dans  le  prin- 
cipe comme  des  forces  de  la  nature  qu'exploite  l'arbitraire 
individuel;  ce  sont,  dans  le  principe,  des  forces  sociales.  Nous 
avons  marqué  dans  ï  lyvùi]  le  caiactère  colleclif  des  premières 
conventions;  nous  avons  vu  que  la  notion  d'une  vertu  reli- 
gieuse, qui  les  garantit,  était  comme  la  projection  de  la  pen- 
sée familiale;  nous  avons  entrevu  que  leur  fonctionnement 
impii'juait  l'idée  d'une  fonction  sociale  qui  en  assure  la  légiti- 
mité. A  remonter  aux  origines,  nous  gagnons  de  soupçonner 
l'insuilisance d'une  théorie  in«lividualiste  du  contrat,  si  renou- 
velée qu'on  la  suppose.  Il  est  permis  de  se  demander  si  l'ini- 
tiative de  l'individu,  l'arbitraire  apparent  de  ses  démarches  et 
de  ses  croyHnc(*.s  ne  serait  pas  la  traduction  inattendue  d'une 
réalité  moi'ale  qui  soutient  sa  pensée,  d'une  raison  qu'il  sert 
malgré  qu'il  en  ait,  de  la  société  dont  il  reproduit  le  dessin 
déjà  arrêté  ou  encore  incertain.  11  ne  nous  appartient  pas  de 
prolonger  ou  d'accuser  une  vue  qui  nous  offrirait  peut-être  de 
mieux  entendre,  d'abord,  comment  le  progrès  de  la  «  liberté 
des  conventions  »  s'accompagne  normalement  du  progrès  de  la 
réglementation  et  de  l'interventionnisme,  ensuite  comment  la 
société  même  peut  reqiiérir,  à  proportion  de  sa  complexité,  la 
multiplication  des  contrats,  et  de  ces  «  ententes  »  entre  groupes 
qui,  dans  la  vie  moderne,  font  l'effet  saisissant  d'un  retour. 

Louis  Gernet. 


(1)  Cf.  E.  Deniisch,  Die  Schiddenerhfolge  im  ail.  R.,  J910.  Il  est  certain  qu'il 
s'agit  d'une  rt^novatidn,  puisque  la  loi  de  Gortyne  conserve  des  traces  de  la  non- 
transniissihilité  des  dettes  (col.  xi,  1.  31  et  s.)  :  le  principe  moderne  apparaît 
d'ailleurs  de  iort  bonne  heure  'pour  Rome,  cf.  Girard,  p.  881).  Sur  le  lien  avec 
les  idées  anciennes,  cf.  V.  Henry,  Le  Parsisme,  p.  119,  à  propos  de  la  réversibilité 
du  crime  du  mil hrodruj  da-ns  l'Avesta, 

(2)  Cf.  Huvelin,  o.  l,  p.  4.S, 


LE  DÉCRET  DE  401/0 

EN  L'HONNEUR  DES  MÉTÈQUES  REVENUS  DE  PHYLÈ 


En  1898,  M.  Ziebarth  publiait  et  commentait  un  décret  athé- 
nien conférant  la  izoliTeU  aux  métèques  revenus  de  Phylè  en 
compagnie  du  Démos  [Inschriften  ans  Athe)i,  Mitteilungen  des 
deutschen  archàologùchen  Instituts^  XXIII,  1898,  pp.  28  et  suiv.). 
L'inscription,  fort  mutilée,  avait  été  découverte  sur  l'Acropole; 
elle  était  gravée  sur  une  stèle  de  marbre,  brisée  à  gauche  et  en 
bas;  au  recto,  se  trouvait  le  décret  lui-même;  au  verso,  les 
noms  des  individus  récompensés,  rangés  par  colonnes,  avec 
l'indication  de  leurs  professions  respectives. 

Depuis,  l'inscription  a  été  l'objet  de  diverses  restitutions  ou 
analyses.  Ce  sont,  par  ordre  de  date,  celles  de  MM.  von  Prott 
[Das  Psephisma  des  ArcJdnos,  Mitteil.  d.  d.  arcJi.  Inst.^  XXV, 
1900,  pp.  34  et  suiv.),  Kôrte  [7ai  dem  Ehrendekret  fur  die  Phy- 
lekàmpfer,  Mitt,  d.  d.  arch.  Inst.,  XXV,  pp.  392  et  suiv.), 
Ch.  Michel  [Recueil  d  inscriptions  grecques,  Supplément^  Fasc.  i, 
Paris,  1912,  n°  1442)  et  E.  Nachmanson  {Historisc/ie  attische 
Inschriften,  Bonn,  1913,  n°  23).  Nous  avons  été  amené  égale- 
ment à  étudier  cette  inscription  à  l'occasion  d'un  travail  d'en- 
semble sur  la  Restauration  démocratique  à  Athènes  en  403 
avant  J,-C.  (pp.  459-467);  ce  travail  touchait  à  sa  fin  ou  était 
terminé  quand  parurent  les  recueils  de  MM.  Michel  et  Nachman- 
son, et  ïeditio  minor  des  Inscriptiones  Graecae,  t.  II  et  III,  où 
le  texte  figure  sous  le  nMO;  nous  n'avons  donc  pu  utiliser  que 


LE    DÉCRET    DE    401/0    EN    l'hONNEUR    DES    MÉTÈQUES 


385 


les  restitutions  fort  insuffisantes  des  premiers  éditeurs.  Nous 
nous  proposons  ici  de  reprendre  et  d'amplifier  cet  examen, 
en  partant  dos  deux  éditions  les  plus  récentes. 

Voici  le  texte,  tel  que  l'édite  M.  Naclimanson;  il  est  à  peu 
près  identique  à  celui  des  Inscriptions  Graecae  ;  nous  signale- 
rons au  fur  et  à  mesure,  en  note,  les  principales  différences 
qui  le  séparent  de  celui  de  M.  Michel. 


eYpa|Ji|JLàT£U£,   A7i|jL6cp'Ao^   £7r[£a":àT£,    11.     |  .  .  sWv  *  ottw;   av   T'?J<; 

8(0p£àç      U.£T£'^(i)0-LV     ol      |JL£TOt.x]ot     (1)     0<70{,      O-UVXaT'^XQoV     aTTO      <I>UA£(; 

i\  TOLç  xaT£A[8oa-t.  Ttov  7coA!.t||wv  ï<ih^i\  33  /.  (2)]  £'\i'f\oi<7^0Li  'AGTjva'loiç  • 
svat,  auTOLç  xal  £xv6v[oiç  7roXt.T£'la|v  xal  cpu/.'rjç  xal  8-A]pi.o  xal  ^paxplaç 
7\(;  av  fJoXdJVTa',,]  vojjioiç  0£  Toliç  a'JTO^  7r£pl  auTwv  Taç  ^^yp-<^  'y^pr'^dQa'. 
olç  xa|l  Ttspl  'AGïiva'lwv,  otl  !^^  /.  (3)],  a"JV£|jLàyjia-av  8e  t/)Jjl  [J^à'^'^v 
TTjpi  Movr/iao-w,  Tov  Sfè  8  L  \  38  /.  o]t£  al  SiaXXayal  eylvovTO  xal 
e^ioiov  Ta   7rpoo'TaT[T6u£va.  .  \  46  L   £]Yyû'/)a-t.v  xaQàT:£[p'  'A]Qr,vatO!.;, 


àv|£U£,  A'JT'.àôrii; 


To;  8à  /(;  /.  -  I- 


Co/.  //. 

Co/.  //i. 

Xai.p£8-/i[jL0ç 

y£(op(Y6ç) 

B£vô{.cpàvn,ç 

a-xacp7i('KOt.6?) 

(4) 

AetttIvTjÇ 

aàY£(Lpo;) 

'E[JlTCOpî(OV 

y£wp(y6;) 

AïlJXTiTpiOÇ 

T£X[t]  (wv) 

nai8[i]xoç 

àpT07t(0t.6ç) 

02/ 

Eù(popi(i)v 

0p£(»)x(6{JL0ç) 

Swo-iaç 

Yvacp(£U(;) 

Kricpio-[6]S(iif 

50? 

olxo(86{ji.oç) 

^à[A|^iç 

Y£t«>p(Toç). 

'HyTio-iaç 

X-ri  710  p(6ç) 

"Eyspo-iç 

vac. 

(1)  Michel  :  [ottw;  av ol  (jiéTotxJot. 

(2)  Michel  (après  i-iro  *ï>u>vf,i;)  :  f,  xoTç  xaTs);[6oartv   i6oTi9Tia||«v  f,  <Tu)[xot<Tiv  -i^  XP'^l- 

{lOKTlV ]. 

(3)  Michel  :  [ -  -],  au  lieu  de  8ti  28  L] . 

(4)  Michel  :  <7xacp-ri(cpdpo<;). 


386  PAUL    CLOCHÉ 


*E7ra[jL£'lv(ov  ovox6([Jlo;) 

.  ,  .iùTzoç  £Aat.oy  (-  -) 

r[X]au[x](aç  y£wp(y6s) 

wv  xa.ouo(7r(oAr,<;) 

[A'.ovù]a-!.oç  Y£(i)p(YÔ(;) 


'Ovà-|jL*/]<;  o);.  ...0 

Ka)vAUç  àYa)vafaT07iot.6ç) 


'ABrivovifTjwv. 


Nous  chercherons  d'abord  à  établir  sommairement  la  suite 
des  idées  contenues  dans  ce  document.  Puis  nous  verrons 
quelles  observations  et  quelles  hypothèses  peut  suggérer  l'exa- 
men des  noms  de  métiers  sur  la  part  prise  à  la  guerre  civile 
par  les  diverses  catégories  de  métèques.  Enfin  nous  étudierons 
les  origines  et  la  portée  du  décret  au  point  de  vue  des^  conflits 
politiques  sous  la  Restauration. 


Les  premières  lignes  (1-3)  nous  apprennent  les  noms  du 
YpapLjjiaTsûç  (Lysiadès,  de  l'épistate  (Dèmophilos)  et  de  l'ar- 
chonte (Xénainètos  :  401/0;  cf.  'Aô.  IloÀ.,  40,  4)  (1).  Les  noms 
de  la  tribu  prytane  et  de  fauteur  du  décret  ont  entièrement 
disparu  :  nous  verrons,  à  propos  des  motifs  probables  du  décret, 
quelles  hypothèses  il  convient  d'écarter  ou  de  formuler  touchant 
le  nom  de  son  auteur  {cf.  infra^  p.  403-406). 

Le  passage  qui  suit  (1.  4  et  1.  5  jusqu'à  £tj>yicpia-Oat.  'AQ/ivaioiç) 
est  sensiblement  plus  mutilé  et  plus  obscur.  11  contient,  il  est 
vrai,  quelques  mots  très  heureusement  Conservés  et  d'impor- 
tance capitale,  grâce  auxquels  nous  connaissons  avec  certitude 
l'une  au  moins  —  sinon  la  seule  —  des  catégories  récom- 
pensées :  ce  sont  les  métèques  revenus  de  Phylè  aux  côtés  des 
Athéniens  bannis  ou  fugilifs  ([ol  jjiÉToixJot.  oto?.  o-jvxaTYJABov  àiro 
^u)vg^).  Nous  pen«*ons  au«si,  avec  MM.  Michel  et  Nachmanson, 
que  ce  passage  indiijuait  l'objet  général  du  décret  et  devait  ôtre 

(1)  Nous  ne  reviendrons  pas  ici  sur  Irs  raisons  qui  font  pt«'férer  la  leçon 
[Sevaivs-cjo;  à  la  leçon  [nueôSwpJoç,  suggérée  par  von  Prott  (p.  38)  :  cf.  Kôrte, 
pp.  394-396  ;  Restaur.  démoc,  pp.  463-464. 


LE    DÉCRET    DE    401/0    EN    LHONNEUR    DES    MÉTÈQUES  387 

inlrodiiit  par  les  mois  [ottû,-  av],  (jue  rcslifuent  \os  «leiix  édi- 
teurs. Mais  quel  était  au  jusie  cet  objet?  Selon  M.  Korte,  qu'a 
suivi  M.  Nachinanson,  on  voulait  faire  pailiciper  les  nouveaux 
citoyens  à  la  récompense  doni  avaient  élé  gratifiés  les  Alhé- 
niens  revenus  de  Pliyiè  :  [otuw»;  av  Tr^ç  ôwpsàç  tjL£T£ycoo-!.v  o».  asTO'.- 
x]ot.  OTOt,  (TUVxaTrlAQov  à-rco  ^'jXèç  Tj  lolq  xaT£X[0o7'.  twv  ttoX'.t  wv 
eoôOr,  32  /.].  Le  sens  qu'il  donne  ainsi  à  la  lettre  r\  (l.  4)  exclut 
toute  idée  d'une  deuxième  catégorie  de  personnes  récompen^^ées. 

M.  Michel  ne  propose  aucune  restitution  précisant  l'objet  du 
décret.  De  plus,  il  donne  à  la  lettre  -t]  le  sens  de  :  ou,  admettant 
ainsi  qu'il  s'agit  d'un  second  groupe  de  m(Hèques  :  ce  seraient 
ceux  qui  (sans  être  revenus  de  Phylè  en  compagnie  du  Démos) 
ont  aidé  les  gens  de  Phylè  p(»rsonnellement  ou  en  leur  pro- 
curant des  ressources  :  [otiw;  av ol  {jlstouJoî.  oto». 

(TUVxaTTÎAOov  oLTzb  ^uÀ'^;  7]  Tolç  xaT£X[Bo(r5.v  zSori^'f\(7\cfy  Y]  a-wjjLaTiv  v] 
Xpr.{^aTiv ]. 

La  première  de  ces  deux  restitutions  nous  paraît  très  diffici- 
lement acceptable.  Quelle  est  cette  «  récompense  »  accordée 
aux  Athéniens  revenus  de  Phylè  et  à  laquelle  on  voudrait 
faire  partici[)er  leurs  compagnons  métèques?  On  ne  donne 
aucune  précision  sur  ce  point.  S'agit-il  de  la  TroX'.Tsia  elle- 
même,  recouvrée  par  les  Athéniens  bannis?  Mais  la  uoX'.tsU 
n'a'  pas  élé  rendue  qu'aux  «  revenus  de  Phylè  »  :  elle  est  rede- 
venue, en  403,  la  propriété  commune  de  tous  les  Athéniens. 
De  plus,  si  le  don  du  droit  de  cité  aux  métèques  peut  être  très 
normalement  qualifié  de  «  récompense  »,  il  n'en  va  plus  de 
même  dès  qu'il  est  question  de  citoyens  bannis;  en  recouvrant 
la  TToXiTsia,  ceux-ci  ne  reçoivent  pas  une  récompense  :  ils  ren- 
trent en  possession  d'un  droit  tiaditionnel. 

On  songerait  plutôt  à  la  récompense  exceptionnelle  octroyée 
par  un  décret  d'Archinos  aux  gens  qui  ramenèrent  le  Démos 
de  Phylè  (don  dune  couronne  d'oliviei'  et  de  mille  drachmes 
en  vue  d'un  sacrifice  colleclif  :  f^^schine,  HT,  187;  Cornélius 
iNepos,  Thrasyhule,  IVj  ;  comme  dans  le  d(''cret  d'Archinos,  en 
effet,  il  est  question  ici  de  combattants  de  Phylè.  Mais  ce  décret 


388  PAUL    CLOCHÉ 

d'Arcllinos  a  suivi  de  très  près  le  retour  des  exil(^s  :  dès  lors, 
on  ne  voit  pas  pourquoi  on  aurait  laissé  s'écouler  un  délai  de 
deux  ans  (403-401/0)  avant  de  décerner  aux  métèques  la  ré- 
compense obtenue  par  les  citoyens.  D'autre  part,  le  décret  d'Ar- 
cllinos ne  vise  que  les  cent  et  quelques  personnes  qui  ont 
«  ramené  le  Démos  »,  celles  qui  avaient  subi  à  Phylè  le  pre- 
mier choc  des  troupes  oligarchiques  (Eschine,  III,  190;  cf. 
Restaur.  démoc.^  pp.  13-14),  et  non  la  totalité  des  Athéniens 
revenus  de  Phylè  (1).  Or,  la  restitution  Kôrte  parle  d'une 
récompense  décernée  «  aux  (citoyens)  revenus  de  Phylè  »  sans 
distinction;  pour  que  le  prétendu  parallélisme  fût  maintenu, 
il  devrait  s'agir  ici  des  seuls  métèques  qui  ont  pu  prendre  part 
aux  premiers  combats  de  Phylè  et  être  assiégés  par  les  Trente 
dans  la  forteresse,  comme  les  xaTayàyovTsç  tov  Stjjaov  (cf.  Eschine, 

III,  187  :  oa-oi  auTwv  stzI  <I>'jAt^  STroÀ'.opxyîOyia-av  ots ol  TpiàxovTa 

Tipoyi^yXkoy  -zolq  y-y-^aXoL^ou^TL  <I>uÀ'/,v)  :  notre  décret  parle  de 
«  tous  ceux  qui  sont  revenus  de  Phylè  avec  le  Démos  »  (1.  4)- 

Enfin,  était-il  nécessaire,  pour  associer  les  métèques  à  l'hon- 
neur spécial  que  l'on  décernait  aux  héros  de  Phylè,  de  leur  con- 
férer le  droit  de  cité  ? 

Nous  ne  pouvons  donc  accepter  la  restitution  Kôrte. 
Dès  lors,  les  conséquences  que  l'auteur  en  déduit  touchant  la 
place  du  mot  sIttsv  (non  conservé)  et,  du  même  coup,  le  nombre 
de  lettres  qu'il  convient  d'attribuer  au  nom  de  l'orateur  (9  lettres 
selon  sa  restitution)  nous  paraissent  assez  fragiles.  Nous  pen- 
sons toutefois,  nous  aussi,  que  l'orateur  n'est  sans  doute  pas 
Archinos,  mais  pour  de  tout  autres  raisons,  tirées  des  motifs 
probables  du  décret  (cf.  m/r^,  p.  403-404). 

Plus  prudente  et  plus  restreinte,  la  restitution  Michel  (/]  lolç 
vaT£X[Ooa-(.v  £êo7]Ç)riT|av  rj  o-wuaTiv  ri  ypy][jiaa-(.v ])  nous  semble 


(1)  Conclusion  qui  cadre  avec  les  données  précises  de  Xénophon  :  l'armée  qui 
descendit  de  Phylè  vers  le  Pirée  comptait  un  millier  d'hommes  {HelL,  II,  iv,  10): 
si,  sur  ce  total,  il  n'y  a  pas  eu  plus  de  300  métèques  (cf.  infj^a,  p.  392),  il  s'ensuit 
que,  sur  les  700  citoyens  revenus  de  Phylè,  un  septième  seulement  a  été  gra- 
tifié de  la  récompense  mentionnée  par  Eschine. 


LE    DÉCRET    DE    401/0    EN    l'hONNEUR    DES    MÉTÈQUES  389 

beaucoup  plus  admissible  ;  mais  elle  nëcessile  certaines  expli- 
cations et  précisions.  Quels  sont  ces  métèques  qui,  sans  ôtre 
revenus  de  Pbylè,  ont  aidé,  [)ersonneHoQient  ou  de  leurs  l'es- 
sources,  les  gens  de  Pbylè?  11  ne  peut  s'agir,  évidemment,  de 
l'ensemble  des  métèques  qui  ont  rallié  l'armée  de  Tbrasybule 
au  Pirée  même  :  en  ce  cas,  il  serait  bien  inutile  d'accoider  une 
mention  spéciale  aux  métèques  revenus  de  Pbylè,  puisque 
ceux-ci  également  ont  pris  part  aux  combats  du  Pirée  ;  il  suffi- 
rait de  mentionner  en  bloc  les  métèques  qui  ont  secouru  le 
Démos  dans  sa  lutte  contre  l'aristocratie. 

Mais,  avant  leur  descente  au  Pirée,  les  gens  de  Pbylè  n'ont- 
ils  pu  être  aidés  par  des  métèques  n'ayant  pas  paru  dans  la 
forteresse  et  ne  pouvant  être  rigoureusement  qualifiés  de  «  reve- 
nus de  Phylè  »  ?  Un  tel  fait  n'a  rien  que  de  vraisemblable. 
Dans  les  campagnes  voisines  du  Parnès,  notamment  dans  le 
riche  et  important  dème  d'Acbarnes,  qui  s'étendait  jusqu'aux 
confins  de  la  montagne,  la  garnison  de  Pbylè  a  pu  rencontrer 
dans  la  population  civique  ou  étrangère  de  précieux  concours  ; 
elle  a  pu  être  ainsi  renseignée  et  guidée,  notamment  contre 
les  quelques  centaines  de  mercenaires  et  de  cavaliers  postés  par 
les  Trente  à  environ  trois  kilomètres  de  Pbylè  [Hell.^  II,  iv,  4  et 
suiv.);  elle  a  pu  également  être  ravitaillée,  comme  l'indique 
le  texte  de  Xénopbon  sur  l'introduction  possible  de  provisions 
dans  Pbylè  (toc;  h^ô'^auq  tcov  lw.Tr\oz'nùv  :  HelL,  II,  iv,  3)  :  les 
Trente  avaient  commencé  à  édifier  un  rempart  précisément 
pour  empêcher  un  tel  ravitaillement.  Non  seulement  l'Attique 
septentrionale,  mais  la  Béotie  voisine  était  à  môme  de  participer 
à  ce  genre  d'opérations  ;  précisément,  l'un  des  étrangers  récom- 
pensés, 'AG7]voy'l[T]wv  (le  seul  nom  qui  nous  reste  de  la  tribu 
Aigéis),  paraît  d'origine  béotienne  (cf.  Nacbmanson,  note  III, 
12). 

En  général,  cette  lutte  naissante  contre  l'oligarchie  n'exigeait 
pas  la  présence  permanente  à  Phylè  de  tous  les  combattants  et 
de  leurs  auxiliaires,  surtout  si  leurs  terres,  leurs  demeures  ou 
celles  de  leurs  maîtres  se  trouvaient  à  une  distance  relative- 


390  PAUL    CLOCHÉ 

ment  p'^u  considérable.  Quand,  de  Pliylè,  la  petite  bande  de 
Thi'asybule  a  gagné  le  Piréc,  à  20  kilomètres  au  sud,  certains 
éléments  ont  pu  la  rat  lier  en  route  :  Tfirasybnle  disposait  de 
700  soldats  au  moment  le  la  surprise  dAcharnes  ;  quatr<»  jours 
plus  tard,  il  arrive  au  Pirée  avec  300  lioaimes  de  plus(//e//.,  II, 
IV,  0,  10). 

La  garnison  de  Phylè  a  donc  pu  rocevnir  di^s  concours  moins 
directs,  plu^  intermittents  que  ceux  dis  métèqiies  ayant  com- 
battu à  Pliylè  mem";  et  ces  concours  ont  pu  être  estimés 
assez  précieux  —  vu  l'isolement  et  le  peu  de  ressources  de  la 
poignée  d'hommes  dont  disposait  Thrasybule  à  Torigine — pour 
mériter  une  récompense  aussi  hauto  (|ue  celle  d<'S  combattants. 
La  rrstilution  de  M.  3Ii.:hel  contient  d^nc  de  notables  éléments 
de  vi'aiseml)lanc(',  et  nous  croyons  pouvoir  en  accepir  le  sens 
général.  Quant  aux  quelques  mots  préc(îdant  Tindicalion  sur 
les  métèques  revenus  de  Pbylè,  on  pc^ut  admettre  qu'ils  expri- 
maient, sans  plus  préciser,  Tintention  de  récompenser  ces  auxi- 
liaires du  Démos,  et  Ton  peut  proposer,  en  conséquence,  une 
restitution  de  ce  genre  (l)  :  [otcwç  av  Sojpsàv  Xa[j.êàvw(Tt.v  ol 
^i-zQiY,].  Cette  restitution  (30  lettres)  laisserait  place  pour  deux 
lettres  de  plus  que  celle  de  Kôrte  (32  lettres  :  cf.  supra, 
p.  .387)  et  permettrait  d'attribuer  onze  lettres  au  nom  de  l'ora- 
teur, placé  devant  sIttev  :  nous  verrons  quelle  hypothèse  peut 
être  formulée  à  ce  sujet  (cf.  infra,  p.  406). 

La  suite  de  l'insciiption  (1.  5-6  et  début  de  la  l.  7)  fait  con- 
naître la  récompense  accordée  :  la  izq1\tbU.  Puis  (l.  7),  à  par- 
tir de  [otl],  dont  la  restitution  ne  paraît  pas  souftrir  de  difficulté, 
le  décret  motive  la  récompense.  Le  passage  est  très  mutilé;  un 
seul  des  motifs  allégués  nous  a  été  nettement  conservé  :x'est 
la  part  prise  par  les  métèques  revenus  de  Phylè  à  la  bataille  de 
•  Munychie,  aux  côtés  des  Athéniens  :  o-jvspiàyYia-av  3e  tt^u.  p-ày^v 
Tfi'j.  Moviylao-'.v.  Mais  entre  ces  mots  et  le  mot  [oti]  s'étend  un 
passage  de  2i  b'ttiTS,  que  les  éditeurs  n'ont  pas  cbcrché  à  resti- 

(1)  Bien  entendu,  nous  ne  saunons  prétendre  à  une  restitution  authentique  et 
complète  des  tractions  effacées  du  décret, 


LE    DÉCRET    DE   401/0    EN    L  HONNEUR    DES    MÉTÈQUES  391 

luer,  etdnns  lequel,  selon  loiile  prnliaLililé,  le  décrel,  siii\ant 
Tor-lre  chronolooique,  devait  faire  allusion  au  rôle  joué  par  les 
inélè(jues  à  Phylè,  ou  à  proxiniilé,  avant  la  rnaiche  sur  Muny- 
chic.  La  restitution  suivante  parail  pouvoir  êtie  acceptée  :  [oti 
£êor;QT,a-av  piÈv  to'^  £v  (p'A^'.]  (23  lettres,  ot-.  mis  à  pnrt). 

Après  la  proposition  sur  le  combat  de  Miinycliie,  de  nouveau 
le  décret  (1.  7-8)  apparaît  fortement  mulilé  :  tôv  o[k  46  L 
o]t£,  etc.  Il  est  croyable  que  rinscri[)tion  conlinuail,  dans 
nue  fra(;tion  tout  au  moins  du  pass<ige  man(|uant,  à  signaler 
l'activité  militaire  des  métèques  en  40]  (part  piise  aux  opéra- 
lions  du  siège  d'Alhènes,  etc.)  (1).  On  arrive  ainsi  (1.  8)  aux 
mots  :  [oJT£  al  ôiaXXayal  IvévovTO  xal  etco'Iov  Ta  -poTTa-:[T6[jL£va]. 
C'est  une  allusion  aux  convenlions  passées  entre  la  Ville  et  le 
Pirée  (2).  Quel  rapport  présente-t-elle  avec  l'ensemble  du 
décret?  iNous  formulerons  à  cet  égard  l'hypothèse  suivante  :  il 
se  peut  que  l'orateui*  ait  voulu  louer  les  métèques  de  leur  fidé- 
lité aux  généreuses  promesses  contenues  dans  les  conventions; 
il  les  félicite  de  s'ôtie  conformés  aux  prescriptions  d'oubli 
qu'elles  édictaient  :  ItûoIov  Ta  7ipoa-TaT[T6jjL£va].  Il  convient  de  rap- 
peler l'extrême  importance  que  la  majorité,  sinon  la  totalité, 
des  Athéniens  attachaient  à  la  loi  d'oubli,  la  lidélilé  qu'ils  lui 
témoignèrent,  et  dont  la  nécessité  put  paraître  encore  plus 
impérieuse  en  cette  année  401/0  au  cours  de  laquelle  allaient 
rentrer  —  ou  venaient  de  rentrer  —  les  plus  compromis  des 
aristocrates  ('AB.  IIoX.,  40,  4).  L'auteur  du  décret  pouvait  donc 
avoir  intérêt  à  rappeler  que  les  métèques  n'avaient  pas  été  seu- 
lement de  bons  serviteurs  de  la  démocratie  sur  les  champs  de 
bataille,  mais  qu'ils  avaient  scrupuleusement  respecté  la  paix 
civique  de  403,  que  leur  loyauté  avait  égalé  leur  zèle  et  leur 
vaillance  (3). 

(1)  Le  passage  pouvait  commencer  ainsi  :  xov  8[è  risipaca  ^jeSaiw?  è'a/_ov ]. 

(2)  A  une  époque  déjà  ancienne,  comme  l'indique  le  mot  syévovxo  :  raison  de 
plus  pour  écarter  la  leçon  [n-j^dotoplo^  (1.  2).  Cl',  Reslai/r.  démoc,  pp.  463-464. 

(3)  Quant  au  .passage  sur  1  éyyJ7i<jtç  1.  9),  séparé  par  un  intervalle  de  48  lettres 
du  mot  •n;poTTaT[TÔ;j.£va],  nous  avouons  ne  pouvoir  proposer  aucune  explication 
plausible. 


392  PAUL    CLOCtlÊ 

En  résumé,  on  peut  se  représentei'  ainsi  la  suite  des  idées 
contenues  dans  l'inscription  (en-tôle  mis  à  part)  :  pour  récom- 
penser les  métèrjues  de  l'armée  de  Phylè  et  leurs  auxiliaires 
immédiats,  on  leur  octroie  la  TroX'.TS'la.  Motifs  :  ils  ont  aidé  les 
gens  de  Phylè,  pris  part  s  la  bataille  de  Munychie  et  aux  opé- 
rations ultérieures,  et,  une  fois  les  conventions  conclues,  ils 
s'en  sont  montrés  les  loyaux  observateurs.  Bref,  ce  décret 
paraît  avoir  formé  un  ensemble  assez  cohérent,  qui  retraçait 
en  raccourci  Thistoire  de  la  guerre  civile  et  de  son  lendemain, 
de  l'occupation  de  Phylè  à  la  mise  en  application  du  traité 
d'amnistie  ;  ce  qu'il  récompensait  chez  une  partie  des  métèques, 
c'était  une  série  de  services  suivis  et  prolongés,  et  non  quelques 
services  tardifs  ou  intermittents. 


Quelles  sont  les  raisons  et  circonstances  du  concours  prêté 
par  ces  métèques  à  la  garnison  de  Phylè?  On  peut  s'en  faire  une 
idée,  croyons-nous,  d'après  les  indications,  d'ailleurs  peu  nom- 
breuses, apportées  par  notre  document  sur  les  professions  des 
individus  récompensés.  Les  conclusions  auxquelles  peut  con- 
duire cet  examen  ne  sauraient  être,  malheureusement,  que  très 
partielles  et  modestes,  vu  le  caractère  fort  incomplet  de  la  liste 
que  nous  possédons.  Nous  n'avons  ici  que  il  ou  18  noms  de 
métiers;  or,  il  est  très  probable  qu'il  y  avait  environ  300  mé- 
tèques inscrits  (1)  ;  en  effet,  à  la  ligne  10  de  la  troisième  colonne, 
est  gravé  le  nom  de  la  tribu  occupant  le  deuxième  rang  dans 
l'ordre  officiel  (Aly^iSoç)  ;  donc,  les  noms  inscrits  dans  la  pre- 
mière tribu  (Érechtheis)  remplissaient  les  deux  premières 
colonnes  et  neuf  lignes  de  la  troisième.  Il  y  avait  ainsi  environ 
30  nouveaux  citoyens  par  tribu,  soit,  au  total,  dans  les  300. 
Bref,  nous  ne  connaissons  la  profession  que  de  17  ou  18  ins- 
crits sur  300. 

Cette  réserve  faite,  la  lecture  du  fragment  qui  nous  est  resté 

(1}  Cf.  G\otz,  nevue  historique,  t.  CXXll,  juillet-août  1916,  p.  369. 


LE    DÉCRET    DE    401/0    EN    L  HONNEUR    DES    MÉTÈQUES  393 

n'en  est  pas  moins  fort  instiiiclive.  Nous  ('onstalons,  d'abord, 
que  ce  document  présente  un  caractère  assez  exceptionmd  pour 
une  liste  de  métèques.  l*artni  les  étrangers  domiciliés  en 
Attique  figuraient,  en  nombre  très  considérable,  des  commer- 
çants (ItjLTropo'.),  des  ai'mat(Mirs  (va'>/.)//',po'.  :  beaucouj)  d'^x-opo'. 
étaient  en  môme  temps  armateurs  et  avaient  leur  demeure  au 
Pirée),  des  marins  (vaCÎTa'.),  des  banquiers  (TpaTcsÇiTa».).  Le  monde 
de  la  navigation  et  du  négoce  semble  môme,  d'après  M.  Clerc 
(DicL  Anti(jf.,  111,  [).  1883),  avoir  é(é  plus  largement  représenté 
chez  les  métèques  athéniens  que  le  monde  de  l'industrie.  Or,  le 
débris  de  liste  que  nous  avons  sous  les  yeux  ne  contient,  pour 
ainsi  dire,  pas  un  seul  nom  de  profession  maritime  ou  commer- 
ciale :  il  n'y  a  là  ni  armateurs,  ni  banquiers,  ni  marins,  ni  com- 
merçants; tout  au  plus,  pourrait-on  faiie  une  exception  pour 
le  «  marchand  de  noix  »,  xolo'jo^tuoXt^:;)  (Col.  11,  I.  10)  dont  la 
profession,  d'ailleurs,  touche  de  si  près  aux  milieux  agiicoles 
et  dont  la  demeure  pouvait  parfaitement  se  trouver  en  plein 
dème  rural.  L'ensemble  des  métèques  inscrits  sur  nos  deux 
colonnes  appartiennent  à  la  pelite  industrie,  urbaine  ou  rurale, 
à  l'agriculture  ou  à  des  professions  très  voisines.  Il  y  a  là 
(outre  le  xapuoTrwXyis)  :  un  cuisinier,  ou  boucher,  [AàYc(!.pOv;)  ;  un 
charpentier  ou  menuisier,  Téx[T](wv)  ;  un  fabricant  de  vases, 
o-xacpYi(7io'.6;);  un  foulon,  Yvacp(£Û;);  un  sculpteur,  àyaÂ;jL(aTO'7ro'.6;)  ; 
un  maçon,  o'.>co(o6uloç)  ;  un  boulanger,  àpT07r(o'.6^)  ;  un  travailleur 
à  gages,  [jl5.o-Ô(i)(t6ç)  ;  un  maraîcher,  xYi-op(6ç)  ;  un  ànier,  o'^oy,rj~ 
(uoç);  un  muletier,  opc(i)x(6|j.o;),  et  cinq  cultivateurs  (yswpvoi)  (1). 


(1)  iNous  laissons  entièrement  de  côté  "Eyep3".ç  et  'a6t,voyî[t]wv,  dont  le  métier 
n'est  pas  indiqué  du  tout  (Col.  lll,  1.  6  et  11).  Restent  'Ova.jxT,;  6X....  o  et  ...w-o; 
sXaiov  (-  -).  Le  nom  de  métier  qui  se  rapproche  le  plus  de  la  forme  ôX...,o,  c'est 
oT^IxoTtotôî  (fabricant  de  mortier);  mais,  en  ce  cas,  sll  y  a  vraiment  quatre  lettres 
manquantes  dans  le  nom  gravé  sur  la  pierre,  c'est  un  t  qui  devrait  se  trouver  à 
la  place  d'un  o. 

Quant  à  iXaioY(-  -),  cette  forme  est  très  voisine  du  mot  èXaioXôyoç  (celui  qui 
fait  la  cueillette  des  olives).  Est-il  impossible  que  le  lapicide,  trompé  par  la  pré- 
sence du  premier  X  et  peut-être  désireux  d'aller  vite,  ait  laissé  tomber  la  syllabe 
Xo  ?  Si  l'on  admet  cette  hypothèse,  ce  serait  un  nom  de  métier  agricole  à  ajouter 
à  ceux  qui  remplissent  une  grande  partie  de  notre  liste. 


394  PAUL    CLOCHÉ 

Plus  de  la  moitié  des  nouveaux  citoyens  sont  adonnés  à  ces 
professions  agricoles  ou  semi-agricoles  qui  complaieut  en  géné- 
ral si  peu  dadeptes  dans  la  cla-se  des  métèques.  M.  Cleic  [Dict. 
Aniiq.,  lll,  p.  188-J)  dil  que.  dans  celte  classe,  on  renconirait 
en  grand  nombre  «  des  arli^ans  de  lous  les  métiei's,  maçons, 
menuisiers....,  sculpteurs  »  ;  la  petite  industrie  «  fournit  beau- 
coup de  noms,...  boulangers,  cuisiniers,  Foulons...  »,  tandis  que 
«  ragricullure  a  peu  d<î  représentants  »  (1).  Or,  sur  noire  liste, 
on  rencontre  sans  doute  un  maçon,  un  sculpteur,  un  menui- 
sier, un  foulon,  un  cjiisiniei',  un  boulanger  ;  mais  le  monde 
rural  est  au  moins  aussi  largemenl  i*e[)résenlé;  un  maraîcher, 
un  ânier,  un  mulelier,  cinq  cultivateurs  figurent  sur  notre  liste; 
il  est  d'ailleurs  très  possible  que  le  ;jLr,a-9w(T6ç)  soit  un  salarié 
agricole  (2)  et  qu'une  partie  des  artisans  énumérés  ci-dessus 
(notamfnent  le  menuisier,  le  maçon,  le  cuisinier,  ou  boucher, 
le  boulanger)  aient  exercé  leur  industrie  dans  telle  ou  telle 
bourgade  de  la  campagne  atti(|uo  ;  le  boulanger  même  devait 
être  en  relations  régulières,  comme  le  xapuoTiwX-r.ç,  avec  les 
milieux  ruraux. 

En  résumé,  tandis  qu'une  liste  de  métèques  conforme  au  type 
habituel  devrait  contimir  prestjue  exclusivement  des  commer- 
çants, des  aimateuis,  des  niatelots,  des  industiiels  et  des  arti- 
sans (avec  une  certaine  prépondérance  peut-être  pour  le  com- 
merce et  la  navigation),  ici,  il  n'y  a,  pour  ainsi  dire,  pas  trace 
de  marins,  de  négociants,  de  grands  industriels  (tel  Lysias),  et 
nous  voyons  des  représentants  de  la  catégorie  à  laquelle  les 
métèques  étaient  le  plus  ordinairement  étrangers  tenir  la  place 
d'honneur  qui    paraîtrait   devoir  revenir  aux  ï^x-ko^oi  et  aux 

Or,  quand  on  assigne  aux  métèques  un  rang  éminent  parmi 

(1)  D'après  les  dédicaces  des  phiales  ofï'ertes  à  la  déesse  f/G,  II,  768  a-774c; 
Tod,  Annual  of  the  Bril.  School  al  Athens,  t.  VIII,  1901-2,  p.  211  ss.),  sur 
69  affranchis,  par  conséquent  sur  69  ui<''tè<|ues,  dont  le  métier  est  connu,  il  y  a 
9  cultivateurs  et  2  vignerons,  auxquels  oji  peut  ajouter,  si  l'on  veut,  un  mar- 
chand de  If'gumes  et  un  marchaud.de  s'same  [G.  G.]. 

(2)  De  même  que  llXaioy  (-  -)  :  cf.  note  précédente. 


LE   DÉCRET   DE    401/0    EN    l'hONNEUR   DES    MÉTÈQUES  395 

les  victimes  de  la  tyrannie  des  Trenle,  on  s'étend  volontiers 
sur  les  dommages  soiillerts  par  la  navigation,  le  commerce,  la 
grande  industrie,  tous  moiJes  d'aclivilé  auxquels  les  métèques 
du  Pirée  étaient  si  largement  adonnés  ;  on  songe  plus  particu- 
lièrement aux  terribles  etTets  qu'entraîna  pour  une  poignée  de 
rittlies  métèques  l'application  du  décret  Pison-Théognis  (liuit 
furent  mis  à  mort,  avec  deux  métèques  pauvres,  selon  Lysias, 
Xn,  7;  trcmte,  selon  Xénoption,  HelL,  11,  ui,  40;  soixante, 
selon  Diodore,  XIV,  5,  6).  C'est  là,  en  eiïet,  l'un  des  événe- 
ments les  plus  saillants  de  la  domination  de  Critias;  d'une 
façon  plus  générale,  il  est  très  possible  que  l'abandon  de  la 
grande  politique  extérieure  et  navale  de  la  démocratie  athé- 
nienne, la  surveillance  étroite  exercée  sur  le  Pirée  par  les  dix 
délégués  directs  de  Toligarchie  ('AQ.  IloX.,  35,  1)  aient  porté  à 
l'activité  commerciale,  industrielle  et  maritime  des  métèques 
des  coups  sensibles.  En  conséquence,  ils  ont  dû  désirer  la 
chute  du  régime  aristocratique,  et  leur  irritation  a  dû  grandir 
encore  après  les  exécutions  des  riches  industriels  et  négociants 
frappés  par  la  rapacité  des  Trente  (1). 

Mais  ce  n'est  là  qu'un  côté  des  faits,  et  notre  inscription 
nous  révèle  précisément  un  aspect  nouveau  de  l'hostilité  qui 
régna  entre  l'oligarchie  et  les  étrangers  domiciliés.  La  liste  que 
nous  avons  analysée  plus  haut  nous  apprend  que,  dans  un 
monde  très  dilférent  de  celui  auquel  appartenaient  Lysias, 
Polémarchos  et  les  autres  victimes  de  la  tyrannie,  dans  les 
milieux  ouvriers  et  agricoles,  des  métèques  se  dressèrent  avec 
vigueur  contrer  la  coterie  régnante;  et  cela,  dès  les  premières 
heures  de  la  guerre  civile.  Peut-être  y  avait-il  déjà  de  ces 
métèques  dans  les    rangs  du  hardi  peloton   qui  s'élança  de 

(1)  Cette  irritation  n  avait  pas  nécessairement  pour  cause  une  hostilité  systé- 
matique et  de  principe  contre  l'oligarchie.  Xénophon  fait  dire  à  Théramène  que, 
si  l'on  exécute  des  métèques,  «  tous  les  métèques  deviendront  hostiles  au 
régime  »  {HelL,  II,  m,  40).  Donc,  du  moins  d'après  le  contemporain  Xénophon, 
les  métèques,  en  principe,  étaient  neutres.  Ajoutons  que  l'irritation  et  l'inquié- 
tude qu'ont  pu  provoquer  parmi  eux  les  exécutions  ne  les  portaient  pas  forcé- 
ment à  entreprendre  une  action  immédiate  ou  très  rapide  contre  le  gouvernement 
des  Trente  (cf.  infra,  p.  401). 

REG,  XXX,  1917,  n»  140.  27 


396  PAUL    CLÔCttÉ 

ïhèbes  derrière  Thrasybule;  mais,  à  coup  sûr,  un  certain 
nombre  se  joignirent  aux  occupants  de  Phylè,  ou  secondèrent 
puissamment  leur  action. 


Quelles  sont  les  raisons  probables  et  les  circonstances  de 
cette  rapide  intervention  des  éléments  ruraux  et  ouvriers? 
Selon  nous,  elles  se  distinguent  nettement  de  celles  qui  purent 
soulever  contre  Toligarchie  (et  à  une  époque  peut-être  beau- 
coup plus  tardive  :  cf.  infra,  p.  401)  les  métèques  commerçants 
et  marins  du  Pirée.  Les  événements  auxquels  elles  paraissent 
se  référer  sont  très  différents  du  déclin  naval  et  commercial 
et  de  l'exécution  des  riches  métèques;  ils  sont  d'ailleurs  bien 
connus,  mais  on  n'en  avait  pas  encore  déterminé  les  rapports 
probables  avec  le  sort  et  l'attitude  des  métèques  en  403  (1). 

La  tyrannie  des  Trente  ne  s'est  pas  bornée  à  entraver,  indi- 
rectement ou  non,  l'essor  des  affaires  maritimes  et  commer- 
ciales et  à  dépouiller  un  petit  nombre  d'étrangers  riches;  elle 
a  eu  également  pour  effet,  par  des  mesures  directes  et  systé- 
matiques, de  déplacer,  de  «  bousculer  »  plus  ou  moins  forte- 
ment de  nombreux  éléments  de  la  population  ouvrière  d'Athènes 
ou  des  faubourgs,  et,  plus  encore,  de  la  population  rurale. 
Ces  mesures,  ce  sont,  d'abord,  les  expulsions  et  les  interdic- 
tions de  séjour  qui  ont  suivi  ou  précédé  de  peu  l'occupation  de 
Phylè  par  Thrasybule.  Les  expulsions  pioprement  dites,  qui 
furent  de  très  peu  postérieures  à  la  prise  de  Phylè  (Diodore, 
XIV,  32,4;  Lysias,  XXV,  22  et  XXXI,  8  :  cf.  R.  E.  G.  janv.- 
mars  1911,  pp.  63  et  suiv.),  forcèrent  des  milliers  d'habitants 
à  franchir  les  portes  d'Athènes.  Il  se  peut  même  que  ces 
expulsions  se  soient  étendues,  par  répercussion  immédiate,  à 
la  population  des  faubourgs  (voir  le  paragraphe  suivant).  Ces 
expulsés  se  rendirent  en  masse  au  Pirée  et  dans    la  région 


(1)  Nous  en  avons  ici  même  étudié  la  chronologie  :  cf.  Rev.  Et.  gr.^  janv.-mara 
1911,  pp.  63-76. 


LE   DÉCRET   DE    401/0    EN    L*HONNEUR    DES    MÉTÈQUES  39? 

comprise  entre  les  emplacements  des  anciens  Longs-Murs 
(Justin,  V,  9).  Il  est  ainsi  très  possible  et  très  naturel  qu'un 
certain  nombre  de  ces  bannis,  n'ayant  plus  ni  domicile  ni 
moyens  assurés  d'existence  et  violemment  irrités  contre  les 
Trente,  aient  gagné  Phylè  même,  où  ils  pouvaient  du  moins 
trouver  des  ressources  dans  le  pillage  des  champs  (cf.  Xén., 
Hell.^  II,  IV,  4  :  les  Trente  «  v!,yva)a-xovTe;  8e  ot'.  xal  sx  twv  àvptov 
Xer^XaTT] 0-0 '.ev...  »).  Parmi  ces  expulsés  ayant  gagné  Phylè  ont 
pu  se  trouver  quelques-uns  des  métèques-artisans,  maçons, 
foulons,  menuisiers,  qui  figurent  sur  notre  liste  (1)  :  les 
métèques  avaient  dû  être  soumis  à  la  mesure  générale  de 
bannissement  dont  furent  exempts  (en  dehors  des  Athéniens  qui 
déjà  ne  séjournaient  plus  dans  la  ville)  les  seuls  Trois-Mille 
privilégiés  (Diod.,  XIV,  32,4). 

Deux  autres  mesures  des  Trente,  les  interdictions  de  séjour 
et  les  dépossessions  et  expulsions  de  «  ruraux  »,  ont  pu  égale- 
ment conduire  à  Phylè  un  nombre  considérable  de  métèques. 

Les  interdictions  de   séjour  (ol  ùï  TpûxovTa iipoeiTrov  [jlèv  toIç 

l\{ù  ToG  xaTaXoyo'j  {jit,  elo-iÉvai  elç  tô  a^-ru  :  Hell.^  II,  iv,  1)  pouvaient 
également  frapper  des  métèques-artisans,  ceux  qui  demeuraient 
en  dehors  de  l'enceinte,  dans  les  faubourgs  (7rpoàa-T!.a)  (2),  et 
ceux  qui  étaient  étroitement  mêlés  à  la  population  agricole  et 
satisfaisaient  à  certains  de  ses  besoins  essentiels.  Enfin,  l'in- 
terdiction de  séjour  s'appliquait  à  la  masse  des  ruraux  et 
frappait  ainsi  directement  cette  catégorie  de  métèques-labou- 
reurs, maraîchers,  journaliers,  qui  est  si  abondamment  repré- 
sentée sur  notre  liste. 

Sans  doute,  cette  mesure,  ne  contraignant  à  aucun  déplace- 
ment, était,  à  première  vue,  moins  propre  que  la  précédente  à 
bouleverser  immédiatement  et  profondément  la  vie  des  per- 


(1)  Plusieurs  de  ces  artisans,  il  est  vrai,  pouvaient  habiter  des  bourgades 
rurales  :  en  ce  cas,  ils  auront  été  gravement  atteints  par  d'autres  mesures  que 
les  expulsions  :  voir  le  paragraphe  suivant. 

(2)  A  moins  qu'ils  n'aient  été  expulsé*  avec  le  TtXî^Ooç  de  la  ville  :  voir  le  para- 
graphe suivant. 


398  PAUL    CLOCHÉ 

sonnes  qu'elle  atteignait  ;  elle  ne  paraissait  pas  devoir  les 
pousser  aussi  fortement  à  gagner  le  Pirée  ou  la  frontièie  ou 
Tarmée  de  Thrasybule.  Mais  par  ses  efl'ets  ultérieurs,  el  peut- 
être  assez  rapides,  rinterdiction  de  séjoui*,  Timpossibilité  d'accé- 
der à  l'enceinte  et  à  l'agora  (1)  devait  sérieusement  entraver 
l'activité  du  propriétaire  rural  ou  du  fermier.  Si  le  métèque  des 
campagnes  ne  pouvait  être  propriétaire,  il  n'y  en  avait  pas 
moins  dans  la  ruine  ou  les  pertes  d'argent  de  son  maître  ou 
employeur  une  source  de  gêne  très  grave  ou  de  misère  pour  lui- 
même. 

Du  même  coup,  en  brisant  les  relations  entre  la  ville  et  les 
dèmes  ruraux,  l'interdiction  de  séjour  paralysait  certains 
commerces  urbains  ou  certaines  petites  industries  dont  les 
rapports  avec  le  monde  agricole  étaient  une  nécessité  perma- 
nente, et  dont  il  est  précisément  question  dans  notre  docu- 
ment (àcTOTToioç,  xapuoTrwÀTiç) . 

Mais  plus  grave  et  plus  décisive  encore  put  être  la  mesure 
qui  allait  compléter  l'interdiction  de  séjour  :  à  savoir  l'expul- 
sion de  nombreux  propriétaires  fonciers  hors  de  leurs  domaines 
(y^Yov  8à  £x  Twv  '^(opiwv,  l'va  auTol  (les  Trente)  xal  ol  cpiÀot.  toÙç  tou- 
T(i)v  àyp^ùç  r^o'.ev  :  HelL,  II,  iv,  1)  (2).  Ce  bouleversement  de  la 
propriété  rurale  n'atteignait  pas  que  les  maîtres  du  sol  (tous 
citoyens  athéniens)  ;  il  frappait  du  même  coup  leurs  fermiers, 
intendants  et  ouvriers,  et  les  artisans  qui  travaillaient  pour  le 
domaine  rural,  et  il  devait,  en  bien  des  cas,  entraîner  leur 
exode  à  la  suite  de  leurs  maîtres,  employeurs  ou  clients,  soit 
vers  le  Pirée  (cpsuyovTwv  ôè  sic  tov  n£t.paLà  :  HelL^  II,  iv,  1)  soit 
vers  les  frontières  de  l'Ouest  et  du  Nord  (Mégaride  et  Béotie  : 
HelL,  II,  IV,  1),  d'oij  ils  pouvaient  être  amenés,  comme  les 
propriétaires  dépossédés,  à  gagner  Phylè  (3). 

(1)  Tandis  que  la  mer  n'est  pas  fermée  aux  métèques-navigateurs  (cf. 
infra,  p.  401). 

(2)  Que  ces  dépossédés  aient  été  nombreux,  c'est  ce  qui  résulte  du  texte  de 
Xénophon,  qui,  deux  lignes  plus  bas,  applique  à  une  fraction  d'entre  eux  l'épi- 
thète  de  ttoUoûî  {HelL,  II,  iv,  1). 

(3)  Mégare  est  à  28  kilomètres,  Thèbes  à  32  kilomètres  de  Phylè  :  une  partie, 


LE    DÉCRET    DE    401/0    EN    l'hONNEUR    DES    MÉTÈQUES  399 

Bref,  loufe  mesure  des  Trenle  tendant  à  rendre  intenables 
les  domiciles  des  citoyens  ou  des  mélèques  (domiciles  souvent 
communs  :  ainsi  pour  les  yswpyo'l),  à  altérer  gravement  ou  à 
paralyser  leur  vie  économique,  devait  nalurellement  pousser 
une  partie  de  ces  derniers,  même  en  Tabsonce  de  fortes  convic- 
tions détnocrali(|ues  (1),  à  cherchei'  gîte  et  subsistance  au 
camp  de  Thrasybule,  môme  alors  que  l'armée  de  la  révolution 
n'avait  encore  que  des  chances  minimes  d<'  triomphei'  et  n'occu- 
pail  qu'un  point  presque  imperceptible  de  la  frontière  attico- 
béotienne. 

Le  fait  que  deux  des  mesures  brutales  prises  par  les  Trente 
(interdictions  de  séjour  et  mainmise  sur  les  domaines  ruraux) 
aient  frappé  autant  ou  davantage  la  population  agricole  que  la 
population  ouvrière,  permettrait  donc  d'expliquer  pour  quelle 
raison  Télém'^nl  rural,  en  général  si  médiocrement  représenté 
chez  les  étrangers  domiciliés,  paraît  avoir  une  telle  importance 
dans  la  catégorie  des  métèques  qui  rallièrent  Phylè  (à  en  juger 
du  m  )ins  par  les  débris  de  notre  liste).  Et  c'est  d'autant  plus 
remarquable  que  les  éléments  ruraux  de  la  population  athé- 
nienne ne  passent  pas  précisément  pour  avoir  été  les  plus 
«  radicaux  »,  les  plus  prompts  à  s'enthousiasmer  pour  un 
mouvement  démocratique.  Ici,  nous  voyons  une  fraction  d'entre 
eux  figurer  à  l'avant-garde  de  la  poussée  révolutionnaire  (2). 


des  fugitifs  ont  donc  pu  assez  rapidement  partir  de  Mégare  pour  Phylè,  comme 
d'autres  étaient  venus  de  Thèbes. 

(1)  En  général,  elles  paraissent  avoir  été  moins  ardentes  dans  les  campagnes 
qu'au  Pirée  (cf.  Clerc,  Met.  ath.,  pp.  446,  448  ;  Rest.  démoc,  pp.  442,  450,  note  1); 
mais  il  est  des  cas  dans  lesquels  une  nécessité  économique,  un  intérêt  pressant 
et  immédiat  peuvent  pousser  à  l'action  aussi  vigoureusement  que  la  conviction 
la  plus  forte. 

(2)  On  peut  voir,  du  reste,  en  général,  par  certains  indices,  que  les  cam- 
pagnards athéniens,  loin  d'être  favorables  à  l'aristocratie,  comme  on  l'a  dit  quel- 
quefois (cf.  Reslaur.  démoc,  p.  446,  note  \),  ont  soutenu  avec  énergie  la  lutte 
contre  la  Ville  en  403  :  lAcharnien  Diotimos  arme  1»'S  gens  de  son  dème  (Lysias, 
XXXI,  16);  des  campaiinards  d'Aixonè  se  font  massMcrer  par  les  cavaliers  de 
Lysimachos  en  cherchant  à  ravitailler  If  Pir''e  (Xén.,  Hell.,  11.  iv,  26)  L'action 
des  n»étèq'ies-ruranx  au  cours  de  la  guerre  civile  cesse  ainsi  d'être  un  fait  isol'^  et 
paraît  se  rt^lier  'en  prenant  l-s  devants)  à  tout  un  mouvement  d'ensemble  du 
monde  des  campagnes  contre  l'oligarchie  spoliatrice. 


400  PAUL    CLOCHÉ 

Peut-on  pousser  plus  avant  cette  conclusion  et,  du  fait  que 
sur  notre  document  ne  sont  pas  représentées  les  professions 
maritimes  et  commerciales,  inférer  que  seuls  —  ou  à  peu  près 
—  les  métèques  paysans  et  artisans  appuyèrent  l'action  démo- 
cratique à  sa  naissance  (entre  l'occupation  de  Phylè  et  la  des- 
cente au  Pirée)?  Nous  ne  croyons  pas  qu'une  telle  conclusion, 
sans  être  le  moins  du  monde  dénuée  de  vraisemblance  ou 
démentie  par  les  textes,  soit  vraiment  et  pleinement  autorisée. 

En  effet,  pour  que  l'absence  de  marins  et  d' stjLTuopo!.  sur  notre 
fragment  de  liste  tendît  très  sérieusement  à  prouver  que  ces 
éléments  n'ont  pas  figuré  à  Phylè,  deux  conditions  seraient 
nécessaires  :  il  faudrait  d'abord  que  la  tribu  Erechlheis  —  la 
seule  sur  laquelle  notre  débris  de  document  nous  renseigne  — 
ait  possédé  des  dèmes  assez  fortement  peuplés  de  marins  et 
d' £|jm:opoL  ;  il  faudrait  aussi  qu'il  y  ait  eu  à  coup  sûr  absence 
totale  de  représentants  de  ces  catégories  sur  les  colonnes  con- 
sacrées à  cette  tribu. 

Or,  si  la  tribu  Erechtheis  a  possédé  des  dèmes  côtiers  (tels 
Anagyre,  Lamptres,  situés  respectivement  à  35  et  à  40  kilo- 
mètres de  Phylè)  (1),  renfermant,  selon  toute  apparence,  une 
certaine  population  de  marins  (2),  il  n'en  reste  pas  moins  que 
le  gros  des  navigateurs,  métèques  ou  citoyens,  devaient  se 
trouver  dans  les  dèmes  de  Phalère  et  surtout  du  Pirée  :  or  ces 
dèmes  appartenaient  aux  tribus  ^Eantis  et  Hippothoontis,  qui 
occupaient  les  neuvième  et  huitième  rang  dans  Tordre  officiel 
et  ne  figurent  pas  sur  notre  document. 

Cependant,  vu  le  caractère  partiellement  maritime  de  divers 
dèmes  de  la  tribu  Erechtheis,  le  fait  que  notre  inscription  ne 

(1)  Au  sud-est  du  Pirée  :  cf.  Atlas  pour  servir  à  l'histoire  grecque  de  Curtius, 
Bouché-Leclercq,  Paris,  1883.  La  tribu  Erechtheis  possédait  d'ailleurs  des  dèmes 
d'un  caractère  très  différent,  profondément  enfoncés  dans  la  campagne  attique, 
comme  celui  de  Céphisia,  à  18  kilomètres  au  sud-est  de  Phylè,  qui  a  pu  fournir 
des  renforts  à  la  garnison  de  cette  place. 

(2)  Pas  exclusivement  d'ailleurs  :  le  dème  côtier  d'Aixonè,  situé  également  sur 
la  côte  sud-occidentale  de  TAttique,  était  peuplé,  au  moins  en  partie,  de  cam- 
pagnards, dont  les  ressources  servent  au  ravitaillement  de  l'armée  du  Pirée 
\Hell.,  II,  IV,  26). 


LE    DÉCHET    DE    401/0    EN    l'hONNEUR    DES    MÉTÈQUES  401 

mentionne  aucun  marin  serait  un  indice  fort  intéressant,  si 
nous  possédions  la  liste  complète  des  nouveaux  citoyens  de 
cette  tribu  :  or,  il  manque  envii'on  le  tiers  ou  les  deux  cin- 
quièmes des  noms,  parmi  lesquels  se  rencontraient  peut-être 
des  gens  de  mer. 

Dans  ces  conditions,  nous  devons  nous  abstenir  de  toute 
conclusion  formelle.  Nous  croyons  cependant  avoir  le  droit  de 
formuler  une  hypothèse  que  notre  fragment  de  liste,  s'il  ne  la 
confirme  pas,  rend  particulièrement  intéressante  :  il  ne  semble 
pas  qu'une  fraction  appréciable  de  métèques  marins  ou  com- 
merçants (catégorie  dont  notre  document  ne  porte  aucune 
trace)  ait  pris  part  aux  opérations  de  Phylè  ;  l'ensemble  des 
métèques  de  cette  catégorie  qui  purent  appuyer  l'armée  démo- 
cratique n'ont  dû  alfluer  au  camp  de  ïhrasybule  qu'après  l'af- 
faire de  Mimychie.  Nous  ne  connaissons  aucun  texte  démentant 
cette  hypothèse,  et  des  considérations  d'une  certaine  valeur 
paraissent  militer  en  sa  faveur. 

Les  marins,  armateurs  et  epiTiopo'.,  qui,  parmi  les  dèmes 
côtiers,  habitaient  principalement  le  Pirée,  souffrirent,  sans 
doute,  de  la  domination  des  Trente,  et  ils  furent  dès  l'origine 
soumis  à  la  surveillance  gênante  des  dix  archontes  du  Pirée, 
créatures  du  gouvernement  de  Critias(Aristote, 'AG.  IToa.,  35, 1). 
Mais  enfin  —  si  l'on  met  à  part  l'exécution  du  projet  Pison- 
Théognis,  qui  coûta  la  vie  à  trente  ou  soixante  métèques  et  qui 
provoqua  la  fuite  de  Lysias  — ,  on  ne  voit  nulle  part  qu'ils  aient 
été  dépouillés,  chassés  de  leurs  foyers  ou  domaines  et  réduits 
à  des  moyens  hasardeux  d'existence,  comme  le  furent  les  cam- 
pagnards et  les  citadins  non  inscrits  sur  la  liste  privilégiée  des 
Trois-Mille.  Les  métèques  commerçants  et  marins  du  Pirée  et 
autres  dèmes  côtiers  ne  paraissent  pas  avoir  été  poussés  par  de 
pressantes  raisons  d'ordre  matériel  à  gagner  l'étranger  ou  à 
mener,  vers  la  frontière  attique,  la  vie  de  soldats-pillards,  Ils 
pouvaient  parfaitement  continuer  à  surveiller  leurs  affaires  au 
Pirée  même,  qui,  loin  d'être  vidé  de  ses  habitants,  allait  servir 
d'asile  à    une    partie   des   citadins   et   des   ruraux    expulsés 


402  PAUL    CLOCHÉ 

{HelL,  II,  IV,  i),  et  la  raer  leur  restait  ouverte,  tandis  que  la 
ville  était  fermée  aux  gens  de«  rampHgnes  (1). 

Le  seul  exemple  certain,  à  notre  connaissance,  d»^  métèque 
ayant  quitté  le  Pirée  avant  Toccupaliim  de  Phylè  et  apporté  à 
l'œuvre  du  relour  une  collaboration  empressée  et  féconde,  c'est 
celui  de  Lysias  ;  or,  Lysias  avait  précisément  souffert  de  la 
tyrannie  à  titre  personnel,  et  il  n'avait  dû  son  salut  qu'à  la  cor- 
ruption et  à  la  fuite  (cf.  Lysias,  XII,  8  et  suiv.).  Mais  c'est  là 
—  autant  que  les  textes  permettent  d'en  juger  —  un  cas  excep- 
tionnel :  dans  l'ensemble,  la  politique  suivie  par  l'oligarchie 
vis-à-vis  du  Pirée  semble  avoir  été  beaucoup  moins  brutale 
que  la  politique  de  spoliation  et  d'éviction  pratiquée  contre  les 
ruraux.  Dès  lors,  il  ne  serait  pas  très  surprenant  que  les  étran- 
gers domiciliés  au  Pirée  n'aient  pas  voulu  mener,  dans  l'armée 
de  Phylè,  une  vie  de  gêne  et  de  périls  et  risquer  d'être  coupés 
de  leurs  foyers  par  une  attaque  heureuse  des  Trenle;  il  paraît 
plus  naturel  qu'ils  aient  attendu,  pour  appuyer  Thrasybule,  la 
présence  de  son  armée  victorieuse  au  Pirée  même. 

Nous  n'oublions  pas,  d'ailleurs,  que  diverses  raisons  étran- 
gères à  l'intérêt  égoïste  et  tangible  et  au  dommage  immédiat 
pouvaient  pousser  vers  Phylè  des  métèques  du  Pirée  :  l'ardeur 
du  sentiment  démocratique,  le  désir  d'aider  promptement  à  la 
chute  d'un  gouvernement  odieux  et  dangereux,  ont  pu  susciter, 
même  de  la  part  d'individus  paisiblement  installés  dans  leurs 
foyers  et  adonnés  à  leurs  affaires,  des  concours  très  rapides  et 
gros  de  périls  ;  et,  de  ces  concours,  la  fraction  disparue  du 
décret  portait  peut-être  la  trace.  Seulement,  nous  n'en  possé- 
dons aucune  preuve,  tandis  que  nous  avons  la  preuve  très 
claire  que  des  mélèques  ruraux  ont  coopéré  dès  la  première 
heure  au  succès  de  l'entreprise  révolutionnaire.  En  l'état  actuel 
des  textes,  ce  n'est  pas  parmi  les  métèques  marins  et  com- 
merçants du  Pirée,  généralement  réputés  pour  la  vigueur  de 

(1)  En  fait  d'expulsions  hors  du  Pir^e,  on  ne  connaît  que  cpVes  dont  furent 
victimes  Ips  ruraux  qui  s'y  étaient  réfugiés,  et  que  les  Trente  en  chassèrent  : 
cf.  HelL,  II,  IV,  f. 


LE    DÉCRET    DE    401/0    EN    l'hONNEUR    DES    MÉTÈQUES  403 

leur^^  ti^ndances  democrali  |ue«,  que  l'on  doit  chorcher  (mis  à 
paît  le  cas  tiès  particulier  de  Lysjas)  les  premiers  ouvriers  de 
la  reslauration  démocralique  :  c\»st  bien  plutôt  parmi  les  arti- 
sans de  la  ville  et  des  faubourgs,  et,  plus  encoi'e,  dans  les 
milieux  ruraux  et  demi-ruraux. 

Bref,  rtiypothèse  suivant  laquelle  les  métèques  du  Pirée, 
généralement  adonnés  aux  professions  navales  et  commerciales, 
ne  seraient  entrés  en  scène  qu'après  Munychie,  n'est  pas 
démontrée;  mais  elle  n'a  contre  elle  aucun  texte  positif,  elle 
repose  sur  un  fond  assez  solide  de  vraisemblance,  et  elle  reçoit, 
sinon  une  force  réelle,  du  moins  un  intérêt  plus  vif  et  renou- 
velé du  décret  voté  sousTarchontat  de  Xénainètos.  Ce  document 
nous  a  tout  au  moins  invités  à  grouper  de  nouveau  les  éléments 
du  problème. 


Quels  purent  être  les  motifs  et  les  origines  du  décret  qui 
récompensait  ainsi,  en  401/0,  les  métèques  de  l'armée  de 
Phylè?  A  première  vue,  on  songe  à  le  rattacher  au  grand 
conflit  qui  s'était  engagé  en  403  autour  des  étrangers  et  SoGXot. 
revenus  du  Pirée  avec  le  Démos  (cf.  'A9.  IIoX.,  40,  2).  Un  décret 
du  démocrate  Thrasybule  ayant  conféré  la  tcoàitsU  à  tous  ces 
combattants  sans  distinction,  Archinos,  ancien  partisan  de 
Théramène,  fit  casser  le  décret  en  intentant  à  son  auteur  une 
ypacpTi  TiapavopKov.  On  est  ainsi  amené  à  formuler  l'hypothèse 
suivante  :  Archinos,  pour  ne  pas  mécontenter  à  l'excès  les 
métèques,  pour  ne  pas  paraître  systématiquement  indifférent 
aux  services  rendus,  a  voulu  faire  un  geste  en  faveur  des 
plus  méritants  d'entre  eux  :  ceux  qui,  pour  une  raison  ou 
pour  une  autre,  avaient  montré  le  plus  de  promptitude  et 
d'audace  à  appuyer  l'action  des  bannis  (1). 


(l)  L'absencp  de  toute  certitude  sur  la  tenpur  authentique  de  la  li^ne  4  du 
décret  (cf.  supra,  p.  390)  n'iut^^rdil  pas,  en  principe,  de  restituer  ['Af«/îvo;]  devant 
[cIicEv],  dont  la  place  exacte  n'est  pas  connue. 


•404  PAUL    CLOCHÉ 

Cette  hypothèse  ne  nous  paraît  pas  pouvoir  tenir  contre  la 
date  du  décret.  Comment  l'auteur  de  cette  mesure  aurait-il 
attendu  deux  ans  pour  atténuer,  d'ailleurs  médiocrement,  les 
effets  de  son  initiative  de  403,  et  pour  manifester  ses  senti- 
ments de  bienveillante  équité  ?  Son  intérêt,  au  contraire,  était 
de  faire  procéder  le  plus  tôt  possible  à  l'enquête  indispensable: 
enquête  qui,  si  minutieuse  fût-elle  (1),  ne  pouvait  se  prolonger 
durant  deux  longues  années  et  qu'il  était  très  possible  de  faire 
aboutir  en  quelques  mois,  donc  au  cours  de  l'archontat 
d'Euclide.  Il  y  a  donc  solution  de  continuité  très  nette  entre 
la  victoire  d'Archinos  sur  Thrasybule  et  le  décret  de  401/0.  Dès 
lors,  pourquoi  Archinos  aurait-il  brusquement  repris  sous  l'ar- 
chontat de  Xénainètos  une  partie  du  projet  qu'il  avait  fait 
échouer  deux  ans  plus  tôt  ?  Quel  intérêt  aurait  eu  alors  cet 
«  aristocrate  modéré  »,  si  résolument  hostile  à  l'introduction 
d'éléments  étrangers  dans  la  cité  (cf.  Restaur.  démoc.^ 
pp.  455-458),  à  réclamer  l'adjonction  au  Démos  d'un  certain 
nombre  de  métèques?  Quel  appui  ces  «  petites  gens  »  auraient- 
elles  apporté  à  la  politique  conservatrice  d'Archinos  et  des 
théraménisles? 

Nous  croirions  plus  volontiers  à  une  sorte  de  retour  offensif 
de  Thrasybule  ;  mais  ce  retour  offensif  a  été  très  limité,  tardif, 
et,  selon  nous,  beaucoup  moins  dicté  par  les  motifs  dont  Thra- 
sybule s'était  inspiré  en  403  (2)  que  par  les  circonstances  de 
la  vie  politique  en  401/0. 

Si  l'échec  subi  en  403  avait  eu  vraiment  pour  cause,  comme 
l'indique  le  texte  du  Pseudo-Plutarque  [Lysias,  8),  l'illégalité 
que  Thrasybule  avait  commise  en  négligeant  de  consulter  la 
Boulé  (3),  le  chef  du  parti  démocratique  eût  pu,  à  la  rigueur, 
reprendre  rapidement  l'affaire,    dans    toute  son    ampleur,  en 

(1)  La  Boulé  a  dû  mener  avec  le  plus  grand  souci  d'exactitude  son  enquête  sur 
les  premiers  combattants  de  Phylè  :  Eschine,  III,  187.  Cf.  Restaur.  démoc, 
pp.  14-13. 

(2)  Sur  ces  motifs,  voir  Restaur.  démoc,  p.  450-451. 

(3)  Eschine,  III,  195,  et  Aristote,  'AÔ.  IloX.,  40,  2,  parlent  aussi  d'illégalité, 
mais  sans  plus  préciser  et  sans  mentionner  l'absence  de   itpopoùXeujia. 


LE    DÉCRET    DE    401/0    EN    l'hONNEUR    DES    MÉTÈQUES  405 

observant  la  procédure  régulière.  Mais  la  question  de  légalité 
n'avait  élé  qu'un  prétoxle  pour  Archinos,  qui  avait  fait  violer 
la  loi  et  négligé  d'observer  telles  presci'iptions  des  conventions 
pour  mieux  assurer  le  triomphe  de  l'amnistie  (cf.  Reslaiir. 
démoc.^  p.  453)  ;  et,  au  fond,  la  majorité  des  Athéniens,  en 
403,  avaient  surtout  j'épugné  à  laisser  la  -oA'.TS'la  aux  très 
nombreux  étrangers,  domiciliés  ou  non,  qui  avaient  apporté 
leur  concours  à  l'armée  du  Pirée  (Xén.,  HelL,  II,  iv,  25).  De 
toute  façon,  le  projet  primitif,  d'une  portée  si  vaste,  n'avait 
plus  aucune  chance  de  triompher.  Quant  à  un  décret  limité,  il 
eût  sans  doute  reçu  un  accueil  moins  hostile  ;  mais,  outre 
qu'il  convenait  de  ne  pas  risquer  l'entreprise  trop  tôt  après  le 
verdict  du  dikasterion,  un  tel  décret  aurait  otfert  lelativement 
peu  d'intérêt  ;  il  aurait  à  peine  accru  de  quelques  centaines 
d'hommes  la  clientèle  démocratique  de  Thrasybule  et  de  ses 
amis. 

De  sorte  que  le  projet  n'eût  peut-être  pas  réapparu,  même 
sous  une  forme  modeste  et  limitée,  si  en  401/0  l'histoire 
d'Athènes  n'avait  été  marquée  par  une  circonstance  capitale  : 
la  fin  de  la  guerre  d'Eleusis  et  le  retour  de  la  presque  totalité 
des  «  Trois-Mille  »  émigrés.  Ce  retour  avait  pour  conséquence 
certaine  de  renforcer  les  rangs  du  parti  conservateur  athénien; 
la  paix  avec  les  émigrés  avait  été  d'ailleurs,  en  définitive, 
l'œuvre  de  leurs  parents  et  amis  restés  à  Athènes  {HelL,  II,  iv, 
43),  c'est-à-dire  d'une  fraction  au  moins  de  l'aristocratie,  inté- 
ressée à  ne  pas  rester  dispersée  en  face  du  Démos  (cf.  Restaur, 
démoc,  pp.  285-287,  292-293). 

En  revanche,  Thrasybule  et  le  parti  démocratique  n'ont 
sans  doute  pas  vu  de  très  bon  œil  ce  retour  —  accompli  ou 
éventuel  —  des  ennemis  les  plus  endurcis  et  les  plus  odieux 
des  institutions  restaurées.  Ils  ont  donc  pu  réclamer  et 
imposer  une  compensation  :  la  création  d'une  fournée  de 
citoyens,  choisis  parmi  les  métèques  les  plus  réputés  pour 
l'importance  des  services  rendus  à  la  démocratie.  Les  situations 
qu'avaient  respectivement  occupées  les  partis  entre  403  et  401/0 


406  PAUL    CLOCHÉ 

pourraient  être  ainsi  à  peu  près  maintenues  :  il  y  aurait  atBux 
de  ri'oforls  des  deux  côlés.  Nous  n'entendons  pas  affirmer, 
d'ailleurs,  que  le  nombre  des  émigrés  rentrés  à  Athènes,  ait 
égalé,  ou  à  peu  près,  celui  des  étrangers  admis  à  la  izoIki-eIt. 
(300  environ).  On  ignore  absolument  l'importance  numérique 
de  l'émigration  (cf.  Restaur.  démoc,  pp.  279  280);  tout  ce 
qu'on  peut  dire,  c'est  que  les  émigrés  furent  très  loin  d'alteindre 
le  chitfre  de  3.000  hommes  :  une  partie  des  Trois-Mille  étaient 
restés  spontanément  à  Athènes  après  la  paix  de  403  ;  un  très 
grand  nombre  de  leurs  compagnons,  qui  avaient  remis  aux 
derniers  jours  du  délai  fixé  leur  inscriplion  sur  les  listes  de 
départ,  furent  retenus,  contraints  à  la  confiance,  par  une 
mesure  d'Archinos  ('AQ.  IIoa.,  40,  1);  plusieurs  des  émigrés 
désertèrent  et  rejoignirent  les  gens  de  la  ville  au  cours  du 
siège  ;  enfin,  quelques  émigrés,  dont  Batrachos,  suivirent 
dans  leur  fuite  les  «  Trente  »  survivants  et  ne  reparurent  pas  à 
Athènes  (cf.  Restaur.  démoc,  pp.  286,  290,  343).  Bref,  il  est 
très  possible  que  le  nombre  des  aristocrates  qui  regagnèrent 
iVthènes  en  401/0  ait  été  très  peu  supérieur  à  celui  des  nou- 
veaux citoyens,  ou  même  ne  l'ait  pas  atteint. 

Si  l'on  admet  ainsi  l'hypothèse  d'un  décret  «  de  compensa- 
tion »,  qui  peut  être  l'auteur  d'un  tel  décret?  On  incline  à 
supposer  que  ce  fut  Thrasybule  lui-même,  chef  reconnu  du 
parti  démocratique,  qui  devait  trouver  en  cette  circonstance 
l'occasion  de  prendre  une  sorte  de  demi-revanche  de  la  défaite 
éprouvée  en  403.  En  ce  cas,  on  pourrait  restituer  ainsi  l'inscrip- 
tion à  la  fin  de  la  ligne  3  et  à  la  ligne  4  :  £7r[£0'TàT£,  0paTuêo|uXo(; 
elîtsv  •  OTtwç  av  ôwpeàv  Xa^êàv(UTt.v  o\  jjlstoixJo!.  (cf.  supra,  p.  390). 
Entre  [èa-TaTs),  en  effet,  et  [ol  pL£TO'.x],  38  lettres  manquent. 

Naturellement,  pour  faire  accepter  ce  décrel,  son  auteur  dut 
rappeler  avec  précision  les  titres  d'honneur  des  mélèques  qu'il 
s'agissait  de  récompenser,  les  suivre  du  début  à  la  fin  de  la 
campagne  entreprise  contre  l'oligarehie  (campagne  dont  le 
décret  marque  les  principales  étapes  :  combats  de  Phylè, 
bataille  de  Munychie,  opérations  ultérieures),  peut-être  aussi 


LE   DÉCRET    DR    401/0    EN    l'hONNEUR    DES    MÉTÈQUES  407 

louer  le  re^p<»ct  ténioigné  par  les  mélèques  à  l'égard  des  con- 
venlions  d'amnistie  (stto'I&v  -rà  7rpoTTaT[T6[jL£vaj),  afin  de  calmer  les 
inquiétudes  des  «  modérés  »,  principaux  soiilieiis  de  Tamnistie. 

Les  démocrates  obtenaient  ainsi  un  notahie  succès  moral; 
ils  rapptdaient  à  ceux  qui  auraient  pu  les  oublier  les  glorieux 
souvenirs  de  la  guerre  libératrice  de  403  ;  ils  ouvraient  leurs 
rangs  à  quelques  centaines  de  ces  «  petites  gens  »  qui,  précisé- 
ment, paraissent  avoir  formé  la  clientèle  la  plus  ordinaire  des 
assemblées  athéniennes.  Xénophon  {Mémor.,  III,  vu,  6)  fait 
dire  à  Socrate  :  uoxcpov  yàp  toÙ;  yva-^ps"!;  auTwv  r,  toÙ;  a-xyTE»!;  r^  zoltç 
TéxTOvaç  Ti  Toù;  ^aXxsIç  r\  toÙç  yewpyo'j;  y)  toÙ;  l^Tzôpou^...  aloy-jv^j^,  ; 
ex  yàp  TouTwv  aTràvTwv  '}\  sxxÀïia-'la  o-uvlo-TaTa'..  Entre  ce  texte  et 
notre  inscription  il  y  a  parallélisme  partiel  et  remarquable  :  trois 
des  professions  énumérées  par  Socrate  se  retrouvent  dans  notre 
document,  oii  figurent  un  yvacpsu;,  un  tsxxwv  et  cinq  yswpyoL 

Mais  le  gain  matériel  était  mince  pour  la  démocratie. 
D'abord,  ce  n'était  pas  un  progrès  sans  contre  poids  :  cet  afflux 
de  «  revenus  de  Phylè  »  était  compensé,  au  moins  partielle- 
ment, peut-être  même  dépassé,  par  l'afflux  correspondant  des 
a  revenus  d'Eleusis  »,  des  meilleurs  et  suprêmes  partisans  des 
Trente.  Ensuite,  pris  en  lui-même,  qu'était  cet  appoint  de 
300  personnes  pour  la  collectivité  de  15  à  20,000  hommes  que 
formait,  au  début  de  la  Restauration,  le  corps  civique  athé- 
nien (1)  ?  Celui-ci  s'accroissait  d'un  soixantième  au  maximum  ; 
les  grandes  espérances  qu'avaient  pu  concevoir  en  403  les 
chefs  démocrates  et  les  nombreux  étrangers  arrivés  au  camp 
du  Pirée  pendant  le  siège  étaient  définitivement  brisées. 

Or,  parmi  ces  combattants,  nombreux  étaient  ceux  qui 
avaient  lutté  comme  hoplites  (il  y  avait  même  eu  parmi  eux 
70  cavaliers  :  HelL,  II,  iv,  25)  ;  ils  avaient  apporté  à  la  cause 
démocratique  le  concours  d'un  armement  meilleur  et  plus  coû- 
teux que  celui  des  àxovT!.aTai  et  yu{jLVTiTc;  qui  pouvaient  se  trou- 

{])  Ci.  Restau f\  démoc,  pp.  467,  475-476.  D'après  M.  Kôrte,  le  chiffre  total 
des  nouveaux  citoyens  ne  dépassait  pas  200  ;  nous  avions  admis  cette  évalua- 
tion ;  mais  l'essentiel  de  nos  conclusions  subsiste,  si  l'on  élève  ce  chiffre  à  300. 


408  PAUL    CLOCHÉ 

ver  parmi  les  métèques  revenus  de  Phylè,  et  ils  pouvaient 
escompter,  malgré  leur  concours  plus  tardif,  une  récompense 
équivalente.  Mais,  surtout,  au  nombre  de  ces  métèques  médio- 
crement récompensés  (1),  se  trouvait  Lysias,  qui,  sans  avoir 
paru  à  Phylè,  avait  rendu  à  «  ceux  du  Pirée  »  des  services 
exceptionnellement  brillants;  son  concours  avait,  à  la  lettre, 
valu  une  armée  :  armée  de  300  ou  SOO  soldats  (2)  qui,  à  elle 
seule,  égalait  ou  dépassait  la  petite  troupe  des  métèques  revenus 
de  Phylè.  Mais  Lysias  n'avait  pas  combattu  dans  la  forteresse, 
et  il  était  précisément  l'un  des  métèques  que  pouvaient  le  plus 
redouter  le  parti  théraméniste  et  les  «  revenus  d'Eleusis  »  (3). 
En  résumé,  la  portée  matérielle  et  effective  du  décret  de 
401/0  n'était  pas  très  considérable;  l'équilibre  des  partis  en 
présence  n'était  pas  atteint.  La  politique  démocratique  de  Thra- 
sybule  n'avait  obtenu  là  qu'un  succès  très  modeste  et  très  limité, 
qui  était  encore  bien  loin  de  combler  les  vides  creusés  par  les 
Trente  dans  les  rangs  du  Démos  :  en  404/3,  d'après  les  évalua- 
tions les  plus  modérées,  1500  Athéniens  avaient  été  exécutés 
sans  jugement  ('A9.  IIoà.,  35,  2),  auxquels  il  faut  peut-être  join- 
dre les  30  ou  60  métèques  mis  à  mort  en  vertu  du  décret  Pison- 
Théognis  et  les  300  Eleusiniens  et  Salaminiens  qu'on  fit  périr 
après  la  prise  de  Phylè;  en  401/0,  300  métèques  entraient  dans 
la  cité,  en  même  temps  que  reparaissaient  dans  Athènes,  à 
quelques  fugitifs  près,  les  principaux  complices  de  Critias. 

Paul  Cloché. 


(1)  D'après  la  promesse  faite  par  Tarmée  du  Pirée  {Hell.,  Il,  iv,  25),  ils 
devaient  recevoir  Tisotélie. 

(2)  r,00,  selon  Justin,  V,  9  ;  300,  selon  la  Vie  de  Lysias,  7.  De  plus,  Lysias 
envoya  200  boucliers  et  2,000  drachmes,  et  il  détermina  Thrasydaeos  d'Élis  à 
donner  deux  talents  aux  exilés  (Ps.  Plutarque,  Lysias,  7). 

(3)  Cf.  Bestaur.  démoc,  pp.  319,  454-455,  467,  476.  H  est  vrai  qu'en  401/0  l'ex- 
clusion de  Lysias  hors  de  la  cité  athénienne  a  pu  lui  être  moins  sensible  qu'en 
403  ;  depuis  la  paix  il  avait  commencé  à  relever  sa  fortune  ;  l'ancien  industriel 
du  Pirée  était  devenu  logographe,  et,  peu  de  temps  après  la  fin  de  la  guerre 
d'Eleusis,  nous  le  voyons  mettre  son  talent  au  service  d'un  ancien  membre  du 
corps  des  Trois-Mille.  Cf.  Resiaur.  démoc,  pp.  387-392. 


BULLETIN    ÉPIGRAPHIQUE 


Ce  Bulletin,  comme  le  précédent  (1916,  p.  435)  a  été  rédigé  par  MM.  P.  Roussel 
et  G.  Nicole.  La  part  de  M.  G.  Nicole,  qui  a  dépouillé  les  périodiques  et  les 
ouvrages  allemands  et  austro-hongrois,  est  mise  entre  crochets. 

[Allemagne.  —  Jahrb.  d.   deutsch.  arch.  Instituts  et  Arcli.  Anzei(jei\  XXX 
(1916). 
Philologus,  LUI  (1914),  4;  LIV  (1915). 
Rheinisches  Muséum,  LXXI  (1916). 
Wochenschrift  /".  klassische  Philologie,  1916. 
Sitzungsberic/ile  d.  k.  Bayrischen  Akademie,  1916. 
(Pour     Glolta,     Heimes,    Berliner   philol.    Wochenschrift, 
Sitzungsberichte    d.    k.   preuss.   Akademie,    Goettingische 
gelehrte   Anzeigen,  le  rapport  sur  1916    a    paru  dans  le 
Bulletin  précédent). 
Autriche.  —  Jahreshefle  d.  œst.  arch.  Instituts  et  Beiblatt,  XVill  (1915), 
parus  en  1916. 
Zeitschr.  /".  d.  œst.  Gymnasien,  LXVli  (1916). 
Sitzungsber.    d.    Akad.  d.    Wissenchaft.   in   Wien,  philos. - 
hist.  Klasse,  180  (1916),  2  Abh.] 
États-Unis.  —  American  Journal  of  Archaeology  {AJA),  XX  (1916). 
France.  —  Revue  des  Études  Grecques  {REG),  XXIX  (1916). 
Revue  des  Études  anciennes  {REA),  XVIIl  (1916). 
Revue  archéologique,  cinquième  série,  t.  III  et  IV  (1916). 
Revue  de  Philologie,  W16. 
Revue  Biblique,  nouvelle  série,  t.  XIU  (1916). 
Comptes  rendus  de  V Académie  des  Inscriptions  [CRAl),  1916, 
Grande-Bretagne.  —  Journal  of  hellenic  Studies  {JHS),  XXXV  (1915). 

Annual  of  the  british  School  at  Athens  {BSA),  XXI  (1914-5 
et  1915-6). 
Hollande.  —  Mnemosyne,  XLV  (1916). 

Italie.  —  Annuario  d.  r.  Scuola  archeologica  di  Atene  e  délie  7nission, 
italiane  in  Oriente,  I  (1915)  ;  II  (1916). 


410  p.    ROUSSEL,    G.    NICOLE 

Recueils  épigraphiques.  —  Le  deuxième  fascicule  des  Inscriptinnes  atlicae 
Eucluiis  anno  pusieriores  [IG,  Il  et  III,  éd.  niinor  ;  cf  Bullelin,  1913,  p.  442)  a 
paru  en  1916.  Il  teruiine  la  première  partie  et  contient  les  décrets  postérieurs  à 
229/8  :  décrets  du  sénat  et  du  peuple,  lettres  des  empereurs  et  magistrats  romains, 
décrets  et  lettres  des  cités  étrangères  et  des  Amphictions,  décrets  des  tribus,  des 
dèmes,  des  clérouques,  des  gentes,  des  phratries,  de  la  Tétropole,  de  la  Mésogée, 
des  collèges  et  associations;  lois  sacrées.  —  Dans  les  addenda,  de."  corrections 
de  Wilhelm  et  de  Léonardos  ('Apy  a:oXo  yi  >cô  v  AeXtlov,  1916)  ont  été  enre- 
gistrées, 

—  Au  début  de  1917  a  été  publié  le  second  volume  de  la  Sylloge  rééditée  (cf.  pré- 
cédent Bullelin,  p.  436).  11  contient  la  fin  des  inscriptions  historiques  de  la  paix 
de  Naupacte  (217/6)  jusqu'à  Justinien  (565  ap.  J.-C).  Les  deux  volumes  donnent 
un  total  de  910  inscriptions.  Conmie  dans  le  premier,  c'est  Delphes,  surtout  qui  a 
fourni  le  plus  fort  appoint  de  textes  nouveaux  :  ainsi  tous  les  textes  relatifs  à  la 
Pythaïde  du  ii^  et  du  i'^'"  siècle  y  sont  répétés,  en  totalité  ou  en  partie,  de  même 
que,  dans  le  premier,  on  trouvait  un  coi  pus  de  toutes  les  inscriptions  concernant 
la  reconstruction  du  temple  de  Delphes  au  ive  siècle.  Il  y  a  disproportion  mani- 
feste entre  les  parties  delpliiques  et  le  reste  de  la  Sylloge  oii  les  additions  sont 
faites  avec  plus  de  discrétion  :  on  reconnaît  les  procédés  coutumiers  de  H.  Pom- 
tow  ;  mais  les  autres  éditeurs  de  la  Sylloge  ont  accepté  avec  une  docilité  singu- 
lière son  envahissante  collaboration.  Ils  ne  devront  s'en  prendre  qu'à  eux-mêmes 
si,  par  endroits,  l'ancienne  Sylloge,  monument  d'un  esprit  lucide,  est  devenu  un 
fatras,  où  les  notes  et  les  tableaux  synoptiques  s'accumulent  sans  éclairer  les 
textes.  —  Sur  la  manière  même  dont  ces  textes  —  et  quelques  autres  —  ont  été 
édités,  il  y  aura  beaucoup  à  dire.  On  y  reviendra  ailleurs. 

[Un  compte-rendu  sommaire  et  descriptif  du  premier  volume  a  été  donné  par 
W.  Larfeld,  Wocli.  Klass.  P/iil.,  1916,  col.  1361-1364  ;  il  ne  trouve  qu'à  louer  et 
croit  à  une  supériorité  d'Hiller  v.  Gaertringen,  le  nouvel  éditeur,  épigraphiste 
militant,  sur  Diltenberger,  resté  jusqu'à  la  fin  un  critique  de  cabinet]. 

—  La  collection  des  Ancienl  Greek  inscriptions  in  Ihe  British.  Muséum^  a  été 
terminée  en  1916  :  l^art  IV,  section  II  :  Supplementary  and  miscellaneous  ins- 
criptions, par  F.  H.  Marshall.  C'est  la  conclusion  d'une  œuvre  dont  la  première 
partie  a  paru  en  1874.  On  y  trouvera  des  inscriptions  de  toutes  provenances, 
entrées  au  Musée  Britannique  depuis  cette  date  :  Attique,  Égine,  Péloponnèse, 
Crète,  lies  Ioniennes,  Grèce  du  Nord  (n.  955,  inédit  de  Dodone),  îles  de  la  mer 
Aigée  et  Cypre  (n.  963  =  Syll.  2,  335,  monument  exhumé  à  Délos  par  Th.  Ho- 
molle  et  dérobé  par  un  voyageur  peu  délicat),  Thrace  et  Asie-Mineure,  Syrie  et 
Orient,  Egypte  (n"  1065,  pierre  de  Rosette),  Italie  et  Sicile,  Grande-Bretagne, 
Gaule.  —  Parmi  les  textes  d'origine  incertaine,  je  signale  :  n.  1110  qui  provient 
certainement  de  Délos  ;  lire  :  éirl  lr'.[xeXriTOj  6è  t'^  ;  vriffou)  (au  lieu  de  8'  Itt))  Aïo- 
vua(ou  Toû  A'.ovjcrîou  [laiaview;;  l'inscr.,  gravée  sur  un  chapiteau  de  marbre  dorique, 
se  continuait  sans  doute  sur  une  autre  partie  de  l'entablement  :  on  en  a  trouvé 
d'analogue  dans  les  sanctuaires  égyptien  et  syrien  de  Délos.  —  n.  1154  a  peut 
provenir  de  Delphes  ;  cf.  IG,  V,  2,  p.  5,  I.  84;  aux  1.  10-11,  lire  AîavcCSr,  vtal  Xape- 
caavr,  to[k]  (et  non  (to[û])  [B]a6ûXou  (au  lieu  de  [NjaêûXou)  àtl'-^oU.  —  En  appen- 
dice n»  481*,  l'inscription  de  Vibitis  Salutaris  d'Éphèse  (cf.  Bulletin^  1913,  480  et 


ÈULLETlN    ÉPlGRAPttTQUÊ  41  i 

1914,466).  —  I/éditeur,  dans  la  publication  de  queNiues  t*'xtes  in.'iiifs.  inanifeste 
une  9ingnlij!*re  inliabilet''*  à  rctitiior  les  formult-s  les  plus  hanahia  ;  n  104A,  partie 
inférieure  d'un  décret  d'Alt.ileia  en  I  tionneurde  t'onolionnaires  anonymes  :  "va  6è 
xal  01  xXkoi...  [éyjefpwvTat  (!,  àjx'.AXàcrOai  -p6î  'fi).oôo;îav....  Un  liro  eût  complété 
[Tr]£ip'ÔvTai.  L.  8  et  sniv,  :"  è7:r,vf,a6a!.  aùxol;  èirl  Tofûtloiç  xal  s-l  to)-.  azavTO;  toO 
Sixaiou  àpTysaSiai;  sans  doute  :  sirl  twi  xtc'/j  -  avTÔî  xoû  5ixa{ou  àp[^ja'.. 

—  [Ad.  Wilhelni,  a  donné  une  suite  à  sa  publication  Allische  Ur/cunden,  Il 
(voir  pour  la  partie  1,  BuUelin,  1913,  p.  443),  Silzun<jshet\  der.  k.  Akad.  d.  Wiss. 
in  Wien,  phil.-hist.  Klasse,  t.  180.  2  (1916).  On  en  trouvera  l'analyse  dans  le  Bul- 
letin^ au  chapitre  de  l'Attique. 

Le  même  critique  a  publié  Zeitschrifl.  /'.  d.  oesl.  Gymn.,  1916,  274-76  un  c.-r. 
de  l'ouvrage  de  Helbing,  Answahl  ans  griech.  Inschrift.  1915,  collect.  Goeschen, 
et  relève  beaucoup  d'erreurs  dans  ce  petit  manuel]. 

Collections.  —  A.  H.  Smith,  ./.  //.  S/.,  1916.  163  372  :  Lord  Elgin  and  his 
collection.  Quelques  indications  sur  des  inscr.  du  British  Muséum  [CIG,  839,  1732, 
2012,  3595);  cf.  l'index,  p.  370-1. 

Espérandieu,  RA,  1916,  III,  23-73  :  Monuments  antiques  figurés  au  musée  archéo- 
logique de  Milan.  —  P.  27.  Déd.  OcOit;  xaTa/Bovetotç  (C/G,  2380). 

Inscriptions  juridiques.  —  B,  Uaussoullier,  Traité  entre  Delphes  et  Pellana 
[Bibliothèque  de  CÈcole  des  Hautes  Études,  fasc.  CGXXII,  1917).  A  l'occasion  d'un 
texte  delphique  dont  il  sera  question  ci-dessous,  l'auteur  traite  de  nombreuses 
questions  qui  touchent  au  droit  grec  ^^tribunaux,  requête  civile  et  appel,  procédure 
d'exécution,  suspension  des  tribunaux,  vol,  revendication  d'esclaves  fugitifs,  etc.). 
—  P.  173-180,  Remarques  sur  quelques  termes  du  droit  de  Delphes  :  Trapiarx£at<;  ?), 
ÈTTiTtaixaTc;,  xtaaaiç.  Un  index  général  et  un  index  des  inscriptions  corrigées  ou 
complétées  font  de  cet  ouvrage  un  précieux  appendice  à  la  collection  des  Ins- 
criptions jur'idiqw's  grecques . 

—  L.  Gernet,  REG.  1916,  383  403  :  0/)servafions  sur  la  loi  de  Gorhjne.  Inter- 
prétation dun  passage  (col    II,  1    17-20)  relatif  au  viol  et  à  l'adultère. 

Inscriptions  céramiques.  —  G.  Nicole,  RA,  1916  IV,  373-412  :  Corpus  des 
céramistes  grecs.  Ce  catalogue,  destiné  à  figurer  dans  le  tome  I^i"  du  Recueil 
archéologique  Paul  Milliet  (sorte  de  réédition  des  Antike  Schriftquellen  zur  Gesch. 
d.  bildenden  Kunst  bei  den  Griechen,  dOverbeck),  donne  les  noms  de  133  peintres 
ou  chefs  d'ateliers  céramiques  (KU-in,  Meislersignaturen,  n'en  connaissait  que 
103).  Abondante  bibliographie  pour  chaque  vase  avec  signature. 

—  Mary  Hamilton  Swindier,  AJA,  1916,  308-345.  The  Bryn  Mawr  Collection 
of  greek  vases.  —  P.  315.  Signature  de  iN4kosth(énès).  —321.  Frg.  d'une  amphore 
panathénaique.  —  325.   Diverses  inscr.  avec  xa)^d;. 

—  [P.  Wolters,  Rhein.Mus.,  LXXI,  1916,  282,  propose  une  meilleure  lecture  des 
lettres  gravées  sur  le  socle  de  deux  autels  figurés  sous  les  anses  du  stamnos  <à 
tig  rouges,  n»  30  du  Catalogue  d'antiquités  grecques  et  romaines,  18  mars  1901  (Coll. 
Bourguignon),  p.  10.  Au  lieu  du  nom  déphèbe  inconnu  E'.aûXT,[?],  suivi  de  xaXô;, 
qu'avait  lu  Sambon  (cf.  Rev.  Arch.,  1901,  I,  p.  436),  lire  xaXôç  sT  CTuys.  Ibid. 
283.  Le  skyphos  à  fig.  rouges  de  Berlin,  Furtwângler  et  Reich,  Griech.  Vasenma- 
lerei,  pi.  125,  représentant  une  jeune  fille  à  l'escarpolette,  que  pousse  un  Silène, 
doit  porter,  au-dessus  du  Silène,  l'inscr.  sla  w  ela,  au  lieu  de  si  aSeia  ou  et  "A[v]Ô£ta 

REG,  XXX,  1917,  n»  140.  28 


412  l'.    HOUSSEL,    r..    NICOLE 

proposés  par  W'elokcr,  Ani.  I)en/nn.,  III.  .jll,  et  Uauseï-,  (ex le  de  Gr.  Va.senmuL, 
:î1.  Cf.  Aristoph.,  Par,  4o0,  et  Kretschiiier,  Gr.   VasenlnschrifL.,  85,  !I1. 

[I)id.2^i.  \V.  étudie  les  dédicaces  tracées  sui*  quatorze  Igts  de  lasses  de  styJe 
naucratite,  trouvées  dans  les  fouilles  du  temple  d'Aphaia  à  Éj^ine.  Furtwiingler, 
Aïfjina,  Bas  HeiUglum  der  Aphala,  4."16,  w^-"  210  et  245  :  pi.  12'J,  u.  1.  11  reconstitue 
une  formule  unique,  Hapavoixoç  xal  ' Xry.z-z'yoivf,-  àv£6T,xav,  qui  synthétise  12  fgls  sur 
14  ;  les  n"^  7  et  11  portent  ..aov.  L'ex-voto  se  ramènerait  à  deux  ou  trois  coupes. 
\V.  marque  des  doutes  sur  Texportatiou  de  vases  de  Naucralis  portant  une 
dédicace  peinte]. 

—  G.  Vf.  Porro,  Aniiuario,  1916,  103-124  :  holli  d'anf'ore  radie  del  mu.seo 
nazionale  romano.  602  marques  d'amphores  recueillies  en  11)12  et  19i;j  sur  le  ter- 
ritoire de  Kamiros  :  10  seulement  sont  de  villes  étrangères,  Thasos,  Olbia,  C.nide. 

—  Uii  nom  nouveau  de  fabricant,  Diogénès;  un  éponyme,  Magésidamos. 
Prosopographie.  —  Les  deux  études  (pie  j'ai  publiées  sur  Délos  fournissent 

une  contribution  à  la  ju'osopographie  athénienne,  iiarticulièrement  au  ii"  et  au 
i^r  s.  av.  ,J.-C. 

P.  Moussel,  Délofi  colonie  uthéî)ienne  (Paris  1916)  :  P.  ;!7-40.  Clérouques  athé- 
niens H  Délos.  —  57-64.  .Vthéniens  notables  de  Délos.  —  100-118  Épimélèlcs  de 
Délos.  —  140-144.  Administrateurs  des  biens  sacrés.  —  180-184.  Épimélèlcs  de 
l'cmporion  et  agoranomes.  —  191.  Paidotribes,  —  197-198.  Gymnasiarques.  — 
211-2212.  Prêtres  d'Apollon.  —  216-217.  Sous-prètresses  et  cleidouques  d'Artémis. 

—  219.  Prêtres  d'Artémis  sv  vf,jw..  —  226.  Prêtres,  zacores,  cleidouques  de  Zeus 
Kynlhios. —  232.  Prêtres  de  Grandes  Divinités.  —  234.  Prêtres  de  Dionysos.  — 
239.  Prêtres  d'Asklépios.  —  240.  Prêtres  d'Anios.  —  264.  Prêtres,  cleidouques, 
cauéphores,  zacores  des  divinités  syriennes. 

Idem,  Les  cultes  égyptiens  à  Délos  du  iii"^  au  ip""  siècle  av.  .I.-C.  (Paris-Nancy, 
1916  .  —  P.  272,  hors-texte  :  prêtres  cleidouques.  zacores,  canéphores  des  divi- 
nités égyptiennes. 

—  M.  Lacroix,  REG,  1916,  188-237.  U?ie  famille  de  Délos.  Reconnaît  à  Délos  au 
iiic  s.  l'existence  des  grandes  familles  enrichies  par  le  commerce,  en  particulier 
par  le  commerce  de  bois,  et  concentrant  entre  leurs  mains  la  puissance  politique 
(le  mot  est  ambitieux;  disons  municipale)  et  éconamique.  Cette  conclusion  est 
très  vraisemblable;  mais  les  tableaux  généalogiques,  qui  ont  nécessité  des  recher- 
ches considérables,  fournissent  souvent  des  données  bien  hypothétiques. 

[A.  Wilhelm,  Attische  Urkunden,  II,  33-36,  a  retrouvé  en  1914,  dans  la  collection 
du  Musée  National  d'Athènes,  la  partie  gauche  du  décret  IG  II,  626,  voté  par  les 
technites  en  l'honneur  d'Aribazos,  fils  de  Séleucos,  du  Pirée.  —  Aribazos  n'est  pas 
un  artiste,  comme  l'avait  supposé  déjà  G.  Klaffenbach,  Symfjolae  ad  historiam 
collefjioriim  artificum  Bacchiorum,ol.  —  C'est  le  poète  comique  Mnasiclès,  d'ail- 
leurs inconnu,  qui  est  chargé  par  les  technites  athéniens  de  la  consécration  du 
moiuunent  qui  seivi  voué  à  Aribazos,  le  bienfaiteur  de  la  corporation. 


[xjai;  •  vtaxaaTf^aa:  ô[è  too;  TS/vÎTaç  aùxi^a  [xiXa?  Tf,<;  xwv  £lx(5vo)v]  |  vtaTaax£uf,i; -/al 
àvxj^ôÉaao)];  xal  ivx[ypx:^r^<;  xou  tj'Ticpfaaaxoç  èTri"||[xsA'OXT,v  Mva5ix>vf<v  xojjxixov  r^ovr^z^c^ 
[■Axl  àvaOsîva'.?  àv  X(o  £-;r'.]  |»av£Txâxa)  xôtto)  xoO  rioJciS'.Tnreîou,  otcojç  x[f,i;  xs  WpioxÇou 
|j.£yaAO[X£]  [ociaî   ù~io/r^    •j7:o[xvr^[xa   xoï;  £7:iy'.vo|X£vo|[iç  xal    xf,;    ÙTzb   xwv   X£yvi]|xa>v 


BULLETIN    ÉPIGRAPHIQUE  413 

Yêyoveîa;  tl^  aixôv  sù/ap'.c-xîa;  •  'O  £['.prjUsvo;  izt,;j.£Ar,Tr,;  ty.î]  |  T(T>v  c'.xôv<<)v  xa-atj- 
vce'jf.ç  xal  àvaSîTSwç  >c[aTi  tô  'lyi'fUfjLa  Mvaj'.xAfic;]  -jzo'.t.tt,;  -/.ojixixÔ;;.  |  Oî  T£/vÏTxt  | 
'ApîêaCov  I  StXcOXOu  |  rieipaisa.J 

La  restitution  a  été  admise  par  Kirchner  IG,  11-,  addenda,  p.  (J73.  1331. 

Chronologie.  —  P.  Roussel,  Délos  colonie  athénienne,  341-382  :  Hemarques 
sur  la  chronologie  des  archontes  athéniens  du  ii^  et  du  i^^  siècle.  —  Discussion 
(les  lois  posées  par  Ferguson  sur  la  succ('ssi(»n  des  secrétaires  xaxà  zpuxxveiav, 
des  prêtres  de  Sarapis,  des  prêtres  des  Grandes  Divinités  selon  l'ordre  oiïiciel  des 
tribus.  —  Dates  nouvelles  d'Achaios  (166/o).  de  Tychandros  (160/;;9),  d'Andréas 
(154/3?),  de  Métrophanès  (146/5),  de  Démocharès  (108/7).  —  Noms  nouveaux 
d'archontes  :  Mikion  (au  lieu  de  Méton,  vers  132/1),  Théodotos,  Rallias  (fin  i'"'"  s.), 
Ménédémos,  Kriton.  —  Anliontcs  du  ic  s.    av.   J.-C. 

Sur  les  listes  d'archontes  îithéniens,  cl".  P.  Roussel,  UEG,  1916,  16G,  170.  Aucune 
de  ces  listes  n'est  antérieure  au  i^'-  s.  av.  J.-C,  pas  même  /(?,  ÎI,  862,  datée  à 
tort  du  début  du  ii«  s. 

Questions  linguistiques.  —  [C.  Favro  a  publié  en  1914,  le  Thésaurus  verbonan 
quae  in  titulis  ionicis  lef/untur  dont  il  avait  publié  le  spécimen  en  1912  (voir  Bul- 
letin, 1915).  C.-K.  par  R.  Moister,  Zeilschrift  f.  d.  œst.  Gymn.,  1916,  170.  L'ouvrage 
de  Favre  intéressera,  outre  les  épigraphistes,  les  philologues  qui  s'occupent 
d'Hérodote.  Remarquer  l'emploi  de  è'pya  dans  les  inscriptions,  comme  dans  Héro- 
dote, avec  le  sens  d'édifice] . 

ATTIQUE 

Athènes.  —  [A.  Wilhem,  Attische  Urkunden,  H,  3-9  et  pi.  \,  restitue  d'une 
manière  nouvelle,  IG,  11^  713  (=  IG,  \\,  302  6),  I.  11-12  :  èTreiÔT.  Ap^ltJTwv  'Eyeaxio-j 
8T,[6aros  auXT,Tf.(î,  au  lieu  de  iy^<èix[z]o\j.  Le  nom  'Ey9acTioç  est  attesté  par /G,  VH, 
1710-1712,  trouvé  au  bourg  de  Krekuki,  au  S.  E.  de  Thèbes.  Le  décret  attique 
aurait  été  rendu  en  l'honneur  d'un  ïhébain,  Aptaxwv  'Eyaô-ciou,  oii  W.  incline  à 
voir  un  aulète  portant  un  nom  déjà  célèbre  dans  cette  classe  de  musiciens 
(fragm.  148  de  Simonide). 

Ibid.,  9-2S,  Zu  der  Verleihnng  der  l'yxxri  j  t.:;  in  den  Beschluessen  des  Athener. 
W.  revient  sur  l'idée  qu'il  avait  émise,  Wieti.  Stud.,  XIX,  1,  qu'un  bourgeois 
ressortissant  d'une  cité  grecque  peut  acquérir  dans  un  État  voisin  des  terrains 
situés  à  la  frontière  de  sa  patrie.  Le  décret  fragm.  IG,  IP,  373  (II,  186)  lui  fait 
comprendre,  ainsi  que  le  décret  des  Priéniens  en  l'honneur  de  Mégabyze  d'Éphèse, 
que  des  réserves  juridiques  empêchaient  rétablissement  des  étrangers  aux  fron- 
tières de  la  cité.  Il  restaure,  ligne  30,  o-.x^aç  syxxTiaiv  dtiréyovxi  xwv  [ôpîwv  xf,;  'Axxi- 
x-fiî]  au  lieu  de  elvai  6è  aùxîoi  xal  syyôvoiç  yfji;  xal  otxiaç  £'yxxT,at,v  àiréj^ovxt  xôiv  [xoivwv 
xal  xwv  îepwv].  Les  mots  xaxà  xôv  vd[Aov  seraient  relatifs,  dans  ce  genre  de  décrets, 
aux  réserves  générales  du  droit  d'établissement  et  d'acquisition  immobilière,  et 
non  aux  limites  fixées  pour  la  valeur  des  biens  fonds  et  des  immeubles.  "W.  étudie 
une  série  de  décrets  attiques  de  la  deuxième  moitié  du  la^  siècle  relatifs  à  la 
collation  de  l' eyxxr.at;  :  IG,  IP,  786,  que  W.  voudrait  placer  seulement  après  IG, 
112,  831^  et  où  il  restaure  la  ligne  26  :  xal  syxxTi[aiv  olxiaç  xi|jiT,;xajxo;  XXX  yf.î  oï 
TT;   IG,  II,  5,  451  b;    IG,  H^,  801  (11,  5,  513  i)  ;  IG,  H,  380  ;   IG,  II,  5,  407  c  ;   IG, 


414  p.    HOUSSEL,    G.    NICOLE 

11-i,  802  (II.  0,  407  d)  ;  /G,  11^  706  (II,  369)  ;  7G,  112,810(11,370);  /G,  11^  732;  dans 
ce   dernier  décret.  W.  lit  à  la   ligne  10  :  [è'yxrri ( aiv  yf.ç   xal   ol]xîa;    [xtî  itT^TiOvoî 

Tt|JL'/ifiaTO[ç]. 

Ibid.,  23-30.  W.  publie  un  décret  inédit  et  tort  mutilé,  formé  par  l'assemblage 
de  IG,  11,  356  b  et  de  deu.K  frg.  inédits  du  Musée  national.  C'est  un  décret  datant 
de  l'archontat  de  Nicosthénès,  en  164/3  av.  J.-C.  (contre  Ferguson  qui  fixait  cette 
magistrature  en  167/6  ou  166/5.  Mais  un  texte  délien,  communiqué  par  P.  Roussel, 
montre  qu'il  faut  réserver  Tannée  166/5  à  Achaios).  Les  Athéniens  ont  choisi  cinq 
Juges  pour  servir  d'arbitres,  après  un  serment  à  diverses  divinités,  Zeus,  Héra, 
Poséidon  et  Athéna  (?),  entre  les  Ambraciotes  et  les  Acarnaniens.  Le  stratège 
des  Acarnaniens,  Chremas,  est  connu  par  Polyb.,  XXXIl,  21-2,  qui  fixe  sa  mort  en 
169/59].  Cf.  /G,  112,  951  et  addenda,  p.  669  ;  P.  Roussel,  Délos  colonie  athénienne, 
354,  note  4. 

[Ibid.,  30-33,  pi.  IV.  W.  a  retrouvé  au  Musée  national,  le  début  de  la  stèle  IG, 
II,  549,  portant  un  contrat  entre  les  cités  Cretoises  Lyttos  et  Olos.  datant  de 
l'archonte  Sosistratos  (111/110)  ;  cf.  le  texte  délien  publié,  BCH,  XXXI,  936  ;  XXXII, 
403.  Voici  les  10  lignes  gagnées  :  Suvôf.xai  Kpr.Twv  A^utt^wv  xal  BoXosvtîwv]  .  |  'Eiri 
SwjLxpâTOU  apyovxoî  srt  xf,?  [-  -]  |  poç  Kpiweij;  èypafJLfxotTeusv,  à.ya[6a  xu/a  xal  èizl 
awxT,p(a,  A'jxxicov  év  [O-èv  rot  àvw]  |  icdXi  èizl  xwv  Ai'^ûXwv  xoa[xidv[xt«)v  xwv  aùv  — xtô — 
[xr,v6î  riajlvajxo)  xr/.  sv  Se  xa  èizl  6a}ia[!Taa  toA'.  è-rcl  xwv  —  xoatxtdvxojv  xwv]  |  arùv 
SwxâSa  xw  SwxaSa  [xt|[vô;  — ,  £v  os  xa  B&'Xoôvxiwv  ttôXi  ird  xwv-  -]  |  wv  xoap,t6vxwv 
xwv  aùv  [-  -xo)  -  -îi-Tivôç  -  -  -n^pstysuaâvxojv]  |  Bo)vO£vxt(i)v  xâf?  -ôXtoç  [èizl  Auxtîwv  xiv 
X£  àvw  -à'kiy  xal  xiv  ÈTti  ôa/.aaîa  ttôoI  cp'.)v(l|aç  xal  îaoTroXtxetaç  x[al  7U{X[xa)riaç  otiwî 
ÙTzipyi}  xatç  ttôXeœcv  sç  xôv   iratvxa  )^pôvov],  |  [è]6o;£  Auxxtoiç  v.z'k. 

La  convention  daterait  de  la  même  époque  que  SGDI,  5075  et  serait  en  rapport 
avec  la  guerre  qui  éclata  entre  les  cités  Cretoises  après  la  mort  de  Ptolémée 
Philopator  (146  av.  J.-C.)  d'après  Sylloge^,  929  —  Sur  les  deux  villes  des  Lyttiens, 
voir  Michel,  448.  Cf.  sur  la  date  du  décret,  P.  Deiters,  De  Crelensium  lilulis 
publicis  quaestiones  epiqraphicae,]^.ïi^\  sur  les  ditîerends  entre  villes  Cretoises 
au  II»  siècle,  G.  Cardinali,  Creta  nel  fra?no?îlo  delV  ellenismo,  Bicisla  d'i  filologia, 
XXXV,  28  sq.] 

C.  A.  Hutton,  BSA,  XXI,  153-165  :  The  greek  inscriptions  al  Petworlh  house. 
H.  a  revu  deux  inscriptions  conservées  dans  ce  château  du  Sussex.  L'une  est 
l'inscription  des  ergastines  d'Athéna  de  l'année  de  Démocharès  (/G,  II,  5,  477  d 
=  IG,  11-,  1036  =  Michel,  1504;.  L'intitulé  doit  être  lu  :  'EttI  AT,[j.oxâpo'j<;  ifp/ovxo;, 
«7:1  xf.î  'iTrTroQwvxfSo;  Ssuxépai;  -itouxaveia;  xx>v...,  Msxaysixvtwvoç  èvSsxaxfit  xxX. 
Pour  le  reste,  les  suppléments  de  Kœhler  sont  à  peu  près  tous  corrects.  Les 
ergastines  dont  les  noms  subsistent  appartiennent  aux  tribus  'Epey^tk,  Alye^ç, 
'Axajxavxiç  (au  lieu  de  Aeovxiç),  nxoXsfxatç;  à  di'oite  faibles  vestiges  d'une  troisième 
colonne  avec  les  tribus  'iT.ir^o^bivzk]  et  II[av8'.ovtç]  ?  De  nombreux  noms  d'ergas- 
tines  ont  pu  être  déchiffrés  ;  ainsi  la  liste  dé  la  tribu  Akamantis,  avec  7  noms, 
est  complète  (le  premier  seul  était  connu).  —  Je  signale  à  ce  propos  que  Démo- 
charès ne  date  ni  de  94/3  ni  de  78/7,  mais  bien  de  108/7  (cf.  Délos  col.  ath.,  367). 

L'autre  inscr.  est  la  signature  d'artiste,  Lœwy,  517  :'ATroX)voivio;....  iitofT.srsv)  ; 
elle  est  authentique. 

P.  Foucart,    R.  PhiL,  1916,  190-192.   Correction  à  IG,  ll^,  1.  Compléter,  1.  26  : 


BULLETIN    ÉPIGRAPHIQUE  415 

[àvaîJ-fiTTiJat,  8è  Ti  s^l/Ticptaasva  irpÔTejpov  /.tX.  Képhisophon  avait  été  chargé  de 
rechercher  et  de  faire  graver  les  décrets  relatifs  aux  Samiens  ;  aussi  son  nom 
figure-t-il  en  tête  des  documents, 

A.  H.  Smith,  ./.  H.  St.,  1916,  6u-86  :  Some  recently  acquired  reliefs  in  the  Bri- 
tish  Muséum.  Stèles  funéraires  attiques  recueillies  dans  Ane.  Greek  Inscr.  Br . 
Mus.,  IV,  2  (ci-dessus,  p.  410), 

—  [G.  Karo,  Arch.  Anz.,  1916,  139,  reproduit,  d'après  'E-j.  'Ap  /.,  1915,  lo3,  une 
tessère  d'époque  impériale,  provenant  des  foiiilles  de  Kastriotis  à  l'Odéon  de 
Périclès,  et  portant  au  droit  A'.a/;jXo['j],  au  revers  le  plan  d'un  éditicc, 

—  0.  Walter,  .Jafiresh.,  Beihl.,  1913,  94,  sii^n  île,  dans  l'annexe  du  musée  de 
l'Acropole,  un  fragment  de  ba^ -relief,  n.  4887,  qui  porte  les  noms  de  Zsùî  Nâ-.o; 
et  de  Ai'ôvT,;  cf    IG,  II,  looO  ;  Izlx.  ip/.,  VI,  1890,  143. 

Ihid.,98.  IG,  II,  200  et  Wilhelm,  Urkund.,  32  sq.,  se  joignent  à  un  frg.  n^'  2352, 
Le  bénéficiaire  païaît  être  [n]o>vûiTT]o;  (=  IIoX-j-ouç)  et  non  nôXufio;,  —  Les 
nos  2439  et  2967  ne  complètt^nt  pas  IG,  I,  38  ft  39  a,  comme  il  avait  été  indiqué, 
Beibl.,  1911,39.  —  P.  92,  Signale  le  début  d'un  intitulé  de  décrd  sur  deux  bas- 
reliefs  du  Musée  national  'n°^  2932  et  2961  =  Svoronos,  pi.  CLXXXXII  et 
CLXXXIII)]. 

PÉLOPONNÈSE 

Argolide.  —  Argos.  —  W.  Vollgratf,  Mnemosyne,  1916,  46-71.  Étudie  le  for- 
mulaire îles  décrets  publiés  précédemment  (cf.  Bulletin.  1916,  441),  le  calendrier 
argien  (on  connaît  cinq  mois  :  nxvaixoî  'AYur,o<;,  'Apvstoç,  Kapvsîoî,  'EpixaTo;),  la 
fête  des  Néméa,  l'onomastique,  les  phratries,  les  dèmes.  —  P.  61 .  Dans  l'arbi- 
trage des  Argiens  entre  Mélos  et  Kimolos  {Syll.^,  428),  W.  lit  ainsi  la  fin  :  ip-h,- 
T£ue  Aéiov  •  '^tàkii  <ç>  EÙTîpaç  Ilo!r(Saov  (nom  de  dème)  •  ypo'jpzic,  (âwXxç  népiT^Xo; 
riêSiov  (correction  douteuse),  —  P,  64  et  suiv,,  décret  en  l'honneur  d'  'A)vé|av5poi; 
'AXe^ivSpou  Sixuojvioç  (l^e  moitié  m"  s.). 

P,  219-238,  Important  décret  en  l'honneur  du  peuple  de  Rhodes  qui  a  prêté 
anx  Argiens  100  talents  sans  intérêt  pour  la  réparation  des  murs  et  la  remonte 
de  la  cavalerie  [èiié'zpt]  ItâXavxa  éxarôv  ocTOxa  è'vç  ts  xàv  twv  tsi/siov  sTtaxsuàv  xal 
Tàv  "irirov  wç  x[xir>.T,paje3£T,)  ;  comme  les  difficultés  se  prolongent  et  retardent  le 
paiement,  les  Rhodieus  ont  envoyé  trois  ambassadeurs,  <t>tXtav  'Aykoudxpdxov, 
ElpifivîSav  Eô^évou,  'AôavoSwpov  6paawviSa,,pour  confirmer  leurs  bonnes  dispositions 
envers  Argos.  On  vote  à  Rhodes  une  couronne  d'or  à-rrô  /puaéwv  è'xaxov.  —  Par 
des  argument»  plus  ou  moins  démonstratifs,  W,  place  cette  inscription  entre  249 
et  244.  époque  où  Rhodiens  et  Argiens  étaient  les  uns  et  les  autres  du  parti  de 
Ptolémée. 

Arcadle.  —  Tégée.  —  Le  relief  de  Zens  Stralios,  étudié  par  P.  Foucarl  dans 
les  Monuments  Piol,  appartient  maintenant  au  Rn'fish  Muséum;  cf.  J.  //.  S7.,  191G, 
65;  Ane.  Greek  inscr.,  I\',  2,  930. 

—  I).  Comparefti,  Annuano,  1916.  247-239  (cf  263-266),  étudie  IG,  V,  2,  139.  Ce 
n"est  pas  un  teslauient  :  maii  l'inscr.  émane  du  temple  d'Athéna  Al^'a  (|  recon- 
naît l'existence  d  in  dépôt  au  nom  de  Xouthias,  fil^  de  PhiUchî^ias  l/iu^rriptiou 
est  bien  arcadienne. 


416  p.    ROUSSEL,    G.   NICOLE 

IblcL,  1915,  1-17  :  La  iscrizione  arcaica  di  Mantinea.  Étudie  Tinscr.  publiée  par 
G.  Fougères,  BCH,  XVI,  568  :  [foJ'jXÉ:^?'.  o'ioz  Iv  'ATvéav  xt)v. 

Élide.  —  Élis.  —  [0.  Walter,  Beibl.,  1915,  145,  signale  une  inscr.  archaïque 
(Tune  cinquantaine  de  lettres,  gravée  sur  une  plaque  de  bronze  et  exhumée  par 
la  mission  autrichienne  dans  le  voisinage  d'un  téménos  (lettre  1  du  plan,  fig.  38)]. 

Achaie.  —  Pellana.  —  B.  Haussoullier,  Traité  entre  Delphes  et  Pellana  (ci- 
ci-dessus,  p.  411),  164-172,  étudie  les  rapports  des  deux  villes.  Voir  ci-dessous, 
Delphes.  Il  donne  aussi,  p.  155-164,  bien  qu'il  s'en  défende  p.  135,  une  étude  com- 
plète, mais  non  laborieuse,  de  rébus  l*ellanensiurn  avec  citation  des  documents 
littéraires  ou  épigraphiques. 

GRÈCE    DU    NORD 

Phocide.  —  Delphes.  —  B.  Haussoulier,  Traité  entre  Delphes  et  Pellana  (ci- 
dessus,  p.  411).  Étudie  minutieusement,  d'après  les  copies  de  É.  Bourguet,  des 
photographies  et  des  estampages,  cinq  frg.  d'une  inscr.  enregistrant  diflé- 
renles  clauses  d'un  traité  entre  ces  deux  cités  :  constitution  du  tribunal  dans 
les  cas  litigieux,  garanties  diverses  et  détails  de  procédure.  —  Dans  le  frg.  n»  1, 
face  A,  1.  13-14,  la  restitution  du  mot  ~ap':jx£[<jiî],  bien  que  fortement  motivée 
p.  14-15,  n'entraînera  sans  doute  pas  toutes  les  adhésions  (il  y  a  une  diffé- 
rence, qu'on  explique  mal^  entre  le  texte  épigraphique  et  la  transcription),  — 
P,  166-169.  Inscriptions  de  Delphes  où  sont  mentionnés  des  citoyens  de  Pellana. 
Quelques  textes  ne  sont  pas  connus  de  M.  H. 

Locride.  —  W.  Leaf,  BSA,  XXI,  148-154,  donne  quelques  remarques  sur 
l'inscr.  des  vierges  de  Locride;  elle  marquerait  la  fin  d'une  malédiction  séculaire. 

—  W.  A.  Oldfather,  AJA,  1916,  32-61  :  Studies  in  the  liistory  and  topography 
of  Locris,  1;  154-172,  II.  —  P.  52-54,  indique  ce  que  les  textes  épigraphiques 
nous  apprennent  de  Larymna  au  iii'^  siècle,  rattachée  tantôt  à  la  Locride,  tantôt 
à  la  Béotie. 

Corcyre.  —  D.  Gomparetti,  Annuario,  1916,  262-266,  étudie  l'inscr.  IG,  IX,  1, 
695;  c'est  l'extrait  d'un  contrat  entre  deux  personnes. 

Épire.  —  Dodone.  —  Ihid.,  259-262.  L'inscr.  SGDI,  1365  n'est  pas  un  testa- 
ment, mais  une  donation  à  la  déesse.  G.  complète  :  Bîoî  •  T'j/cx[ya6]ai.  S-j;x|j,[a/o;J 
ô'IôwT'.  A['.wv]a'.  xà  l7r'.7rdXa['.]  a  za'vxa  v.t'K. 

Nicopolis.  —  [G.  Karo,  Arch.  Anz.,  1916,  149.  Reproduit  d'après  un  article  de 
Sotiriou  paru  dans  1'  'Ispô?  XI'jvostjxoî,  1915,  p.  223,  trois  dédicaces  de  1'  ip/upsù; 
de  Nicopolis.  La  plus  importante  est  celle  du  linteau  de  la  basilique  au  pave- 
ment orné  d'une  belle  mosaïque,  retrouvée  naguère  par  Philadelpheus  (K.  renvoie 
aux  npocxTtxa,  sans  date,  sans  doute  à  un  rapport  de  l'année  1915).  Le  dédicant 
est  le  supérieur  Dumétios  qui  appartient  au  vr  siècle  ap.  J.-G.] 

THRAGE 

Byzance.  —  G.  Seure,  EA,  1916,  III,  359-386,  poursuit  ses  recherches  sur 
Varchéologie  thrace.  —  N.  148.  Inscr.  fun.  d'un  .MaX/o;  iljpo;  Xuôoupyoî  (sic). 
—  E.  Unger,  Arch.  Anzeig.,  1916,  22.  Publie  quelques  textes  trouvés  à  la  pointe 


BULLETIN    KinORAIMIIQUE  417 

(lu  Srrail  en  191.'}  ot  l!)i'i.  —  N»  23.  Fgts.  d'iinn  inscr.  des  empci'eui's  Théopliile 
et  Michel  11  (821  ap.  J.-C.)  ;  cT  CIG,  IV,  8678.  —  21.  iiiscr.  funéraire  d'un  certain 
Photimos,  an;iloj>ue  à  CIG,  IV,  !»786.  —  28  'i\g.  14  .  Insci-.  luuér.  accentuée  de 
Tahbé  Antonios  ;  cf.   Eo.  'Ap/. ,  1911,  p.  98]. 

l'anion.  —  [N.  l^ees,  R/ielti.  Mus.,  lAXI,  285.  .Montre  que  l'inscr.  funér.  de 
Tannée  882,  publiée  par  Papadopoulos,  'K  a  a  r,v  vy-o^  f '.  a  o  X  oy'.x  6  ;  XûX).  oyo; 
ô  £v  KwvjT.,  XVlll,  1883/8i,  IlapiptT.aa,  9-i,  n^  28-30,  reproduit  textuellement  la 
biographie  du  i)atriarche  Nicéphore  de  liyzance,   Migne,  lUiIroloff.  (fraec.  C,  41]. 

Chersonèse  de  Thrace.  —  C.  A.  Ilutton,  H^A,  XXI,  16G-168  :  Two  sepulchral 
inscriptions  froin  Suvla  Bay.  L'un  de  ces  deux  textes  funéraires,  copiés  par  un 
officier  du  corps  expéditionnaire  anglais,  mentionne  dans  la  formule  d'interdic- 
tion, le  paiement  d'une  amende  tt/.  -oXei  twv  Ko'.Aavwv.  C'était  un  port  situé 
entre  Sestos  et  Madytos.  La  ville  d'Alopekonnésos  ligure  peut-être  aussi  dans  ce 
document. 

Thasos.  —  P.  Roussel,  REG,  1916,  181-183.  Dans  l'inscr.  IG,  XII,  8,  378,  il 
n'est  pas  question  d'une  femme-peintre  ([:;oiypa]9r.<7a7a  est  une  restitution  fantai- 
siste) ;  de  même  dans  CRAI,  1914,  288-290. 

CYCLADES 

Délos.  —  P.  Roussel,  Délos  colonie  athénienne  (ci-dessus,  p.  412),  publie  ou 
analyse  de  nombreux  textes  inédits  et  corrige  des  inscriptions  déjà  publiées.  Je 
ne  relève  ici  que  l'essentiel.  —  Appendice  11,  383-409.  Analyse  des  principaux 
documents  administratifs  de  l'époque  athénienne,  comprenant  principalement 
des  inventaires  de  temples  et  d'édifices  divers,  mais  aussi  quelques  textes  où 
sont  enregistrés  des  locations  de  propriété  et  des  contrats  de  prêt;  cf.  p.  143-178  : 
Administration  des  biens  sacrés.  —  N.  I  =  BCH,  XXIX,  199,  n.  64,  quelque 
peu  complété.  —  III.  Remboursements  faits  sous  les  archontes  Posidonios  et 
Aristolas.  —  X.  Analyse  de  l'inventaire  de  Kallistratos.  —  XI.  Frg.  de  contrats 
de  location.  —  XIII.  Nouveau  frg.  de  BCH,  XXXIV,  180,  n.  45.  —  XIV  =  BCli, 
XXIX,  570,  n.  184.  —  XXllI  et  XXIV.  Frg.  d'inventaires  du  temple  d'Apollon.  — 
XXV.  Analyse  et  extraits  de  l'inventaire  de  Métrophanès.  —  XXVII.  Analyse  et 
extraits  de  l'inventaire  d'Hagnothéos,  attribué  jusqu'ici  à  l'année  d'Archon  ; 
cf.  p.  25  et  133. 

Appendice  m,  410-432  :  63  textes  inédits.  —  1.  Décret  attique  en  l'honneur  d'un 
Athénien  et  de  ses  deux  filles,  —2-43.  Dédicaces  découvertes  dans  le  sanctuaire 
syrien  avec  mention  de  prêtres  hiéropolitains  et  athéniens.  —  7.  Inscr.  connue 
par  un  ms.  d'Oxford.  —  14.  Déd.  d'une  colonne  en  marbre  ivTÎ  toO  -nwpîvou.  — 
21.  Déd.  d'un  ôiaxpov  à  Hagnè  Aphrodite;  mention  d'un  7.oy'X,i.r^'^r^^.  —  26.  Un 
mot  énigmatique  de  lecture  certaine  (TON  El  PAN)  •  —  28  (=  CRAI,  1910, 
302).  Mention  du  dieu  Hadran.  —  35.  Un  mot  énigmatique  que  l'on  retrouve  dans 
n.  36  (=  BCH,  VI,  493,  n.  7,  corrigé):  tôv  NAMAPAN-  —  43.  Règlement 
rituel  (=  Mélanges  Holleanx,  265).  —  44-48.  Dédicaces  découvertes  dans  le 
sanctuaire  des  Grandes  Divinités.  —  46.  Dédicaces  du  prêtre  Hélianax;  la  plupart, 
gravées  sous  des  médaillons  (oiiXa),  sont  connues  depuis  longtemps;  on  a 
indiqué  comment  elles  étaient  disposées  dans  le  petit  naos,  dédié  par  ce  persou- 


4]  8  p.    ROUSSEL,    G.   NICOLE 

nage,  d'après  des  données  nouvelles,  ôsoT;  olq  îepâfxs'jtje  xal  jîaaiXlet  Mi6pa8âTT,i 
Ei-ixop'.  A'.ov'jTw.  —  49-63.  Dédicaces  diverses  :  magistrats  athéniens,  prêtres 
de  Dionysf)S,  Hermès  et  Pan,  prêtre  d'Aitémis  ;  56,  signature  de  l'artiste 
MévavSpoî  MéXavoî  \\0r,va'o;  (permet  de  corriger  5C//,  VIII,  465;  cf.  p.  223,  note  3). 

—  59.  Oédi'^ace  d'un  synode  à  [Mr,vo1yâpT,ç  Aiovu5i[ou  —  twv  TtpwJTwv  cpiXoiv] 
fiajiXéw;  AT,tj.i_T,Tptou  xai  |  eTT'.jToTvoJvpa-fOv  (Démétrios  1  de  Syrie,  162-150).  — 
60.  Déd.  à  Asklépios,  Hygie,  Apollon,  Léto,  Arténiis  Agrotéra  et  aux  dieux 
aÛ!j.6a)tj.o'.   xal   auvvaoï.  —  62.    Déd.  à  Hélios   d'un    'Apa(^,  Xaudtv. 

P.  434-433.  Indication  de  quelques  textes  inédits  trouvés  dans  le  sanctuaire 
de  Cynthe,  en  particulier  de  la  partie  inférieure  du  règlement  rituel,  Mélanges 
Holleaux,  276. 

—  Voir  ci-dessus,  p.  410,  au  DrilAsh  Muséum  une  inscr.de  Délos  mentionnant 
un  nouvel  épimélète. 

P.  Roussel,  Les  cultes  égyptiens  à  Délos  (ci-dessus,  p.  412),  a  réuni  tous  les 
documents  épigraphiques  de  Délos  relatifs  à  ces  culles,  publiés  ou  inédits.  Tous 
ceux  qui  sont  antérieurs  à  166  figurent  déjà  dans  IG,  XII.  4. 

P.  71  202.  Dédicaces  et  inscriptions  pntvenant  des  sanctuaires  égyptiens 
n.  1-212).  —  1-19.  Iiiscr.  provenant  du  Sarapieion  A  —  1  (=  /G,  XI,  4,  1299). 
Texte  capital  :  chronique  en  prose  et  en  vers,  commémorant  la  fondation  du 
sanctuaire  par  un  prêtre  dorigine  égyptienne,  et  un  miracle  accompli  par 
Sarapis;  traduction  et  éclaircissements  —  6  (=  1247).  Déd.  d'un  ÔTiJaupôç. — 
14.  Sénatiis-consulte  relatif  au  /Sarapieion  fermé  par  l'autorité  athéni- nne 
(cf  Bulletin,  1914,  457-8).  —  15.  D d.  de  laTpeta  aux  dieux  égyptiens  ;  mention 
d'un  personnage  i7:i[X£Xo;j.évoj  -où  Ispoû  xal  Ti<;  OspaTrefaç  a'ToûvToç  —  16.  Déd. 
08(0'.  McyàXwi  xal  Ail  Kacrf'oi  xal  Ta/vr,(];£t  (cette  divinité  est  l'Isis  du  mont 
Kasios  ;  cf.  addenda,  p.  295)  ;  règlement  rituel  :  yuvatxa  [xt,  irpoçâyeiv  \i.f\Bk  Iv 
ipéoiç    â'vopa. 

N.  20-39,  Inscr.  provenant  du  Sarapieion  B  :  mention  de  diverses  associations, 
épaviatat  (n.  20),  xoivôv  xwv  9îpa7rôuxâjv,  twv  [XîXavr,cpopwv,  Oi'aao;  twv  SapaTuaatûv 
(n.  21),  xo'.v5v  Twv  SexaS'.axwv  xal   SsxaSiaTpfwv  (n.  25),  twv  évaTiaxwv  (n.  26  et  27). 

—  34.  Déd.  à  Men.  —  35.  Déd.  à  "Hpw;.  —  36.  à  Artémis  Phosphoros.  — 
37.  à  Ammon. 

N.  40-212.  Inscr.  provenant  du  Sarapieion  C,  c'est-à-dire  du  grand  sanctuaire 
exhumé  par  A.  Hauvette  en  1881.  La  plupart  des  textes  sont  déjà  connus  ;  ils 
sont   rangés  selon  l'ordre   chronologique.   — 41.  Mention  d'un  roi  Antigonos  (?). 

—  43.  Mention  possible  d'un  général  de  Démétrios  II  de  Macédoine,  Bï6[u(;... 
Ausr'-iija/tûi;.  — 54.  Déd.  d'un  KaXXax'.avôi;.  —  56.  Un  KaXuvSio;  Sapaiîi,  "Icri,  'Avoû6t, 
Oîoî;  «vxe[jL8v(oi;.  —  73.  Nouvelle  édition,  avec  photog.,  de  la  liste  des  prêtres  de 
Sarapis;  quelques  corrections  ;  à  propos  du  6T,|x6ato(;  qui  figure  sans  doute 
aux  1.  2  et  3,  R.  publie  une  inscr,  trouvée  à  Mykonos,  mais  provenant  sans 
doute  de  Délos  :  Aa{6aXo<;  AT,{XT,xp(ou  StiJjlôj'.oî,  i7ri[xeXT,6elç  xoG  lepoO  xà  Seûxepov 

—  74.  Inscr.  déd.  du  temple  d'Isis.  —  75.  Un  dessin  de  Cockerell  permet  de 
réunir  CIG,  2304,  et  BCH,  VI,  348,  n.  72.  —  76.  Édition  plus  complète  de  BCH, 
XVÎ,  479  :  -léd.  d'un  petit  édifice  aux  dieux  égyptiens  avec  signature  (d'archi- 
tecte?) :  'ATToXXdSojpoî  'HpoLi[ou]  AÔT.vato;  éiroÎTfiffev.  —  82.  Un  Sidonien  "Iffiôt 
Mr.xpl   Ôewv  'A.aJxapxT^.  —  90.  Déd.  d  un    \i.iyxpo^   (crypte?].  —  133.  Ded.  de  huit 


BULLETIN    ÉPIGRAPHIQUE  419 

chapiteaux  doriques.  —  134.  La  d-xl.  OGIS,  368,  ne  pouvait  f^uère  faire  partie 
d'une  base  élevée  en  l'honneur  de  Mithridate  Eupator.  —  137.  Nouvelle  édit;on 
de  C/G,  2306.  —  142.  Déd.  à  Isis  de  Taposiris.  —  141.  A  Isis  Euploia.  — 
152  (=  Syli^.,  770).  D'après  n.  173,  le  dieu  est  'VSpc  t)oî  -  156.  A  Hermanoubis 
Niképhoros  ;  signature  de  [Mr.volÔwpof;  <l»a!,v[âv5po'j  MaXTvwrr.ç],  déjà  connu.  — 
157.  A  Sarapis  de  Kanopos  ;  cf.  n.  19'J.  —  160  Nouveaux  fr.  de  OGIS,  370  : 
déd.  du  prêtre  athénien  Dikaios  Jirâp  toO  6-/j[j.ou  toû  'AOr.vai'ojv  xa:  toC  5f,[xou  xoû 
'Pa)p.a(wv  xal  J^aaiXswî  Mi6paoiTOU  EÛTCaxopo;  A'.ovJaou  ;  mention  du  même  roi 
dans  n.  161  et  163  —  162.  D-^d.  "loriS-.  "A-ppoÇtVr,  A'.xa(a.  —  164  Nouvelle  édition 
de  Loewj',  Bildhauer  Inschr.,  244;  mention  de  l'archonte  Rallias.  —  168.  Liste  de 
souscripteurs,  — 173.  Déd.  d'autels,  d'un  pavage,  de  sphinx  et  d'une  horloge.  — 
175.  Frg.  d'une  liste  de  souscripteurs  ayant  versé  ît;  T'r.v  xo'û  uôlpeiou  £7:i3xeu[T,v] 
xal  Tôv  -7repix[e(îJLSvov  -  -  jiov;  175  B.  C,  D,  176,  177,  178.  Frgts  analogues.  ~ 
179.  Déd.  'ApréfitS'.  'Ayîa-..  —  179.  Oreilles  votives  déd.  "laiS-  Itct, y!.Q(si:.  — 
194  (=  SyW^.,  764).  "laiSi  SwTepat  'AaTapxîi  'A'fpo5cxT/.  EÙTrAotai.  èTz['i\-/.oon].  — 
20i).  A  Boubastis  (?)  et  à  Zeus  Ktésios    —  206.  Déméter  Éleusinia  et  Koré. 

En  appendice,  n.  213  et  214,  d-'^d.  relatives  peut-être  au  culte  privé.  —  215 
(=  10,    XI,  4,    1032)    décret  du  peuple  délien  instituant  un  néokore  de  Sarapis. 

—  216  Nouvelle  édition  du  d<''cret  d'un  synode  égyptien,  B'H,  XIII,  239,  n.  4 
(I.  23  :  '.epoTTOtx  ovj  ;  cf.  p.  296  ;  1.  34  corriger  SoOf.vat.  —  217.  Décret  d'une  synode 
(égyptien?,  BCH,  VIII,  121-122  (quelques  inadvertances  à  corriger;  par  ex., 
i.    20      àvaOe  aatwaav]. 

P.  207-238  :  Actes  administratifs.  —  1°  Extrait  des  actes  hiéropps  :  quelques 
mentions  lu  Sarafieion  et  de  Tlsieion  entre  200  environ  et  166.  —  2»  Inventaires. 

—  A.  Inventaires  ant'-rieurs  à  166  =  /G,  XI,  4,  1307,  1308,  1309.  —  B.  Inven- 
taires de  l'époque  athénienne;  ces  textes  se  répètent  souvent  :  on  a  publié  seule- 
ment :  p.  213-228.  Inventaire  de  Kallistratos  (156/5),  partie  relative  aux  sanc- 
tuaires égyptiens  {A,  col.  I,  1.  79-80;  A,  col.  Il,  1.  59-165  ;  B,  col.  I,  1.  1-88)  : 
vases,  statues,  mobilier  des  temples,  ex-voto  divers  ;  cf.  p.  226-228.  —  P.  229-230. 
Inventaire  donnant  des  ofirandes  entrées  dans  le  sanctuaire  entre 
156/5  et  146/5.  —P.  230-238.  Extraits  de  l'inventaire  de  Métrophanès  (146/5)  : 
A,  1.  35-80:  offrandes  nouvelles;  B,  1.  57-63  :  offrandes  de  l'année.  —  P.  238. 
Frg.  donnant  encore  quelques  offrandes  nouvelles.  —  Les  autres  textes, 
non  publiés,  ont  permis  des  restitutions  ;  les  variantes  notables  ont  été 
signalées. 

—  G.  Glotz,  REG,  1916,  281-325.  Lliistoire  de  Délos  d'après  les  prix  d'une 
denrée.  En  étudiant  les  variations  du  prix  de  la  poix  dans  les  comptes  des 
hiéropes,  substance  qui  provenait  de  Macédoine,  l'auteur  détermine  les  périodes 
durant  lesquelles  l'île  fut  sous  la  domination  des  Lagides  ou  des  Antigonides. 
La  chronologie  des  archontes  déliens  peut,  par  là  même,  être  fixée  dans  une 
certaine  mesure. 

CRÈTE 

Gortyne.  —  Lés  fouilles  italiennes  ont  donn*^  d'intéressantes  indications  sur 
la  construction   dont  fait  partie  la  grande    inscription  dite  loi  de  Gortyne  :  -- 


120  p.    HOUSSEL,    G.    NICOLE 

Qiio](jiies  textes,  ti'ouvrs  dans  les  constructions  environnantes,  sont  signalés 
dans  V Aniiuario. 

A.  Maiuri,  Annitario,  191,'],  i:jfi.  Base  trouvée  dans  le  Nympliaeum,  en 
l'honneur  d'Al/Ao:  Aapxioç  K'jozIvt.  Aéttioo;  ilooTvTrixiavôç,  •  or-jyy.ATjX'.xô;  Ta;j.:a:; 
(h>'  s.  ap.  J.-C.)-  —  l*-  l'^l-  Sur  des  colonnes  trouvées  au  même  endroit,  quelques 
gralïites.  acclamations  en  l'honneur  de  Constantin,  d'iléraclius,  d'Eudoxie. 

<l.  Olivcrio,  ibid.,  191.-i,  'MiWMl  :  Sroperla  ciel  sanluario  délie  divinlta  eç/izie 
in  Gortiida.  O.  signale  une  arcliitrave  avec  déd.  d'un  oixot;  par  Flavia  Philyra  et 
ses  (ils  à  Isis,  Sarapis  et  aux  dieux  jûvvaoï.  —  ïbid.,  1916,  309-:]H.  Frgts  de 
dédicaces  plus  anciennes  aux  mêmes  divinités. 

Ib'uL,  1916,311-312.  Base  trouvée  près  du  Létoon  :  [Sjax'jptoa;  nsiGoivû:;  àyopavo- 
\i.r^<^y.c,  y.a:  -"jvar/.ovû;j.f<cTaî  ;j.ôvo;  PôpTuv  àp/aysTav  v.al  EùsTT^pîav.  C'est  le  héros 
archénéie  de  Cortvne. 


ILES  D'ASIE  ET  PEREE    RHODIENNE 

Rhodes.  —  L.  Pernier,  Boll.  Ane,  1914,  219-242.  C.-r.  des  explorations 
récentes  :  sur  l'acropole  de  Camiros,  frg.  d'une  inscr.  semblable  à  IG,  XU,  1,  695 
avec  partie  du  nom  des  KpT,T'.vx6a'..  —  Sur  un  autel,  mention  xôjv  /.a-rà  t6v 
<T£'.a;jLOV  TcAS'jxaaàvTwv. 

—  Porro,  ibid.,  1915,  283-300.  Exploration  de  la  région  de  Kamiros  ;  décou- 
verte de  35  inscr.  —  G.  G.  Porro,  Annuario,  1916,  125-131.  hcrizioni  di  Rodi. 
Publie  22  funéraires  recueillies  en  1912  et  1913,  plus  un  frg.  architectonique 
(àvijjxT.asvj  et  une  déd.  à  Hadrien  trouvée  à  Télos.  Les  stèles  donnent  des  noms 
d'étrangers,  originaires  d'Asie-Mineure  ou  de  Phénicie  ;  signalons  n»  17  : 
'OAuaTciàç  'Axsixt;;  (ethnique  non  expliqué).  —  A.  Maiuri,  ibid.,  1916,  133-119. 
Nuove  iscrizione  yreche  dalle  Sporadl  meridionali.  Depuis  l'occupation  italienne, 
un  musée  archéologique  a  été  établi  dans  l'ancien  hôpital  des  chevaliers 
(cf.  p.  274).  Parmi  le  millier  d'inscr.  qui  y  ont  été  recueillies  et  qui  proviennent 
de  la  cité  et  de  la  nécropole  de  Rhodes,  Al.  en  publie  190  ;  quelques-unes,  à  son 
insu,  ont  déjà  été  publiées,  —  1.  Liste  de  souscripteurs,  étrangers,  [xéxor/coi, 
é-jTÎoaao'..  —  2  =  'Ap/.  'Ki?.,  1915,  128,  n.  1.  —  3.  Déd.  à  Zeus  Olympios  et  Héra 
Olympia.  —  5.  A  Asklépios,  Hygie  et  'HtxEpiôsîoiî;.  —  6.  A  Athéna  Lindia. 
—  7.  AYaOoô  Aa{;j.ovo,-  xal  'AyaGx^  Yù/jx:^.  —  9,  Zf,voî  ilwxf.po;.  —  10.  Un  person- 
nage, dont  le  nom  a  disparu,  honoré  par  un  grand  nombre  d'associations  reli- 
gieuses, par  des  technites,  des  collègues,  et  des  soldats  qui  l'ont  suivi  (texte 
intéressant).  —  11,  déjà  publié  par  II.  v,  Gaertringen,  Jahresh.,  1901,  160,  en 
meilleur  état;  le  vaisseau  porte  le  nom  d'Eùav5p(a  et  non  EûavSpfa  XsSaaxâ.  — 
13-l(i.  Frgts  et  déd.  honorifiques.  —  18.  Mention  du  vaisseau  EùavSpt'a  Seêaaxâ; 
cf.  IG,  Xll,  3,  104.  —  19.  Copie  plus  complète  de  /(r,  XII,  1,  83;  entre  autres 
fonctions,  le  personnage  est  dit  :  xi  irspl  xàç  clxoaxaç  xaxopôwaavxa.  —  20.  Frg. 
avec  mention  des  jeux  'Epeôeijxia.  —  21.  Déd.  d'un  xoivôv  x6  SuvSuaiaaxav.  — 
22.  0'.  a'.psôévxsi;  zrd  xàv  .pu);axiv  xal  è'/ôôor'.v  xoCi  ÊXa[(]o'j.  —  25.  Un  prêtre  d'Athéna 
Lindia,  de  Zeus  Polieus.  d'Athéna  sv  K£xoîa[i].  —  26.  Un  prêtre  d'Hélios. 

27-190.  Funéraires,  —27.  Archaïque  ;  Xapwvîûaç  £.£vox(;xoj  (ire  inoitié  v^  s.). — 


HULLiyrrN  ÉJMGi'.APurouK  421 

45.  Un  Aaootxsùî  irJj  fI>oivi-/r,:;.  —  101.  A'.OTvco'.>p{oT,:  Hoa/.Xcîoo'j  TJ'^'.o^.  —  107. 
Une   'lo'jaîa.  —    113.   k'xprôi^oipo^    lls'.pa'.-j^  —   16!l.  HevO'Ôoo'j  'Ispo-oAi-roc. 

Ibid.,  267-269  :  Un  iscrizione  f/reco-feiiicia  a.  liodi.  Aux  environs  de  lihodes. 
en  x\n  lieu  non  fouillé  où  peut  exister  un  siinctuairc  suhui'hain,  M.  ;i  remarqué 
un  frg.  de  stèle  avec  de  f.iibles  l'ostes  ilune  insci-.  gre(%que  et  deux  Ijt^nes  en 
caractèi'es  phéniciens.  .M.  complète  ainsi  le  texte  gi-ee  :  [Ocoî];  .M'jA[avT{oi:;  ?]... 
[yapi7Tï,]G'.ov,  d'après  une  glose  (rilésychius  mentionnant  ;i  Kamii'os  les  '.3pi 
M'jXxvt'wv. 

Périe  Rhodienne.  —  Lon/wa.  —  \\  K(uissel,  HEG,  1916,  184-18.-i.  Ktudie 
l'inscr.  fan.  "Apy.  'Kcp.,  191'],  1,  n"  82,  où  est  mentionné  un  Damas,  tils  de  f^ykatui. 
dont  la  descendance  se  retrouve  à  Kos. 

ASIK    MINEURE 

Mysie.*—  Lampsaque.  —  M.  Ilolleaux,  REA,  1916  :  fMmpsaque  et  les  Galales 
en  197/6.  Étudie  le  célèbre  décret  du  peuple  de  Lampsaque  en  l'honneur  d'Hé- 
gésias  et  de  ses  collègues,  ambassadeurs  à  Massalia  et  a  Rome  en  196  (Michel, 
529  =  Stjll.  2,  276);  au.K  1.  56-57,  il  faut  compléter  [sjvs-f âv.as  oè  aô[TÔ<;  axI  ~t\ol 
xCiv  sv£7Ttô]To)v  (au  lieu  de  TaXaTwv);  ainsi  disparaît  l'une  des  prétendues  allu- 
sions au.K  Gaulois  ;  l'autre  allusion  qui  subsiste  n'indique  nullement  que  les 
habitants  de  Lampsaque  eurent  à  lutter  contre  les  Gaulois,  mais  que  les  ambas- 
sadeurs, de  leur  propre  mouvement,  sembie-t-il,  demandèrent  au  sénat  de  Mar- 
seille pour  leur  cité  une  lettre  publique  de  recommandation  aux  Galates. 

Pont.  —  Smope.  —  Th.  Reinach,  RA,  1916,  III,  329-358.  D'après  les  copies 
parues  dans  une  petite  revue  de  Mersivan,  R.  publie  9  inscr.  grecques  dont 
quelques-unes  déjà  connues.  Je  signale  :  5.  Statue  à  un  gymnasiarque  et  xys- 
tarque,  qui  a  otî'ert  au  peuple  un  banquet.  —  7.  Épigratnme  funéraire.  —  8. 
Bilingue  ;  un  vétéran  élève  de  son  vivant  un  monument  à  lui-môme  et  à  sa 
femme  Numéria  Procopé.  —  10.  Déd.  au  pugiliste  Marcianus  Rufus  avec  la  liste 
des  jeux  où  il  triompha. 

Lydie.  —  W.  H.  Buckler,  68/4,  XXI,  169-183  :  Some  Lydian  propilialory  inscrip- 
tions. Une  stèle  vue  à  Kala  en  191  i  représente  deux  pigeons  et,  au-dessus  deux 
yeux;  l'inscr.  donne  :  Aisl  Sx^aî^îtoi  xal  MTjxpel  E'iTtxa  A'.ovcXf,;  Tpo'ftîxo'j  •  èiztl 
STreîxaa  Tispiaxî'pa;  xwv  ôewv  iy.o'Xa36T,v  s;  xoù;  o'^fjx^^jj.o-j;  -/.a:  è^^éyQX'^x  xr,v  ipsxT.v. 
Sur  la  déesse  Hipta,  cf.  Bulletin,  1913,  178,  n.  169  et  188.  B.  corrige  quelques 
textes  analogues  :  /.  IL  St.,  IV,  385,  n.  7,  1.  6  :  xi  xoÀaTÔïcrx  U  x6<v>  v>,o'j- 
(6t)ov.  —  REG,  1901,  301,  n.  4,  doit  être  complète  comme  lïnscr.  propitiatoire 
d'un  personnage  qui  a  blasphémé  la  déesse  devant  la  néocore.  —  Moucrsïov  de 
Smyrne,  1886,  84,  n.  ;5o;'.  —  Le  Bas-W.,  1764  b.  —  Ath.  Milt.,  1904,  318.  Il  fau- 
drait entendre  :  raXXtvtw  (nom  féminin)  ' k^/Xr^rJ.y.:,  xw;xf,;  (du  village  consacré  à 
Asklépios),  Fort  douteux. 

lonie.  —  Éphèse.  —  [E.  Weiss,  Jahresh.,  1915,  Belbiatt  :  Zum  Slaalrecht  von 
Ephesos,  286-306.  Commente  au  point  de  vue  juridique  l'inscription  de  Thé- 
mistios  publiée  par  Heberdey,  Jahresh.,  1904,  Beiblntt,  44. 

.1.  KeW^Jahresh.,  1915,  66  sq.,  publie  quatre  stèles  consacrées  à  Cybèle,  du 
musée  de   l'Ecole  de  Smyrne.  "A^io;;  ]VlT.xp[{  (fîg.  42).    |l  corrige   l'inscr.  publiée 


422  p.    ROUSSEL,    G.   NICOLE 

par  Conzo,   Arcli.  ZeiL,  1880,  pi.  III,  2,  et  restaure  'Ava^iTÔTv-r,  [MTjTpl   8ewv  'AJySî- 
(jTe[L  àviÔTiXEv]  ou  Wva^t-jiôXr,-  -  'AYS(7T£[t  àvéÔT.xev]. 

R  [leberdey,  Beiblaft,  86,  Vorlneufiger  Bericht  ueher  die  Grahnngen  in  Ephesos^ 
1913.  Public  des  iiiscr.  trouv^'es  en  1913.  Sur  un  bloc  du  mur  sud  d'un  édifice  où 
[leberdey  reconriaît  un  nyiuph''e  et  J.  K.eil.  ibid:,  286,  le  temple  de  Claude,  amé- 
nagé en  delubrum  dans  une  partie  de  la  cella  :  stiI  Trp-jxavswç  BTfi[8to(;]  ]  «txiSpsîvTfiç. 
—  Sur  une  moulure  à  oves  Kopv/jX'.Oî;  Aup.  Z-i\vwv.  —  Dans  le  mur  de  la  ville, 
près  de  la  porte  nord  de  l'agora,  deux  bases  de  statues  dédiées  par  le  peuple  et 
le  sénat  à  Tixoç  nsÇjxatoç  KâvaS,  prytane  et  pi'être  de  la  déesse  Rome,  et  de 
Publius  Serviliiis  Isauriciis,  héroisé.  Sur  ce  personnage»,  qui  vainquit  les  pirates 
ciliciens,  cf.  Druuiann-Groebe,  Gesch.  Roms,  IV,  408  sq. 

—  J.  Keil,  ibid.,  284  Dédicace  de  ïpujwja  'Hpax>>e[8ou  à  Artémis  dÉphèse,aux 
empereurs  et  au  p<Hiple  d'Éphèse.  Elle  avait  ofl'ert,  en  échange  de  la  prêtrise 
d'Artémis,  Vi'^zTt.oly.  du  stade  avec  cinq  statues.  Époque  de  Néron.  —  P.  282.  Base 
de  statue  élevée,  au  milieu  du  ii^  siècle  ap.  J  -C,  à  Flavius  Faustinianus,  pry- 
tane, gyiimasiarque,  '.spT-tfip'j^  d'Art'Miiis  et  strati-ge,  par  les  habitants  du  quartier 
d'Éphèse  ditKorésos;  cf.  Pausan.,  V.  24,  8]. 

—  M.  Hoileanx,  REG.,  1916,  29-4o  :  Éphèse  et  les  Priéniens  du  Chamx.  Étudie 
et  complète  le  décret,  publié  par  R.  Heberdey,  Forschungen  in  Ephesos,  II,  97-98, 
n,  1  (cf.  Bulletin,  1913.  480,  et  1914.  466)  et  en  déduit  les  conséquences  histo- 
riques. Il  s'y  agit  de  Priéniens  bannis,  réfugiés  à  Éphèse  et  établis  dans  un  fort 
de  la  frontière  le  Charax)  ;  Éphèse  contracte  un  emprunt  pour  les  fournir  d'armes 
et  cherche  des  ressources  en  vendant  le  droit  de  cité.  Ce*'  événeuients  se  placent 
vers  286.  —  i.a  vente  de  droit  de  cité  est  mentionnée  dans  une  autre  inscr. 
d'Éphèse  (Michel,  495). 

Érythrées.  —  P.  Roussel,  REG.,  1916,  170-173  :  Dans  Tinscr.  Johresh.,  BeibL, 
1910,  72,  n.  56,  J.  Keil  a  trouvé  une  formule  étrange  pour  désigner  la  colonie 
romaine  de  Téos  :  ol  'Pwti-aToi  Tt^^wv;  mais  il  a  réuni  à  tort  deux  mentions  tout  à 
fait  distinctes,  gravées  dans  deux  couronnes.     . 

Carie.  —  Milet.  —  Ibid.,  185-187.  Correction  au  décret  dune  cité  anonyme  publié 
par  Rehm,  Das  Delphinion  in  Milet,  n.  144,  B.  —  Remarque  sur  Zeus  Homo- 
boulios. 

Amyzon.  —  Dans  le  nouveau  fasc.  des  Ane.  Greek  Inscr.  Brlt.  Mus.  (ci-dessus, 
p.  410)  est  publiée  une  lettre  royale  dont  il  ne  reste  que  la  moitié  droite.  L'éditeur 
en  a  rapproché  un  texte  dont  Hamilton  a  copié  quelques  mots  [CIG.,  2899),  entre 
autres  AMYTONEON*  Ce  serait  une  lettre  d'Antiochos,  sans  doute  Antio- 
chos  III,  à  la  ville  d'Amyzon.  La  restitution  que  l'éditeur  n'a  pas  tentée  est  assez 
malaisée  (mention  à  lai.  5  d'un  roi  Ptolémée). 

LYCIE,    PAMPHYLIE,    CILICIE 

[A.  Wilhelm.  Jahresh.  d.  Arcfi.  Inst.,  Beiblatt,  XVIII,  1915,  5-60,  Vorlaeufiger 
Berichf  ueher  eine  Reise  in  Kilikien.  Publie  les  principaux  résultats  du  voyage 
qu'il  fit  en  comt>agnie  de  W.  Bauer,  de  fin  mars  au  5  juin  1914,  avec  Adalia 
comme  point  de  déjini't  et  Mcrsina  comme  tcinie  de  son  excursion.  —  P.  7.  Atta- 
Icia  (Adalia;.  \V.   corrige  la  dédicace  pul)liée  par  R.    Paribeni  et  R.  Romanelli, 


HULLËTIN    ÉPIGhAPHlQUÈ  423 

Mo)i.  Antichi,  XXllI,  1913,  13  {Bulletin,  1916,  4o3).  'A-rrôXAwn  'RXaieaûito,  au  lieu 
de  'E'Xaia.ap(a).  11  y  a  ciuq  dédicants  dont  le  premier  est  8T,|X'.o'jpyô(;  et  les  autres 
^(peo'fuXaxeç.  —  Perç/e.  P.  7  et  sq.  Fixe  l'eiuplacement  de  la  A'jpêwTwv  xojixt,  en 
revisant  lesinscr.  encastrées  dans  le  nOpyoç  iaûXwroî  du  Bazar  Gediji  Oerenlik 
près  de  Dueden.  Ces  ruines  ont  été  découvertes  par  H.  A.  Ormerod  et  E.  S. 
G.  Robinson  («.  S.  A.,  XVII,  228,  n.  8-10). 

Séleucie  du  Kalykadnos.  P.  17,  fig.  6.  Nouveau  frg.  des  stèles  de  calcaire  por- 
tant les  décrets  de  diverses  cités  grecques  eu  Thonneur  d'Eudémos,  flis  de  Nikon 
de  Séleucie,  courtisan  du  roi  Antiochos  IV  Épiphane  de  Syrie  (Michel,  n»  o3o). 
Aux  décrets  d'Argos,  de  Rhodes,  de  Béotie,  de  Byzance,  de  Chalcédoine  et  de 
Cyzique  s'ajoutent  ceux  de  Lampsaque;  un  premier  décret  confère  la  proxénie, 
un  de'uxième  le  droit  de  cité,  comme  le  double  décret  de  Byzance.  W.  n'a  pas 
retrouvé  la  première  des  deux  stèles  érigées  en  l'honneur  d'Eudémos.  La  deu- 
xième et  le  nouveau  frg.  ont  été  transportées  au  Konak  de  Selefké,  —  P.  22. 
fig.  7.  Photographie  de  linscr.  de /("om^ion,  publiée  J.  II.  S.,  Xli,  238,  n»  31.  — 
P.  22  sq.  Découverte  du  sanctuaire  d'Athéna  ev  Tayai;,  dans  nue  grotte  située 
dans  le  ravin  du  Kalykadnos,  à  deux  heures  de  Séleucie.  Décret  de  Séleucie  en 
l'honneur  d'un  certain  AiovujôSwpoî  6eay£voj<;,  daté  des  empereurs  Antonin  et 
Marc-Aurèle.  D.  a'  acheté  la  prêtrise  vacante  depuis  plusieurs  années,  non  en 
espèces^  mais  par  une  contribution  de  30  dénares  à  Toffrande  d'un  tympanon  sur 
lequel  son  nom  doit  être  gravé.  Il  donne  11  oboles  à  chaque  bouleute  et  à  cha- 
cun des  maiiistrats  ^ttô  auvap/u^;,  et  cela  en  deux  versements,  Ôiaspoi;.  Il  y 
avait  peut-être  à  Séleucie,  comme  à  Rhodes,  deux  sénats  par  an.  Cf.  Jahresh.,l\, 
159  sq.  —  Au  peuple,  D.  lemet  6,200  dénares?  Chacun  des  membres  de  la 
gérousie  reçoit  12  oboles.  Connue  titulaire  régulier  de  la  prêtrise,  D.  a  auiénagé, 
de  son  plein  gré,  le  sanctuaire,  a  fait  dorer  un  objet  de  culte  non  spécifié,  a  fait 
don  d'une  statue  de  Paros  dorée  et  d'une  base  d'autel  (uiroSwfxtî,  mot  nouveau). 
Enfin,  il  a  établi  TavoSoç,  escalier  taillé  dans  la  roche,  menant  au  sanctuaire  et 
élargi  l'ouverture  de  la  grotte  pour  y  aménager  une  porte,  Oûpojjivjirèp  tt.v  s^oSov. 
V^.  rapproche  de  ce  décret  celui  de  Gylheion,  /G,  V,  1,  1144,  Michel,  n»  183.  — 
P.  33.  Bourgade,  à  deux  heures  et  demie  an  N.-E.  de  Séleucie.  Sur  le  linteau 
d'une  porte  encore  debout,  on  lit  le  nom  deTpoxovâîJa;;  Oùaaew;;  et  ceux  des  mem- 
bres de  sa  famille. 

P.  33.  Olba.  Épigramme  (fig.  12).  [Nsjxopa  jj-èv]  nu>wta  |  QooX a -jîdpov  ioôuxxo 
/6wv  I  TôGxpô,  [iz  5'  'OX6s'.5av  yaîa  9£p£7iT6X£[xo<;,  Xaàv  ?  ô?  éx]  xaixi  xo:o  Sopl 
TiTa(ouaa  aawsrxi;  )%â9pa  !^tj]t,toù;  ?  t'iyotyar  sîç  At;j.£vxç  |  Touvcxa  o]t,  iz,  cpépiatî, 
jxéy'  S;o'/a  xuSxtvouja  ]  Zï^vô;  "Aêa  fjL£y]otXaj  jxâaev  tvl  itpoootjLtp 

P.  41.  Korasion.  Environ  20  •  textes  funéraires  qui  seront  publiés  plus  tard. 
Pour  les  églises  de  K.,  voir  Rev.  Arch.,  1906,  II,  7  (Miss  G.  Louthian).  —  P.  45. 
Élaioussa-Sebasté.  Inscription  gravée  sur  un  sarcophage  par  'Epiia?  à  sa  femme 
et  à  sa  belle-mère,  <t>ip[X£{va  'Epjxoyévoj;  xal  KuptXtvr,  'AzTtx  :  [\xr^zt\o  aÙTî^î],  avec 
exorcisme  à  Zeus,  Hélios  et  Séléné. 

P.  49.  Hiérapolis-Kastabala .  Base  de  statue.  Le  monument  est  voué  par  le 
peuple  en  l'honneur  d'un  évergète  dont  le  nom  est  etïacé,  KXéwv?  —  Base  de  sta- 
tue avec  dédicace  des  Hiéropolitains  à  Lucius  Calpurnius  Piso  Frugi  Pontifex, 
cf.  Pauly-Wissowa,  III,  1396,  n»  99.  Suppl.  I,  272. 


i2i  V.    nOUSSEL,    (1.    NICOLE 

p.  ;i3.  Miinanslra,  localité  dctermince  [)ai'  une  borne  trouvée  au  l)oi'd  du 
Dschihan,  à  une  lieure  du  village  tscherkesse  de  Medjhidié,  entre  Hiérapolis  et 
Aiiazarl)a. 

I>.  .il.  Anazarba.  Sur  l'Acropole,  petit  sanctuaire  d'A^poSixT,  IvaaxAeÏTiî.  Inscr. 
oii  le  nom  de  Doniitien  est  martelé.  Le  gouverneur  de  la  Cilicie  est  Q.  (lellius 
Longus  inconnu  Jusqu'ici.  L.  Valerius  Niger  et  son  fils.  L.  Valerius  PoUio,  prê- 
tres de  la  déesse  lionie  et  6r,u.io'jpyoî  (le  dernier  personnage  est  également 
prêtre  de  lEmpereur  Titus  divinisé},  ont  élevé  un  temple  à  l'empereur  régnant, 
Domitien,  sous  le  nom  de  Aiovjao;  KaWUrtor.h:,.  —  Fig.  21  et  22,  Tombeau  oi'né 
d'un  bas-i-clief  d'un  ennuque  de  la  princesse  Julie  la  jeune,  fille  du  roi  Tarkon- 
dimotos,  Ileberdey-Wilhehn,  Denkschr.  der  Akad.  Phil.-hisl.  KL,  XfJV,  n  Abh., 
1896,  p.  1)8.  \V.  lait  des  corrections  à  Tépitaphe  métrique,  notamment  au  début 
Tov  -xvTx  Too  vf,v  txô/_9ov  eiî  xôoe  xaxeSsjj.îv  T[éXo;  •  àrJj  xfis]  t,6t,:;  c'jvoG/o:;  [iaaiAÎoo^ 
"lo'jX'.a?  vswxipa;  xpo'fs'j;. 

l(es/.r(xs.  —  P.  59  et  Silzunf/^h.  der  Wien.  Akad.,  l'IdL-hLsL.  KL,  Bd.  179,  1915, 
Abh.  (1,  62,  W.  corrige  finscription  publiée  par  \\.  Paribeni  et  \\.  Ronianelli, 
Mon.  Ani.,  XXIII,  149,  n°  110,  et  montre  (pie  (m-s  deux  savants  ont  trouvé, 
entre  Sélinos  et  Antioche  du  Kragos,  la  ville  de  KesLroa].  J'ai  de  mon  côté 
indifpié  la  correction  ilc  \\z-y{^Mv  en  Keaxpr.Atov  dans  le  précédent  liullelin^ 
454,  n.  110. 

SYRIE-PIIÉNICIE 

Je  ne  puis  que  signaler,  d'après  AJA,  la  publication  de  nouveaux  fascicules 
consacrés  aux  inscr.  grecques  et  latines  de  Syrie  et  publiés  par  la  Prmcelon 
Univer.sily  A rchaeolof/ical  Expéditions  lo  Syria  in  I90'<-190o  and  1909.  Division 
111,  section  A,  partie  5  :  176  inscr.  grecques  et  2  latines  trouvées  dans  la  plaine 
du  llaur.in  et  dans  le  Djebel  Haurân,  —  Partie  6  :  16  inscr.  provenant  de  Sî  qui 
n'était  pas  une  ville,  mais  une  enceinte  sacrée  avec  temple  de  Baal  Shamin 
(cf.  Déloa  coL  aih.,  260,  n*^  6),  de  Dushara  etc. 

Arados.  —  \\.  Savignac.  Hev.  BibL,  1916,  565-592  :  Une  visite  à  l'île  de  Rouad.  — 
P,  575  :  2  estampilles  d'amphores  (Kaaaidtvou)  —  57(),  n.  1.  Inscr.  gréco-phéni- 
cienne :  mention  d'un  gymnasiarque  ;  déd.  à  Hermès  et  Uéraklès  —  579,  n.  II. 
Déd,  de  plantation  à  Zeus  Kronos  sur  Tordre  d'un  dieu  ([£x]é>vsujcv  6  Tiavxwv 
£vapyéaxa[xoî]  ;  et,  l'inscr.  d'Abila,  OGIS,  606, 

EGYPTE  ET  GYRÉNAIQUE 

[F,  l'reisigke  et  W,  Spiegelberg,  Aeyyptische  und  griechische  Inschriflen 
ans  d.  Sieinbruechen  des  Gehel  Silsih  (Haute  Egypte),  avec  des  dessins  de 
Georges  Legrain  remis  aux  éditeurs  en  mars  1911.  Strasb,  1915,  24  p.,  24  pi.  40- 
Les  textes  démotiques  par  Spiegelberg,  les  textes  grecs  par  Preisigke.  CR.  de 
Wessely,  W.  f.  KL  P/iil.,  1916,  961], 

Alexandrie.  —  S.  de  Ricci,  CRAl,  1916,  165-168.  L'inscr,  du  Musée  d'Alexan- 
drie, Rreccia,  Calai.,  n,  67  (=  Inscr.  gr.  ad.  r.  roni.  perl.,  I,  372,  n,  1078)  est 
complétée  en  partie  par  un  frg.  du  même  musée,  Breccia,  n"  169,  —  Extrait  du 


BULLETIN    IJl'KiRAPlIlOLE  'i2i) 

rc<>istro  otliciel  de  Vidioli>;/i/e  (rAlcxandrie  (2i  scpl.  1:^0  ap.  .I.-(1.}  :  iiii  C(;rlaiii 
OuX-to;  lloTx;j.f.)v  et  des  personnages  dits  à[-r6  TroA'.TJsjiJ-aTo;  Ajxior/  ont  i^'-gligé 
l;i  garde  des  nécropoles  (Xî'.-cÎvxojv  ij.vr.ixaTOfjXavciav  -poxr, vcoujav  aJxioï;!. 

Fayoum.  —  /6j(/.,  420-424.  M.  reconstitue  une  inscr.  très  mutilée,  acln-tée  a 
Medinct-el-Kayouni,  où  seraient  mentionnés  les  (i47()  citoyens  d'une  IHolémaïs 
(du  Fayoum  ?). 

Evheinena.  —  P.  Roussel,  HEC,  t!)16,  17:j-lS(),  étudie  linscr.  reialivr  à 
Vasf/Ua  d'un  sanctuaire  îles  dieux  crocodiles,  publiée  jiar  Aivanitakis 
{Uulletiïi,  1914,  475  ;  191.'),  474),  et  signale  les  textes  analogues  de  Mn.qdiHa  et 
TheadelpJiia.  —  Quelques  indications  sur  les  fonctions  religieuses  du  X^îojvf,^, 
exercées  d'après  cette  inscr.,   par   un   Macédonien    tojv  xaxo^y.fov  lr-A<')'j. 

Cyrénaique.  —  D.  Coniparetli,  Anmiavio^  191o,  161-167  :  Iscrizione  cris/'ume  di 
Cirene.  Un  texte  mentionne  une  femme  et  son  fils  morts  à  la  suite  d'un  tremble- 
ment de  terre. 

ri'AIJK 

Grande  Grèce.  —  l).  Comparetti,  Anniturlo,  1916,  219-266  :  Tahelle  tesUDurn/ji- 
rle  délie  colonie  achee  di  Magna  Grecia.  Étudie  quatre  lames  inscrites  [)rovenaiit 
des  quatre  cités  achéennes  fondées  par  Crotone  :  220.  Crimisa  =  AUi  Accud. 
Torino.  1914,  1027  (cf.  Bulletin,  1915,  475)  :  lire  :  — oiooTi ...  y.al  ÎIoo?  vtial  0;avôv 
[t]5'.  y'jy[x'.v.l  xùxô]  Zao[T]û-/[a'.].  —  221.  Caulonia  :  Halbherr.  Notizie  Scaui,  1S90, 
311.  —  231.  Peleliu77i,  souvent  éditée  depuis  CIG.  —  Terina,  tin  vr  s.,  inédite. 
Ces  quatre  textes  sont  des  testaments,  et  C.  en  étudie  les  clauses  générales.  — 
En  appendice,  remarques  sur  des  textes  de  Tégée,  Dodone,  Coi'cyre  (voir  ci- 
dessus),  pris  à  tort  pour  des  testaments. 

Sicile.  —  Aidone,  —  Ibid.,  1915,  11-118.  C.  étudie  une  lame  d'argent  où  il 
s'agit  d'une  Trpâcriî  èttI  'Kùie'..  —  Mention  des  à[j.-o/r)i,  appareujment  des  garants. 

Syracuse.  —  Héron  de  Villefosse,  CRAI,  1916^  132-134,  d'après  Nolizie 
Scavi,  1915,  185,  signale  la  découverte  dans  une  nécropole  d'une  stèle  : 
isvdxp'.TOç  Hz/x:<sxQ-A\éou  [M]aaja)viwxT,(;  (m'-  s.  av.  J.-C).  Elle  confirme  l'existence 
de  rapports  commerciaux  entre  les  deux  cités. 

AFRIQUE    DU    NORD 

Car/liage.  —  Le  P.  Delattre,  CRAf,  1916,  161,  signale  plusieurs  inscr. 
grecques  (funéraires)  trouvées  dans  la  fouille  d'une  basilique  près  de  Sainte- 
Monique.  —  P.  162.  Anse  d'amphore    rhodienne  :  ONASIOIKOV. 

—  Héi'on  de  Villefosse,  ibid.,  433-435.  Étudie  une  épitaphe  bilingue  trouvée 
dans  ces  fouilles  :  il  s'agit  d'un  chrétien,  le  Syrien  Porphyrios,  citoyen  de 
Canatha  et  de  Boslia. 

P.  Roussel,  G.  Nicole. 


OlIVIiAfiKS  DÉPOSÉS  AUX  BCRI'AIX  Ml  LA  REVUE 


Armstrong  (M.  E.;.  T/ie  Significance  of  cet' tain  colors  in  roman  rilual  (Disserta- 
tion doctorale  de  lUniversiié  John  Hopkin),  Menasha,  Wisconsin,  George 
Banta  publishing  Company,  1917,  In-8o,  oO  p. 

Bi:RAR[)  (Victor).  Un  mensonge  de  la  science  allemande.  Les  «  Prolégomènes  à 
Homère  »  de  Frédéric-Auguste  Vi/olf.  Paris,  Hachette,  1917.   In-16,  289  p. 

Blinkenberg  (Chr.).  Miraklenie  i  Epidauros.  Copenhague  et  Christiania,  Gylden- 
dalske  Boghandel,  1917.  In-S",  123  p.,  avec  un  plan. 

BoËTHiLS  (Axel).  Die  Py thaïs.  Studien  zur  Geschichte  der  Verbindiingen  zwischen 
At/ien  vnd  Delphi.  Upsala,  1918.  In-8o,  vi  et  172  p. 

Breccia  (Evaristo),  Commemorazione  del  socio  siraniero  Gaston  Maspero,  letta 
nella  seduta  del  15  aprile  1917.  Estratto  dai  liendiconti  délia  Re aie  Accademia 
dei  Lincei,  Classe  di  scienze  morali,  storiche  e  fiiologiche,  vol.  XXVI,  fasc.  4. 
Roma,  tipograQa  délia  R.  Accademia  dei  Lincei,  1917.  In-8°,  22  p. 

Chase  (George  H.).  Catalogne  of  Ar rétine  pottery  in  the  Muséum  of  fine  arts, 
Boston.  Boston  and  New-York,  Houghton  Mifflin  C»,  1916.  In-4o,  vii-112  p., 
30  pi.,  1  lig.  dans  le  texte,  1  ûg.  hors  texte. 

CoLARDEAU  (Th.).  Correctioîi  d'un  passage  des  Entretiens  d'Épictète  {III,  xxii,  5) 
Extrait  d^ïs  Anjiales  de  l'Université  de  Grenoble,  t.  XXVIIl  (1916;,  n*>  3,  pp.  467- 
471.  Paris,  Gauthier-Villars;  Grenoble,  Allier  frères. 

CoNSTANS  iL.-A.).  Rapport  sur  une  mission  archéologique  à  Bou-Ghara  {Gigthis) 
{1914  et  1915).  Fasc.  14  des  Nouvelles  archives  des  missions  scientifiques  et  lit- 
téraires (Nouvelle  série).  Paris,  Impriuierie  Nationale,  1916.  In-S»,  116  p.,  avec 
14pl.  etSfig. 

Deonna  (Vi^.j.  L'épisode  d'Aceste  dans  le  V^  livre  de  l'Enéide.  Tirage  à  part  des 
Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bordeaux  et  des  Universités  du  Midi, 
4=  série,  t.  XIX  (1917).  n°  2,  pp.  101-110.  Bordeaux,  Frèret  et  fils;  Paris,  Fon- 
te m  oing. 

—  Questions  d'archéologie  religieuse  et  symbolique  (XII  :  Le  sens  des  récipients 
en  forme  humaine  ou  animale).  Tirage  à  part  de  la  Revue  de  l'histoire  des 
rellgioîis.  Paris,  Leroux,  1917.  lu-S»,  55  p. 

—  Les  croyances  religieuses  et  superstitieuses  de  la  Genève  antérieure  au  Chris- 
tianisme. Tirage  à  part  du  Bulletin  de  l'Institut  national  genevois,  t.  XLII, 
pp.  209-526.  Genève,  Imprimerie  Centrale,  1917,  318  p. 


OUVRAGES  DÉPOSES  ALX  HLHEALX  DE  LA  KEVLE       ï'il 

—  Survivances  ornementales  dans  le  mobilier  suisse.  Tirage  à  pari  des  Archives 
Suisses  des  traditions  populaires,  t.  XXI,  1917,  pp.  185-18'J. 

—  Notes  archéologiques.  Tirage  à  part  de  la  Revue  archéologique,  Paris,  1917, 
Leroux.  Iu-8%  26  p. 

Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et  ro)naines...  rédigé...  sous  la  direction  de 
M.  E.  Saglio,  continué  par  MM.  E.  Pottieh  et  G.  Laiayk.  Fascicule  52  {Vota- 
Zythum)  contenant  41  gravures.  Paris,  Hachette,  1917.  ln-4û,  pp.  969-1082. 

Discursos  llegits  en  la  «  Real  Academia  de  Buenus  Letras  »  de  Barcelona  en  la 
solemiie  recepiciô  pâblica  de  D.  Lluis  Segalà  y  Estalella  el  dia  J'2  de  novembre  de 
1916.  Barcelona,  imprenta  de  la  Casa  provincial  de  Caritat,  1916.  In-io,  .n  p, 

Dragoumis  (Et.).  EU'  liz'jyio'j  >.£ç£'.^  (Extrait  de  VAthéna,  t.  XXIX,  p.  2oo-:30I). 
Athènes,  Sakellarios,  1917,  in-8". 

APOSINH  (r.)  :  KXs'.cTxà  BXé^apa,  1914-1917.  Athènes,  .1.  N.  Sidéris,  1918.  Petit 
in-8o,  182  p. 

Ebersolt  (Jean).  Sceaux  byzantine  du  Musée  de  Constantinople.  E.xtrait  de  la 
Revue  numismatique,  1914,  p.  207  et  siiiv.  Paris,  RoUiii  et  Feuardent,  1914. 
In-8o,  74  p.  et  3  pi. 

—  Mélanges  d'histoire  et  d'archéologie  byzantines  (Extrait  de  la  Revue  de  Vhis- 
toire  des  Religions,  t.  LXXVI),  Paris,  Leroux,  1917.  In-S",  128  p.  avec  7  figures 
et  2  planches  hors  texte. 

EiTREM  (S.).  Beitruge  zur  griechischen  Religionsgeschichte,  II,  Kathartisches  und 
Rituelles  {Videnskapsselskapets  Skrifter.  II.  Eist.  filos.  Klasse,  1917,  n"  2). 
Christiania,  J.  Dybwad,  1917.  In-8o,  50  p. 

FiTZHUGH  (Thomas).  The  Indoeuropean  Superstress  and  the  Evolution  of  Verse 
(University  of  Virginia,  Bulletin  of  the  School  of  Latin,  n^  9,  July  1917^. 
Anderson  Brothers  Charlottesville,  VA.  U.  S.  A.  In-8o,  112  p. 

Gernet  (Louis).  Recherches  sur  le  développement  de  la  pensée  juridique  et  morale 
en  Grèce  [Étude  sémantique).  Thèse  principale  pour  le  doctorat  es  lettres  pré- 
sentée à  la  Faculté  des  Lettres  de  TUniversité  de  Paris.  Paris,  Leroux,  1917. 
In-8o,  xviii-476  p. 

—  Platon,  Lois,  livre  IX,  Traduction  et  commentaire.  Thèse  complémentaire 
pour  le  doctorat  es  lettres  présenté  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de 
Paris.  Paris,  Leroux,  1917.  In-S»,  199  p. 

Girard  (Paul).  Au  tombeau  d'Oedipe  (lu  dans  la  séance  publique  de  l'Institut  du 
23  novembre  1917).  In-4o,  12  p. 

Hancok  (J.  L.).  Studies  in  Stichomythia  (Dissertation  de  l'Université  de  Chicago). 
Chicago,  imprimerie  universitaire,  1917.  In-8",  97  p. 

Harvard  Studies  in  Classical  Philology.  Vol.  XXVIII.  Cambridge,  Harvard  Univer- 
sity Press,  1917.  In-8%  236  p. 

Haussoullier  (B.).  Traité  entre  Delphes  et  Pellana.  Étude  de  droit  grec  (Biblio- 
thèque de  l'École  des  Hautes-Études,  fasc.  CCXXII).  Paris,  Champion,  1917. 
In-8o,  VIII  et  189  p.  avec  7  planches  hors  texte. 

lîero  i  Leandre,  poema  atribuit  a  Museu,  amb  la  versiô  literal  en  prosa  de  Lluis 
Segal.\  i  en  vers  d'Ambrosi  C.\rriôn  duent  en  apèndix  les  traduccions  inédites 
de  Pau  Bertràn  i  Bros  i  Josep  Ma  Pellicer  i  Pages.  Institut  de  la  Llengua 
Catalana,  s.  d.  In-16,  73  p. 

REG,  XXX,  1917,  n«  140.  29 


428       OUVRAGES  DÉPOSÉS  AUX  BUREAUX  DE  LA  REVUE 

Ho.MEiii  opéra,  t.  III  (Odyssée,  1.  1-XII),  éd.  Th.  W.  Allen  [Sanptorum  classico- 
rum  bibliotheca  oxoniensis  ,  2"  éd.  Oxford.  Clarendon  Press,  s.  d.  In-S»,  sans 
pagination. 

J.\CKSON  ;Willidn  Walrond).  Ingrain  Bywater,  The  memoir  oi' an  Oxford  scholav 
1840-1914.  Oxford,  Clarendon  press,  1917.  In-8o,  xi-212  p. 

Lafayk  (G.).  L" achèvement  cCune  œuvre  française  [ExXvqM  de  la  Revue  Archéolo- 
gique, 1917),  Paris,  E.  Leroux,  1917.  ln-4o,  11  p. 

LucRETiLS,  édité  par  W.-A.  Mehhill  {Universily  of  California  publications  in 
Classical  Philologt/,  IV,  p.  1-238).  University  of  California  press,  Berkeley, 
1917.  In-8". 

Merrill  (W.  A.).  Parallels  and  coincidences  in  Lucrelius  and  Virgil  [Universily 
of  California  publications  in  Classical  Philology,  III,  n"  3),  University  af 
California  press,  Berkeley,  1918.  In-8o,  112  p. 

—  Parallelisms  and  coïncidences  in  Lucrelius  and  Ennius  [Ibiiversily  of  Califor- 
nia publications  in  Classical  Philology,  III,  n»  4),  University  of  California 
press,  Berkeley,  1918,  15  p. 

Mtgind  (Dr.  Holger).  Die  Wasserversorgung  Pompejis  (Extrait  de  Janus, 
22e  année,  1917,  p.  294-350.  Leyde,  in-8",  avec  un  plan. 

NuTTiNG  H.  G.).  Caesars  use  of  past  tenses  in  cum-clauses  [University  of  Califor- 
nia publications  in  Classical  Philology.  Février  1918/.  Berkeley.  In-S»,  o3  p. 

Obras  escogidas  de  patrologia  griega.  T.  1  :  Doctrina  de  los  doce  Apôstoles,  Homi- 
lias  de  San  Basilio,  San  Gregorio  Nacianceno,  San  Gregorio  Niceno  y  San  Juan 
Crisôslomo,  Silogismos  de  Didinio  el  Ciego.  Traducciones  directas  de  L.  Segal.\  ; 
PP.  Paramo  y  Ro-MEO,  S.  J.;P.  II.  Oliver,  Sch.  P.;  Ade  Laico  ;  C.  Echaniz; 
M.  Calvo  y  C.  Parpal.  Barcelona,  Imprenta  editorial  Barcelonesa,  1916.  In-16, 
237  p. 

Pappadakis  (N.G.).  Ilepl  t6  XapoTtsTovxfi;  Kopojvstaç  (Extrait  de  T'A p 5^ ai o- 
Xoy-xèv    AsXxîov,   t.  H,  p.  217-272).  Athènes,  1917,  in-4o. 

Pareti  (L.)  Storia  di  Sparta  arcaica,  parte  I  [Contributi  alla  Scienzia  delV  anii- 
chità,  publicata  da  G.  de  Sanctis  etL.  Pareti),  Florence,  libreria  internazionalc, 
1917.  In-40.  276  p. 

Pbppler  (Charles  W.).  The  suffix-[i.oi  in  Aristophanes .  Extrait  de  V American  Jour- 
nal of  philology,  vol.  XXXVII,  4,  p.  459-465.  Baltimore,  The  Johns  Hopkins 
press,  1916. 

Pernot  (Hubert).  Etudes  de  Littérature  grecque  moderne.  Paris,  Henri  Didier, 
1916.  In-16,  11-286  p.,  avec  12  illustrations. 

PAAOS  (Kovffxivxivoç  N.).  Ilepl  xô  uxsfxjia  x  î^  <;  "EÀXaooi;.  "H  à-rcoiretpa 
X  ci  V  '0  p  >^  e  a  V  1 0  w  V  (^5iJ5-/5f tf )  —  "Poç,  Aîvi  ocv,  BiXXsêéx,  KwXéxxTii;, 
Ne  [xo  ûp  —  [i%  xâ)v  £XXT,v'.-/cà)v  xal  yaXXixôJv  xTjywv).  Athènes,  Eleftheroudakis  et 
Bart,  1917.  In-80,  85  p.,  avec  3  pi. 

—  Sâvôiiritoç  ô  AaxE  8a  i  [xôv  i  0  î  s  v  K  ap5(T,8ôvt  (Extrait  de  T 'EiciaxT,5iovtxT\ 
'ETtsxf.p'.ç  xo-j  nav£-jTi<jx7|jj,{ou),  Athènes,  Eleftheroudakis,  1918.  In-8«,  31  p. 

HoBiN  (L.).  Sur  la  conception  épicurienne  du  progrès.  Extrait  de  la  Revue  de  méta- 
physique et  de  morale,  t.  XXIII  (1916),  no  5,  pp.  697-719. 

—  Études  critiques.  La  «  Philosophie  grecque  »  de  M.  John  Burnet.  Extrait  de  la 
Revue  de  métaphysique  et  de  morale,  t.  XXIV  (1917),  n»  2,  pp.  205-224. 


OUVRAGES    DEPOSES    AUX    BUREAUX    DE    LA    REVUE  429 

RosENBERG  (G.  A.)-  Antiquités  ew  fer  et  en  bronze.  Leur  transformation  dans  la 
terre  contenant  de  l'acide  carbonique  et  des  chlorures  et  leur  conservation. 
Coppnhajiue,  Gyidendalske  Boghandels  Sortiment,  1917.  In-S",  92  p. 

Roussel  (Pierre).  Délos  colonie  athénienne.  Thèse  pour  le  doctorat  présentée  à  la 
Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Paris  [Bibliothèque  des  Écoles  françaises 
d'Athènes  et  de  Rome,  fasc.  CXI).  Paris,  Fontemoing.  1916.  In-S».  viii-451  p., 
avec  un  plan  hors  texte. 

—  Les  cultes  égj/ptiens  à  Délos  du  lu^  au  i^^  siècle  av.J.-C.  Thèse  complémentaire 
pour  le  doctorat  présentée  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Paris, 
publiée  dans  les  Annales  de  VEst  de  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de 
Nancy.  Paris-Nancy,  Berger-Levrault,  1916.  În-S",  300  p.,  avec  des  figures  et 
des  tableaux  hors  texte. 

ScHBiL  (le  Père  V.).  Le  Gohryas  de  la  Cyropédie  et  les  textes  cunéiformes,  dans  la 
Revue  d'assyriologie  et  'Varchéoloqie  orientale,  \.  XI,  n«  4,  pp.  165-174.  Paris, 
Leroux,  1914. 

ScHùTTE  (Gudmund).  Ptolemy's  maps  of  Northern  Europe,  A  reconsttuction  of 
the  prototypes  (publié  par  la  Société  danoise  de  Géographie).  Copenhague, 
H.  Hagerup,  s.  d.  In-8o,  xvi  et  150  p.,  avec  31  fig.  hors  texte. 

ScHWARTz  (M.  A.).  Erechtheus  et  Theseus  apud  Euripidem  et  Atthidographos  (Dis- 
sertation doctorale  de  l'Académie  de  Leyde).  Lugduni  Batavorum,  S.  C.  van 
Doesburgh,  MCMXVII.  In-S»,  114  p. 

Segalà  y  EsTALELLA  (D.  Luis).  Discurso  inaugural  leido  en  la  solenine  apertura 
del  curso  académico  de  1916  a  1917  ante  el  claustro  de  la  Universitad  de  Barce- 
lona  :  El  Renacimiento  Helénico  en  Cataluna.  Barcelona,  typografîa  la  Acadé- 
mica,  1916.  In-4o,  131  p. 

SKinHL  (S.).  'H  [xeyiXTi  aupa  (-irpwxT.  a^pay-ôa)  1903-1906.  Ilapiai,  Impr.  Chapo- 
net,  1908.  In-S»,  71  p. 

—  Kdc  Xêeia  [xsxpa  (SeûxspT,  (j^pavioa)  1905-1908.  Le  Puy-en-Velay,  Impr.  Pey- 
riller,  Rouchon  et  Gamon,  1909.  In-8°,  71  p. 

—  'A  Y '-i-Bap  6  dpa  (xpitr,  j^payiSa)  1899-1904.  Le  Puy-en-Velay,  même  impri- 
merie, 1909.  In-8o,  120  p. 

—  'H  vû/xa  xf,î  -  pwxo  ;x  ay '.  ôcç  {xé-zctip-ZT,  cxipayîôa)  1908.  ATvs'çâvopeta,  è'xôour, 
Sepi^tiou,  1909.  In-S»,  o9  p. 

—  '0  à-nsOavTOs  (iréij.xT,  aspaytôa)  1909.  Le  Puy-en-Velay,  Impr.  Peyriller,  Rou- 
chon et  Gamon,  1909.  In-S»,  135  p. 

—  Oéaxpo  KaiTupoÇa  (é'/xt;  c^paylSa).  Paris,  Figuière,  1910.  In-S»,  80  p. 

—  Tpô-^raia  axT,  v  x  p  •.  x  u  {j.  t  a  (£68o{xt,  <Tcppay(5a  A')  1904-1909.  Paris,  Figuière, 
1910.  In-8o,  84  p. 

—  Oî  Tffiyyav60eot  (l'65o|j.Ti  aiippay^Sa  B').  Paris,  Figuière,  1910.  In-8%  79  p. 

—  'Oyupoçxûvwpûv,  1903-1911.  Le  Puy  en-Velay,  Impr.  Peyriller,  Rouchon, 
Gamon,  1911.  In-8»,  200  -{-  10  p. 

—  Zàv,  Mopeaç,  01  (TTpo©èçjxè«poXsyô{xa'>a,  {lexâopaTr,.  Athènes,  191B. 
In-8o,  71  p. 

—  'Hfft<J5ou  "Epyaxal  -J^ixspai,  èxSoot)  Néa;  Zwt^ç,  Alexandrie,  s.  d.  In-S^, 
29  p. 

—  Au  commencement  était  Vaction.  Discours   et   conférences.    Traduit  littérale- 


430  OUVRAGES    DÉPOSÉS    AtX    BLKEALX    DE    LA    REVUE 

ment  du   néo-grec  par  M.  B.    Lanitis.  19lo-1917.    Préface  de  Philéas  Lebesgue. 
Paris,  Figuière,  1917.  ln-12,  96  p. 

—  Les  Perses  de  l'Occident.  Drame  en  trois  actes,  traduit  du  néo-grec  par  l'au- 
teur et  M.  Philéas  Lebègue.  Préface  de  Paul  Fort,  Paris,  Figuière,  1917. 
In-12,  133  p. 

—  Les  Petites  Hellades  et  Vllellénisine,  Marseille,  édition  de  La  liace,  1918,  in -8», 
32  p. 

XilTHPlOT  (l\  A.).    'H    'A  Y  -:  a  X  0  9  î  a    Iwo  v  7  t;  a  v  t  i  v  o  u  tt  ô  A  s  w  :.  Athènes.  1.  N  . 

Sidéris,  1917.  In-S»,  142  p. 
Taylor  (A.  E.).  Plafo's  Biography  of  Socvates  {Extrait  des  Proceedings  of  the  Bri- 

tish  Academy,  vol.  VIII),  Londres,  Humphrey  iMilford,  1917.  In-8",  40  p. 
Thever  (Albert  Auguste).  A   HisLory  of  greek  économie  thought  (Dissertation  de 

rUniversité  de  Chicago).  Chicago,  imprimerie  universitaire,  1917.  In-B",  162  p. 
Trikogliui    (K.).    'H    'laxopia   i:  0  u    àyyT^ixoû    <^^  i  A  s  >.  >;t,  v  ta  ;i  0  u.  Athènes, 

Petrakis,  1917.  In-8%  vin  et  92  p. 


TABLES    DÉCENNALES    DE   LA  REVUE 


TABLE    GÉNÉRALE    ALPHABÉTIQUE    DES    AUTEURS 

ET   DES   MATIÈRES    PRINCIPALES 

Pour  les  années  XXI-XXX  de  la   REVUE  DES   ÉTUDES  GRECQUES 

(  isos-isi-y) 


Actes  de  l'Association,  XXI,  83,  375  ; 
XXII,  32  ;  XXIII,  98,  373  ;  XXIV,  101, 
370;  XXV,  XLVi;  XXVI,  xlvii;  XXVII, 
XLVi;  XXVIII,  XLVi;  XXIX,  xlvi  ; 
XXX,  I. 

/Egialé,  XXII,  241. 

Ali  Pacha  de  Tébelin,  XXV,  427. 

ALLÈGRE  (F.).  —  La  composition  du 
prologue  des  Achai'niens,  XXIII,  115. 

ANDRÉADÈS  (A.).  —  L'administration 
financière  de  la  Grèce  sous  la  domi- 
nation turque,  XXII J,  131.  —  Ali  Pa- 
cha de  Tébelin,  économiste  et  finan- 
cier, XXV,  427.  —  Les  finances  de 
l'État  homérique,  XXVIII,  377. 

Antiphon,  Saixoepaxixoç,  XXII,  33.  — 
Fragments  nouveaux,  XXX,  1. 

'A9-f\  dans  la  Bible,  XXIV,  77. 

Archéologie.  Bulletin,  XXII,  276  ;  XXIII, 
184;  XXIV,  168;  XXV,  359;  XXVI, 
399;  XXVII,  281;  XXVIII,  184  ;  XXIX, 
69,  326;  XXX,  282;  329. 

Archers  athéniens,  XXVI,  131. 

Aristophane,  prologue  des  Acharnienfi , 
XXm,  113, 


Armes  déloyales,  XXIV,  109. 

Art    grec,     XXVI,    1.    —    Conventions 

primitives,  XXIII,  379. 
Artémis  chasseresse,  XXV,  24. 
'AGTjvaiwv   no>^txeia,   étude  sur  les  sept 

derniers  chapitres,  XXX,  20. 
Athènes,  Acropole.  Athéna  Promachos, 

XXVI,  20. 

Athènes,  Les  archers,  XXVI,  151. 
Attique.  Expulsions  avant  la  prise  de 

Phylé,  XXIV,  63. 
AùeivT-riç,  XXII,  13. 

BEHS  (NTvco;).  —  Un  manuscrit  des  Mé- 
téores de  l'an  861/862,  XXVI,  33.  — 
Note  supplémentaire  sur  les  manus- 
crits    grecs     datés    du    ix^    siècle, 

XXVII,  70. 

BÉNAKY  (Dr  N.-P.),  —  Des  termes  qui 
désignent  le  violet  dans  l'antiquité  et 
de  la  signification  des  épithètes  com- 
posées de  l'ov  «  violette  »,  XXVIII,  16. 

Bibliographie  annuelle  des  études 
grecques,  XXI,  434  ;  XXII,  410  ;  XXIII, 
408  ;  XXV,  76. 


32 


TABLES    DÉCENiNALES    DE    Li 


REVUE    » 


Bibliographie  scientifique  de  Henri 
Weil  (1818-1909),  XXII,  383. 

Bibliothèques  des  Météores,   XXVI,  53. 

BIKÉLAS  (D.).  —  Extraits  de  lettre?, 
XXII,  48.  —  Voir  Sakellaropoulo?;. 

Blosset,  helléniste  du  xvr  siècle,  XXX. 
158. 

BODIN  (L.).  —  Phanias  d'Érèse,  XXVIII, 
251  ;  XXX,  in. 

BOUCHER  (Arthur).  —  La  tactique 
grecque  à  l'origine  de  l'histoire  mili- 
taire, XXV,  300.  —  El;  et  èrA  termes 
tactiques,  XXVIl,  369. 

BOUGHÉ-LECLERCQ  (A.).  —  L'ingé- 
nieur Cléon,  XXI,  121. 

BOURGUET  (Emile).  — Rapport  sur  une 
mission  à  Delphes  (1911).  Extraits, 
XXV,  12.—  fet  A.  J.  Reinach),  Bulle- 
tin épigraphique,  XXI,  153. 

Boyatzidès.  —  Lettres  d'A.-F.  DIDOT, 
XXm,  402. 

BRÉAL  (M.)-  —  npÉTre-.  u  il  convient  », 
XXI,  113.  —  D'où  vient  le  nom  de 
l'Asie,  XXII,  231.  —  Le  verbe  «  vou- 
loir »  en  grec,  XXIV,  1. 

BRÉHIER  (Emile).  —  Posidonius  d'Apa- 
raée,  théoricien  de  la  géométrie, 
XXVII,  44. 

BRIESS  (E.-Ed.).  —  Le  prétendu  no;j.- 
iraTo;  aToaTTriyô;,  XXVI,  47. 

BRUSTON  (Ch.).  —  Le  sens  de  àf/i 
dans  la  Bible,  XXIV,  77. 

Bulletin  archéologique.  —  VoirDEON- 
NA  et  DE  RIDDER. 

Bulletin  épigraphique.  —  Voir  BOUR- 
GUET (É.),  iNICOLE  (G.).  REINACH 
(A.  J.);  ROUSSEL  (P.). 

Bulletin  papyrologique.  —  Voir  RICCI 
iSeymourde). 

CALLIMAQUE,   Acontios    et  Cydippé, 

XX1II,255.  ~~  Aitia,  XXV,  318. 
Callimaque  et  la  coupe  de  Bathyklès, 

XXIX,  404. 
Cantique  de  liturgie  juive,  XXIV,  152. 
CARRA    DE   VAUX.  —  Voir  TANxVERY 

(P.). 
GAVAIGNAC  (Eugène).  —  L'  «  Histoire 

grecque  »  de  Théopompe,  XXV,  129. 

—  Note   sur  1'  «  Histoire   grecque  » 

de  Théopompe,  XXVI,  75. 


CHAPOT  (Victor).  —  Fossés  et  tran- 
chées dans  les  guerres  de  l'antiquité, 
XXVUI,  103. 

CLAUDEL  (P.  L.).  —  Le  contrat  réel 
en  droit  attique,  XXVI,  221 . 

Cléon  l'ingénieur,  XXI,  121. 

CLOCHÉ  (P.).  —Les  expulsions  en  At- 
tique avant  la  prise  de  Phylé,  XXIV, 
63.  —  Les  Trois  Mille  et  la  restaura- 
tion démocratique  à  Athènes  en  403, 
XXIX,  14. 

COLARDEAU  (Th.).  —  Ion  à  Delphes, 
XXIX,  430. 

COLIN  (C).  —  Les  sept  derniers  cha- 
pitres de  l"A6Tfiva(wv  IIoXtTeCa,  XXX, 
20. 

Comédie  et  dialogues  des  courtisanes, 
XXI,  39. 

Concours  de  typographie  grecque, 
XXIV,  xxxvii. 

Contrat  primitif  en  Grèce,  XXX,  24  9, 

Contrat  réel,  XXVI,  221. 

Conventions   primitives  de  l'art    grec, 

XXVI,  1. 

Coprée  (héraut),  XXVI,  214. 
Correspondance,    XXIV,    231,    376.    ~ 

Voir  RONZEVALLE  (Louis). 
Coupe    antique  du  musée  de  Genève, 

XXVII,  59. 

Crète,  manuscrit  italien,  XXI,  80. 

CROISET  (Alfred).  —  Discours  aux 
obsèques  de  M.  Am.  Hauvette,  XXI, 
1.  —  Les  nouveaux  fragments  d'An- 
tiphon,  XXX,  1. 


CROISET  (M.  . 


Ménandre .    VArbi- 


(rage,  XXI,  233.  —  Observations  sur  le 
rôle  d'Admète  dans  VAlceste  d'Euri- 
ripide,  XXV,  1.  —  Les  Cretois  d'Eu- 
ripide, XXVIII,  217. 
Cryptie  lacédémonienne,  XXVI,  121. 

DALMEYDA  (G.).  —  Rapport  sur  les 
travaux  et  concours  de  1914-1915, 
XXVHI,  Lxxiii;  XXIX,  lxxx;  XXX, 
XVII.  —  Observations  sur  les  prolo- 
gues d'Ion  et  des  Bacchantes, 
XX Vin,  43. 

Datif  pluriel  des  thèmes  en  -5-  en 
Attique,   XXIX,  272. 

Délos  (Une  famille  de),  XXIX,  188.  — 
Histoire  de  l'île  au  ui«  et  ii^  siècle 


TABLE    DES    ARTICLES 


433 


d'après  le  prix  de  la  poix,  XXIX, 
281. 

DEONNA  (W.).  —  Conventions  primi- 
tives de  l'art  grec.  XXIII,  379.  — 
Quelques  conventions  primitives  de 
l'art  grec,  XXVI,  1.  —  Une  erreur  de 
dessin  sur  une  coupe  antique  du 
musée  de  Genève,  XXVll,  59.  — 
Essai  sur  la  genèse  des  monstres  dans 
l'art,  XXVIll,  288.  —  De  quelques 
travaux  réct'nts  touchant  la  religion 
grecque,  XXVIll,  442.  —  Les  /,  so- 
laires, XXIX,  1.  —  Bulletin  archéo- 
logique, XXIX,  326  ;  XXX,  329. 

DE  RIDDER  (A.).  —Bulletin  archéolo- 
gique, XXI,  341;  XXII,  276;  XXIII, 
184;  XXIV,  168;  XXV,  359;  XXVI, 
.399  :  XXVII,  281  ;  XXVIll,  184  ;  XXIX, 
69;  XXX,  1G7.  —  Protogène,  XXVIll, 
282. 

Dialecte  paraphylien,  XXI,  413. 

Dialecte  tsakonien,  XXIII,  62. 

DIDOT  (A.  F.).  —  Lettres,  XXIII,   402. 

DIEHL  (Ch.).  —  Allocutions  présiden- 
tielles, XXIV,  VI  ;  XXV,  Liv. 

Dion  Ghrysostôme,  XXVIll,  417.  — 
Critique  d'art,  XXX,  105. 

Dioscore,  poète  grec  d'Egypte,  XXIV, 
426. 

Droit  attique,  XXVI,  221. 

DUFOUR  (Médéric).  —  Notes  de  syno- 
nymique,  XXVII,  130. 

Égine  (Sculptures),  XXV,  158,  401. 
Enseignement  du  grec,  XXII,  257. 
Éphèse  et    les    Priéniens   du  Gharax, 

XXIX,  29. 
Épigraphie.  Bulletin,  XXI,    153  ;  XXII, 

145;  306;    XXIII,    287;    XXIV,    291  ; 

XXV,   52  ;  XXVI,    441  ;    XXVII,  441  ; 

XXVIll,  446;  XXIX,  435;  XXX,  409. 
"Ep^oç  68ÔVTWV,  XXIX,  275. 
Ér'otokritos,  XXVIll,  129. 
"EffÔo),  "EjOio),  XXIX,  264. 
ESPINAS.   —  L  art   économique  dans 

Platon,  XXVII,  105;  236. 
Eùvofib,  XXV,  42. 
Euripide,    Alceste,   XXV,  1.    —   Hém- 

clides,  XXVI,    216.    —  Les    Cretois, 

XXVIll,  217.   —   Iphigénie  à   Aulis, 

XXVIII,  234. 


Fauvel,  XXV,  158,  401. 

Finances  de  l'Etat  homérique,  XXVIll, 

377. 
Formules   grecques   de  souhait  (Oy^a, 

!;(07^„  yxoi),  XXVll,  266. 
FOUCAKT     (P.).     —     Inscription      de 

Gythion,  XXll,  405. 
Fouilles     préhistoriques    en    Phocide, 

XXV,  253. 
FRANÇOIS    (L.).    —    Julien    et     Dion 

Ghrysostôme,    XXVIll,  417.  —  Dion 

Ghrysostôme  critique  d'art  :  le  Zeus 

de  Phidias,  XXX,  105. 
rsgeXetCiî,  XXVI,  225. 

GERNET  (L.).  -  AûeévTT.ç,  XXII,  13.  — 
Observations  sur  la  loi  de  Gortyne, 
XXIX,  383.  —  Hypothèses  sur  le 
contrat  primitif  en  Grèce,  XXX,  249. 

GIRARD  (P.).  —  Le  mythe  de  Pandore 
dans  la  poésie  hésiodique,  XXII,  217. 

GIRAUDET.    —  'rXoyevViç,   XXIV,    287. 

GLOTZ  (G.).  —  Inscription  de  Délos, 
XXlIi,  276.  —  Notes  sur  les  comptes 
de  Délos,  XXVI,  26;  XXVll,  138.  — 
Discours  présidentiel,  XXVIll,  lvi. 
—  Quelques  découvertes  récentes  en 
Grèce,  XXVIll,  440.  —  Sur  linter- 
diction  des  armes  déloyales,  XXIX, 
109.  —  L'histoire  de  Délos  d'après  les 
prix  d'une  denrée,  XXIX,  281. 

Grecs  en  France  du  xv^  au  xix''  siècle, 
XXIX,  46. 

GREIF  (F.).  —  Études  sur  la  musique 
antique,  XXll,  89  ;  XXIII,  1  ;  XXIV, 
233;  XXVI,  273;  XXVll,  1. 

HADACZEK  (Charles).  —  L'Athéna  Pro- 
machos, XXVI,  20. 

Hégias  d'après  Pline.  XXI,  119. 

HÉSIODE.  Mythe  de  Pandore,  XXII, 
217. 

Elpis,  XXIII,  49. 

HESSELING  (D.  G.).  —  "Eoxoç  ÔSôvtwv, 
XXIX,  275. 

Hippolyte  dans  la  légende  antique, 
XXIV,  105. 

Histoire  militaire,  XXV,  300. 

HOLLEAUX  (Maurice).  —  Notes  sur  la 
Chronique  de  Lindos,  XXVI,  40.  — 
Éphèse  et  les  Priéniens  du  Gharax, 


43 


WBLES    DECENNALES    DE    LA 


REVUE 


XXIX,  29.  —  Etudes  d'histoire  hellé- 
nistique sur  la  guerre  Cretoise  {-^pr^- 
Tixôç  -ôXsuLo;),  XXX,  88. 
IlOMOLLE  (Th.).  —  Discours  présiden- 
tiel, XXII,  VI. 

Indolence  des  dieux,  XXIX,  238. 
Infinitif  (remarques  sur  T),  XXÎX,  259. 
Ion  à  Delphes,  XXIX,  430. 
Itanos,  inscriptions,  XXIV,  377. 

Jean  Chrysostôme.  Homélies  sur  l'Évan- 
gile de  Saint-Mathieu,  XXVI,  53. 

.lEANMAIRE  (H.).  —  La  cryptie  lacé- 
déraonienne.  XXVI.  121. 

.lohn  Wallis,  XXVI,  77. 

JOUGUET  (Pierre).  —  Sur  les  métro- 
poles égyptiennes  à  la  fin  du  11"=  s. 
ap.  J.-C,  d'après  les  papyrus  Ry- 
lands,  XXX,  294. 

Julien.  Palais  à  Paris,  XXI,  426. 

KapTtovtpdtrr,?,  XXVI,  262. 

KAZAROVi'  (G.).  —  Nationalité  des 
anciens  Macédoniens,  XXIII,  243. 

KUIPER  (K.),  —  Le  mariage  de  Cydippé. 
Étude  sur  le  rite  prénuptial  de  Naxos, 
XXV,  318.  —  Le  récit  de  la  coupe  de 
Bathyklès  dans  les  ïambes  de  Calli- 
maque,  XXIX,  404. 

LABASTE  (II.).  —  Note  sur  un  manus- 
crit italien  du  xvi'^  siècle  concernant 
la  Crète,  XXI,  80. 

Lacédémone.  Cryptie,  XXVI,  121. 

LACROIX  (Maurice).  —  Notes  sur  les 
comptes  de  Délos,  XXVII,  138.  —  Une 
famille  de  Délos,  XXIX,  188. 

LEBÈGUE  (H.).  -  Rapport  financier, 
XXVIII,  xci;  XXIX,  xci;  XXX,  xxxiv. 

LEGRAND  (Ph.-E.).  —  Les  dialogues 
des  courtisanes  comparés  avec  la 
comédie,  XXI,  39. 

LÉVY  (Isidore).  —  KapTroxpaxT.?,  XXVI, 
262. 

LIARD.  —  Rapport  sur  l'enseignement 
du  grec  dans  les  lycées  et  collèges  de 
garçons,  XXII,  237. 

Lindos  (Chronique  de),  XXVI,  40. 

Loi  de  Gortyne,  XXIX,  383. 


LOURIA  (S.).  —  Les  fermiers  thes- 
piens,  XXVIll,  51. 

Louvre,  histoire  des  collections  (his- 
toire), XXV,  158,  401. 

Lucain  et  la  flotte  athénienne,  XXVIII, 


Macédoine.  Trophées,  XXVI,  347. 

Macédoniens,  XXIII,  243. 

Manuscrits  grecs  du  ix^  siècle,  XXVIl. 

70. 
MARTHA    (Jules).    —    Discours     aux 

obsèques  de   M.  Am.  Hauvette,  XXI, 

10. 
MASPERO  (Jean).  —  Un  dernier  poète 

grec  d'Egypte  :  Dioscore,  fils  d'Apol- 

lôs,  XXIV,  426. 

MATHOREZ  (J.).  —  Les  éléments  de 

population    orientale     en     France, 

XXIX,  46. 
MAURICE   (J.).  —  Rapport  financier, 

XXI,    XXXVIII ;    XXII,    XLvii;    XXIII, 

xxxix;    XXIV,    XXXI  ;    XXV,      lxxv; 

XXVI,  Lxxx;  XXVII,  Lxxxi. 
MAZON  (Paul).  —  Rapport  de  la  com- 
mission des  prix  sur  les  travaux  et 
concours      de      l'année     1913-1914, 

XXVII,  Lxvi. 

MEILLET  (A.).  —  La  place  du  pam- 
phylien  parmi  les  dialectes  grecs, 
XXI,  413.  —  De  quelques  faits  gram- 
maticaux, XXIX,  259.  —  Discours 
présidentiel,  XXX,  xi. 

MÉiNANDRE.  Voir  CROISET  (M.). 

MÉNANDRE.  Sentences,  XXIV,  5. 

MÉRIDIER(L.).  —  Le  mot  ijléOoSo;  chez 
Platon,  XXII,  234.  —  Le  hérant 
Coprée,  XXVI,  214. 

Météores  (Bibliothèques  des),  XXVI,  53. 

Métrique,  XXVI,  273. 

Métropoles  égyptiennes  à  la  fin  du  ii<=  s. 
ap.  J.-C,  XXX,  294. 

MICHON  (E.).  —  Torse  d'une  statuette 
de  satyre  assis,  XXII,  140.  —  Les 
sculptures  d'Égine  et  de  Phigalie. 
Les  projets  d'acquisition  du  Musée 
Napoléon  en  1811-1813,  XXV,  158; 
401.  — Discours  présidentiel,  XXVII, 

LVIII. 

MONCEAUX  (P.).  —Allocution  prési- 
dentielle, XXVI,  Lvj. 


TABLE    DES    ARTICLES 


4:i5 


Monstres  dans  l'art,  XXVIII,  288. 

MORIN-JEAN.  —  Représentation  d'ani- 
maux marins  sur  les  vases  italiotes 
du  musée  de  Naples,  XXVII,  144. 

Musique  antique,  XXJII,  1  ;  XXIV,  233  ; 

XXVI,  273;  XXVII,  1. 
Musique  grecque,  XXVI,  71. 
Mythe  d'Iphigénie,  XXVIII,  1 . 

NAVARRE  (Octave).  —  Théophraste  el 

La  Bruyère,  XXVII,  384. 
Naxos,  XXV,  318. 
NICOLE  (G.).  —  Bulletin  épigraphique, 

XXIX,  433;  XXX,  409. 

Obsèques  de  M.  Henri  Weil,  XXII,  373. 

OMONT(H.).  —  Discours  présidentiel, 
XXIII,  VI.  —  Un  helléniste  du 
xvi®  siècle  :  Excellence  de  l'affinité 
de  la  langue  grecque  avec  la  fran- 
çaise, par  Blasset,  XXX,  158. 

Orphiques  (tablettes)  de  Corigliano, 
XXIII,  38. 

Paléographie  grecque,  XXVI,  33. 

PALLIS  (Alex.).  —  Correction  à  une 
épigramme  funéraire  de  Thèbes, 
XXVIII,  373. 

Papyrus,  XXII,  1.  Bulletin  de  1905- 
1912,  XXVII,  153.  Nécrologie,  153; 
congrès,  134  ;  périodiques,  154  ;  bi- 
bliographie, 154  ;  mélanges,  136  ; 
corpus,  156;  chrestomathie,  136; 
langue,  138  ;  paléographie,  139;  re- 
ligion, 162;  géographie,  164;  his- 
toire, 165;  préfets  d'Egypte,  172  ;  ar- 
mée, 173  ;  droit,  174  ;  pédagogie, 
183  ;  médecine,  183  ;  métrologie  et 
numismatique,  184;  calendrier,  184; 
débuts  du  christianisme,  183  ;  épi- 
graphie,  186  ;  papyrus  littéraires, 
187  ;  comptes  rendus,  189. 

PATON  (W.  R.).  —  Quatre  passages 
des  Troyennes  d'Euripide,  XXVII, 
35. 

PERDRIZET  (P.).  —  Le  Sa;jLoepa>cixo; 
d'Antiphon  et  la  Pérée  samothra- 
cienne,  XXII,  33.  —  Tyta,  Zwt„  Xapa. 

XXVII,  266. 

PERNOT  (Hubert).  —  Le  verbe  être 
dans  le   dialecte   tsakonien,   XXIII, 


02.  —  Ia)  roiuan  crétois  d'Érotok)-i- 
tos,  XXVIII,  129. 

Phanias  d'Érèse,  XXVIII,  251;  XXX, 
117. 

Phidias.  L'Athéna  Promachos,  XXVI, 
20. 

Phigalie  (Sculptures),  XXV,  401. 

Phocide,  XXV,  233. 

PICIION  (R.;.  —  Le  témoignage  de 
Pline  sur  Hégias,  XXI,  119.  —  A 
propos  des  tablettes  orphiques  de 
Corigliano,  XXIII,  58.  —  Sépulture 
de  Marcellus  à  Athènes,  XXIII,  284. 
—  Lucain  et  la  flotte  athénienne, 
XXVIII,  58. 

PLASSART  (A.) .  —  Les  archers  d'A- 
thènes, XXVI,  131. 

PLATON.  MéOoooç,  XXI 1,  234.  —  Art 
économique,  XXVII,  103,  236. 

no[JLTtato;  aTpaxT,yd;,  XXVI,  47. 

Porphyre.  Texte  astrologique,  XXIV, 
334. 

Posidonius  d'Apamée,  théoricien  de  la 
géométrie,  XXVII,  44. 

Préhistoire,  XXV,  253. 

Projet  de  collection  d'auteurs  grecs  et 
latins,  XXIX,  357. 

Prologues   d'Ion    et    des    Bacchantes, 

XXVIII,  43. 
Protogène,  XXVIII,  282. 

Psellos.  Termes  médicaux,  XXII,  231. 

PUECH  (A.).  —  Rapport  sur  les  con- 
cours annuels,  XXI,  xix  ;  XXII,  xxv  ; 
XXIII,  XIII  ;  XXIV,  XIII  :  XXV,  lx  : 
XXVI,  Lxvi. 

Aconlios  et  Cydippé  de  Callimaque, 
XXIII,  233.  —  Discours  présidentiel, 

XXIX,  Lxvi. 

RAYET  (0.).  —  Notes  détachées  d'O. 
R.  sur  les  îles  grecques,  XXVI,  263. 

REINACH  (A.  J.).  —  Bulletin  épigra- 
phique,  XXI,  153;  XXII,  143,  306; 
XXIII,  287;  XXIV,  291.  -Inscrip- 
tions d'Itanos,  XXIV,  377.  -  Tro- 
phées macédoniens,  XXVI,  347. 

REINACH  (Salomon).  —  Un  indice 
chronologique  applicable  aux  figures 
féminines  de  l'art  grec,  XXI,  13.  — 
Observations  sur  le  mythe  d'Iphigé- 
nie, XXVIII,  1.    —  Correspondance 


i36 


TABLES  DECENNALES  DE  LA  «  REVUE  » 


XXVIII,  216.  —  Indolcncp  des  dieux, 

XXIX,  238. 

REINACH  (Th).  —  Discours  prési- 
dentiel. XXI,  vr.  —  Discours  aux  ob- 
sèques de  M.  Am.  Hauvette,  XXI,  5. 
—  La  loi  d'Aegialé,  XXII,  241.  — 
Correspondance,  XXIV,  376.  —  Une 
épigramme     funéraire     de    Thèbes, 

XXVI II,  55.     —    Le    roi     Skolotos, 

XXIX.  11. 

RENAUD  (E.).  —  Quelques  termes  mé- 
dicaux de  Psfdlos  XXII,  251. 

Restauration  déuiocralique  à  Atiiènes 
en  403,  XXIX,  14. 

RICCI  Seymour  de).  —  BulK>tin  papy- 
rologique  (1905-1912),  XXVII,  153. 

ROBIN  (Léon).  —  Sur  une  hypothèse 
récente  relative  à  Socrate,  XXIX,  129. 

RONZEVALLE  (Louis).  —  Lettre  sur 
un  compte  rendu  de  M.  J.  Psichari, 
XXIX,  245. 

ROUSSEL  Pierre).  —  Bulletin  épigra- 
phiqiie,    XXVI,     441;    XXVII,     441; 

XXVIII,  446;  XXIX,  435;  XXX,  409.  - 
Le  rôle  d'Achille  dans  VI phi  génie  à 
Aulis,  XXVIII,  234.  -  Notes  épigra- 
phiques.  XXIX,  166. 

RUELLE  (G.  É.).  —  Bibliographie  an- 
nuelle des  études  grecques,  XXI. 
434;  XXII,  410;  XXIII,  408;  XXV,  16. 
Texte  astrologique  de  Porphyre, 
XXIV,  334.  -  John  Wallis  et  la  mu- 
sicologie grecque,  XXVI,  77. 

Rythmique,  XXVI,  273. 

SAKELLAROPOIÎLOS  (S.).  —  Démé- 
trius  Bikélas,  XXII,  42. 

Satyre  assis,  XXII,  140. 

SCHWAB  —  Un  cantique  de  liturgie 
juive  en  langue  grecque,  XXIV,  152. 

SÉCHAN  (Louis).  —  La  légende  d'Hip- 
polyte   dans  Tantiquité,   XXIV,  105. 

SEURE  (Georges).  —  Deux  variantes 
thraces  du  type  d'Artémis  chasse- 
resse, XXV,  24  —  Les  images  thra- 
ces de  Zeus  Kéraunos  :  ZêsXuoûpSoç, 
reSsXetÇiî,  ZaXiiôSi;,  XXVI,  225. 

SOTIRIADIS  (Georges).  —  Fouilles 
préhistoriques  en  Phoeide,  XXV,  253. 

Skolotos  (prétendu   roi   des    Scythes), 

XXIX,  U. 


Socrate  (hypothèse  récente  relative  à), 

XXIX,  129. 
Solaires  (les  .-.),  XXIX,  1. 
STÉPHANIDES  (D--  Michel).   —  Petites 

contributions  à  l'histoire  des  sciences, 

XXVIII,  39. 
Synonimique  grecque,  XXVII,  130. 

Tactique  grecque,  XXV,  300. 
TANNERY  (P.)  etCAKRA  DE  VAUX.— 

L'invention  de  l'hydraulis,  XXI,  326. 
T'Ttiies  désignant  le  violet,  XXVI,  16. 
Termes   tactiques,  XXVII,  369. 
Thèbes,  épigramme  funéraire,  XXVIII, 

55,  375. 
Théogonie,  XXVII,  229. 
Théophraste  et  La  Bruyère,  XXVII,  384. 
Théo  pompe.    Histoire    grecque,    XXV, 

129;  XXVI,  75. 
Thespie,  inscriptions,  XXVIII,  51. 
Thrace,  XXV,  24. 
Thrace.    Images    de    Zeus    Kéraunos, 

XXVI,  225. 
Thucydide  (note  sur),  XXVII,  39. 
Tranchées   dans  les  guerres  antiques, 

XXVIII,  103. 
Trophées  macédoniens,  XXVI,  347. 
Troyennes  d'Euripide,  XXVII,  35. 

'rXoyev/iç,  XXIV,  287. 

Vases  italiotes  à  représentation  d'ani- 
maux marins,  XX  VII,  144. 

Verbe  «  vouloir  »,  XXIV,  1. 

VOS  (Luc  de).  —  Les  palais  de  l'em- 
pereur Julien  à  Paris,  XXI,  426. 

WALTZ  (P.).  —  A  propos  de  VElpis 
hésiodique,  XXIII,  49.  —  Sur  les  sen- 
tences de  Ménandre,  XXIV,  5.  — 
Notes  sur  Thucydide,  XXVII,  39.  — 
Note   sur  la  Théogonie,   XXVII,  229. 

WEIL  (Henri).  —  Voir  Bibliographie. 
—  Papyrus  récemment  découverts, 
XXII,  1. 

£AN0OrAIAHS  (STisavoç).  —  Eùvojxfa, 
XXV,  42. 

Z3X[j.dStç,  XXVI,  225. 
Z6eXaoûp5o;,  XXVI,  225. 
Zeus  Kéraunos,  XXVI,  225. 


II 

TABLE  ALPllARÉTIQUE  DES  AUTEURS  ET  OUVRAGES 

APPRÉCIÉS   DANS  LES   COMPTES   RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES 

Et   les    Rapports  littéraires    des   années   XXI-XXX  de  la  REVUE 


ABT  (A.).  —  Apologie  d'Apulée,  XXII, 

456. 
ACHÉLIS  (A.).  Siège  de  Malte  ea  1365, 

XXIV,  90. 
Accentuation  grecque,  XXVIÏ,  74. 
Acropole  d  Athènes,  XXIV,  344. 
Acteurs,  XXIII,  85. 

Affranchissement,  XXII,  151,  169,  174. 
AGAR  (Th.   L.).  —  VOdyssée,  correc- 
tions et  explications,  XXIII,  237. 
Albanie  et  Napoléon,  XXIX,  112. 
ALBRECHT   (Fridericus.    —  Traité  de 

Galien  sur  les  artères,  XXVII,  71. 
ALEMANY  y  BOLUFER  (J .).  —  L'É/ec/re 

de  Sophocle,  XXVII.  329. 
Alexandrie  d'Egypte,  XXVIII,  330. 
ALLEN  (H.   F.).  Infinitif  chez  Polybe, 

XXII,  196. 
ALLEN   (James  Turney).    —  Jeu   des 

acteurs  en  Grèce  au  v^  siècle,  XXX, 

206. 
ALLEN  (Th.  W.)  Voir  MONRO  (D.  B.). 
ALLINE  (H.1.  —  Histoire  du  texte  de 

Platon,  XXX,  207. 
ALMAS.  —  A».  îffxop'.xal   rspiTTSTsiai  xfiÇ 

MaxsSov^ai;   â-zo  twv  àp)^atOTaTtov  X.p6- 

vtov  jJLS/pl  oyjfxspov,  XXVII,  326. 
ALY   (W.).  —  Apollon    crétois,  XXII, 

437.  —  La  Théogonie  d'Hésiode  avec 

Introduction  et  bref   commentaire, 

XXVII,  326. 
Amyot.    Trad.    Vies  parallèles,    xxiii, 

XX^I. 


Anniversaire    dans    l'antiquité,    XXII, 

482. 
ANRICH  (G.).  —  Saint    Nicolas   dans 

l'Église    grecque,   t.    I,    les    textes, 

XXVIl,  328, 
Anthropologie  et  classiques  ''par  A.  J. 

EVANS,  A.   L.\NG,  G.  MURRAY,  F. 

B.    JEWNS,   J.  L.   MYRES,   W.  ^'. 

FOWLER),  XXII,  457. 
Antinoé.  Tapisseries,  XXII,  56. 
Antiphon.     Traité     de    la     Concorde, 

XXIII,  79. 
ANTIPHON.      Apologie,     éd.     Nicole, 

XXII,  55. 

Aoriste  chez  les  tragiques  et  comiques 

attiques,  XXV,  474. 
Apollons  archaïques,  XXII,  564. 
Apollon  crétois,  XXII,  457. 
APOLLONIOS.  Style,  XXII,  198. 
APOSTOLIDÈS.  Mélanges,  XXIII,  468. 
APULÉE.  Apologie,  XXII,  456. 
Arabie  et  Syrie,  XXI,  100. 
ARAVANTINOS.   —    Asklépios  et   les 

Askiépieia,  XXI,  379. 
Arbitres  athéniens,  XXI,  380. 
ARCHAMBAULT  (G.).  —  Éd.  et  trad. 

de  Justin  (Dialogue  avec  Tryphon), 

XXIII,  80. 

Archéologie  préhistorique,  XXVII,  72. 
Architecture  grecque  et  romaine,  XXIX, 

333. 
ARFELLI  (D.).  —  Songe  chez  Homère, 

XXI,  380, 


38 


TABLES  DÉCENNALES  DE  LA  «  REVUE  )) 


ARISTOPHANE.- XXll,  489;  XXV,  236, 
481.  —  Acharniens,  éd.  Starkie,  XXIIl, 
.362.  -  Nuées,  éd.  Starkie,  XXV,  243. 
—  Paix,  éd.  Zacher,  XXVI,  79. 

ARISTOTE.—  Sa  Métaphysique,  XXVII, 
202.  —  Théorie  économique  et  politi- 
que sociale,  XXIX,  114,  —  Étude  sur 
la  Constitution  d'Athènes,  XXX,  230.— 
Traduction  anglaise  (sous  la  direction 
de  J.  A.  Smith  et  W.-B.  Ross),  t.  1  et 
II,  XXn,  336.  —  Poétique,  éd.  Bywa- 
ler,  XXIII,  73.  —  Éthique  à  Nicoma- 
que,  trad.  d'Hérouville  et  H.  Verne, 
XXIV,  207.  —  Traité  «  De  inundacione 
mu,  XXVII,  90.  —  Constitution 
d'Athènes,  éd.  Sandys,  XXX,  243. 

ARNIM  (H.  von).  —  Supplementuni  Eu- 
ripideum,  XXVII,  328. 

Art  byzantin,  XXIV,  xxix;  83. 

Art  grec  funéraire,  XXIX,  336. 

Art  hellénistique,  XXII,  343. 

Art  paléolithique  et  art  préhellénique, 
XXIX,  334. 

Artémis  de  Céphisodote,  XXIII,  84. 

ARVANITOPOULLOS  (A.  S.).-  La  pein- 
ture grecque,  XXIIl,  72.  —  Catalogue 
du  iMusée  de  Volo,  XXIII,  73. 

Asklépios,  XXI,  379. 

Associations  grecques,  XXIV,  299. 

Assos  (temple  d'),  XXIX,  127. 

Astrologie.  Voir  Catalogues. 

Astrologues  grecs,  XXVI,  81. 

Athènes  ancienne,  XXI,  232.  —  A 
Fépoque  hellénistique,  XXV,  466.  — 
Sous  la  domination  turque,  XXIV, 
493.  —  Contemporaine,  XXIII,  470.  — 
Finances  au  v^  siècle,  XXII,  158,  200. 

Athéniens  et  Chersonèse,  XXIII,  474. 

Atlas  antiquus,  XXII,  212. 

Attique  au  xyii^  s.,  XXVIII,  45. 

BAGCHYLIDE,  éd.  Tacco7ie,  XXII,  56. 

BADEN-POWELL.-  Manuel  du  soldat, 
trad.  gr.,  XXIV,  94. 

BAILLET  (J.).  —  Tapisseries  d'Antinoé, 
XXII,  56. 

BANQUE  Y  FALIU  (J.).  —  Hymnes  ho- 
mériques, XXVIl,  329. 

BARJAN  Y  PONS  (Fr.),  LUIS  DE  LÉON 
Y  MARAGALL  (Fr.).-  Première  Olym- 
pique de  Pindare,  XXVII,  329, 


Basile  I,  XXII,  487. 

BASILE  (Saint).  —  llpo;  xoù?  vsou;,  éd. 
Papajoannis,  XXII,  346. 

BAUER  (Ed.).  —  Géographie  de  la  Grèce 
du  N.-O.  d'après  les  inscriptions  del- 
phiques,  XXII,  168. 

BAUMGARTEN  (Fritz),  POLAND  (Franz), 
WAGNER  (Richard).  —  Civilisation 
hellénistico-romaine,  XXVII,  330. 

Bataille  de  Salamine,  XXIX,  470. 

BÉIS  (N.  A.).—  Joseph  Kalothétès,  XXII, 
364.  —Catalogue  des  manuscrits  de 
l'association  d'archéologie  chré- 
tienne d'Athènes,  XXII, 364.  —  Astros 
au  Moyen  Age,  XXII,  364.  —  Tripolis. 
—  Sceaux  de  plomb.  —  Un  acte  de 
donation  de  1375,  XXII,  346.  — 'Avxi- 
6o)i'fi  Tou  irspi  Tzo'-iyzvA/t^c,  toO  AptcToxé- 
Aouç  rpoç  7.wo'.y.a  xoG  MsTswpou,  XXV, 
209. 

BELL  (Miss  G.  L.).  Voir  RAMSAY. 

BELL  (H.  I).  —  Greek  Papyri  in  the  Bri- 
tish  Muséum,  vol.  IV.  The  Aphrodito 
Papyri,  XXV,  215. 

Berliner  Klassikertexte,  Heft  V,  XXI, 
89. 

BERNARDAKIS  (Gr.).  —  Lexique  expli- 
catif, XXII,  XXIV. 

BERTOLINI  (C).  —  Bibliographie  juri- 
dique, XXIV,  209. 

BESANÇON.  —  Hellénisme  à  Rome, 
XXIV',  338. 

BESNIER  (M.).  —  La  Vénus  de  Milo  et 
Dumont  d'Urville,  XXII,  459. 

BETHE  (Erich).  —  h'Iliade  d'Homère, 
XXlII,  110. 

BEVAN  (Edw^in).  ~  Stoïques  et  scepti- 
tiques,  XXVII,  331. 

Bibliographie  juridique,  XXIV,  209. 

BIDEZ.   —   Vie   de    Porphyre,   XXVII, 

LXVIl. 

BIKÉLAS  (D.).   —   Ma  vie,  XXII,  xlv  ; 

XXIII,  225. 
BISCHOFF.  —  Noms  de  mois,  lettre  H, 

XXV,  209. 
BOESCH    (G.).  —   Style   d'Apollonius, 

XXII,  198. 

BOESCH    (P.).  —  Epangélie  des  fêtes, 

XXIII,  227. 

BOISACQ  (É.).  —  Dictionnaire  étymo- 
logique de  la  langue  grecque,  XXII, 


l'A  H  LE    UES    COMPTES    RENDUS 


iiirj 


191.  339  ;  XXlll,  13  ;  XXV,  210,  4(il  : 
XXVIl,  332. 

BOKORONEW.  -  La  question  de  Lcu- 
kippos,  XXV,  210. 

BOLL  (Franz).  —  Les  âges  île  la  vie; 
contribution  à  Télhologie  antique  et 
à  l'histoire  des  nombres,  XXVII,  334. 

BONiNER  (Robert-J.j.  —  Arbitres  athé- 
niens, XXI,  380.  —  Justice  à  l'âge 
d'Hésiode,  XXVI,  80.  —  \.'Apolorjie  de 
Platon  et  la  procédure  athénienne, 
XXII,  340. 

BOPPE  (A.).  —  L'Albanie  cl  Napoléon, 
XXIX,  112. 

BORTSELA  (I.-G.).  —  Phtiotide,  XXI, 
405. 

BOUGHÉ-LECLERGQ  (A.).  —  Histoire 
des  Lagides,  tome  IV,  xxi,  218. 

BOUCHER  (Le  colonel  A.).  —  VAna- 
base  de  Xénophon,  XXVI,  lxxiii. 

BOUDREAUX  (P.).  —  Éd .  des  Cynégé- 
iiques  d'Oppien,  XXIIl,  xiv,  87.  — 
V.  Catalogus  codd.  astrol. 

BOURGUET  (É.).  —  Fouilles  de  Del- 
phes, t.  III,  fasc.  I,  XXVI,  452. 

BOYATZIDÈS  (I.-K.).  -  'H  sXr:?,  etc., 
XXV,  462.  —  'ETiiypa-fal  èc  "AvSpoj, 
XXV,  463. 

BRAUNSTEIN  (0.).  —  Activité  politi- 
que de  la  femme  grecque,  XXIV,  210. 

BRAUSE  (J.).  —  Phonétique  des  dia- 
lectes Cretois,  XXIII,  289. 

BREGGIA  (E.).  —  Alexandria  ad  Aegy- 
ptum,  XXVIII,  350. 

BRÉHIER  (E.).  —  Ghrysippe,  XXIV, 
340.  —  Éd.  et  trad.  de  Philon,  Comm. 
allég.  des  Saintes  Lois,  XXIII,  364. 

BRIGHENTI  (E.).  —  Ghrestomathie 
néo-hellénique,  XXII,  340. 

BRILLANT  (M.\  —  Secrétaires  athé- 
niens, XXV,  Lxvii,  463. 

British  Muséum  [Greek  papyri  in  the), 
by  Kenyon  and  Bell,  XXI,  219. 

BRITSGH.  -  La  jeune  Athènes,  XXIII, 
470. 

Bronzes  grecs  de  la  Gollection  Fou- 
quet,  XXVII,  90. 

BRUCK  (E.  F.).  —  Testament,  donation, 
adoption,  XXIII,  228. 

BRUGMANN  (K.).  —  Grec  populaire  et 
grec   littéraire,    XXI,  93.   —    ftôixai 


'K~oôt^,    XXI,   97.    —    Kvvi.ij.ao,    XXI, 

99. 
BUCK.   —   Introduction   à    létude  des 

dialectes  grecs,  XXVI,  103. 
Bulles     de     plomb     ':<:onstantinople), 

XXIII,  356. 

BURLE  (E.).  —  Droit  naturel  en  Grèce, 

XXII,  460. 
BURNET  fJ.).   —  Anciens  philosophes 

grecs,  2'=    éd.,  XXII,    341.  —  Éd.  de 

Platon,  {Apoloyie,  Ménon),  XXIV,  94. 
BURY    (J.-B.).    —     Historiens    grecs, 

XXII,  341. 
BYWATER.  Voir  ARISTOTE. 
Byzancc,    histoire    byzantine,   XXVII, 

217.    —  Archéologie    et  épigraphie, 

XXVIl,  360.  —  Art  byzantin,  XXIV, 

83.  —  Figures  byzantines,  XXI,  384. 

—  Papyrus   grecs    byzantins,  XXIV, 

212. 
Byzantinische  ZeitschrifL.  Table,  XXII, 

342. 

CAECILIUS.  —   Fragments,    éd.  Ofen- 

locli,  XXI,  381. 
CALDERINl  (A.).  —  Ali'ranchissemenl 

et  afl'ranchis  en  Grèce,  XXII,  151, 169. 
Calendrier  attique,  XXIII,  485. 
Calendrier  Spartiate,  XXIV,  488. 
CALHOUN    (George    Miller).   -    Clubs 

athéniens  dans  la  politique  et  dans 

la  procédure,  XXVII,  335. 
CAiNAT  (R.).  —  La  Renaissance   de  la 

Grèce  antique,  XXIV,  xxiii. 
CANTARELLI.  —  Les  préfets  d'Egypte, 

XXVm,  62. 
CAPPS.  —  Quatre  pièces  de  Ménandre, 

XXIV,  211. 

Catalogue  de  mss.  XXII,  364. 

Catalogue  des  sculptures  grecques,  ro- 
maines et  byzantines  des  musées  impé- 
riaux ottomans,  éd.  par  G.  Mendel, 
XXVII,  211. 

Catalogue  des  vaisseaux  dans  l'Iliade, 
XXVIl,  190. 

Catalogue  des  vases  peints  du  musée 
d'Athènes,  XXV,  lxiv,  477. 

Catalogus  codicum  astrologorum  grae- 
corum,  VII,  XXII,  461.  —  V,  3  /.  Heeg, 
Vin,  2  C.  ^.  Ruelle,  VIII.  3  P.  Bou- 
dreaux,  XXVI,  81. 


440 


TABLES  DÉCENNALES  DE  LA  «  REVUE  » 


Catharsis  tragique  dans  Aristote, 
XXVI,  96. 

Caution  en  Grèce,  XXII,  476. 

CAVAIGNAG  (E.).  —  Histoire  financière 
d'Athènes  an  v°  siècle,  XXII,  158, 
200.  —  Étiid'S  sur  l'histoire  finan- 
cière  d'Athènes,  XXII,  xxxvi  et  200. 

CAVALLERA  (Ferdinand).  Voir  Patro- 
logiae  indices. 

Cf^phisodote.  Artémis,\XUl.  84. 

G«^ramiqne  grecque,  XXIX,  33T. 

Céramique    hellénistique,  XXVII,   344. 

Céramistes  grecs,  XXX,  237. 

CERETELLl  (Gregorius)  et  SOBO- 
LEVVSKI  (Sergius).  —  Exempla  co~ 
dicuni  graecorum  litteris  niinusculis 
scriptorum  annorumque  notis  ins- 
tructorum,  XXVII,  72. 

Chansons  populaires,  XXIII,  92. 

Chasteté  cultuelle,  XXIV,  215. 

Chersonèse  de  Thrace,  XXIII,  474. 

Chio  (parlers  de),  XXII,  xxvi. 

CHIPIEZ  (C).  Voir  PERROT  (G.). 

Chronographie  de  Bar-Sinaya,  XXIII, 
469. 

Chrysippe,  XXIV,  340. 

CHWOSTOW  (M.).—  Commerce  orien- 
tai en  Egypte  gréco-romaine,  XXII, 
462. 

Civilisation  hellénistico-romaine, XXVII, 
330. 

Civilisations  préhelléniques,  XXIV,  87; 

XXIX,  118;  376. 

GLAPP  (E.  B.).  —  The  'OaptcT':ù;  of  Théo- 
crite,  XXV,  211. 

Classical  Papers  of  Mortimer  Lamson 
Earle,  with  a  Memoir,  XXVll,  191. 

CLEMEN  (Cari).  —  Influence  de  la  re- 
ligion des  mystères  sur  le  christia- 
nisme naissant,  XXVIl,  337. 

Clément  d'Alexandrie.  Sources.  XXI, 
222. 

CLÉMENT  de  Rome.  ÉpUre  aux  Corin- 
thiens. Éd.  et  trad.  Hemmer,  XXIII, 
364. 

Climat  attique,  XXIV,  337. 

Climat  de  la  Grèce,  XXII,  xxxix. 

CLOCHÉ  (P.).  —  La  restauration  dé- 
mocratique à  Athènes  en  403  av.J. C, 

XXX,  214.  —  Étude  chronologique  sur 
la  troisième  guerre  sacrée,  XXIX,  459. 


GOHOON  (F.  W.).  —  Étude  sur  la 
scène  d'arbitrage  dans  les  Epitre- 
pontes  He  Ménandre,  XXIX,  460. 

Colère  divine,   XXIII,  88. 

COLIN  (G.).  —  Fouilles  de  Delphes, 
t.  III,  fasc.  2,  XXVI,  434. 

COLLIGNON  [M.).  —  Scopas  et  Praxi- 
tèle, XXII,  57.  —Statues  funéraires 
dans  lart  grec.  XXV,  lxxiu.  —  Le 
consul  Jean  Giraud  et  sa  relation  de 
TAttique  au  xviie  siècle,  XXVIII,  65. 
—  Le  Parthénon,  XXVIII,  66. 

Comédie  grecque,  XXVII,  361.  —  Comé- 
die   nouvelle    (Daos),    XXIII,     352: 

XXVI,  85. 

Congrès  hellénique  d'enseignement 
(1904),  XXII,  57. 

Constantinople.  Le  grand  palais,  XXIV, 
346. 

COiNYBEARE  (F.  G.).  V.  PHILO- 
STRATUS. 

COPALLE  (S.).  —  Noms  des  esclaves 
grecs,  XXIII,  292. 

CORBINELLI  (Caterina).  —  Les  héros 
argiens  de  la  Béotie  et  la  liaison  des 
cycles  troyen  et  thébain.  —  Les 
héros  du  cycle  d'Héraclès  dans  le 
catalogue  des  vaisseaux,  XXVII,  190. 

Correspondance  de  K.  0.  MUller  et 
/..  Schorn,  éd.  S.  Reiter,  XXIV,  360. 

COSMAS  INDICOPLEUSTES  éd.  C.  0. 
Winsfedt,  XXVI,  82. 

COURBY  (F.).  —  Le  Portique  d'An- 
tigone    ou    du    Nord-Est    à    Délos, 

XXVII,  Lxx. 

Cratès  de  Mallos,  XXVIII,  70. 

GRATIPPE.  —   Fragments,  XXIII,  92. 

Crémation  et  séjour  des  morts,  XXIII, 
85. 

Crète.  Apollon  crétois,  XXII,  457.  — 
Influences  Cretoises  dans  le  culte 
d'Apollon,  XXX,  247.  —  Crète  et 
Mycènes,  XXI,  219.  —  Guerre  de 
Crète,  XXII,  345. 

CROISET  (A.).  —  Démocraties  anti- 
ques, XXII,  464. 

CROISET  (M.).  —Aristophane  et  les 
partis,  trad.  angl.,  XXIII,  74. 

Cuisiniers  grecs,  XXII,  73. 

Cultes  des  Etats  grecs,  XXIII,  473. 

Cultes  importés,  XXIV,  226. 


TABLE   DES    COxMPTES    RENDUS 


441 


CULTRERA  (G.).  —   Arl    helléaistique 

et  gi'éco-roiiiaiii,  XXjI,343. 
GUMONT  (Fr.).  —  Religions  orientales, 

XXI.  99.  —  Les  Mystères  de  Mithra, 

XXVII,   338. 
CUNY   A).—  Le  nombre  duel  en  grec, 

XXI II,  229. 
Cycle  mystique,  XXIII,  471. 
Cypre.  Toponymie,  XXI,  xxxi.  —  Carte, 

XXVI,    87.    —  Mœurs  et   coutumes, 

XXIX,  124. 


DALMEYDA  ^G.).  —  Euripide,  Bac- 
cfianles,  XXII,  xxxvm. 

D'Ansse  de  Villoison,  XXIV,  xxi.  21S. 

DAVID  (Maxime).  —  Voir  MEYER 
(Eduard). 

DAVIDSON  (W.).  —  Stoïciens,  XXI, 
382. 

DÉCHELETTE  (J.).  —  Origines  de  la 
drachme  et  de  l'obole,  XXIV,  344.  — 
Manuel  d'archéologie  préhistorique, 
XXVn,  72. 

DEKERRARI  (Roy  J.).  —  L'atticisme 
de  Lucien  :  la  morphologie  du  verbe, 
XXX,  216. 

DEFOURNY.  —  Aristote.  Théorie  éco- 
nomique et  politique  sociale,  XXVIII. 
Lxxxii.  XXIX,  114. 

DEISSMAxNN  (A).  —  Études  sur  le  Nou- 
veau Testament,  XXI,  383. 

DELAMARRE  (J).  —Inscriptions  dA- 
morgos,  XXI,  xxv. 

D EL \ PORTE.  —  Chronogmphie  de 
Bar-Sinaya,  XXIII,  469. 

DELATTE  (A).  —  Études  sur  la  litté- 
rature   pythagoricienne,  XXX,    216. 

Délos.  Salle  hypostyle,  XXIV,  xni.  — 
Inscriptions,  XXIV,  323.  —  Maisons 
sacrées,  XXVIII,  350. 

Delphes.  Guide,  XXII,  204.  -  Monu- 
ments figurés,  XXII,  XXX.  —  Ins- 
criptions, XXIV,  313.  —  Grammaire 
des  inscriptions,  XXIX,  437.  — 
Temple,  XXIX,  71. 

AeXxJov  de  la  Société  d'archéolofjie 
chrétienne,  XXV,  lxx. 

DEMISCH.  —  Transmission  des  dettes 
dans  le  droit  attique,  XXIV,  213. 

Démocraties  antiques,  XXII,  464. 


DÉMOSTllÈNE,  Irad.  par  J.  de   Tour- 

relL  XXIV,  343. 
DENISON.     —   Vocabulaire    compare 

iiiexii-ain-aryen,  XXIII,  74. 
DEONNA  (\V.).  — Ap(dl..i)S  archaïques, 

XXII,  4Ho  :  XXIII,  xviii. 
DlAKROL'Sl  et  ZANE,  Guerre  de  Crète, 

éditi'e  par  Rhoukkaki,  XXII,  343. 
Dialectes,  XXI,  137.  —    Dialectes   Cre- 
tois, XXII,  19 i.    —    Dialectes    grecs, 

XXVI.  103. 
DI  liELLA     Anselmo).    —  La  comédie 

de  Ménan.lre,  XXV1.80 
Dictionnaire.  XXll,  203. 
Dictionnaire    de     Bernardakis,     XXII, 

xxxiv. 
Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et 

romaines,  XXVII,  74,  339;  XXIX,  462; 

XXX,  227. 
Dictionnaire  étymologique.  Voir  BOI- 

SACQ. 
Dictionnaire  français -grec  des  termes 

maritimes,  XXIV,  223. 
DIEHL    (Ch.}.  —    Figures   byzantines, 

XXI,  384.  —  Manuel    d  art  byzantin, 

XXIV,  XXIX  ;  83. 
DIEHL  (E.).  —  Supplementum  Sopho- 

cleum,  XXVII,  328. 
DIELS  (H.).  —    Caractères   de    Théo- 

phraste,  XXIII,  363. 
DIEiNSTBACH     E.).    —     De   titulorum 

Prienensium  souis,  XXV,  463. 
DIÈS.    —  Le   cycle  mystique,   XXIII, 

471.  —  Être  et  Idées  dans  le  Sophiste, 

XXIII,  472. 

DIEUDOiNNÉ  (A.).  —  Mélanges  numis- 

matiques,  XXIII,  73. 
Dieux  dans  la  tragédie,  XXIII,  482. 
Diminutifs  grecs,  XXV,  478. 
DITTEN BERGER.   —   Sylloge  inscrip- 

tionum  graecarum,  3^  éd.,  XXIX,  436. 
D'OOGE.     —    L'Acropole     dAthènes. 

XXIV,  344. 

DOSSIOS  (N.  G.).  —  Justice  dans  les 
principautés  danubieimes,  XXV,  211, 

Drachme  et  obole  ^.origines),  XXIV, 
344. 

Drame  satyrique,  XXVIII,  67. 

DRERUP  (E.).  —  ['How5oj]  itepî  itoXt- 
xeb;,  XXII,  347.  —  Le  cinquième  li- 
vre de  Ylliade,  XXVII,  339.  —  Plan 


442 


TABLES  DÉCENNALES  DE  LA  «  REVUE 


d'une   éd.  des   traités  de   rhétorique 

grecs  et  romains,  XXIV,  85, 
Droit  attique.  Transmission  des  dettes, 

XXIV,  213. 
Droit  naturel  en  Grèce,  XXII,  4(i0. 
Duel  (le  nombre),  XXIII,  229. 
DUFOUR  (Méd.).  —  Sj^nonymes  grecs, 

XXIV,  8G. 
DUHAIN.  —  Jacques  de  Tourreil,  trad. 

de    Démosthène,    XXIV,    345;    XXV, 

LXVIII. 

DUSSAUD  (R.).  —  Arabes  en  Syrie, 
XXI,  100.  —  Mycènes  et  Crète,  XXI, 
219.  —  Troie  et  Gypre,  XXI,  221.  — 
Les  civilisations  préhelléniques  dans 
ie  bassin  de  la  Mer  Egée,  1'^  éd., 
XXIV,  87;  —2«  éd.,  XXIX,  118. 

EARLE  (Mortimer  Lanson).  Voir  Clas- 
sicaf  Paper  s. 

EBELING  (R.j.  —  Mathématiques  et 
philosophie  dans  Platon,  XXllI,  17. 

EBERSOLT  (J.).  —  Le  grand  palais  de 
Constantinople  et  le  livre  des  Céré- 
monies, XXIV,  346. 

Écritures  préhelléniques,  XXIV,  293. 

Éducation,  XXIV,  297. 

EGER  (Otto).  —  Registre  des  proprié- 
tés en  Egypte  à  l'époque  romaine, 

XXVI,  83. 

EGGER  (M.).  —  Histoire  de  la  littéra- 
ture grecque,  17^  éd.,  XXII,  349. 

ÉGINITIS  (D.).  —  Climat  attique,  XXIV, 
337.   —    Climat   de   la  Grèce,   XXII, 

XXXIX. 

Églises  byzantines,  XXIII,  359. 

Egypte.  Commerce  oriental,  XX1J,462. 
—  Egypte  byzantine,  XXVIl,  207  ; 
XXVIII,  75.  —  Egypte  romaine  (vie 
municipale),  XXV,  lxi,  223.  — 
Registre   des   propriétés,  XXVI,  83. 

EHRLICB  (Hugo).  —  Recherches  sur  la 
nature    de    Taccentuation    grecque, 

XXVII,  74. 

EHRMANN  (Ph.).  —  Exégètes  athé- 
niens, XXIII,  291. 

EITREM  (S.).  —  Hermès  et  les  morts, 
XXIV,  348.  —  Le  dieu-bélier  prédo- 
rien,  XXV,  212. 

Empédocle,  XXII,  3o3. 

Énée  le  tacticien,  XXVIII,  6G. 


Enseignement.  Voir  Congrès. 

Enseignement  en  Grèce,  XXII,  490. 

ENTZ  (Gustave).  —  Pessimisme  chez 
Platon,  XXVII,  192. 

Epangélie  des  fêtes,  XXllI,  227. 

Éphèse,  XXlll,  358. 

Épigraphie  chrétienne,  XXIV,  90. 

Épigraphie  grecque.  Manuel,  XXI,  155. 

Épistratèges,  XXV,  229. 

Épopée  (Origines  deT),  XXI,  393. 

Eschine  (manuscrits  d'),  XXVII,  200. 

ESCHYLE.  Tragédies,  éd.  Weil,  XXI, 
88.  —  Euménides,  éd.  Verrai!,  XXII, 
467. 

Ethique  à  Nicomaqiie,  d'Aristole,  trad. 
fr.,  XXlV,  207. 

EURIPIDE,  XXI,  391.  —  Archaïsme, 
XXX,  229.  —  Chœurs,  XXX,  240.  - 
Prologues,  XXV,  332.  —  Vie  par 
Satyros,  XXVII,  343.  —  t.&.Murvay, 
(t.  II),  XXII,  351  ;  (t.  III),  XXIII,  346. 
—  Les  Bacchantes,  éd.  Dalmeyda, 
XXII,  XXVIII  ;  études,  XXII,  210, 
XXVII,  343.  —  Fragments  nouveaux, 
XXVII,  328.  —  Trad.  en  vers  de 
Ph.  Martinon,  XXI,  386. 

EUSÈBE.  —  Histoire  ecclésiastique. 
Éd.  Grapin,  t.  I,  XXI,  402. 

EVANS  (A.  J.).  —  Écritures  préhellé- 
niques, XXIV,  293. 

Exégètes  athéniens,  XXIII,  291 . 


XXni,  473. 

FA  VI S  (B.  1).  —  r>.wj5ixal  èiri7xé4/£'.; 
àva'fspdtxeva:  sîç  x6  loiw[jLa  AuXwvap{o'j 
zal  KovtaTpwv,  XXVII,  195. 

FEHRLE  (E.).  —  Chasteté  cultuelle 
dans  l'antiquité,  XXIV,  215. 

B'éminin  dans  les  langues  indo-germa- 
niques, XXVII,  80. 

Femme  grecque  :  ses  droits  politiques, 
XXIV,  210. 

FERGUSON  (W.  S.).  —  Athènes  hellé- 
nistique, XXV,  466. 

FISCHER  (Herbert).  —  Quastiones 
Aeneanae,  XXVIII,  66. 

FITZ  HUGH  (Thomas).—  Rhytme  indo- 
européen, XXVII,  196. 

FLICKINGER  (R.  C).  —  Termes  scé- 
niques,  XXIV,  350.  —  Le  chœur  dans 


TAhLE    DES    COMPfrOS    lUùNDLS 


M:i 


VUedutoniimorouttténos  de  Tri-ence, 
XXVI,  S'.').  —  La  tra<ié(lic  el,  le  draiiK" 
satyrique,  XXVIII,  (u . 

Formes  littéraires,  XXX.  227. 

KOIJCARÏ  (P.)-  —  I'''^  Al  lu' nions  flans 
la  Chcrsonèse  de  Thrace,  XXIII,  414. 

FOUGÈRES  (G.)  et  .1.  IIULOT.  -  Séli- 
nonte,  XXIV,  xxvii,  361.—  V.  (Juide 
de  Grèce. 

Fouilles  diverses  en  Grèce  el  Asie  Mi- 
neure, XXiX,  328. 

FRANCHI  DE  CAVAIJEIU.  —  Sp.'ci- 
uiens  de  mss.  grecs  du  Vatican, 
XXIV,  88. 

Fraenkel  (E.l.  —  Noms  grecs  d'agents 
en  TTip,  Ttoî,  TT,;,  XXV,  468. 

FRANCOÏTE  (Henri).  -  La  Polis  grec- 
que, XXni,  231. 

FRITZE  (H.  von)  et  GAEBLER  (H.).  - 
Notnisma,  XXII,  .^8,  474. 

Futur  grec,  XXVII,  346. 

GABRIELSSON.  —  Sources  de  Clément 
d'Alexandrie,  XXI,  222. 

GAEBLER  (H.).  —  Voir  FRITZE  (11. 
von). 

GALIEN.  —  In  libros  G.  P.  ttsoI  '|u/;f.^ 
-rcaSwv  %al  â[j.ap-T,tj,aT(ov  observationes 
criticae,  par  W.  de  Boer,  XXV,  460. 
—  De  G.  in  libellum  xar"  Ifjxpeïov 
couunentariis,  par  -S.  Vogt,  XXV, 
469.  —  De  G.  libris  -sol  ous-voia;  par 
A.  Minor,  XXV,  469.  —  Étude  sur  un 
traité  deG.,  XXVll,  71. 

GARDIKA  (G.  K.).  —  Critique  de  l'édi- 
tion de  Platon  par  Morailis^  XXII, 
332. 

GARDNER  (E.  A.).  —  Manuel  de  scul- 
pture grecque,  XXIX,  462. 

GARDTHAUSEN  (V.).—  Paléographie 
grecque,  2e  éd.,  XXV,  212;  XXVIII, 
67. 

GAUTIER  (L.).  —  La  langue  de  Xéno- 
phon,  XXV,  470. 

Genèse,  XXVII,  219. 

Genethliacon  offert  à  Cari  Robert, 
XXIV,  216. 

GENOUILLAC  (H.  de).  —  Église  au 
temps  de  saint  Ignace,  XXI,  223. 

GENTIL  DE  VENDOSME.  —  Siège  de 
xMalte  en  1363,  XXIV,  90. 

REG,  XXX,  1917,  n»  140. 


(ieo(ir(i])lnscli('.s  Ja/uhi/cli,  édité  par 
\\'A(;NI:H  'Hermanu),X.\VII,  197. 

GKRIIARI)  ;G.  a.  .  —  Phœnix  de  Colo- 
phon,  XXI,  386. 

GERLACII  ((;.).  —  Inscriptions  Mom.- 
ritiques,  xxiii,  290. 

GERMAIN  DE  MONTAUZAN.  — Science 
et  art  de  l'Ingénieur  aux  })remiers 
siècles    de   TEmpire    romain,    XXIII, 

XXIX. 

(jILDERSLEEVE  (B.  L.).  —  Sur  la  Sep- 
lième  Néinéenne,  XXIV,  218.  —  Syn- 
taxe du  grec  classique,  XXV,  470. 

GILLIARD  (Ch.).—  Réformes  de  Solon, 

XXI,  220. 

Girolamo  Germano,  XXII,  xxvi. 

GLOTZ  (G.).  — Correspondance,  XXVll, 
102. 

Gobryas  d'après  les  textes  cunéiformes, 
XXX,  244. 

GOLFIS  (Rh.).—  Les  chansons  .l'Avril, 
XXIU,  77. 

(iONZALES  (iARBIN  {\.).  — Apologie  de 
Sacrale  par  Xénophon,    XXVII,   329. 

GOODSPEED.  —  Voir  GRENFELL. 

GORDON  (G.  S.).  —  V.  Littérature  an- 
glaise et  les  Classiques. 

GRAEBER  (P.).  —  De  poetarum  attico- 
rum  arte  scaenica,  XXV,  471. 

Grammaire  comparative  du  grec,  XXV, 
482. 

Grec  du  Nouveau  Testament,  XXV,  480. 

Grec  moderne,  XXVll,  193.  —  Em- 
prunts turcs,  XXVIII,  337. 

Grèce  moderne.  La  question  des  lan- 
gues, XXIV,  351. 

GRENFELL  (B.)  et  HUNT  (A.  .  -  Papy- 
rus d'Hibeh,  XXII,  38.  —  Papyrus 
d'Oxyrhynchos,  XXIV,  484,  486;  XXVI. 
98:  XXIX,  119.  —  Oxyrhyncliia,  Cra- 
tippe,  Théopompe,  XXIII.  92. 

GRENFELL  (B.),  IIUNT  (A.)  et  GOOD- 
SPEED (E.).  —  Papyrus  de  Tebtynis. 

XXII,  60. 

GÙNTHER  (R.).  —  Prépositions  dans 
les  dialectes,  XXI,  137. 

Guerre  sacrée,  XXIX,  459. 

Guides- Joanne.  Grèce,  par  G.  FOU- 
GÈRES, XXIV,  482. 

GUYS  (Henri).  —  Voir  LEGRAND 
(Emile).  Bibliographie  albanaise. 

30 


TABLES    DÉCENiNALES    DE    LA 


HEVUE 


IIACIv  (K.  K.).  —  La  doctrine  des   for- 
mes littéraires,  XX\,  227. 
HAMBEKGER   (P.).  —   La   disposition 
oratoire  dans  l'ancienne  té/vt,   pT^To- 
pixT.  XXIX,  464. 

IIÀnDS  (Rev.  A.  VV.).  —  Monnaies 
grecques,  XXII,  352. 

MATZfGEORGIS.  —  Carte  de  Fîie  de 
Ciiypre  au  190.000e,  XXVI,  27. 

HEAD  (Barclay  V.).  —  llistoria  nunio- 
rum,  XXIV,  484. 

HEEG  (J.).  —  V.  Catalogus  codd. 
astrol . 

Heidelberg.  Collection  de  papyrus.  Pa- 
pyrus grecs  littéraires.  1.  éd.  G.  A. 
Gerhard,  XXVI,  85. 

IIEILER  (C.  L.).  —  Style  de  Tatien, 
XXIII,  78. 

HEINEVETTER  (Franz).  -  Oracles  par 
les  dés  et  les  lettres  en  Grèce  et  en 
Asie-Mineure,  XXVII,  341. 

HEISENBERG.  —  Nicolas  Mesarites, 
XXI,  101.  —  La  question  des  langues 
en  Grèce,  XXIV,  351. 

HELCK  (loannes).  —  De  Cratetis  Mal- 
lotae  studiis  criticis  quae  ad  Odys- 
saeam  spectant,  XXVIII,  70. 

Hellénisation  du  mo7ide  antique,  XXIX, 
464. 

Hellénisme  à  Rome,  XXIV,  338.  —  En 
France  à  la  fin  du  xviiie  siècle,  XXIV, 
XXI,  218. 

IIEMMER  (H.).  —  Éd.  et  trad.  de  Clé- 
ment de  Rome,  Épître  aux  Corin- 
Uden<f,  XXI II,  364. 

HÉPITÈS  (A.).  —  Dictionnaire  grec- 
français  et  français-grec,  XXII,  203  ; 
XXV,  Lxv. 

Herculanum,  XXIII,  95. 

Hermès  et  les  morts,  XXIV,  348. 

HÉRODOTE.  —  XXII,  358.  -  Éd.  Hude, 
XXTV,  483.  —  Livres,  VII-IX,  éd. 
Macan,  XXII,  469. 

HERRMANN  (E.),  XXV,  472.  -  Les 
liquides  dans  la  formation  des  noms 
du  dialecte  ionien,  XXV,  472. 

HÉSIODE.  —  XXI,  405;  XXVI,  80.  — 
Théogonie.  XXVII,  329.  —  Travaux  et 
Jours,  XXIII,  477.  —  Éd.  et  commen- 
taire de  P.  Mazon,  XXVIII,  Lxxiir.  — 
Trad.  anglaise,  A.  VV.  Mair,  XXTIl,  79. 


Hétairies  grecques,  XXVII,  335. 

IIEYSE  (Max).  —  La  tradition  manus- 
crite des  discours  d'Eschine,  XXVIl, 
200. 

HÏLL  (G.  F.).  —  Catalogue  des  mon- 
naies grecques  de  Phénicie,  XXVTI, 
342. 

Himérius,  XXII,  362. 

HIRT  (Hermann).  —  Manuel  de  phoné- 
tique et  de  morphologie  grecques, 
XXVII,  201. 

Histoire  Lausiaque,  XXX,  239. 

Historiens  grecs,  XXH,  341. 

HITZIG  (H.  F.).  —  Traités  internatio- 
naux, XXI,  159,  387.  —  Origine  du 
jury  romain,  XXIII,  234. 

HOGARTH  (D.  G.).  —  lonie  et  Orient, 

XXIII,  234. 

HOMÈRE.  Iliade  I-XII,  éd.  J.  van  Leeu- 
weti,  XXVII,  205.  —  Éd.  Monro  et 
Allen  :  corrections  à  l'Odyssée.  — 
Éd.  i^irtc/e (XXII), XXIII,  231.— Iliade, 
trad.  espagnole  de  Segalà,  XXIV, 
360.  —  Papyrus  d'Homère,  XXVI,  85. 
—  Critique  homérique,  XXVIl,  343; 
XXIX,  110.  —  Songe  d'Homère,  XXI, 
380. 

HUBBELL  (Harry  Mortimer).  —  In- 
fluence d'Isocrate  sur  Cicéron,  Denya 
et  Aristide,  XXVIII,  73. 

Hudson    Williams,    éd.    de    Théognis, 

XXIV,  362. 

HULOT  (J.).  V.  FOUGÈRES. 
HUNT.  V.  GREiNFELL. 
Hymnes  homériques,  XXVII,  329. 
Hypothèque  et  droit  de  propriété,  XXIII, 
357. 


IGNACE  d'Antioche,  XXIH,  486. 

Ignace  (Saint)  et  l'Église,  XXI,  225. 

Iliade,  XXIX,  110.  —  Cinquième  livrer 
XXVlI,  339.  —  Sources,  XXIV,  91. 

Ingénieurs,  XXIII,  xxix. 

Inscriptions.  Amorgos,  XXI,  xxv.  — 
Délos,  XXIV,  323.  —  Delphes,  XXIV, 
313.  —  Egypte,  XXII,  147  ;  322.  — 
Sparte,  XXI,  171.  —  Syrie,  XXI,  388. 
-  Thessalie,  XXII,  171.  —  Inscr.  dialec- 
tales, XXI,  157  ;  XXIX,  436.  —  Inscr. 
honorifiques,    XXÏII,    290.   —    Inscr. 


TABLE    DES    COMPTES    RENDUS 


grecques    chrétiennes    (VÉgypte.  V. 

LEFEBVRE. 
lonie  et  Orient,  XXllI,  234. 
Ioniens  et  Pélasges,  XXI,  157. 
isocrate  et  l'idée  panliellénique,  XXIV, 

221.  —  fntluence  sur  Cicéron,XXVni, 

73. 
Isométrie,  XXI H,  4S7. 

JACOBY  (E.).  —   Antiphou,  XXllI,    79. 

JAEGER  (W.  W.).  —  La  formation  de 
la  métaphysique  d'Aristote,  XXVII, 
202.  —  Némésios  d'Émèse,  XXVÏII, 
71. 

JALABERT  (Le  P.  L.).  —  Inscriptions 
de  Syrie,  2^  série,  XXI,  388.  —  Épi- 
graphie,  XXIV,  90. 

JANDER  (Konradus).  —  Oratorum  et 
rhetorum  graecorum  fragmenta  nu- 
per  reperta,  XXVII,  343. 

JARDÉ.  —  La  Grèce  antique  et  la  vie 
grecque,  XXVlïl,  lxxxix. 

JERNSTEDT  (K.).  —  Opuscules,  XXI, 
388. 

JONES  (II.  L.).  —  Pluriel  poétique  dans 
la  tragédie  grecque,  XXV,  473. 

JONES  (St.).  Voir  MILLS  (ï.  R.). 

JORET  (Ch.).  —  D'Ansse  de  ViUoison, 
XXIV,  XXI,  218. 

JOUGDET  (P.).  —  Papyrus  grecs  pu- 
bliés avec  la  collaboration  de  COL- 
LART,  LESQUIER  et  XOUAL,  t.  T, 
fàsc.  1,  XXI,  105.  —  Vie  municipale 
dans  l'Egypte  romaine,  XXV,  lxi, 
223.—  Papyrus  de  Théadelphie,  XXV, 
Lxiii,  226. 

Juifs  (inscriptions  grecques  relatives 
à  des),  XXIV,  298.  —  En  Crète,  XXIV, 
230. 

Jury  romain.  Origine  grecque.  XXIII, 
234. 

JUSTIN.  —  Dialogue  avec  Tryphon,  éd. 
et  trad.  Archambault,  XXITI,  480. 

JUSTINIEN  (lesNovelles  de),  XXVI,  91. 

Juvenes  dum  sumua,  recueil  d'essais 
philologiques,  XXII,  353. 

KAMATEROS  (J.).  —  Introduction  as- 
tronomique, éd.  Weigl,  XXI,  389. 

KARSTEN  (R.).  —  Religion  grecque 
primitive,  XXÏ,  389 . 


KÉRAMOPOULLOS  (A.  D.  .  —  Guide  de 
Delphes,  XXII,  204. 

KEIILIN  (U.Th.).  —  Tfiéocritc  dan.s  la 
littérature  anglaise,  XXIV,  91. 

KERN  (0.;.  —  Inscriptions  de  la  Thes- 
salie  (dans  I.  G.),  XXII,  171. 

KESSLER  (J.).  —  Isocrate  et  l'idée 
panhellénique,  XXIV,  221. 

KIECKER  (Fr.  E.).  —  Dialectes  Cre- 
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KIEHR  (Fr.).  —  Lesbonax,  XXI,  228. 

KINKEL  (W.).  -  Histoire  de  la  philo- 
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LAMBERZ  (M.).  —  Les  doubles  noms 

en  Egypte,  XXVI,  87. 
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LEGRAND    (Emile).    —    Bibliographie 

albanaise,  XXVII,  80. 


-46 


TABLES    DÉCENNALES    DE    LA    «    REVUE    » 


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d'Antioche  et  POLYCARPE  de  Suiyr- 
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LEOPOLD.—  V.  MARC-AEHÈLE. 
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Délos,     XXIV,      xiH.     —      Lagynos, 

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Lesbonax,  XXI,  228. 
LESQUIER    (J.).    —    Les     institutions 

militaires   de  l'Egypte  sous  les    La- 

gides,  XXVI,  lxvii. 
Lexique  du  Nouveau  Testament.  XXIV, 

353. 
Lexique  grec  du   Nouveau  Testament, 

XXVIl,  94. 
LIETZMANN  (H.).  —  Liturgie   clémen- 
tine, XXIV,  223. 
LIETZMANN     (J.).    —    Spécimens    de 

mss.  grecs  du  Vatican,  XXIV,  88. 
Littérature  anglaise  et    les  classiques, 

réuni  par  G.  S.  GORDON,  XXVlI,  191. 
Littérature  grecque,  XXIII,  486. 
Littérature  grecque.    Série    de    coiil'é- 

i-ences    faites  à  l'Université    Colani- 

bia,  XXVIL  196. 
Littérature     judéo-hellénique,     XXIV, 

350. 
Liturgie  clémentine,  XXIV,  223. 
LTVINGSTONE  (R.  W.).   --    Le    génie 

grec,  XXV,  474. 
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80.' 
LOMMEL  (Hermanni.  —  La  formation 

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LONGUS.   —    Daphnis     et    Chioé,    éd. 

Lowe,  XX H,  471. 
LOUIS   (M.^i.    —   Doctrines  religieuses 

des   philosophes   grecs,   XXIII,    481. 
LOWE.  —  Voir  LONGUS. 

MAC  AN.  —  Voir  HÉRODOTE. 

MACCHIORO  (V.).  —  Artémis  de  Céphi- 
sodote,  XXIII,  84. 

Macédoine  (histoire  ancienne  et  mo- 
derne), XXVII,  326. 

MAGNIEN.  —  Le  futur  grec,  XXVI, 
Lxxi  ;  XXVI I,  346. 


MAHAFFY  (J.  P.).  —  Excursions  en 
Grèce,  XXI,  391. 

MAIR  (A.  W.j.  —  Traduction  d'Hé- 
siode, XXIII,  79. 

Malte  (Siège  de)  en  1565.  XXIV,  90. 

Manichéisme,  XXIII,  91. 

MANNING  (C.  A.).  —  Les  archaïsmes 
chez  Euripide,  XXX,  229. 

Mantique  dans  le  drame  antique, 
XXVII,  221. 

Manuscrits  grecs  du  Vatican  (spéci- 
mens),   XXIV,    88.    —    De    Moscou. 

XXVII,  72. 

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MARC-AURÈLE.   —  Pensées,  éd.  Léo- 

polcL  XXII,  471. 
MARESTAING   (P.).    —    Les    écritures 

égyptiennes   et  l'antiquité  classique, 

XXVIII,  75. 

MARGOLIOUTH  (D.  S.).  -  Les  Poéli- 
ques  d'Aristote.  XXVII,  81. 

MARKOPOS  (D.).  —  Tl  rAAr.v.x-r.  ôvo|j.a- 
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229. 

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475. 

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XXIV,  212  ;  XXVI,  lxix  ;  XXVII,  88, 
207.  —  Organisation  militaire  de 
l'Egypte  byzantine,  XXVII,  207; 
XXVIII,  75. 

MASQUERA  Y  (P.).  —  Euripide,  XXI, 
391.  —  Bibliographie  pratique  de  la 
littérature  grecque,  XXVIII,  76. 

MATHIEU  (G.).  —  Aristote,  Consti- 
tution d'Athènes,  XXX,  230. 

MAURICE  (J.).  —  Numismatique  cons- 
tantinienne,  XXII,  63;  XXVI,  88; 
XXVII,  209  ;  XXVIII,  lxviii. 

MAZON  (P.).  —  V.  HÉSIODE. 

Médecins  grecs,  XXIV,  296. 

Mèdes  et  Perses,  XXII,  72;  XXIII,  484. 

Meidias  et  le  style  fleuri,  XXII,  xl. 

MEILLET  (A.).  —  Introduction  a  l'étude 


TAIMJ':    l)i:S    COMPI'ES    MlvNDUS 


447 


cninpai'ativc  des  langues  itido-etiro- 

pâennes,  .'{••  éd.,  \XV,  470. 
Mélanges    d'imlianisine  olieiis  pai-  ses 

élèves  à  M.  Sylvain  Lévi,  XXV,  ■l'.V\ . 
Mélanges  Louis  llavel ,\\\\.  ;]59. 
MÉNANDHK,  XXVI,  80,  94;  XXIX,  m). 

—  Papyrus  I^efebvre,  XXI,  xx.  — 
Quatre  pièces,  XXIV,  211.  —  L'Arlyi- 
Irorje,  éd.  Croise t,  XXil,  20G.  —  Epi- 
treponies^  XXVJf,  220.  —  Extraits  par 
/..  Bodin  et  P.  Mazon,  XXII,  205.  — 
Triniètre  iam bique,  XXI II.  07.  — 
V.  ROBERT  (C). 

MENARDOS  (Simos).  —  Toponymie  de 
l'île  de  Chypre,  XXI.  xxxi. 

MENDEL  (G.).  —  Musées  ottomans, 
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des  sculptures  du  musée  impérial 
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MÉRIDIER  fL).  -  Prologue  dans  la 
tragédie  d'Euripide,  XXV,  232. 

Métrique  grecque  et  latine,   XXX,  241. 

MEUNIER  (Mario^.  —  V.  PLATON. 

MEYER  (Eduard  .  —  Histoire  de  l'anti- 
quité, t.  1,  trad.  par  Maxime  DAVID, 
XXVII,  213. 

MICMAIL  (B).  —  Kp'.T'.xal  -apaTT,pT,(7c'.ç 
zU  Ta  'H6ixà  TO'j  IlXo'jTap/oj,  XXVIII, 
77. 

MILLERD    (Cl.    El.).    -    Empédocle, 

XXII,  353. 

MILLET  (G.),  H.  EUSTAGHE,  Sophie 
MILLET,    .1.  RONSIN,  P.  ROUMPOS. 

—  Monuments  byzantins  de  Mistra, 
XXUI,  354. 

MILLS    (T.    R.).    -  Éd.     Thucydide, 

livre  IV,  XXIII,  366. 
Minoïde   Mynas   en  Orient,  XXX,   238. 
Miraculeuses   (guérisons),    XXIII,   367. 
Mise  en  scène  au    y«  siècle,  XXX,  206. 
Mistra    (Monuments      byzantins      de), 

XXIII,  354. 

MITTEIS  (L.).   -  Papyrus   de   Leipzig, 

XXII,  67. 
Mochlos,     exploration    archéologique, 

XXVI,  101. 
MODESTOV    (B.).    —    Introduction   à 

l'histoire  romaine,  XXI,  101. 
MOLINIER    (Sylvain).  —  Les  maisons 

sacrées  de  Délos  de   315  à  166/5  av. 

J.-C,  XXVIII,  Lxxxvn,  350. 


Monnaies  grec(|ues,  XXI I.  .■!52. 
MONIîO    I).  B.j  et  ALLEN  (Th.  W.j.  É.l. 

crit.  d'Homère,  XXIII,  237. 
.M(K)NEV  (W.  W.  .  —  La    ()orte  <le   la 

maison  sur  la  scène  antique.  XXVIII, 

78. 
MOOR  (C.  H.).  —  La  pensée  religieuse 

chez  les  Grecs,  d'Homère  au  ti-iomphe 

du  Christianisme,  XXX,  236. 
MORAITIS  (Sp.j.—  llAâTfov  è;  épur.vôîa; 

xal  5'.op6wc:3o)(;  il.  M.,   XXVIII,  80. 
Morphologie  grecque,  XXVII,  201. 
Mot  (Jean  de).  —  Crémation  et  séjour 

des  morts,  XXIII,  85. 
MLLDER  (D.).—  L'Iliade  et  ses  sources. 

XXIV,  91  . 
MÏILLER    (E.).   —  Les   dieux    dans    la 

tragédie  grecque,  XXIII,  482. 
MULLER(Franz).  —  L'Odyssée  illustrée 

dans  l'antiquité,  XXVIII,  83. 
MOLLER    (K.    0.).    —   Corresp.     avec 

/..  Schor/u   XXIV,    360. 
MiJNSCHER    (K.).  —    Les   Philostrate, 

XXI,  228. 
MLRRAY  (G.).  —  Origines  de  l'épopée. 

XXL   393.    —  Éd.   d'Euripide,    XXII, 

351  ;  XXIII,  346.  —  V.  Euripide. 
Musée  national  d'Athènes.  Guide  illus- 
tré, XXII,  xuii  ;   XXIII,  295. 
Musée  de  Volo.  Catalogue,  XXIII,  73. 
Musées  Ottomans,  XXII.  472. 
MUTSCHMANN     (H.).     —      Tendance, 

Composition  et  sources  du  Traité  du 

Sublime.  XXVIII,  84. 
Mystères  et  Christianisme,  XXVII,  337. 

—  Mystères  de   Mithra,  XXVII,  338. 
Mythologie  des  nombres,   XXVII,    334. 

NACHMANSON  (E.).  —  Contributions  à 
la  connaissance  du  parler  populaire 
des  anciens  Grecs,  XXV,  234. 

Naupacte  (un  métropolite  de),  XXVII, 
226. 

NAVARRE  (Ch.)  et  A.  VALENTIN.  — 
Chefs  -  d'œuvre  de  la  littérature 
grecque,  XXV,  234. 

Némésios  d'Èmèse,  XXVIII,  71. 

Nicandros  et  Ovide,  XXIV,  363. 

NICOLE  (G.).  —  Meidias,  XXII,  xl  et 
354.  —  Catalogue  des  vases  peints 
du  Musée   national  d'Athènes,  XXV, 


448 


l'Al'.LES    DÉr.ENNAT.ES    DE    LA     u     lîEVrE 


i.xiv  et  477.  —  CorjMis  des  céranii.sles 
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NIHARD  (René).  —  Le  {.roblème  des 
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NOAILLES  (P.).  —  Les  collections  de 
Novelles  de  l'empereur  .Iiistinien. 
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Nomisma.  XXIV,  22:5:  XXVJll,  ;!:;2. 

Noms  des    oiseau.v  en  grec,  XX\',  419. 

NORWOOD  (G.).  —  Bacchantes  d'Eu- 
ripide, XXU,  210. 

Nouveau  Testament,  XXI.  383  ;  XXIV, 
353. 

Numismatique,  XXII,  58,  474.  —  Nu- 
mismatique byzantine,  XXVI.  107.  — 
Num.     constantinienne,     XXII,    63  ; 

XXVI,  88  ;  XXVII,  209.  —  Mélanges 
numismatiques  de  A.    DIEUDONNÉ, 

XXIII,  75. 

CSîlHLER  (J.).    —   Les  médecins  grecs. 

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dans   le    domaine   de  la    littérature 
classique,  XXVI,  93. 
OHNEFALSCH-RICHTER    (Magda  H.). 

—  Mœurs  et  (coutumes  grecques  à 
Gypre,  XXIX,  124. 

OLIVIERI  (A.;.  Ed.  de  PIIILODÈME. 
OLWER   (L.  N.  de).  —  Le  théâtre  de 

Ménandre,  XXVI,  94. 
OLYA|PIOS    (loannisj.  —     fl  cpiXocyocpia 

Tou  n'Xâxwvoçel;  c'jsTTiaa  sp[XT|V3U0[JL£vr|, 

XXVII,  352. 

OMONT  (H.).  —  Minoïde  Mynas  et  ses 

missions  en  Orient,  XXX,  238. 
OPPIEN.      Cynégétiques.     Voir-     BOU- 

DREAUX. 
Oracles    en   Grèce     et     Asie-Mineure, 

XXVII,  341. 
Orateurs  grecs,    fragments  nouveaux, 

XXVII,  343. 
Ostracisme,  XXI,  227. 
OTTE  (H.).  -    Aristote    connaît-il    ce 

qu'on   nomme  la   «  katharsis  tragi- 

C(ue  »?  XX VT.  96. 


PALAMAS   (K.).  —    Etudes   littéraires, 

XXII,  69.  —  'H  MrA'.ztioL  /a-  f,  Mova'Eîa, 
XXVI J,  35-;. 

PALASKAS.  Dict.  français-grec  des 
termes  maritimes,    XXIV,  225. 

Paléographie  grecque,  XXV,  212  ; 
XXVIII,  61. 

PALLADIUS.  —  Histoiî-e  Lausiaque, 
XXX,  239. 

PALLIS  îA.).  —  XXlIe  livre  de  V Iliade 
avec  notes  critiques,  XXIII,  257. 

PANCENKO.  —  Bulles  de  plomb  (Cons- 
tantinoplc),  XXIII,  356. 

PAPADOPOl'LO-KÉR.VMEUS.  —  Bi- 
bliothèque du  Patriarcat  de  Jérusa- 
lem. Ed.  du  Manuel  d'Iconographie 
chrétienne     de    Denys    de    Fourna, 

XXIII,  xxiii-xxvii. 
PAPAGEORGIOU   (P.    N.).  —  Ed.    de 

ÏElectre  de  SOPHOCLE,  XXIV.  225  ; 

XXIV,  xvii. 
PAPPADOPOULOS.     —    Théodore    II 

Lascaris,  XXI,  xxxii  :  XXII,  356. 
Papyrus.  British  Muséum,  XXI,  219  ; 
(t.  IV),  XXV,  215.  —  P.  de  Genève, 
éd.  ./.  Nicole,  XXIII,  242.  —  P.  d'Hi- 
beh.  XXII,  58.  -  P.  de  Leipzig,  XXII, 
67.  —  P.  d'Oxyrhynchos  (t.  VII), 
XXIV,  484);  (t.  YIII),  XXIV,  486; 
(t.  IX),  XXVI,  98  ;  (t.  XI),  XXIX,  119. 

—  P.  de  Tebtynis,  XXII,  60.  —  P.  de 
Théadelphie,  XXV,  lxiii  et  226.  — 
P.  grecs  d'époque  byzantine,  XXIV, 
212  ;  XXVII,  88.  —  P.  grecs.  V.  Jou- 
guet.  —Appellations  honorifiques 
dans  les  p.,  XXVII,  362. 

PARETl  (L.).  —  Chronologie  des  Hel- 
léniques   de  Xénophon,  XXIII,  484. 

—  Notes  sur  le  calendrier  Spartiate, 

XXIV,  488. 

Pâmasses,  Annuaires  7,8  et  9,  XXII,  72. 

Parthénon,  XXVIII,  66. 

PARTSCH    (J.).    —  Caution  en  Grèce, 

XXII,  476.  —  Le  traité  d' Aristote  sur 

les  crues  du  Nil,  XXVII,  90. 
PASCAL  (C).  —  Dioniso,  XXV,  236. 
Pasteur  rf'HERMAS,  trad.  Auguste  Le- 

long,  XXVII,   223. 
PATIN  (A.).  —  Études   d'esthétique  et 

de    critique    relatives    à     Sophocle, 

XXV,  237. 


TAHLE  DES  COMPTES  KEN DUS 


i49 


Palrolof/lae  indices,  XXVII,  216. 
Peinture  grecque,  XXIfl,  72. 
Pélasges,  XXI,  157. 

Pensre  religieuse  chez  les  Grecs  d'Ho- 
mère à  i'avèneiticnt  du  christia- 
nisme, XXX,  23G. 
PERDIUZET  (Paul;.  —  Fouilles  de 
Delphes,  tome  V,  XXll,  xxx.  — 
Bronzes  grecs  de  la  collection  Fon- 
quct,  XXVll,  90. 
Pères     apostoliques,     1,    éd.    Hemmer, 

Oger,  Laurent,  XXI,  402. 
Périclès  dans  la  comédie,  XXIIl,  9;J. 
PERNOÏ  (H.).  —  Girolamo  Germano. 
—   Phonétique  des  parlers    de  Chio, 
XXII,    XXXVI.    —    Ed.     du    Siège    de 
iW«Z/e,  XXIV,  90. 
PERROÏ  (G  )  et  CHIPIEZ  (C).  —  His- 
toire  de   FArt    (t.   IX),    XXIV,    491; 
(t.  X),  XVIII,  354. 
PERSSON  (Axel  W.).    —  Contribulion 
à  Fhistoire   du  texte    de  Xénophon, 
XXIX,  469. 
Pessimistnede  Platon,  XXVII,  192. 
PETERSEN  (W.).  -  Diminutifs  grecs 

en  -'.ov,  XXV,  478. 
PFEIFAUF  (A.).   —  Article  devant  les 
noms    propres     chez   Thucydide    et 
Hérodote,  XXII,  358. 
Phénicie,   numismatique,  XXVII,    342. 
PHILADELPHEUS   (Th.-N.).  —   Icrxop'a 
Twv  'Aôif]Vo>y  ir.l  Toupy.oxpaxia^,    XXIV, 
493. 
PHILODÈME.  —   Ed.  du  traité  Le  bon 

roi  d'après  Homère,  XXII I,  357. 

Philologie  (Histoire  de   la),  XXII,    213. 

PHILON,  XXII,    196.    -  Commentaire 

allég.  des  Saintes  Lois.  Ed.  et  trad. 

Bréhier,  XXIII,  364. 

Philosophes    (premiers)    grecs,    XXII, 

341. 
Philosophie  (Histoire  de  la),  XXII,  205. 
PHILOSTRATE  (les),  XXI,  228. 
PHILOSTRATOS.       —      Gymnastique, 
éd.  J.  Juthner,  XXV,  237.  —  La    vie 
d'Apollonios    de   Tyane,    les   lettres 
d'Apollonios  et    le   traité    d'Eusèbe, 
avec  trad.  anglaise  de  F.  C.  Cony- 
beare,  XXVII,  217. 
PHŒNIX  de  Golophon,  XXT,  386. 
Phonétiqne  grecque,  XXVII,  ?01, 


PIIOTIUS,  XXI.  107. 

PHUUTRIDES   (A.    E.;.   —  Le    choMir 

chez  Euripide,  XXX,  240. 
Phtiotide.  XXI,  405. 
PINDARE.  Septième  Néméenne,  XXIV. 

21S.  —  Picmiérc  Olympique',   XXVII, 

;{2y. 

PIZZAGALLI  (A.  M.).  —  Mythe  et 
poésie  dans  la  Grèce  antique,  XXVIIl, 
85. 

PLATON.  —  Apologie,  XXII,  340.  — 
Apologie,  Ménon,  éd.  Rurnet,  XXIV, 
94.  —  Banquet,  trad.  M.  Meunier, 
XXVIIl,  87.  —  Phédon,  éd.  Burnel, 
XXV,  238.  —  Op<-ra,  t.  Ill,  2,  éd. 
Burnel,  XXVI,  100.  —  OEuvres,  éd. 
Moràitis,  XXII,  352,  359;  XXVIIl,  80. 

—  Sophiste,  XXIII,  471.  —  Explica- 
tion du  système  de   P.,  XXVII,    352. 

—  Le  devenir  chez    P.,  XXVIH,    89. 

—  Histoire  du  texte  de  P.,  XXX,  207. 

—  Idées  et  Nombres  de  P.  d'après 
Aristote,  XXI,  xxviii.  —  Mathéma- 
tiques et  philosophie,  XXIII,  77.  — 
Science  sociale,  XXVII,  358. 

Pluriel  poétique  dans  la  tragédie,  XXV, 
473. 

PLUTARQUE,  Moralia,  XXVIIl,  77. 

Poètes  alexandrins,  XXX,  242. 

Poètes  dramatiques   grecs,    XXV,  471 . 

Poétique  d'Aristote,  XXVII,  81. 

POHLENZ  (Max).  —  Colère  divine, 
XXIII,  88.  —  Le  devenir  chez.  Pla- 
ton, XXVIIl,  89. 

POKORNY  (Erich).  —  Études  d'histoire 
grecque  au  iv^  s.  av.  J.-C,  XXVIIl, 
94. 

POLAND  (F.).  —  Les  Associations 
grecques,  XXIV,  299.  —  V.  BAUM- 
GARTEN  (F.). 

Polis  (la)  grecque,  de  H.  Francotte, 
XXIII,  231. 

Polybe,  XXII,  196.  —  Infinitif  chez 
P.,  XXII,  196. 

POLYGARPE    de  Smyrne,   XXIII,  486. 

POMTOW.  -  Delphica,  XXVI,  455. 

Pont  (Parlers  du),  XXH,  355. 

PORIOTIS  (Nicolas).  —  Rhodope,  tra- 
gédie en  4  épisodes,  XXVII,  356. 

POTTIER  (E.).  —  Correspondance, 
XXVIL  102. 


-Ï-.) 


oO 


TABL?:S  DECENNALES  DE  LA  «  REVUE 


PHASER  ;j.).  —  Histoire  des  Mèdes  et 
Perses,  XXIP  72;  XXIIP  484. 

Praxitèle.  -  V.  COLLIGNON. 

Préfets  d'Egypte,  XXVJII,  62. 

PREISIGKE  (Fr.l  —  Recueil  de  docu- 
ments grecs  d'Egypte,  XXV^Il,  '.V6H. 

PIIEUSCIIEN  iE.).  —  Lexique  du  Nou- 
veau Testament,  XXIV.  3.'j:). 

Priène,  Inscriptions,  XXV,  lxix,  405. 

PKlTTWrrZ-GAEKON(E.  voii).  —  Los 
jtroverbesdans  répigrànimc  grecfiuc, 

xxvii,2n. 

Pi'osopof/rap/tia  aHica.  (louiplétnenis, 
XXIV,  229. 

Proverbes  dans  rAnthologif,  XXVI 1, 
217. 

PSICIIARl  (J.).  —  Pôoa  7.aî  ar.Aa,  IV 
et  V,  XXII,  477.  —  Grec  de  la  Sep- 
tante, XXII,  360. 

Pylhagore  :  littérature  pythagori- 
cienne, XXX,  216. 

RABEL  (E.).    —  Hypothèque  et  droit 

de  propriété,  XXIII,  357. 
RADET  (G.).  —  Ephesiaca,  XXII,  358. 
RADOS  (Constantin  N. -.  —  La  bataille 

de  Salamine,  XXIX,    470. 
RAMBAUD    (Alfred).    —    Études      sur 

l'histoire  byzantine,  XXVII,  217. 
RAMSAY  (W.  M.)  et  Miss  G.  L.  BELL. 

—  Les  Mille  et  Une  Églises,  XXIII,  359. 
RAND  (E.  K.)  —  L'urbanité   dans   les 

Œuvres  et  Jours  d'Hésiode,  XXV,  240. 
RANKIN   (E.  M.).  —  Cuisiniers  grecs, 

XXII,  73. 
REES  (K.).  —  Les    trois    acteurs  dans 

le  théâtre  grec,  XXII,  361. 
REGNAUD   (P.).  —  Dictionnaire    éty- 
mologique du  latin  et  du  grec,  XXII, 

74. 
REICH  (E.).   —  Atlas    antiquus,  XXII, 

212.  —  Histoire    générale    (I   et    II), 

XXII,  480. 

REIK(K.).  —Optatif  chez  Polybe  et 
Philon,  XXII,  196. 

REINAGH  (S.).  —  Cultes,  mythes  et 
religions  (t.  II),  XXII,  74.  —  Réper- 
toire   de   reliefs  grecs    et    romains, 

XXIII,  90;  XXVII,  218. 
REINHARDT    (C).   —    Théologie    des 

Grecs,  XXV,  241. 


REITER  (S.).  —  Éd.  de  la  corresp.  de 
K.  0.  Millier  et  L.  Schorn,  XXIV,  360. 

REITZENSTEIN  (R.).  -  Début  du 
Lexique  de  Pholios,  XXI,  107. 

Reliefs  grecs  et  romains,  XXIII,  90  ; 
XXVII,  218. 

Religion,  XXll,  74,  483.  —  R.  grecque 
primitive,  XXI,  389.  —  R.  des  philo- 
soi)hes  grecs,  XXIII,  4SI.  —  Religions 
orientales,  XXI,  99. 

Renaissance  de  lu  Grèce  antique, 
XXIV,  xxni. 

RENSCil  (\V.).  —  L'AIVranchissement 
d'après  les  inscriptions  thessa- 
liennes,  XXII,  174. 

Représentations  dramatiques,  XXI,  162. 

Restauration  démocratique  à  Athènes 
en  403,  XXX,  214. 

Rhétorique  grecque,  XXIX,  464. 

Rhétorique  grecque  et  romaine, 
XXIV,  85. 

RICHARDSON  (L.  J.).  —  Glyconiques 
grecs  et  latins,  XXX,  241. 

Rites  de  purification.  —  XXIV,  229. 

ROBBLNS  ^Franck  Egleston).  —  La 
littérature  hexaemérale,  XXVII,  219. 

ROBERT  (C).  —  Nouveau  Ménandre, 
XXII,  207.  —  Études  sur  les  Epilre- 
pontes  de  Ménandre,  XXVI I,  220.  — 
GeneLliliacon,  mélanges  offerts  à 
R.,  XXIV,  216. 

ROBERT  (F.).  —  Noms  des  oiseaux  en 
grec  ancien,  XXV,  479. 

ROBERTSON  (A.  J.).  —  Grammaire  du 
grec  du  N.  T.,  XXV,  480. 

ROBIN  (L.).  —  Théorie  platonicienne  de 
l'amour,  XXI,  xxx,  394.  —  Théorie 
platonicienne  des  Idées  et  des  Nom- 
bres, XXI,  xxviii,  396.  —  Mémorables 
de  Xénophon,  XXV,  241.  —  Platon 
et  la  science  sociale,  XXVII,  359. 

RONZEVALLE  (Louis).  —  Emprunts 
turcs  dans  le  grec  vulgaire  de  Rou- 
mélie,  XXVIII,  357.  -  Correspon- 
dance, XXIX,  245. 

ROSTAGNI  (A.).  —  Poètes  Alexandrins, 
XXX,  242. 

ROUFFIAC.  —  Inscriptions  de  Priène  et 
le  grec  du  N.  T.,  XXV,  lxix. 

RUELLE  (C.  M.).  —V.  Catalogus  codd. 
astrol. 


TAI5LE    DES    COMPTES    RENDIS 


i;H 


Uythme    indo-européen,    X.W'II,    19f). 

SACHS  (Eva).  —  Théétète  mathéma- 
ticien d'Athènes,   XXIX,  125. 

Saint-Nicolas  dans  l'Église  grecque, 
XXVIl,  :J28. 

SANCTIS  (G.  de).  —  Histoire  des  Uo- 
mains,  t.  I  et  II,  XXI,  229.  —  Essais 
sur  la  science  de  l'antiquité,  XXII. 
481. 

SANDYS  (J.-E.).  —  Histoire  de  la  phi- 
lologie (II  et  III,  XXII,  21.'].  —  Éd. 
nouvelle  de  V  'Aôr.vaior^  -oAus-a  d'A- 
ristote,  XXX.  243. 

SANTORINÉOS  (Nicos).  —  \\vp-oAoj- 
Xojoa,  XXVII,  92.  —  'laxop's;  Toj 
neXayoj  v.xl  tt,;  WxpoyiaX'.àç,  XXVI I. 
92. 

SARTIAUX  (F.).  —  Villes  mortes  d'Asie- 
Mineure,  XXV,  Lxxii.  —  Les  sculp- 
tures et  la  restauration  du  temple 
d'Assos  en  Troade,  XXIX,  127.  — 
Troie,  la  guerre  de  Troie  et  les  ori- 
gines préhistoriques  de  la  question 
d'Orient,  XXIX,  127. 

Scène  antique,  XXVIII,  78. 

SCHEIL  (V.)  —  Le  Gobryas  de  la  Cyro- 
pédie  et  les  textes  cunéiformes,  XXX, 
244. 

SCHMIDT  (E.).  —  Importations  de 
cultes,  XXIV,  220. 

SCHMIDT  (W.).  —  Anniversaire  dans 
l'antiquité,  XXII,  482. 

SCHWAB  (M.).  —  Inscriptions  hébraï- 
ques d'Espagne,  XXII,  77. 

SCOPAS.  —  Voir  COLLIGXON. 

SCOTT     (J.-E.).    —    Sigmatisme    grec, 

XXIII,  362. 

Sculptures  archaïques,  XXIX,  336.  — 
S,  grecque,  XXIX,  462,  —  S.  romaine, 
XXII,  77.  —  En  ronde  bosse,  XXIX, 
75.  —  Sculptures  du  musée  de  Cons- 
tantinople,  XXVIII,  77. 

SEAGER  (R.  B.).  —  Exploration  de 
l'île  de  Mochlos,  XXVI,  101. 

Secrétaires  athéniens,  XXV,  lxvu, 

SEGALÀ.    —    Trad.    esp.    de    VIliade, 

XXIV,  360.  —  La  Théogonie,  XXVll, 
329. 

Sélinonte,  XXIV,  xxvii,  361. 
Septante,  XXII,  360. 


SERKIJVS     1).;.  —    Procédés  toniques, 
d'IIiinérius,  XXII,  362.  —  Fragments 
de  Stohée,  XXVI,  103,  267. 
SEUKE      G.).    —     Antiquité     thraces, 

XXVIII,  96;  XXX,  244. 
SIIOOBRIl)GE(L.).  —  V.  WALDSTEIN 

(Ch.). 
SHOBEY  (P.  .  -  Dimètre  choriam- 
bique,  XXII,  362.  —  «I'ût:;,  [xz^éir,. 
i::i7Tf,;j.T.,  XXIV,  228.  —  Equivalent 
grec  de  ladverbe  romain,  XXV, 
243. 

SIGG  (H.;.  —  Le  jeu  de  l'acteur  princi- 
pal et  les  personnages  secondaires 
dans  le  drame  de  Sophocle,  XXX, 
245. 

Sigmatisme  grec,  XXIIl,  362. 

SOBOLEVSKI  (Sergius).  —  V.  CERE- 
TELLI. 

Socrate   d'après    Xénophon,  XXV,  241. 

SOKOLOF(F.F.).—  OEuvres, XXIV,  229, 

Solon,  XXI,  226. 

SOPHOCLE,  XXV,  237.  —  Anliqone. 
traduction,  XXI,  231.  —  Electre,  éd. 
Papaqeorqiou,  XXIV,  xvii  et  225.  — 
Electre,  XXVII,  329.  —  Fragments 
nouveaux,  XXVIl,  328. 

SPANOS  (K.).  —  Grammaire  grecque, 
édit.  Bnsilikos,  XXII,  363. 

Speusippe.  XXV,  228. 

STAEHELIN  (Rudolfj.  —  La  manlique 
dans  le  drame  ancien,  XXVII,  221, 

STAIS.  —  Guide  illustré  du  Musée 
national  d'Athènes,  XXII,  xliii. 

STARKIE  (J.  M.).  —Éd.  des  Acharniens, 
XXIII,  362. 

Statuaire  grecque  au  vi^  s.  Type  mas- 
culin. —  Voir  DEONNA. 

STEARNS,  éd.  de  Fragments  de  la  litt. 
judéo-hellénique,  XXIV,  350. 

STOBÉE,  XXVI,  103  ;  267,  269. 

Stoïciens,  XXI,  382. 

Stoïciens  et  sceptiques,  XXVII,  330. 

STRONG  (Mrs.  A.).  —  Sculpture  ro- 
maine d'Auguste  à  Constantin,  XXII, 
77. 

STROP  (Em.  de}.  —  Manichéisme, 
XXIII,  91. 

STUREL  (R.),  —  Amyot,  trad.  des 
Vies  parallèles  de  Plutarque,  XXIIl, 

XXXI. 


rABLKS    DECENNALES    DE    LA 


lŒVUE 


STUHTEVANT(E.  H.).  —  Terminaisons 
labiales,  XXV,  481. 

SUNDWALL  (J.).  —  Cycle  de  19  ans 
dans  le  calendrier,  XXI II,  483.  — 
Compléments  à  la  Prosopographia 
atlica,  XXIV,  229. 

SVORONOS.  —  Musée  national  d'Athè- 
nes, XX11I,295. 

SWINDLER  (M.  fï.).  —  Éléments 
Cretois  dans  le  culte  et  le  rituel 
d'Apollon,  XXX,  247. 

Synonymes  grecs,  XXIV,  86. 

TACCONE  (Angelo).  —  V.  ÏHÉOCKIÏE. 
TAFKALÏ    (0.).    —    Thessalonique    au 

xive  siècle,  XXVI,  l.xvii  ;  XXVII,  222. 

—    Topographie    de    Thessalonique, 

XXVI,  Lxxii;  XXVII,  222.— Mélanges 
d'archéologie  et  d'épigraphie  byzan- 
tines, XXVII,  360. 

TATIEN.  —  Style,  XXIII,  78. 
Terminologie  scénique,  XXIV,   330. 
Testament,  donation,  adoption,  XXIII, 

228. 
Théâtre  grec,  XXII,  361 . 
THÉÉTÈTE,  mathématicien  d'Athènes, 

XXIX,  125. 
THÉOCRITE,  trad.  en  vers  italiens  de 

Taccone    (Angelo),   XXVIII,  96.  —  T. 

dans   la   littérature  anglaise,   XXIV, 

91. 
Théodore    11     Lascaris.     XXI,    xxxii  ; 

XXII,  356. 
THÉOGNIS.  -  Éd.  Hudson    Williams, 

XXIV,  362. 
Théogonie  d'Hésiode,  XXVII,  326. 
THÉOPHRASTE.    —    Caractères,     éd. 

Diels,  XXlll,  365. 
THÉOPOMPE.  —  Fragments,  XXIII,  92. 
THÉROS  (Agis).   —    Chansons    popu- 
laires, XXHI,  92. 
Thessalie  (agriculture  et  agriculteurs), 

XXVII,  93. 

Thessalonique  au  xiv»  siècle,  XXVII, 
222.  —  Topographie,  XXVII,  222. 

THIBAUT.  —  Monuments  de  la  nota- 
tion ekphonétique  et  hagiopolite  de 
l'Église  grecque,  XXVII,  lxxv, 

THIEME  (G.).  —  Périclès  dans  la  co- 
médie, XXHI,  93. 

THOMAS  (Emil).  —Études  sur   mis- 


Loire  des  langues  latine  et   grecque, 

XXVII,  224. 
THOMSON    (J.    H.  K.).  -Études    sur 

rOdyssée,  XXVIII,  97. 
Thrace.   archéologie,   XXX,  244. 
THUCYDIDE,  XXn,  3.^)8.  —   Livre   IV, 

éd.  T.  R.  Mills  et  St.  Jones,  XXHI,  366. 
THUMB  (A.).  —  Manuel   des  dialectes 

grecs,  XXVI,  103. 
TILLYARD.  —  V.  'VVACE. 
TOURREIL   M.    de),   trad.    de   Démos- 

thène.  XXIV,  345. 
T0UTAIN(J.).  —   Cultes    païens   dans 

l'empire  romain,  t  I,  XIX,  404. 
Tragiques  grecs   fragments,    papyrus 

éd.  A.  H  uni,  XXVI,  107. 
Traité  du  Sublime,  XXVIII,  84. 
Traités  internationaux,  XXI,  159,  387. 
Transactions  of  the  third  international 

Congress  for  the  history  of  religions., 

XXII,  483. 
Troie  et  Chypre,  XXI,  221. 
Troie    et   la    question  d'Orient,  XXIX, 

127. 
TSOPOTOS(D.  K.).  —Vr^  xai  Teopyol  xfi; 

BsaaaXiaç    xaxà     tV    Toupxoxpaxiav, 

XXVII,  93. 
TSOUNTAS.  —   Fouilles  de   Dimini  et 

Spsklo,  XXII,  xLin. 
TUCKER  (T.  G.).  —  Athènes  ancienne, 

XXI,  232. 
TURNER   (Leslie  Morton).  —  Du  con- 
flit tragique  chez  les  Grecs    et  dans 

Shakespeare,  XXVIII,  99. 
TYRRELL.    —    Essais   de    littérature 

grecque,  XXIll,  486. 


USENER  (Hermann). 
XXVni,  101. 


Petits   écrits, 


VALLETTE  (P.).  —  Œnomaos  le  Cy- 
nique, XXIII,  XXVII. 

Vases  de  l'Ermitage,  XXII,  488. 

Vénus  de  Milo,  XXII,  459. 

Verbe  grec  (sa  position),  XXVII,  79. 

VERRAL.  —  V.  Eschyle. 

Vie  grecque,  XXI,  406. 

Vin.  Emplois  rituels,  XXIV,  222. 

Vocabulaire  comparé  mexicain-aryen, 
XXIII,  74. 

VOGT  (A).  —  Basile  T,  XXII,  487. 


TAHLK    DES    r:O.MPTES    HKNDl^S 


i:;:^ 


VOLLGRAKP  (W.).  -  Nicandios  et 
Ovide„XXIV,  363. 

VOLONAKIS  (M).  —  Instruction  civi- 
que, XXll,  214. 


WACK  et  TlLLVARl)  —  Inscriptions 
.le  Sparte,  XXI,  171. 

WACKERNAGEL  (J  ),  XXVJl,  22:j.  — 
Sur  quelques  formes  anciennes  d'in- 
terpellation, XXVII,  225. 

WAECHTER  (Th.).  —  Rites  de  purifi- 
cation, XXIV,  229. 

WAGNER  (Hermann).— V.  Geographi- 
sches  Jahrbuch. 

WAGNER  (Richard).  —  V.  BAUMGAR- 
TEN  (Fritz). 

WALDHAUER  (0.).  -  Vases  de  l'Ermi- 
tage, XXII,  488. 

WAJ.DSTEIN  (Ch.)  et  SHOOBRIDGE 
(L.).  —  Herculanum,  XXIII,  95. 

WALKER.  —  Essai  d'isométrie,  XXIII, 
487. 

WALTZ  (Ad.  et  Pierre).  —  Grecs  et 
Latins,  XXVII,  125, 

WALTZ  (P.).  —  OEuvres  attribuées  à 
Hésiode,  XXI,  405.  — Éd.  d^ÉSIODE, 
Travaux  et  jours,  XXIII,  477. 

WEBER  (H.).  —  Études  sur  Aristo- 
phane, XXII,  489. 

WEINREICH  (0.)  —  Guérisons  miracu- 
leuses. XXIII,  367. 

WELNHOFER(M.).-  Jean  Apokoukos, 
métropolite  de  Naupacte  en  Étolie, 
V.  1155-1233,  XXVil,  236, 


WENGER  (L.).  —  Droit  romain  dans 
renseignement,  XXII,  82. 

VVHITE  (J.  W.;.  —  Trimètre  iambique 
de  Mrnandre,  XXIII,  97.  —  Le  vers 
de  la  Comédie  grecque,  XXVII,  361. 

WILHELM(A.).  —  Documents  sur  les 
représentations  dramatiques,  XXI, 
162.  —  Nouvelles  contributions  à  l'épi- 
graphe grecque,  XXVI,  443.  —  Docu- 
ments attiques,  XXVI,  443. 

WITKOROSKI  (J.).  —Études  sur  Aris- 
tophane, XXV,  481. 

WRIGHT  (J.),  —  Grammaire  comparée 
de  la  langue  grecque,  XXV.  482. 

WROTH  (W.).  —  Catalogue  des  mon- 
naies impériales  byzantines  au  Bri- 
tish  Muséum,  XXVI,  107. 

XANTHOUDIDIS  (É.).  —  Les  Juifs  en 
Crète  sous  la  domination  vénitienne, 
XXIV,  230.  —   Erolocrilos,    XXVIII, 

LXXXIV. 

XÉNOPHON,  ^poZo.çte  de  Socra/e,XXVlI, 
329.  —  Helléniques,  XXIII,  484  — 
Langue  de  X.,  XXV,  470.  -  X.,XXIX, 
469. 

ZEHETMAÏR   (Aloysius).  —  Des  titres 

honorifiques  dans  les  papyrus  grecs, 

XXVII,  362. 
ZIEBARTH  (E).  —  Tableaux  de   la  vie 

grecque,  XXI,  406.—  Écoles  en  Grèce, 

XXII,  490. 
ZORELL   (Fr.  S.  J.).  —  Lexique  grec 

du  Nouveau  Testament,  XXVII,  94. 


TABLE  DES  MATIERES 


PARTIE    ADMINISTRATIVE    ET    ACTES    DE    L'ASSOCIATION 

Pajjes 

Acles  de  V Association i 

Assemblée  générale  du  24  mai  1917 xi 

Allocution  de  M.  Mkillet,  président xi 

Rapport  de  M.  G.  Dalmeyda,  secrétaire-adjoint  sur  les  travaux   et 

les  concours  de  Tannée  1916-1917 xvii 

Rapport  du  trésorier-adjoint xxxiv 

PARTIE  LITTÉRAIRE 

RoDiN  (L.) Histoire  et  Riographie  :   Phanias  d'Érèse 117 

Cloché  (P) Le    décret  de   401/0  en  l'honneur  des  métèques 

revenus  de  Philè 384 

GoLix  (G.) Les    sept     derniers     chapitres    de     T  \\6T,vato)v 

-rroXixeta 20 

Croiset  (A.) Les  nouveaux  fragments  d'Antiphon 1 

François  (L.) Dion  Chrysostome,  critique   d'art  :  Le  Zeus  de 

Phidias 105 

Gernet  (L.) Hypothèses  sur  le  contrat  primitif  en  Grèce. . .    249,  363 

HoLLEAUx   (M.) Études    d'histoire    hellénistique.  Sur    la   guerre 

Cretoise  (y.oT,xi/cô<;  rôXôixo;;) 88 

JououET   (P.) Sur     les     méthodes   égyptiennes    à    la    fin   du 

ne   siècle    après    J.-C.,   d'après    les    papyrus 

Rylands 294 

Omont  (IL) Un  helléniste  du  xvi^  siècle  :  Excellence  de  l'affi- 
nité de  la  langue  grecque  avec  la  française,  par 
RIasset 158 

CHRONIQUE 

De  RiDUER  (A.) Ruiletin  archéologique 167 

Deon^ïa  (W.) Ruiletin  archéologique 329 

Roussel  (P.)  et- Nicole  (G.).     Ruiletin  épigraphique 409 

BIRLlOGRAPHIE 
Ouvrages  déposés  au   Bureau  de  la  Reçue 426 


Hou  à  tirer  donné  U;  23  mars  1919. 
Le  rédacteur  en  chef,  Gustave  Glotz. 


TABLE    DES    MATIERES 


TABLE    DES    COMPTES    IIENDLS    BIHLKX.HAPHIQLES 

Allk.n  (J.  t.) Greck  aclln;/  iit  Ihe   fiflft  Ccniurij  (l>.  Méridier,.  :J()»i 

Alline  (H.) Uisloive  du  Lexle  de  P/alon  (L.  Kobini :20-j 

Clochk  (P.) Art   Restauration  déinocratique  à  Athèites  en  -W^l 

av.  J.-C.  (P.  Roussel) 214 

Defekraui  (R.  J.) Lucian's  Atliclsm  (S.  Chabert) 21(i 

Delatte  (A.) Etudes      sur     la       littérature      f'i/t/uiffoiicienne 

,  L.   Robin) 221 

Dictionnaire  des  antiquités  grecque  et  romaine,  fasc.  51  (A.  P.) 227 

Hack  (R.  K.) The  doctrine  of  literary  forms  (L.  Méridier) 221 

Manning  (A.  G.) A  study  of  archaïsm  in  Euripides  (A,  Puech)...  229 

Matthieu  (G.) Aristote,   Constitution  d'Athènes  iR,  Jardillier).  230 

MooRE  (G.  H.) The  religions  Thought  of  the  Greeks  from  Hoiner 

lo  Ihe  Iriumph  of  Chris  tianity  (A.  Puech)....  236 

Nicole  (G.) Corpus  des  Céramistes  grecs  (E.  Pottier) 231 

Omont  (H.) Minoïde  Mynas  et  ses  missions  en  Orient  (H.  Le- 

bègue) 23S 

Pallauius Histoire  Lausiaque,  trad.  Lucot   (A.  Puech) 239 

Phoutrides  (A.  E.). . .       The   Chorus  of  Euripides  [k.  Puecli) 240 

RiCHARDSON   (L.  J,;. . .       Greek  and  Latin  Glyconics  (A.  P.) 241 

RosTAGNi  (A.) Foeti  alessandrini  (L.  François) 242 

Sandys  (J.  E.) Aristoteles  Constitution  of  Athens  (A.  Puech)...  244 

ScHEiL  [\ .) Le  Gobryas   de  la  Cyropédie  et  les  textes  cunéi- 
formes (G.  G  lotz) 244 

Seure  (G.) Irchéologie  Thrace  :L.  Méridier) 244 

SiGG  (H.) Die   Aktionsart   des  Uauptspielers  und    die   Ne- 

fjenpersonen    in    den   Sophokleischen   Dramen 

;  L.  Méridier) 244 

Swinoler  (M.  H.) Cretan    Eléments    in    the  cuits   and  Rilual   of 

Apollo   (L.  Méridier) 246 

Tables  décennales  (pour  les  années  XXI-XXX) 431 


Le  Puy-en-Velay.  —  Iinp.  l'eyriller,  Koucliou  et  Oamoii,  boulevard  Carnot,  23. 


DF 
10 

t.30 


Revue  des  études  grecques 


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